Rapport de mission parties prenantes Total

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UFR 10 - PHILOSOPHIE
MASTER 2 ETHIRES
RAPPORT DE MISSION
“TOTAL et la catégorisation de ses parties prenantes externes, vers une nouvelle approche”
Ivan EVE, Viviana JIMÉNEZ et Jelena VUJIČIĆ
Sous la direction de Xavier GUCHET
Paris, Mai 2015
Présentation
La mission, portée par l’équipe Conformité Éthique et Droits de l’Homme de la Direction
Conformité et Responsabilité Sociétale du pétrolier TOTAL, avait pour objectif de construire un
nouveau modèle relationnel aux parties prenantes du Groupe. En effet, le modèle actuel,
construit sur une approche en silo, ne permet pas d’approcher les parties prenantes externes dans
toutes leurs complexités et leurs spécificités mais tend à les réduire à une identité. C’est à travers
cette identité assignée, fondée sur des catégories préétablies, que TOTAL appréhende ses parties
prenantes. Enfin, le dialogue avec les parties prenantes a pour objectif premier de limiter
l’impact réciproque entre le pétrolier et ses parties prenantes et doit, pour cela, permettre de faire
émerger des demandes précises, retraduisibles en action et en normes au sein du Groupe.
Or, notre travail a consisté à remettre en cause non pas le modèle de catégorisation, mais la
conception de l’éthique et de l’acceptabilité sociétale sur laquelle il repose. L’éthique telle
qu’elle s’applique chez TOTAL se fonde sur un ensemble de normes et de procédures qui visent
à encadrer l’ensemble des activités du Groupe, en vue de limiter au maximum les risques et les
impacts. C’est dans ce cadre que se développent les politiques sociétales, dont découle la gestion
des parties prenantes. Cette éthique contraignante, dite procédurale et déontologique, est alors de
fait dissociée de l’action. Elle l’encadre par des grands principes, un contrôle de conformité fort,
des procédures guidant les décisions mais ne la sous-tend pas, ne la motive pas. Si cette éthique
est efficace pour lutter contre les risques liés à l’exploitation des hydrocarbures, elle n’en reste
pas moins hors sol car séparée de l’action et des acteurs.
L’acceptabilité sociétale chez TOTAL comme processus visant à réduire l’exposition sociétale
met en avant la conception des parties prenantes comme étant des génératrices d’impacts, ce qui
empêche nos porteurs de mission de comprendre la nature ubiquiste des parties prenantes. Nature
à laquelle il n’est possible d’avoir accès que par un véritable processus de dialogue et de coconstruction des conditions de réalisation des activités propres à TOTAL.
De plus, il existe un écart entre les pratiques des acteurs et le cadre éthique. Il s’agit d’une liberté
d’action qui permet aux agents de s’adapter aux réalités contextuelles, d’appréhender les parties
prenantes dans leur ubiquité, dans leur complexité. C’est cette capacité à construire la norme par
l’expérimentation, de manière contextualisée, qui permettra une appréhension plus globale des
parties prenantes. C’est pourquoi nous recommanderons la mise en valeur d’une éthique plus
pragmatiste, qui permettrait de faire émerger l’ubiquité des parties prenantes et les différents
enjeux dont elles sont porteuses.
1
Table des matières
Présentation
1
Remerciements
3
I. Repenser l’éthique pour une nouvelle gestion des parties prenantes
a. L’organisation et les principes de l’éthique chez TOTAL
B. Ethique et activité industrielle : favoriser l’acceptabilité
7
7
10
II. L’appréhension par TOTAL de ses parties prenantes : Une conception de l’acceptabilité
sociétale
A. La conception des parties prenantes chez TOTAL
B. La catégorisation des parties prenantes
C. TOTAL, ses parties prenantes et la question de l’acceptabilité sociétale
14
14
15
17
III. Parties prenantes, éthique et politiques sociétales : écarts et temporalités
A. Normes et pratiques des acteurs : vers une liberté d’action ?
B. Vers une circularité différée dans le temps des normes et des pratiques
18
18
20
Conclusion
23
Recommandation
24
Bibliographie
25
Annexes
29
2
Remerciements
Nous voulons, en premier lieu, remercier l’équipe Éthique et Droits de l’Homme de TOTAL, nos
porteurs de mission, pour leur confiance. De plus, nous souhaitons remercier Marianne
MERCIER, notre tutrice, ainsi que nos professeurs MM. Malik BOZZO-REY et Emmanuel
PICAVET et enfin Xavier GUCHET, notre directeur de Master, pour leurs précieux conseils.
Nous souhaitons également remercier toutes les personnes ayant participé à cette enquête, qui par
le temps qu’elles nous ont consacré, leur disponibilité ainsi que la qualité des informations
fournies, ont rendu possible notre travail de terrain et la rédaction de ce rapport.
TOTAL :
Nathalie Bou (Direction du Développement Durable)
Alain Castinel (Direction des Affaires Publiques)
Christine Hamot (Direction du Développement Durable)
Serge Huysman (Chef de projet en Angola)
Philip Jordan (Directeur du Comité d’Ethique)
Gastar Ondongo-Tsimba (Division Développement Durable - Congo)
Sophie Pierson (Direction conformité et responsabilité sociétale)
Elisabeth Pion (Direction du Développement Durable)
Brigitte Fargevieille (EDF - Chef de mission développement durable)
Maxime Goualin (Schneider Electric - Responsibility & Ethics Coordinator - Strategy &
Technology - Sustainable Development)
Emmanuel Tarika (Altermondo - CEO)
3
Introduction
Total est une multinationale française présente dans 130 pays et composée de plus de 100 000
collaborateurs. De ce fait, l’entreprise interagit avec une multitude de parties prenantes. La
dangerosité des hydrocarbures et les nombreux scandales ayant affectés Total complexifient la
définition d’une politique sociétale et plus largement de l’éthique au sein du Groupe. C’est de ces
politiques que découle la gestion des parties prenantes au sein du Groupe et que sont réalisés les
choix opérés en termes de catégorisation et de dialogue.
L’équipe Éthique et Droits de l’Homme au sein de la Direction Conformité et Responsabilité
Sociétale est en charge d’assister les directions et entités opérationnelles et fonctionnelles. Elle
prend en compte et traite les questions relatives à l’éthique et à la responsabilité sociétale. Ses
missions consistent à assurer un respect et une bonne application des normes et des directives
éthiques sur l’ensemble du Groupe, indépendamment des contextes et des acteurs. En contrôlant
les écarts entre les pratiques et le cadre normatif, l’équipe Éthique et Droits de l’Homme se
trouve confrontée à des problèmes liés à l’appréhension des parties prenantes.
L’équipe a donc sollicité les étudiants du Master ETHIRES (Éthique appliquée, responsabilité
sociétale et environnementale) afin d’étudier l’actuelle catégorisation des parties prenantes
utilisée par TOTAL en vue d’une appréhension plus globale de celles-ci. Plusieurs solutions ont
été suggérées comme par exemple, la proposition d’un nouveau modèle de catégorisation ou
encore de nouvelles formes de communication avec les parties prenantes. Par partie prenante,
TOTAL entend tout acteur individuel ou institutionnel qui pourrait affecter ou être affecté par,
positivement ou négativement, les activités du Groupe. Actuellement, l’approche de TOTAL en
terme de catégorisation consiste à cibler les attentes des parties prenantes afin de les gérer de
manière adaptée à leurs spécificités. Le Groupe les classifie en trois grandes catégories : autorité,
société civile et business. Il existe également une distinction entre les parties prenantes internes
(celles opérant au sein du Groupe - les collaborateurs par exemple) et externes (celles opérant à
l’extérieur du Groupe - comme les fournisseurs). Il apparaît toutefois qu’une partie prenante peut
entrer dans plusieurs de ces catégories (un collaborateur peut également être membre d’une ONG
4
contestant les activités du Groupe). On parle alors d’ubiquité des parties prenantes 1. L’ubiquité
est le fait qu’une partie prenante peut répondre à des identités et à des statuts différents.
Aujourd’hui, la gestion des parties prenantes externes à TOTAL s’insère dans une politique
éthique et sociétale menée au sein du Groupe à la fois au niveau du siège, de la holding et au sein
des filiales. Cette gestion répond avant tout à des impératifs industriels : favoriser l’implantation
et le développement des activités économiques du Groupe. Elle se fait à deux niveaux : celui de
l’éthique et celui de la RSE. L’éthique chez TOTAL a pour objectif de créer un cadre normatif
dans lequel les parties prenantes et TOTAL vont pouvoir interagir. A travers des normes et des
principes généraux, par des procédures standardisées et globalisées et un contrôle de conformité
efficace, les équipes éthiques chez TOTAL élaborent un cadre qui permet de limiter les risques
liés à l’exploitation des hydrocarbures et de sécuriser les relations avec les parties prenantes. Les
activités économiques, parce qu’elles sont pensées comme dangereuses, sont très fortement
encadrées par les équipes éthiques du Groupe qui doivent assurer leur bonne implantation, c’està-dire impactant le moins possible leur environnement. La pratique de l’éthique telle qu’elle
existe chez TOTAL peut être qualifiée de procédurale (fondée sur des procédures standardisées
et globalisées) et déontologique (contraignant l’action par des principes généraux élaborés a
priori)2. La RSE, qui s’inscrit dans ce cadre normé et contrôlé défini par l’éthique, permet de
définir le cadre opérationnel de la relation avec les parties prenantes. Ce sont des politiques RSE
que découle la gestion des parties prenantes, c’est-à-dire les choix opérés en terme de
catégorisation, de procédures de concertation. Il existe ainsi deux cadres distincts pour la gestion
des relations avec les parties prenantes : un cadre éthique plus normatif et un cadre sociétal plus
opérationnel. Ces deux cadres sont liés, interdépendants et souvent superposés mais, bien que
fonctionnant selon des logiques relativement similaires, ils doivent être distingués.
Les politiques sociétales s’inscrivent également dans une logique d’acceptabilité. La RSE doit
faciliter l’implantation des activités non plus par la norme, mais par l’action (le développement
par exemple) tournée notamment vers les parties prenantes.
Ainsi, l’éthique et la RSE dépendent chez TOTAL avant tout des choix organisationnels et
stratégiques opérés par le Groupe pour favoriser ses activités : acceptabilité, limitation des
risques et des impacts. Le dialogue et l’appréhension des parties prenantes qui en découlent
1
Cette expression est empruntée à Alain-Charles Martinet et recouvre, dans cette étude, toute porosité entre les catégories des
parties prenantes, et non pas seulement une porosité entre les parties prenantes externes et internes. Martinet, Alain-Charles,
Management stratégique : organisation et politique, McGraw-Hill, New York, 1984.
2 La section B.2 du chapitre I traite plus précisément de ces différentes lectures de l’éthique.
5
directement doivent être questionnés au regard de ces choix et non pas seulement à travers le
prisme de la catégorisation ou de la communication. Aussi, bien qu’à première vue le problème
posé par l’ubiquité des parties prenantes semblait relever de la catégorisation (pas assez souple
ou globale par exemple), elle semble en réalité être la conséquence des choix stratégiques et
organisationnels fixés par les objectifs de TOTAL en matière économique et d’acceptabilité
sociétale.
Notre travail de mission a consisté en 10 entretiens. Ces entretiens ont été principalement réalisés
auprès de professionnel de l’éthique et de la RSE, chez TOTAL (7), EDF (1), Schneider Electric
(1) et enfin le cabinet de conseil Altermondo (1). Nous avons également été aidés dans notre
réflexion par nos professeurs, MM. E. Picavet, M. BOZZO-REY et X. GUCHET.
L’ensemble de ce travail, nous a amené à reformuler la problématique initiale, à la déplacer
d’une réflexion centrée sur la catégorisation à un questionnement plus large sur les choix
éthiques opérés par Total. Selon nous ces choix sont déterminants dans les problèmes liés à la
gestion difficile de l’ubiquité des parties prenantes. Notre question de recherche peut ainsi se
formuler comme suit :
Dans quelles mesures la politique éthique de TOTAL implique-t-elle une certaine
appréhension des parties prenantes ?
Il s’agit tout d’abord de revenir sur la politique éthique du Groupe, puis sur les liens entre la
catégorisation des parties prenantes et l’acceptabilité sociétale, et enfin sur les écarts entre les
normes et les pratiques dans la gestion des parties prenantes.
Notre travail se propose de démontrer que les difficultés de l’équipe Éthique et Droits de
l’Homme dans l’appréhension des parties prenantes découlent d’une certaine conception de
l’acceptabilité sociétale au sein de la politique éthique du Groupe et non pas de problèmes de
catégorisation. Nous recommanderons par la suite de sortir d’une telle approche et de s’orienter
vers une éthique d’inspiration plus pragmatiste.
6
I. Repenser l’éthique pour une nouvelle gestion des parties prenantes
Avant de s’intéresser plus en détail aux parties prenantes, il est important de revenir sur la
politique éthique de TOTAL. Il s’agit de comprendre sur quels fondements repose l’éthique au
sein du Groupe, la manière dont elle s’organise et la manière dont elle s’articule avec les
politiques RSE – politiques sociétales dont découle la gestion des parties prenantes.
a. L’organisation et les principes de l’éthique chez TOTAL
Les choix opérés en matière d’éthique au sein de TOTAL sont relativement récents au regard de
l’histoire du Groupe, et sont les résultats à la fois d’une série de scandales liés aux activités
industrielles et des exigences sociétales croissantes depuis les années 1980. L’éthique
s’organise ainsi de manière particulière chez TOTAL, selon un principe directeur : la
conformité.
1. Les origines de l’éthique chez TOTAL
L’éthique telle qu’elle existe aujourd’hui chez TOTAL s’est mise en place à partir du début des
années 2000, et peut-être considérée comme le résultat d’une double logique3.
Une première logique constructiviste qui ferait des politiques éthiques le résultat d’interactions
entre des choix stratégiques et des processus émergents. Ces processus émergents étant de deux
types : un accroissement des exigences de la société civile et une régulation de plus en plus
stricte. En effet, entre les années 1980 et 2000, l’environnement économique et sociétal dans
lequel évolue TOTAL s’est profondément transformé. D’une part, les exigences de la société
civile à l’égard des entreprises se sont accrues et d’autre part, les entreprises ont été amenées à
reconnaître que leur action débordait du simple champ économique et affectait plus largement
l’ensemble de la société. Une complexification de l’environnement qui a notamment obligé les
entreprises à reconnaître l’existence des parties prenantes4. Ceci étant d’autant plus vrai pour des
multinationales pétrolières comme TOTAL. Enfin, les États et les pétroliers eux-mêmes,
notamment à travers l’IPIECA, se sont dotés d’un arsenal législatif et réglementaire (soft law) qui
contraint les entreprises du secteur à respecter certaines normes environnementales et éthiques.
Marchesnay, Michel, Management stratégique, Les Editions de l'ADREG, 2004, pp.158-165. Il ne s’agit pas ici de se placer
dans une ou plusieurs des différentes lectures de la théorie des organisations mais d’interroger les logiques générales. Saussois,
Jean-Michel, Théorie des organisations, Paris, La Découverte, Collection Repères, 2012. Une double logique relativement
conflictuelle méthodologiquement entre une approche inductive et déductive des politiques éthiques.
4 Pfeffer, Jeffrey, Salancik, Gerald R., The External Control of Organizations. A Resource Dependency Perspective, Stanford,
Stanford University Press, 1978.
3
7
Le cas de la très récente loi du 30 mars 2015 sur le “devoir de vigilance” des sociétés mères et
des entreprises donneuses d’ordre en est un bon exemple5.
Une seconde logique, plus rationnelle, qui consiste à mettre en place les structures jugées les plus
efficaces pour atteindre les résultats en termes d’éthique, mais sans altérer la dimension
industrielle et économique du Groupe. Cette logique de performance est à l’origine des choix
organisationnels en matière de RSE et d’éthique chez TOTAL.
2. L’organisation de l’éthique au sein de TOTAL
L’éthique est fonction d’une organisation particulière au sein de TOTAL et se retrouve à
différents points de l’organigramme. Elle se situe exclusivement au siège, à travers deux entités,
le Comité d’éthique créé en 2001 et les équipes chargées de la Conformité Éthique et Droits de
l’Homme au sein de la Direction juridique. Ces deux instances sont directement rattachées au
sommet de l’organigramme, à la Direction Générale de TOTAL et sont de fait indépendantes de
toutes les autres Directions, notamment des directions opérationnelles. Le Comité d’éthique est
composé de 7 membres : “un président, un responsable des politiques éthiques et cinq
collaborateurs, délégués chacun par une branche opérationnelle du Groupe” 6. Il ne rend des
comptes qu’au Comité exécutif et au Conseil d’administration mais travaille avec toutes les
Directions concernées. Aussi, bien que dispersée, l’éthique chez TOTAL occupe une place
privilégiée, directement sous l’autorité de l’exécutif au sein du siège, afin d’éviter une relecture
locale et contextualisée de ce que doit recouvrir l’éthique au sein des filiales.
Les politiques sociétales, dont dépend la gestion des parties prenantes au sein de TOTAL, sont
séparées de l’éthique. Elles se retrouvent à la fois au niveau du siège (dans le Secrétariat Général
- Direction des Affaires publiques, de la Sûreté et du Développement Durable & Environnement)
et dans les branches opérationnelles et les filiales (Direction H3SEQ (Hygiène Sécurité Sociétal
Santé Environnement Qualité)). Ainsi, la RSE, à l’inverse de l’éthique, est articulée entre les
différents niveaux opérationnels du Groupe, à la fois au sommet de l’organigramme et au contact
des différents contextes où TOTAL déploient ses activités.
Un premier constat s’impose alors : l’éthique chez TOTAL encadre l’ensemble des activités du
Groupe, là où les politiques RSE permettent d’articuler et de déployer ces activités.
Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre adoptée le 30 mars
2015 en première lecture par l’Assemblée nationale.
6www.total.com/fr/profil-du-groupe/gouvernance/le-comite-dethique-garant-de-lapplication-du-code-deconduite?%FFbw=kludge1%FF
5
8
3. Une éthique de la conformité
Sur le Code de conduite publié par TOTAL, les 3 principes prioritaires sont : “le respect des
normes les plus strictes”, “un rigoureux programme de conformité basé sur le principe de la
“tolérance zéro” et enfin “respecter les Droits de l’Homme internationalement reconnus”7. Si ces
principes sont louables et que leur bonne application n’est pas en question ici, il est néanmoins
nécessaire de comprendre ce qu’ils recouvrent. A travers ces trois principes, c’est d’une éthique
de la conformité qu’il s’agit, c’est-à-dire d’une éthique fondée sur une bonne application des
normes éthiques et sociétales, établies en amont et au sommet, sur l’ensemble des activités du
Groupe. L’éthique n’est donc pas située dans l’action mais dans la norme qui régit l’action. Cette
normativité s’exerce au travers de la prise en compte de l’éthique dans de grands engagements et
dans des directives qui la mettent en place (outils d’information et instances de conformité)8. Les
équipes Conformité Éthique et Droits de l’Homme de la Direction juridique s’assurent de la
bonne application de ces normes au sein du Groupe. Le Comité d’éthique remplit une fonction
similaire, par un autre canal : le recueil des doléances. Cela permet de faire remonter
l’information et d’assurer un contrôle à la fois interne et externe des comportements. Enfin, ce
contrôle est aussi externe puisque TOTAL collabore avec des institutions et des consultants
extérieurs pour assurer des performances éthiques plus élevées9. Mais c’est également une
normativité qui va vers l’extérieur puisqu’à travers le Code de conduite et la future loi sur le
devoir de vigilance, le Groupe doit s’assurer de la bonne conduite des entreprises avec lesquelles
elle collabore.
A travers ce contrôle très strict et cette application contraignante de l’éthique, TOTAL cherche à
limiter au maximum les risques
liés
à
l’exploitation
des
hydrocarbures
(risques
environnementaux, sociaux, ou encore de corruption et de non-respect de la concurrence).
7Code
de Conduite édité par TOTAL (p.9) disponible sur :
www.total.com/sites/default/files/atoms/files/total_code_de_conduite_vf.pdf
8Les 3 grands principes prioritaires, les 3 grandes valeurs du Groupe (le respect, la responsabilité, l’exemplarité), mais également
de nombreux autres principes décrits dans le Code de conduite et fondés, très souvent, sur les grands traités internationaux :
http://www.total.com/fr/candidats/decouvrir/les-valeurs-fortes/le-code-de-conduite-des-valeurs-et-principespartages?%FFbw=kludge1%FF
9 Il est par exemple possible de citer le partenariat de TOTAL avec l’entreprise spécialisée britannique GoodCorporation.
http://www.total.com/fr/societe-environnement/ethique/demarche/Evaluations-et-controles
9
B.
Ethique et activité industrielle : favoriser l’acceptabilité
Les politiques éthiques chez TOTAL, par leur organisation et leurs finalités, permettent donc de
créer un cadre sécurisé dans lequel se déploient les activités industrielles du Groupe. L’objet de
l’éthique chez TOTAL est de prévenir les risques liés à ces activités. Il s’agit d’une éthique
déontologique et procédurale.
1. Favoriser l’acceptabilité des activités industrielles : éthique et analyse de
risque
La norme est décidée en amont pour l’ensemble du Groupe et appliquée presque partout de la
même manière10. Cette normativité permet de limiter au maximum les effets irréversibles des
activités du Groupe, très affectante socialement et environnementalement, dans une application
normative du principe de précaution11. L’éthique doit permettre d’empêcher toute action
potentiellement à risque de se dérouler et ainsi favoriser une meilleure performance sociétale des
activités. Le risque est identifié et pris en compte en amont, et l’ensemble des politiques éthiques
et sociétales visent à le limiter. Les différents scandales ont permis un retour d’expérience et le
risque est aujourd’hui identifié et traité dès la mise en place du projet. Elles servent alors de
matrice d’analyse de risques : risques environnementaux, sécuritaires, humains ou éthiques
(risques “sociétaux”) et les risques liés à une contestation des activités, un rejet du Groupe ou une
perte de sa licence to operate (risques “économique”). De plus, par la nature même du produit et
la dangerosité des hydrocarbures, les bénéfices des politiques éthiques actuelles sont le plus
souvent de limiter au maximum les impacts négatifs liés aux activités.
L’éthique chez TOTAL peut alors être considérée, tout comme les politiques RSE, comme un
outil au service du développement des activités industrielles du Groupe car elles vont permettre
une meilleure acceptabilité des opérations à quatre niveaux : face aux exigences des pays hôtes
(et l’obtention d’une licence to operate), pour les populations locales, pour les collaborateurs et
enfin pour les sociétés civiles occidentales. L’implantation de TOTAL est supposée alors de faire
de manière moins affectante.
La question de la représentation syndicale peut parfois aller à l’encontre de certaines législations nationales, notamment en
Chine et la question se pose alors. Mais ces cas sont très peu nombreux et la volonté affichée par le Groupe est de pouvoir
appliquer ces normes partout de la même manière.
11 Arrow, Kenneth J., Fisher, Anthony C., « Environmental Preservation, Uncertainty, and Irreversibility », The Quarterly
Journal of Economics, vol. 88, n°2, Mai 1974, pp. 312-319.
10
10
L’éthique chez TOTAL englobe les politiques RSE et influence de fait la gestion des parties
prenantes. La RSE, dont découle cette gestion, repose sur 3 grands piliers : l’écoute et le
dialogue, la gestion des impacts et enfin le développement. Là encore, c’est un idéal de
performance qui prévaut, notamment pour la gestion des impacts et des choix opérés en termes
de développement12. Deux exemples permettent de mieux saisir les principes directeurs de
l’éthique chez TOTAL. Le premier est l’évolution même des politiques de développement,
auparavant fondée sur des conceptions philanthropiques et aujourd’hui fondée sur un idéal de
social business. Le développement doit répondre à des logiques d’efficacité et de résultats et
passe par des objectifs précis et ciblés. Ainsi, en matière d’éducation, TOTAL ne construit plus
d’écoles mais forme des ingénieurs et des techniciens. De plus, une grande partie des activités
philanthropiques ont été reprises par la Fondation TOTAL. Second exemple, le développement
des normes et des dispositifs H3SEQ vise à limiter l’impact des activités sur les hommes et
l’environnement. Ils sont construits sur des normes et procédures décidées au siège et appliquées
pareillement dans toutes les situations. Ils permettent d’intégrer le risque en amont des processus
de décisions opérationnelles : les outils pour gérer le risque sont présents avant même que le
projet ne se mettent en place. La gestion des parties prenantes, qui relèvent de ces trois
dimensions d’écoute, de développement et d’impact, est très fortement influencée par cette
question de l’impact, qui est au cœur des politiques éthiques et RSE chez TOTAL.
En limitant l’impact, c’est l’acceptabilité des activités industrielles qui prévaut : il s’agit pour
TOTAL de réduire son exposition, ses impacts et les critiques potentielles. Grâce à ce
verrouillage normatif, à cette constante référence à l’impact, les activités de TOTAL sont de
moins en moins contestées. Cependant, cette politique fondée sur la gestion des impacts montre
ses limites quant à la question des parties prenantes.
2.
Quelle éthique pour quelle gestion des parties prenantes ?
En considérant que l’éthique construit le cadre dans lequel se déroule l’action, c’est-à-dire la
gestion des parties prenantes, et en constatant que cette dernière montre certaines limites, il est
donc nécessaire de reconstruire le cadre. Autrement dit, en vue de mieux comprendre les
spécificités des parties prenantes du Groupe, il est nécessaire de construire une politique éthique
qui puisse les faire émerger. Actuellement, l’éthique chez TOTAL peut être considérée comme
A l’inverse, comme nous le verrons dans une deuxième partie, l’écoute et le dialogue sont quelque peu noyés sous le discours
de l’impact.
12
11
déontologique et procédurale. Or, nous recommandons à TOTAL de favoriser l’émergence d’une
éthique pragmatiste.
Tout d’abord, l’éthique telle qu’elle existe chez TOTAL peut être qualifiée de déontologique car
elle fait reposer l’action sur des principes absolus et établis a priori (grands principes prioritaires,
grands textes internationaux) qui viennent la commander et la contraindre, et ce, pour l’ensemble
du Groupe. Les collaborateurs de TOTAL mais également les parties prenantes, à travers le Code
de conduite, les normes et les politiques, ont des devoirs à l’égard du Groupe et de ses intérêts,
qui peuvent se confondre avec leurs ou des intérêts sociétaux plus larges. Ils ont une obligation
de bien agir, de respecter des normes pensées et mises en place depuis le sommet de
l’organigramme, obligation qui renvoie par ailleurs à des interdictions. Il est également possible
de parler d’éthique procédurale car elle vise à limiter l’impact des activités industrielles à travers
des procédures normalisées et standardisées à l’ensemble du Groupe, à la fois pour sa mise en
œuvre et pour son contrôle (audit annuel, Code de conduite, démarche SRM+ …)13. Ainsi, c’est
la procédure qui est au cœur du dialogue et de la compréhension des parties prenantes. La
procédure peut être comprise comme un ensemble de règles explicites qui doivent permettre de
faire émerger la meilleure décision si elle est suivie. De plus, ces procédures ont une double
fonction : instaurer une forme de dialogue et limiter ainsi les impacts négatifs.
A l’inverse, l’éthique pragmatiste vise à faire émerger les valeurs et les pratiques qui fondent
l’éthique et l’action par l’expérimentation et la délibération, en la contextualisant14. Une telle
éthique consiste à faire émerger des valeurs, c’est-à-dire des comportements durables qui
surgissent en des situations particulières. Autrement dit, dans le cas de TOTAL, il s’agit de
mettre en avant la volonté d’appréhender les parties prenantes dans leurs spécificités et d’établir
un dialogue construit avec elles. L’éthique n’apparaît dès lors plus comme un simple moyen en
vue de fins préétablies, elle n’a plus de valeur instrumentale seulement, comme c’est le cas
actuellement chez TOTAL. La “fin ne prend forme qu’en même temps que l’action qu’elle
polarise, à travers notamment la définition des moyens, et n’est pleinement déterminée qu’au
terme de l’action »15. De plus, “les fins atteintes dépendent tellement des moyens” mis en œuvre
Berten, André, « L’éthique procédurale dans ses rapports avec les sciences humaines », dans Variations sur l'éthique:
hommage à Jacques Dabin, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Collection générale, 1994,
p.538.
14 Dewey, John, La formation des valeurs, Paris, La Découverte, « Les Empêcheurs de penser en rond », 2011.
15 Dewey, John, op. cit., p.43.
13
12
qu’il est possible d’évaluer les uns par aux autres16. Ainsi, l’objectif de dialogue et de
compréhension des spécificités des parties prenantes et les moyens mis en place pour arriver à
une telle fin sont aujourd’hui inadéquats puisque ces mêmes moyens répondent avant tout à une
logique d’impact. Aussi, cette conception plus pragmatiste de l’éthique favorise un retour
d’expérience puisque le « résultat atteint est toujours comparé et confronté à celui escompté de
façon à mettre en lumière l’adéquation réelle des éléments pris comme moyens. On pourra ainsi
mieux juger, à l’avenir, de leur pertinence et de leur utilité »17.
Une approche plus pragmatiste de l’éthique favoriserait, dans la relation avec les parties
prenantes, une meilleure adéquation entre fins et moyens et par conséquent, une réévaluation des
fins. De plus, en contextualisant l’action, en la fondant en valeurs, elle permettrait de faire
émerger un réel dialogue et une écoute plus attentive des parties prenantes, ce qui, à terme,
permettrait une appréhension plus spécifique de chacune.
En favorisant l’acceptabilité des activités industrielles à travers des politiques éthique et sociétale
fondée sur la gestion des impacts, TOTAL s’inscrit dans une éthique procédurale et
déontologique fondée sur la norme et des procédures contraignantes permettant de limiter ces
impacts. L’éthique permet d’encadrer les actions des acteurs face à un produit aux enjeux
économiques, sociétaux et écologiques importants et détermine les relations et le dialogue avec
les parties prenantes. En vue de comprendre les spécificités des parties prenantes au-delà du
cadre préétabli par la catégorisation adoptée au sein de TOTAL, il est donc nécessaire de
valoriser une nouvelle éthique, plus pragmatiste.
16
17
Dewey, John, op. cit., pp.108-109.
Dewey, John, op. cit., p.103.
13
II. L’appréhension par TOTAL de ses parties prenantes : Une
conception de l’acceptabilité sociétale
La gestion des parties prenantes est fondée sur une lecture particulière de l’acceptabilité sociétale
centrée sur l’impact. C’est à travers ce prisme que sont conceptualisées et catégorisées les parties
prenantes et c’est sur lui que repose le dialogue entre TOTAL et ses parties prenantes.
A. La conception des parties prenantes chez TOTAL
TOTAL conçoit ses parties prenantes en fonction de plusieurs critères. Elles sont tout d’abord
des groupes qui envoient des “signaux d’acceptabilité sociétale”. Il est donc indispensable, pour
TOTAL, de les identifier, de cerner la manière dont elles sont impactées et d’appréhender leurs
attentes afin de formuler les enjeux d’acceptabilité des projets. Trois notions permettent à
TOTAL de caractériser les parties prenantes : l’impact, le pouvoir et les intérêts.
Premièrement, l’impact. TOTAL conçoit ses parties prenantes comme des « individu[s] ou
groupe[s] d’individus qui peu[vent] affecter, ou être affecté[s] par, l’entreprise »18.
L’identification des impacts permet de cibler les divers acteurs concernés. Des acteurs qui sont
classifiés en deux catégories : les choisis (par exemple, les fournisseurs, les clients ou les
actionnaires) et les non-choisis (telles que les ONG, les populations ou les communautés
locales)19. Cela à pour conséquence de transformer l’impact en un objet qui doit être défini
précisément, circonscrit et contrôlé, et donc la création de cadres pour le gérer. Ce sont des
cadres de contrôle formel direct et indirect des faits20. Chez TOTAL, ces cadres sont les normes
éthiques du Groupe mais également des procédures de dialogue, comme la démarche SRM+.
Deuxièmement, le pouvoir. Le pouvoir est « le fait qu’une partie prenante soit capable de
conduire un autre acteur à faire quelque chose qu’il n’aurait pas réalisé autrement »21. Ici, la
partie prenante est appréhendée sous l’angle de l’influence réciproque entre elle, le projet et
l’organisation qu’est TOTAL.
Enea Consulting, Facts & Figures « L’acceptabilité des projets industriels » Concept et enjeux de l’acceptabilité sociales pour
les projets industriels, Avril 2012 en ligne:
http://www.enea-consulting.com/wp-content/uploads/ENEA-Consulting-Lacceptabilit%C3%A9-des-projets-industriels.pdf
18
19
Idem.
Idem.
21 Idem.
20
14
Troisièmement, l’intérêt. L’intérêt permet de comprendre les parties prenantes comme des
« individus ou groupes d'individus qui […] ont un intérêt dans l’issue du projet »22. Ainsi, c’est
en couplant l’intérêt à l’influence que TOTAL évalue la légitimité des demandes de ses parties
prenantes et son niveau d’acceptabilité sociale. Cela se traduit par exemple dans la matrice de
classement des parties prenantes intégrée à la démarche SRM+.
Toutefois, si l’on se réfère à la théorie des parties prenantes et aux nombreuses acceptations de
l’expression, il apparaît que le terme « partie prenante » recouvre un ensemble plus large
d’éléments qu’il est important d’identifier. Premièrement, le concept de dépendance. Il faut
comprendre ce rapport de dépendance non pas dans un sens unidirectionnel mais comme étant
fondateur d’une relation de réciprocité23. Deuxièmement, le terme « partie prenante » n’est pas la
seule la traduction française possible du mot « stakeholder », littéralement « porteur ou porteuse
d’enjeux ». A la lumière de ces deux éléments, nous souhaitons proposer à TOTAL une nouvelle
définition du terme “parties prenantes”. Celles-ci seraient des individus ou des organisations
porteurs d’enjeux qui leur sont propres et qui peuvent varier en fonction des problématiques et
des contextes particuliers. Elles ont une relation d'interdépendance avec les entreprises qui peut
être envisagée en termes de réciprocité.
Cependant la survalorisation de l’impact dans la gestion de ses parties prenantes par TOTAL
favorise une catégorisation et un mode de dialogue particuliers.
B.
La catégorisation des parties prenantes
Catégoriser les parties prenantes permet de les identifier, de les décrire et de les cataloguer en
fonction de critères spécifiques. La catégorisation cherche à différencier les parties prenantes
entre elles tout en les intégrant dans des catégories prédéfinies (le plus souvent en fonction de
caractéristiques dominantes). Elle permet tout d’abord de distinguer entre les « parties prenantes
internes et externes ». Les parties prenantes sont alors distinguées en fonction de leur localisation
et leur sphère d’action par rapport à l’entreprise24. Une telle bipartition a deux conséquences.
D’une part un effacement des rapports de dépendance entre TOTAL et ses parties prenantes car
celles-ci sont alors perçues comme des ensembles clôs et opposés. D’autre part une faible
22
Idem.
Le rapport de dépendance étant l’enjeu de la définition de stakeholder donnée en 1963 par le Stanford Research Institute. Un
stakeholder est une personne ou groupe de personnes “sans le soutien desquels l’entreprise cesserait d’exister”.
24 D’après Carrol, Archie B & Näsi, Juha « Understanding Stakeholder Thinking: Themes from a Finnish Conference » Business
Ethics. A European Review, Volume 6 pages 46-51 janvier 1997.
23
15
capacité du côté de TOTAL à reconnaître les parties prenantes ubiquistes25. Parties prenantes
“pouvant être à la fois à l’intérieur et à l'extérieur de l’entreprise”, comme un riverain
embauché chez TOTAL par exemple.
La catégorisation des parties prenantes externes est le reflet d’un découpage de l’environnement
de l’entreprise. Un tel découpage obéit au schéma de la « roue de vélo » de l’économiste R.
Edward Freeman. Il s’agit d’un schéma fondateur de la théorie des parties prenantes, qu’il s’agit
de comparer avec celui utilisé par TOTAL26:
Plusieurs remarques peuvent être faites. Tout d’abord, l’environnement de toute entreprise est
composé d’une pluralité d’acteurs qui peuvent être regroupés sous trois catégories : politiques,
sociétaux et économiques – un découpage qui fait écho aux trois grandes catégories « Autorités,
Affaires et Société Civile » utilisée par TOTAL pour classifier ses parties prenantes. Ensuite, la
bidirectionnalité des flèches met en avant la relation de réciprocité et d'interdépendance entre
l’organisation et les parties prenantes. Ces flèches symbolisent le dialogue et l’échange. Enfin,
les parties prenantes ubiquistes remettent en question la représentation des catégories comme des
ensembles clos. Ainsi, il existe donc une perméabilité des frontières entre les parties prenantes
externes et les parties prenantes interne-externe. De plus, de la même manière qu’il est difficile
de réduire un individu à une seule identité, il semble que les parties prenantes soient par nature
ubiquistes. Autrement dit, TOTAL doit considérer ses parties prenantes comme des porteuses
d’une pluralité d’enjeux et répondant à une pluralité d’identités. La catégorisation actuelle ne
25
Les parties prenantes ubiquistes ont été définies par Martinet AC & Raynaud E « Shareholders, Stakeholders et Stratégie »
Revue français de gestion, novembre-décembre 2001 Pag 12-25.
26 Freeman R.Edward, Strategic Management a stakeholder approach, Boston, Piltman Publishing, 1984, p.90.
16
répond pas à cette réalité de parties prenantes plurielles mais à une conception limitée de
l’acceptabilité sociétale.
C.
TOTAL, ses parties prenantes et la question de l’acceptabilité sociétale
TOTAL dispose de nombreux instruments pour favoriser l’acceptabilité de ses activités
économiques, directement implémentée à travers ses politiques éthiques et sociétales. Concernant
les parties prenantes, une procédure ressort particulièrement car préconisée depuis le siège : la
démarche SRM+ (Stakeholders Relationship Management +). Cette démarche a pour objectif de
rendre acceptables les activités du Groupe grâce à un dialogue encadré avec les parties prenantes.
La démarche d’acceptabilité sociétale de TOTAL se déploie en 3 grandes étapes : l’évaluation
interne des activités, l’évaluation par les parties prenantes et enfin l’élaboration d’un plan
d’action en interne. Le dialogue avec les parties prenantes consiste en des entretiens et des
questionnaires prédéfinis et standardisés, les mêmes pour l’ensemble du Groupe. Un glissement
s’opère alors : les parties prenantes, porteuses d’enjeux, deviennent des porteuses des attentes et
de demandes qu’il est possible de définir en amont des projets.
Toutefois, il est possible de définir l’acceptabilité sociétale comme “ le résultat d’un processus
durant lequel les parties prenantes construisent ensemble les conditions minimales à respecter
pour qu’un projet s’intègre harmonieusement dans son milieu naturel et humain”27. Deux facteurs
deviennent alors essentiels : la prise en compte du contexte local et l’ouverture du projet aux
parties prenantes via un processus de co-création.
Cette définition contraste avec la conception défendue par TOTAL d’un environnement sociétal
uniquement perçu à travers le risque et une survalorisation des impacts potentiels. Autrement dit,
l’environnement est pour TOTAL un lieu “d’exposition sociétale” ce qui met en évidence les
limites de la définition de l’acceptabilité qui prévaut au sein du groupe. Une telle conception,
lorsqu’elle est appliquée aux parties prenantes, devient alors un obstacle pour nos porteurs de
mission. Le discours fondé sur l’impact empêche de mettre en valeur au quotidien le dialogue
avec les parties prenantes pourtant considéré comme un volet majeur de la politique sociétale du
Groupe. Il empêche aussi de percevoir l’ubiquité, c’est-à-dire de comprendre l’identité plurielle
et dynamique des parties prenantes.
27
Caron-Malenfant, Julie, Conraud, Thierry, Guide pratique de l'acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d'action, Québec,
Édition DPRM, 2009, p. 5.
17
Le discours centré sur l’impact fait oublier le dialogue et l’écoute pourtant présentés comme un
volet majeur au sein de la politique sociétale du Groupe. Une mise en valeur constante du
dialogue permettra de mener un véritable processus de co-création afin de comprendre les
rapports d’interdépendance entre TOTAL et ses parties prenantes.
Cette omniprésence de l’impact dans le discours que TOTAL tient sur ses parties prenantes
semble découler de la rigidité normative des modèles de conformité, qu’il s’agit maintenant
d’interroger.
III. Parties prenantes, éthique et politiques sociétales : écarts et
temporalités
La gestion des parties prenantes relève de politiques éthiques et sociétales et vise à limiter les
impacts potentiels entre TOTAL et celles-ci. L’éthique agit alors comme un cadre contraignant
l’action des acteurs à travers un ensemble de normes et de procédures. Or c’est ce cadre qu’il
s’agit maintenant de réévaluer au regard des pratiques des acteurs. Nous montrerons que
l’éthique telle qu’elle est conçue chez TOTAL, déontologique et procédurale, laisse place à une
certaine liberté des acteurs dans leurs rapports aux parties prenantes.
A.
Normes et pratiques des acteurs : vers une liberté d’action ?
Henry Mintzberg a mis en évidence le décalage existant dans le travail des managers entre ce
qu’ils sont supposés faire, entre les objectifs de leurs fonctions, et ce qu’ils font réellement en
fonction de leur environnement de travail et de leurs propres valeurs28. Les managers doivent
alors se situer entre les attendus de leur fonction, les réalités de leur environnement de travail et
leur propre vision de leur rôle. Il ne s’agit plus pour eux de répondre à des attentes, mais de s’y
adapter. A travers ce décalage, c’est une distorsion entre les pratiques des agents et les normes
qui encadrent leur rôle qui est mise en lumière. Comme explicité plus haut, l’éthique chez
TOTAL vient agir comme un cadre pour les acteurs, dans une logique contraignante. Or, cette
contrainte, si elle peut restreindre l’action, ne la motive pas. Celle-ci est motivée par les valeurs
propres des acteurs, en réponse à des contextes et des réalités locales et non par un cadre
construit au siège et appliqué à l’ensemble des activités. Une réalité que décrit également le
28
Mintzberg Henry « The nature of managerial work », Harper & Row, NewYork, 1973
18
sociologue du travail Gilbert de Terssac29. Pour lui, en entreprise, les actions des agents ne sont
jamais véritablement enracinées dans un ensemble de règles préétablies mais leur autonomie doit
être garantie pour un bon déroulement des pratiques. Ainsi, ce sont bien les acteurs eux-mêmes
qui donnent corps aux principes et aux valeurs énoncés par la politique générale et supposés
guider leur action ; principes et valeurs réévalués par les différents acteurs en fonction de leurs
propres valeurs et rationalité.
Face à cela, Henry Mintzberg rappelle l’importance de considérer avec autant d’égards les
stratégies délibérées, c’est-à-dire les stratégies planifiées, programmées et organisées, et les
stratégies émergentes, ces stratégies d’ajustement, d’adaptation aux réalités et aux contextes30. Il
s’agit dans les faits de faire confiance aux différents acteurs, de laisser émerger des pratiques non
anticipées ou prescrites. Les dispositifs stratégiques, les normes et les procédures ne doivent alors
venir qu’en soutien des acteurs et de leurs décisions et non plus comme le moteur de leur action.
Enfin, la prise de décision est le plus souvent le fruit d’une intuition et d’un artisanat car les
acteurs ne disposent pas de toutes les informations nécessaires et utiles31. Elles sont le fruit d’une
rationnalité limitée, qui tend à valoriser le premier choix pensé comme satisfaisant. Premier
choix qui peut, par ailleurs, être réévalué. Les décisions ne sont alors pas définitives, « linéaires »
mais nécessitent des ajustements. De telles pratiques existent chez TOTAL, où le retour
d’expérience et les prises d’initiatives peuvent faire l’objet d’une valorisation. C’est par exemple
suite à une initiative prise dans une filiale que la démarche SRM+ s’est vue agrémentée d’un
module de gestion des portefeuilles sociétaux, afin d’optimiser les performances sociétales en
cartographiant les projets de développement en cours.
Concernant la gestion des parties prenantes, les agents de TOTAL semblent également adapter
les normes et les procédures à leur réalité quotidienne et donc de contextualiser leurs pratiques.
Un exemple est celui de la catégorisation même, où les ONG sont reclassées en dehors des
catégories officielles, entre informées, non informées et intermédiaires ; ces trois catégories
déterminent alors pour partie les relations que le Groupe va entretenir avec elles.
Enfin, Max Bazerman et Ann Tenbrunsel ont montré qu’il existe un décalage entre le jugement
éthique des acteurs et ce qu’ils font réellement32. Pour eux, les agents sont souvent en porte-à29
De Terssac Gilbert, « Autonomie dans le travail », Ed. PUF, Paris 1992
Mintzberg, Henry « Grandeur et décadence de la planification stratégique », Ed. Dunot, Paris 1994 p.197
31 Reprenant les travaux d’Henry Mintzberg. Michel Marchesnay,Op. cit., pp.212-213
32 Bazerman, Max H., Tenbrunsel, Ann E., Blind Spots: Why We Fail to Do What's Right and What to Do about It, Princeton,
Princeton University Press, 2012.
30
19
faux entre leurs conceptions éthiques et leurs actions. Les processus de décisions, y compris
lorsqu’ils sont fondés sur des procédures de conformité, par un phénomène d’ethical fading,
tendent à exclure l’éthique des décisions. Ainsi, chez TOTAL, si l’éthique constitue un cadre de
la décision, elle n’en reste pas moins tributaire des propres conceptions des agents. Pour ces deux
auteurs, les agents sont confrontés à des dilemmes éthiques qui ne peuvent être résolus que par
une meilleure articulation du “should self” (la partie qui sait ce qui est correct) et du “want self”
(la partie qui prend la décision)33. Pour eux, ce décalage entre comportement éthique et
comportement réel viendrait d’un décalage temporel : les agents auraient tendance à considérer
leur action comme plus éthique que ce qu’elle sera réellement et que ce qu’elle a réellement été.
Ainsi, en plus de la compréhension du cadre normatif par les agents, il est nécessaire de
comprendre la perception qu’ils ont de leurs propres actions. Aussi, la décision ne relève-t-elle
pas exclusivement des cadres normatifs mais bien du positionnement des agents dans ce cadre
normatif et de leur capacité à interpréter leurs actions dans ce cadre.
Aussi est-ce l’ensemble des pratiques des acteurs qu’il s’agit de réévaluer face au cadre normatif
et aux procédures. Il ne s’agit plus de concevoir les pratiques comme déterminées par les normes
mais plutôt comme un aller-retour entre un cadre, support de décision, et des contextes, variables
d’ajustements et sources d’évolution des pratiques. Les acteurs, les contextes et les pratiques
doivent être autant considérées que les structures normatives. Aussi, à travers l’éthique ce sont
certaines conceptions des parties prenantes, du dialogue et de relation qui sont mises en avant ;
conceptions qui sont alors réinterprétées et remobilisées par les acteurs, qui vont alimenter leurs
actions dans le champ des possibles offert par le cadre et les procédures.
B.
Vers une circularité différée dans le temps des normes et des
pratiques
Les différentes activités de l’entreprise TOTAL se déploient à travers des normes et des règles
énoncées en amont. Les opérations sont menées dans le cadre d’une éthique déontologique et
procédurale, privilégiée par le Groupe. L’objectif est de créer les conditions d’une acceptabilité
sociétale supposée réduire l’exposition sociétale du Groupe. L’acceptabilité, finalité des
Reprenant les conclusions d’un article de travail précédent : Tenbrunsel, Ann E., Diekmann, Kristina A., Wade-Benzoni,
Kimberly A., Bazerman, Max H. « The Ethical Mirage: A Temporal Explanation as to Why We Aren’t as Ethical as We Think
We Are », Boston, Harvard Business School, Working Paper, 2007.
33
20
politiques éthiques et RSE, devient un moyen dès lors que le regard se porte sur les activités
industrielles. Elle participe à rationalisation de l’environnement dans lequel évolue TOTAL, le
simplifie pour que les agents puissent planifier leurs actions et anticiper les évolutions.
L’acceptabilité sociétale permet de réduire la complexité des parties prenantes en les réduisant à
une dimension unique et des attentes précises. Une volonté de planification qui est, comme
explicité précédemment, pour partie incompatible avec l’idée de dialogue, créateur
d’incertitudes. Ainsi l’acceptabilité sociétale se traduit par la création d’un cadre normatif
(éthique) et de politiques sociétales (RSE). Il est donc possible d’opérer une distinction entre les
Directions et les agents chargés de construire le cadre et veillant à la bonne application de
l’éthique et ceux qui agissent dans le cadre normatif, en relation directe avec les parties
prenantes. Ces agents et ces Directions sont porteuses d’un autre cadre : opérationnel. Aussi,
deux cadres se superposent : un cadre normatif définit par l’éthique, un cadre opérationnel définit
par les politiques sociétales.
Dans le cadre opérationnel, les normes participent à la prise de décision, comme de nombreux
autres facteurs, sans pour autant la conditionner. Cela permet aux acteurs de dialoguer avec les
parties prenantes en fonction des réalités locales et des contextes et donc, de saisir leur nature
ubiquiste. Le cadre, la catégorisation, les procédures sont autant d’outils pour créer un dialogue,
qui doit permettre d’aboutir à des demandes transposables et planifiables. Il existe ainsi une plus
grande liberté d’action et d’initiative des agents qui peuvent recourir à différentes
stratégies (l’échange interpersonnel, un réseau d’associations locales, des consultants …) pour
les faire émerger, bien que certaines soient fortement suggérées par les politiques du Groupe
(SRM+). Ce cadre opérationnel fonctionne sur les retours d’expériences et l’identification par les
acteurs eux-mêmes des bonnes pratiques, qu’ils choisissent ou non, au sein du siège ou dans les
filiales, de valoriser. Par exemple, la démarche SRM+ a été construite en 2005 après que la filiale
du Nigéria a connu des difficultés avec ses parties prenantes. Le guide des bonnes pratiques alors
en place ne suffisant pas, il fut décidé de créer une démarche spécifiquement adaptée aux besoins
du Groupe. Depuis, la démarche est en constante évolution et s’est récemment agrémentée d’un
module de gestion des portefeuilles sociétaux. Il s’agit d’une démarche relativement ouverte qui
est en constante réévaluation, en fonction des différentes situations rencontrées par les filiales.
21
Le cadre normatif, à l’inverse, est beaucoup plus rigide car il doit correspondre à des principes
absolus et a priori, décidés hors des contextes locaux et selon une logique top down. Les agents
doivent assurer le respect de ce cadre et ne peuvent que difficilement s’y soustraire.
Ces deux cadres sont soumis à des temporalités différentes. Le cadre normatif est défini au sein
du siège et va évoluer lentement, en fonction des grandes avancées éthiques ou sociales de la
société, sur la base des grands principes internationaux ou des grandes déclarations
internationales mais également des scandales. L’éthique chez TOTAL est donc relativement
figée et prescrit les comportements sans pour autant être réellement sujette à des évolutions
venant du cadre, ou alors, sur un temps long et par à coups (en cas de crise notamment). A
l’inverse, le cadre opérationnel rattaché aux politiques RSE évolue plus rapidement, en fonction
des bonnes pratiques, des retours d’expériences, des initiatives des acteurs et des contextes
locaux. Il est possible de mettre en avant une certaine circularité entre ce cadre opérationnel et les
pratiques des acteurs. Ce cadre sociétal est beaucoup plus souple, contextualisé car articulé entre
le siège et les filiales. Un cadre opérationnel qui, avec le temps, transforme également le cadre
normatif ou permet de l’interroger (typiquement, cette étude commanditée par les équipes
conformités est née d’un écart entre cadre normatif et cadre opérationnel).
La théorie de la structuration du sociologue Anthony Giddens permet de comprendre ces
différences de temporalité et la circularité entre cadre opérationnel, cadre normatif, pratiques des
acteurs et normes éthiques34. Pour lui, toute structure est ouverte et en constante évolution.
Autrement dit, aucune structure ne peut contraindre les comportements des agents sans être, en
retour, affectée par les comportements. La structure conditionnent les comportements et est
conditionnée par eux ; les agents sont au cœur de l’évolution. Dès lors, la circularité entre normes
et pratiques permet aux différents cadres dans lesquels opèrent les acteurs d’évoluer.
Aussi, une éthique d’inspiration plus pragmatiste permettrait de faciliter les évolutions du cadre
normatif et de l’adapter aux réalités contextuelles, tout en fondant l’éthique non plus sur la
norme, mais bien dans l’action. L’éthique ne serait alors plus créatrice de normes mais motrice
de l’action, ce qui indiquerait une voie possible pour résoudre les problèmes liés à l’ubiquité de
parties prenantes pour les équipes chargée du respect de l’éthique.
34
Giddens Anthony, « Central Problems in Social Theory » 1979. « The constitution of society » 1984.
22
Conclusion
L’appréhension des parties prenantes chez TOTAL se fait à l’intérieur d’un cadre normatif
construit en référence aux concepts d’impact, de risque et d’acceptabilité sociétale. Autrement
dit, c’est parce que les parties prenantes sont conçues comme des génératrices d’impacts que des
procédures pour définir leurs intérêts et par la suite leurs identités sont définies en amont. Ainsi,
la façon de s’adresser aux parties prenantes, de même que le traitement des demandes que cellesci adressent au groupe, rendent difficile la compréhension de la nature ubiquiste des parties
prenantes. Enfin, la question de l’ubiquité ne relève pas en premier lieu de problèmes liés à la
communication ni réellement à la catégorisation mais à une conception particulière de
l’acceptabilité sociétale. L’ubiquité des parties prenantes devient problématique dans une
conception de l’éthique centrée sur la conformité. Car, dans les pratiques, les acteurs adaptent le
cadre normatif aux réalités contextuelles à travers leurs pratiques. C’est pourquoi nos porteurs de
mission ne peuvent, à la conformité, saisir ces ajustements et sont donc confrontés, dans leur
travail, à l’ubiquité comme à un problème. En outre, l’évolution à deux vitesses du cadre
normatif et des procédures existantes au sein des filiales témoigne de l’importance de la
proximité entre TOTAL et les parties prenantes et de l’enjeu que représente une appréhension
plus pragmatiste de ces dernières.
23
Recommandation
En partant du constat que les politiques RSE et éthique chez TOTAL sont relativement récentes
au regard des activités industrielles, nous conseillerons, grâce aux apports d’une éthique
d’inspiration pragmatiste et à une mise en avant du dialogue dans la conception des parties
prenantes :
-Premièrement, d’envisager les normes comme guidant le processus de décision et non pas
uniquement sous leur forme prescriptive (contraignant les comportements). Ce qui permettrait de
faire par exemple évoluer la conception de l’éthique afin de la sortir pour partie d’une valeur
instrumentale et de la visée d’acceptabilité sociétale des politiques industrielles du groupe.
-Deuxièmement, de continuer à favoriser les retours d’expérience et le questionnement des
pratiques au sein du Groupe afin de faire évoluer les normes.
-Troisièmement, d’insérer dans la conception des parties prenantes le dialogue, ce dernier étant
un volet majeur de la politique sociétale du groupe. La mise en avant des processus de
concertation et d’écoute en vue du dialogue, et non de la limitation des impacts, permettra de
comprendre la nature ubiquiste des parties prenantes.
L’ensemble de ces recommandations permettrait une appréhension plus large des parties
prenantes, afin de penser les parties prenantes comme des porteurs d’enjeux et d’intérêts et non
pas uniquement de demandes traductibles dans le vocabulaire de TOTAL.
24
Bibliographie
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25
Reprendre la suite de la biblio (harmoniser : Ballet, J. & Bry, F.,
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26
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Annexes
Tableau des définitions des parties prenantes:
Source: Mitchell RK, Agle BR & Wood DJ (1997), « Toward a Theory of Stakeholder Identification and Salience : defining the
Principle of who and what really counts », Academy of Management Review, vol 22, n° 4, octobre, 853-886.
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