Amundi Discussion Papers Series DP-10-2015 Mai 2015 Les cycles longs et les marchés d’actifs Éric Mijot, Stratégie et Recherche Économique Responsable de la Stratégie Réservé aux investisseurs professionnels Résumé L ’ambition de ce Discussion Paper est d’expliciter notre cadre d’analyse des marchés sur le long terme. Il s’insère en amont de celui que nous avons publié en octobre 2014 et qui s’intitule « Le cycle court de l’investissement : feuille de route ». Il s’agit ici de pouvoir identifier la période de dix à vingt ans dans laquelle on se situe pour mieux tirer parti des caractéristiques des différents placements, alors que l’interprétation des cycles courts permet d’affiner cette analyse pour mieux saisir les opportunités. La récession de 2008-2009 est la plus sévère depuis la seconde guerre mondiale. Notre génération n’a jamais vu ça. Certains ont même été jusqu’à parler de la fin du capitalisme. Cependant, en prenant du recul, on peut observer que les ruptures générationnelles sont finalement la règle et non l’exception. Des grands cycles d’une cinquantaine d’années embrassent ainsi toute l’activité économique. Au total, la datation de ces cycles n’est pas précise et varie selon que l’on mette l’accent sur l’une ou l’autre des variables prises en compte : la croissance économique, l’inflation ou l’endettement. Toutefois, chaque observateur des cycles longs s’entend à quelques années près pour délimiter des périodes qui se succèdent et se répètent avec des caractéristiques similaires, et ce depuis le début de l’industrialisation, soit plus de deux siècles d’observation. Au-delà des aspects purement économiques, c’est le comportement des actifs au cours de ces périodes qui nous intéresse. Nous avons donc daté ces cycles en observant d’abord le comportement des actifs, puis les données économiques. Nous allons d’ailleurs voir comment le cycle économique et le cycle des actifs correspondent sur longue période. On répertorie quatre grands cycles depuis la fin du xviiie siècle. Nous allons d’abord décrire les évidences empiriques que Kondratieff a mises en lumière sur deux cycles et demi et montrer qu’elles se sont répétées depuis. Nous expliciterons ensuite comment chacun de ces cycles se découpe en quatre phases en traitant du cas américain, puis montrerons que cette logique n’est pas seulement propre aux États-Unis, mais qu’on la retrouve dans la dizaine de pays que nous avons étudiés. Puis nous nous intéresserons au facteur démographique qui joue un rôle Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 3 essentiel dans les grands cycles et apporte des pistes intéressantes pour mieux appréhender l’avenir. Enfin, nous ferons quelques remarques sur les conséquences des transformations en cours sur le plan de la géopolitique et pour notre modèle de croissance avant de conclure. Ces recherches, entreprises depuis une trentaine d’années, sont structurantes dans notre démarche d’analyse des marchés et sous-jacentes aux analyses récurrentes produites pour les comités d’investissement. Mots-clés : allocation d’actifs, stratégie d’investissement, cycle boursier, cycle économique, cycle d’investissement, cycle long, market timing, marchés financiers, démographie 4 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Les cycles longs et les marchés d’actifs I. Kondratieff, le père des cycles longs Les grands cycles de la conjoncture ont été mis en évidence pour la première fois par Nicolaï Dimitrievitch Kondratieff en 1926. À la sortie de la première guerre mondiale, la toute jeune république soviétique devait mettre en place une nouvelle politique économique. Kondratieff (1892-1938) était alors impliqué dans la définition de la planification agricole en tant que directeur de l’institut de la conjoncture et enseignant à l’académie agricole de Pierre Le Grand. La planification requérant une vue à long terme, il effectuera un travail empirique de recherche en vue d’étudier le fonctionnement réel de l’économie depuis le début de l’industrialisation en s’appuyant sur les données de la GrandeBretagne, la France, l’Allemagne et des États-Unis. Il prendra en compte pour cela des données relatives aux prix, aux salaires, aux taux d’intérêt, aux matières premières, et au commerce international qu’il vérifiera ensuite en les rapprochant de séries sur la production et la consommation. Il présente ses travaux en 1926 avant d’être écarté de ses fonctions en 1928. Arrêté en juillet 1930, il sera fusillé en 1938. Ses observations le conduisaient à prévoir une régénérescence naturelle du capitalisme, à travers des cycles, ce qui était contraire aux vues officielles soviétiques de l’époque. Il remarque que deux grands cycles complets, d’une durée à peu près équivalente, de l’ordre d’une cinquantaine d’années, se sont succédés de la fin du x viii e à la fin du xix e siècle. Depuis les travaux de Kondratieff, un cycle et demi supplémentaire a été observé ; ce qui crédibilise encore davantage les conclusions de l’économiste russe, alors qu’en 1989 (chute du mur de Berlin) l’expérience du communisme faisait définitivement faillite. Selon Kondradieff, la longueur de ces cycles est liée à la durée de vie des infrastructures au sens large du terme (transport, communication mais aussi formation, etc). Ces grands cycles concernent tous les aspects de l’organisation humaine : l’économie bien sûr mais aussi les règles de fonctionnement de nos Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 5 sociétés capitalistes. À certains moments, des fractures se créent dans l’ordre établi qui structure nos modes de vie, ce qui génère des évolutions sociétales. Par ailleurs, ces cycles sont internationaux par nature et embrassent donc aussi les aspects géopolitiques. Ils présentent un caractère endogène. Ils se sont reproduits à des niveaux de développement et dans des contextes différents. L’histoire se répète toujours mais d’une manière différente d’une génération à l’autre ; ce qui confère d’ailleurs à la prévision économique ou boursière un caractère uniquement probabiliste. Kondratieff remarque plus précisément quatre qui se répètent et qu’il baptise « lois empiriques ». facteurs fondamentaux 1.1 L a première « loi » concerne les inventions : elles ont lieu une vingtaine d’années avant qu’elles ne soient vraiment mises en production à grande échelle La naissance de nouvelles technologies modifie ainsi en profondeur notre façon de vivre. Comme les investissements que nécessite leur développement sont importants et doivent être rentabilisés, les lobbies de ces industries puissantes participent à faire durer le mouvement. Les changements prennent forme progressivement et s’imposent quand nécessité économique et moyens financiers sont réunis, souvent après avoir poussé la logique précédente au-delà de la limite acceptable. Plus que les inventions elles-mêmes, c’est la démocratisation de ces technologies souvent à travers des inventions « secondaires » qui bouleverse vraiment la donne. Citons quelques inventions ou découvertes majeures qui ont marqué les quatre cycles Kondratieff passés et anticipons sur le suivant : •Cycle I (1783-1842) : Charbon, Machine à vapeur James Watt invente le condensateur en 1769 et le système de bielle manivelle en 1780, ce qui permettra de généraliser l’emploi de la machine à vapeur. Par ailleurs, le premier métier à tisser mis au point par Cartwright en 1787 se répandra en Angleterre dans les années 1830. •Cycle II (1842-1896) : Sidérurgie, Chemin de fer Les progrès dans le procédé de fonte grâce au coke, connu depuis 1709 mais pas mis en pratique avant les années 1850-60 sont à l’origine de la révolution technologique de ce cycle. Stephensen, lui, invente la locomotive dès 1813 et la première ligne de chemin de fer, entre Manchester et Liverpool, voit le jour en 1830. •Cycle III (1896-1949) : Électricité, Automobile Le premier transport d’électricité a lieu en 1883 grâce à M. Deprez, entre les villes de Vizille et de Grenoble alors que l’ampoule électrique à filament est l’œuvre d’Edison. Quant au moteur à explosion, sa mise au point fait suite aux 6 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 conceptions de Beau de Rochas en 1862. La fabrication d’un premier modèle par l’allemand Otto et sa miniaturisation par le français De Dion permettront à C. Benz de fabriquer la première voiture à essence en 1886. •Cycle IV (1949- ?) : Pétrole, Aéronautique Rockfeller crée la Standard Oil of California en 1870 et Ford consacre le moteur à essence en 1913 en lançant la Ford T ; les deux guerres mondiales démontreront le rôle stratégique du pétrole qui est désormais au cœur de nos économies. Quant à l’aéronautique, Santos-Dumont adapte le moteur à explosion jusqu’ici utilisé dans l’automobile en 1906 ; les deux guerres mondiales, là aussi, accéléreront son développement. L’aéronautique donnera naissance à l’aérospatiale et dynamisera le développement de l’électronique. •C ycle suivant : Internet, Nano et Biotechnologies, Robotique, voire Intelligence Artificielle En 1965, Gordon Moore, cofondateur d’Intel, leader mondial des semiconducteurs, prévoit que le nombre de transistors contenus dans un circuit intégré (puce électronique), doublera environ tous les deux ans, prédiction connue sous le nom de loi de Moore. Elle s’est révélée être incroyablement exacte. Cette avancée technologique phénoménale a permis de booster les capacités de stockage d’informations des ordinateurs, leur rapidité, et ouvert de nouvelles perspectives. Dès 1962, Paul Baran propose un système de communication décentralisé, en réseau, pour répondre aux exigences de sécurité nationale américaine en matière de communication. Cette idée ne sera transformée qu’en 1969 par la SSII américaine Bolt Beranek and Newman Inc qui inventera aussi le courrier électronique en 1971. En 1989, le britannique Berners-Lee invente le Web qui permettra au boom internet de prendre forme surtout à partir de 1995. Internet a bien sûr déjà commencé à transformer nos échanges de biens et services. Mais cela ne fait que commencer. Les nano et biotechnologies sont encore bien plus balbutiantes mais devraient aussi contribuer à transformer notre société. La miniaturisation informatique a permis à deux chercheurs d’IBM (Gerd Binnig et Heinrich Rohrer) de mettre au point en 1981 un microscope à effet tunnel, beaucoup plus puissant que les microscopes habituels, qui permet de travailler à l’échelle du nanomètre. Il est donc devenu possible de travailler la matière à l’échelle atomique, moléculaire ou macromoléculaire, dont les propriétés sont très différentes de ce qu’on connaît à l’échelle macro. Dans le prolongement de l’ère du charbon puis du pétrole, les nanotubes de carbone sont parmi les premières de ces particules à être travaillées. Cela ouvre un champ des possibles considérable. L’industrie textile (imperméabilité, isolation), celle des cosmétiques (crèmes solaires) s’y sont engouffrées rapidement. Les nanoparticules permettront d’accroître aussi l’efficience énergétique, en améliorant l’isolation ou encore en Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 7 démultipliant les capacités des cellules photovoltaïques. Les LEDs, issus des nanoparticules, présents tout d’abord dans nos feux rouges et les feux stop de nos véhicules, ont fini par éclairer nos logements. La porosité de certains de ces matériaux permet aussi d’entrevoir des améliorations dans le stockage de l’hydrogène, ce qui pourrait relancer la pile à combustion et apporter des solutions pour la voiture propre de demain. L’industrie pharmaceutique, qui a pratiquement épuisé les propriétés de la pétrochimie, y voit un champ très important de développement. Le séquençage du génome humain ouvre par ailleurs un autre domaine d’exploration considérable à la médecine qui est en train de se réinventer. À l’avenir, on ne traitera plus les maladies, mais les malades. Le coût de séquençage d’un génome humain s’est effondré depuis le début des années 2000 ; Estimé à 95 millions de dollars en 2001, il est aujourd’hui proche des 5 000 dollars, ce qui rend cette technologie de plus en plus accessible. Enfin, la robotique profite aussi de la miniaturisation. Les robots sont désormais capables de rendre des services même dans la vie quotidienne des consommateurs. Il faut s’attendre à ce que cette technologie bouleverse nos modes de vie et de production. Pour aller encore un cran plus loin, l’intelligence artificielle est également amenée à faire des progrès considérables. À cet égard, Ray Kurzweil montre que les circuits intégrés, dont l’évolution a été décrite par Gordon Moore de manière prémonitoire, font partie d’un processus enclenché depuis la fin du xix e siècle qui vise à améliorer la puissance de calcul : l’électromécanique vers 1900, puis les solid state relay (fin des années 1930 jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale), les Vacuum tube (de la seconde guerre mondiale à la fin des années 1950), les transistors (jusqu’au début des années 1970) et enfin les circuits intégrés, qui combinent ces transistors. Si la rapidité des progrès des vingt dernières années est amenée à se poursuivre au cours des vingt prochaines, la combinaison de l’électronique, des nano et bio technologies laisse entrevoir de gigantesques améliorations tant dans le domaine médical qu’en matière de robotique, si bien qu’on pourrait en effet parler d’intelligence artificielle ; certaines déficiences du cerveau notamment dues au vieillissement pourraient par exemple être traitées (Alzheimer, l’audition, la vue, etc.) et alors que la population vieillit, la robotique pourrait même prendre le relais pour doper notre productivité. Ce ne sont bien sûr que quelques exemples. Mais ils autorisent à penser que comme lors des quatre grands cycles précédents, ces inventions sont de nature à bouleverser notre façon de vivre. Leur développement à grande échelle s’organisera autour d’un nouveau cycle long. 8 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 1.2 L a seconde « loi » concerne les mouvements sociaux, les révolutions et les guerres : leur fréquence augmente à l’extrémité des cycles Les guerres peuvent parfois être stimulantes pour les économies quand elles ne se déroulent pas sur le territoire national ; leur préparation par exemple relance l’industrie. Mais dans tous les cas, elles dénaturent l’économie et il faut une récession post-guerre pour purger les effets artificiels. Cela montre que renverser un ordre et une direction établis depuis des décennies au niveau international nécessite un ou plusieurs puissants catalyseurs, que cela prend du temps et ne se fait pas sans tension. Les conflits de hauts de cycles longs prolongent les phases d’expansion et sont de nature hégémonique : •G uerres napoléoniennes en 1803-1815 (blocus continental anglais à partir de 1806), guerre anglo-américaine de 1812, • G uerre de Crimée 1854-1856, guerre civile aux États-Unis en 1861-65, Expéditions mexicaines (1864), bataille de Sadowa Prusse-Autriche (1866), guerre franco-allemande en 1870, •Guerres des Balkans 1912-1913, première guerre mondiale en 1914-1918, •Guerre du Vietnam 1964-1975, mouvements sociaux de mai 1968, Quant aux conflits de bas de cycles, ils correspondent plus à un recentrage des États sur eux-mêmes et présentent un caractère religieux ou ethnique plus fort : •Guerre d’indépendance américaine (1776-81), révolution française en 1789, •Mouvement révolutionnaire généralisé sur le continent européen en 1848, •A ssassinat du Tsar progressiste Alexandre II (1881), guerre sino-japonaise (1895), guerre gréco-turque pour la Crète (1897), guerre américanoespagnole (1898), guerres anglo-boer (1880-1881 puis 1899 – 1902), guerre russo-japonaise (1904-1905), •Guerre civile en Espagne, seconde guerre mondiale 1939-1945 •G uerre contre Al-Qaïda (Afghanistan, Irak) à partir du 11 septembre 2001, conflits suite à l’implosion de l’URSS (Tchétchénie 1999-2000, Géorgie 2008, Biélorussie 2009-2010, Ukraine 2014-2015), le printemps arabe en 2011 (Tunisie, Égypte, Libye, Yémen), guerre civile en Syrie depuis 2011. 1.3 L a troisième « loi » se rapporte à l’imbrication des cycles longs et courts Pendant la phase ascendante du cycle long, les cycles courts présentent une phase d’expansion plus longue que la correction qui suit. Le contraire se produit pendant la phase descendante du cycle long. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 9 En effet, chaque cycle long intègre plusieurs cycles courts et leur confère un ordre logique. Il ne s’agit pas de tomber dans du déterminisme mais d’admettre que chaque cycle a une influence sur le suivant. D’un côté, les phases de récessions majeures sont régénératrices à terme. De l’autre, la croissance ne peut pas être exponentielle. On comprend aussi que les inversions de tendance des cycles longs sont logiquement plus compliquées car il faut inverser la logique qui a prévalu pendant une ou deux décennies. On peut donc décomposer les cycles longs en quatre phases qu’on va expliciter dans les pages suivantes : une phase ascendante, une phase plus complexe de retournement à la baisse, puis une phase descendante, et enfin une autre phase plus complexe de retournement à la hausse. 1.4 L a quatrième « loi » a trait à la déflation des prix agricoles pendant les phases descendantes La dépression agricole amplifie la dépression industrielle. Cette caractéristique pourrait paraître désuète dans nos économies développées. Mais il faut considérer que dans les économies en développement, en Inde par exemple, la majorité de la population vit encore de l’agriculture ; l’inflation reste très impactée par les prix agricoles dans ces pays et les gouvernements en tiennent compte dans leurs politiques économiques, ne serait-ce que pour limiter les mouvements sociaux. II. Décomposition de ces grands cycles en quatre phases : l’exemple américain De nombreux observateurs ont pris le relais de Kondratieff en s’appuyant sur ses travaux dont certains furent publiés en allemand en 1926. En 1939, l’économiste autrichien Schumpeter, réfugié aux États-Unis, publia « Business Cycles », une analyse extrêmement complète des cycles depuis la révolution industrielle. Après la crise de 1973 qui mit en évidence que les grands cycles découverts par Kondratieff et révélés par Schumpeter au début du xx e siècle étaient une réalité aussi pour ce siècle, d’autres observateurs s’intéressèrent à nouveau aux cycles longs de façon encore plus précise. Comme mentionné ci-dessus, on décomposa alors ces grands cycles en quatre phases qui durent chacune de dix à vingt ans et qu’on baptise souvent du nom des saisons : printemps, été, automne, hiver. Ces « saisons » intègrent elles-mêmes chacune plusieurs cycles courts où se succèdent croissance et ralentissement, voire récession. 2.1 Observations des cycles longs sur des données financières Au niveau des actifs, ce découpage est particulièrement lisible sur le marché américain. On voit clairement que les taux longs, qui reflètent l’inflation, établissent un pic au cours de chaque grand cycle. Ils montent dans les deux premières 10 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 phases, puis baissent dans les deux suivantes. Quant au marché des actions, il alterne les phases de hausse et de baisse. Il monte dans la première phase, se replie dans la deuxième et ainsi de suite (voir schéma ci-dessous). 1 - Le principe PRINTEMPS ÉTÉ AUTOMNE HIVER Taux d'Intérêt Actions Source : Recherche Amundi Les graphiques qui suivent (pages 12 et 13) présentent les cours des actions de 6 manières différentes : en nominal, déflatés des prix à la consommation, des obligations d’État, de l’immobilier, des cours de l’or et enfin du prix des matières premières industrielles. Les points de passage d’un cycle à l’autre sont très cohérents. Chaque approche apporte un éclairage un peu différent pour aider à valider le changement de « saison » le moment venu. En nominal par exemple, les actions américaines établissent actuellement de nouveaux plus hauts, ce qui suggère que la phase printanière aurait déjà commencé aux États-Unis. Mais, une fois déflatées des prix à la consommation ou du prix des obligations d’État, ce ne serait pas encore le cas. Enfin, déflatées des prix de l’immobilier, des cours de l’or ou de ceux des matières premières industrielles, autrement dit du prix des actifs réels, il resterait encore plus de chemin à parcourir pour casser les plus hauts, ce qui peut nécessiter plusieurs vagues de hausse et de baisse pour y parvenir. Le ratio des cours des matières premières industrielles sur celui des obligations (voir graphique n°7) apporte un complément d’analyse particulièrement riche d’enseignement. Ainsi, en hiver, les obligations (inverse du rendement obligataire) surperforment les matières premières industrielles (le ratio monte) et celles-ci surperforment les actions hors dividende, ou au moins font jeu égal. En revanche, au printemps, les actions surperforment cette fois les matières premières qui surperforment quant à elles les obligations (le ratio baisse), ce qui n’est pas encore le cas. Selon cette dernière approche, et malgré les apparences en nominal, le marché américain serait donc encore dans sa phase hivernale. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 11 Marchés d’actions et taux d’intérêt à long terme américains n°4 2- Actions et taux d'intérêt à long terme S&P500 (100:1978, log) III II IV 16 14 625 12 125 10 25 6 8 4 5 1 2 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Taux longs (en %) I 3125 0 n°5 3- Actions / Prix à la consommation et taux d'intérêt à long terme II III IV 16 (100:1900, log) S&P500 réel 14 12 250 10 8 6 50 4 2 10 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Taux longs (en %) I 1250 0 n°6 I 3125 II III IV 16 14 625 12 10 125 8 25 6 4 5 1 2 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Taux longs (en %) (échelle log) S&P500 / Obligations 4- Actions / Obligations (RI) et taux d'intérêt à long terme 0 Source : Shiller, GFD, Kondratieff, Recherche Amundi Ces 3 graphiques représentent l’évolution des taux longs et des actions pendant les cycles longs. Les actions sont présentées de 3 manières différentes : en nominal (graphique n°2), déflatées des prix à la consommation (graphique n°3) puis des cours des obligations d’État (graphique n°4). Les taux longs montent pendant les 2 premières phases (printemps, été) de chaque cycle long (noté I, II, III, IV), puis baissent lors des 2 phases suivantes (automne et hiver). Les actions alternent les phases de hausse (printemps, automne) et de baisse (été, hiver). 12 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Marchés d’actions et taux d’intérêt à long terme américains n°7 5- Actions / Immobilier et taux d'intérêt à long terme I II III IV 16 14 12 8 (échelle log) Taux longs (en %) S&P500 / immobilier 16 10 4 8 2 4 6 2 1 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 0 n°8 6- Actions / Or et taux d'intérêt à long terme américains I II IV III 16 Taux longs (en %) 14 12 (en US$, log) S&P500 / Or 4.0 10 1.0 8 6 0.3 4 2 0.1 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 0 n°9 I III II IV 6.3 S&P 500 / Mat.Premières Industrielles 64 32 1.3 16 0.3 8 4 0.1 0.0 2 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Mat. Prem. Industrielles / Obligations 7- Actions / Mat. Premières Industrielles et Mat. Prem. Indus. / Obligations 1 Source : Shiller, GFD, Kondratieff, CRB, Recherche Amundi Dans cette série de 3 graphiques, les actions sont déflatées par des prix d’actifs réels ; par les prix immobiliers (graphique n°5), l’or en dollar (graphique n°6), puis les matières premières industrielles (graphique n°7). Ce dernier graphique présente aussi les matières premières industrielles rapportées aux obligations d’État. On en déduit notamment qu’en hiver, les matières premières surperforment les actions (hors dividende) et que les actions reprennent le dessus au printemps. De même, les matières premières sous-performent les obligations (coupon non réinvesti) en hiver et les surperforment au printemps. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 13 Les matières premières industrielles répondent à la loi de l’offre et de la demande et apportent un éclairage structurant car leur évolution est liée à la croissance économique de façon plus pure que les actions. De leur côté les obligations d’État reflètent notamment les anticipations d’inflation. Enfin, comme on peut considérer que le rendement des actions et de l’immobilier est équivalent sur longue période, le ratio des actions sur l’immobilier (hors rendement) est aussi très instructif (voir graphique n°5). Le ratio épouse incroyablement bien les saisons économiques. Ce qui signifie que si on doit choisir entre ces deux actifs, les plus performants à très long terme, mieux vaut encore privilégier l’immobilier en été et en hiver, malgré les forts décalages des cours observés sur ces deux saisons, et les actions au printemps et en automne. À ce sujet, Reinhart et Rogoff (2010) font remarquer que lors des crises bancaires, si les baisses de prix immobiliers sont de l’ordre de -35 % en moyenne sur 6 ans, tous pays confondus, elles sont de -56 % en moyenne sur les actions en 3 ans et demi. Elles sont donc plus brutales sur les actions et plus longues sur l’immobilier, mais quand même beaucoup moins que la durée moyenne d’une saison économique (17 ans). Dans le cadre d’un placement locatif, il faut bien sûr tenir compte des loyers ; le rendement compense en effet une partie de la baisse des prix annuelle. Il faut aussi tenir compte du taux d’emprunt. Or, ces périodes d’été et d’hiver sont propices à des taux réels en baisse, voire négatifs (plutôt au début de l’été et vers la fin de l’hiver), ce qui améliore le TRI (Taux de Rentabilité Interne) de l’opération. Mais l’investisseur doit être prêt à tenir ses positions, une fois l’opération réalisée, car elles seront moins liquides pendant ces saisons délicates. Pour conclure l’observation des données financières, les graphiques suivants font ressortir la performance annuelle moyenne des actifs corrigée de l’inflation, incluant cette fois-ci le rendement réinvesti, et par saison économique sur les quatre cycles longs puis les deux derniers, sur lesquels on dispose de plus de données. Nous allons commenter ces performances dans la section suivante. Rentabilités réelles des principaux actifs pendant les saisons des cycles longs pour un investisseur en USD 8- Rentabilités réelles pendant les cycles I, II, III, IV (moyennes annuelles) 20% Printemps Été Automne Hiver 15% 10% 5% 0% -5% Actions Obligations Or Source: Shiller, GFD, Kondratieff, Homer & Sylla, Datastream, Recherche Amundi 14 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 n°2 Rentabilités réelles des principaux actifs pendant les saisons des cycles longs pour un investisseur en USD n°3 9- Rentabilités réelles pendant les cycles III, IV (moyennes annuelles) Printemps 20% Été Automne Hiver 15% 10% 5% 0% -5% Actions Oblig. d'entreprises Oblig. d'Etat Monétaire Or Immobilier Source: Shiller, GFD, Kondratieff, Homer & Sylla, Moody's, Fed, Datastream, Recherche Amundi Les couleurs représentent les saisons économiques. Les rentabilités sont présentées corrigées de l’inflation et en « total return » (dividendes réinvestis). Les obligations d’État et d’entreprises sont supposées avoir une duration constante, en l’occurrence de 7 et 5 respectivement. Le rendement immobilier est supposé stable et équivalent à deux tiers de celui des actions (on estime que les charges représentent un tiers du loyer) et réinvesti. Ne retenir que les cycles III et IV (second graphique) permet de disposer de plus d’actifs pour notre comparaison. 2.2 Ces « saisons » correspondent aussi à une réalité économique Cette réalité économique a été mise en évidence notamment par le canadien Ian Gordon (1998), une des références planétaires pour la lecture des cycles longs. Le printemps économique (1842-1852/1896-1907/1949-1966) est une période de croissance durable et sans excès inflationniste La capacité productive de l’économie est obsolète et nécessite de nouveaux investissements. Les taux d’intérêt et les salaires sont au plus bas. Les banques qui ont survécu ont des liquidités suffisantes. La confiance des acteurs part d’un niveau très bas et remonte au fur et à mesure que la reconstruction et l’emploi se mettent en place. Les innovations majeures développées depuis la fin de l’automne économique et durant l’hiver qui précède se déclinent à travers d’autres innovations plus secondaires qui visent à satisfaire une demande de plus en plus vive. Les profits réels reprennent le chemin de la hausse et une spirale vertueuse se met en place. Au niveau des valeurs, le réalisme, le progrès et le libéralisme l’emportent. D’anciennes colonies accèdent à l’indépendance. C’est le cas par exemple de l’Australie en 1901, de l’Inde et du Pakistan en 1947 et d’une bonne partie de l’Afrique dans les années 1950-1960. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 15 Cette période est surtout favorable aux actions. L’immobilier résidentiel résiste mais se fait quand même distancer. Les obligations souffrent de la hausse des taux d’intérêt et des rendements assez bas. Les placements monétaires résistent mieux mais ne sont pas non plus très attractifs. L’or baisse systématiquement. L’été économique (1852-1866/1907-1920/1966-1982) est une période d’excès qui marque le point haut de l’inflation. Les capacités productives ont été reconstruites. Bien qu’elles tournent à plein régime, elles ne suffisent pas et les salaires augmentent plus vite que les gains de productivité. La spirale vertueuse se mue en spirale prix-salaires vicieuse. La rentabilité des sociétés souffre de la hausse des salaires, du prix des matières premières et du coût de la dette. L’emballement des prix est la principale caractéristique économique de cette saison, qui se termine par une récession majeure qui vient casser cette spirale (récession de juillet 1981 à novembre 1982 lors du dernier grand cycle aux États-Unis). Cette période est défavorable aux actions, dont la performance apparente est gommée par une inflation galopante. Les obligations baissent également parallèlement à la hausse des taux. En revanche, les placements monétaires sont de plus en plus attractifs. En effet les banques centrales sont amenées à monter les taux courts à des niveaux très élevés, supérieurs à l’inflation, alors que la stabilité financière est mise à mal. Mais c’est avant tout l’or qui sert de refuge, ainsi que l’immobilier. Cette période est aussi potentiellement propice aux obligations indexées sur l’inflation. L’automne économique (1814-1835/1866-1873/1920-1929/1982-2000) profite du vaste mouvement de désinflation et de la poursuite de la montée de l’endettement. Elle prend fin avec un krach majeur et international. Suite à la récession majeure qui est parvenue à casser la spirale inflationniste à la fin de l’été, la banque centrale desserre l’étau des liquidités. Ces liquidités ne vont pas s’investir dans des capacités de production devenues pléthoriques suite à la vague de surinvestissement des dernières années, d’autant que les taux d’intérêt sont élevés. En revanche, les ménages et les sociétés reconstituent l’épargne détruite pendant l’été. L’emploi, les hausses de salaires et de prix diminuent donc progressivement. La hausse des prix des actifs fait naître l’illusion d’un nouveau monde selon l’adage « cette fois-ci c’est différent ! ». On parle de nouveau « paradigme ». C’est la « nouvelle économie » de la fin des années 1990 qui a posteriori rappelle étrangement les « années folles » de la décennie 1920. Au niveau des valeurs, on note un retour aux valeurs domestiques (Reagan, Thatcher). Cette période est la plus favorable à la fois aux actions et aux obligations, grâce à la baisse des taux. Les obligations d’entreprises un peu plus risquées (notées BAA par exemple) font mieux que les emprunts d’État. Le monétaire 16 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 ferme la marche des produits à taux fixes. L’immobilier fait à peine mieux que le monétaire et sous-performe globalement les placements financiers. Cette période est particulièrement défavorable aux matières premières en général et notamment à l’or. Cependant, après une euphorie boursière, l’Automne se conclut par un krach majeur que rien ne semble pouvoir arrêter. L’hiver économique (1835-1842/1873-1896/1929-1949/2000- ?) est marqué par un point bas majeur de l’inflation et une purge de l’endettement. Cette nouvelle période qui s’ouvre est celle où les pendules sont remises à l’heure, celle de la destruction créatrice. C’est le temps de la liquidation des dettes. La concurrence est très forte. Le protectionnisme l’emporte. Les dévaluations compétitives ont tendance à entraver les échanges internationaux et donc la croissance. Les investissements visent à la rationalisation et les entreprises fusionnent pour mieux résister à la concurrence. Les entreprises marginales font faillite. Cette période favorise l’émergence économique de nouveaux pays ou leur entrée sur la scène internationale. Citons le décollage des États-Unis, de l’Allemagne et du Japon à partir des années 1870 et celui notamment de la Chine dans les années 2000. L’or, ultime refuge, fait à nouveau mieux que les actions. Les obligations d’État se comportent bien, surtout rapportées au risque (la volatilité). Les obligations d’entreprise de bonne, voire de moyenne qualité (medium grade BAA sur les données de Moody’s) battent les obligations d’État et surtout le monétaire. Les obligations à risque plus élevé (speculative grade) passent par une phase de stress intense, avec des taux de défaut proche des 11 % en 1932 par exemple. Face à la déflation, les placements monétaires redeviennent temporairement attractifs, tant qu’ils sont sur des supports de qualité qui ne risquent pas d’être emportés par des faillites bancaires. Mais dans un second temps, les taux courts sont durablement portés à leur niveau le plus bas ce qui leur fait perdre en attractivité. Bien que chahuté (krach), l’immobilier résidentiel finit par se reprendre et son rendement lui permet de faire relativement bonne figure en moyenne sur la période. 2.3 Précisions sur les taux réels, l’inflation, l’endettement et la valorisation des actions Nous avons avancé l’idée que bien que le marché américain des actions soit au plus haut en nominal, il est probable que la période hivernale que nous venons de décrire ne soit pas finie pour autant. Observons alors de plus près le passage de l’hiver au printemps sur d’autres paramètres clés à l’aide de la série de graphiques p. 19. •Taux longs et inflation Le premier graphique (n°10) représente les taux longs et la moyenne des prix à la consommation à 5 ans, proxy des anticipations d’inflation. On constate que Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 17 la transition de l’hiver au printemps coïncide avec le retournement à la hausse de l’inflation lors du passage des cycles I à II et II à III. Le retournement des anticipations d’inflation a en effet tendance à dynamiser l’activité ; il n’est plus justifié d’attendre que les prix baissent pour consommer. D’ailleurs, en 1896, Charles Gide, un économiste français très en vue pendant cette période de « longue stagnation » de l’économie appelait à un retour de l’inflation car selon lui « la hausse des prix est une sorte de printemps économique ». Lors du passage au cycle IV, le même mécanisme était en place en 1942 avant que la seconde guerre mondiale ne déclenche une très forte inflation et ne décale l’arrivée du printemps. Hormis cette période exceptionnelle, on constate que les phases de très forte inflation ont bien eu lieu en été lors des quatre grands cycles, comme décrit précédemment. Si la seconde guerre mondiale a généré une inflation exceptionnelle des prix des biens à la fin de l’hiver III, on peut considérer que l’action de la Fed, institution qui a gagné en maturité depuis la seconde guerre mondiale, est cette fois-ci en train de favoriser une inflation exceptionnelle du prix des actifs, notamment des placements à revenus fixes mais aussi des actions en nominal, à la fin de l’hiver IV. •Taux réels et endettement de l’État Le second graphique (n°11) met en perspective taux longs réels et dette publique rapportée au PIB. Lors des trois grands cycles précédents, la dette de l’État rapportée au PIB a marqué un sommet lors de la transition vers le printemps, phase de croissance économique prolongée. Par ailleurs, on constate un lien assez fort entre les mouvements sur la dette publique et ceux des taux réels, qui eux-mêmes dépendent fortement des variations de l’inflation ; avant les années 1950, l’inflation était en effet beaucoup plus volatile que les taux (voir aussi le graphique précédent). Cette fois-ci, les taux réels ont baissé mais une envolée de l’inflation des prix est peu probable à court terme ; le niveau des taux réels ne tombera donc pas aussi bas que cela a été le cas par le passé. On peut cependant considérer que, d’une certaine manière, le Quantitative Easing de la Fed a servi de prolongation à la baisse des taux. Quant à la dette de l’État, elle a augmenté cet hiver (cycle IV) comme dans les années 1930 (cycle III). Une baisse de l’endettement du secteur public rapporté au PIB serait donc maintenant un signe encourageant pour confirmer l’arrivée du printemps. •Endettement de l’État et endettement du secteur privé Le troisième graphique (n°12) fait référence à la dette totale des États-Unis, qui se décompose en dette publique et privée sur un historique plus court qui remonte tout de même à 1916. On distingue bien que le niveau global de l’endettement est monté d’un cran lors du cycle IV par rapport au cycle III, ce qui est le fruit de la financiarisation de l’économie. L’autre fait marquant est le 18 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Taux réels, inflation et endettement n°10 I 16 II IV III 16 12 12 8 8 4 4 0 0 -4 -4 -8 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Taux longs (en %) (moyenne 5 ans, en %) Prix à la consommation 10- Inflation et Taux d'intérêt à long terme -8 n°11 11- Dette publique et taux d'intérêt à long terme II IV III 15 10 100 (% du PIB) Dette publique 120 5 80 0 60 -5 40 -10 20 0 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 -15 Taux longs réels (en %) I 140 n°12 12- Dette totale (barres), publique et privée (courbes) III II IV Dette publique et privée I 400 (courbes, en % PIB) Dette totale (barres, % du PIB) 350 300 250 200 150 100 50 0 1800 1814 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Source : Shiller, GFD, Fed, US Bureau of Census,www.usgovernmentdebt.us, Recherche Amundi Ces graphiques mettent en perspective taux longs et inflation, taux réels et dette publique rapportée au PIB et enfin dette publique et privée. Les transitions de l’hiver au printemps correspondent à un renversement des anticipations d’inflation à la hausse lors des deux premiers cycles. La seconde guerre mondiale a changé la donne et provoqué une inflation exceptionnelle des prix à la consommation à la fin du cycle III. Cette fois-ci (fin du cycle IV), la Fed pourrait avoir provoqué une inflation exceptionnelle du prix des actifs. Enfin, le passage au printemps coïncide avec un retournement à la baisse durable de l’endettement public alors que l’endettement privé prend le relais. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 19 chassé-croisé entre endettement public et privé. Pour sortir de la crise des années 1930, l’État augmente son niveau d’endettement en relais du secteur privé qui a commencé à se désendetter dès l’entrée en crise. On constate le même phénomène lors du cycle IV à partir de 2007. Une reprise de l’endettement du secteur privé par rapport au PIB signalerait que l’épargne quitte le chemin du désendettement pour rejoindre celui de l’investissement, ce qui serait là aussi positif. • Marché des actions, profits et valorisation ajustée du cycle Le marché des actions (voir graphique n°13, page 22) est présenté ici en données réelles (déflatées des prix à la consommation) et dividendes réinvestis. Il progresse surtout au printemps et à l’automne et consolide cette progression pendant l’été et l’hiver. Le réinvestissement des dividendes permet de lisser la performance dans le temps, surtout dans les périodes difficiles. Le fait de racheter les actions quand elles baissent permet d’abaisser le prix d’achat moyen. À la fin du xix e siècle le réinvestissement du dividende a même permis aux actions de battre l’inflation pendant l’hiver. Dividendes réinvestis, le passage de l’hiver au printemps s’est fait en douceur ; un cas de figure intéressant à suivre pour la période actuelle dans le cas américain. Les profits des sociétés (voir graphique n°14) alternent les mêmes phases de hausse et de baisse en décrivant des cycles courts au sein des cycles longs. L’extrémité des mouvements du PER ajusté du cycle (voir graphique n°15) correspond, elle, assez bien aux changements de saison du cycle long. Il convient donc de commencer à être plus prudent quand le PER passe au-dessus des 20X au printemps ou à l’automne. Au contraire, s’il passe en dessous de 10X en été ou en hiver, il s’agit d’une formidable occasion d’achat pour le long terme. Remarquons que le niveau du PER ajusté du cycle est aujourd’hui très élevé pour une période hivernale et peut paraître exagéré, d’autant que le niveau des profits est lui aussi historiquement élevé. La bonne profitabilité des sociétés relève d’ailleurs pour l’instant davantage d’une maîtrise des coûts que d’un recours à l’endettement et à l’investissement, ce qui est typique des périodes hivernales. Cela laisse penser que du fait du QE de la Fed, le marché des actions américain aurait anticipé sur le printemps en termes de performance et donc entamé son potentiel. Soit ce potentiel se reconstituera lors de la prochaine récession, ce qui peut impliquer une correction assez forte du marché. Soit au contraire le passage au printemps pourrait en effet se faire en douceur comme à la fin du xix e siècle, avec un printemps en revanche un peu moins généreux que la moyenne pour les actions. • Mesures de valorisation complémentaires des actions D’autres mesures de valorisation font référence à l’activité économique. Elles donnent le même type de renseignement que le PER ajusté du cycle. Il s’agit 20 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 du Q de Tobin (voir graphique n°16, page 23) qui consiste à comparer la valeur boursière à la valeur de remplacement du capital fixe. Idem pour la capitalisation boursière des entreprises non financières rapportée au PIB (voir graphique n°17). La prime de risque (calculée ici comme [1/PER- (taux d’emprunt d’État à 10 ansmoyenne à 5 ans de l’inflation)]) est la seule métrique de valorisation qui reste favorable au cas des actions américaines. Plus elle est basse, plus le marché est cher par rapport au niveau des taux d’intérêt ; et inversement, plus elle est élevée et plus le marché est attractif par rapport aux taux. Proche de sa moyenne historique, elle n’indique pas de surévaluation par rapport au niveau des taux qui eux sont historiquement bas. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 21 Marché des actions, profits et valorisation 13- Indice S&P50 en données réelles et dividendes réinvestis II III IV 10000 S&P500 (échelle log) 100000 1000 100 10 1 tendance 1881 1896 1907 1920 1929 1949 1966 1981 2000 n°14 14- Profits en données réelles du S&P500 II Profits (échelle log) 96 III IV 48 24 12 6 3 tendance 1881 1896 1907 1920 1929 1949 1966 1981 2000 n°15 15- PER ajusté du cycle du S&P500 PER Ajusté du cycle 80 II III IV 40 20 10 5 3 --- moyenne + ou - 1 écart-type 1881 1896 1907 1920 1929 1949 1966 1981 2000 Source : Shiller, Recherche Amundi La performance du marché des actions en données réelles et dividendes réinvestis progresse autour d’une tendance de +6,5 % par an en marquant des phases plus faibles en été et en hiver et plus fortes au printemps et en automne. Le réinvestissement du dividende permet de lisser la performance. Les profits progressent surtout au printemps et à l’automne. Ils décrivent des cycles courts au sein des cycles longs. Le PER ajusté du cycle épouse assez bien les retournements de saison. 22 n°13 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Marché d’actions : autres approches de valorisation n°1 16- Q de Tobin III 1.4 IV Q de Tobin 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 --- moyenne + ou - 1 écart-type 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 n°1 Capitalisation / PIB 17- Capitalisation boursière ex financières / PIB nominal 1.8 1.6 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 III IV --- moyenne + ou - 1 écart-type 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 n°1 18- Prime de risque des actions III Prime de Risque 25 IV 20 15 10 5 0 -5 -10 --- moyenne + ou - 1 écart-type 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Source : Shiller, S&P, Fed, Datastream, Recherche Amundi Les niveaux du Q de Tobin et de la capitalisation rapportée au PIB sont élevés, comme le PER ajusté du cycle. Seule la prime de risque est actuellement proche de sa moyenne historique. L’absence d’inflation, le bas niveau des taux d’intérêt et la crédibilité de la Fed expliquent ce phénomène. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 23 III. Les grands cycles au niveau international Notre ambition est de mettre en évidence un cas reproductible pour nous servir de guide de lecture des marchés. À cet égard, le marché américain auquel nous avons fait référence jusqu’ici est exemplaire, mais il faut souligner que cette logique n’est pas seulement américaine. En effet, on la retrouve dans beaucoup d’autres pays. 3.1 Nous avons étudié une dizaine de pays qui à la base présentent des caractéristiques très différentes Trois pays majeurs qui se lancent les premiers dans l’industrialisation : Royaume-Uni L’historique le plus long. Pays leader des deux premiers cycles d’industrialisation. Empire colonial. Gagnant des deux guerres mondiales qui ne se sont pas déroulées sur son sol. États-Unis L’historique de la meilleure qualité, le plus documenté. Pays leader des deux derniers cycles longs. Vainqueur des deux guerres mondiales qui n’ont pas eu lieu sur son territoire. Puissance impériale. France Du côté des vainqueurs des deux guerres mondiales mais elles ont eu lieu sur son sol. Pays longtemps le plus peuplé d’Europe. La France a connu des destructions massives de population pendant les deux guerres mondiales. Empire colonial. Trois pays qui arrivent sur la scène internationale pendant l’hiver économique de la fin du xix e siècle : Allemagne Vraiment unifiée en 1871 après sa victoire sur la France. Perd les deux guerres mondiales avec des destructions massives. Hyperinflation. Amputée de ses colonies. Japon Règne de l’empereur Meiji et début d’industrialisation en 1867. Gagnant de la première guerre mondiale et perdant de la seconde. Support pour les États-Unis dans la guerre du Vietnam (1964-1975). Italie Unifié en 1861. Du côté des gagnants de la première guerre mondiale et des perdants de la seconde. Deux anciennes colonies britanniques qui ont longtemps fait partie de la zone Sterling : 24 Canada Ancienne colonie du Royaume-Uni. Proche des États-Unis. Pays producteur de matières premières. Australie Ancienne colonie du Royaume-Uni. Découverte d’or en 1851. Pays producteur de matières premières. Support des États-Unis pendant la guerre du Vietnam. Proximité géographique avec la Chine. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Deux pays nordiques : Pays européen producteur de pétrole. Uni à la Suède de 1814 à 1905. Neutre pendant la première guerre mondiale. Occupée par les Allemands pendant la seconde. Norvège Suède Neutre pendant les deux guerres mondiales. Comme pour les États-Unis, on peut répertorier des périodes qui se répètent sur bien d’autres pays en dépit de certaines particularités. L’Europe, par exemple, a été le théâtre d’hyperinflation ; l’Allemagne a le plus souffert de ce fléau. L’effondrement du marché des actions japonaises, suite aux bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, représente aussi ce qu’on appelle un phénomène rare. L’Australie est aussi un cas un peu particulier et arrive à tirer son épingle du jeu dans les périodes propices aux matières premières (été et hiver). Marchés d’actions et taux d’intérêt à long terme sur une série de pays n°19 19- Royaume-Uni (100:1783, log) indice Action réel 3200 II IV III 16 14 12 800 10 8 200 6 4 50 1783 93 1815 25 1842 52 63 73 1893 12 20 29 1952 68 81 2000 Taux longs (en %) I 2 Source: Fisher, Datastream, Recherche Amundi n°20 20- France III IV 18 800 16 400 12 200 8 14 10 6 4 100 Taux longs (en %) (100:1848, log) indice Action réel II 2 50 1840 51 63 71 81 1896 12 26 29 1950 62 81 2000 0 Source : Friggit, Datastream, Recherche Amundi Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 25 Marchés d’actions et taux d’intérêt à long terme sur une série de pays n°21 21- Japon (100:1915, log) Indice Action réel IV 12 10 125 8 25 6 4 5 1 2 1915 1924 1937 1947 1972 1981 Taux longs (en %) III 625 0 1989 n°22 22- Canada IV 16 (100:1913, log) Indice Action réel 800 14 12 400 10 8 200 6 4 100 2 50 1913 1922 1929 1944 1963 1981 2007 Taux longs (en %) III 0 n°23 (100:1872, log) Indice Action réel II III IV 18 16 625 125 25 5 1 1850 1858 1873 1893 1912 1920 1937 1952 1968 1982 2007 14 12 10 8 6 4 2 0 IPC puisTaux longs (%) 23- Australie n°26 III (100:1906, log) Indice Action réel 125 IV 25 5 1 0.2 1929 1949 1961 1981 2000 Source : Australian Stock Exchange, GFD, Homer & Sylla, Datastream, Recherche Amundi 26 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 22 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 Taux longs (en %) 24- Italie Marchés d’actions et taux d’intérêt à long terme sur une série de pays n°24 25- Norvège IV 15 13 270 11 9 90 7 5 30 3 10 1900 1917 1921 1937 1953 1961 1982 Taux longs (en %) (100:1920, log) Indice Action réel III 1 2007 n°25 26- Suède IV 16 14 (100:1906, log) Indice Action réel 270 12 10 90 8 6 30 4 2 10 1887 1913 1921 1929 1949 1965 1981 Taux longs (en %) III 0 2000 n°27 27- Allemagne (avant 1921)… (100:1856) Indice Action réel III 7 120 6 90 5 60 4 30 0 1856 1867 1873 1893 1905 1921 Taux longs (en %) II 150 3 n°28 28- …Allemagne (après 1924) (100:1856) Indice Action réel IV 10 3 8 6 2 4 1 0 2 1924 1929 1949 1961 1981 2000 Taux longgs (en %) III 4 0 Source : Norges Bank, Riskbank, GFD, Homer & Sylla, Datastream, Recherche Amundi Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 27 Bien que tous ces pays appartiennent à des zones géographiques différentes, nous retrouvons effectivement à chaque fois la même logique (voir graphiques pages 26 et 27), ce qui renforce notre confiance dans le raisonnement. Remarquons à quel point les dates de ces cycles correspondent de plus en plus d’un pays à l’autre (voir schéma n°29) et finissent par converger vers celles des États-Unis, pays leader des deux derniers cycles longs. Il est vrai qu’à la sortie de la seconde guerre mondiale le plan Marshall s’accompagnait d’un engagement par les États bénéficiaires à s’orienter vers l’économie de marché. En fait, les innovations que nous avons citées précédemment font progresser de cycle en cycle la communication et les échanges internationaux en réduisant à chaque fois les distances et le temps pour arriver aujourd’hui à transformer la planète terre en « village internet ». Cela met en évidence que les cycles longs du capitalisme sont bien un phénomène international, comme l’avait remarqué Kondratieff en son temps. 3.2 Particularités dans le comportement de ces pays Cycle I Le premier cycle long commence après le traité de Paris sur l’indépendance des États-Unis en 1783. Le Royaume-Uni concentre désormais son développement sur ses autres colonies, à commencer par l’Inde. Le printemps s’installe jusqu’à la déclaration de guerre par la France révolutionnaire à l’Angleterre et à la Hollande en 1793. L’été prend fin avec la défaite française de 1815 à Waterloo. Les pays d’Amérique Latine gagnent leur indépendance et s’en suit une frénésie d’investissement vers ces pays qui provoquera un krach majeur à Londres en 1825. L’Angleterre rentre ainsi en hiver alors qu’il faudra attendre la récession post boom de 1835 pour vraiment y plonger les États-Unis. Cycle II Le second cycle commence de façon synchronisée en Angleterre et aux États-Unis en 1842. L’entente cordiale (1843-1848) entre la France et l’Angleterre symbolise la détente internationale et le passage du protectionnisme au libre-échange. Mais la France ne connaîtra son printemps qu’un peu plus tard, après la révolution de 1848 et la proclamation du second empire suite au coup d’État du 2 décembre 1851 par celui qui allait devenir Napoléon III. Depuis les découvertes d’or en Californie en 1847 et en Australie en 1851, l’expansion devenait déjà un peu plus inflationniste. La guerre de Crimée (1853-1856) déclencha l’été économique en Angleterre et par voie de conséquence aux États-Unis. La France qui était en décalage a joué les prolongations jusqu’en 1863. La guerre de sécession aux États-Unis provoqua une pénurie de coton à partir de cette année-là, qui fit monter les prix du textile et finit par plonger en crise cette industrie majeure dans toute l’Europe. Alors que les États-Unis et l’Angleterre bénéficiaient de la clémence de l’automne à la fin de la guerre de sécession en 1865 et de la panique bancaire de 1866 (faillite de 28 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 29 - Les quatre cycles longs (Cycles I,II,III,IV) R.U. 1783 1793 Cycle I E.U. 1815 1814 1835 1825 Charbon Machine à vapeur 1842 1842 FRA 1851 1852 1852 1863 Cycle II 1866 1866 1871 ALL 1867 1881 1873 1881 1873 Sidérurgie Chemin de fer AUS 1896 1893 1896 1893 1893 1912 1907 1912 1912 1905 SUE NOR 1913 1917 CAN 1920 1920 1920 1926 1923 1921 1921 JAP 1922 1924 1929 1937 1929 1929 1929 1929 1929 1937 1937 1944 1952 1949 1952 1950 1949 1949 1953 1947 Cycle III Electricité Automobile ITA 1949 1963 1968 1966 1968 1962 1961 1965 1961 1972 1961 1981 1982 1981 1981 1981 1981 1981 1982 1981 1981 2007 2007 2000 2000 2000 2000 2000 2007 1989 2000 Printemps Eté Automne Cycle IV Pétrole Electronique Hiver Source : Recherche Amundi NB : Les couleurs représentent les saisons économiques On observe le même comportement sur des pays très différents. Les dates des saisons économiques correspondent de plus en plus d’un pays à l’autre et convergent progressivement vers celles du pays leader, les États-Unis. Les innovations font en effet progresser la communication et les échanges internationaux de cycle en cycle. sociétés de chemin de fer et faillite de la banque Overend Guerney en Angleterre), la France dut attendre la fin de la guerre de 1870 contre l’Allemagne. Les indemnités de guerre payées par la France de 1871 à 1873 ont d’ailleurs permis au nouvel empire allemand, désormais incontestable, de développer son industrie, à un rythme si Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 29 rapide qu’il finit par provoquer un krach majeur qui marque le début de l’hiver pour l’Allemagne mais aussi l’Angleterre et les États-Unis. La France est touchée, mais connaîtra une phase d’essor en solo de 1878 à 1882 grâce à une politique de grands travaux (plan Freycinet en 1878 et loi sur les chemins de fer de 1880) qui débouchera à son tour sur une crise majeure qui se propagera internationalement en 1882 (Krach de l’Union Générale). La France rejoint les autres pays en hiver. Cycle III Le troisième cycle démarre en 1893 ou 1896 selon les pays. L’été commence aux États-Unis avec la panique bancaire de 1907 qui touchera en Europe plus fortement l’Allemagne, déjà fragilisée depuis 1905 et qui avait déjà monté son taux d’escompte. La France, l’Angleterre et l’Australie, très liée à l’Angleterre, rentreront à leur tour en été, suite à la crise sidérurgique allemande de 1913. L’été durera jusqu’à la fin de la récession qui a suivi la guerre de 1914-1918. La plupart des pays, les Anglo-Saxons (Angleterre, États-Unis, Australie, Canada) plus l’Italie et les pays nordiques, rentrent donc en automne au tout début des années 1920. L’Allemagne, soumise à d’énormes réparations de guerre suite au traité de Versailles, connaîtra une hyperinflation devenue légendaire. Sa décrue qui marque l’entrée en automne ne commencera qu’en 1923. Enfin, contrairement aux pays anglo-saxons, la France décide après la guerre de monter ses taux pour lutter contre l’inflation générée par la levée du contrôle des changes et des prix, ce qui l’enfonce en récession. Elle en sortira en dévaluant à son tour fortement sa devise en 1925 et entrera en automne tardivement, en 1926. L’hiver débutera suite au krach de 1929 partout sauf au Japon, en Norvège et en Australie. Ces trois pays n’échapperont cependant pas à la récession américaine de 1937, qui est elle aussi devenue un cas d’école, les autorités américaines retirant trop tôt le soutien massif qu’elles avaient mis en place pour faire face à la crise. Cycle IV Le quatrième cycle débute après une traditionnelle récession d’après-guerre à la fin des années 1940 ou au début des années 1950. La reconstruction engendrera une forte croissance qui débouchera sur les crises monétaires de 1961, 1963, 1965, puis la dévaluation du Sterling en 1967 qui conduit à une envolée du cours de l’or en 1968, et se conclue par la fin de la convertibilité du dollar en or, décidée le 15 août 1971, par le président Nixon. Tous les pays entreront en été lors de l’une de ces crises. Ils en sortiront ensemble en 1981 dans la foulée des États-Unis qui possèdent désormais « La » devise de réserve internationale. L’automne s’étendra de 1982 à 2000 et finira, là encore, avec un krach majeur et international : l’effondrement de la bulle internet. Nous sommes donc en hiver depuis l’an 2000. Quatre pays font exception : le Japon, entré en hiver depuis 1989 suite à l’effondrement de sa bulle immobilière, l’Australie, le Canada et la Norvège, pays producteurs de matières premières qui profitent donc de l’émergence de la Chine et qui ne sont entrés en hiver qu’en 2007. 30 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Remarques d’ordre général Ce tour d’horizon montre donc bien que le même schéma se reproduit dans de nombreux pays en dépit de particularités très fortes. On peut en profiter pour remarquer au passage des spécificités d’un cycle à l’autre. Ainsi, l’inflation a par exemple connu des niveaux records au xx e siècle par rapport au xix e siècle mais la logique est bien restée la même. Ce sont les politiques pour stabiliser l’économie qui se sont adaptées. Jusqu’à la première guerre mondiale, les changes ont été la préoccupation centrale pour stabiliser l’économie. Lorsqu’un déficit de la balance commerciale devenait trop important, souvent parce qu’il fallait importer des matières agricoles suite à de mauvaises récoltes, les taux montaient pour rapatrier l’or, ce qui pouvait générer des crises, mais la baisse des prix finissait par rendre du pouvoir d’achat aux ménages. Le xix e siècle a ainsi été un siècle peu inflationniste. À partir de la seconde guerre mondiale, la maîtrise de l’inflation passe au premier rang des préoccupations pour stabiliser l’économie. Le progrès industriel et social a progressivement donné du pouvoir aux salariés. Les premiers mouvements de grève ont eu lieu dans les années 1830, les révolutions de 1848 s’en sont nourries. La crise de 1873 est déjà due en partie à une trop forte hausse des salaires. Le Fordisme a fait progresser les salaires pour que les employés achètent des voitures, à partir du début du xx e siècle qui sera celui de l’hyperinflation (en Allemagne au début des années 1920, pendant la seconde guerre mondiale en France, suite aux chocs pétroliers des années 1970 pour tout le monde). On a depuis banni les indexations des salaires sur les prix. L’inflation reviendra mais pas forcément sous la forme d’hyperinflation qui pourrait rester une spécificité du xxe siècle. Autre sujet, la montée structurelle de l’endettement au cours du xx e siècle a dopé la croissance potentielle. Ce phénomène a bien sûr une limite qui a peutêtre été atteinte. En revanche, le mécanisme cyclique de l’endettement puis du désendettement quant à lui, est pérenne. IV. Le facteur démographique joue un rôle essentiel Kondratieff n’a pas fait référence aux facteurs démographiques dont les enjeux sont pourtant devenus essentiels pour comprendre les évolutions au cours du xx e siècle : Allongement de la durée de la vie, baby-boom d’après-guerre, vieillissement de la population. Notre recherche à cet égard montre cependant que les facteurs démographiques ne font que renforcer la cohérence des cycles longs que nous avons décrits et fournissent des pistes intéressantes pour en améliorer la prévision. On sait que le potentiel de croissance à long terme d’une économie repose notamment sur la croissance de la population active et des gains de productivité qu’elle génère. Explorons donc ces deux dimensions après une brève revue de l’évolution de la population des principaux pays développés. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 31 4.1 Évolution de la population des principaux pays développés Le graphique suivant, construit grâce aux données d’Angus Maddison, démontre l’extraordinaire dynamisme démographique des États-Unis et sa capacité à attirer des populations nouvelles depuis deux siècles. On distingue aussi la poussée allemande allant de la seconde partie du xixe siècle à la première guerre mondiale ; la population allemande dépasse alors celle de la France juste avant la guerre de 1870. Longtemps nation la plus peuplée d’Europe, il est vrai que la France a vu sa natalité décliner inexorablement de 1867 jusqu’aux années 1950. Remarquons aussi que les pertes de population ont été beaucoup plus importantes qu’ailleurs, en France et en Allemagne pendant les deux guerres mondiales. Quant au Japon, après une formidable croissance de sa population depuis le début du xxe siècle, il commence son déclin démographique en 1990, ce qui correspond d’ailleurs à son entrée en hiver. n°30 30- Évolution de la population des principaux pays développés I (échelle log) Population en millions 320 II III IV Etats-Unis 160 Japon Allemagne France Royaume-Uni 80 40 20 10 1820 35 1842 52 66 73 1896 07 20 29 1949 66 81 2000 Source : Angus Maddisson, Recherche Amundi Les bandes de couleurs représentent les saisons du cycle américain 4.2 Croissance de la population active Si la taille d’une population dans son ensemble permet de se faire une idée du poids économique et politique d’un pays, c’est la croissance de la population active qui impacte le plus la croissance potentielle de l’économie. La croissance annuelle de la population active (classes d’âge de 15 à 64 ans) mondiale est passée de +1,9 % il y a une dizaine d’années à +1,6 % sur les cinq dernières selon les données de l’ONU (données révisées de 2012) ; elle va continuer de décélérer à +1,1 % d’ici à 2025. Les pays développés (stables aujourd’hui en moyenne) vont passer en territoire négatif. Les pays moins développés (« pays émergents ») sont également en recul mais conserveront quand même une croissance de +1,5 %. Enfin, les pays les plus en retard économiquement seront les seuls à connaître une expansion de leur population en âge de travailler, qui plus est, avec une croissance supérieure à +3 %. 32 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Il ne faut cependant pas en tirer de conclusion hâtive. En effet, la population active est un concept très large puisqu’il regroupe plusieurs générations. Or chacune a ses caractéristiques. En moyenne à l’âge adulte, un jeune rentre sur le marché du travail, il se marie, a des enfants, qui finissent par quitter la maison. Ses besoins pour se loger par exemple (première acquisition puis agrandissement de la résidence principale, voire acquisition d’une résidence secondaire plus tard) évoluent avec la taille de la famille et les revenus. Il en va de même pour le gabarit et le nombre de voitures détenues par un couple, etc. Il est donc judicieux d’analyser la population active de manière plus fine. Version Française Graph n°31 31- Croissance de la population active (en %) Régions les moins développées Régions moins développées 2010-2025 2000-2010 Régions les plus développées Monde -0,5% 0.0% 0,5% 1,0% 1,5% 2,0% 2,5% 3,0% 3,5% Source : ONU (révision 2012), Recherche Amundi 4.3 Impact générationnel sur les principales classes d’actifs Les jeunes actifs (20-35 ans) ont le plus d’influence à long terme sur les prix de l’immobilier ; les primo-accédants, étant les acheteurs marginaux sur ce marché. Le premier graphique de la page 34 (n°32) met bien en évidence que la valeur des actifs immobiliers rapportée à celle des actifs financiers suit en effet de près la proportion de jeunes actifs au sein de la population adulte. Cette vague de population va bien sûr vieillir et deviendra une génération intermédiaire (35-44 ans) avant d’atteindre le pic de sa consommation vers 46 ans. On comprend pourquoi le cycle de l’immobilier est souvent qualifié de « mère » de tous les cycles. Pour revenir au graphique, la forte hausse de la valeur relative de l’immobilier dans les années 2000 est due à l’effet combiné de l’effondrement des actions et de la hausse excessive de l’immobilier à cause des crédits subprimes. Les choses semblent être rentrées dans l’ordre. Cet actif aura donc fait preuve d’une grande volatilité pendant l’hiver (depuis 2000) mais aura finalement fait jeu égal avec les actifs financiers, ce qui est très cohérent avec nos observations historiques présentées plus haut. Selon cette approche, l’immobilier américain devrait faire plutôt moins bien que les actifs financiers à partir des années 2020. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 33 La génération intermédiaire (35-44 ans) est celle qui sera la prochaine force directrice de l’économie. Le passage à l’âge intermédiaire est le moment où la productivité de tout un chacun augmente le plus vite. On remarque sur le second graphique (n°33) que la proportion de cette cohorte dans la population adulte est très consistante avec l’évolution des taux réels qui représentent la croissance potentielle. La génération juste après celle des baby-boomers ayant été moins nombreuse par définition, cela a été propice à une baisse des taux réels, qui a fini par favoriser le développement de bulles. Selon les données démographiques de l’ONU, les taux réels sont maintenant censés rester contenus longtemps avec une force de rappel tout juste au-dessus des 2 %. Impact de la proportion de différentes générations sur les prix Version Française de l’immobilier, les taux réels et les actions Graph n°32 32- Patrimoine immobilier vs. actifs financiers et primo-accédants 550 29% 500 27% 450 25% 400 23% 350 21% 300 19% 17% 250 200 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 Actif Immobilier / Financier 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 15% 20-35 / 20+ (échelle droite) n°33 33- Taux longs réels et cohorte des 35-44 ans / population adulte 10 21% 8 6 19% 4 15% 2 13% 0 11% 17% -2 -4 9% 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 7% 35-44 / 20+ (échelle droite) Taux longs réels n°34 34- Actions dans le patrimoine financier vs. les 40-59 ans / pop. adulte 35% 41% 39% 30% 37% 25% 35% 33% 20% 31% 15% 10% 29% 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 Détention d'actions / actifs financiers 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2030 40-59 / 20+ (échelle droite) Source : ONU (révision 2012), Fed, Datastream, Recherche Amundi 34 2025 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 27% Le premier graphique met en évidence que la valeur des actifs immobiliers rapportée à celle des actifs financiers suit de près la proportion de jeunes actifs au sein de la population adulte. La proportion des 35-44 ans est très consistante avec l’évolution des taux réels, alors que celle des 40-59 ans suit la même tendance que la part des actions dans le patrimoine financier des ménages. On en conclut que les actifs immobiliers et financiers devraient maintenant évoluer de manière assez proche, que les taux longs réels pourraient trouver un équilibre autour des 2 % dans les années qui viennent et qu’un retournement structurel en faveur des actions devrait trouver du soutien dans les années 2020. La précédente génération (40-59 ans) est celle qui épargne le plus. Pas étonnant de constater une cohérence avec la proportion d’actions dans le patrimoine financier. En fait, cette génération se divise en 2 parties : les 50-59 ans qui sont en phase d’épargne active en vue de la retraite (on considère qu’un individu qui continue à travailler pendant la cinquantaine augmente sensiblement son patrimoine financier pendant cette période) ; et les 40-49 ans qui sont au maximum de leurs capacités de consommation mais aussi de productivité ; cette génération des 40-49 ans est celle qui tire donc le plus la croissance effective. Le graphique n°35 met justement en évidence la forte progression du nombre des 40-49 ans japonais à partir des années 1960 (« miracle japonais ») puis sa forte baisse à partir de 1990 (krach immobilier et actions, entrée en hiver). De même aux États-Unis, le déclin de cette cohorte en 1966 correspond à l’entrée en été. Puis le passage progressif des baby-boomers dans cette tranche d’âge a correspondu à l’entrée en automne (à partir de 1981) alors que le pic en 2000 coïncide avec le « krach internet ». Le phénomène s’est aussi produit en Europe avec un décalage, le baby-boom ayant été un peu plus tardif et moins puissant qu’aux États-Unis. La crise des subprimes, pourtant américaine, a ainsi frappé violemment la zone euro dont la population des 40-49 ans commençait tout juste à reculer. n°35 35- Proportion des 40-49 ans dans la population des plus de 20 ans [2000] [2007] [1990] 22% Europe USA Japon 21% 20% 19% 18% 17% 16% 15% 14% 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 Source : ONU (révision 2012), Recherche Amundi Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 35 Si la courbe du Japon est en décalage total avec celle des États-Unis, c’est parce que l’accélération des naissances a eu lieu, comme en Allemagne d’ailleurs, davantage dans les années 1930 et pas vraiment après la guerre qu’il a perdu. Le miracle économique japonais des années 1960 (printemps économique) a quand même permis un sursaut de natalité jusqu’en 1973 (crise pétrolière et entrée en été économique) qui a généré le rebond que connaît la cohorte des 40-49 ans du Japon depuis le milieu des années 2000. Cet effet disparaîtra au Japon quand « l’écho » du baby-boom américain (les enfants des baby-boomers) produira ses effets dans les années 2020. La vague des baby-boomers a été si puissante que leurs enfants ont été plus nombreux que la génération intermédiaire. Pas étonnant que M. Abe profite de ce moment de répit pour tenter de sortir son pays de la déflation. Cela illustre bien qu’un choc démographique crée une vague qui se propage. Cela est d’ailleurs consistant avec le rythme des saisons puisque l’hiver et l’été sont propices aux crises et aux conflits et donc à une moindre natalité, contrairement au printemps et à l’automne. Le recul de la natalité française au xixe siècle prend ainsi corps à partir de 1867, en plein été économique. Le lien que nous avons décrit entre comportement des générations et évolution des actifs est surtout valable pour les pays développés. Le développement a aussi d’autres conséquences sur la démographie, notamment le recul structurel du nombre d’enfants par femme, ce qui n’est toutefois pas irréversible. La France a ainsi été la première à se doter d’une politique en la matière et arrive désormais à stabiliser son taux de natalité. Quant aux États-Unis, certains commencent même à parler d’une possible nouvelle vague de naissances qui irait au-delà de « l’écho du baby-boom » mais qui serait due à la décision de repousser l’âge du premier enfant compte tenu de la crise, de l’allongement de la durée de la vie et du travail des femmes, désormais complètement intégré au mode de vie occidental, et du progrès scientifique. 4.4 Les gains de productivité Dans les économies développées, au-delà des facteurs générationnels que nous venons de décrire, l’innovation, l’un des quatre piliers mentionnés par Kondradieff, joue aussi un rôle clé. Les États-Unis occupent un rôle pionnier à cet égard pour ne pas dire qu’ils dominent largement le classement. Sur la base des chiffres (en valeur) de 2011 fournis par la Banque mondiale, si les dix premiers pays totalisent 75 % des dépenses mondiales de R&D, les États-Unis en représentent près de 30 % à eux seuls. Le Japon arrive second du palmarès. Malgré sa décennie perdue, il a maintenu un effort de recherche considérable. Le Japon est d’ailleurs le pays le plus avancé en matière de robotique, ce qui pourrait venir compenser le vieillissement, plus prononcé qu’ailleurs, de sa population. L’Allemagne s’est faite dépasser par la Chine, et le Royaume-Uni par la Corée du Sud. La France ressort en cinquième position. Selon Alan Greenspan, les innovations ne sont cependant pas capables de faire croître les gains de productivité à plus de 3 % l’an sur une période prolongée. Aux 36 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 États-Unis par exemple, le PIB par habitant croît en moyenne d’environ 2 % par an sur longue période (2,1 % depuis 1929 d’après le NBER). Même si les gains de productivité viennent en partie compenser le déclin de la population active des pays développés, la croissance potentielle est quand même moins élevée que lors des précédentes décennies, ce qui est d’ailleurs cohérent avec le niveau de taux réel d’équilibre suggéré plus haut. n°36 36- Les 10 premiers contributeurs à la R&D mondiale Etats-Unis Japon Chine Allemagne France Corée du Sud Royaume-Uni Canada Brésil Australie 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% Source : Banque Mondiale (données de 2011), Recherche Amundi Il a donc été nécessaire que de nouvelles puissances émergent pour maintenir la croissance mondiale à un niveau décent. À la fin du xixe siècle, dans sa phase hivernale, le Royaume-Uni avait déjà dû laisser de la place à la montée d’autres puissances économiques, à commencer par l’Allemagne et les États-Unis. Ayant accès aux technologies existantes en sautant dans un premier temps la fastidieuse étape de l’innovation, ces nouvelles économies se développent d’ailleurs très rapidement, comme ce fut le cas pour le Japon, de l’après-guerre aux années 1980, et des « tigres » d’Asie (Corée, Hong Kong, Singapour et Taïwan) à partir des années 1970 ; la progression du ratio du PIB par habitant (voir graphique n°37), qui est à la fois une mesure de richesse et de productivité, est explicite. n°3 37- PIB par habitant (en dollar Geary-Khamis de 1990) 35 100 Etats-Unis Etats-Unis Europe de l'ouest 30 100 20 100 Japon de Europe 4 Tigres d'Asie l'ouest Chine Chine 15 100 Japon 25 100 10 100 5 100 100 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 Source : Angus Maddisson, Recherche Amundi Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 37 PIB par habitant, R&D et taux d’urbanisation n°38 38- PIB /Habitant et R&D (%PIB) 35 000 R² = 0.6991 PIB / Habitant (en dollar) 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 R&D (%PIB) Europe (Ouest) Europe de l'Est Amérique Latine Moyen-Orient et Ouest-Asiatique Amérique du Nord, Austr., N.Z. Ex-URSS Est-Asiatique Afrique Source : Angus Maddisson, Banque Mondiale, Recherche Amundi n°39 39- PIB / Habitant et Taux d'Urbanisation 35 000 R² = 0.4862 PIB / Habitant (en dollar) 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 0 20 40 60 Taux d'urbanisation (en %) Europe (Ouest) Europe de l'Est Amérique Latine Moyen-Orient et Ouest-Asiatique 80 100 Amérique du Nord, Austr., N.Z. Ex-URSS Est-Asiatique Afrique Source : Angus Maddisson, ONU (révision 2014), Recherche Amundi La R&D stimule la productivité structurelle de l’économie. L’essentiel de cet effort est réalisé par les pays développés. Dans le cas des pays émergents, c’est le phénomène d’urbanisation qui joue ce rôle. 38 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 D’autres pays ont suivi : la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie et les Philippines se sont éveillées à leur tour dans les années 1980, les villes chinoises de Shenzhen et Shanghai ont pris leur envol dans les années 1990 et le Vietnam, par exemple, dans les années 2000. Dans un pays émergent, c’est l’urbanisation qui est le principal moteur de la progression du PIB par habitant, ce qui suppose un effort d’investissement en infrastructures conséquent. Il faut aussi un certain niveau de PIB par habitant pour que l’accélération de la progression s’enclenche (3 000 à 5 000 dollars sur les données de Maddisson qui fait référence à des dollars Geary-Khamis de 1990), ce qui correspond à un taux d’urbanisation d’environ 50 % sur le graphique n°39. Enfin il y a un lien évident avec l’approche démographique décrite ci-dessus, car ce sont les jeunes qui migrent vers les villes, et non les personnes âgées. S’en suivra une demande naturelle pour l’immobilier, etc. Il est difficile pour un grand pays de s’urbaniser au-delà de 80 % ; c’est pourquoi, l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon sont positionnés si haut sur le graphique. On constate aussi que certains pays émergents sont déjà fortement urbanisés alors que le PIB par habitant n’en n’a pas beaucoup profité. C’est le cas de certains pays d’Amérique Latine, du Moyen-Orient, de l’Ouest asiatique et d’Afrique. Ils dépendent donc déjà de la croissance de leur population active, comme un pays développé. L’Asie est en revanche beaucoup mieux répartie sur cette courbe de tendance. 4.5 Positionnement des pays développés et émergents sur ces critères Pays développés Les pays les plus avancés ont été classés sur le graphique n°40 (page 40) selon deux axes, l’effort de R&D en pourcentage du PIB et la croissance de la population active d’ici 2025 selon les données de l’ONU. Un tableau vient compléter cette représentation en ajoutant la proportion de la cohorte des 40-49 ans au sein de la population active. Le classement qui en ressort tient compte à parts égales du rang sur l’effort de la recherche et de la moyenne des rangs des 2 critères de dynamisme démographique retenus. Cette analyse a le mérite de dresser une cartographie du monde mais elle ne tient pas compte de la valorisation des actifs, ni de la situation financière de ces pays. À noter aussi que pour les « petits pays », il ne faut pas confondre économie et marché des actions, les entreprises cotées pouvant être très internationales. Ce classement reflète donc plutôt l’attractivité à long terme des pays. Il en ressort que les États-Unis combinent un effort de recherche et une démographie plus dynamiques que la moyenne — position (1) sur le graphique. Toutefois dans l’absolu, la dimension démographique est plutôt neutre à l’horizon de 2025, même une fois corrigée de la proportion des 40-49 ans. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 39 n°40 40 - Attractivité des marchés développés Croissance de la population active et R&D Croissance de la population active 0.4 0 Irlande (3) 0.6 (1) 0 Active population growth 0.8 Nouvelle Zélande 0.2 Australie Roy.Uni 0.0 Norvège -0.2 Espagne -0.4 -0.6 Portugal Grèce Italie -0.8 -1.0 Pays-Bas Etats-Unis Suède France Danemark Belgique Finlande Canada Singapour (4) -1.2 0.0 1.0 2.0 Suisse Japon Corée du Sud Autriche Allemagne 3.0 5.0 R&D (% PIB) (1) (2) (3) (4) Population active plus dynamique que la moyenne et R&D plus puissante Population active moins dynamique que la moyenne mais R&D plus puissante Population active plus dynamique que la moyenne mais R&D moins puissante Population active moins dynamique que la moyenne et R&D moins puissante R&D en % du PIB Classement 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 Finlande Irlande Suède Corée du Sud Etats-Unis Australie Japon Danemark France Suisse Belgique Autriche Royaume-Uni Allemagne Nouvelle Zélande Canada Norvège Singapour Pays-Bas Espagne Portugal Grèce Italie Médiane 3,5 1,7 3,4 4,0 2,8 2,4 3,4 3,0 2,3 2,9 2,2 2,8 1,7 2,9 1,3 1,7 1,7 2,1 2,2 1,3 1,5 0,7 1,3 2,2 Pop. active 40-49/20+ variation annuelle sur 2010-2025 en % -0,5 0,7 0,5 3,3 -0,1 -2,3 -0,9 -2,2 -0,2 0,1 0,0 0,1 -0,6 -2,8 -0,2 -3,5 -0,1 -2,6 -0,7 -2,9 -0,4 -1,8 -0,8 -3,3 0,0 -1,8 -1,0 -3,6 0,2 -1,8 -0,6 -0,1 -0,1 -2,6 -0,8 -1,8 -0,5 -3,9 -0,3 -0,8 -0,6 -0,8 -0,6 -1,3 -0,7 -4,4 -0,5 -1,8 Source : Angus Maddisson, ONU (révision 2014), Recherche Amundi Ce classement ressort d’un tri par rang : nous avons d’abord associé les rangs des 2 facteurs démographiques et avons ensuite associé le résultat à celui obtenu sur le critère de la R&D. Les États-Unis ressortent en bonne position. Le Japon est juste un peu derrière, grâce à une recherche intensive qui compense une démographie déclinante. Autre pays connu pour sa R&D, l’Allemagne est moins bien classée à cause de sa démographie, l’une des pires de notre échantillon. On retrouve plusieurs pays d’Europe dans ce cas : l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suisse. La France est en milieu de classement. 40 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 0 0 -0 -0 -0 -0 -1 (2) 4.0 0 -1 n°42 41 - Attractivité des marchés moins développés Croissance de la population active et taux d'urbanisation 2.0 1.5 (1) Arabie Saoudite Indonésie Perou Venezuela MexiqueColombie Turquie EAU Argentine Malaysie Kowait 1.0 0.5 Uruguay Brésil Chili 0.0 -0.5 2 Philippines (3) (4) -1.0 120 Republique Tchèque Russie 100 80 Active population growth (in %) Croissance population active (en %) 2.5 Inde Vietnam Chine Hongrie Pologne 60 Thailande Roumanie (2) Slovaquie 40 20 Classement 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Population active plus dynamique que la moyenne et potentiel d'urbanisation Population active moins dynamique que la moyenne mais potentiel d'urbanisation Déjà urbanisé mais croissance de la population active plus dynamique que la moyenne Population active moins dynamique que la moyenne et déjà urbanisée Philippines Inde Vietnam Indonesie Arabie Saoudite Perou Mexique Colombie Turquie Chine Malaysie Thailande Vénézuela EAU Kowait Roumanie Brésil Argentine Slovaquie Pologne Rép. Tchèque Chili Uruguay Hongrie Russie Médiane Urbanisation en % 45 31 30 50 82 77 78 75 71 49 71 44 89 84 98 54 84 91 55 61 73 89 94 69 74 73 Pop. active % annnuel 2010-2025 2,0 1,4 0,7 1,4 1,7 1,5 1,4 1,2 1,0 0,1 0,9 -0,3 1,4 1,1 1,4 -0,6 0,6 0,9 -0,6 -0,8 -0,3 0,2 0,4 -0,7 -0,7 0,9 Source : Angus Maddisson, ONU (révision 2014), Recherche Amundi Classement : tri par rang du facteur démographique et du critère de la R&D. Si l’Asie truste la moitié de la première partie de tableau, la Chine n’arrive que vers la fin du top 10, surtout à cause de sa démographie. À l’opposé, trois pays d’Amérique latine (Pérou, Mexique, Colombie) arrivent à s’y glisser grâce à leur dynamisme démographique. En bas de tableau, l’Europe de l’Est, déjà urbanisée, est pénalisée par une démographie déclinante. La Russie ressort bonne dernière de ce classement. Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 1 1 0 0 -0 -1 0 Taux d'urbanisation (en %) (1) (2) (3) (4) 2 41 L’Australie est légèrement positive sur tous les critères et se positionne très près des États-Unis. La Suède et le Danemark ressortent aussi très bien à première vue, mais sont pénalisés par le recul de la tranche des 40-49 ans et baissent de quelques places dans le classement, au contraire de la Finlande. Le Japon, l’Allemagne et la Corée du Sud compensent au moins pour partie, par un effort de recherche conséquent, une croissance de la population active déclinante — position (2). Quant au Royaume-Uni, dont les dépenses de R&D sont inférieures à la moyenne, il devrait à l’inverse tirer parti d’une démographie relativement dynamique — position (3). La France est dans une situation proche, avec un effort de recherche cependant un peu supérieur. Enfin, l’Europe du Sud cumule une faible R&D et une démographie en retrait — position (4) ; surtout si on tient compte de la proportion des 40-49 ans, ce pourquoi l’Italie surtout mais aussi la Grèce, le Portugal et l’Espagne sont en bas de classement. Pays émergents Les pays émergents sont classés sur le graphique n°41 (p. 41) qui reprend cette fois-ci le taux d’urbanisation et la croissance de la population active d’ici 2025. Le classement qui en ressort (voir tableau) tient compte à parts égales du rang sur le degré d’urbanisation et de celui du dynamisme de la population active. Les pays les plus attractifs sont clairement les Philippines, l’Inde, l’Indonésie — position (1) sur le graphique. Le dynamisme démographique est clair alors que ces pays, peu urbanisés, ont un important effort d’investissement à entreprendre. Ce dernier critère permet aussi au Vietnam de rejoindre ce groupe. La Chine a déjà fait un effort d’urbanisation considérable à l’échelle du pays. En théorie, il lui reste encore du potentiel à cet égard mais elle va devoir composer avec une population active au mieux stable d’ici 2025 — position (2). La Thaïlande, pas plus urbanisée que l’Indonésie ou les Philippines a une démographie encore moins porteuse que celle de la Chine. À l’opposé, l’Amérique Latine et les pays du Golfe sont déjà très avancés en termes d’urbanisation. Mais ils possèdent encore l’arme démographique pour faire progresser leurs économies — position (3). Certains plus que d’autres : Pérou, Mexique et Colombie sont les mieux lotis. Enfin, l’Europe de l’Est est fortement pénalisée par le facteur démographique. Certains peuvent encore compter sur un potentiel d’urbanisation (Roumanie, Slovaquie). Mais d’autres sont déjà plus avancés de ce côté-là, comme la Russie — position (4). 42 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 V. Conséquences des transformations en cours sur la géopolitique et notre modèle de croissance Le basculement du centre de gravité du monde, de l’Atlantique au Pacifique et les mutations technologiques en cours ont au moins deux conséquences majeures : l’une géopolitique et l’autre sur notre modèle de croissance. 5.1 La Chine a de par sa taille une vocation au leadership Depuis le début de l’industrialisation il y a eu deux pays leaders : l’Angleterre puis les États-Unis. L’émergence du géant chinois pendant cet hiver économique fait penser qu’il pourrait un jour détrôner les États-Unis et retrouver la place qui était la sienne au xviiie siècle avant la révolution industrielle anglaise (voir graphique). n°44 42- Répartition du PIB mondial (en dollars Geary-Khamis de 1990) 100% Afrique 90% Moy. Orient 80% Japon 70% Inde 60% Chine 50% Am. Latine Ex URSS 40% Etats-Unis 30% Roy.-Uni 20% Italie 10% Allemagne 0% 1500 1550 1600 1650 1700 1750 1820 1870 1913 1950 2000 France Source: Maddison, Recherche Amundi Si l’histoire se répète, il faudra néanmoins attendre plusieurs décennies avant de voir la suprématie totale de la Chine et ce parcours sera sûrement chaotique. En effet, les États-Unis ont dépassé l’Angleterre industriellement dans les années 1890, au cours de l’hiver du cycle II, mais ils n’ont vraiment acquis leur leadership que lors de l’hiver suivant, avec la seconde guerre mondiale (voir graphique n°37). Ils avaient déjà fait un pas important lors de l’été avec la première guerre mondiale Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 43 mais avaient beaucoup plus souffert que le Royaume-Uni de la crise de 1929. N’oublions pas non plus que la démographie américaine devrait redevenir plus porteuse à partir des années 2020-2025, contrairement à celle de la Chine. Enfin, le Japon, allié clé des États-Unis en Asie depuis la seconde guerre mondiale, commençait à rivaliser avec eux sur le plan économique dans les années 1980. Après un déclin de plus de 20 ans, le Japon ne peut plus prétendre rivaliser avec les États-Unis et ces derniers ont au contraire tout intérêt à favoriser l’équilibre des forces économiques en Asie. Un autre géant, l’Inde, pourrait aussi retrouver son lustre d’antan, au moins partiellement ; sa population est beaucoup plus dynamique que celle de la Chine. Avec une population jeune et un taux d’urbanisation encore très faible, l’Inde est définitivement un candidat intéressant à suivre sur le long terme. L’Asie, qui reprend son destin en main depuis la fin de la guerre froide, dont elle avait été l’une des principales victimes, est donc à nouveau au centre de l’échiquier mondial. 5.2 L’économie capitaliste mondiale est en train de changer de taille Le réveil de la Chine et le développement à marche rapide des autres pays émergents sont à la base de ce phénomène. L’émergence des classes moyennes, corollaire de l’urbanisation, s’accompagne d’une hausse des revenus, et donc d’une demande croissante en biens de consommation et en dépenses de santé, elles-mêmes dopées par le vieillissement de la population mondiale. Mais l’impact peut-être le plus important de ce changement d’échelle du niveau de développement mondial est qu’il a fait prendre conscience que l’environnement doit désormais faire partie de l’équation de notre modèle de croissance ; d’autant que l’humanité vient de passer le cap des 7 milliards d’individus et est censée croître encore d’un milliard d’ici 10 ans. Cela concerne les ressources qui ne sont pas inépuisables (l’énergie, l’eau…) mais aussi tout simplement l’équilibre même de notre planète mis à mal par le réchauffement climatique. Le graphique suivant met en perspective la consommation de pétrole des pays en relation avec leur niveau de développement mesuré par le PIB par habitant, ainsi que la taille des populations des pays. Il est clair que vu la taille des pays qui émergent, il faudra effectivement réinventer un mode de croissance différent. Paradoxalement, ce défi a donc toutes les chances de constituer un des moteurs du prochain Grand Cycle. La transformation de nos infrastructures (construction, transport, communication) vers plus d’efficience énergétique va nécessiter des investissements qui vont s’étaler sur des années, voire des décennies. Des progrès technologiques considérables ont été réalisés dans les années 1990, il y a donc une vingtaine d’années, comme dans les grands cycles précédents ; il n’y a pas d’impossibilité technique pour y arriver. Les crises successives de 2000, 2007 et 2011 ont poussé les taux à des niveaux historiquement bas pour contrer la déflation. 44 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Il n’y a plus de placement sans risque. Les liquidités sont donc disponibles pour financer ces investissements une fois l’endettement purgé et la confiance revenue. Enfin, remarquons que le passage à l’ère de l’information marque aussi une évolution sociétale qui bouleverse nos comportements. Le développement de la cybercriminalité, le pouvoir des réseaux sociaux qui ont précipité les révolutions dites du « printemps arabe », la réduction des écarts entre pays développés et émergents qui a conduit à étendre le G7 au G20 en sont des illustrations. La gouvernance mondiale va aussi devoir se réinventer. Certes, nous sommes encore en hiver, mais le printemps économique est devant nous ! 43- Consommation de pétrole et PIB par habitant 100 Arabie Saoudite Consommation de barils de pétrole (par millier d'habitants et par jour) 90 80 60 Pays-Bas Corée du Sud 50 Taiwan Norvège Australie 40 Japon Espagne 30 Iran Vénézuela Russie Indonésie 20 Mexique Brésil 10 Inde 0 Etats-Unis Canada 70 0 Italie France Pologne Argentine Turquie Chine Philippines Pakistan 10 000 20 000 Hong Kong Suisse Allemagne Royaume-Uni Les bulles représentent la taille de la population en 2008 30 000 40 000 50 000 60 000 PIB par habitant en dollar (PPA) Source : BP, FMI, Recherche Amundi Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 45 Conclusion Des cycles longs d’une cinquantaine d’années embrassent toute l’activité économique et présentent un caractère endogène. Bien que chaque génération tende à mettre en doute ce mécanisme, il se répète depuis le début du capitalisme, il y a plus de deux siècles. Ces cycles présentent une longue phase haussière, qu’on peut facilement lire sur le mouvement des taux suivie d’une autre phase pendant laquelle les taux baissent durablement. Quant aux actions, elles alternent de manière plus rapide les phases de hausse et de baisse. Si bien qu’on peut ainsi découper le cycle long d’une cinquantaine d’années en 4 phases, qu’on appelle des saisons économiques : les actions montent au printemps puis baissent en été, remontent en automne et consolident en hiver. Le printemps correspond au redémarrage du cycle long. Il est surtout favorable aux actions et légèrement défavorable aux obligations dont les taux d’intérêt montent à partir de niveaux très bas. L’or surtout et les placements monétaires ne sont pas non plus attractifs. L’été est une période d’excès qui marque le point haut de l’inflation. Il est favorable à l’or, aux matières premières en général, au monétaire et aux obligations indexées sur l’inflation. L’automne profite du vaste mouvement de désinflation et de la poursuite de la montée de l’endettement. Il prend fin avec un krach majeur et international. Cette saison est favorable aux actifs financiers, à commencer par les actions. Enfin, l’hiver est marqué par un point bas majeur de l’inflation et une purge de l’endettement. Les placements à rendement fixe, en tout cas pour les plus sûrs d’entre eux, et l’or font mieux que les actions qui sont très volatiles. Ces mécanismes sont universels au sein des économies de marché, même s’il existe des décalages de quelques années. Ces grands cycles sont même internationaux par nature. Les progrès techniques réalisés de génération en génération font progresser les échanges commerciaux. Le comportement des différents pays a tendance à converger vers celui du pays leader, à savoir les États-Unis au xxe siècle. Le cas américain nous semble d’ailleurs constituer une grille de lecture pertinente pour l’avenir. En effet, il s’agit certes d’un cas exceptionnel mais il a connu moins de phénomènes rares comme les destructions massives de population qu’a en revanche connues la France, par exemple, pendant les deux guerres mondiales. Les facteurs démographiques, clé pour comprendre les évolutions du xx e siècle, sont loin de remettre en cause ce fonctionnement ; au contraire, ils le renforcent tout en donnant des pistes pour mieux percevoir les évolutions à venir. À chaque âge ses préoccupations et donc son impact sur les différents actifs. La proportion de jeunes adultes influence les prix de l’immobilier sur le long terme, la génération intermédiaire le niveau de la croissance potentielle et donc les taux réels. Enfin, les 40-59 ans impactent la croissance effective et l’épargne financière, et donc le prix des actions. 46 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Le baby-boom d’après-guerre par exemple a eu lieu au printemps ; quand cette génération a eu l’âge de consommer, elle a porté l’expansion économique de l’automne à partir de 1981. Le krach japonais de 1990, le krach de 2000 aux États-Unis et même la crise européenne de 2010 dans la foulée de la crise des « subprimes » américaine correspondent au déclin de la proportion de cette génération dans la population totale. « L’écho » du baby-boom ne devrait produire ses effets bénéfiques sur le cycle long que vers 2020-2025. Nous sommes aujourd’hui encore en hiver économique au niveau mondial et des changements majeurs sont en train de prendre forme comme à chaque fois, y compris géopolitiques avec un basculement du centre de gravité de l’Atlantique vers le Pacifique. Avec le développement de nouveaux pays et le changement de taille de l’économie mondiale, les avancées technologiques du boom des années 1990 vont trouver des applications dans de nouveaux domaines à l’échelle planétaire pour la cinquième fois depuis le début de l’industrialisation. Après leur purge hivernale, les banques fourniront à nouveau du crédit pour ces développements. Ce renouveau va transformer l’économie mondiale et notre mode de vie. Il devrait déboucher sur une période de croissance équilibrée : un printemps économique. Chaque grand cycle a bien sûr ses particularités. Le passage de l’hiver au printemps du début du xx e siècle (passage au cycle III) s’est fait en douceur. Celui du dernier cycle (passage au cycle IV) a lui été repoussé dans le temps par la seconde guerre mondiale qui a eu des conséquences inflationnistes exceptionnelles pour une période hivernale. La gestion de ce dernier hiver par la Fed (quantitative easing) peut aussi être considérée comme exceptionnelle par rapport à l’histoire et a conduit à la formation de bulles. Il est ainsi possible que le marché américain ait anticipé sur le printemps à venir. Évidemment, le retour vers de meilleurs auspices n’est pas linéaire. Des cycles courts s’insèrent au sein des cycles longs. Si positionner la période actuelle au sein du cycle long est essentiel pour tirer parti des caractéristiques des différents actifs, se positionner au sein du cycle court permet de mieux saisir les opportunités. C’est ce que nous avons décrit dans le Discussion Paper publié en octobre 2014 : « Le cycle court de l’investissement : notre feuille de route ». Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 47 Bibliographie Jean-François De Laulanié (2003) : « Les placements de l’épargne à long terme » – Economica Jérémy Siegel (1994) : « Stocks for the long run » – Mac Graw Hill Elroy Dimson, Paul Marsh, Mike Staunton (2002) : « Triumph of the Optimists » – Princeton University Press Sidney Homer & Richard Sylla (2005 fourth edition) : « A history of interest rates » — Willey Finance US Bureau of Census (1975) : « Historical Statistic of the US from colonial time to 1970, Bicententennial Edition, Part 2 » — US Government Printing Office Robert Flood and Nancy Marion (2004) : « Stock Prices, Output and the Monetary Regime, draft version » — IMF Nicolaï Dimitrievitch Kondratieff (1992) : « les grands cycles de la conjoncture » – Edition présentée par Louis Fontvieille — Economica Philippe Gilles (2009) : « Histoire des crises et des cycles économiques » — Armand Colin Charles P. Kindleberger (2000 fourth edition) : « Manias, Panics, and Crashes, a History of Financial Crises » — Willey investment classics Yves Breton, Albert Broder, Michel Lutfalla (1997) : « La grande stagnation en France » — Economica Christina D. Romer (1992) : « What ended the Great Depression ? » — The journal of economic history Reinhart et Rogoff (2010) : « Cette fois c’est différent » — Person Aymeric Chauprade (2003 seconde édition) : « Constantes et changements dans l’histoire » — Ellipses Peter Berezin (2013) : « ‘Human Intelligence and Economic Growth from 50,000 B.C. to the Singularity » – The Bank Credit Analyst Harald Edquist (2006) : « Technological Breakthroughs and Productivity Growth » — EFl, The Economic Research Institute, Stockholm School of Economics Ian Gordon (1998) : « The Long Wave Analyst Volume 1, Issue 1 » — Canaccord Capital Paull Wallace (1999) : « Agequake » — Nicola Brealey Publishing Harry S. Dent (2011) : « The Great Crash Ahead » – Free Press Eric Mijot (2013) : « Une hirondelle annonce le printemps mais ne le fait pas ! » – Amundi Cross Asset Investment Strategy, juin 48 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 Amundi Discussion Papers Series - DP-10-2015 49 éditeurs : Pascal BLANQUÉ Directeur Général Délégué Directeur du Métier Institutionnels et Distributeurs Tiers Chief Investment Officer Group Philippe ITHURBIDE Directeur Recherche, Stratégie et Analyse Pia BERGER — Recherche, Stratégie et Analyse Benoit PONCET — Recherche, Stratégie et Analyse Amundi Discussion Papers Series Mai 2015 Les destinataires de ce document sont en ce qui concerne l’Union Européenne, les investisseurs « Professionnels » au sens de la Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 « MIF », les prestataires de services d’investissements et professionnels du secteur financier, le cas échéant au sens de chaque réglementation locale et, dans la mesure où l’offre en Suisse est concernée, les « investisseurs qualifiés » au sens des dispositions de la Loi fédérale sur les placements collectifs (LPCC), de l’Ordonnance sur les placements collectifs du 22 novembre 2006 (OPCC) et de la Circulaire FINMA 08/8 au sens de la législation sur les placements collectifs du 20 novembre 2008. Ce document ne doit en aucun cas être remis dans l’Union Européenne à des investisseurs non « Professionnels » au sens de la MIF ou au sens de chaque réglementation locale, ou en Suisse à des investisseurs qui ne répondent pas à la définition d’« investisseurs qualifiés » au sens de la législation et de la réglementation applicable. Le présent document ne constitue en aucun cas une offre d’achat ou une sollicitation de vente et ne peut être assimilé ni à sollicitation pouvant être considérée comme illégale ni à un conseil en investissement. Amundi n’accepte aucune responsabilité, directe ou indirecte, qui pourrait résulter de l’utilisation de toutes informations contenues dans ce document. Amundi ne peut en aucun cas être tenue responsable pour toute décision prise sur la base de ces informations. 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