Patrick Durantou Conférence : herméneutique et interprétation chez M. Heidegger et P. Ricœur 2 2 Herméneutique et interprétation Chez M. Heidegger et P. Ricœur Les questions ayant trait à la tradition herméneutique et à l’ontologie concernent au XXe siècle tout aussi bien celles de l’herméneutique et de l’interprétation. Ce qui prédomine dans la philosophie husserlienne puis chez Heidegger nous le retrouverons posé en d’autres jalons par exemple dans l’œuvre de P. Ricœur. Cependant sont présents parmi chacun d’eux cette mouvance ontologicothéologique ou lexico-théologique et celle de la philosophie classique sans laquelle ce lien historique ne saurait être observé. Dans l’œuvre de M. Heidegger, la question de l’herméneutique prend tout son sens à travers la question de l’être si puissant dans Sein und Zeit, mais aussi avant 1927 date de sa parution. Selon Heidegger, comme le souligne fort justement G. Vattimo1, le « langage est le lieu de l’événement de l’être » et si l’appel « fait du langage auquel répond l’être-là est toujours historique », pourra-t-on dire, 1 2 . Cf. G. Vattimo, Introduction à Heidegger, Éd. du Cerf, Paris, 1985. 3 pose le même Heidegger, le rapport à l’être se résume au rapport avec le langage dont historiquement il s’avère que nous sommes possédés et que nous possédons. Reprenant la parole de Hölderlin, le maître de Fribourg note que le dialogue qui fonde l’histoire entre réponse et parole du passé est de l’ordre du même. La philosophie heideggerienne qui veut sortir de la métaphysique place le langage au centre de sa préoccupation : « le langage, nous citons l’auteur, procure l’être à la chose ». Selon une terminologie empruntée à la phénoménologie c’est, dir ait-on, dans le langage et dans sa réflexion que l’on arrive aux « choses mêmes ». Pourtant, insiste plus loin Vattimo2, si Acheminement vers la parole (un des écrits tardifs), peut servir de « phase finale » de sa philosophie, la réflexion sur le langage n’est ni une réflexion sur le rapport langage-réalité, sur la capacité du langage à décrire les choses ni une réflexion sur un aspect de l’être-là de l’homme, mais demeure plutôt aux dires du commentateur la « forme éminente de l’expérience de la réalité elle-même ». Ainsi Heidegger fait-il sien le vers tiré d’un poème de Stefan George de 19193 : « Aucune chose ne soit, là où le mot faillit ». Ce déploiement de la parole dont Heidegger tire le concept de Geviert ou Quadriparti4, n’est ni celui de la présence de la métaphysique ni de l’instrumentalité de Sein und Zeit, mais celui des directions constitutives du monde qui s’éploie auxquelles la rature d’une croix toujours au mot être souligne l’ouverture de l’être à l’événement du Geviert (formulation d’emprunt à F. 2 . Ibid., p. 140. . Cf. Stefan George, Le Mot, in Das Neue Reich, p. 139. 4 . Cf. Unterwegs zur Sprache, p. 22-24. 3 42