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A P P L I CAT I O N S L I N É A I R E S
Motivation : Les espaces vectoriels possèdent une structure particulière vue précédemment, et les applications entre espaces
vectoriels qui présentent un intérêt dans ce contexte sont celles qui “préservent” la structure d’espace vectoriel. On les appelle
morphismes d’espaces vectoriels, ou plus communément applications linéaires.
Dans ce chapitre, (E,+,·)et (F,+,·)désignent deux K-ev. Par commodité, les lois de Eet de Fsont notées de la même façon
(il faut donc faire attention au contexte pour savoir si l’on parle d’une loi de Eou de F! !).
6.1 ensemble des applications lin éaires de edans f.
6.1.1Définition, propriétés
Soit ϕune application EF.
On dit que ϕest linéaire si et seulement si :
(i) (x;y)E2,λK,ϕ(x+y) = ϕ(x) + ϕ(y)
(ii) (x;y)E2,λK,ϕ(λx) = λϕ(x)
Définition 6.1.1.1.
Soit ϕune application EF.
Alors ϕest linéaire si et seulement si :
x,yE,λ,µK,ϕ(λx +µy)=λϕ(x) + µϕ(y)
Proposition 6.1.1.2.
Notations / vocabulaire :
L’ensemble des applications linéaires de Edans Fse note L(E,F).
L(E,E)se note L(E). Ses éléments sont appelés endomorphismes de E.
Une application linéaire bijective se nomme un isomorphisme (d’espaces vectoriels).
Les isomorphismes de Edans lui-même se nomment les automorphismes de E. Leur ensemble se note GL(E)
et s’appelle le “groupe linéaire”.
S’il existe un isomorphisme de Edans Falors Eet Fsont dits isomorphes.
Définition 6.1.1.3.
1. Soit I:C0([0;1],R)R
f7→ Z1
0
f
.
Montrez que Iest une application linéaire surjective. Est-elle injective ?
2. Soient u:R2R3
x
y7→
xy
y
x
et v:R3R3
x
y
z
7→
xy
yz
zx
. Montrez que uet vsont linéaires.
3. Soit f:R3R
(x;y;z)7→ 2x +3y z
. Montrez que fest linéaire.
4. Soit g:R2R2
x
y7→ x2y2
xy
. Est-elle linéaire ?
5. On considère Ccomme C-ev. Quelles sont les applications linéaires de Cdans C? (dites “C-linéaires”).
6. On considère Ccomme R-ev. Quelles sont les applications linéaires de Cdans C? (dites “R-linéaires”).
Indication : procédez par analyse-synthèse et dans l’analyse, posez α+=f(1)et β+=f(i).
7. L’application x7→ λx, définie de Edans E, est appelée homothétie de rapport λ. Montrez qu’elle est linéaire.
8. Prouvez la proposition 6.1.1.2.
Exercice 6.1.1.4.
Soit fL(E,F). Alors :
(i) fest un morphisme de groupes de (E,+) dans (F,+).
(ii) f(0E)=0F.
(iii) xE,f(−x) = −f(x)
(iv) Si Aest un sev de Ealors fhAiest un sev de F. En conséquence, Im fest un sev de F.
(v) Si Best un sev de Falors f1hBiest un sev de E.
Proposition 6.1.1.5.
Démonstration. (i) découle immédiatement de la définition, tandis que (ii) découle de (i). (iii) : exercice !
(iv) Soit Aun sev de E. Comme fest un morphisme de groupes, fhAiest déjà un sous-groupe de (F,+). Ensuite, si yfhAiet λKalors il existe xE
tel que f(x) = y, et alors λy =λf(x) = f(λx)
|{z}
Asev
fhAi.
(v) Soit Bun sev de F. Alors f1hBiest déjà un sous-groupe de (E,+), puisque fest un morphisme de groupes. Ensuite, si xf1hBiet λKalors
f(λx) = λ·f(x)
|{z}
B
Bsev . Donc λx f1hBi.
Cette dernière propriété permet de définir la notion très importante suivante :
Soit fL(E,F).
Alors f1h{0F}iest un sev de Eappelé Noyau de fet noté ker f.
Définition 6.1.1.6(Noyau d’une application linéaire).
Et une utilité du noyau d’une application linéaire réside dans la caractérisation ci-dessous de son injectivité :
fest injective si et seulement si ker f={0E}
Proposition 6.1.1.7.
Démonstration. Si fest injective alors xE,f(x) = 0=f(x) = f(0)=x=0donc ker f{0E}. Réciproquement, si ker f={0E}et x,yEavec
f(x) = f(y)alors 0=f(x) − f(y) = f(xy)donc xyker fdonc xy=0donc x=y.
Remarques
Prouver ker f={0}est plus économique que de prouver directement l’injectivité avec la définition !
Pour prouver qu’un ensemble est sev de E, il suffit de le reconnaitre comme le noyau d’une application linéaire.
1. Soit f:R2R2
x
y7→ x+y
2x +3y 1
. Est-elle linéaire ?
2. Déterminez le noyau des applications uet vde l’exercice 6.1.1.4.
3. Montrez que fC0([0;1],R)|Z1
0
f(t)dt=0est un espace vectoriel.
4. Montrez que la dérivation est une application linéaire de D(R,R)dans RR. Déterminez son noyau. Est-elle
injective ? surjective ?
5. Montrez que la dérivation est un endomorphisme de C([0;1],R). Est-elle injective ? surjective ?
Exercice 6.1.1.8.
6.1.2Structure de L(E,F)
(L(E,F),+,·)est un K-espace vectoriel, sev de FE,+,·
(L(E),+,,·)est une K-algèbre (non commutative), c’est-à-dire que :
(L(E),+,)est un anneau (non commutatif)
(L(E),+,·)est un K-espace vectoriel, sev de EE,+,·
λK,(ϕ,ψ)L(E)2,λ·(ϕψ)=(λ·ϕ)ψ=ϕ(λ·ψ).
De plus (GL(E),)est un groupe : c’est le groupe des inversibles de l’anneau (L(E),+,).
Proposition 6.1.2.1.
Attention : dans l’anneau (L(E),+,), la notation f2désigne ff; de même fn:= ff · · · f
|{z }
nfois
1. Démontrez la proposition précédente.
2. Que vaut (fg)1si fet gsont des éléments de GL(E)?
3. Développez dans L(E):
4.(idE3f)2
5.(f+g)2
6.(fg)(f+g)
7. Factorisez dans L(E):ff5f +6idE
8.GL(E)est-il stable par l’addition?
Exercice 6.1.2.2.
Soit (f,g)L(E,F)×L(F,G).
Montrez que Im (gf)Im get que ker fker (gf).
Exercice 6.1.2.3.
Nous avons parlé d’algèbre. Voici la définition précise d’une K-algèbre :
(A,+,×,·)est une K-algèbre si et seulement si :
(i) (A,+,×)est un anneau.
(ii) (A,+,·)est un K-espace vectoriel
(iii) λK,(x,y)A2,λ·(x×y)=(λ·x)×y=x×(λ·y).
Autrement dit, (A,+,×,·)est une K-algèbre si et seulement si :
(i) +est une loi de composition interne sur A.
(ii) +est associative.
(iii) Il y a un élément neutre 0Apour +.
(iv) Tout élément admet un opposé pour +.
(v) +est commutative.
(vi) ×est une loi de composition interne sur A
(vii) ×est associative.
(viii) Il y a un élément neutre 1Apour ×, tel que 1A6=0A.
(ix) ×est distributive par rapport à +.
(x) ·est une loi de composition externe sur A, de domaine d’opérateur K
(xi) xA,1K·x=x
(xii) (λ,µ)K2,xA,(λ+µ)·x=λ·x+µ·x.
(xiii) λK,(x,y)A2,λ·(x+y) = λ·x+λ·y.
(xiv) (λ,µ)K2,xA,(λ×Kµ)·x=λ·(µ·x).
(xv) λK,(x,y)A2,λ·(x×y)=(λ·x)×y=x×(λ·y).
De plus, on dit que BAest une sous-algèbre de (A,+,×,·)si et seulement si :
(i) 1AB
(ii) (x,y)B,x+yB
(iii) (x,y)B,x×yB
(iv) λK,xB,λ·xB
Définition 6.1.2.4(K-algèbre).
Dans la liste ci-dessus, identifiez les propriétés qui caractérisent un groupe, un groupe abélien, un anneau, un
espace vectoriel.
Exercice 6.1.2.5.
Soit E=C([0;1],R)et ϕl’endomorphisme de Equi à fassocie l’unique primitive de fqui s’annule en 1.
1. Montrez qu’il existe ψL(E)tel que ψϕ=idE.
2. A-t-on ϕGL(E)?
3. Existe-t-il L(E)tel que ϕ=idE?
Exercice 6.1.2.6.
6.2 caract érisation dune application lin éaire par ses restrictions à 2 sev suppl émentaires
Soient Get Hdeux sev supplémentaires de E, et soient ϕL(G,F)et ψL(H,F).
Alors il existe une unique application linéaire fL(E,F)telle que fG=ϕet fH=ψ.
En d’autres termes, l’application :L(E,F)L(G,F)×L(H,F)
f7→ fG,fH
est un isomorphisme.
Proposition 6.2.0.1.
Démonstration. Unicité (analyse) : Supposons que fL(E,F)avec fG=ϕet fH=ψ.
Soit alors xE. Alors il existe un couple (xG,xH)G×H,x=xG+xHde sorte que f(x) = f(xG+xH) = f(xG) + f(xH) = ϕ(xG) + ψ(xH).
Existence (synthèse) : Si xE, il se décompose de façon unique en x=xG+xHxGGet xHH, de sorte que l’on peut définir
f:EF
x7→ ϕ(xG) + ψ(xH)x=xG+xHavec xGGet xHH
.
On vérifie immédiatement que fest linéaire, et que si xGalors f(x) = ϕ(x)(dans ce cas xH=0), et que si xHalors f(x) = ψ(x)(dans ce cas xG=0).
Soit fL(E,F)avec E=E1E2.
Alors : f=0L(E,F)fE1=0L(E1,F)et fE2=0L(E2,F).
Autrement dit : fest nulle si et seulement si elle est nulle sur deux sev supplémentaires.
Corollaire 6.2.0.2.
Soient (f,g)L(E,F)2avec E=E1E2.
Alors : f=gfE1=gE1et fE2=gE2.
Autrement dit : fet gsont égales si et seulement si elles coïncident sur deux sev supplémentaires.
Corollaire 6.2.0.3.
Prouvez les deux corollaires précédents.
Exercice 6.2.0.4.
6.3 d étermination dune application lin éaire dans une base
Soit fL(E,F)et (ui)iIune base de E.
Alors pour toute famille (vi)iIde vecteurs de F, il existe une unique application linéaire fL(E,F)telle que :
iI,f(ui)=vi
En d’autres termes, l’application :L(E,F)FI
f7→ (f(ui))iI
est un isomorphisme.
Proposition 6.3.0.1.
Démonstration. Unicité [Analyse] : soit fL(E,F)telle que iI,f(ui) = vi. Soit xE. Comme (ui)iIest une base de E, il existe une unique famille
(xi)iIK(I)telle que x=X
iI
xiui. Donc f(x) = f X
iI
xiui!=X
iI
xif(ui) = X
iI
xivi.
Existence [Synthèse] : Réciproquement, soit f:EF
x7→ X
iI
xivi
(xi)iIK(I)est telle que x=X
iI
xiui. Cette application est bien définie car le
choix de (xi)iIest unique. Si i0I, alors ui0=X
iI
δi,i0uidonc fui0=X
iI
δi,i0vi=vi0.
Voyons maintenant que fest linéaire. En effet, si (x,y)E2et λ,µKalors on peut écrire x=X
iI
xiuiet y=X
iI
yiui.
On a alors f(λx +µy) = f λX
iI
xiui+µX
iI
yiui!=f X
iI
(λxi+µyi)ui!=X
iI
(λxi+µyi)vi=λX
iI
xivi+µX
iI
yivi=λf(x) + µf(y).
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