THEORIE CONTEMPORAINE DE LA CROISANCE

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Observations et diagnostics
économiques : revue de l'OFCE
Les théories contemporaines de la croissance
Pierre-Alain Muet
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Muet Pierre-Alain. Les théories contemporaines de la croissance. In: Observations et diagnostics économiques : revue de
l'OFCE, n°45, 1993. pp. 11-51;
doi : https://doi.org/10.3406/ofce.1993.1323
https://www.persee.fr/doc/ofce_0751-6614_1993_num_45_1_1323
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Résumé
Cet article présente un panorama des théories contemporaines de la croissance depuis les réflexions
d'Harrod et Domar jusqu'aux théories de la croissance endogène développées ces dernières années.
Ce qui allait devenir le modèle de base des théories de la croissance était initialement une
interrogation relativement pessimiste sur les possibilités d'une croissance équilibrée de plein-emploi.
Entérinant la stabilité de la croissance qui succéda aux périodes de reconstruction, la théorie
économique s'attachera par la suite à décrire les mécanismes susceptibles de conduire à une
croissance assurant le plein-emploi. Pour la théorie néoclassique, c'est la flexibilité des techniques de
production qui permet de maintenir le plein-emploi. Dans les modèles d'inspiration « post-keynésienne
» la flexibilité résulte au contraire de l'impact des variations de la répartition des revenus sur le taux
d'épargne. Les années soixante verront se développera la fois les prolongements théoriques et
empiriques du modèle néoclassique : optimalité des régimes de croissance, modèles à générations de
capital, analyse des facteurs de la croissance à long terme. Les déséquilibres engendrés par les chocs
pétroliers vont conduire à une disparition quasi complète des théories de la croissance, du moins dans
les préoccupations des théoriciens. La seule innovation importante est l'intégration explicite des
déséquilibres dans les modèles de croissance antérieurs. La fin des années quatre- vingt marque au
contraire la renaissance de ces théories avec les théories de la croissance endogène. Le modèle
néoclassique et ses prolongements ultérieurs décrivaient bien le rôle de l'accumulation du capital dans
le processus de croissance, mais en raison des rendements décroissants du capital, la croissance ne
se maintenait à long terme que par la présence de facteurs exogènes tels que l'augmentation de la
population et le progrès technique. Pour engendrer une croissance entretenue, il fallait abandonner
l'hypothèse de rendements décroissants des facteurs de production accumulables. Mais alors se pose
le problème des rendements croissants de l'ensemble des facteurs de production et sa compatibilité
avec l'existence et l'optimalité de l'équilibre concurren- tiel. Dans les modèles de croissance endogène,
les rendements constants des facteurs accumulables résultent presque toujours d'externalités positives
engendrées par le processus de croissance. De ce fait, l'équilibre concurrentiel existe, mais n'est pas
socialement optimal : le rythme de croissance est plus élevé lorsqu'il résulte d'une planification
centralisée des ressources plutôt que de l'optimum des agents individuels. Il reste cependant un long
chemin à parcourir pour confirmer ou infirmeries conclusions les plus controversées auxquelles
conduisent ces nouvelles théories. La politique économique modifie-t-elle seulement transitoi rement le
rythme de croissance, comme le suppose la théorie traditionnelle ou durablement comme le suggèrent
les théories de la croissance endogène ? Il faudra sans doute de longues années pour que les théories
récentes conduisent à des résultats empiriques suffisamment robustes pour guider les politiques
économiques.
Abstract
Contemporary Theories of Economic Growth Pierre-Alain Muet This paper presents a survey of
contemporary theories of economic growth, ranging from the works of Harrod and Domar to the theory
of endogenous growth developed more recently. What was to become the basic model behind growth
theories began as a rather sceptical enquiry into the possibility that growth was able to generate full
employment. Recognizing that stable growth can be maintained, economic theory went on to explain
the different factors contributing to a growth rate which would assure full employment. For neo-classical
theory, flexibility of production techniques allows full employment to be maintained, whereas, in post-
Keynesian models, this flexibility is a result of the effect of changes in income distribution on the
savings rate. In the seventies, neo-classical models were extended theoretically and empirically:
optimal growth regimes; capital vintage models; and the analyses of factors generating long term
growth. The disequilibria bequeathed by the oil shocks led to a stagnation of growth theories in the 70s.
The only important innovation of that period was the integration of desequilibrium theory with the earlier
theories of economic growth. In contrast, the end of the 80s saw the re-birth of these theories, led by
models of endogenous growth. The neo-classical model and its extensions well described the role of
capital accumulation in the process of economic growth; however, because of decreasing returns to
capital, economic growth could only be maintained in the long run by exogenous factors such as
technological progress and population growth. To maintain steady growth, the assumption of
decreasing returns to accumulated factors of production had to be abandoned. But this raised the
opjimaicompetitjve equilibrium. In endogenous growth models, increasing returns almost always result from
positive externalities arising from growth. Therefore, a competitive equilibrium can exist, although it is not a
social optimum: a central planner who optimizes resources generates a higher growth rate than optimizing
individual agents. There still remains a long road ahead before confirming or discarding some of the more
controversial conclusions of these new theories. Does economic policy change the growth rate only
temporarily — as conventional wisdom assumes — or can it do so permanently — as endogenous growth
theory suggests? It will probably take a long while before the recent theories yield results which are robust
enough empirically to guide economic policy.
Les
théories
contemporaines
de
la
croissance
Pierre-Alain
Muet,
Directeur
du
département
d'économétrie
de
VOFCE
Cet
article
présente
un
panorama
des
théories
contemporaines
de
la
croissance
depuis
les
réflexions
d'Harrod
et
Domar
jusqu'aux
théories
de
la
croissance
endogène
développées
ces
dernières
années.
Ce
qui
allait
devenir
le
modèle
de
base
des
théories
de
la
croissance
était
initialement
une
interrogation
relativement
pessimiste
sur
les
possibilités
d'une
croissance
équilibrée
de
plein-emploi.
Entérinant
la
stabilité
de
la
croissance
qui
succéda
aux
périodes de
reconstruction,
la
théorie
économique
s'attachera
par
la
suite
à
décrire
les
mécanismes
susceptibles
de
conduire
à
une
croissance
assurant
le
plein-emploi.
Pour
la
théorie
néoclassique,
c'est
la
flexibilité
des
techniques
de
production
qui
permet
de
maintenir
le
plein-
emploi.
Dans
les
modèles
d'inspiration
«
post-keynésienne
»
la
flexibilité
résulte
au
contraire
de
l'impact
des
variations
de
la
répartition
des
revenus
sur
le
taux
d'épargne.
Les années
soixante
verront
se
développera
la
fois
les
prolongements
théoriques
et
empiriques
du
modèle
néoclassique
:
optimalité
des
régimes
de
croissance,
modèles
à
générations
de
capital,
analyse
des
facteurs
de
la
croissance
à
long
terme.
Les
déséquilibres engendrés
par
les
chocs
pétroliers
vont
conduire
à
une
disparition
quasi
complète
des
théories
de
la
croissance,
du
moins
dans
les
préoccupations
des
théoriciens.
La seule
innovation
importante
est
l'intégration
explicite
des
déséquilibres
dans
les
modèles de
croissance
antérieurs.
La
fin
des
années
quatre-
vingt
marque
au
contraire
la
renaissance
de
ces
théories
avec
les
théories
de
la
croissance
endogène^
Le
modèle
néoclassique
et
ses
prolongements
ultérieurs
décrivaient
bien
le
rôle
de
l'accumulation
du
capital
dans
le
processus
de
croissance,
mais
en
raison
des
rendements
décroissants
du
capital,
la
croissance
ne
se
maintenait
à
long
terme
que
par
la
présence
de
facteurs
exogènes
tels
que
l'augmentation
de
la
population
et
le
progrès
technique.
Pour
engendrer
une
croissance
entretenue,
il
fallait
abandonner
l'hypothèse
de
rendements
décroissants
des
facteurs
de
production
accumulables.
Mais
alors
se
pose
le
problème
des
rendements
croissants
de
l'ensemble
des
facteurs
de
production
et
sa
compatibilité
avec
l'existence
et
l'optimalité
de
l'équilibre
concurren-
Observations
et
diagnostics
économiques
45
(numéro
spécial)
/juin
1993.
11
Pierre-Alain
Muet
tiel.
Dans
les
modèles de
croissance
endogène,
les
rendements
constants
des
facteurs
accumulables
résultent
presque
toujours
d'externalités
positives
engendrées
par
le
processus
de croissance.
De
ce
fait,
l'équilibre
concurrentiel
existe,
mais
n'est
pas
socialement
optimal
:
le
rythme
de
croissance
est
plus
élevé
lorsqu'il
résulte
d'une
planification
centralisée
des
ressources
plutôt
que
de
l'optimum
des
agents
individuels.
Il
reste
cependant
un
long
chemin
à
parcourir
pour
confirmer
ou
infirmeries
conclusions
les
plus
controversées
auxquelles
conduisent
ces
nouvelles
théories.
La
politique
économique
modifie-t-elle
seulement
transitoi
rement
le
rythme
de
croissance,
comme
le
suppose
la
théorie
traditionnelle
ou
durablement
comme
le
suggèrent
les
théories
de
la
croissance
endogène
?
Il
faudra
sans
doute
de
longues
années
pour
que
les
théories
récentes
conduisent
à
des
résultats
empiriques
suffisamment
robustes
pour
guider
les
politiques
économiques.
Les
théories
contemporaines
de
la
croissance
et
du
cycle
sont
nées dans
les
années
quarante
d'une
reformulation
dynamique
de
la
théorie
keynésienne,
centrée
sur
l'accumulation
du
capital.
En
fait
ce
qui
allait
devenir
le
modèle
de
base
des
théories
de
la
croissance
était,
à
l'origine,
une
interrogation
relativement
pessimiste
sur
les
possibilités
d'une
croissance
équilibrée
de
plein-emploi.
Entérinant
la
stabilité
de
la
croissance
qui
succéda
aux
périodes
de
reconstruction,
la
théorie
économique
s'attachera
par
la
suite
à
décrire
les
mécanismes
susceptibles
de
conduire
à
une
croissance
assurant
le
plein-
emploi.
Pour
la
théorie
néoclassique,
c'est
la
flexibilité
des
techniques
de
production
qui
permet,
pour
un
taux
d'épargne
donné,
d'atteindre
le
plein-
emploi.
Dans
les
modèles
d'inspiration
«
post-keynésienne
»
cette
flexibilité
résulte
au
contraire
de
l'impact
des
variations
de
la
répartition
des
revenus
sur
le
taux
d'épargne.
Les
années
cinquante
et
soixante
constituent
l'âge
d'or
des
théories
de
la
croissance
tant
du
coté
de
l'étude
empirique
des
facteurs
de
la
croissance
que
du
coté
des
prolongements
théoriques
du
modèle
néoclassique
:
optimalité
des
régimes
de
croissance,
modèles
à
générations
décapitai...
Les
déséquilibres
engendrés
par
les
chocs
pétroliers
vont
conduire
à
une
disparition
quasi
complète
des
théories
de
la
croissance,
du
moins
dans
les
préoccupations
des
théoriciens.
La
seule
innovation
importante
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années
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