Mars 2010 Vol. 12 Hémocultures – aussi pour la médecine de premiers recours ? No 3 Page 1/2 F. Bally, G. Praz, Institut Central des Hôpitaux Valaisans, Sion Introduction Contaminations Les hémocultures contribuent aux diagnostics microbiologiques d’infections depuis des décennies. Le laboratoire de microbiologie de l’ICHV traite un nombre croissant d’échantillons par année (Fig. 1), plus de 14'000 paires en 2009 dont environs 10% sont positives. Le sang est un compartiment normalement stérile et même quand nos activités quotidiennes libèrent des bactéries dans la voie sanguine (Tableau 1), celles-ci sont éliminées en quelques minutes. Toute bactérie qui persiste dans le sang est à considérer comme pathogène invasif. La bactériémie prouve l'infection et, selon le microorganisme mis en évidence, apporte des indices sur l'origine de l'infection même en l'absence de foyer clinique. Les hémocultures sont prélevées par paires. Les deux bouteilles contiennent des milieux différents pour permettre une croissance en aérobiose (bactéries aérobies) et en anaérobiose (bactéries aérobies-anaérobies). La bouteille anaérobie est nécessaire, non seulement pour mettre en évidence les bactéries anaérobies strictes, par exemple Bactéroides fragilis mais également des bactéries aérobies et anaérobies. Ainsi l'utilisation des deux bouteilles augmente la sensibilité globale des hémocultures. Le sang pour l’hémoculture peut être contaminé par des saprophytes cutanés emportés lors de la ponction veineuse ou lors du branchement sur un cathéter intravasculaire. Il s’agit surtout de Staphylocoques à coagulase négative (p.ex. S. epidermidis, S. hominis etc.) et moins souvent de Corynebactéries, Proprionibactéries et de Microcoques. En général (mais pas toujours) seule une bouteille sur plusieurs est positive. Ces bactéries cutanées peuvent aussi être la cause d’une infection. Le plus souvent il s’agit alors d’une infection d’un corps étranger, par exemple d’un cathéter intravasculaire (y compris port-a-cath), d’une prothèse articulaire ou valvulaire. S. aureus, une bactérie cutanée, ne doit jamais être considérée un contaminant. Pour prévenir et, le cas échéant, reconnaitre les contaminations, quelques règles sont à respecter : Procédure/Manipulation % hémocultures positives Brosser les dents 0-26 Mâcher (bonbon ou paraffine) 17-51 Extraction dentaire 18-85 Amygdalectomie 28-38 Oesophago-Gastro-Duodénoscopie 8-12 Sigmoïdoscopie/colonoscopie 0-9.5 Résection transurétrale de la prostate 12-46 1. Asepsie maximale : Désinfection soignée de la peau avec une solution alcoolique. Les mains du soignant qui prélève doivent être désinfectées avec une solution hydro-alcoolique. Port de gants à usage unique, non stériles (Fig. 2). Le bouchon en caoutchouc de la bouteille doit également être désinfecté. 2. Les prélèvements par ponction veineuse ont deux à trois fois moins de risque d’être contaminés que les prélèvements par un cathéter qui sont à éviter sauf en cas de suspicion d’une infection de cathéter. 3. Prélever au moins 2 paires par épisode : une faible proportion de bouteilles positives avec une bactérie cutanée parle en faveur d’une contamination. Si plusieurs bouteilles sont positives avec la même bactérie une infection est hautement probable, tout comme toute paire positive pour S. doré ou toute autre bactérie qui n’appartient pas à la flore cutanée. Tableau 1 : Exemples de pourcentages d’hémocultures passagèrement positives durant certaines activités [1] Les bactériémies diagnostiquées dans les hôpitaux du RSV font l’objet d’une surveillance continue utile pour l'épidémiologie des infections nosocomiales et de bactériémies à bactéries multirésistantes. Ces données représentent la pointe d’un iceberg et permettent de réagir face à un environnement évolutif. Ainsi l’ICHV a enregistré pour la première fois 4 bactériémies à entérobactéries productrices d’une bétalactamase à spectre élargi (BLSE) en 2008. Le nombre de bactériémies à S. aureus résistants à la méthicilline (MRSA) est également en augmentation (2009 : 7 cas en Valais). Nombre de paires 15000 10000 Figure 2 : prélèvement d’hémocultures avec des précautions d’asepsie maximale Bactéries fastidieuses 5000 0 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Figure 1 : nombre de paires d’hémocultures provenant des hôpitaux du Valais, analysées au laboratoire de microbiologie de l’ICHV Les milieux de culture à disposition aujourd’hui permettent de mettre en évidence un large éventail de bactéries ainsi que les levures, souvent déjà dans les 24 à 48 heures. Les hémocultures sont incubées 7 jours. Ce délai permet, avec les milieux utilisés actuellement, la détection de la très grande majorité des microorganismes y compris des bactéries fastidieuses à croissance lente comme Brucella sp., Nocardia sp. et les bactéries du groupe HACEK (Haemophilus, Actinobacillus, Cardiobacterium, Eikenella, Kingella) responsable d'endocardite lente. Pour des cas particuliers une incubation prolongée peut être demandée au laboratoire. Les mycobactéries ne poussent pas dans ces milieux et un milieu spécifique leur est destiné. Page 2/2 Combien d’hémocultures ? Les chances de trouver des bactéries dépendent surtout du volume de sang prélevé et moins d’autres facteurs comme le timing par rapport au pic fébrile. Cette relation n’est pas linéaire et au-delà de 3 ou 4 paires le gain en sensibilité devient de plus en plus faible. En général il est recommandé de prélever deux paires sauf pour des enfants en bas âge. Le traditionnel intervalle de 30 min. entre deux prélèvements n’est pas documenté efficace pour augmenter les chances de détection de bactéries. De ce fait, si l'indication à une antibiothérapie est retenue on peut prélever préalablement deux ou trois paires d'hémocultures. Dans le cas contraire il est préférable d'espacer les prélèvements. La mise en évidence d'une bactériémie soutenue (par ex. au delà de douze heures) constitue un critère diagnostique déterminant pour des infections endovasculaires (endocardite, prothèse vasculaire, pacemaker etc.). 3. Fièvre d’origine inconnue, notamment suspicion d’endocardite : deux paires d’hémocultures lors des pics fébriles, répétées si la clinique est peu parlante, sont à faire. Une endocardite à bactérie classique devient très improbable si plusieurs prises d’hémocultures sont négatives, à condition que la personne n’ait pas reçu d’antibiotique au préalable. Aspects pratiques : 1. Prélèvement à l’ICHV: Le médecin peut adresser le patient muni d’une ordonnance précisant la demande à l’ICHV (Consultation des Maladies Infectieuses), après prise de rendez-vous et durant les heures de travail. 2. Kit Hémoculture (Fig. 3) : Le 027 6034700 prend votre commande (No. de commande 620216) et organise le transport des échantillons de votre cabinet au laboratoire. Résultats faux négatifs : antibiotiques ! Aucune infection n’est obligatoirement bactériémique et la présence de bactéries dans la voie sanguine peut être considérée comme critère de gravité. Cependant dans la vie pratique ce sont les désinfectants et surtout les antibiotiques systémiques qui empêchent la croissance : Après la désinfection de la peau il faut laisser complètement sécher le désinfectant pour éviter qu’il soit aspiré dans la bouteille lors du prélèvement. Même en cas d’infection sévère il est possible de faire des prélèvements avant de débuter une antibiothérapie empirique. Celle-ci est indiquée chez les patients avec les signes d’une infection grave (exemple : sepsis sévère), ou cliniquement documentée (exemple : cystite, pneumonie). Il en est de même pour les patients neutropéniques et fébriles. Chez les autres patients en état stable, le traitement peut être retardé, avec un suivi clinique, en attendant les résultats des investigations microbiologiques. Les traitements ‘d’épreuve’ sont à proscrire car la ‘réponse’ représente le plus souvent l’évolution naturelle de l’affection. Le traitement antibiotique non indiqué peut empêcher le diagnostic microbiologique. Hémocultures recours ? chez le médecin du premier Les hémocultures ne sont que peu utilisées en cabinet, possiblement en raison de difficultés logistiques. Elles sont pourtant importantes pour le diagnostic de tout état fébrile sans foyer clinique décelable. Voici quelques indications [2]: 1. Suspicion d’infection urinaire chez le porteur d’une sonde : Le diagnostic de l’infection urinaire sur sonde est un diagnostic d’exclusion, défini comme état fébrile (ou son équivalent chez la personne âgée: état confusionnel, nouvelle incontinence, chutes) chez un porteur de sonde urinaire bactériurique et sans autre foyer clinique. Cette infection est souvent diagnostiquée sur la base d’une bandelette ou d’un sédiment montrant une leucocyturie ou une bactériurie ou sur la base de critères subjectifs comme des urines troubles ou floconneuses ou encore malodorantes. Comme beaucoup de porteurs de sonde asymptomatiques ont ces critères, l’antibiothérapie introduite restera sans bénéfice, mais comporte le risque d’effets secondaires (y compris la colite à C. difficile) et, surtout avec l’utilisation répétée, le risque de sélection de bactéries résistantes. Comme 50% des bactériémies chez les patients âgées en institution sont d’origine urinaire [3], l’hémoculture (en parallèle avec la culture des urines) permet d’en diagnostiquer davantage. 2. Suspicion d’infection de cathéter intraveineux (notamment porta-cath ou cathéter de dialyse) : Une paire d’hémocultures par voie plus une paire prélevée en périphérie sont nécessaires pour interpréter correctement les résultats. Il est important de bien préciser sur la demande par quelle voie l’hémoculture a été prélevée. Figure 3: Set de prélèvement hémocultures (No. de commande 620216) Tarif Hémoculture négative : Position LA : 3304.00 / 50 pts Hémoculture positive : Position LA : 3305.00 / 155 pts (culture) Position LA : 3306.00 / 98 pts (identification + antibiogramme) Litérature [1] [2] [3] Everett ED et al. Transient bacteremia and endocarditis prophylaxis. A review. Medicine (Baltimore). 1977;56:61 Mandell, Douglas, and Bennett's Principles and Practice of Infectious Diseases, Chapter 17: Blood specimens. 7th ed. – 2009, Churchill-Livingstone Muder RR et al. Bacteremia in a long-term-care facility: a five-year prospective study of 163 consecutive episodes. CID 1992; 14(3): 647-654 Contacts Consultation des maladies infectieuses Laboratoire de microbiologie Dr Gérard Praz Dr Frank Bally 027 603 4780 027 603 4881 [email protected] [email protected]