heideggérienne sera concentré et orienté vers la possibilité de révé-
ler le lieu depuis lequel le Dasein, c’est-à-dire le « questionnant »,
pénètrera et s’engagera dans ce qui l’appelle et l’aura déjà sommé, à
savoir le lieu depuis lequel la question de l’être hérite de sa possibi-
lité propre. Aussi, et Heidegger ne cesse de le préciser au moins
depuis les paragraphes 31 et 32 de Sein und Zeit, l’exigence qui
apparaîtra à cette époque comme la tâche essentielle du Dasein sera
celle de s’enfoncer dans la possibilité de déceler le lieu où se posera
expressément la question de l’être.
Or, ce lieu d’interrogation, en suivant les analyses de Sein und
Zeit sur l’espace, n’est pas à comprendre sur le mode de l’ontologie
cartésienne du monde. Certes, ce mode est toujours déjà saisi, com-
pris et fondé dans le déploiement de la question de l’être. Il ne sau-
rait cependant ouvrir de lui-même à la question de l’être, car il
demeure attaché à une « idée déterminée », à un mode de saisie de
l’étant d’emblée décidé et enveloppé dans et par le concept de sub-
stantialité, partagé entre l’extensio et l’intellectio, et donc ancré dans
une « connaissance résolue » prétendant prescrire l’être à partir du
fondement idéel de « l’être sous la main constant3». Comme l’affirme
Heidegger, cette détermination du monde demeure déjà comprise
dans et par le projet d’une ontologie fondamentale, c’est-à-dire
moyennant le passage par une saisie plus radicale de l’être. Mais
la modalité de ce questionnement dévoilera — ce que Heidegger
ne manquera pas d’inscrire dans l’analyse de l’espace — la
« transcendance du monde » qui doit toujours être exposée et déjà
donnée au Dasein engagé dans la compréhension de l’être. Car c’est
à celui-ci qu’il appartiendra de reconduire le projet de l’analytique
existentiale, depuis l’« horizon mondain » à l’élucidation de l’étan-
tité en tant qu’elle apparaît dans le monde. En ce sens, la présuppo-
sition fondamentale qu’il faut d’emblée agréer et faire sienne, selon
Heidegger, afin de poser explicitement la question de l’être,
demeure l’« être-dans-le-monde » du Dasein lui-même. C’est-à-
dire que toute rencontre de l’étant présuppose toujours déjà
l’« intra-mondanéité » du Dasein. Or, nous savons que le monde est
fondamentalement déterminé par Heidegger comme horizon de la
temporalité en tant que telle. C’est donc à partir de cette tempora-
lité propre au monde que peut-être énoncée, affirmée et explicitée la
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3. Heidegger, Sein und Zeit, Tübingen, Niemeyer, 1927, § 21, p. 96 ;
Etre et Temps, trad. E. Martineau, Paris, Authentica, 1990, p. 88.