Dysurie de la femme G. Amarenco Service de Rééducation Neurologique et d’Explorations Périnéales, Assistance PubliqueHôpitaux de Paris, Hôpital Rothschild, 33 bd de Picpus, 75571 Paris Cedex 12 Si chez l’homme, l’apparition d’une dysurie est d’emblée suspecte d’une obstruction, chez la femme notamment jeune, son existence doit toujours faire éliminer une cause neurologique. L’interrogatoire et l’examen clinique restent les éléments principaux du diagnostic et permettent d’orienter les éventuels examens complémentaires. 1) L’interrogatoire C’est souvent lui qui permet de suspecter tant le mécanisme physiopathologique que l’étiopathogénie de la dysurie. Le caractère récent ou ancien des troubles doit d’emblée être précisé, de même que le mode et les circonstances d’apparition. Les dysuries d’apparition brutale Le caractère brutal de la symptomatologie est un argument majeur contre une étiologie « mécanique » telle une sténose urèthrale ou une compression extrinsèque statique (tumeur du petit bassin) ou dynamique (prolapsus avec effet pelotte). L’apparition brutale doit en effet faire évoquer soit une étiologie infectieuse si des signes d’accompagnement évocateurs existent (brulures urethrales, pollakiurie, fièvre) ; soit une cause iatrogène si l’on retrouve la prise concomitante de médications pouvant retentir sur la motricité vésicale (essentiellement parasympathycolytiques tels les anticholinergiques ou les morphiniques) ; soit une cause psychogène si un traumatisme psycho affectif est relié temporellement au trouble urinaire (abus sexuel, divorce, dépression, chomage, deuil) ; soit bien évidemment une cause neurologique. Dans ce cadre, l’interrogatoire doit essayer de mettre en évidence d’autres anomalies permettant de suggérer une atteinte de type périphérique ou radiculo-médullaire basse, voire plexique sacré. En effet, les dysuries d’origine encéphalique sont exceptionnelles et en règle s’installent dans un tableau neurologique bruyant et évident (accident vasculaire du tronc cérébral ou frontal par exemple). La perte (ou la diminution) simultanée de la sensation du besoin d’uriner ou de la perception du passage urethral des urines orientent d’emblée vers une cause neurologique, qui plus est périphérique pure. L’association à des troubles anorectaux (diminution de la perception du besoin de défécation, diminution de la perception du passage des selles dans le canal anal, diminution des possibilités de discrimination du contenu endorectal, dyschésie, voire incontinence anale) est évocatrice d’une atteinte neurologique en raison de la contiguité (ou du partage) des centres intégrateurs et de contrôle urinaires et anorectaux. La survenue simultanée de troubles sensitifs périnéaux (hypoesthésie périnéale, paresthésies, dysesthésie en selle) ou moteurs (difficulté à fractionner volontairement les selles ou à couper le jet), sont très en faveur d’une étiologie neurologique avec atteinte du systéme nerveux périphérique. Pareillement, l’apparition d’une éruption périnéale éventuellement associé à un syndrome infectieux, peut faire évoquer une méningo-radiculite herpétique (zona périnéal), mais ne résume pas les étiologies infectieuses (maladie de Lyme ou la recherche d’antécédent de contage, cutanés et articulaires est indispensable, méningo-radiculite d’autres origine). L’apparition brutale chez une femme jeune d’un dysurie doit aussi toujours faire évoquer la possibilité d’une lésion focale médullaire située dans le cône terminal. Le vrai diagnostic utile est celui d’une lésion vasculaire (malformation artério-veineuse, fistule durale, …) ou l’interrogatoire permet parfois de retrouver des antécédents récurents de même type (troubles urinaires à répétition, parfois associés à quelques signes décitaires sensitifs et/ou moteurs aux membres inférieurs. Le diagnostic différentiel est bien évidemment une plaque de démyélinisation focale dans le cadre d’une sclérose en plaques, mais l’on exigera pour le diagnostic de celle-ci, une dissémination non seulement temporelle mais aussi spatiale (atteinte antérieure d’un nerf cranien, déficit aux membres supérieurs, incoordination cérebelleuse, névrite optique, syndrome pyramidal …). L’atteinte vasculaire hémorragique pure est plus rare s’intégrant dans le cadre rarissime d’un hématome spontané (trouble de la coagulation), ou d’une iatrogénie évidente (hématome péridural post ponction lombaire analgésique ou diagnostique). Il faut bien souligner que pour toutes ces causes neurologiques, la dysurie peut être (et éventuellement rester) éventuellement le seul symptôme, d’ou l’importance de cet interrogatoire. Le caractère très brutal de la dysurie voire de la rétention, doit aussi faire évoquer la possibilité d’une atteinte méningée (méningite aigüe) ou la dysurie est une inhibition réflexe de la contraction vésicale, exceptionnellement une poliomyèlite en pays d’endémie et enfin peut inaugurer d’un tableau neurologique plus diffus tel une polyradiculonévrite aigüe (comme le syndrome de Guillain Barré). Ailleurs, le caractère brutal est un peu moins net avec installation des troubles en quelques jours. La notion de lombalgies, d’irradiation sciatique doit bien évidemment faire évoquer une hernie discale, dont l’association à une dysurie n’est pas forcément la traduction d’un syndrome de la queue de cheval (atteinte multi radiculaire) dont l’urgence est extrême et le pronostic pas toujours favorable. La dysurie réactionnelle à l’alitement, aux antalgiques, à la douleur au cours d’une sciatique n’est en effet pas spécifique du syndrome de la queue de cheval qui sera alors confirmer par l’examen clinique (cf plus bas). Chez une femme moins jeune avec des facteurs de risque vasculaire (hyperlipidémie, hypertension), l’apparition brutale d’une dysurie doit toujours faire évoquer la possibilité d’un accident vasculaire ischémique médullaire, très exceptionnel chez l’adulte jeune (entrant alors dans le cadre d’une maladie systémique comme la PAN). Les dysuries d’apparition progressive Il est des dysuries datant de … la prime enfance et d’autres acquises. L’apparition acquise progressive d’une dysurie à l’age adulte doit d’abord faire évoquer la possibilité d’un obstacle mécanique : sténose urethrale (antécédents d’infections urinaires à répétition, dilatation antérieures) ; notion d’un prolapsus faisant effet pelotte (sensation de pesanteur, d’extériorisation d’une « boule » vaginale, de nécessité d’un contre appui périnéal pour uriner, de miction plus ou moins debout penchée en avant, voire d’introduction d’un doigt intra vaginal). L’interrogatoire peut aussi essayé de retrouver des arguments anamnestiques en faveur d’une tumeur pelvienne comprimant la filière cervico-urethrale. Mais avant d’évoquer les exceptionnelles maladies du col vésical chez la femme, c’est encore au dépistage d’une étiologie neurologique que l’interrogatoire doit servir. Le caractère très progressif peut suggérer une neuropathie périphérique (recherche de facteur de rsique tel un diabète, une intoxication alcoolique, la prise de médications neurotoxiques ; recherche de paresthésies des membres inférieurs associées, voire de troubles proprioceptifs avec troubles de l’équilibre, ou moteurs telle une fatigabilité) ; une dysautonomie (recherche à l’interrogatoire de manifestation d’hypotension orthostatique, d’hyper ou d’hyposudation, de gastroparésie, d’anomalie oculaire, …) ; une atteinte plexique compressive (tumeurs) ou directe (antécédent de radiothérapie dans le cadre d’une plexopathie radique) ; et naturellement médullaire (antécédent de radiothérapie dans le cas de myélopathhie post radique, hypoesthésie ou douleurs en ceinture avec troubles sensitivo moteurs des membres inférieurs dépistés à l’interrogatoire dans le cas des tumeurs médullaires progressives tels les épendymomes ou neurinomes). Chez la femme agée, l’apparition d’une dysurie doit aussi faire rechercher à l’interrogatoire des signes en faveur d’un syndrome extra pyramidal (tremblement, micrographie, ralentissement idéo-moteur), mais aussi d’une compression médullaire lente telle une myélopathie cervicarthrosique (recherche de douleurs cervicale, de névralgies cervicobracchiales) ou un canal lombaire étroit (claudication intermitente à la marche non douloureuse). Beaucoup plus exceptionnellement, la notion d’un traumatisme antérieur sur les fesses (cal vicieux du sacrum) ou médullaire (développement d’une syryngomyélie post traumatique avec à l’interrogatoire sa classique dissociation thermo-algique) sera retrouvé. Les dysuries datant de la prime enfance permettent d’évoquer plusieurs diagnostics : mécanique (valves de l’urèthre postérieur, sténose congénitale) ; fonctionnel voire psychocomportemental (dyssynergie fonctionnelle dans le cadre d’un Hinman syndrome ou vessie neurogène non neurogène). Mais cette « dysurie » peut aussi être purement physiologique chez des femmes ayant toujours eut par habitude, crainte, stress ou .. phobie, le désir de hater leur miction et d’accéler volontairement le flux par des poussées abdominales. Mais c’est encore dans le registre neurologique que d’autres éléments seront recherchés (troubles de la perception sensitive, signes anorectaux associés) pour évoquer une pathologie congenitale du cone terminal (spina lipome, megafourreau dural, moelle fixe insérée basse, …), dont on sait que la déconpensation urinaire peut être tardive. Le type de dysurie Le type de dysurie peut aussi évoquer une pathologie précise. Un jet facile à venir, puis linéaire, mais longtemps prolongé évoque une sténose urèthrale. Une miction effectuée en position debout, penchée en avant, avec éventuellement un doigt dans le vagin pour refouler un prolpasus évoque bien évidemment la responsabilité de celui ci dans la génèse de la dysurie. Un jet haché, avec une miction involontairement stoppée, suggère bien sur une dyssynergie, mais n’est pas forcément la traduction d’une vessie neurologique, nombre de dyssynergies rendant compte d’une trouble global du fonctionnement périnéal dans le cadre d’une anomalie fonctionnelle (dyssynergie fonctionnelle). 2) L’examen clinique Nous n’aborderons pas l’examen clinique uro-gynécologique permettant de mettre en évidence des facteurs de dysurie (examen des prolapsus, calibration urethrale, touchers pelviens à la recherche de tumeur, …) L’examen neurologique est bien entendu indispensable, mais il doit être raisonné et orienté en fonction des données de l’interrogatoire. Il n’est pas question de d’évaluer les performances cognitives et l’existence d’un éventuel syndrome frontal pendant 3 à 4 h, chez une jeune femmme se plaignant d’une dysurie parallèlement à une éruption vésiculeuse d’un hémipérinée succédant à quelques jours de fièvre ! Il n’est pas toujours nécessaire d’effectuer des tests de personnalité (Rorsharr, MMPI, ..) à une patiente agée posant le problème d’une dysurie ayant immédiatement succédé à la mise en route d’un traitement morphinique ou tricyclique ! Dans le cadre des dysuries datant de l’enfance, la recherche d’un syndrome dysmorphique est essentielle : pieds creux bilatéraux, touffe de poils, angiome, masse lipomateuse en regard du rachis sacré, fossette coccygienne … Ailleurs, l’examen neurologique comprends l’examen neuropérinéal et l’examen neurologique général. L’examen neuro-périnéal, comprend essentiellement d’une part la recherche d’une hypoesthésie dans les métamères sacrés ; et d’autre part celle d’une hypotonie anale, deux signes fortement évocateurs d’une atteinte neurogène par lésion à un point quelconque du réflexe sacré, qu’il s’agisse d’une atteinte radiculaire, médullaire (cône terminal), plexique, voire du netf périphérique. En effet, hypertonie sphinctérienne, altération de la commande, hyperesthésie périnéale ne sont pas spécifiques d’une atteinte neurologique. Quant aux modifications des réflexes du cône (réflexe bulbo anal, réflexe anal à la toux, réflexe anal à l’étirement, réflexe nociceptif anal), elles sont difficilement quantifiables soit dans le sens d’un excès (« vivacité » des réflexes qui s’oberve aussi bien chez les sujets jeunes que chez le … bléssé médullaire) ; soit dans le sens d’une diminution (réflexe « peu vif » des sujets préalablement contracté ou quelque peu agé). Seule l’abolition semble avoir une bonne valeur. L’examen neurologique général sera dicté par l’interrogatoire. En cas de dysurie aigüe, brutale, il est indispensable de rechercher une lésion périphérique, à proximité du circuit réflexe sacré, ou pouvant intéresser celui ci. Ainsi, la recherche d’un déficit moteur dans le territoire S2 (fléchisseurs des orteils), voire S1 (abolition d’un réflexe achilléen, déficit de la flexion plantaire du pied, trouble sensitif du bord externe du pied), uni ou bilatéral, sont des éléments importants. En cas de dysurie plus progressive et acquise, la recherche d’une maladie du système nerveux périphérique (polyneuropathies, polynévrites, polyradiculonévrites) implique un examen des réflexes ostéo tendineux aux membres inférieurs, un testing sensitif (sans omettre la recherche d’une hypoesthésie en « tablier » et en « calotte » dans le cadre des polyneuropathies progressives axonales ascendantes), et la recherche d’un déficit moteur. Chez la personne agée, devant une dysurie progressive, la recherche d’éléments extra pyramidaux est indispensable (hypertonie extra pyramidale), de même que des troubles proprioceptifs (altération du sens de position des orteils, diminution de la sensibilité pallesthésique) et pyramidaux (signe de Babinski) dans l’hypothèse de troubles vésicosphinctériens entrant dans le cadre d’une syndrome cordonal postérieur (carences en folates et en vitamines B12, syphillis). Plus exceptionnellement, le caractère progressif de la dysurie, le caractère haché de la miction, peut suggérer une atteinte neurologique centrale. Ce cas de figure est rare, car ces affections médullaires (supra sacrées) s’accompagnent en règle d’autres troubles vésicosphinctériens plus immédiatement « parlant » que sont les mictions impérieuses avec ou sans fuites et la pollakiurie. C’est dans ces cas, que sont recherchés des éléments en faveur d’une atteinte médullaire (syndrome pyramidal des membres inférieurs avec signe de Babinski, réflexes vifs et diffusés ; déficit sensitif et/ou moteur des membres inférieurs ; niveau lésionnel cervical avec amytrophie de la main, abolition ou inversion d’un réflexe, hypoesthésie radiculaire, …) Conclusion L’interrogatoire reste l’élément principal du diagnostic. Encore faut il savoir le mener et savoir ce que l’on recherche. Ceci passe par la connaissance de la physiologie vésicale, des mécanismes physiopathologiques de la dysurie, des maladies neurologique et sur des arguments de fréquence en terme de prévalence des affections susceptibles de déterminer une tel symptome. L’examen clinique, fonction des données recueilli par l’interrogatoire, est en fait très rapide et limité à quelques geste, qui restent indispensables dans la reconnaissane de la pathologie neurologique.