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En quelques années, ce courant a pris un essor considé-
rable, particulièrement aux États-Unis, mais pas unique-
ment
7
. Plus de cinquante groupes de recherche impli-
quant plus de cent cinquante universitaires dans diverses
régions du monde s’intéressent à ces thématiques. Plu-
sieurs dizaines d’universités américaines et européennes
dispensent des cours sur la psychologie positive.
J’ai par ailleurs noté l’existence d’au moins huit ouvra-
ges collectifs et quinze numéros spéciaux de revues
scientifiques entièrement consacrés à ce thème
8
. Ceci
sans compter les centaines d’articles et de livres sur tel
ou tel aspect de la psychologie positive. De plus, en
janvier 2006 est paru le premier numéro de la revue
scientifique à parution trimestrielle The Journal of posi-
tive psychology.
Chaque année a lieu à Washington un colloque inter-
national qui rassemble plusieurs centaines de profes-
sionnels venant d’une quarantaine de pays. Il existe
un réseau européen de psychologie positive
9
. En juillet
2004, le second congrès de ce réseau s’est déroulé en
Italie et a rassemblé 300 personnes du monde entier,
et du 18 au 20 avril 2007 a eu lieu le premier collo-
que de psychologie positive appliquée, à Warwick, au
Royaume-Uni, tout particulièrement pour ses apports
dans le travail, l’éducation et la santé.
Diagnostiquer
les forces du caractère
L’une des réalisations de ce courant de recherche et
d’enseignement est la rédaction d’un ouvrage collectif
recensant les principales forces de caractère présentes
chez l’être humain
10
. L’objectif clairement affiché de
ses auteurs était de réaliser pour le bien-être psycholo-
gique ce que les manuels de diagnostics psychiatriques
avaient fait pour les troubles psychologiques.
Les auteurs ont recensé la littérature scientifique perti-
nente portant sur les facettes positives de l’être humain
dans les domaines suivants : psychologie, psychiatrie,
éducation, religion, philosophie, sciences des organisa-
tions. Ils ont également examiné divers produits cultu-
rels tels que les chansons et croyances populaires, les
histoires pour enfants, les annonces personnelles dans
les journaux. Pour limiter le risque de tomber dans
le piège d’une vision culturellement prédéterminée,
les chercheurs ont étudié diverses grandes traditions
philosophiques et religieuses (par exemple, le confu-
cianisme, le taoïsme, le bouddhisme, l’hindouisme, la
philosophie athénienne, le judaïsme, le christianisme
et l’islam), ce qui leur a permis de constater que cer-
taines vertus, telles que le courage, la sagesse, l’hu-
manité, la justice, la tempérance et la transcendance,
sont très largement valorisées. Diverses études ont par
ailleurs confirmé que des sociétés aussi diverses que
les Masais du Kenya et les Inuits du Groenland exaltent
ces mêmes vertus.
Les chercheurs ont retenu douze critères pour accepter
une force de caractère en tant que telle. Il fallait, par
exemple, qu’elle soit valorisée dans de nombreuses
cultures, qu’elle possède un opposé « négatif » évident,
institutions »
6
. Comme cette définition l’indique, il ne
s’agit pas d’une conception égocentrique, caractérisée
par la quête quasi exclusive de l’épanouissement et du
développement personnel. Elle concerne également
les relations interpersonnelles et les questions sociales,
voire politiques. Les différents thèmes abordés par la
psychologie positive correspondent à ces trois niveaux
de l’être humain, comme le montrent les quelques
exemples suivants.
Au niveau individuel : bien-être et bonheur, créati-
vité, sentiment d’efficacité personnelle, estime de soi,
humour, sens de la vie, optimisme, etc.
Au niveau interpersonnel : altruisme, amitié et amour,
coopération, empathie, pardon, etc.
Au niveau social : courage, engagement militant,
médiation internationale, etc.
Ainsi, la psychologie positive peut tout aussi bien
concerner l’épanouissement des élèves d’un collège,
les bonnes relations au sein d’une équipe de travail ou
encore le mode de communication entre diplomates
élaborant un traité de paix.
S’intéresser à la psychologie positive ne consiste pas à
se percevoir ou à observer le monde qui nous entoure
d’une manière idéalisée, comme au travers de lunet-
tes roses. Il ne s’agit pas non plus de mettre de côté
les connaissances acquises sur la souffrance psychi-
que et sur les moyens d’y remédier. Le courant de la
psychologie positive considère simplement qu’à côté
des multiples problèmes et dysfonctionnements indi-
viduels et collectifs s’exprime et se développe toute
une vie riche de sens et de potentialités. Elle est donc
un complément logique au corpus de recherches sur la
psychologie clinique et la psychopathologie.
7 - Seligman, M., Steen, T. A.,
Park, N., & Peterson, C. (2005)
Positive psychology progress;
Empirical validation of inter-
ventions, American Psycholo-
gist, 60 (5), 410-421.
8 - Les plus connus sont :
- American psychologist de
janvier 2000 (vol. 55, n° 1)
– le numéro qui a « lancé »
le courant de la psychologie
positive.
- The psychologist, mars 2003,
vol. 16, n° 3 ;
- Snyder C. R. & Lopez S. J.
(2002). Handbook of positive
psychology, Oxford University
Press;
- Peterson C. and Seligman
M. (dir.) (2004). Character
Strengths and Virtues: A
Handbook and Classification,
Oxford University Press.
Voir également deux numéros
spéciaux de la Revue québé-
coise de psychologie, l’un sur
le bonheur (1997, vol. 18 n°
2), l’autre sur la psychologie
positive (2005, vol. 26, n° 1).
9 - Voir le site http://www.
enpp.org/
10 - Peterson, C. and Selig-
man, M., (dir.), (2004) Op. cit.
Voir aussi Peterson, C. et
Park, N., (2005) Classification
et évaluation des forces du
caractère, Revue québécoise
de psychologie, 26 (1). 23-
40.
11 - Voir le site http://www.
authentichappiness.org
(cliquer sur via signature
strengths questionnaire).
12 - Keyes, C.L.M., (2005)
Une conception élargie de la
santé mentale, Revue québé-
coise de psychologie, 26 (1),
145-163.
>>>
Psycho +
PSYCHO
média - N° 13 - JuiN / Juillet 2007
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