Distinction entre mémoire implicite et mémoire
explicite
Serge Nicolas, Professeur de psychologie à l'Université Paris Descartes, nous
explique d’où vient la distinction entre mémoire implicite et explicite : « Graf et Schacter
proposent en 1985 [cette] distinction |…]. Pour eux, « La mémoire implicite transparait
lorsque la performance à une tâche est facilitée en l’absence de souvenir conscient de
l’influence d’un évènement antérieur investigateur, alors que la mémoire explicite exige le
souvenir conscient des évènements préalables » (Nicolas, 1994, p65).
Les tâches expérimentales faisant intervenir la mémoire explicite sont des tâches
classiques de rappel libre, de rappel indicé, ou de reconnaissance. Les tâches exigent le
souvenir conscient des événements préalables.
Les tâches expérimentales faisant intervenir la mémoire implicite en revanche, ne font pas
référence à des évènements préalablement vécus. Il s’agit de tâches qui permettent de
démontrer l’influence de la présentation préalable d’un évènement antérieur.
Dans le chapitre 2 de cette UE nous avons déjà présenté cette distinction et un protocole
expérimental classique qui permet de tester ces deux types d’accès conscient et inconscient
aux information en mémoire. Pour rappel, voici l’expérience typique : « Des sujets lisent
dans un premier temps une liste de mots […]. Lors de la phase test, un premier groupe de
sujets est invité à rappeler les mots de la liste dont le début, les trois premières lettres,
leur est donné. Il s’agit de « rappel indicé », une forme de test que l’on qualifie aujourd’hui
de test de mémoire explicite […]. Pour l’autre groupe, les mêmes indices, les trois
premières lettres d’un mot, sont donnés. Mais les sujets ne sont plus appelés à les
compléter de façon à évoquer les mots vus précédemment. Ils doivent cette fois énoncer
« le premier mot leur venant à l’esprit » commençant par ces lettres. Dans ces conditions,
les productions des sujets se révèlent influencées par leur lecture antérieure : si les trois
lettres présentées peuvent former le début d’un mot de la liste, ce mot tend à être choisi
préférentiellement à d’autres. Ce phénomène est désigné sous le terme de mémoire
implicite (ou encore d’amorçage de répétition). Le point important est que la seule
différence entre les deux tests de mémoire est dans l’intention du sujet : dans un cas, il
récupère intentionnellement le passé, dans l’autre, le passé exerce une influence sur son
comportement, à son insu. » (Besche-Richard, & Perruchet, 2000, p. 7).
Certains auteurs ont argumenté que les participants pouvaient avoir conscience de
l’influence de la première phase sur leur choix lors de la phase test. En d’autres termes,
que les tests implicites ne renvoyaient pas toujours à des contenus mentaux inconscients
lors de la récupération du matériel cible.
Pour répondre à ces critiques « Schacter, Bowers et Booker (1989) ont décidé de
distinguer par un critère d'intentionnalité la mémoire implicite de la mémoire explicite […]
[dans ce cadre] la mémoire explicite renvoie à l'acte intentionnel de récupération d'une
information récemment étudiée: le sujet « pense » délibérément à l'épisode d'étude tout
en recherchant activement l'information cible. Utilisée dans ce sens, la mémoire explicite
renvoie à la manière avec laquelle le processus de récupération est initié, et est synonyme
de souvenir délibéré, intentionnel ou volontaire. Par opposition, la mémoire implicite se
rapporte à la récupération non-intentionnelle du matériel préalablement présenté. Lorsque
Graf et Schacter (1985) disent que la performance à une tâche peut être facilitée « en
l'absence de souvenir conscient » cela veut simplement dire aujourd'hui que la
performance lors du test peut être influencée par l'information récemment acquise quand
le sujet ne s'engage pas intentionnellement dans une recherche rétrospective d'éléments
présentés lors de la tâche d'étude » (Nicolas, 1994, p69).