1.1.10. Si Aest un anneau intègre, on définit un corps Frac(A), dit corps des
fractions de A, dont les éléments sont les symboles formels a
qavec a∈Aet q∈
A\{0}, en convenant d’identifier a
qavec a0
q0lorsque aq0=a0q(i.e., formellement,
Frac(A)est le quotient de A×(A\{0})par la relation d’équivalence qu’on vient
de dire) ; la structure d’anneau est définie par a
q+a0
q0=aq0+a0q
qq0et a
q·a0
q0=aa0
qq0. On
a aussi un morphisme injectif A→Frac(A)envoyant asur a
1, et on identifiera A
à son image par ce morphisme.
À titre d’exemple, Frac(Z)est Q(c’est même la définition de ce dernier).
1.1.11. Le corps des fractions d’un anneau intègre Avérifie la propriété
« universelle » suivante : si Kest un corps quelconque, et ϕ:A→K
un morphisme d’anneaux injectif, il existe un unique morphisme de corps
ˆϕ: Frac(A)→K(i.e., extension de corps, cf. ci-dessous) qui prolonge ϕ(i.e.,
ˆϕ(a) = ϕ(a)si a∈A). En effet, il suffit de définir ˆϕ(a
q)par ϕ(a)/ϕ(q).
Ainsi, Frac(A)est engendré en tant que corps par les éléments de A
(comparer 1.2.4).
1.1.12. Le corps des fractions de l’anneau k[t1, . . . , tn]des polynômes en n
indéterminées t1, . . . , tnsur un corps kest appelé corps des fractions rationnelles
(ou parfois « fonctions rationnelles ») en nindéterminées t1, . . . , tnsur k, et
noté k(t1, . . . , tn).
1.1.13. Le fait suivant sera important : si kest un corps et Kune k-algèbre de
dimension finie intègre, alors Kest, en fait, un corps. En effet, une application k-
linéaire K→Kinjective est automatiquement bijective, et en appliquant ce fait
à la multiplication par un a∈K, on voit que tout élément régulier est inversible.
1.1.14. Rappelons par ailleurs le lemme de Gauß concernant les polynômes
irréductibles : si Aest un anneau factoriel et Kson corps des fractions, alors
l’anneau A[t]des polynômes en une indéterminée sur Aest factoriel ; et par
ailleurs f∈A[t]est irréductible (dans A[t]) si et seulement si fest constant
et irréductible dans A,ou bien fest irréductible dans K[t]et le pgcd (dans A)
des coefficients de fvaut 1(on dit que fest primitif lorsque cette dernière
condition est vérifiée). Le point-clé dans la démonstration est de montrer que
le pgcd c(f)des coefficients d’un polynôme dans A[t], aussi appelé contenu
de f, est multiplicatif (i.e., c(fg) = c(f)c(g)) ; la décomposition en facteurs
irréductibles dans A[t]d’un élément de A[t]s’obtient alors à partir de celle de
K[t]et de celle dans Adu contenu.
Notamment, le corps k[z1, . . . , zn]des fractions rationnelles en n
indéterminées sur un corps kest un anneau factoriel, un polynôme f∈
k[z1, . . . , zn, t](en n+ 1 indéterminées) irréductible et faisant effectivement
intervenir test encore irréductible dans k(z1, . . . , zn)[t], et réciproquement, un
polynôme irréductible dans k(z1, . . . , zn)[t]donne un polynôme irréductible dans
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