Hémocultures – aussi pour la médecine de premiers recours ? Page

Introduction
Les hémocultures contribuent aux diagnostics microbiologiques
d’infections depuis des décennies. Le laboratoire de microbiologie
de l’ICHV traite un nombre croissant d’échantillons par année
(Fig. 1), plus de 14'000 paires en 2009 dont environs 10% sont
positives. Le sang est un compartiment normalement stérile et
même quand nos activités quotidiennes libèrent des bactéries dans
la voie sanguine (Tableau 1), celles-ci sont éliminées en quelques
minutes. Toute bactérie qui persiste dans le sang est à considérer
comme pathogène invasif. La bactériémie prouve l'infection et,
selon le microorganisme mis en évidence, apporte des indices sur
l'origine de l'infection même en l'absence de foyer clinique. Les
hémocultures sont prélevées par paires. Les deux bouteilles
contiennent des milieux différents pour permettre une croissance
en aérobiose (bactéries aérobies) et en anaérobiose (bactéries
aérobies-anaérobies). La bouteille anaérobie est nécessaire, non
seulement pour mettre en évidence les bactéries anaérobies
strictes, par exemple Bactéroides fragilis mais également des
bactéries aérobies et anaérobies. Ainsi l'utilisation des deux
bouteilles augmente la sensibilité globale des hémocultures.
Les bactériémies diagnostiquées dans les hôpitaux du RSV font
l’objet d’une surveillance continue utile pour l'épidémiologie des
infections nosocomiales et de bactériémies à bactéries multi-
résistantes. Ces données représentent la pointe d’un iceberg et
permettent de réagir face à un environnement évolutif. Ainsi l’ICHV
a enregistré pour la première fois 4 bactériémies à entérobactéries
productrices d’une bétalactamase à spectre élargi (BLSE) en 2008.
Le nombre de bactériémies à S. aureus résistants à la méthicilline
(MRSA) est également en augmentation (2009 : 7 cas en Valais).
Contaminations
Le sang pour l’hémoculture peut être contaminé par des
saprophytes cutanés emportés lors de la ponction veineuse ou lors
du branchement sur un cathéter intravasculaire. Il s’agit surtout de
Staphylocoques à coagulase négative (p.ex. S. epidermidis,
S. hominis etc.) et moins souvent de Corynebactéries,
Proprionibactéries et de Microcoques. En général (mais pas
toujours) seule une bouteille sur plusieurs est positive. Ces
bactéries cutanées peuvent aussi être la cause d’une infection. Le
plus souvent il s’agit alors d’une infection d’un corps étranger, par
exemple d’un cathéter intravasculaire (y compris port-a-cath), d’une
prothèse articulaire ou valvulaire. S. aureus, une bactérie cutanée,
ne doit jamais être considérée un contaminant. Pour prévenir et, le
cas échéant, reconnaitre les contaminations, quelques règles sont
à respecter :
1. Asepsie maximale : Désinfection soignée de la peau avec une
solution alcoolique. Les mains du soignant qui prélève doivent
être désinfectées avec une solution hydro-alcoolique. Port de
gants à usage unique, non stériles (Fig. 2). Le bouchon en
caoutchouc de la bouteille doit également être désinfecté.
2. Les prélèvements par ponction veineuse ont deux à trois fois
moins de risque d’être contaminés que les prélèvements par un
cathéter qui sont à éviter sauf en cas de suspicion d’une
infection de cathéter.
3. Prélever au moins 2 paires par épisode : une faible proportion
de bouteilles positives avec une bactérie cutanée parle en
faveur d’une contamination. Si plusieurs bouteilles sont
positives avec la même bactérie une infection est hautement
probable, tout comme toute paire positive pour S. doré ou toute
autre bactérie qui n’appartient pas à la flore cutanée.
Bactéries fastidieuses
Les milieux de culture à disposition aujourd’hui permettent de
mettre en évidence un large éventail de bactéries ainsi que les
levures, souvent déjà dans les 24 à 48 heures. Les hémocultures
sont incubées 7 jours. Ce délai permet, avec les milieux utilisés
actuellement, la détection de la très grande majorité des
microorganismes y compris des bactéries fastidieuses à croissance
lente comme Brucella sp., Nocardia sp. et les bactéries du groupe
HACEK (Haemophilus, Actinobacillus, Cardiobacterium, Eikenella,
Kingella) responsable d'endocardite lente. Pour des cas particuliers
une incubation prolongée peut être demandée au laboratoire. Les
mycobactéries ne poussent pas dans ces milieux et un milieu
spécifique leur est destiné.
Mars 2010
Vol. 12 N
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Hémocultures – aussi pour la médecine de premiers recours ?
F. Bally, G. Praz, Institut Central des Hôpitaux Valaisans, Sion
0
5000
10000
15000
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Nombre de paires
Figure 1 : nombre de paires d’hémocultures provenant des hôpitaux du Valais, analy-
sées au laboratoire de microbiologie de l’ICHV
Figure 2 : prélèvement d’hémocultures avec des précautions d’asepsie maximale
Procédure/Manipulation % hémocultures
positives
Brosser les dents 0-26
Mâcher (bonbon ou paraffine) 17-51
Extraction dentaire 18-85
Amygdalectomie 28-38
Oesophago-Gastro-Duodénoscopie 8-12
Sigmoïdoscopie/colonoscopie 0-9.5
Résection transurétrale de la prostate 12-46
Tableau 1 : Exemples de pourcentages d’hémocultures passagèrement positives
durant certaines activités [1]
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Combien d’hémocultures ?
Les chances de trouver des bactéries dépendent surtout du volume
de sang prélevé et moins d’autres facteurs comme le timing par
rapport au pic fébrile. Cette relation n’est pas linéaire et au-delà de
3 ou 4 paires le gain en sensibilité devient de plus en plus faible. En
général il est recommandé de prélever deux paires sauf pour des
enfants en bas âge. Le traditionnel intervalle de 30 min. entre deux
prélèvements n’est pas documenté efficace pour augmenter les
chances de détection de bactéries. De ce fait, si l'indication à une
antibiothérapie est retenue on peut prélever préalablement deux
ou trois paires d'hémocultures. Dans le cas contraire il est
préférable d'espacer les prélèvements. La mise en évidence d'une
bactériémie soutenue (par ex. au delà de douze heures) constitue
un critère diagnostique déterminant pour des infections
endovasculaires (endocardite, prothèse vasculaire, pacemaker
etc.).
Résultats faux négatifs : antibiotiques !
Aucune infection n’est obligatoirement bactériémique et la présence de
bactéries dans la voie sanguine peut être considérée comme critère de
gravité. Cependant dans la vie pratique ce sont les désinfectants et
surtout les antibiotiques systémiques qui empêchent la croissance :
Après la désinfection de la peau il faut laisser complètement sécher le
désinfectant pour éviter qu’il soit aspiré dans la bouteille lors du
prélèvement. Même en cas d’infection sévère il est possible de faire
des prélèvements avant de débuter une antibiothérapie empirique.
Celle-ci est indiquée chez les patients avec les signes d’une
infection grave (exemple : sepsis sévère), ou cliniquement
documentée (exemple : cystite, pneumonie). Il en est de même
pour les patients neutropéniques et fébriles. Chez les autres
patients en état stable, le traitement peut être retardé, avec un suivi
clinique, en attendant les résultats des investigations
microbiologiques. Les traitements ‘d’épreuve’ sont à proscrire car la
‘réponse’ représente le plus souvent l’évolution naturelle de
l’affection. Le traitement antibiotique non indiqué peut empêcher le
diagnostic microbiologique.
Hémocultures chez le médecin du premier
recours ?
Les hémocultures ne sont que peu utilisées en cabinet,
possiblement en raison de difficultés logistiques. Elles sont pourtant
importantes pour le diagnostic de tout état fébrile sans foyer
clinique décelable. Voici quelques indications [2]:
1. Suspicion d’infection urinaire chez le porteur d’une sonde : Le
diagnostic de l’infection urinaire sur sonde est un diagnostic
d’exclusion, défini comme état fébrile (ou son équivalent chez la
personne âgée: état confusionnel, nouvelle incontinence,
chutes) chez un porteur de sonde urinaire bactériurique et sans
autre foyer clinique. Cette infection est souvent diagnostiquée
sur la base d’une bandelette ou d’un sédiment montrant une
leucocyturie ou une bactériurie ou sur la base de critères
subjectifs comme des urines troubles ou floconneuses ou
encore malodorantes. Comme beaucoup de porteurs de sonde
asymptomatiques ont ces critères, l’antibiothérapie introduite
restera sans bénéfice, mais comporte le risque d’effets
secondaires (y compris la colite à C. difficile) et, surtout avec
l’utilisation répétée, le risque de sélection de bactéries
résistantes. Comme 50% des bactériémies chez les patients
âgées en institution sont d’origine urinaire [3], l’hémoculture (en
parallèle avec la culture des urines) permet d’en diagnostiquer
davantage.
2. Suspicion d’infection de cathéter intraveineux (notamment port-
a-cath ou cathéter de dialyse) : Une paire d’hémocultures par
voie plus une paire prélevée en périphérie sont nécessaires
pour interpréter correctement les résultats. Il est important de
bien préciser sur la demande par quelle voie l’hémoculture a
été prélevée.
3. Fièvre d’origine inconnue, notamment suspicion d’endocardite :
deux paires d’hémocultures lors des pics fébriles, répétées si la
clinique est peu parlante, sont à faire. Une endocardite à
bactérie classique devient très improbable si plusieurs prises
d’hémocultures sont négatives, à condition que la personne
n’ait pas reçu d’antibiotique au préalable.
Aspects pratiques :
1. Prélèvement à l’ICHV: Le médecin peut adresser le patient
muni d’une ordonnance précisant la demande à l’ICHV
(Consultation des Maladies Infectieuses), après prise de
rendez-vous et durant les heures de travail.
2. Kit Hémoculture (Fig. 3) : Le 027 6034700 prend votre
commande (No. de commande 620216) et organise le transport
des échantillons de votre cabinet au laboratoire.
Tarif
Hémoculture négative : Position LA : 3304.00 / 50 pts
Hémoculture positive : Position LA : 3305.00 / 155 pts (culture)
Position LA : 3306.00 / 98 pts
(identification + antibiogramme)
Litérature
[1] Everett ED et al. Transient bacteremia and endocarditis
prophylaxis. A review. Medicine (Baltimore). 1977;56:61
[2] Mandell, Douglas, and Bennett's Principles and Practice of
Infectious Diseases, Chapter 17: Blood specimens. 7th ed.
– 2009, Churchill-Livingstone
[3] Muder RR et al. Bacteremia in a long-term-care facility: a
five-year prospective study of 163 consecutive episodes.
CID 1992; 14(3): 647-654
Contacts
Consultation des maladies infectieuses 027 603 4780
Laboratoire de microbiologie 027 603 4881
Dr Gérard Praz gerard[email protected]
Dr Frank Bally frank[email protected]
Figure 3: Set de prélèvement hémocultures (No. de commande 620216)
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