Définition. Une semi-norme p:E→Rsur un K-espace
vectoriel Eest une fonction positive (∀e∈E,p(e)≥0),
homogène (αe ∈E,λ∈K,p(λe) = |λ|p(e)) et sous-additive
(∀e, f ∈E,p(e+f)≤p(e) + p(f)).
Pour L⊂Ωcompact et α∈Nd, on pose
pL,α :D(Ω; C)→R
f7→ pL,α(f) = sup
x∈L
|Dαf(x)|.
Exercice 8. (C’est plutôt un problème qu’un exercice...)
Montrer que pL,α est une semi-norme. Exprimer la conver-
gence des suites à l’aide de ces semi-normes. Définir la topo-
logie sur D(Ω; C)(à l’aide de ces semi-normes, mais. . . at-
tention !). En déduire une notion de suites de Cauchy dans
D(Ω; C). Donner aussi une définition d’ensembles bornés
dans D(Ω; C). Montrer ensuite que D(Ω; C)a la propriété
de Heine : les fermés bornés sont compacts ! (il faut utiliser
le théorème d’Ascoli et l’inégalité des accroissements finis)
Remarque. Si (E, k·k)est un espace vectoriel normé, alors
Eest de dimension finie si et seulement si les fermés bornés
sont compacts. (C’est une réexpression du résultat disant
que si la boule unité est compacte alors Eest de dimen-
sion finie). On en conclut que D(Ω; C)n’est pas un espace
vectoriel normé.
Remarque. La famille de semi-normes définissant la topo-
logie sur D(Ω; C)n’est pas unique. On peut par exemple
restreindre le compact Là appartenir à une suite de com-
pacts fixée à l’avance et dont la réunion des intérieurs est
égale à Ω. Un autre choix naturel et de travailler avec toutes
les dérivées jusqu’à un certain ordre n∈N:
p(n)
L(f) = X
α∈Nd,|α|≤n
pL,α(f),
ou p(n)0
L(f) = sup
x∈LX
α∈Nd,|α|≤n
|Dαf(x)|.
2 L’espace des distributions
Les distributions (on dit parfois “fonctions généralisées”)
sont les formes linéaires continues sur l’espace vectoriel to-
pologique D(Ω; C).
2.1 Définition
Une application linéaire T:D(Ω; C)→Cest continue
si, pour toute suite convergente (fn)nde limite f, la suite
(T(fn))nconverge vers T(f).
Notation : On adoptera la notation hT, fipour désigner
T(f).
Définition. Une telle application linéaire continue
D(Ω; C)→Cest appelée distributions. L’ensemble des dis-
tributions est noté D(Ω; C)0.
Remarque. D(Ω; C)0est lui-même un espace vectoriel topolo-
gique, nous n’aborderons pas ces questions ici. Également, ons
n’évoquerons pas la transformée de Fourier, un outil puissant
dans l’étude des distributions.
Lemme 1. Une application linéaire T:D(Ω; C)→Cest
une distribution si, pour tout L⊂Ωcompact, il existe un
entier net un réel Mtels que
∀f∈ D(Ω; C),Supp(f)≤L⇒ |hT, f i| ≤ Mp(n)
L(f).
On dit que la distribution est d’ordre fini si, il existe N,
tel qu’on peut choisir n≤Ndans le lemme précédent. Le
plus petit entier Npossible s’appelle l’ordre de la distribu-
tion. La distribution est dite d’ordre infinie sinon.
Exemple. (Dirac) tout point xde Ωdéfinit une distribu-
tion δx(appelée Dirac en x) par hδx, fi=f(x). C’est une
distribution d’ordre 0.
Exercice 9. Soit (xn)n∈Nune suite de Ωvérifiant la pro-
priété suivante : pour tout compact L⊂Ω, l’ensemble
{n∈N|xn∈L}est finie. Alors pour n’importe quelle suite
(cn)n∈Nla série Pncnδxndéfinit une distribution d’ordre 0.
2.2 Les fonctions sont des distributions
Soit φ: Ω →Rune fonction continue, alors
Tφ:D(Ω; C)→C
f7→ ZΩ
φ(x)f(x)dx
est une distribution d’ordre 0, car, si Supp(f)⊂L(où Lest
un compact de Ω), alors |hTφ, fi| ≤ RL|φ(x)|dx ×p(0)
L(f).
En fait, ce calcul montre que l’on peut définir Tφpour
toute fonction φmesurable et intégrable sur les compacts (i.e.
pour tout compact K⊂Ω,RK|φ|<∞) ; on dit encore que φ
est localement intégrable et on écrit φ∈ L1
loc(Ω; C). L’espace
vectoriel quotient des classes d’équivalences presque partout
des fonctions mesurables et localement intégrables est noté
L1
loc(Ω; C)ou L1
loc(Ω) ou simplement L1
loc.
Remarquons que deux fonctions égales presque partout
définiront la même distribution : l’espace des distributions
“ne voit donc” que L1
loc.
Remarque. Les deux exemples ci-dessus, Dirac et fonctions,
tombent dans une même classe d’exemples : celle des mesures
de Radon sur Ω. À toute telle mesure (signée) µ, l’on peut dé-
finir Tµpar hTµ, fi=Rfdµ. C’est une distribution d’ordre 0.
Réciproquement, toute distribution d’ordre 0est donnée par ce
procédé.
2.3 Les fonctions de carré intégrable sont
des distributions
En particulier, toute fonction φ∈L2(Ω; C)définit une
distribution. En effet φest bien localement intégrable comme
cela résulte de l’inégalité de Cauchy-Schwartz appliquée à
φ/|φ| × 1Ket à φ(où K⊂Ωest un compact).
On peut même déterminer la norme L2de φavec la dis-
tribution Tφ. Notons k·k2la norme L2.
Lemme 2. Soit φ∈L2(Ω; C)et soit Tφla distribution as-
sociée. Alors l’on a
sup
f∈D(Ω)r{0}
|hTφ, fi|
kfk2
=kφk2.
Démonstration. Notons aussi h·|·i2le produit scalaire sur
L2(Ω; C).Remarquons aussi que D(Ω; C)⊂L2(Ω; C). Pour
tout f∈ D(Ω; C), l’on a hTφ, fi=h¯
φ|fi2.
Soit Mla borne supérieure apparaissant dans l’énoncé.
L’égalité précédente et l’inégalité de Cauchy-Schwartz
montrent que M≤ kφk2. L’égalité M=kφk2provient de la
densité de D(Ω; C)dans L2(Ω; C).
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