Qui a participé à l’essai ?
L’essai ACCORD 16/0708 s’adressait à des patients présentant la forme la plus fréquente de
cancer du canal anal, celui-ci devant être à un stade dit « localement avancé ». Cela signifie
que la taille de la tumeur était relativement importante, mais que cette dernière ne touchait
pas les ganglions environnants et qu’elle ne s’était pas étendue à d’autres localisations à
distance (métastases).
L’essai, qui a débuté en mars 2009 dans une quinzaine de centres hospitaliers en France,
prévoyait d’inclure au total 77 patients. Une analyse des données recueillies auprès des 35
premiers participants était prévue qui devait permettre de déterminer si l’essai pouvait ou
non se poursuivre. En réalité, l’essai a été interrompu après l’inclusion de 16 patients (14
femmes et deux hommes).
Quel traitement ont-ils reçu ?
Le traitement proposé était le suivant :
- La thérapie ciblée par cetuximab pendant 6 semaines, administrée une fois par semaine par
perfusion intraveineuse.
- Une radiothérapie pendant 5 semaines, administrée 5 jours par semaine.
- Une chimiothérapie par 5-FU, administrée pendant 4 jours à deux reprises, et par cisplatine,
administré deux fois. Ces deux médicaments sont injectés par perfusion intraveineuse.
La thérapie ciblée commençait une semaine avant la radiothérapie, puis se poursuivait pendant
la durée de celle-ci. La chimiothérapie était elle aussi administrée pendant la radiothérapie,
lors de la première et de la dernière semaine de celle-ci.
Seulement la moitié des patients inclus ont reçu la totalité de ce traitement.
Pourquoi l’essai a-t-il été arrêté prématurément ?
La tolérance au traitement proposé a été médiocre. En effet, l’essai ACCORD 16/0708 a été
interrompu une première fois en juillet 2009 après l’inclusion de 10 patients lorsqu’il a été
constaté que trois d’entre eux ont présenté des effets indésirables graves. Après analyse
des dossiers des participants, les responsables de l’essai ont décidé de diminuer la dose du
5-FU, dans l’espoir d’améliorer la tolérance du traitement expérimental, et de reprendre les
inclusions en décembre 2009. Six patients supplémentaires ont alors été inclus, dont trois
ont présenté à nouveaux des effets indésirables sévères. Les inclusions ont dès lors été
suspendues en mai 2010, puis l’essai définitivement arrêté en novembre 2010.
Les effets indésirables les plus sérieux ont été une baisse importante de certaines cellules du
sang, exposant à un risque élevé d’infections, des diarrhées et des troubles cutané sous forme
d’acné ou de rougeurs s’apparentant à des coups de soleil. Chez trois patients, des effets
indésirables ont persisté pendant plusieurs mois.
Que faut-il penser de ce résultat ?
La conclusion à tirer de l’essai ACCORD 16/0708 est malheureusement évidente : le
traitement évalué, à savoir l’ajout d’une thérapie ciblée par cetuximab au traitement
standard, ne peut être recommandé pour traiter les personnes atteintes d’un cancer du
canal anal localement avancé. Même s’il est peut-être efficace (ce que l’essai ne peut
montrer compte tenu du faible nombre de patient inclus), ce schéma thérapeutique
expose à trop d’effets indésirables et présente donc trop de risque pour les patients.
Un tel résultat n’est jamais une bonne nouvelle ! C’est néanmoins une information
importante qui permettra d’éviter qu’à l’avenir d’autres patients se voient proposer le
traitement évalué et soient donc exposés à des risques d’effets indésirables graves. D’où
l’importance de faire connaître ce résultat auprès des médecins et des patients.
[ LEXIQUE ]
• Chimiothérapie : thérapie
comprenant un ou
plusieurs les médicaments
qui visent à détruire les
cellules cancéreuses ou
à les empêcher de se
multiplier, entraînant leur
mort. Ils peuvent être
administrés par perfusion
ou par voie orale.
• Effet indésirable :
réaction nocive et
non désirée liée à un
médicament.
• Radiothérapie :
traitement local du cancer
à l’aide d’un appareil qui
émet des rayons. Ces
rayons, dirigés vers la
tumeur, vont la détruire.
Ce traitement se fait dans
un service spécialisé de
radiothérapie. On parle
aussi de rayons ou de
séance de rayons.
• Récidive : réapparition
des signes ou des
symptômes signalant
la présence du cancer
après une rémission. Une
récidive peut survenir très
tôt après les traitements,
mais aussi après une
longue période de
rémission apparente.
• Rémission : diminution
ou disparition des signes
et des symptômes d’une
maladie.
ACCORD 14 et ACCORD 16 étaient des essais pilotes évaluant des traitements expérimentaux
auprès d’un nombre limité de patients. De tels essais sont indispensables au progrès médical. Si
les résultats sont prometteurs, ils permettent de pouvoir évaluer les nouveaux traitements auprès
d’un nombre beaucoup plus important de patients. Dans le cas contraire, de tels essais permettent
d’éviter d’exposer un grand nombre de patients à des traitements insuffisamment efficaces ou trop
toxiques. Comme tous les essais cliniques, ces essais pilotes font l’objet d’une surveillance très
précise, permettant de détecter rapidement les éventuels problèmes qui pourraient survenir. Pour
chaque essai, des professionnels spécialistes de la recherche clinique (Assistants de Recherche
Clinique et Département de pharmacovigilance) contrôlent en permanence les données recueillies,
notamment pour détecter tout événement susceptible de remettre en cause l’intérêt de l’essai.
C’est ce qui s’est produit pour ACCORD 14 et ACCORD 16.