Chapitre 3
Théorèmes de convergence
pour les sommes de variables
aléatoires indépendantes
Université d’Artois
Faculté des Sciences Jean Perrin
Probabilités (Master 1 Mathématiques-Informatique)
Daniel Li
1 Existence de suites de variables aléatoires
indépendantes suivant une loi donnée
Définition 1.1 Soit Fun ensemble de v.a.r. X: R. On dit que les v.a.r.
de Fsont indépendante si X1, . . . , Xnsont indépendantes pour tout choix d’un
nombre fini de v.a.r. X1, . . . , Xndans F.
Pour une suite (Xn)n>1de v.a.r., dire qu’elle est indépendante revient à dire
que X1, . . . , Xnsont indépendantes pour tout n>1.
1.1 Cas de deux variables aléatoires réelles
Soit Qune mesure de probabilité sur R.
Considérons sa fonction de répartition, définie, pour xR, par :
F(x) = Q(] − ∞, x]) .
On sait que Fest croissante et continue à droite.
Lorsque Fest continue et strictement croissante, Fa un inverse. Dans le cas
général, on peut définir un pseudo-inverse (ou inverse généralisé de Paul
Lévy), à partir de la remarque suivante : pour tout t] 0,1 [, l’ensemble :
{sR;F(s)>t}
est un intervalle. On définit le pseudo-inverse de Fen posant, pour t] 0,1 [ :
G(t) = inf{sR;F(s)>t}.
1
Comme Fest continue à droite, la borne inférieure est atteinte et l’on a :
{sR;F(s)>t}= [G(t),+[.(1.1)
Gest clairement croissante, et elle est continue à gauche ; en effet, si
tn%t, alors : \
n>1
[G(tn),+[= [G(t),+[,
car, si s>G(tn)pour tout n>1, on a F(s)>tnpour tout n>1; donc
F(s)>t.
On pourra vérifier à titre d’exercice que G[F(s)] 6spour tout sRet que
F[G(t)] >tpour tout t] 0,1 [.
Proposition 1.2 (Paul Lévy) Le pseudo-inverse G: ] 0,1 [Rde la fonction
de répartition de Qest une v.a.r. et sa loi est Q.
Plus généralement, si U: ] 0,1 [ est une v.a.r. de loi uniforme sur ] 0,1 [,
alors H=GU: Rest une v.a.r. dont la loi est Q.
Preuve. Gest mesurable car elle est croissante ; c’est donc une v.a.r. .
Notons maintenant que (1.1) s’écrit :
G(t)6sF(s)>t;
donc :
FH(x) = PH]− ∞, x]=P(H6x) = P{ω;GU(ω)6x}
=P{ω;F(x)>U(ω)}=FUF(x)=F(x),
2
ce qui prouve que PH=Q.
Notons qu’avec =] 0,1 [, on peut prendre U(ω) = ω.
On en déduit le résultat suivant.
Proposition 1.3 Etant données deux lois de probabilité Q1et Q2sur R, on
peut trouver un espace de probabilité (Ω,A,P)et deux v.a.r. indépendantes
X1, X2: Rdont les lois sont Q1et Q2respectivement.
Preuve. Par la proposition précédente, il existe deux v.a.r. G1, G2: ] 0,1 [R
de lois respectives Q1et Q2. Il s’agit de les rendre indépendantes.
Considérons =] 0,1 [×] 0,1 [, muni de sa tribu borélienne et de la mesure
de Lebesgue P=λ2. Posons, pour ω= (t1, t2)] 0,1 [2:
X1(t1, t2) = G1(t1)
X2(t1, t2) = G2(t2).
Les v.a.r. X1et X2ont pour lois Q1et Q2:
FXj(x) = PXj(t1, t2)6x=PGj(tj)6x=Qj(] − ∞, x]) ,
et comme :
P(X1,X2)([a, b]×[c, d]) = PG1(x1)[a, b]et G2(x2)[c, d])
=λ2G1
1([a, b]) ×G1
2([c, d])
=λG1
1([a, b])G1
2([c, d])
=λ2G1
1([a, b])×] 0,1 [2] 0,1 [×G1
2([c, d])
=λ2X1
1([a, b])2X1
2([c, d])
=PX1([a, b]).PX2([c, d]) ,
on a P(X1,X2)=PX1PX2, ce qui prouve que X1et X2sont indépendantes.
Cette méthode s’étend pour obtenir une suite infinie de v.a.r. indépendantes
de lois données. Mais pour cela, il faudrait d’abord définir ce qu’est un produit
infini d’espaces de probabilité. On ne le fera pas et nous allons voir une autre
méthode. Il est néanmoins essentiel d’en retenir l’idée : les v.a.r. indépendantes
s’obtiennent comme fonctions définies sur des espaces-produits et qui ne sont
fonctions que de coordonnées différentes.
3
1.2 Cas général
Nous allons définir une suite infinie particulière de v.a.r. indépendantes.
Commençons par rappeler que tout nombre réel t[0,1[ a un unique déve-
loppement dyadique :
t=
X
n=1
εn(t)
2n,
avec εn(t) = 0 ou 1et les εn(t)n’étant pas tous égaux à 1à partir d’un certain
rang (développement dyadique propre – de toute façon, l’ensemble des tqui
ont un développement dyadique impropre est dénombrable, et donc de mesure
nulle).
Prouvons d’abord que les fonctions εn: [0,1[→ {0,1}sont mesurables ; ce
seront donc des v.a.r., définies sur Ω = [0,1[, avec pour probabilité la mesure
de Lebesgue.
Notons que si
t=
+
X
k=1
εk(t)
2k,
alors, si E(x)est la partie entière de x, et AnN:
2n1t=An+εn(t)
2+εn+1(t)
22··· =E(2n1t) + εn(t)
2+
+
X
k=1
εn+k(t)
2k+1 ·
Comme le développement dyadique de test propre, une infinité des εk(t), pour
k>n+ 1, est nulle ; on a donc :
+
X
k=1
εn+k(t)
2k+1 <
+
X
k=1
1
2k+1 =1
2·
Ainsi :
εn(t) = 0 062n1tE(2n1t)<1
2
εn(t) = 1 1
262n1tE(2n1t)<1.
Introduisons alors la fonction indicatrice R:R→ {0,1}définie par :
R(t) = 0si 06tE(t)<1/2
1si 1/26tE(t)<1;
on a, d’après ce qui précède :
εn(t) = R(2n1t).
Il est alors clair que chaque εnest mesurable et que (Pétant la mesure de
Lebesgue sur [0,1[) :
P(εn= 0) = P(εn= 1) = 1
2;
4
Ce sont donc des v.a.r. de Bernoulli.
Pour voir que la suite (εn)n>1est indépendante, raisonnons par récurrence ;
supposons ε1, . . . , εnindépendantes, et soit, pour a1, . . . , an+1 ∈ {0,1}:
An={t[0,1[ ; ε1(t) = a1, . . . , εn(t) = an}.
Anest l’intervalle [tn,1[ des nombres tdont le développement dyadique com-
mence par :
0, a1a2. . . an.
La v.a.r. εn+1 prend la valeur 0sur la première moitié de cet intervalle et la
valeur 1sur la seconde moitié. Donc :
P(An∩ {εn+1 =an+1) = 1
2P(An),
de sorte que, grâce à l’hypothèse de récurrence :
P(ε1=a1, . . . , εn=an, εn+1 =an+1) = 1
2n+1 =
n+1
Y
k=1
P(εk=ak),
ce qui achève la preuve.
Proposition 1.4 Soit (Zn)n>1une suite indépendante de v.a.r. de Bernoulli,
prenant les valeurs 0et 1avec probabilité 1/2. Alors la somme :
U=
X
n=1
Zn
2n
suit la loi uniforme sur [0,1[.
Preuve. Comme on ne s’intéresse qu’aux lois, on peut prendre des réalisations
particuli`res des v.a.r. ; et, avec les réalisations ci-dessus en termes de dévelop-
pement dyadique ; dans ce cas, la proposition exprime simplement le fait que,
pour tout t[0,1[, on a :
t=
X
n=1
εn(t)
2n·
Théorème 1.5 Pour toute suite Pkde lois de probabilité sur R, il existe une
suite indépendante de v.a.r. Xk: [0,1[Rtelle que, pour tout k>1, la loi PXk
de Xksoit Pk.
Preuve. Donnons-nous une bijection :
N×NN
(k, l)7−n(k, l),
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