Distributions
1 Espace des fonctions test
1.1 Définition
Définition 1.1. (Fermeture d’un ensemble)
Soit un ouvert de Rdet A. On appelle fermeture de Adans , et on note A, l’ensemble des
points de qui sont limites de suites de points de A.Aest un fermé de .
Définition 1.2. (Support d’une fonction)
Soit un ouvert de Rd, et φ: Rcontinue. On définit le support de φcomme la fermeture dans
de {x|φ(x)6= 0}:
Supp(φ) = {x|φ(x)6= 0}.
Définition 1.3. (Espace des fonctions test)
Soit un ouvert de Rd. On note D(Ω) l’ensemble des fonctions qui sont Csur , et dont le support
est compact. Ces fonctions sont appelées fonctions test ou fonctions d’essai.
Remarque: L’ensemble D(Ω) est aussi noté C
c(Ω) ou C
0(Ω).
Définition 1.4. Soit Kun compact, K. On note DK(Ω) l’ensemble des fonctions de D(Ω) à support
dans K.
1.2 Propriétés de D(Ω)
Lemme 1.1. Soit aet rtel que Ba(r). Il existe φ∈ D(Ω) telle que φ0,Rφ= 1, et φest à
support dans Ba(r).
Lemme 1.2. Soit Kun compact. Il existe φ∈ D(Ω) telle que 0φ1sur et φ= 1 sur K.
Lemme 1.3. (Partition de l’unité)
Soit ides ouverts de Rdet Kun compact tel que KSn
i=1 i. Il existe αi∈ D(Rd), avec Suppαii
et 0αi1et Pn
i=1 αi= 1 sur K.
Lemme 1.4. (de Borel)
Soit (an)nNune suite de réels. Il existe φ∈ D(R)telle que
nN,dnφ
dxn(0) = an.
Lemme 1.5. (d’Hadamard)
Soit φ∈ D(R)telle que φ(k)(0) = 0 pour tout 0kn. Alors il existe ψ∈ D(R)tel que xR,
φ(x) = xn+1ψ(x).
Lemme 1.6. D(Ω) est dense dans Lp(Ω) pour tout 1p < +. Autrement dit,
fLp(Ω),∃{φn} ⊂ D(Ω),kfφnkLp
n+0.
Attention! D(Ω) n’est pas dense dans L(Ω). En effet, il suffit de prendre f= 1 partout sur .On a
alors bien fL(Ω) et pour tout φ∈ D(Ω), on a kfφkL(Ω) 1puisque il existe toujours un xtel
que φ(x) = 0.
1.3 Approximation de l’identité
Définition 1.5. (Approximation de l’identité)
Soit χ∈ D(Rd)une fonction positive à support compact dans B(0,1) et telle que RRdχ= 1. La suite de
fonctions
χn(x) = ndχ(nx)
s’appelle une approximation de l’identité.
Théorème 1.1. Soit φ∈ D(Rd). Alors la suite de fonctions φn=φχnconverge presque partout et en
norme L1vers φ.
Théorème 1.2. Soit hL1(Rd). Alors hχnconverge vers hdans L1(Rd).
1
2 Définition d’une distribution
Notation: Un multi-indice α= (α1,··· , αd)Ndest un élément de Nd. On note |α|=Pd
i=1 αiet
αφ=|α|φ
xα1
1···xαd
d
=α1+···+αdφ
xα1
1···xαd
d
.
Définition 2.1. (Distribution)
On dit que Test une distribution dans l’ouvert si Test une forme linéaire sur D(Ω)
T:D(Ω) R
φ7→ hT, φi
qui vérifie la propriété suivante: pour tout compact Kde , il existe un entier pKet une constante CKtels
que
φ∈ DK(Ω),|hT, φi| ≤ CKsup
xK, |α|≤pK
|αφ(x)|.
On note D(Ω) l’espace vectoriel des distributions dans .
Remarque:
sup
xK, |α|≤pK
|αφ(x)|= sup
xK
sup
(α1,··· d)Nd,0α1+···+αdpK
α1+···+αdφ
xα1
1···xαd
d
(x).
Remarque: En 1D, la définition d’une distribution se réécrit:
Soit un ouvert de R. On dit que Test une distribution dans l’ouvert si Test une forme linéaire sur
D(Ω)
T:D(Ω) R
φ7→ hT, φi
qui vérifie la propriété suivante: pour tout compact Kde , il existe un entier pKet une constante CKtels
que:
φ∈ DK(Ω),|hT, φi| ≤ CKsup
xK|φ(x)|,
dx(x),··· ,
dpKφ
dxpK(x)
soit de manière équivalente
φ∈ DK(Ω),|hT, φi| ≤ CKsup
0αpK
sup
xK
dαφ
dxα(x).
Définition 2.2. (Ordre d’une distribution)
Si l’entier pKde la définition peut être choisi indépendamment du compact K, on dit que la distribution
Test d’ordre fini. Le plus petit ppossible est appelé ordre de la distribution.
Exemples:
Dirac: Soit aRd. On pose
δa:D(Rd)R
φ7→ hδa, φi=φ(a).
Alors δaest une distribution sur Rd(appelée distribution de Dirac), d’ordre 0.
Dérivée du Dirac en 1D: Soit aR. On pose
T:D(R)R
φ7→ hT, φi=φ(a).
Alors Test une distribution sur R, d’ordre 1.
2
Fonction localement intégrable: Soit un ouvert de Rd. Soit fL1
loc(Ω), c’est-à-dire que fest
intégrable sur tout compact K. On pose
Tf:D(Ω) R
φ7→ hTf, φi=Rfφ.
Alors Tfest une distribution dans d’ordre 0.
Remarque: Comme LpLp
loc L1
loc, toute fonction de Lp(Ω) définit une distribution.
Définition 2.3. Soit T1et T2deux distributions sur . Par définition, T1=T2si et seulement si
φ∈ D(Ω),hT1, φi=hT2, φi.
3 Propriétés de D(Ω)
Soit un ouvert de Rd.
4 Fonctions et distributions
Théorème 4.1. (Injectivité)
Soit un ouvert de Rd. Soit fet gdans L1
loc(Ω). Alors
f=g pp Tf=Tgdans D(Ω).
Remarque:
Une fonction f: Ω Rassocie à tout xun réel noté f(x).
Une distribution Tsur associe à toute fonction test φ∈ D(Ω) un réel noté hT, φi, qui dépend
linéairement (et continûment, cf la propriété de continuité) de φ.
A toute fonction fL1
loc(Ω), on peut associer naturellement une distribution bien particulière, la
distribution Tfdéfinie ci-dessus. Cette relation est injective (si les distributions associées sont les
mêmes, alors les fonctions sont égales presque partout). Pour simplifier, la distribution Tfnaturellement
associée à fest encore notée f. On écrira donc, pour fL1
loc(Ω) et φ∈ D(Ω),hf, φi=Rf(x)φ(x)dx.
Il existe des distributions Tqui ne peuvent pas s’écrire à l’aide d’une fonction fL1
loc(Ω), i.e. il
n’existe pas fL1
loc(Ω) telle que, φ∈ D(Ω), on ait hT, φi=Rf(x)φ(x)dx. C’est le cas de la
distribution de Dirac.
Théorème 4.2. Il n’existe pas de fonction fL1
loc(Rd)telle que δ0=Tf, c’est-à-dire telle que
φ∈ D(Rd), φ(0) = ZRd
f(x)φ(x)dx.
On peut démontrer un résultat plus simple en exercice.
Lemme 4.1. Il n’existe pas de fonction f∈ C0(Rd)telle que δ0=Tf.
Preuve: On raisonne par l’absurde. Soit f∈ C0(Rd)telle que δ0=Tf. Si fest identiquement nulle,
alors, pour tout φ∈ D(Rd),
φ(0) = ZR
f(x)φ(x)dx = 0,
ce qui n’est pas possible. Donc, il existe x0Rdtel que f(x0)6= 0. Par exemple, fest strictement positive
sur un voisinage de x0, par exemple sur B(x0, α)avec α > 0. On peut alors prendre φà support compact
dans B(x0, α), positive, et telle que φ(0) = 0. Donc
0 = φ(0) = ZRd
f(x)φ(x)dx =ZB(x0)
f(x)φ(x)dx > 0.
Contradiction.
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5 Dérivation au sens des distributions
5.1 Dérivée d’une distribution
Proposition-Définition 5.1. (Dérivation d’une distribution)
Soit un ouvert de Rd. Soit T∈ D(Ω). On définit la dérivée de la distribution Tpar rapport à la
variable xi, que l’on note T
xi, par la relation
φ∈ D(Ω),hT
xi
, φi=−hT, φ
xi
i.
T
xidéfinit bien une distribution sur .
Preuve: A faire en exo.
Proposition 5.1. Pour toute distribution Tet tout multi-indice αNd, la définition de la dérivation
implique que la distribution αTest définie par
φ∈ D(Ω),hαT, φi= (1)|α|hT, ∂αφi.
Preuve: A faire en exo.
Théorème 5.1. (Schwartz)
Soit un ouvert de Rdet T∈ D(Ω). Soit αNdet βNddeux multi-indices. Alors
αβT=βαT=α+βT.
Exemples:
Soit Hla fonction de Heaviside: elle est dans L1
loc(R). On lui associe naturellement une distribution
sur R.
hH, φi=−hH, φi=Z
0
φ=φ(0) = hδ0, φi.
Donc, on a bien H=δ0, mais au sens des distributions.
La distribution de Dirac δa(aR) est dérivable,
hδ
a, φi=−hδa, φi=φ(a).
Remarque: Toute distribution est dérivable (contrairement aux fonctions...), la dérivée est une distri-
bution. A toute fonction fL1
loc, on peut associer une distribution, on peut donc lui associer une dérivée
au sens des distributions, qui est donc une distribution, mais pas forcément une fonction. Cf la fonction
d’Heaviside, dont la dérivée (au sens des distributions) est δ0, qu’on ne peut pas représenter par une fonction.
5.2 Cas des fonctions C1
Théorème 5.2. Soit f∈ C1(R): alors (Tf)=Tf, c’est-à-dire que la dérivation au sens des distributions
correspond à la dérivation usuelle, on la notera f.
Remarque: Ce résultat reste vrai en dimension quelconque.
5.3 Cas des fonctions C1par morceaux
Définition 5.1. (Fonctions Ckpar morceaux dans ]a, b[)
Soit a, b R. On dit qu’une fonction fest Ckpar morceaux dans ]a, b[si, pour tout intervalle compact
[α, β]inclus dans ]a, b[, il existe un nombre fini de points α=a0< a1<···< aN+1 =βtels que:
(i) fest de classe Ckdans chaque intervalle ]ai, ai+1[.
(ii) fet ses dérivées jusqu’à l’ordre k, c’est-à-dire f,f, ..., f(k)sont prolongeables par continuité à droite
et à gauche en les points a1,··· , aN.
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On note f(ai+ 0) et f(ai0) les limites à droite et à gauche en ai.
Exemples:
fonction en escalier C1par morceaux sur R.
x7→ |x|est C1par morceaux sur R.
x7→ p|x|n’est pas C1par morceaux.
Théorème 5.3. (Formule des sauts)
Soit fune fonction de classe C1par morceaux dans ]a, b[. Comme fL1(]a, b[),ffinit une distribution
sur ]a, b[. Soit (ci)iIl’ensemble des points de discontinuité de fdans ]a, b[(en fait, cet ensemble est au
plus dénombrable avec des points d’accumulation en aet b). Soit f
reg la fonction définie sur ]a, b[\SiI{ci}
comme la dérivée de f, et soit fla dérivée de fau sens des distributions. Alors
f=f
reg +X
iI
(f(ci+ 0) f(ci0))δci.(1)
Preuve: Remarque préliminaire: Une fonction gcontinue par morceaux sur un intervalle ]a, b[est
bien une fonction L1
loc(]a, b[). Montrons d’abord qu’elle est mesurable. En effet, il suffit de prendre deux
suites (αn)et (βn)de points de ]a, b[tels que αnaet βnblorsque ntend vers l’infini. On a alors
g= supnN1[αnn]g. On voit facilement que les fonctions gn=1[αnn]sont mesurables donc gest également
mesurable. Par ailleurs, gest bornée sur tout compact K]a, b[donc gL1(K)et finalement gL1
loc(]a, b[).
Par ailleurs, on remarque que si fest une fonction C1par morceaux sur ]a, b[, elle est en particulier
continue par morceaux, et sa dérivée au sens des fonctions f
reg (qui est définie presque partout) est également
continue par morceaux. On a donc bien que fet f
reg sont dans L1
loc(]a, b[). Donc l’équation (1) a bien un
sens dans D(]a, b[). Maintenant prouvons qu’elle est vraie.
Soit φ∈ D(]a, b[). En particulier, il existe α, β ]a, b[tels que Supp(φ)[α, β]. Alors, soit NNet
c0=α < c1<··· < cN=βtels que fsoient continue sur ]ci, ci+1[pour tout 0iN1. On note alors
e
fila fonction définie sur [ci, ci+1]par
e
fi(x) =
f(ci+ 0) si x=ci,
f(x)si x]ci, ci+1[,
f(ci+1 0) si x=ci+1.
La fonction e
fiest alors continue sur [ci, ci+1]et dérivable sur ]ci, ci+1[, et sa dérivée est presque partout égale
àf
reg.
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