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216 les-fentes-oro-faciales

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ISSN 0034-222X
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41e Année
Décembre 2003
Trimestriel
N° 216
Les fentes
oro-faciales
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Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY
Fédération Nationale des Or thophonistes
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Revue éditée par la Fédération
Nationale des Orthophonistes
Rédaction - Administration :
2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS
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Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V.
Paris
Directeur de la publication : le Président de la F.N.O. :
Jacques ROUSTIT
Membres fondateurs du comité de lecture :
Pr ALLIERES • A. APPAIX • S. BOREL-MAISONNY
G . D E C R O I X • R . D I AT K I N E • H . D U C H Ê N E
M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD
R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY
F . L H E R M I T T E • L . M I C H A U X • P. P E T I T
G. PORTMANN • M. PORTMANN • B. VALLANCIEN.
Comité scientifique
Aline d’ALBOY
Dr Guy CORNUT
Ghislaine COUTURE
Dominique CRUNELLE
Pierre FERRAND
Lya GACHES
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Frédéric MARTIN
Alain MENISSIER
Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI
Bernard ROUBEAU
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Monique TOUZIN
Rédacteur en chef
Jacques ROUSTIT
Secrétariat de rédaction
Marie-Dominique LASSERRE
Abonnements
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Commission paritaire : 0907 G 82026
Impression : TORI
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Téléphone : 01 43 46 92 92
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Sommaire
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Décembre 2003
N° 216
Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Catherine Thibault, orthophoniste
LES FENTES ORO-FACIALES
Catherine Thibault, orthophoniste, psychologue, Paris
3
1 Erwan
Eric Le Guen, Sartrouville
2 Décrire ma vie de la naissance à aujourd’hui. Comment je l’ai vécue
à l’école ou avec ma famille
Stéphane Péraste, Vanves
3 Chirurgie et phonétique des fentes palatines ou comment
Suzanne Borel a jeté le fondement de la recherche orthophonique
Chantal Talandier, Orthophoniste, Bernard Pavy, Jacques Huart,
Aurélie Majourau-Bouriez, Paris
5
1 Démarche pédiatrique vis-à-vis d’un nouveau-né atteint
d’une fente labio-maxillaire et/ou palatine
Véronique Abadie, Pédiatre, Paris
2 La prise en charge des fentes labio-maxillo-palatines de 0 à 20 ans
Christian Paulus, Chirurgien, Lyon
3 Le traitement de l’enfant porteur de fente vélo palatine :
rôle de l’orthophoniste dans l’équipe pluridisciplinaire
Chantal Talandier, Orthophoniste, Bernard Pavy, Jacques Huart,
Aurélie Majourau, Paris
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1 Fente palatine sous-muqueuse
Christian Paulus, Chirurgien, Marielle Laurent, Orthophoniste, Lyon
2 Un examen para clinique : la vidéoscopie vélo pharyngée
Chantal Talandier, Orthophoniste, Paris
3 Les pharyngoplasties dans le traitement de l’insuffisance vélo-pharyngée
des fentes palatines
C. Gbaguidi, S. Testelin, B. Devauchelle, Chirurgie Maxillo-Faciale
et Stomatologie, Amiens
4 Evaluation clinique après sphincteroplastie
Stéphane Comiti, Béatrice Morand, Chrystele Deschaux, Bernard Raphael,
Chirurgie Plastique et Maxillo-Faciale, B Raphaël, B. Morand *Grenoble
5 Rééducation des incompétences vélo-pharyngées
Elisabeth Tsymbal, Orthophoniste, B. Raphaël, B. Morand, Grenoble
6 Traitement des séquelles nasales des fentes labio-alvéolo-palatines
Raymond Gola L.Guyot, O.Richard, T.Kaffel, O.Prost-Magnin, Stomatologie,
Chirurgie maxillo-faciale, Marseille
7 Le traitement orthodontico-chirurgical des séquelles
de fentes labio-alvéolo-palatines
Sandrine Sébille, Joël Ferri, Lille
8 Spécificités de la rééducation orthophonique dans les cas de fente palatine
Hélène Baylon, Orthophoniste, M. Roger, Orthophoniste, M. Bigorre, Chef de clinique,
P. Montoya, Chirurgien des hôpitaux, Montpellier
9 L’éducation gnoso-praxique orale. Son importance dans la prise
en charge des enfants présentant une fente palatine postérieure
Catherine Thibault, Orthophoniste, Paris
10 Fentes oro-faciales : une première expérience de prise en charge
Sophie Dokhan, Orthophoniste, Montigny-sur-Loing
11 Une prise en charge orthophonique d’un enfant présentant
une séquence de Pierre Robin
Véronique Maire, Orthophoniste, Sainte Savine
1 La consultation prénatale et la préparation des parents
à l'intervention pour tumeur, dysplasie et fente faciale de leur nouveau-né
Gérard Couly, Stomatologue et Chirurgien, Paris
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Les fentes oro-faciales
Catherine Thibault
Catherine THIBAULT
Orthophoniste, Psychologue
16, avenue du Maine
75015 Paris
[email protected]
L
orsque Jacques Roustit m’a proposé de diriger ce numéro spécial sur les
fentes oro-faciales, je me suis sentie investie dans le prolongement de ma
mission d’orthophoniste : aider et accompagner mes collègues dans la
prise en charge spécifique des patients présentant une fente oro-faciale.
Depuis quinze ans dans le service de chirurgie maxillo-faciale de l’hôpital
Necker, j’ai pu mesurer l’importance de la sphère oro-faciale, les fonctions de
ventilation, de succion, de déglutition, de mastication, de phonation ; le bon
déroulement de l’oralité alimentaire et verbale constituant les étapes indispensables au développement harmonieux de tout enfant, et plus particulièrement
des enfants porteurs de fente labio-alvéolo-palatine. L’orthophoniste a un rôle
prépondérant d’information, d’accompagnement parental et de personnalisation
du travail phonétique et linguistique de l’enfant opéré de chéiloplastie (fermeture labiale) et d’urano-staphylorraphie (fermeture vélo-palatine) dont l’audition
est surveillée. Cette prise en charge précoce permet à l’enfant d’aborder l’école
maternelle et d’intégrer le cours préparatoire avec une bonne communication et
des habiletés langagières efficaces.
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Les troubles propres aux fentes oro-faciales résultent, le plus souvent, de
l’impossibilité pour le voile d’assurer sa fonction essentielle au cours de la phonation : l’occlusion vélo-pharyngée. C’est alors qu’un suivi orthophonique,
audiologique particulier et surtout chirurgical est nécessaire (pharyngoplastie).
L’enfant est suivi pendant toute son enfance par les différents acteurs soignants.
La prise en charge pluridisciplinaire voire transdisciplinaire permet au
patient et à sa famille de se reconnaître et de se vivre en tant que sujet propre
dans l’univers médical et paramédical.
Si l’état du voile du palais est prédictif quant à l’évolution de la parole
d’un enfant opéré de fente oro-faciale, son comportement et celui de son entourage le sont tout autant. Il faut donc appréhender l’enfant dans sa globalité.
N’oublions pas que l’environnement affectif, culturel, pédagogique et médiatique jouent un rôle déterminant dans la plus ou moins grande concrétisation des
troubles et leur évolution.
Merci à tous les participants de ce numéro pour leur aide à mieux faire
comprendre et à susciter l’intérêt de la prise en charge des patients présentant
une fente oro-faciale
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Erwan
Eric Le Guen
Mon fils est né
Il sut se faire attendre. Un accouchement long, plein de mystères.
Tout devait bien se passer. Les échographies n’avaient rien laissé voir.
Mon petit était déjà très pudique masquant toujours son visage de ses
mains. Nous, parents, avions voulu voir et prévoir.
C’était maintenant l’heure de la Nature...
***
L’attente du bonheur soudain se fige. La tête de notre enfant apparaît. En
une fraction de seconde je croise le regard de la sage-femme, et je comprends
que nous nous arrachons au monde paisible de l’insouciance. Nous n’aurons pas
droit au plus bel acte du monde, le seul acte pouvant dire qu’aux malheurs succède le bonheur, aux souffrances les joies, à l’espoir la vie : la naissance.
Tout se disloque en quelques secondes, notre monde s’écroule.
La sage-femme est parfaite. On s’en remet à elle.
Elle sait faire venir la vie, là où nous sommes impuissants devant
l’épreuve.
Cette nuit là, au 5 mai 1991, mon être profond se métamorphose.
Dans les salles de travail voisines, les cris cèdent place aux larmes
d’émotion.
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C’est la joie pour tant de mères et de pères.
Des parents comblés accueillent leur enfant, dans l’effort et l’amour.
Entre tous ces miracles de la Vie, un autre enfant.
Un enfant pour qui les choses seront différentes.
Cet enfant est le mien.
L’injustice frappe de plein fouet, de toutes ses forces, avec une violence
inouïe, et met à genoux. La maman n’a pas bien vu son bébé, rapidement sorti
de son ventre et dérobé à son regard pour être emmené plus loin. Elle sait qu’il
se passe quelque chose, récupère, rassemble ses moyens, alors que je suis déjà
dans la maternité, avec celui que je voulais appeler mon petit.
Mais à cet instant, je ne lui trouve pas de nom. Impossible.
Le temps s’arrête pour me laisser entrevoir tout ce que cela signifie.
J’appelle au secours médecins, sages-femmes. Qu’ils me renseignent.
Vite.
Jusqu’où cet enfant est-il hors-normes ? Je n’ose le regarder en face. J’ai
peine à soutenir son regard. Sous la lumière rouge qui le réchauffe, il me toise,
yeux grand ouverts, totalement éveillé au monde alentour. Des yeux noirs, durs
comme de l’obsidienne.
Il affronte. Il est plus fort que moi. Mais il ne sait pas, il n’a pas encore
vu.
Pourquoi bouge-t-il, pourquoi vit-il malgré cette inacceptable différence ?
Sait-il qui il est ? L’épreuve que sera sa vie ? Il paraît tellement sûr de lui...
La Nature veut lui donner force de réagir ? Mais pourquoi lui prendre
tant ?
Il n’a pas de bouche formée, il en manque deux morceaux.
Sa lèvre supérieure est d’un modèle inconnu.
Ce qui aurait du être un nez ne porte pas de nom.
Rapidement on s’apercevra qu’il n’a pas de palais.
Avant même la moindre explication, je sais que le parcours sera lourd.
Mais notre fils s’en moque et nous devance. En quelques secondes il s’est
engagé à vivre.
Au plus profond de mon être je suis soumis au combat de mes craintes et
de mes vanités. La souffrance insoutenable va pourtant enfanter d’une mission :
Erwan sera. Il naîtra en deux fois. On se le promet.
Notre enfant est là. Vivant. Il est drôle. Il est beau comme lui-même.
Il faut construire. Réconforter sa mère, soulager et répartir les culpabilités, me déclarer responsable, endosser génétiquement le fait d’être sans doute
transmetteur de l’anomalie.
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Nous allons construire une bouche, des lèvres, un palais, un voile du
palais.
Espérons qu’il parle. Espérons qu’il rie. Espérons qu’il chante.
Espérons qu’il entende. Espérons qu’il comprenne et qu’il aime.
Alors avec lui nous parlerons et rirons.
Nous chanterons pour qu’il nous entende.
Nous l’aimerons pour qu’il comprenne.
Et nous comprendrons pour qu’il nous aime.
Aventure peut-être bien souvent vécue chez les médecins, sages-femmes,
infirmières, qui nous entourent... Un enfant sur sept cents naît avec ce type
d’anomalie… Nous l’apprendrons de ces gens, tous remarquables, qui nous
amèneront l’unique solution : accorder notre absolue confiance, là où leur vocation est de sauver nos enfants.
Erwan pourrait être l’enfant d’un autre, les médecins seraient les
mêmes.
Je m’en remets à eux, et les entends encore :
« Vous êtes les parents, c’est vous qui l’intégrerez dans la Vie. Pour le
reste, ne craignez rien et laissez nous faire. Vous verrez, il sera très beau votre
petit garçon ».
Ce sont là les douze premières heures de la vie d’Erwan. Je pleure.
***
Erwan a maintenant douze ans. Toutes les opérations ont donné un plein
succès.
C’est un garçon accompli. Il a une petite soeur de six ans, Cléo.
La Nature s’est calmée, et nous laisse le bonheur.
Cléo est née sans encombres. C’était donc cela une naissance…
Elle est née sans soucis, mais ne continue pas sans épreuves... blessures,
chutes... divorce de ses propres parents… Tout comme son frère, elle connaît
des souffrances, et restaure peu à peu son équilibre... à la conquête d’elle-même.
Erwan, petit enfant, fit de chacune de ses journées une même conquête.
Il fut obligé de manger à la petite cuillère dès sa naissance, puisqu’il
n’avait presque pas de bouche. Il s’entraîna et y parvint. On eut peur de trouver
des détériorations dans le système auditif. Il grandira avec un violoncelle, et
révèlera une oreille musicale. Il s’entraînera et la développera. On eut peur qu’il
ne parle pas correctement. Il décidera d’apprendre à lire presque seul, s’entraînera, lira et parlera, jouera au théâtre.
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Il sera Erwan. Il fabriquera lui-même chaque jour un peu plus son histoire.
L’injustice qui frappa sa naissance s’estompe lentement. Amplifier mon
rôle de père fut une des clés du succès dans la reconstruction de notre fils.
Rester entiers nous habilite à transmettre une part de nous-mêmes.
Soyons fragmentés et nous enfantons la poussière. Soyons entiers et nous pouvons donner.
Au lendemain des souffrances, nous vîmes toujours arriver les solutions.
Seul l’abandon aurait été un échec.
Faire était donc obligatoirement réussir.
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Décrire ma vie de la naissance à aujourd’hui.
Comment je l’ai vécue à l’école ou avec ma famille
Stéphane Péraste
J’ai 20 ans.
Je suis né avec une fente bilatérale et d’après ce que j’ai compris, mon
palais aussi était mal formé puisqu’il était ouvert, selon les mots de mes parents.
J’ai hérité de cette malformation de ma mère qui elle, n’avait qu’une
seule fente. Mais il y a d’autres cas dans cette famille, notamment une cousine
de vingt ans qui n’a eu qu’une malformation palatine, un cousin de seize ans
atteint du même mal et enfin une autre cousine qui aura bientôt dix ans qui est
née avec une seule fente.
J’ai subi ma première opération alors que je n’avais que trois mois. Elle
consistait à refermer une première fente et pour ce qui est de la seconde, il a
fallu me réopérer deux mois plus tard car le chirurgien qui me suivait pensait
que traiter les deux fentes en une seule intervention aurait été trop dur à supporter pour un enfant en bas âge. Je pense surtout qu’il préférait attendre pour voir
comment évoluait et cicatrisait la première partie pour pouvoir se lancer.
J’ai pris conscience de mon mal assez tôt puisque je ne venais alors que
de rentrer à la crèche. C’est arrivé à cause du regard que me portaient les
autres enfants de l’école car ils venaient tour à tour se placer en face de moi,
puis se rapprochaient jusqu’à en arriver à 30 cm de moi afin de me scruter
comme si j’étais une bête sauvage. S’en suivaient régulièrement les questions
déstabilisantes et on ne peut plus embarrassantes telles que : « t’as le nez
aplati…Pourquoi t’es comme ça ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? » Ca se termi-
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nait souvent par des réflexions et des moqueries qui ont été pour moi très
pénibles à supporter jusqu’à très tard puisque je l’ai ressenti jusqu’à l’âge de
quinze ans. J’en ai réellement souffert puisque c’est un phénomène que j’ai
subi au quotidien et je dois admettre que je me suis renfermé sur moi-même
très vite, ce qui a automatiquement déclenché chez moi un instinct de défense
qui se traduisait par de l’agressivité, de la violence. J’ai donc souvent été
amené à me battre pour faire taire les autres, qu’ils aient mon âge ou pas. Ils
se calmaient souvent mais je suppose qu’ils devaient continuer malgré tout en
cachette.
C’est à mon arrivée à l’école primaire, au cours préparatoire que les
réelles difficultés se sont faites ressentir car j’arrivais dans un monde nouveau.
J’ai perdu tous mes repaires du fait que j’ai changé d’école alors qu’elle ne se
trouvait seulement qu’à trente secondes de mon ancienne école. Je ne me suis
retrouvé qu’avec des enfants plus âgés donc je marchais fatalement avec la peur
au ventre que ces individus s’en prennent à moi. Je partais pessimiste en me
disant que j’allais vivre un vrai calvaire et ce que j’avais prédit arriva. Dès la
deuxième semaine, les élèves des classes supérieures m’avaient déjà repéré et je
subissais leurs moqueries à chaque récréation. Plus les années passaient et
mieux ça allait jusqu’au moment où j’ai encore dû changer de section puisque je
rentrais en classe de sixième.
Là encore, je pressentais ce qui allait se produire. Comme si j’avais fait le
remake d’un mauvais film français en version américaine puisqu’il s’est passé
la même chose en puissance dix. J’avais éprouvé une certaine difficulté à
m’adapter à l’école primaire, mais ce coup-ci, je pense que c’était pire que tout
parce qu’il y avait une certaine discipline à entretenir de la part des professeurs
envers les élèves étant donné qu’ils sont en pleine adolescence et que c’est là
qu’ils s’affirment et qu’ils se font le plus remarquer. Les enseignants se montraient donc assez sévères, voir méchants. Je me sentais donc encore plus mal à
l’aise et j’ai commencé à me poser de sérieuses questions qui sont revenues souvent pendant les quatre ou cinq années qui ont suivies. Je m’interrogeais sur le
fait que c’était moi qui avais hérité de ça et pourquoi pas un autre ? Il y avait
aussi le fait que je rentrais dans la tranche de la puberté puisque j’avais déjà 11
ans et c’est un âge où l’on commence à s’intéresser sérieusement aux filles. Du
coup, je me persuadais que je n’arriverais jamais à sortir avec une fille. Je
m’étais mis en tête que même la fille la plus hideuse et repoussante du monde
ne voudrait pas de moi. Ma mère ne cessait de me répéter que j’étais un joli garçon et qu’un jour je ferai tomber les filles. Je n’y croyais pas du tout, si bien que
j’ai souvent eu des envies suicidaires et à chaque fois que je voulais m’exécuter,
il y avait cette petite voix au fond de moi qui me répétait qu’il fallait que je me
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laisse une chance, que je sois patient et qu’un jour allait basculer. J’ai donc noyé
mon désarroi dans le sport car je ne pensais plus à rien.
Ce n’est que vers l’âge de quatorze ans que j’ai commencé à me sentir un
peu libéré de ce poids. J’ai commencé à m’ouvrir petit à petit et j’ai commencé
tout doucement à avoir des relations amicales avec des filles sans qu’on en
vienne à parler de mes cicatrices. C’est à ce moment-là que j’ai pu commencer à
dire « ouf » car les gens ne m’en parlaient plus comme avant, mais il y avait
toujours le regard des étrangers dans la rue. Je dois dire que je me suis littéralement ouvert vers l’âge de quinze ans même si je ne me trouvais pas parfait au
point de vue de l’esthétique. C’est pour ça que j’ai subi une autre opération à
l’âge de dix-sept ans. Je pensais être définitivement sorti de ce problème mais
ce n’était pas le cas.
En effet, à l’âge de dix-huit ans, des jeunes de mon âge qui se disaient
être mes meilleurs amis se sont ligués contre moi et m’ont sans cesse fait ressentir que j’étais différent alors que dans le fond j’étais aussi normal qu’eux. Du
fait que ça vienne de ces gens-là, je n’avais jamais autant souffert car ils l’affichaient vraiment en dessinant des caricatures de moi en bas de chez moi, en
m’envoyant des SMS sur mon téléphone portable pour m’insulter ainsi que ma
mère puisqu’elle a eu le même problème que moi. Ma seule défense était la violence mais plus je leur attachais de l’importance, et plus ils s’acharnaient contre
moi. C’est une période ou j’ai énormément douté de moi. J’en étais venu à me
demander ce que je faisais sur Terre puisque je n’étais confronté qu’à la souffrance. J’ai du mal à l’admettre, mais si aujourd’hui j’ai définitivement fait abstraction de ce handicap qui me poursuivra toujours, c’est grâce à eux, parce que
se faire maltraiter par ses soi-disant meilleurs amis prête à réfléchir. Je ne les
remercierai pas pour le service qu’ils m’ont rendu puisqu’ils ont avant tout
voulu me détruire mais j’ai su me montrer plus intelligent qu’eux en ne prenant
que le côté positif de cette situation. Je dois dire que j’ai été bien appuyé par ma
mère pour en arriver à raisonner de la sorte.
Effectivement, les problèmes que j’ai rencontrés étant plus jeune pour
séduire les filles sont moindres aujourd’hui, voir inexistants. Je suis le premier
étonné par le résultat de toutes ces opérations même si j’ai dû attendre un bon
bout de temps pour en arriver là. Il fut un temps ou j’étais on ne peut plus
timide et réservé, mais maintenant quand je dis aux gens que je le suis réellement, ils me disent que je me moque d’eux car j’ai l’air ouvert et décontracté.
C’est bon à savoir pour moi que je projette cette image là.
Le seul problème qui m’a toujours poursuivi et qui persiste encore
aujourd’hui est sans nul doute ma phonation qui est défaillante. En effet, quand
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je m’exprime, le son de ma voix à tendance à passer par mon nez. J’ai subi de
nombreuses opérations, la dernière en juin 2003.
Cela implique donc que je doive faire de la rééducation orthophonique
pendant un an environ. Il est vrai que je n’ai jamais été vraiment assidu mais le
peu de travail que j’ai fourni a quand même porté ses fruits. Ces exercices qui
ont l’air inutile à pratiquer au premier abord donnent des résultats assez rapidement si le patient prend le temps de les faire ne serait-ce qu’une fois par jour
devant son miroir.
On dit souvent qu’une personne ne connaît pas réellement le son de sa
propre voix, qu’elle ne s’entend pas parler. Néanmoins une personne se trouvant
dans mon cas pourra facilement voir la différence au bout d’un mois déjà s’il
travaille sérieusement.
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Chirurgie et phonétique des fentes palatines ou
comment Suzanne Borel a jeté le fondement de
la recherche orthophonique
Chantal Talandier, Bernard Pavy, Jacques Huart, Aurélie Majourau
Résumé
C’est à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul que Suzanne Borel, phonéticienne, a été appelée par
Victor Veau, éminent chirurgien, pour comprendre, analyser et traiter la parole des divisions
palatines, considérée alors comme un chaos phonétique. Cette collaboration est à l’origine de
l’orthophonie en France.
Mots clés : fente labio-palatine, chirurgie et phonation, résultats phonétiques, classification
phonétique, Suzanne Borel, Victor Veau
Surgical and phonetic treatment of cleft palate conditions : How Suzanne
Borel laid the foundation for the field of speech and language therapy
Abstract
One of the most famous surgeons for clef lip and palate conditions, Victor Veau, (French surgeon at the Hospital Saint Vincent-de-Paul, France), was very interested in the speech problems and deficiencies encountered by cleft palate patients. For this reason, he asked
Suzanne Borel, speech therapist, to join his team. In this context, Suzanne Borel developed a
comprehensive protocol involving the diagnosis, classification, analysis and treatment of
cleft lip and palate speech pathologies.
Key Words : Cleft lip and palate, surgical palate repair, speech results, phonetic classification, Suzanne Borel, Victor Veau
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Chantal TALANDIER
Orthophoniste
Bernard PAVY, Jacques HUART,
Aurélie MAJOURAU
Équipe multidisciplinaire de réparation des
fentes labio palatines
Hôpital Saint Vincent-de-Paul
74 à 82, avenue Denfert Rochereau
75674 Paris Cedex 14
Grâce à son éducation, à son travail méthodique, guidée par
une pénétrante intelligence, Melle Borel a su introduire
l’ordre dans le chaos des troubles phonétiques.
Faites un bon palais, bien mobile, vous avez les plus grandes
chances d’avoir une bonne élocution, même sans éducation
phonétique
Victor Veau
A
celui qui veut connaître l’histoire de la chirurgie vélaire, la lecture de
l’ouvrage de Victor Veau donnera une leçon magistrale. L’histoire, la
technique, la réflexion, la philosophie, l’éthique de cette pathologie y
sont exposées avec finesse et intelligence.
La constance avec laquelle Victor Veau recherche essentiellement, l’amélioration des résultats phonétiques, ne peut que séduire les orthophonistes que
nous sommes.
C’est à l’aune d’une parole correcte que Victor Veau va mesurer tous ses
progrès chirurgicaux.
Victor Veau, le premier, dans sa recherche de l’amélioration de la technique chirurgicale, accorde une attention constante à une restauration anatomique autant que fonctionnelle… Nul chirurgien au monde n’a été, à cette
époque, plus soucieux de la qualité de la parole de ses opérés que Victor Veau.
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Il prend conscience de la nécessité d’une science orthophonique : c’est la
rencontre avec Suzanne Borel.
Suzanne Borel est alors une jeune grammairienne, élève de l’abbé Rousselot,
génial inventeur de la phonétique expérimentale.
À partir de là, leur collaboration va démontrer
l’importance de l’interaction entre leurs
domaines, la chirurgie
et l’orthophonie, et les
progrès de la technique chirurgicale seront validés par les
résultats phonétiques, explicités et quantifiés.
♦ Le volet orthophonique
Suzanne Borel, un chercheur exceptionnel
Car le chirurgien Victor Veau a trouvé en Suzanne Borel un chercheur à
sa mesure. Leurs techniques complémentaires sont fructueuses et tous leurs
efforts tendent à la recherche constante d’une amélioration des résultats phonétiques, seul enjeu de cette réparation.
Analyser et comprendre les troubles phonétiques typiques de fentes
palatines, leur apporter une classification, inventer leur traitement, pouvoir
accéder à une évaluation objective, c’est la problématique à laquelle se
trouve confrontée Suzanne Borel quand elle commence à travailler dans ce
service de chirurgie.
Puis-je citer la phrase que Madame Borel-Maisonny me disait,
quand elle se rappelait ses premiers pas dans la pathologie : Monsieur
Veau m’a dit « voilà, moi je ne les opère pas trop mal, mais il y en a
encore qui parlent comme des cochons, est-ce que vous pouvez y voir clair
dans tout ça ? »
Dans ses travaux, poursuivis avec les conseils de l’abbé Millet, continuateur de l’abbé Rousselot, Suzanne Borel cherche à comprendre quel est le mécanisme de ces troubles. Cette recherche « Etude physiologique de la phonation
dans les divisions palatines », suivie de « Éducation phonétique des sujets opérés pour division palatine », constitue la deuxième partie du chapitre consacré à
la phonétique.
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La phonétique expérimentale
L’utilisation d’enregistrements, sur le tambour de Marey, la comparaison
de l’élocution normale et de la parole pathologique, l’explication physiologique
qu’elle en déduit sont pour l’orthophoniste d’aujourd’hui, d’une intelligence et
d’une intuition phonétique exceptionnelles.
COUP DE GLOTTE SOURD pour ATA articulé par une jeune fille de dix-huit ans, avant
l'opération (obs. 417) - (Fig. 751 in Division palatine – 1931, V. Veau, S. Borel, Masson,
Paris)
1. Emission de l' A initial.
2. Période de tenue de la consonne glottale émise pour T.
3. Explosion de la consonne et émission de l'A final.
Ce T n'était pas une occlusive normale. Le sujet l'articulait la langue immobile sur Ie plancher de
la bouche, la pointe à peine isolée de l’arcade dentaire inférieure.
Ce tracé, qui présente une grande analogie avec celui d'une occlusive normale est remarquable :
1° par le fait que l'air ne s'échappe pas par le nez pendant la tenue du T. C'est donc qu'il est retenu
dès le larynx, puisqu'il ne peut l'être par le voile largement fendu et incapable d'obturer le nasopharynx ;
2° Le retrait du larynx au début du T glottal se manifeste sur tous les tracés de coup de glotte. Ce
mouvement anormal est ce qui décèle nettement la présence de ce vice d'articulation.
Il en est même si nettement caractéristique, que, plusieurs fois, nous avons dû à l'enregistrement
seul, ou bien la découverte d'un coup de glotte pour une articulation isolée, généralement le K au
milieu d'éléments normaux et qui avait, pour cette raison sans doute, complètement échappé à
notre oreille ; ou bien de précieux renseignements sur l'évolution fâcheuse de quelques articulations nouvellement apprises et trop tôt négligées.
Pour exemple, l’enregistrement sur le cylindre, (fig. ci-dessus). Coup de
glotte sourd pour ATA articulé par une jeune fille de dix-huit ans, avant opération, montre une parfaite conjonction du sens clinique et du savoir phonétique
de Suzanne Borel, elle explique :
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« Ce T n’était pas une occlusive normale. Le sujet l’articulait, la langue
immobile sur le plancher de la bouche, la pointe à peine isolée de l’arcade
dentaire inférieure ». En observant le tracé plat de la ligne nasale, elle poursuit :
« 1° L’air ne s’échappe pas par le nez pendant la tenue du T. C’est
donc qu’il est retenu dans le larynx, puisqu’il ne peut l’être par le voile, largement fendu. »
Or, combien d’entre nous, instruits de cette pathologie, ont l’habitude
de considérer comme, allant de soi, une fuite nasale associée au coup de
glotte.
« 2° Le retrait du larynx au début du T glottal se manifeste sur tous les
tracés du coup de glotte. Ce mouvement anormal est ce qui décèle nettement la
présence de ce vice d’articulation.
Il est même si caractéristique que plusieurs fois, nous avons dû, à l’enregistrement seul, ou bien la découverte d’un coup de glotte pour une articulation
isolée, généralement le K au milieu d’éléments normaux, et qui avait pour cette
raison sans doute, échappé à notre oreille ; ou bien de précieux renseignements
sur l’évolution fâcheuse de quelques articulations nouvellement apprises et trop
tôt négligées. »
L’utilisation de ces enregistrements permet ainsi de déceler un coup de
glotte parfois non perçu même par l’oreille avertie du spécialiste qu’est
Suzanne Borel et celle même du chirurgien complaisant pour son opération
comme le souligne Veau dans sa critique des résultats publiés par ses
confrères.
Encore aujourd’hui, lors des bilans de contrôle après rééducation, notre
pratique nous expose à des surprises identiques.
V. Veau écrit : « Pour l’analyse des troubles de l’élocution, Mademoiselle
Borel a appliqué les principes scientifiques de la phonétique expérimentale.
Grâce à la connaissance exacte de ces troubles, sur le plan clinique, physiologique et scientifique, l’évaluation phonétique est sortie du domaine de l’empirisme ».
Ainsi, pouvait se constituer ce canon phonétique dont avait rêvé Victor
Veau et qui lui permettait d’évaluer avec précision ses résultats chirurgicaux, ce
qu’il était le premier à faire dans le monde.
Ces travaux vont permettre la première communication scientifique mondiale sur la fermeture du voile, en 1929.
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« Les résultats phonétiques de 100 staphylorraphies » dont on retiendra les
idées essentielles.
Le nombre et le recul sont suffisants, dit Veau pour avoir une idée sur
la valeur d’une opération qui ne vaut que par ses conséquences phonétiques.
Nous n’intervenons pas pour fermer une fente que personne ne voit...
La palatoplastie n’est pas une opération esthétique.
Et son corollaire : Un voile mobile permet toujours la parole.
Mais, nous savons, par ailleurs, que Victor Veau mène de front la
recherche d’une réparation esthétique de la fente labiale, dans laquelle, pour
l’époque, il excellera, mais dont nous ne parlerons pas ici. C’est ainsi qu’on
lit, cette « coquetterie » dans la présentation de ses résultats phonétiques « je
vous ai présenté cet enfant car c’est la plus belle lèvre que j’ai faite en
1924. »
La première classification dans l’élocution
Les statistiques de phonation sont faites suivant les formes et suivant
l’âge.
La phonation est « groupée sous trois chefs » :
I Élocution normale
II Bruits surajoutés :
Souffle nasal, nasonnement, troubles d’origine diverse, englobant le ronflement nasal, les articulations labiales défectueuses dues à une déficience musculaire du bec-de-lièvre bilatéral, ou à un mauvais articulé dentaire, ou à un
défaut d’audition.
III Déficience vocale :
Ces troubles ont pour cause une insuffisance fonctionnelle du voile.
Ces enfants ne peuvent prononcer P, T, K, B, D, G. Ils remplacent ces
consonnes par un bruit appelé le coup de glotte.
Ils ne peuvent prononcer CH, S, J, Z, F ; ils y suppléent par un souffle
rauque de la gorge, connu en phonétique sous le nom de chuintement.
La statistique annonce 40% de phonation normale, passant à 70% quand
l’opération est pratiquée avant l’âge de deux ans. Des cinq formes bilatérales,
quatre sont classées en catégorie III, déficience vocale, une en catégorie II,
bruits surajoutés.
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L’éducation phonétique :
la révision de nos opérés nous a permis de constater un fait auquel nous
ne nous attendions pas : Le rôle de l’éducation phonétique est accessoire.
Les éléments du pronostic fonctionnel de la staphylorraphie :
- L’âge de l’enfant et la nature de la division palatine.
- L’intelligence de l’enfant et des parents.
- Acuité auditive de l’opéré.
Dans cette publication de 1929, tout est dit : l’incidence de l’âge auquel
la staphylorraphie est faite, la forme de la division palatine, simple ou associée à
une fente de la lèvre. Le niveau intellectuel de l’enfant et la gêne que constituent les troubles otiques sont pris en compte.
Veau commente : « Il est un fait incontestable c’est que l’intellect de l’enfant est un facteur pronostic de premier ordre. À côté de l’intelligence de l’enfant, il faut tenir compte de la mentalité des parents. D’abord, il y a des mères
complètement stupides, qui sont incapables de parler correctement à leur
enfant. Il y a ensuite les mères qui ne s’occupent pas de leur enfant et ce ne sont
pas les plus pauvres. »
Un texte fondateur
« Étude physiologique de la phonation des Divisions palatines » 1931
« Nous avons dû tout d’abord chercher quelque clarté dans l’ensemble
complexe des troubles présentés par nos sujets, puis nous avons essayé expérimentalement de comprendre quel était le mécanisme de ces troubles. »
L’étude physiologique de la phonation est faite à partir de l’observation
de 192 enfants. L’examen clinique, l’évaluation phonétique et l’enregistrement
de la parole sur le tambour de Marey sont les éléments qui valident les hypothèses et fondent les certitudes de Suzanne Borel.
Bien que, comme un authentique chercheur, Suzanne Borel, avec modestie, précise. « Nous sommes les premiers à reconnaître tout ce que cette étude a
d’imparfait. Beaucoup de points sont encore obscurs dans notre esprit ; les
troubles que nous avons décrits devraient être repris et étudiés plus attentivement par la méthode expérimentale. » Quelle leçon d’humilité, à une époque où
elle est le seul chercheur en phonétique pathologique !
L’exposé du matériel clinique, âge des patients, type de lésions, méthode
chirurgicale précisée quand ce n’est pas celle du service, est le préalable à cette
étude exhaustive des troubles des fentes.
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♦ Les troubles phonétiques propres aux divisions palatines.
À partir de ces premiers travaux très approfondis dans le domaine,
Suzanne Borel distingue :
Les troubles spécifiques.
Le coup de glotte : Suzanne Borel est la première phonéticienne dans
le monde à décrire largement le coup de glotte, à en justifier le mécanisme
physiologique par des schémas et des enregistrements. Elle n’a pu trouver
d’ailleurs que peu d’éléments de référence dans les « Principes de phonétique expérimentale » où l’abbé Rousselot n’a décrit que sommairement
l’occlusion glottale en arabe et en danois et elle dit en être réduite à des
hypothèses.
Pour ce mécanisme compensatoire, l’étude exhaustive des tracés est à la
fois une étude descriptive, une analyse quantifiée, une justification physiologique, une réflexion ou une interrogation sur le phénomène phonétique observé.
Le souffle rauque
Le souffle nasal, la déperdition nasale, le nasonnement, la description de
ces mécanismes parfois associés, peut permettre une différenciation sans ambiguïté au thérapeute.
Les tracés que Suzanne Borel y joint, excluent, dit-elle, toute erreur d’interprétation.
Ils sont pour l’orthophoniste une démonstration d’évidence.
Les troubles non spécifiques.
Le ronflement nasal, résultant de la présence d’un encombrement nasal,
ou de végétations adénoïdes.
L’insuffisance articulatoire : l’élocution manque de netteté ou est même
incompréhensible.
Les troubles d’origine otilique : les confusions décrites sont dues uniquement à un défaut d’audition, écrit Suzanne Borel. Plus tard, elle distinguera
trouble auditif et trouble perceptif.
Les troubles d’origine laryngée : raucité, monotonie de la voix, troubles
phonétiques pour insuffisance laryngée.
Les troubles d’origine glosso-labiale et maxillaire : qui décrivent tous les
troubles dus à une inertie musculaire ou insuffisance de la langue ou de la lèvre
supérieure. Les défauts dus à la malformation du maxillaire supérieur atteignant
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l’articulation des labio-dentales, souvent associée à une inertie ou rigidité des
muscles des mâchoires.
Grimaces : « enfin bon nombre de nos opérés grimacent en parlant. » Et
l’on aura plaisir à lire cette description des syncinésies que nous connaissons,
qui sont ici un véritable film du phénomène.
« Les ailes du nez sont trop mobiles ; les joues, la lèvre supérieure se contractent, les sourcils se rapprochent, le
front se plisse pour l’émission de toutes les consonnes, sauf M, N, L, R. Nous attribuons ce défaut à un effort exagéré et fait
dans de mauvaises conditions pour parler avant l’opération, ou acquis au cours d’une rééducation maladroite et imprudente.
Beaucoup de nos enfants grimacent pour avoir été invités à parler quand ils ne le pouvaient pas encore. »
Les troubles d’origine thoracique : inertie respiratoire, débit haletant,
mauvais débit d’air qui demeurent et sont à traiter après la restitution d’articulations normales.
Après la classification des troubles spécifiques ou associés à la division
palatine, l’étude physiologique de la phonation se termine par une statistique sur
155 sujets retenus, montrant la distribution de tous ces troubles.
Dans la tradition médicale classique, à cette analyse fine, argumentée des
troubles, succède le traitement :
♦ Éducation phonétique des sujets opérés pour D.P.
• Les conditions de prise en charge de l’éducation phonétique du jeune
enfant sont analysées avec l’expérience clinique que l’on sait. Comme toujours,
chez Suzanne Borel, les réflexions de bon sens se succèdent et cherchent toujours à valoriser l’enfant.
« L’enfant très jeune jouit d’une facilité insoupçonnée ; - il s’intéresse à son travail et s’y donne tout entier ; - il ne
se fatigue pas si l’on sait ménager des repos entre les exercices et les varier (j’ai pu faire travailler utilement et sans les
ennuyer des enfants de 4 ans, trois heures par jour régulièrement pendant un mois) ; - il a peu ou point d’habitudes
vicieuses ; il est souple et adroit » et plus loin, elle note : « la facilité avec laquelle l’enfant plus jeune introduit dans la
conversation courante les bonnes habitudes qu’on lui a données ».
Tandis que « la maladroite bonne volonté des parents, l’évaluation de leur
intelligence » sont notées par Suzanne Borel avec la franchise qu’on lui connaît.
Pronostic et durée d’une rééducation tirés de l’examen de l’enfant.
Correction des troubles annexes : rééducation respiratoire, rééducation
musculaire, rééducation auditive.
Correction des troubles phonétiques proprement dits.
Les principes élémentaires communs à toute rééducation précèdent la
prise en charge spécifique de chaque mécanisme vélo pharyngé de
compensation.
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La rééducation du coup de glotte, du souffle rauque, du souffle nasal et de
tous les autres troubles de la nasalité est proposée : la description progressive
des mouvements, des enchaînements et de tous les exercices sont accompagnés
de réflexions cliniques judicieuses.
Des tracés illustrent la présence de nasalité non audible, de souffle nasal,
de coup de glotte et par la connaissance qu’ils en donnent, sont une aide pour
l’orthophoniste et parfois pour le sujet lui-même.
L’évaluation de la durée du traitement tient compte des éléments chirurgicaux, de l’âge du sujet. La présentation de cas qui illustre le type de rééducation
complète cette magistrale leçon d’orthophonie.
Les travaux de Suzanne Borel-Maisonny, son intelligence, sa persévérance, l’analyse en phonétique expérimentale de cette pathologie, aboutiront
à la classification que l’on connaît, publiée à plusieurs reprises. Actuellement, seule cette classification nous permet d’échanger nos résultats avec
d’autres équipes.
Phonation I
Parole normale
Phonation II Parole avec nasalité
Phonation III Mécanismes de compensation.
Classification qui permet une combinatoire, incluant les degrés PHI/II ;
PHI/III ; PH III/II…. selon la parole spontanée, la parole appliquée. Le degré
d’intelligibilité et les troubles d’articulation pouvant se surajouter à chaque type
de phonation.
Ainsi, Victor Veau avait introduit l’esprit du travail en équipe : ses
recherches pour améliorer la reconstruction d’un voile fonctionnel, pouvaient
être validées par l’analyse d’une phonéticienne, attentive à la parole et au langage de ses opérés.
Nous lui devons d’avoir proposé à Suzanne Borel, phonéticienne, le premier champ d’expérimentation de la pathologie, et de l’avoir séduite au point
qu’elle en a été la pionnière dans notre pays, publiant des travaux mondialement
reconnus.
Suzanne Borel est la première à avoir décrit et analysé scientifiquement ces troubles. Elle a créé avec ingéniosité leur traitement. Elle expose
ses travaux de phonéticienne et ses réflexions de clinicienne dans une
langue d’une grande pureté, d’une grande finesse, intelligible par tous. Elle
a été le chercheur, la clinicienne, la praticienne qui a tracé la voie de notre
orthophonie.
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Les successeurs de Victor Veau à St Vincent de Paul, Pierre Petit, puis
René Malek ont tenu à garder l’organisation de l’équipe mise en place par leur
maître, c’est-à-dire l’orthophoniste, puis le stomatologiste qui mettant à profit la
nouvelle science orthodontique se devait de donner aux opérés de fentes
labiales, des articulés dentaires corrects. Suzanne Borel-Maisonny et Denise
Sadek ont prêté leur concours à Pierre Petit. René Malek assisté de Marie-Rose
Mousset lui a succédé, J. Psaume ayant collaboré aux deux équipes.
REFERENCES
VEAU V. avec la collaboration de Melle S. Borel. 1931. Division Palatine. Anatomie chirurgie
phonétique, Masson.
VEAU V. avec la collaboration de J. Récamier. 1938. Bec-de-lièvre. Formes cliniques ; chirurgie. Masson.
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Démarche pédiatrique vis-à-vis d’un nouveau-né
atteint d’une fente labio-maxillaire et/ou palatine
Véronique Abadie
Résumé
La démarche pédiatrique vis-à-vis des fentes labio-maxillaires et/ou palatines a été profondément modifiée par les progrès de l’échographie obstétricale et par conséquent par l’augmentation de la proportion de diagnostics évoqués pendant la grossesse. Il faut séparer pour
des raisons à la fois physiopathologique, diagnostique, fonctionnelle et thérapeutique, les
fentes antérieures (labio-maxillaire avec ou sans fente palatine) et les fentes postérieures.
Les premières sont en règle diagnostiquées en période anté-natale ; elles s’associent dans
environ 35% des cas à d’autres malformations, notamment de la ligne médiane ; elles
posent des problèmes d’attachement précoce car elles modifient drastiquement l’image de
l’enfant. Lorsqu’elles sont isolées, elles posent peu de problèmes fonctionnels et thérapeutiques. A l’inverse, les fentes postérieures sont rarement repérées en anténatal ; elles représentent un spectre nosologique en continuum avec celui des séquences de Pierre Robin. Si
leur nombre absolu est plus faible que celui des fentes antérieures, leur association à
d’autres malformations est plus important (40 à 50%) ; elles n’altèrent pas l’aspect du
visage de l’enfant mais posent davantage de problèmes fonctionnels, donc de thérapeutiques médicales.
Mots clés : fente labio-maxillaire, fente labio-palatine, fente palatine, séquence de Pierre
Robin.
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A pediatric approach to cleft lip and cleft palate conditions in new
born children
Abstract
The paediatric assessment of a child born with a cleft lip (with or without cleft palate) or a
cleft palate has recently undergone drastic modifications due to the improvement of prenatal
ultrasound investigations. Anterior cleft conditions, (i.e. cleft lip; cleft lip and maxilla; cleft
lip, maxilla and palate) are different from posterior cleft conditions (cleft palate), in terms of
their physiopathology, diagnosis, and therapeutic implications. Anterior cleft conditions are
usually detected during the prenatal period, they are associated in 35% of the cases with
other malformations, especially of the brain midline. They may be responsible for motherchild bonding difficulties, but create few functional (regarding feeding and speech) and therapeutic problems when they are not associated with other malformations. On the contrary,
posterior cleft conditions are rarely detected during the prenatal period. They are less frequent but are more often associated with other malformations. The author thinks they may
represent a continuum with the U-shaped cleft palate of the Pierre Robin sequence. They do
not change the child’s facial aspect although they are often responsible for feeding and ENT
problems.
Key Words : cleft lip and maxilla, cleft lip and palate, cleft palate, Pierre Robin syndrome.
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Véronique ABADIE
Pédiatre
Hôpital Necker-Enfants Malades
149 rue de Sèvres
75015 Paris
L
e rôle du pédiatre vis-à-vis d’un nouveau-né atteint de fente labio-maxillaire et/ou palatine est, dans son principe, similaire au rôle qui est le sien
vis-à-vis de tout enfant qui naît avec une malformation congénitale.
Trois objectifs guident cette action précoce :
- Le premier consiste à accueillir l’enfant tel qu’il est, dans cette
famille-là, c’est-à-dire à accompagner les parents dans la constitution
d’un lien parental perturbée par l’annonce d’une anomalie. La situation
est tout à fait différente si le diagnostic échographique prénatal suivi
d’une consultation prénatale spécifique ont eu lieu ou non. L’accueil
d’un enfant atteint d’une malformation tente d’éviter de séparer l’enfant
de sa mère par un transfert immédiat dans une unité pédiatrique spécialisée. Pour les fentes labio-maxillaires (FLM) et/ou palatines (FP), la
justification médicale de ce transfert est rare, et le pédiatre doit tenter
de ne pas céder à la pression de l’équipe soignante de maternité, souvent inquiète par la prise en charge précoce de ce type de nouveau-né.
Ceci est d’autant plus vrai pour les malformations faciales qui donnent
à l’enfant une image traumatisante pour ses parents comme pour les soignants. L’attitude de l’équipe de maternité vis-à-vis de ce couple mèrebébé sera essentielle pour la qualité de la suite des soins et de la structuration psychique de cet enfant.
- Le deuxième axe de réflexion du pédiatre vis-à-vis d’un nouveau-né
atteint d’une fente palatine est celui de l’analyse du retentissement de
cette anomalie sur son adaptation à la vie extra utérine. Les fonctions alimentaires et respiratoires seront évaluées attentivement afin que l’hématose soit préservée et que la croissance pondérale soit assurée. Ceci
nécessite quelques petites procédures pratiques spécifiques, position de
couchage, type de tétine, texture du lait… L’attachement mère-bébé est
bien sûr conditionné par la qualité de l’oralité alimentaire précoce qui
doit donc être sereinement soutenue par l’équipe de la maternité.
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- Enfin, dès les premiers jours de vie, la précision du cadre diagnostic
dans lequel s’intègre cette fente doit être évoquée et dirigée dans la voie
compétente. Le pédiatre doit par un examen clinique complet et par les
connaissances théoriques concernant ces fentes, dessiner un projet thérapeutique et d’investigations à court et moyen terme. Ceci implique
d’avoir des correspondants médico-chirurgicaux rôdés à la prise en
charge de ces enfants.
♦ Rappel d’embryologie permettant d’envisager le mécanisme
de genèse des fentes orales, leur retentissement sur les fonctions
vitales (succion/déglutition/ventilation/motricité digestives et des
voies aériennes supérieures/régulation végétative cardiaque),
et leur association possible à d’autres malformations.
La continuité de la lèvre supérieure et de la gencive est constituée vers la
5ème semaine de vie embryonnaire par la fusion du bourgeon naso-frontal médian
et des deux bourgeons maxillo-mandibulaires droit et gauche, formés par les
crêtes neurales prosencéphalique et mésencéphaliques respectivement. Entre la
7ème et la 9ème semaine de vie embryonnaire, le palais secondaire se forme, les
mouvements de déflection du pôle céphalique embryonnaire et les premières
séquences motrices mandibulaires permettent l’horizontalisation de la langue et
la progression postérieure et médiane des procès palatins, jusqu’à la formation
complète du voile séparant la cavité buccale de la cavité nasale.
Ces éléments d’embryogenèse laissent penser que les fentes antérieures,
c’est-à-dire les fentes labiales, labio-maxillaires ou labio-gingivo-maxillopalatines sont des anomalies de fusion tissulaire des structures faciales d’origine prosencéphalique et mésencéphalique. On comprend ainsi que ces fentes
puissent être larges anatomiquement sans altérer de façon marquée la sensorimotricité des organes responsables des fonctions alimentaires et respiratoires
médiées par le tronc cérébral. En revanche, elles peuvent s’associer à des anomalies prosencéphaliques c’est-à-dire principalement la ligne médiane (corps
calleux, axe hypothalamo-hypophysaire) et les hémisphères cérébraux.
Les fentes palatines postérieures sont pour la majorité d’entre elles
médianes et ogivales touchant soit exclusivement le voile du palais, soit le palais
secondaire partiellement ou dans sa totalité. Elles sont constituées au cours du 3e
mois de vie embryonnaire et sont le reflet d’un défaut de coalescence des procès
palatins, probablement par l’interposition persistante de la langue. La motricité orofaciale embryonnaire et fœtale est une activité neuro-motrice précoce et dont on
peut penser qu’elle est responsable du positionnement intra-oral de la langue et de
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la croissance de la mandibule. Il n’est donc pas étonnant que les fentes palatines
postérieures soient fréquemment associées à des anomalies du rhombencéphale
(tronc cérébral primitif), que ces anomalies soient centrales sous la forme de
troubles de l’intégration des fonctions de succion/déglutition/ventilation ou
qu’elles soient périphériques sous la forme d’anomalies morphologiques des structures cervico-faciales issues des arcs branchiaux. Plus rarement, les fentes palatines
postérieures peuvent être plus latérales, ou étroites, à berges abruptes, respectant
deux hémi-luettes fendues. Il est alors moins probable qu’elles correspondent à un
obstacle lingual mais plutôt à des processus anormaux de fusion tissulaire/mort cellulaire. Ces fentes sont en règle associées à d’autres éléments malformatifs (1, 2).
Les fentes antérieures ou fentes labiales, labio-maxillaires
et labio-maxillo-palatines unies ou bilatérales
- Leur diagnostic anténatal est actuellement le plus souvent fait. L’amélioration des techniques d’échographie (3D) permettra d’étendre encore l’exhaustivité des diagnostics anténatal de ces fentes. La découverte anténatale
d’une fente labio-maxillaire implique une analyse morphologique fine du fœtus,
de son cerveau (ligne médiane), la réalisation éventuelle d’une IRM fœtale cérébrale, une échographie cardiaque fœtale, une bonne analyse de la morphologie
faciale notamment des oreilles, des orbites, de la distance intercanthale, de la
pyramide nasale et enfin la réalisation systématique d’un caryotype. En cas de
normalité de toutes ces investigations, il est conseillé de poursuivre la grossesse,
ce que les parents acceptent le plus souvent en cas de fente unilatérale. Il est
alors utile que le couple voit le chirurgien au cours d’une consultation longue et
difficile (voir chapitre de G. Couly dans ce numéro).
Lorsque le diagnostic anténatal n’a pas été fait, les fentes labio-maxillaires
découvertes à la naissance provoquent toujours un choc. Il s’agit d’un traumatisme d’autant plus intense que les parents attendent toujours avec impatience de
découvrir le visage de leur enfant. Pour minimiser ce traumatisme, l’enfant doit
être placé contre sa mère qui par ce peau-à-peau va pouvoir se construire en tant
que mère et donc apprendre à aimer cet enfant tel qu’il est. L’allaitement maternel
doit être favorisé et une consultation chirurgicale néonatale est proposée afin
qu’un projet réparateur puisse rapidement soutenir les parents.
- Les problèmes fonctionnels : les fentes labio-maxillo-palatines gênent
peu la succion, n’entravent ni la déglutition, ni la ventilation. Le seul obstacle est
celui de la moins bonne dépression intra-buccale autour du mamelon ou de la
tétine. Cet obstacle est compensé par des moyens facilitant la succion (tétine
longue en caoutchouc souple), voire l’utilisation de tétine à plateau afin que l’enfant trouve un appui supérieur soutenant le mouvement de came linguale antéro-
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postérieur préalable à la déglutition. Sur le plan ventilatoire, hormis les remontées nasales lactées auxquelles la muqueuse nasale s’habitue rapidement, il n’y a
pas de risque d’atteinte laryngée. Ceci est vrai lorsque la fente n’est pas associée
à des malformations mettant en jeu en elles-mêmes les fonctions respiratoires.
L’allaitement maternel n’est pas contre-indiqué, au contraire. La qualité de sa
réalisation dépend de celle de la montée de lait. Cet allaitement doit être favorisé
car il est très bénéfique pour la mise en place du lien mère - bébé. Il est néanmoins fréquent qu’il soit difficile et l’entourage maternel doit minimiser le sentiment d’échec si tel est le cas. Lorsque la fente labio-palatine est isolée, le pronostic phonatoire ultérieur est en règle satisfaisant après uranostaphylorraphie. En
effet, les difficultés phonatoires sont essentiellement mécaniques, survenant sur
un voile chirurgical, mais sans anomalies de la commande neuromusculaire
vélaire.
- Les diagnostics et malformations associés : les fentes labio-maxillo +/palatines antérieures touchent un peu moins d’une naissance sur mille. Dans les
formes isolées unilatérales, le risque de récurrence est de l’ordre de 3%, (5% pour
les formes bilatérales). Les formes familiales représentent environ 5% des cas (3).
Les FLM s’associent dans environ 35% des cas à d’autres malformations. Ces
chiffres sont actuellement très modifiés par le diagnostic anténatal. Dans une série
parisienne de 165 fentes antérieures diagnostiquées à la naissance, 65 % étaient
isolées, 19% s’associaient à au moins une autre malformation et un caryotype
standard normal, et 16% s’intégraient à une anomalie du caryotype (4). Ces malformations touchent essentiellement la ligne médiane, agénésie du corps calleux,
insuffisance anté-hypophysaire, anomalie des lobes frontaux, holo-prosencéphalie, anomalie ophtalmologique. Ce spectre des anomalies de la ligne médiane justifie une IRM cérébrale. La gravité des tableaux cliniques est variable, touchant
les fonctions hormonales centrales (anté-hypophyse), la régulation de l’hormone
anti-diurétique (post-hypophyse), et les fonctions supérieures. Les tableaux où
existent des anomalies des lobes frontaux donnent en règle des déficits psychomoteurs majeurs avec comitialité.
Les fentes peuvent s’associer à des anomalies issues de spectres embryologiques différents notamment dans le syndrome CHARGE, le syndrome de
Van der Woude, les syndromes oro-digito-faciaux, ou d’autres anomalies
notamment chromosomiques où la fente n’est qu’un symptôme inclu à un syndrome spécifique identifié ou non. Le syndrome de Van der Woude associe une
fente labio-palatine, une hypodontie des incisives et des micro-fistules de la
lèvre inférieure (3). Sa transmission est dominante, le pronostic intellectuel est
normal. Le syndrome CHARGE est un tableau malformatif complexe associant
à divers degrés de gravité et de fréquence, une cardiopathie congénitale, un
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colobome rétinien, une atrésie choanale, un retard de développement et de croissance, un hypogénitalisme et des anomalies des oreilles (externes, moyennes et
internes). Cette description correspond à l’acronyme CHARGE (Colobome,
Heart, Atresia, Retardation, Genital, Ear). Du point de vue fonctionnel orofacial,
ces enfants ont très souvent une atteinte sévère des paires crâniennes, avec paralysie faciale unilatérale en règle périphérique et atteinte du carrefour aérodigestif grave par atteinte de la coordination des nerfs 9, 10 et 12. Ces enfants ont des
difficultés de langage importantes d’origine à la fois praxique, auditive et cognitive. Ne sont pas représentés dans l’acronyme, deux autres symptômes importants du syndrome CHARGE, l’atteinte vestibulaire et l’atteinte olfactive. Le
syndrome CHARGE est avant tout un grave handicap plurisensoriel (5). Les
FLM peuvent également être d’origine iatrogène (Hydantoin, Dépakine).
Les fentes postérieures
Le diagnostic anténatal
Dans la majorité des cas, il n’est pas fait. La continuité de la lèvre n’est
pas altérée ; le flux Doppler, permettant de visualiser une communication entre le
nez et la bouche en cas de fente antérieure, n’est pas altéré en cas de fente postérieure. Lorsqu’elles s’accompagnent d’éléments symptomatiques de la séquence
de Pierre Robin, le rétrognathisme, voire la verticalisation linguale, sont visualisables entre des mains entraînées. Un excès de liquide amniotique est souvent
noté a posteriori chez les enfants atteints de séquence de Pierre Robin. Du fait de
la non-spécificité de ce symptôme, il est exceptionnel qu’un hydramnios évoque
le diagnostic anténatal de Pierre Robin. Lorsque le diagnostic de Pierre Robin est
suspecté, il impose un examen complet du fœtus, non seulement morphologique
mais fonctionnel. En effet, la séquence de Robin peut être la conséquence d’un
défaut de mobilité foetale qu’il faut rechercher avec attention. La motricité
fœtale, globale, des extrémités, et orale, sera réévaluée à quelques semaines de
distance pour en évaluer la dynamique au cours du temps. Sur le plan morphologique, le fœtus sera examiné attentivement, notamment sur le plan facial (oreille,
orientation des fentes palpébrales) des extrémités, cardiaque et cérébral. La réalisation d’un caryotype avec recherche de microdélétion du chromosome 22. Dans
notre série de 150 cas en dix ans, le diagnostic anténatal avait été suspecté chez 8
enfants dont 2 parce qu’il s’agissait de fratrie (6).
Les problèmes fonctionnels
A l’inverse des fentes antérieures, les fentes palatines postérieures
médianes qu’elles soient vélaires ou vélo-palatines exposent à des troubles de
succion/déglutition/ventilation. En effet, un grand nombre de ces fentes sont
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liées à une hypo-mobilité anténatale qui est soit d’origine neuro-musculaire
périphérique, soit d’origine centrale, c’est-à-dire le fait d’une anomalie de la
réticulée du tronc cérébral ou d’une anomalie des noyaux des nerfs crâniens (2).
Il est donc important d’observer la qualité de la succion et surtout la coordination succion-déglutition-ventilation chez ces nouveau-nés. Les tétines spécifiques, notamment à plateau, ne sont d’aucune aide, au contraire, car elles sont
en règle générale rigides et encombrent la cavité buccale qui a déjà une dynamique insuffisante. Une obstruction ventilatoire glosso-pharyngée-laryngée doit
être recherchée avec précision (SaO2, PCO2, polysomnographie, laryngoscopie). Il est rare que ce type de syndrome soit d’emblée grave. En revanche, les
enfants atteints de séquence de Pierre Robin, initialement non symptomatiques,
sont susceptibles de le devenir au cours des premières semaines.
Le problème de l’attachement est un peu différent pour les enfants
atteints de séquence de Pierre Robin car il n’existe pas de cicatrice faciale rendant l’enfant plastiquement monstrueux. En revanche les difficultés alimentaires
précoces sont très difficilement vécues par les mères qui en conçoivent toujours
un sentiment d’incompétence et de culpabilité.
Les diagnostics et malformations associés
Les fentes vélaires et vélo-palatines sans rétrognathisme ni glossoptose
sont à considérer avec prudence dans la mesure où dans la séquence de Pierre
Robin, il n’existe pas de parallélisme entre l’intensité des anomalies anatomiques
faciales (rétrognathisme, glossoptose) et les troubles fonctionnels. Autrement dit,
la frontière nosologique entre séquence de Pierre Robin modérée et fente postérieure isolée est floue. Ces fentes postérieures sont plus rares que les fentes labiomaxillo-palatines (environ 1 pour 10). Dans le groupe des séquences de Pierre
Robin (triade complète), il existe dans un cas sur deux une anomalie associée.
Dans notre expérience, les 5 diagnostics les plus fréquemment associés à une
séquence de Pierre Robin sont : 1) le syndrome de Stickler dont le diagnostic
repose sur la réalisation de radiographies du squelette et d’un examen ophtalmologique. Il s’agit d’une arthro-ophtalmopathie liée à une anomalie d’un gène du
collagène. Le diagnostic en est parfois difficile, mais le pronostic neurologique
est bon. Les sujets atteints ont, à des degrés variables, une atteinte ophtalmologique, faite d’une myopie constitutionnelle précoce et grave, plus rarement une
cataracte ; une atteinte osseuse qui n’est en règle symptomatique qu’à l’âge
adulte, une hyperlaxité ligamentaire des premiers mois, une morphologie faciale
spécifique. La transmission est autosomique dominante. Il existe d’autres syndromes touchant les gènes du collagène, de transmission différente, parfois
récessive, grevant davantage le pronostic statural. Les radiographies squelet-
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tiques et un avis spécialisé permettent de différencier ces entités qui ont en commun un bon pronostic intellectuel ; 2) les anomalies chromosomiques arrivent
après par ordre de fréquence. Elles sont variées, plus ou moins connues, responsables en majorité de tableaux malformatifs complexes avec retard mental sévère
; 3) les anomalies latéro-faciales notamment des anomalies du premier et
deuxième arc, syndrome de Franceschetti (Treacher-Collins) et le syndrome de
Nager. Ces deux syndromes ont en commun une atteinte faciale, avec hypoplasie
malaire, atteinte de l’angle externe de l’œil, hypoplasie des oreilles externes +/moyenne, hypoplasie mandibulaire majeure. Cette atteinte faciale est d’intensité
variable d’un sujet à l’autre. Dans le syndrome de Nager, elle s’associe à des
anomalies des extrémités (axe radial). La fréquence de la présence d’une fente de
type Robin dans ces syndromes est faible. Ces enfants ont des difficultés de langage à la fois d’origine auditive et d’origine praxique, mais leurs fonctions intellectuelles sont normalement préservées. La transmission est autosomique dominante ; 4) La microdélétion hétérozygote du chromosome 22 (del 22 q11) est en
soi, l’anomalie chromosomique constitutionnelle actuellement considérée
comme la plus fréquente. Les fentes palatines postérieures de type Robin sont
rares dans les microdélétions 22 mais possibles, les fentes labiomaxillaires sont
également possibles. En revanche, une insuffisance vélaire neurologique ou une
fente vélaire sous-muqueuse touchent près de la moitié des enfants et expliquent
la gravité potentielle des troubles phonatoires chez ces enfants. La microdélétion
22 q11 associe de plus, là encore à des degrés variables d’un sujet à l’autre, une
hypoparathyroïdie, une lymphopénie CD8, une cardiopathie conotroncale, une
morphologie faciale et des extrémités particulières, des troubles des fonctions
supérieures et/ou du comportement ; 5) L’alcoolisme fœtal ou d’imprégnation
aux anti-épileptiques (Dépakine) sont également possibles. Il s’agit en règle d’un
tableau de retard de croissance intra-utérin, avec microcéphalie, dysmorphie
faciale, +/- cardiopathie, retard intellectuel avec agitation et troubles de concentration et du caractère. Les autres diagnostics associés sont des syndromes rares,
variés, parfois intégrés à des maladies osseuses constitutionnelles. Dans un tiers
des cas, l’identification étiologique de l’association malformative ne peut pas
encore être précisée (6). Dans la série du registre des malformations de Paris, les
données sont à peu près similaires : sur 128 fentes palatines postérieures, 61 %
étaient isolées, 27 % étaient associées à au moins une autre malformation avec
caryotype normal et 12% s’intégraient à une anomalie du caryotype (4).
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REFERENCES
1. FERGUSON MWJ (1988). Palate development. Development, 103 : 41-60.
2. ABADIE V, MORISSEAU-DURAND MP, BEYLER C, MANACH Y, COULY G. (2002). Brainstem
dysfunction : a possible neuroembryological pathogenesis for isolated Pierre sequence. Eur. J.
Pediatr., 161 : 275-80.
3. SMITH’S. recognizable patterns of human malformation, Ed : Jones, 5th ed, page 236-238.
4. C. de VIGAN, I. LEMAIRE, V. VODOVAR, B. KHOSHNOOD, J. GOUGARD, F. COFFINET.
(2003). Registre des malformations congénitales de Paris. Surveillance épidémiologiques et diagnostic prénatal des malformations : évolution sur 20 ans : 1981-2000. INSERM U149.
5. PAGON RA, GRAHAM JM, ZONANA J, YONG SL. (1981). Coloboma, congenital heart disease and
choanal atresia with multiple anomalies : CHARGE association. J. Pediatr 99/2 : 223-227.
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A, LYONNET S, COULY G, AMIEL J. (2001). Pierre Robin sequence : a serie of 117 consecutive cases. J. Pediatr. 139 : 588-90.
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La prise en charge des fentes
labio-maxillo-palatines de 0 à 20 ans
Docteur Christian Paulus
Résumé
Le traitement des états de fente faciale implique une approche d'équipe et est mieux
accompli et organisé dans un centre spécialisé. À la fin d'une consultation prénatale, la synchronisation et les techniques de la chirurgie primaire sont expliquées. Le patient est alors
suivi annuellement à l’occasion de consultations multidisciplinaires. L'évaluation de la
parole et les soins orthodontiques, la chirurgie plastique, et la réadaptation dentaire peuvent, chacune, être organisées au bon moment.
Mots clés : fentes labio-maxillo-palatines, insuffisance vélaire, chirurgie maxillo-faciale,
pharyngoplastie, traitement orthodontique
The treatment of facial cleft conditions from birth on to the age of 20
Abstract
The treatment of facial cleft conditions involves a team approach and is best accomplished
and organized in a specialized center. After completion of a prenatal consultation, the timing
and techniques of primary surgery are described. The patient is then followed yearly through
multidisciplinary consultations. Speech evaluation and orthodontic therapy, orthognathic and
plastic surgery, and dental rehabilitation can each be organized at the right time.
Key Words : cleft lip, maxilla and palate, velar deficiency, maxillary-facial surgery, pharyngeal plastic surgery, orthodontic treatment.
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Docteur Christian PAULUS
Centre de traitement des malformations faciales
Service de Chirurgie Maxillo-Faciale et
Stomatologie pédiatrique
du Professeur Maurice FREIDEL
Hôpital Debrousse
29 rue soeur Bouvier
69005 LYON
Tel :+ 33 4 72 38 47 31
fax :+ 33 4 72 91 62 67
[email protected]
I
l s’agit d’une malformation congénitale liée à l’absence ou à l’insuffisance
d’union des bourgeons de la face. Les formes importantes sont actuellement
bien détectables lors des échographies obstétricales et les parents sont alors
orientés vers une consultation anté-natale dans le service de Chirurgie MaxilloFaciale.
La pathologie affectant le domaine maxillo-facial, dentaire, O.R.L., la
prise en charge doit être pluri-disciplinaire. Les enfants doivent être vus de
façon régulière par l’ensemble de l’équipe qui est composée du chirurgien
maxillo-facial, du dentiste, de l’O.R.L., de l’orthophoniste, de l’orthodontiste,
éventuellement du psychiatre.
C’est au prix de ce suivi régulier et rigoureux que le résultat fonctionnel
et esthétique sera le plus parfait possible.
♦ Embryologie
C’est à partir de la quatrième semaine de grossesse que les bourgeons de
la face (bourgeon naso-frontal et bourgeon maxillaire) doivent fusionner à partir
de l’emplacement de la future artère palatine antérieure. Cette fusion s’effectue
d’arrière en avant en ce qui concerne le palais primaire et ce de chaque côté du
bourgeon naso-frontal. Une absence de fusion à ce niveau aboutira à une fente
labio-maxillaire plus ou moins complète.
L’insuffisance ou absence de fusion peut être droite ou gauche aboutissant le cas échéant à une fente labio-maxillaire droite et/ou gauche.
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Parallèlement, la fusion médiane entre les deux bourgeons maxillaires
s’effectue d’avant en arrière pour la constitution du palais et du voile du palais.
Cette fusion également peut être interrompue à un stade plus ou moins avancé.
Il en résulte une fente palatine plus ou moins complète.
♦ Formes cliniques
Les fentes situées en avant de l’artère palatine antérieure sont appelées
fente du palais primaire. Il peut s’agir de fente unilatérale ou bilatérale droite et/ou
gauche, qui peuvent être associées à une fente palatine plus ou moins complète.
Le palais primaire peut présenter une fente totale. Dans ce cas, il existe
une fente labiale cutanée musculaire, muqueuse osseuse et alvéolaire, muqueuse
et osseuse palatine antérieure.
Une fente partielle peut n’affecter que la lèvre avec, dans ce cas, une
déformation peu importante de l’aile narinaire et une encoche de l’os alvéolaire.
A l’extrême, il existe une simple irrégularité de la ligne cutanéomuqueuse avec un diastasis du muscle orbiculaire de la lèvre. Celui-ci produit
alors un renflement de chaque côté de la crête philtrale, alors remplacée par une
rainure.
La fente palatine qui peut être ou non associée à une fente labiale uni ou
bilatérale plus ou moins complète, est appelée fente du palais primaire.
Dans le cas d’une fente complète, à partir de l’emplacement de l’artère
palatine antérieure, il n’y a pas de palais osseux, ni muqueux, ni musculaire. Les
muscles du voile du palais servant à la phonation ont une direction aberrante et
doivent être suturés dans la bonne position transversale lors de la fermeture chirurgicale. La fente palatine peut être plus ou moins complète et, à l’extrême,
exister sous la forme d’une fente palatine sous-muqueuse.
Un pont muqueux alors peut se faire, camouflant ainsi l’existence d’une
fente palatine.
Les enfants sont généralement adressés par la médecine scolaire pour des
problèmes phonatoires qui se révèlent être une insuffisance vélaire.
L’examen clinique permet dans 95 % des cas de voir une luette bifide, et
surtout de voir la disposition sagittale des muscles du voile du palais et leur
non-union dans le plan sagittal médian, une zone translucide au centre du palais,
mais surtout, à l’examen clinique, la palpation met en évidence une encoche
osseuse palatine à la place de l’épine nasale postérieure..
Malgré l’aspect apparemment normal, il s’agit d’une indication opératoire.
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♦ La prise en charge
Avant la naissance
Dès le diagnostic anténatal, les parents sont orientés vers le service de chirurgie maxillofaciale infantile. Ils y rencontrent le chirurgien et éventuellement le
pédopsychiatre. Nous rassurons les parents à l’aide de notre banque d’images
riche en photos d’enfants traités à différents âges. Nous ne montrons jamais de
photos préopératoires. Il faut donner une information claire et réaliste et nous
insistons sur le suivi régulier indispensable et ce, jusqu’en fin de croissance.
A la naissance
L’alimentation est en général possible au biberon. Une tétine très souple
sans trop agrandir l’orifice est recommandée. Dans certains cas, la tétine de
Veau (Victor Veau) ayant des ailettes latérales qui permettent de prendre appui
sur les apophyses palatines juxtant la fente palatine est utile. Généralement la
force de succion ne suffit pas pour la prise au sein.
Le reflux alimentaire par le nez est régulier et ne doit pas être confondu
avec une fausse route vraie. S’il s’agit cependant d’un syndrome de Pierre
Robin (microrétrognatisme, glossoptose et fente palatine), la situation peut être
dramatique à la naissance. En effet, la pathologie n’a pas pu être détectée à
l’échographie anténatale et l’enfant présente à la naissance un arrêt respiratoire
avec obstruction laryngée par la glossoptose et une insuffisance de maturité du
tronc cérébral. Il existe une absence de réflexe de respiration, de succion et de
déglutition. La réanimation est extrêmement difficile car la glotte est quasiment
inexposable. Les enfants présentant un syndrome de Pierre Robin sont transférés en réanimation néonatale. Leur séjour se prolonge jusqu’à l’acquisition
d’une respiration et d’une alimentation spontanée.
La plaque palatine
Pour favoriser la prise alimentaire, la croissance du maxillaire et la cinétique de la langue, nous confectionnons une plaque palatine pour tous les
enfants présentant une fente palatine dépassant les bords postérieurs des lames
horizontales palatines. Dès les premiers jours de préférence, nous prenons une
empreinte du palais et nous faisons réaliser une plaque en matériau souple thermoformable qui passe en pont sur la fente palatine. Ainsi la cavité buccale
prend une forme quasiment normale et la langue peut prendre ses appuis normaux. Sa forme suit la croissance de l’enfant. Elle doit être portée 24 H/24 H et
nettoyée après chaque repas. Parfois, il faut avoir recours à la colle pour prothèses dentaires pour lui assurer une tenue adéquate.
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A l’âge de 3 mois
Nous proposons la véloplastie précoce à trois mois en cas de fente labiomaxillo-palatine et devant un syndrome de Pierre Robin.
Il s’agit de la reconstruction du voile du palais à l’aide des deux hémivoiles existants. Nous ne touchons pas à la voûte palatine osseuse afin de ne pas
entraver la croissance transversale de la face. La plastie labiale peut parfois être
réalisée dans la même séance opératoire.
A l’âge de 4 mois
Devant une fente labiale isolée sans fente palatine, la reconstruction
labio-narinaire est réalisée à partir de 4 mois. Dans certains cas, la véloplastie
peut y être associée. Nous faisons, dans le même temps, la septoplastie et la
plastie de l’aile narinaire.
A l’âge de 6 mois
La fermeture définitive des fentes labio-narinaires a lieu à cet âge si elle
n’a pas été faite auparavant. Ce sont en particulier les fentes bilatérales dont les
deux côtés doivent être réparés durant la même séance opératoire et dans une
séance différente que la réparation vélaire.
A 18 mois
Devant une fente palatine, la fermeture totale en un temps est réalisée
entre 12 et 18 mois.
A partir de 3 ans et demie
Un premier bilan orthophonique est demandé et, devant l’existence
d’une insuffisance vélaire, une rééducation orthophonique est prescrite. De
façon systématique, le bilan O.R.L. est fait à la recherche d’une otite séromuqueuse et d’un déficit auditif. Au moindre doute l’O.R.L. aura recours aux
drains transtympaniques. Compte-tenu de la fréquence des otites séromuqueuses, certaines équipes placent des drains transtympaniques de façon systématique.
Devant des difficultés relationnelles et scolaires, une consultation de
pédopsychiatrie et dans certains cas de neuropsychologie s’impose.
Si en dernière année d’école maternelle il persiste une insuffisance
vélaire, il est possible de proposer une pharyngoplastie. En effet, nous avons
pour objectif que les enfants puissent intégrer l’école primaire avec une phonation normale.
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Si une communication bucco-nasale restante est très gênante pour l’alimentation et pour la phonation, celle-ci peut être fermée à titre isolé pendant
cette période. Sinon, elle sera fermée à l’occasion d’une éventuelle pharyngoplastie ou d’une greffe osseuse.
Entre 7 et 12 ans
Devant une fente uni ou bilatérale, nous avons pour objectif une arcade
dentaire maxillaire continue avec si possible toutes les dents. Cette arcade doit
se trouver sur un maxillaire supérieur en bonne position tant sur un plan sagittal
vertical que horizontal et tranversal pour obtenir un résultat esthétique de l’ensemble du visage satisfaisant et ce, de face et de profil.
En fin de traitement, l’occlusion dentaire avec l’arcade dentaire mandibulaire doit être de bonne qualité et stable.
Ainsi, il faut envisager un traitement orthodontique et une greffe osseuse
durant cette première période sans perdre de vue qu’en fin de croissance un
geste chirurgical de chirurgie orthognathique pourra corriger la malposition des
maxillaires.
D’abord, l’orthodontiste élargit l’arcade maxillaire à l’aide d’un appareil
palatin amovible ou fixe. Quand la canine du côté de la fente est suffisamment
développée, un greffon osseux alvéolaire peut être placé entre les fragments
maxillaires. Le prélèvement osseux peut s’effectuer sur l’aile iliaque ou sur l’os
pariétal, il est alors totalement indolore.
Durant l’adolescence
Les patients doivent être vus tous les ans par l’équipe au cours d’une
consultation commune permettant à l’enfant le moins de contraintes scolaires
possibles. Le traitement est essentiellement orthodontique pour aligner l’arcade
et ménager l’espace de l’incisive latérale côté fente qui est souvent malformée
ou absente. Elle sera remplacée au mieux par un implant dentaire placé dans la
greffe osseuse ou par une prothèse amovible ou non. Dans certains cas de
macrodontie, les dents voisines peuvent être mésialisées orthodontiquement et
ainsi la canine remplace l’incisive latérale. Pour plus de perfection, elle aura
besoin d’une retouche de sa couronne afin de ressembler à une incisive latérale.
Dans certains cas de rétromaxillie majeure (supérieure à 10 mm), il est
possible de réaliser une avancée précoce du maxillaire supérieur. Ceci permet en
effet à l’enfant une adolescence bien plus agréable car la mastication est améliorée mais surtout l’effet disgracieux majeur de la rétromaxillie a disparu. Il faut
cependant prévenir que le pic de croissance faisant, surtout chez le garçon, gran-
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dir la mandibule de façon considérable peut être à l’origine d’une récidive de la
rétromaxillie qui sera cependant toujours mineure. La technique consiste en la
réalisation d’une ostéotomie de LEFORT I sans déplacement. L’hospitalisation
courte est suivie par le port d’un masque facial assurant la protraction progressive du maxillaire supérieur.
En fin de croissance
Parfois, l’appareil orthodontique peut alors être ôté jusqu’en fin de croissance. En effet, il est très important de réaliser le traitement chirurgico-orthodontique, s’il doit avoir lieu, avant d’envisager une chirurgie plastique nasolabiale. L’amélioration considérable de la région naso-labiale consécutif à la
correction du « prognathisme » par rétromaxillie a, dans un bon nombre de cas,
permis de surseoir à la révision naso-labiale. En prévoyant une ostéotomie le
plus souvent bimaxillaire en fin de croissance, le traitement orthodontique est
repris et après alignement dentaire maxillaire et mandibulaire tenant compte de
leur position post-opératoire, l’ostéotomie peut alors être programmée. Celle-ci
comporte dans les cas les plus fréquents de séquelles de fentes labio-maxillopalatines, une ostéotomie maxillaire de Lefort I avec un mouvement d’avancée
associé dans certains cas à une ostéotomie sagittale des branches montantes de
recul. Durant cette intervention, la déviation de la cloison nasale peut être partiellement traitée et une éventuelle insuffisance de perméabilité des fosses
nasales peuvent être traitées.
Le traitement orthodontique se termine idéalement dans l’année qui suit
et 6 mois après la chirurgie orthognathique, la révision labio-narinaire peut
avoir lieu. Elle reconstruit les muscles orbiculaires de la lèvre et du nez et vise à
obtenir une symétrie dans les ailes narinaires.
♦ Conclusion
Le traitement des fentes labio-maxillo-palatines est un traitement en
équipe faisant intervenir les différents acteurs au bon moment. La chronologie
du traitement en France est encore discutée et peut varier d’une équipe à l’autre.
Un suivi régulier durant toute la croissance permet d’obtenir une vie normale
pour la grande majorité des enfants.
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Le traitement de l’enfant porteur de fente vélo
palatine : rôle de l’orthophoniste dans l’équipe
pluridisciplinaire
Chantal Talandier, Bernard Pavy, Jacques Huart, Aurélie Majourau
Résumé
A l’hôpital Saint-vincent-de-Paul, nous poursuivons, en équipe pluridisciplinaire, l’objectif de
bons résultats esthétiques et phonétiques pour la bonne intégration familiale et sociale de
tous les enfants porteurs de fente labio palatine.
Mots clés : équipe pluridisciplinaire, résultats esthétiques et phonétiques, intégration familiale et sociale
Treatment of cleft palate conditions in children : the role of the speech
and language therapist as a member of the multidisciplinary team.
Abstract
At Saint Vincent-de-Paul Hospital, the very hospital where Suzanne Borel worked, our present multidisciplinary team tries to work towards the same objectives of excellency in terms
of esthetic and speech results, in order to facilitate family and social integration of cleft lip
and palate patients.
Key Words : multidisciplinary team, esthetic and speech results, social and family integration.
Rééducation Orthophonique - N° 216 - Décembre 2003
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Chantal TALANDIER
Orthophoniste
Attachée de consultation
Bernard PAVY, Jacques HUART,
Aurélie MAJOURAU
Équipe multidisciplinaire de réparation des
fentes labio palatines
Hôpital Saint Vincent-de-Paul
74 à 82, avenue Denfert Rochereau
75674 Paris Cedex 14
A
St Vincent de Paul, poursuivant l’exemple donné par Victor Veau et
Suzanne Borel-Maisonny, le chirurgien plasticien réparateur des fentes a
tenu à organiser la consultation avec une équipe pluridisciplinaire, à
laquelle appartiennent de façon constante, le chirurgien, l’orthophoniste,
l’O.R.L.-audiométriste, l’orthodontiste, et, de façon éventuelle, l’échographiste,
le généticien, le pédopsychiatre.
Lors de toute consultation, la présence du chirurgien, de l’orthophoniste,
de l’O.R.L, et de l’orthodontiste permet d’apporter à l’enfant porteur de fente et
à sa famille les soins appropriés.
L’enfant n’a pas systématiquement rendez-vous avec tous, mais chacun
des intervenants peut demander un avis à tel autre membre de l’équipe.
Cette consultation a lieu au même moment, dans un bureau commun,
avec des échanges permanents entre les différents membres de l’équipe. Seule,
l’orthophoniste, pour des raisons de meilleure écoute de la parole des patients se
trouve dans le bureau voisin mais la porte de communication entre les deux
bureaux s’ouvre fréquemment. Ainsi, chacun des membres de l’équipe peut
demander un avis, envisager un examen complémentaire, discuter de la conduite
à tenir, et prendre une décision bien adaptée.
La personnalité du chirurgien a établi une conception implicite du rôle
prépondérant de chacun à la réussite du traitement, qui efface la pesanteur d’une
hiérarchie, et réalise ainsi une véritable équipe multidisciplinaire.
Lors de la 1ère visite après le diagnostic anténatal de fente, le chirurgien
accueille les parents et leur présente les membres de l’équipe, expliquant le
rôle essentiel de chacun auprès de l’enfant, que ses soins soient préventifs ou
curatifs.
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L’importance du rôle de chacun est respectée et toute modification du
calendrier est approuvée par tous les membres de l’équipe.
Ainsi, le chirurgien est toujours sensible aux justifications orthophoniques d’une fermeture vélaire avant la modulation phonémique, à celles de
l’O.R.L qui souhaite que les muscles aérateurs de la caisse soient fonctionnels, à
celles de l’orthodontiste qui choisit de débuter son traitement.
♦ Le volet chirurgical
Le calendrier thérapeutique
Pour la fente unilatérale.
La lèvre et le nez sont opérés soit en néonatale soit à l’âge de 1 mois.
Le palais est fermé à 6 mois. Lorsque l’enfant est vu plus tard, la lèvre et
le palais sont opérés en un temps.
Pour la fente bilatérale (figure),
la réparation de la lèvre se fait en deux temps :
Premier côté au cours du premier mois
Deuxième côté traité à 3 ou 4 mois en même temps que la division palatine.
Ainsi la blessure narcissique supportée par la famille devant la malformation est écourtée lors de la fermeture précoce de la lèvre.
Bien que le diagnostic anténatal de la fente labio-palatine ait modifié
complètement le comportement des parents qui nous disent parfois : « à la naissance nous avons reconnu notre enfant comme nous l’attendions », nous pouvons encore citer Victor Veau :
« C’est qu’à cette opération de la lèvre, les parents eux-mêmes nous
poussent et nous devons presque toujours modérer leur impatience ; ils ne peuvent supporter la laideur de leur enfant. »
La lèvre réparée est souple, de bonne qualité tissulaire, de bonne hauteur.
L’enroulement narinaire est reconstruit dans le même temps.
La fermeture de palais est toujours effectuée à 6 mois.
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Cette date de la staphylorraphie était différée à 18 mois pour Victor Veau
et Pierre Petit.
L’évolution de notre société a modifié le comportement de la famille. Le
bébé ne vit plus à l’écart, dans une chambre silencieuse, il participe très rapidement à la vie familiale et bénéficie de sollicitations multiples, visuelles et
sonores qui l’incitent à babiller. La réparation du voile à 6 mois le met donc
dans de bonnes conditions d’apprentissage de sa langue maternelle.
Pour quelques enfants qui présentaient de troubles otologiques récurrents,
nous avons dû procéder à une fermeture vélaire plus précoce, à 3 mois.
Nous n’avons pas observé, pour ces enfants, un développement phonétique plus précoce ou de meilleure qualité que pour ceux qui sont opérés à 6
mois, ce qui nous a confortés dans le choix de notre calendrier.
La fermeture du voile, après celle de la lèvre, permet toujours un meilleur
recul du voile, avec un pusch-back, la fonction vélaire peut être mieux assurée.
Le geste chirurgical, la staphylorraphie, reconstruit un voile anatomique, avec
une cicatrice médiane discrète. Ce voile est long, bien mobile et assure sa fonction
spontanément, sans qu’il soit nécessaire de prescrire une rééducation phonétique.
♦ Le volet orthophonique
Le rôle de l’orthophoniste : conseil et prévention
Ce calendrier chirurgical permet à l’enfant de se trouver dans les conditions les plus favorables pour que se mette en place, à partir de 6 mois, sa parole
et son langage.
Le rôle de l’orthophoniste est donc limité à un rôle de conseil et de prévention, d’accompagnement de l’enfant et de sa famille.
L’intégration sociale et familiale de l’enfant porteur de fente faciale est la
priorité absolue de notre équipe. Elle s’appuie sur la restitution précoce d’un
aspect esthétique et l’acquisition d’une phonation de qualité. Ceci définit l’importance du rôle de l’orthophoniste dans la prise en charge de l’enfant de 1 à 5 ans.
Après la réparation chirurgicale de la lèvre et du voile, l’orthophoniste va
surveiller et évaluer la mise en place du système phonétique de l’enfant, et son
évolution langagière. Elle s’assure toujours de la bonne audition de l’enfant,
condition d’une bonne acquisition du langage. L’O.R.L exerce une surveillance
otologique et audiométrique et traite les otites séro muqueuses. (56% des
enfants porteurs de F.V.P ont besoin de drains transtympaniques.)
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Les enfants opérés par Victor Veau et Pierre Petit étaient revus par
Suzanne Borel-Maisonny à 5 ans, les parents ayant reçu, après la staphylorraphie à 18 mois, une feuille de conseils pour développer le souffle de leur enfant.
Les modifications du calendrier chirurgical et l’évolution de l’éducation
des enfants nous ont amenées, dès les années 70, à assurer une consultation des
jeunes enfants, à la fin de la première année, pour accompagner les parents et
exercer une action préventive. Une information continue auprès des parents,
surtout, nous a semblé indispensable, dans une société si sensible aux informations multiples dans le domaine médical.
Cette guidance éducative vise à rassurer les parents dans l’importance de
leur rôle. Tout en établissant une relation de confiance avec eux, elle déculpabilise ceux qui ont été très blessés par la malformation de leur enfant.
Cette consultation orthophonique, semestrielle, jusqu’à 4 ou 5 ans permet
dans la petite enfance de s’assurer de la qualité des sollicitations des personnes
qui élèvent l’enfant.
Après une information sur la fonction du voile du palais et son rôle dans
le système phonétique, l’accent est mis sur le développement normal de la
parole, les parents doivent savoir qu’eux seuls apprendront à parler à leur
enfant, et que, sous prétexte de la malformation, ils ne seront pas spoliés de cet
apprentissage de la langue maternelle à leur enfant, quelle qu’elle soit, par un
technicien du langage.
Il est particulièrement important de rassurer ainsi les parents non francophones, qui sont incités à utiliser, sans restriction, leur langue maternelle.
Puis, au fur et à mesure du développement de l’enfant, on contrôle l’installation du phonétisme, des occlusives puis des fricatives et leur combinatoire
dans la parole. L’apparition de l’occlusive sourde bilabiale a une valeur prédictive d’un bon fonctionnement vélaire.
L’inventaire du premier lexique spontané en manipulant des petits jouets,
puis, l’observation de la construction progressive du langage, tels que nous les
connaissons, permettent de noter l’évolution langagière de l’enfant.
Tandis que sont contrôlées les structures morphosyntaxiques de complexité croissante, les progrès langagiers sont explicités pour les parents, les
confortant dans leur rôle et leur responsabilité « banale » de parents d’un enfant
« ordinaire ». Leur attention est attirée sur le fait que la compréhension précède
toujours l’expression et qu’ils doivent y être sensibles, alors même que l’enfant
ne fait que balbutier. Des exemples de compréhension réelle, hors facilitation
contextuelle, sont proposés.
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L’accès au jeu symbolique, les premières acquisitions cognitivo-conceptuelles sont commentés pour les parents.
Une attention toute particulière est accordée à l’évaluation du timbre,
dans toutes les stratégies de parole.
La notion de retard de langage, attachée à la pathologie des fentes labio-palatines, n’est pas retrouvée dans la cohorte des enfants que nous suivons depuis 1970.
Notre statistique rejoint en effet celle de la population sans fente, c’est-à-dire 15%.
Nous attribuons cette absence de retard de langage à un faisceau
« multifactoriel » :
La qualité du résultat esthétique et fonctionnel de la réparation
chirurgicale ;
Le contrôle de l’audition, et la mise en place éventuelle de drains
transtympaniques ;
La guidance éducative précoce, et la fréquence de la consultation
orthophonique ;
Son rôle affiché d’accompagnement ;
Le refus de recourir à un traitement particulier en rapport avec
la pathologie.
En effet, lors de ces consultations, les parents ne sont pas incités à solliciter la musculature labiale, à pratiquer des exercices spécifiques de souffle,
de mouchage, de motricité oro-faciale. En un mot, aucun autre rôle n’est
demandé aux parents que celui d’être des parents.
Cette attitude non « pathologisante » a sûrement rasséréné les parents
et fait en sorte qu’ils ont acquis la conviction que, la fente étant réparée, sans préjudice esthétique ou fonctionnel, leur enfant est tout à fait
normal, et qu’il ne requiert pas un traitement particulier ou une prise
en charge orthophonique systématique.
Les consultations s’espacent ensuite, à 6 ans, 7 ou 8 ans, au cours desquelles
on s’assure que les apprentissages de l’écrit se mettent correctement en place.
Un contrôle est proposé à la puberté pour s’assurer qu’une croissance harmonieuse du voile et du cavum permet de conserver l’étanchéité attendue lors
de la parole et par là, la persistance d’un timbre correct.
À vingt ans, un bilan sera effectué par chacun des membres de l’équipe.
Qu’en est-il de la rééducation ?
Les indications de rééducation orthophonique sont posées à l’âge requis
pour le traitement des troubles d’articulation, vers 5 ans.
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Le recours à une rééducation très précoce de l’articulation, peut conduire
à une fixation des troubles compensatoires, et nous n’en sommes pas partisans.
Le voile est d’emblée fonctionnel et les phonations marquées par la nasalité
sont rares. Selon le principe de bon sens de Bernard Pavy, « en cas de défaut dans la
technique, une cicatrice fibreuse peut apparaître, et tous les efforts de l’orthophoniste
sont vains. », nous ne prescrivons pas de rééducation au long cours pour un voile
anatomiquement incompétent, et nous posons alors une indication chirurgicale.
Les troubles d’articulation des consonnes.
De tous les troubles lourds décrits par Suzanne Borel, peu subsistent
actuellement.
Seuls se rencontrent quelques défauts atteignant les consonnes antérieures.
L’atteinte des consonnes sifflantes est devenue rare. Si elle est induite par
une brèche, elle justifiera une rééducation de courte durée qui sera interrompue
si le résultat n’est pas obtenu, remettant à plus tard sa rééducation, lors du traitement sur la denture mixte.
La postériorisation des occlusives, K-G pour T-D, souvent, mais pas systématiquement associée à la persistance d’un pertuis au niveau du foramen incisif, par une procédure d’évitement de ce pertuis rétro incisif, se rencontre plus
particulièrement chez les F.B.T, elle sera rééduquée avec attention, son incidence sur le lexique créant des quiproquos désagréables.
Les articulations compensatoires.
Les mécanismes vélo pharyngés de compensation, essentiellement le
coup de glotte, car peu d’autres mécanismes rencontrés antérieurement subsistent, sont devenus rares (1%).
La nasalité.
La qualité de la réparation vélaire a permis de supprimer toute incitation
systématique à faire pratiquer à l’enfant des jeux ou de véritables exercices de
souffle buccal.
Cependant, l’incompétence vélaire pour 5% des cas opérés, est évaluée
dès 2 ans, un programme de jeux de souffle est alors proposé : il sera toujours
confié aux parents et contrôlé trimestriellement.
Nous évaluons à 10% le recours à une chirurgie secondaire, type pharyngoplastie et nous observons qu‘elle est souvent la séquelle d’une brièveté
vélaire congénitale que la staphylorraphie n’a pu entièrement corriger dans le
premier temps chirurgical.
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Lorsque le voile est insuffisant à réaliser une PHI, la pharyngoplastie est
programmée vers l’âge de 5 ans. Un examen objectif de l’incompétence vélaire,
la vélovidéoscopie, pratiquée par l’orthophoniste, est une aide à la décision chirurgicale.
Bien entendu, les enfants qui présentent des fentes palatines syndromiques, catch 22, etc., avec troubles associés, sont traités selon leurs différentes
pathologies.
Lors des rares indications d’adénoïdectomie ou d’amygdalectomie, l’orthophoniste, avec l’O.R.L, fera une évaluation attentive de la phonation en post
opératoire.
Par ailleurs, la cohorte des patients qui présentent une incompétence vélo
pharyngée, I.V.P, nous est adressée par des orthophonistes de ville. Le recours à
notre plateau technique, examen clinique de spécialistes, examen objectif avec la
vidéoscopie vélo pharyngée et l’endoscopie nasale répond à leurs attentes pour les
divisions sous-muqueuses, D.S, les I.V.P anatomiques et les voiles neurologiques.
Les entretiens que l’orthophoniste conduit avec les parents visent aussi à
contrôler les habitudes de vie de l’enfant, sommeil, alimentation… À ce propos,
dans les habitudes alimentaires de l’enfant, on veillera à déceler une prise trop
(Radiographies d’IVP primaires de type malformatif ou neurologique :
prononciation d’un « A ».)
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importante de boissons sucrées et autres friandises, c’est le « syndrome du biberon ». L’orthodontiste, alerté, viendra exposer aux parents du jeune enfant, et à
l’enfant lui-même, dès que c’est possible, la nécessité de réduire sa consommation de sucre et de se familiariser avec une hygiène bucco-dentaire rigoureuse.
Cette consultation de pédodontie de la petite enfance, qui évite tout délabrement
dentaire, est préalable à tout traitement orthodontique, celui-ci ne commencera
que vers l’âge de 8 ans sur la denture mixte.
Le contrôle du positionnement lingual et l’indication de rééducation
seront faits en rapport avec le traitement orthodontique qui comprend deux
phases :
Première phase de ce traitement
Mise en place d’un dispositif d’expansion maxillaire fixe avec quad’hélix
ou disjoncteur. Greffe osseuse, qui donne une stabilité maxillaire permettant les
implants dentaires.
Deuxième phase
Traitement orthodontique multi attaches.
Ainsi, suivons-nous dans le même lieu les préceptes de nos maîtres Victor
Veau et Suzanne Borel-Maisonny, en ayant, comme ils l’avaient prédit, encore
amélioré leurs résultats.
Nos travaux et nos recherches sont présentés lors des Journées de St Vincent de Paul que notre équipe pluridisciplinaire organise depuis huit ans. Nous y
avons le souci de réunir les équipes francophones pour échanger nos points de
vue, et rechercher de façon constante l’amélioration du traitement des
enfants porteurs de F.V.P.
C’est ainsi que :
Le chirurgien plasticien a perfectionné sa technique chirurgicale pour
obtenir une lèvre qui réalise au mieux le canon esthétique et pour reconstruire
un voile long et mobile qui permette une phonation d’emblée normale. Le
nombre limité des interventions et le choix attentif des dates opératoires, pour la
chirurgie secondaire, a permis de supprimer l’absentéisme scolaire, responsable
de retard dans les études que l’on évaluait à un ou deux ans, dans les années
1970, et qui n’existe plus.
L’O.R.L surveille et traite les problèmes otologiques des petits enfants,
responsables d’hypoacousie, pour qu’il n’y ait pas d’entrave à leur acquisition
du langage.
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L’orthodontiste apporte à l’équipe le bénéfice des plus récentes techniques odontologiques. Son suivi et ses conseils incitatifs auprès de confrères de
province permettent à l’enfant d’être traité dans sa région.
N’ayant que peu de rééducations à prescrire, l’orthophoniste limite son
rôle à celui d’une surveillance préventive, mais elle offre à l’équipe des éléments
décisionnels avec les examens clinique et phonétique mais aussi para clinique,
comme la vélo vidéoscopie qui donne des images cinétiques plus informatives
que la radiographie vélo pharyngée à laquelle j’avais recours antérieurement, telle
que me l’avait enseignée Suzanne Borel-Maisonny.
Ainsi, chacun des membres de l’équipe pluridisciplinaire a, dans son
domaine, apporté les derniers progrès de sa technique, ce qui a permis de traiter
la fente en limitant les inconvénients du traitement, tout en conservant une vie
normale à l’enfant.
Mais nos objectifs restent toujours ceux de V. Veau et S.Borel, la qualité
du résultat esthétique et la qualité de la phonation, car nous pensons que l’intégration familiale et sociale de l’enfant se fait par la qualité de ces résultats.
Nous refusons de considérer l’enfant porteur de fente faciale comme
un handicapé et nous tenons à l’élever comme un enfant normal. Cette attitude a
pour effet de minimiser la malformation et d’intégrer, le plus vite possible et le
mieux possible, l’enfant dans son milieu familial puis scolaire.
Notre équipe pluridisciplinaire a toujours le souci de ne pas seulement
traiter une fente, mais de considérer et de suivre l’enfant dans sa globalité,
tout au long de sa croissance. Quand nous voyons la belle assurance des adolescents de vingt ans, nous sommes sûrs d’avoir atteint notre objectif, en équipe et
avec leur famille, en leur donnant les moyens de réussir leur intégration sociale
et professionnelle.
REFERENCES
TALANDIER C., (1991) L’incompétence vélo pharyngée. Glossa.
PAVY B, TALANDIER C. HUART J. MAJOURAU-BOURIEZ A. MITROFANOFF M., (2002) Fentes
labiales et palatines : la prise en charge de l’équipe de Saint Vincent-de-Paul, Annales de Chirurgie Plastique Esthétique 47 pp280-285 Elsévier
PAVY B., VACHER C., VENDROUX J., SMARRITO S. (1998) Techniques chirurgicales-chirurgie plastique reconstructrice et esthétique. Encyclopédie Médico-Chirugicale. 45-580.
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Fente palatine sous-muqueuse
Christian Paulus, Marielle Laurent
Résumé
Le diagnostic de fente palatine sous-muqueuse est souvent évoqué par l’orthophoniste qui a
en rééducation un enfant pour une insuffisance vélopharyngée. Devant une relative inefficacité d’une rééducation bien menée avec persistance de fuite d’air dans le nez lors des
consonnes explosives, une consultation auprès d’un centre de traitement des fentes palatines est alors demandée. Après un diagnostic précis, ajoutant à l’examen clinique et au
bilan orthophonique, la radiologie et l'endoscopie nasale un plan de traitement est alors proposé. Celui-ci comporte une association entre préparation orthophonique, chirurgie vélopharyngienne puis une rééducation orthophonique post-opératoire.
Mots clés : fente palatine sous-muqueuse, insuffisance vélopharyngée, muqueuse vélaire,
rééducation orthophonique
Submucous cleft palate
Abstract
The diagnosis of submucous cleft palate is often suspected by speech therapists who treat
children with velo-pharyngeal incompetence (V.P.I.)
When a well conducted remedial treatment program does not succeed in controlling nasal
air-flow during the production of explosive consonants, the child should be referred to a specialised centre for an assessment. After a comprehensive clinical and paraclinical evaluation, a treatment plan is established including pre and post operative speech therapy and
velopharyngeal surgery.
Key Words : submucous cleft palate, velo-pharyngeal incompetence, velar mucous membrane, speech and language therapy.
Rééducation Orthophonique - N° 216 - Décembre 2003
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Christian PAULUS, MD
Marielle LAURENT
Centre de traitement
des malformations faciales
Service de Chirurgie Maxillo-Faciale
et Stomatologie pédiatrique
Hôpital Debrousse
29 rue Soeur Bouvier
69005 LYON
Tel :+ 33 4 72 38 47 31
fax :+ 33 4 72 91 62 67
[email protected]
S
’il est quasi impossible de faire le diagnostic de fente palatine sousmuqueuse à la naissance , ce diagnostic doit être évoqué plus tard lors
de l’apprentissage de la phonation. La fuite d’air dans le nez est le signe
qui alerte ou l’orthophoniste ou l’oto-rhino-laryngologiste. La famille a alors
remarqué des passages fréquents d’aliments dans les fosses nasales lors de l’alimentation au biberon (appelées « reflux nasal ») ou à l’occasion de vomissements.
♦ Etiologie Embryologie
La fente palatine résulte de l’absence de fusion entre les bourgeons
maxillaires. Celle-ci doit normalement se produire entre la quatrième et la huitième semaine de grossesse, d’avant en arrière à partir du canal palatin antérieur.
En cas de fente palatine, il n’y a pas eu de fusion du tout. Dans la fente palatine sous muqueuse, la fusion a été presque complète. Il persiste toujours une insuffisance de soudure osseuse palatine qui sera palpable. Les muscles du voile n’ont
pas pu s’unir sur la ligne médiane et gardent une direction presque sagittale incompatible avec une bonne fonction vélaire. Sur la ligne médiane, les muqueuses
vélaires antérieures et postérieures sont accolées sans l’interposition ni de l’aponévrose du voile, ni des muscles. De ce fait, cette zone a l’air translucide .
♦ Diagnostic
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments concordants comprenant toujours le même type de chronologie avec une certaine période de tâtonnement diagnostique, un examen clinique, une endoscopie nasale et une radio-
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graphie du voile du palais.
Chronologiquement, l’enfant est le plus souvent adressé chez l’orthophoniste à l’initiative de la maîtresse ou des parents. L'intelligibilité est alors plus
ou moins bonne.
L’orthophoniste note alors des signes évidents d’insuffisance vélopharyngée (IVP). Le bilan phonétique fait état de troubles articulatoires spécifiques
d’IVP, des coups de glotte sont notés sur les explosives, des souffles rauques sur
les constrictives, ou bien dans certains cas l’articulation des phonèmes est
accompagnée d’un souffle ou d’un ronflement nasal mis en évidence sur le
miroir de Glatzel placé sous les narines. Les types de phonations se répartissent
selon la classification de Borel-Maisonny entre type III ou IIm.
Une rééducation orthophonique est alors décidée (cf. infra).
Après 6 mois de rééducation, une amélioration a été remarquée mais les
progrès stagnent nettement.
L’avis d’un centre de traitement des fentes labio-palatines est alors
demandé.
A l’examen clinique, on peut noter les signes suivants :
- luette bifide (90 % des cas)
- zona pellucida avec renflements latéraux sagittaux des muscles vélaires.
En examinant le voile sous un bon éclairage, il existe une zone sagittale
centrale qui semble déprimée « pellucide ». De chaque côté, se trouvent les
voussures obliques en avant et en dedans des muscles vélaires (levator et tensor
velipalatini, palatoglosse et palatopharyngien). Leurs fibres ont une direction
très sagittale et non pas transversale. Cette configuration provoque lors de la
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contraction non pas une
ascension du voile, mais un
raccourcissement.
- encoche osseuse palatine
au lieu de l’épine nasale
postérieure. Le doigt de
l’examinateur suit d’avant
en arrière la ligne médiane
palatine. Il note que le bord
postérieur des lames horizontales des os palatins se
présente sous la forme d’un
V à pointe antérieure au lieu
d’une épine centrale postérieure (épine nasale postérieure). Ce signe existe dans 100% des cas.
La naso-fibroscopie permet de constater une insuffisance d’occlusion
vélopharyngée.
La radiographie du voile du palais est réalisée de profil avec des rayons
mous. Deux prises de vue sont nécessaires : l’une au repos, l’autre en prononçant la voyelle « i ». La longueur du voile peut être appréciée mais surtout sa
mobilité. Lors de la contraction, l’image du voile doit toucher celle de la paroi
pharyngée postérieure.
♦ Conduite à tenir
L’objectif premier du traitement est la correction de l’insuffisance
vélaire. D’abord est entreprise une rééducation orthophonique centrée sur les
exercices de souffle qui seront dans un premier temps à visée purement musculaire. Ils essayent d’obtenir la fermeture du rhinopharynx en excluant le
passage d’air dans le nez (gonfler des ballons de baudruche est un bon exercice). En cas d’impossibilité, la solution est de boucher le nez puis progressivement quand le mécanisme est mieux compris, il est recommandé de continuer l’exercice nez ouvert.
Dans un deuxième temps, on pourra visualiser le souffle buccal lors de l’articulation des explosives ou des constrictives en soufflant sur de petits morceaux de
papier ou de coton (là aussi l’exercice pourra se faire nez bouché puis nez ouvert).
Si au terme d’une rééducation bien conduite, la phonation n’a pas atteint
le type I qui est l’objectif, une indication chirurgicale est posée. Celle-ci
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consiste en une ouverture de la fente palatine à travers la zona pellucida. La
muqueuse vélaire postérieure est alors reconstruite. Les muscles du voile sont
disséqués et transversalisés. Selon les auteurs, l’intervention se termine par une
pharyngoplastie ou par une fermeture simple vélaire antérieure. Personnellement, nous avons opté pour la première solution avec une pharyngoplastie à
pédicule inférieur. La remise en bonne position des muscles du voile (levator et
tensor velipalitini) améliore l'aération de la trompe d'Eustache. Les otites
deviennent alors moins fréquentes.
Il est bien entendu recommandé de ne pas faire d'adénoïdectomie.
La prise en charge commence en général par la rééducation orthophonique compte tenu des conditions tardives de découverte de la fente palatine
sous-muqueuse. L’âge de la chirurgie se situera juste avant l’entrée au cours
préparatoire. Idéalement, après rééducation orthophonique et intervention chirurgicale, la phonation devrait être devenue de type I.
♦ Conclusion
La fente palatine sous-muqueuse est de diagnostic aisé quand elle a été
évoquée. Avec une prise en charge orthophonique énergique associée éventuellement à une intervention chirurgicale, le pronostic devrait être bon.
REFERENCES
1. Bowen D.G. ; Lehman J.A. ; Neiman G.S. 1997: Management of submucous cleft palate. Transactions
8th Congress on cleft palate and related craniofacial anomalies. Singapore 7-12 Sept.
2. Somerlad B. ; Harland K. ; Sell D. ; Birch M. ; Fenn C. 1997: Submucous cleft palate - A review of 40
patients. Transactions 8th Congress on cleft palate and related cranio-facial anomalies. Singapore 7-12 Sept.
3. Ã Velasco M.G. ; Ysunza A.. Hernandez X. ; Marquez C. 1988 : Diagnosis and treatment of submucous
cleft palate : a review of 108 cases. Cleft palate J; 25(2) : 171-3.
4. Õ Huet P. : Evaluation de la fonction vélaire après pharyngoplastie à pédicule inférieur au moyen de
l'aérophonoscope II C. 1993 : Thèse Médecine Nantes.
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Un examen para clinique :
La vidéoscopie vélo pharyngée
Chantal Talandier
Résumé
Un examen para clinique, la vidéoscopie vélo pharyngée, permet à l’orthophoniste d’un service de traitement des fentes palatines de trouver des informations complémentaires à
l’examen clinique et phonétique. Les images du comportement vélaire dans les stratégies
diverses de la parole, permettent d’affiner le diagnostic et les indications thérapeutiques.
Mots clés : vidéoscopie vélo pharyngée, incompétence vélo pharyngée, voile neurologique.
A paraclinical examination :
soft palate evaluation through video imaging techniques
Abstract
Speech therapists can use velovideoscopic approaches to complete the clinical examination
and speech evaluation. Soft palate evaluation by video imaging gives valuable complementary information to the speech therapist and allows him to sharpen his diagnostic and treatment strategies.
Key Words : Video imaging examination, neurological soft palate, Soft palate insufficiency.
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Chantal TALANDIER
Orthophoniste
Hôpital Saint-Vincent-de-Paul
74 à 82, avenue Denfert Rochereau
75674 Paris Cedex 14
C
’est un examen objectif qui complète l’examen clinique et phonétique du
sujet présentant une incompétence vélo pharyngée, I.V.P.
Depuis de longues années et dans le sillage de Suzanne Borel-Maisonny
qui m’en avait donné la curiosité, j’avais recours à la radiographie pour évaluer
l’occlusion vélo pharyngée.
Les plans fixes permettent d’évaluer le comportement vélaire et d’apprécier la lumière pharyngée, mais le fonctionnement du voile n’est alors saisi que
dans les phonèmes d’épreuve : voyelles et fricatives qui ont une durée de leur
tenue.
Mais avec la vidéoscopie vélo pharyngée les informations sont multiples
et très intéressantes.
♦ Caractéristiques
Simplicité de l’examen :
- pas d’absorption de solution de contraste
- légère immobilisation de la tête
- âge : à partir de 4 1/2 ans d’âge mental et parfois 3 1/2 ans
- durée brève de l’examen : moins d’une minute.
- résultat immédiat
Le protocole phonétique :
La répétition de phrases à dominante, occlusive ou fricative, sourde ou
sonore ; mais surtout une séquence de parole plus spontanée, quelques phrases
de poésie ou de chanson qui donnent une image du réel fonctionnement vélaire
quotidien.
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Toxicité réduite :
- irradiation équivalente à celle d’un t.o.g.d.
beaucoup moins irradiante que le radio cinéma abandonné pour cette raison.
Lecture et interprétation :
- immédiate
- partagée par les parents que je fais assister à l’examen.
En effet, s’il y a suspicion de dysfonctionnement vélaire et indication
probable d’un geste chirurgical, il est préférable de montrer et d’expliquer ces
images aux parents.
Quelques explications préliminaires leur permettent d’identifier la
lumière pharyngée. Ils visualisent le dysfonctionnement vélaire et sont convaincus, de facto, de la nécessité d’une intervention chirurgicale de réparation.
En revanche, si je conclus à une incompétence mineure, les parents sont
heureux d’apprendre qu’une rééducation orthophonique ou la pratique d’un instrument à vent sera suffisante pour effacer la nasalité.
♦ Les données de la vidéoscopie
La vidéoscopie vélo pharyngée procure des informations multiples dont
la radiographie ne m’avait donné qu’un faible échantillon.
On est surpris par l’extrême variabilité du système musculaire de ces
voiles pathologiques.
Car la vidéoscopie pendant la parole permet d’apprécier non seulement le
rapport d’occlusion voile/cavum, tel que le donnait la radiographie, mais fournit
des renseignements précieux quant au fonctionnement et au dysfonctionnement
du voile et de la paroi.
Le voile
On peut évaluer :
- l’ascension vélaire ;
- le contact ou l’absence de contact avec la paroi pharyngée ;
- la hauteur de ce contact : surprise de trouver des contacts anormalement
bas de moignons vélaires avec la paroi ;
- l’obliquité fréquente du voile, en déclive inverse de ce que l’on trouve
chez l’enfant sans D.P. alors que nous attendons une horizontalité vélaire ;
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- l’absence de genou vélaire, bien marqué à 90° ;
- la vitesse de contraction ;
- l’absence de contraction limitée à certains phonèmes, ou constante ;
- un comportement dichotomique de la face buccale du voile, qui a pu
paraître atone à l’examen clinique, et de sa face nasale qui se contracte
fortement pour tenter de rejoindre la paroi pharyngée ;
- une fermeture inconstante ;
- un comportement vélaire anarchique, tel celui que nous avons observé
chez un enfant bien opéré par René Malek : le voile ne se contractait
jamais pendant la parole et avait un comportement absolument normal
dans le jeu de hautbois ;
- une atteinte neurologique.
La paroi
Lors de l’examen clinique, on peut observer :
- les contractions de la paroi ;
- l’effacement des gouttières latérales, effet de rideau ;
- parfois le bourrelet de Passavant, toujours trop bas pour être efficace,
fonctionnel.
Avec la vidéoscopie, on observe, chez certains enfants, une contraction
importante de la paroi, à l’alignement du sommet de l’atlas. La paroi se porte
au-devant du voile, et dans certains cas, elle participe à l’occlusion de façon
essentielle.
La vidéoscopie vélo pharyngée permet d’observer également :
- les anomalies de la déglutition quand le voile est insuffisant.
- le coup de glotte : on est frappé par la violence de la base de la langue
qui cogne contre la paroi.
♦ L’indication de vidéoscopie vélo pharyngée est requise :
- pour étayer un diagnostic d’I.V.P. avec un examen objectif ;
- pour donner un diagnostic quand plusieurs thérapeutes se contredisent ;
- pour comprendre le fonctionnement vélaire ;
- pour démontrer aux parents, après une éducation vélaire, son insuffisance ;
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- pour donner au chirurgien des informations sur les anomalies fonctionnelles ;
- pour éviter une rééducation orthophonique inutile.
♦ Les limites de la vidéoscopie vélo pharyngée.
- dans les cas d’asymétrie vélaire, si elle n’a pas été décelée à l’examen
clinique, elle doit être suspectée quand l’image de vidéoscopie est correcte alors que la nasalité est flagrante ;
- quand la pharyngoplastie donne des résultats insuffisants chez un patient
neurologique ;
nous avons recours à l’endoscopie nasale pratiquée par le chirurgien ou
l’O.R.L. et commentée à trois.
La présentation de films de ces enregistrements vidéoscopiques offre une
documentation intéressante aux orthophonistes.
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Les pharyngoplasties dans le traitement
de l’insuffisance vélo-pharyngée
des fentes palatines
C. Gbaguidi, S. Testelin, B. Devauchelle
Résumé
L’insuffisance vélo-pharyngée secondaire à une fente vélo-palatine opérée constitue l’une
des étiologies des troubles de la phonation à type de rhinolalie ouverte. L’aérophonoscope
est la méthode clinique objective permettant une évaluation de l’insuffisance vélo-pharyngée. Hormis la rééducation orthophonique, le traitement fait appel à différentes techniques
chirurgicales de pharyngoplastie.
Deux séries de patients ont été comparées selon deux techniques différentes, sphinctéroplastie dynamique et lambeau pharyngé à pédicule supérieur, ne montrant pas de différence
significative. Ces résultats s’améliorent lorsque la technique chirurgicale a été réalisée suivant l’indication posée grâce aux méthodes d’évaluation de la physiopathologie de l’insuffisance vélo-pharyngée.
Mots clés : pharyngoplastie, lambeau pharyngé à pédicule supérieur-sphinctéroplastie
dynamique, Orticochea, aérophonoscope
Rééducation Orthophonique - N° 216 - Décembre 2003
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The use of pharyngoplastic techniques in the treatment of cleft palate
velopharyngeal insufficiency
Abstract
Children born with a cleft palate sometimes have phonation disorders, such as nasal air
escape and hypernasality. Aerophonoscopy is a clinical device which, within the framework
of a speech evaluation, assesses nasal escape during phonation in an objective manner.
Several types of treatment exist: medical treatment such as speech therapy, and surgical
treatment, generally called pharyngoplastic surgery.
We compared two groups of patients. Each group had been treated with two different surgical pharyngoplastic procedures, the sphincter pharyngoplastic procedure on one hand and a
pharyngoplastic procedure which uses a pharyngeal flap with a superior pedicle on the other
hand. There were no significant differences between the two groups. Speech improvement
could be obtained when the surgical procedure was chosen according to the physiopathology of the velopharyngeal insufficiency
Key Words : pharyngoplasty, pharyngeal flap with a superior pedicle, sphincter pharyngoplasty, orticochea, aerophonoscopy
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C. GBAGUIDI
S. TESTELIN
B. DEVAUCHELLE
Service de Chirurgie Maxillo-Faciale
et Stomatologie
CHU Hôpital Nord
Place Victor Pauchet
80054 Amiens cedex 1
L
es enfants porteurs de fente palatine, plus ou moins associée à une fente
labio-alvéolaire, présentent avec une fréquence non négligeable des
troubles de la phonation, à type de rhinolalie ouverte, malgré une réparation anatomique de leur voile. Ces troubles de la parole sont secondaires à un
mauvais fonctionnement du voile et/ou des parois du pharynx, provoquant une
insuffisance vélo-pharyngée. Il existe de nombreux traitements, médicaux comme
l’orthophonie permettant une rééducation de ce voile, et chirurgicaux, regroupés
sous le terme générique de pharyngoplasties. Nous avons mené une étude, comparant deux techniques chirurgicales de pharyngoplastie secondaire, d’une part une
technique de pharyngoplastie utilisant un lambeau pharyngé postérieur à pédicule
supérieur, et d’autre part, une technique de sphinctéroplastie dynamique.
Cette comparaison a pu être réalisée grâce à l’étude de deux séries de patients,
chacune ayant été prise en charge spécifiquement selon l’une des deux techniques.
Les premiers résultats ont été surprenants, ne montrant pas de différence significative
entre les deux séries, donc pas de supériorité d’une technique par rapport à l’autre. De
nombreuses questions se sont alors posées, quant à l’indication d’une technique par
rapport à l’autre selon les mécanismes intervenant dans l’insuffisance vélo-pharyngée, l’âge de réalisation de la pharyngoplastie, une intervention concomitante sur le
tissu lymphoïde. Nous allons donc tenter de proposer un algorithme de prise en
charge des insuffisances vélo-pharyngées des fentes vélo-palatines.
♦ Matériel et méthode
Méthodes d’évaluation de l’insuffisance vélo-pharyngée
Méthodes d’évaluation fonctionnelle
Ces méthodes évaluent le fonctionnement vélo-pharyngé, comme le passage d’air nasal lors de la phonation, la résonance ou les pressions. La première
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de ces méthodes est l’examen clinique, d’une part grâce à l’oreille de l’examinateur qui pourra, à l’écoute, détecter les signes de l’insuffisance vélo-pharyngée, et d’autre part, par l’examen minutieux de l’anatomie de la cavité orale,
permettant d’analyser le voile au repos et sa mobilité lors de l’émission du phonème [a], ainsi que la mobilité des parois pharyngées latérales et postérieure.
La classification de Madame Borel-Maisonny, classant les phonations de
1 à 3 permet de qualifier de façon clinique la phonation des patients porteurs de
fente palatine.
La deuxième méthode d’évaluation clinique est l’aérophonoscope. Cet
appareil, simple d’utilisation, non invasif, permet d’observer de façon objective
les fuites nasales lors de la phonation. L’examen peut être répété, permettant
ainsi une comparaison des résultats chez un même patient, ou d’un patient à
l’autre. De plus, grâce à la visualisation des fuites nasales sur un écran, la rééducation orthophonique est facilitée par l’effet rétro-actif visuel.
L’aérophonoscope semble être la méthode la plus appropriée pour une
évaluation clinique de l’insuffisance vélo-pharyngée chez les enfants porteurs
de fente palatine.
Méthodes d’évaluation anatomique
Ces méthodes permettent de visualiser directement l’orifice vélo-pharyngé lors de la phonation. La téléradiographie de profil strict doit être réalisée
au repos et lors de la phonation. Au repos, elle permet l’étude de la position du
voile, de sa longueur, de la profondeur du cavum, du volume des amygdales.
Pour la phonation, le phonème [i] est utilisé pour la téléradiographie de profil
car il nécessite une position très reculée du voile permettant de mieux étudier la
valeur fonctionnelle du sphincter vélo-pharyngé en visualisant le contact ou
l’espace résiduel éventuel entre le bord postérieur du voile et la paroi pharyngée
postérieure, ainsi que le point d’occlusion.
Une étude radiographique dynamique peut être utilisée pour une analyse
tridimensionnelle de l’insuffisance vélo-pharyngée. Après instillation d’un produit de contraste dans chaque narine, des vues de profil, frontale et basale sont
réalisées. Cette méthode d’évaluation est surtout utilisée aux Etats-Unis, mais
semble apporter des données complémentaires à la classique téléradiographie de
profil (Witt,1998- Golding-Kushner, 1990).
L’endoscopie, grâce à l’utilisation d’un nasofibroscope souple, permet d’obtenir
une vision globale du sphincter vélo-pharyngé par sa face supérieure, tant au
repos que lors de la phonation. Mais, sa réalisation est difficile chez les enfants
de moins de six ans (LeBlanc, 1996).
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Matériel
Pour cette étude, deux séries distinctes de patients ont été comparées, de
façon rétrospective. Seuls les patients présentant une insuffisance vélo-pharyngée secondaire à une fente vélo-pharyngée ont été étudiés. La même technique
de fermeture primaire du voile avait été utilisée dans chacune des deux séries.
Chaque série a été prise en charge par un même opérateur, selon une même
technique chirurgicale.
Première série
Trente-neuf patients ont été pris en charge entre 1999 et 2000.
Le traitement de l’insuffisance vélo-pharyngée à fait appel pour cette série à une
technique de pharyngoplastie utilisant un lambeau pharyngé à pédicule supérieur (Keunig, 2000 - Shprintzen, 1979 et 1980).
Dans cette technique, un lambeau à pédicule supérieur est levé du mur
postérieur du pharynx. La largeur de ce lambeau correspond à la totalité de la
largeur du mur pharyngé postérieur, et sa longueur est de quatre à cinq centimètres. Ce lambeau est disséqué le long du fascia pré-vertébral, et sa base est
située au-dessus du tubercule antérieur de la première vertèbre cervicale. Le
voile est ensuite incisé sur sa ligne médiane.
Au niveau du plan nasal du voile, de chaque côté de la ligne médiane, un
lambeau muqueux est levé pour créer un lit dans lequel le lambeau pharyngé est
suturé. La zone donneuse de ce lambeau pharyngé est suturée par rapprochement des berges. Le lambeau pharyngé est suturé au plan nasal du voile et le
voile est ensuite fermé sur la ligne médiane. En fin d’intervention, l’orifice
vélo-pharyngé est remplacé par 2 orifices latéraux de part et d’autre du lambeau, dont la fermeture pendant la parole est permise par le déplacement médial
des parois pharyngées latérales. La moyenne d’âge de réalisation de cette pharyngoplastie, pour cette série, était de 7,3 ans.
Parmi les trente-neuf patients, douze ont bénéficié d’une amygdalectomie. Deux de ces douze patients ont été opérés deux mois avant la pharyngoplastie, un pendant le même temps opératoire. Les autres patients avaient été
pris en charge dans un délai de trois à six mois avant la pharyngoplastie.
Deuxième série
Dans cette série, vingt-huit patients ont été pris en charge entre 1991 et
1999. Ces patients ont été opérés selon la technique de sphinctéroplastie
dynamique, dérivant de la technique d’Orticochea (Orticochea, 1968 et
1983).
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Dans cette technique, les piliers postérieurs du voile du palais contenant
les muscles palatopharyngiens sont désinsérés de la paroi pharyngée postérieure
puis transposés sur la ligne médiane afin d’être suturés bout-à-bout, au niveau
d’un petit lambeau musculo-muqueux de paroi pharyngée postérieure, situé en
regard de l’arc antérieur de la première vertèbre cervicale (Robert, 1983 - Riski,
1984 - Moss, 1987). Le but de cette intervention est de créer un nouveau sphincter grâce à la contraction des piliers postérieurs du voile. Le diamètre de l’orifice vélo-pharyngée est ainsi diminué, et ce nouvel orifice peut-être fermé de
façon active.
La moyenne d’âge pour cette série était de 9,9 ans.
Huit patients parmi les vingt-huit ont bénéficié d’une amygdalectomie,
dont six dans le même temps opératoire que la pharyngoplastie. Pour les deux
autres patients, le délai par rapport à la pharyngoplastie était d’au moins six
mois.
♦ Résultats
Phonation
Dans la première série, la pharyngoplastie a permis une amélioration globale de la phonation avec une intelligibilité du discours dans 84,6%, avec six
patients passant d’une phonation 2M à une phonation 1, quatorze patients passant d’une phonation 2B à une phonation 1, et trois patients passant d’une phonation 2M à une phonation 2B. Trois patients présentant une phonation de type
3 ont retrouvé une phonation normale de type 1 ou 1-2, et cinq patients sont
passés d’une phonation de type 3 à une phonation de type 2B. Les déperditions
nasales sont constantes et la parole est inintelligible dans 5,1% des cas, correspondant à deux patients dont l’un avait une phonation de type 3 en pré-opératoire, et l’autre une phonation de type 2M. Les mécanismes compensatoires persistent dans 10,3% des cas. Ces patients présentaient déjà une phonation de type
3 en pré-opératoire. Aucune modification de la phonation n’a été apportée par la
pharyngoplastie dans quatre cas, soit 10,2%.
Dans la deuxième série, l’amélioration globale de la phonation est de
82,1%, avec cinq patients passant d’une phonation de type 2M à une phonation
de type 1, neuf patients passant d’une phonation de type 2B à une phonation de
type 1, et huit patients passant d’une phonation de type 2M à une phonation de
type 2B.
Aucun des patients ayant une phonation de type 3 n’est passé à une phonation de type 1 ou 2B.
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Le discours reste inintelligible avec des déperditions nasales constantes
dans 14,3% des cas. Parmi ces cas, deux patients n’ont eu aucune amélioration,
restant en phonation de type 2M. Un patient est passé d’une phonation de type 3
à une phonation de type 2B.
Par contre, un patient présentant une phonation intelligible 2B s’est
aggravé en passant à une phonation de type 3.
Les mécanismes compensatoires persistent dans 3,5% des cas, correspondant à un patient présentant déjà une phonation de type 3 en pré-opératoire.
Aucune modification n’a été apportée par la pharyngoplastie dans quatre
cas, soit 14,3%.
Rôle de la rééducation orthophonique
Une amélioration immédiate de la phonation après pharyngoplastie permettant la disparition complète des fuites vélaires est retrouvée dans 12,8% des
cas dans la première série.
Les trente-deux patients restants ont nécessité une rééducation orthophonique post-opératoire.
Cette rééducation a permis à treize patients présentant une phonation 2B
en post-opératoire immédiat de passer à une phonation de type 1.
Dans la deuxième série, la pharyngoplastie a permis une disparition totale
des fuites vélaires dans 21,4% des cas. Une rééducation orthophonique à été
nécessaire chez vingt-deux patients. Pour six patients, cette rééducation a permis
le passage d’une phonation 2B post-opératoire immédiate à une phonation 1.
Pharyngoplastie secondaire
Dans la première série, trois patients ont bénéficié d’une seconde pharyngoplastie, avec pour conséquence une amélioration de leur phonation (deux
patients sont passés d’une phonation de type 2B à une phonation de type 1, et
un patient est passé d’une phonation de type 3 à une phonation de type 2B).
Trois patients de la deuxième série ont également été pris en charge pour
une seconde pharyngoplastie, passant d’une phonation de type 2B à une phonation de type 1.
♦ Discussion
La comparaison des résultats des deux séries ne montre pas de différence
significative quant à l’amélioration de la phonation. L’analyse de la littérature
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retrouve une amélioration de la phonation comparable aux chiffres retrouvés
dans nos deux séries, que se soit pour la technique de pharyngoplastie utilisant
un lambeau pharyngé à pédicule supérieur comme pour l’équipe de Shprintzen
(Argamaso, 1980) ou celle d’Epker (Epker, 1990), ou pour la technique de
sphinctéroplastie dynamique, comme pour les équipes de James (James, 1996),
Witt (Witt, 1994) ou Moss (Moss,1987).
Seul Orticochea rapporte une amélioration de la phonation dans 95% des cas
avec disparition de fuite vélaire après sphinctéroplastie dynamique (Orticochea,
1983). L’explication de cette augmentation significative du taux de bons résultats
correspondrait d’une part au niveau d’insertion des piliers postérieurs du voile à un
niveau plus bas, en dessous du niveau attendu du contact vélo-pharyngé, et d’autre
part, à l’âge de réalisation de la pharyngoplastie. En effet, cet auteur pratique cette
intervention de façon systématique à l’âge de deux ans et demi, chez tous les
enfants porteurs de fente vélo-palatine. Pour nous, l’âge de réalisation de la pharyngoplastie n’est pas un facteur déterminant. Le fait important est la nécessité pour
les enfants de débuter leur scolarité dans de bonnes conditions.
De plus, tous ces résultats sont généralement obtenus après évaluation clinique par un médecin spécialiste de la phonation, ou un orthophoniste, selon des
critères différents, comme la résonance, les fuites nasales ou l’intelligibilité de
la parole. La comparaison de ces résultats est donc difficile, la majorité des
auteurs présentant pour leur série des résultats globaux.
Comme l’indique Moss (Moss, 1987), il n’existe pas dans la littérature de
méthode universelle d’évaluation de la phonation. L’aérophonoscope semble
être l’examen le mieux adapté pour l’évaluation clinique de la phonation. Grâce
à sa simplicité d’utilisation et son caractère non invasif, cet examen peut être
répété à la demande. Cet appareil permet l’étude de la compétence vélaire grâce
à la visualisation des fuites nasales lors de la prononciation de différents phonèmes, et est donc plus précis que l’oreille de l’examinateur.
Par ailleurs, un défaut de perméabilité nasale peut être détecté avant
l’analyse des fuites nasales lors de la phonation grâce à l’étude de la ventilation
nasale droite et gauche par ce même appareil. Les résultats faussés par une obstruction nasale pouvant masquer les fuites vélaires lors de la phonation sont
donc éliminés.
La reproductibilité de cet examen permet une analyse et une comparaison
objective de la phonation, chez le même patient ou sur une série de patients différents, avant et après intervention. L’autre avantage de cet appareil est son aide
à la rééducation orthophonique, permettant au patient de se rééduquer grâce à
un effet visuel rétroactif.
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Lorsqu’une insuffisance vélo-pharyngée a été détectée lors de la consultation de suivi d’un enfant porteur d’une fente palatine, et que l’indication opératoire d’une pharyngoplastie a été posée, nous proposons la réalisation d’un bilan
par aérophonoscope dans le mois précédant l’intervention, puis à un mois, six
mois et un an post-opératoire. L’étude du bilan aérophonoscopique un mois
après l’intervention permet d’une part d’en évaluer le résultat précoce, et d’autre
part, de décider de la reprise de la rééducation orthophonique. L’efficacité de
cette rééducation est estimée lors des examens aérophonoscopiques suivants.
Cet appareil semble idéal quant à l’évaluation des résultats sur la phonation tout en permettant leur comparaison, mais ne donne pas d’indication sur le
mécanisme de l’insuffisance vélo-pharyngée, ne permettant donc pas d’effectuer
le choix d’une technique par rapport à une autre. Chez les patients opérés d’une
fente vélo-palatine, l’insuffisance vélo-pharyngée est rapportée en général à un
défaut de fonctionnement soit du voile, soit des parois pharyngées latérales, soit
à une association des deux. Une seule technique chirurgicale semble insuffisante
pour tous les patients présentant différents types d’anomalies de fermeture du
sphincter vélo-pharyngé.
Une pharyngoplastie utilisant un lambeau pharyngé réalisée chez des
patients présentant de faibles mouvements des parois pharyngées latérales est en
général vouée à l’échec. En effet, dans ce cas, les parois pharyngées latérales
peuvent difficilement venir au contact du lambeau pharyngé reliant le mur pharyngé postérieur et le voile. Cette constatation peut également s’appliquer aux
techniques de sphinctéroplastie dynamique.
Selon Riski (Riski, 1984), les individus avec des mouvements latéraux
faibles ou absents semblent être les meilleurs candidats à une technique de
sphinctéroplastie dynamique.
L’indication d’une technique de pharyngoplastie doit donc être posée
selon le mode de fonctionnement du sphincter vélo-pharyngé examiné en préopératoire (Peat, 1994).
Il semble logique de proposer une sphinctéroplastie dynamique en cas de
mouvements vélaires efficaces. Dans les cas pour lesquels les mouvements pharyngés de bonne qualité sont prédominants, une pharyngoplastie utilisant un
lambeau pharyngé à pédicule supérieur doit être effectuée. Le choix d’une technique est plus difficile dans les cas intermédiaires, pour lesquels les mouvements vélaires sont faibles et les mouvements pharyngés latéraux faibles ou
absents. Ces cas correspondent généralement à des formes sévères d’insuffisance vélo-pharyngée.
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L’analyse de nos deux séries de patients montre qu’une disparition des
fuites nasales dans les formes sévères, cotées 2M ou 3 chez les patients ayant
bénéficié d’une pharyngoplastie avec lambeau pharyngé postérieur, représente
23.1% des cas, alors que ce taux est de 17.5% pour les patients ayant bénéficié
d’une sphinctéroplastie dynamique. Là encore, il n’existe pas de différence
significative entre les résultats obtenus (p=0.801). Dans les formes graves, une
pharyngoplastie utilisant un lambeau pharyngé à pédicule supérieur, en y associant un push-back du voile pourrait être proposée, comme pour l’équipe de
Peat (Peat, 1994) ou celle de Albery (Albery, 1982).
Il est difficile de tirer des conclusions des résultats obtenus sur les deux
séries étudiées en ce qui concerne la place d’une intervention sur le tissu lymphoïde sur la phonation. Il semble tout de même qu’une amygdalectomie et/ou
une adénoïdectomie dans le même temps opératoire que la pharyngoplastie ait
un rôle néfaste quant aux résultats sur la phonation. La majorité des auteurs
comme Riski (Riski, 1984), Moss (Moss, 1987), Stoll (Stoll, 2000), ou Orticochea (Orticochea,1983) pensent que l’amygdalectomie et l’adénoïdectomie ne
doivent pas être réalisées dans le même temps opératoire que la pharyngoplastie. Il semble donc qu’une amygdalectomie et/ou une adénoïdectomie ne doivent pas être réalisées dans le même temps opératoire que la pharyngoplastie
quelle que soit la technique chirurgicale employée. Le délai minimum entre ces
deux interventions est de trois mois (Witt, 1995). De plus, ces interventions doivent être réalisées en laissant le moins de faces cruentées possible afin d’éviter
les cicatrices rétractiles.
Les résultats jugés non satisfaisants par le patient et la famille, ou par
l’équipe médicale nécessitent parfois une reprise chirurgicale de la pharyngoplastie. Le taux de réussite des pharyngoplasties secondaires quant à l’intelligibilité de la phonation est supérieur à 90% pour la majorité des auteurs, mais
avec un pourcentage aussi élevé de patients présentant une rhinolalie fermée. Il
semble évident que les patients présentant une rhinolalie ouverte après une première pharyngoplastie doivent bénéficier d’une seconde intervention. La question qui reste posée est la technique chirurgicale à employer. Pour les cas dans
lesquels l’indication avait été posée après évaluation précise de l’insuffisance
vélo-pharyngée, il semble logique d’utiliser la même technique chirurgicale
pour la seconde pharyngoplastie (Witt, 1998 - Friedman, 1992 - Barone, 1994).
Par contre, lorsqu’une seule et même technique a été appliquée à tous les
patients, comme pour les deux séries étudiées ici, le choix est plus difficile.
Une ré-évaluation clinique et para-clinique reste indispensable afin
d’adapter la technique aux mécanismes d’insuffisance vélo-pharyngée, soit en
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gardant la même technique, soit en réalisant une technique différente si les
conditions locales le permettent.
Au terme de cette analyse, une conclusion s’impose : l’amélioration des
résultats sur la phonation résulte de la technique chirurgicale employée selon
l’indication posée. Nous avons donc tenté de proposer un algorithme de prise en
charge des insuffisances vélo-pharyngées dans les séquelles de fentes palatines.
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♦ Conclusion
Aucune technique chirurgicale de pharyngoplastie dans le traitement de
l’insuffisance vélo-pharyngée n’a montré sa supériorité quant aux résultats sur
la phonation. Telle est la conclusion de ce travail qui s’est efforcé d’éliminer les
biais fréquemment rencontrés dans les études statistiques, grâce à l’homogénéité
des séries, la prise en charge par un opérateur unique pour chaque population de
patients, une même technique chirurgicale employée dans chaque série.
On peut donc penser que par l’adaptation de la technique à la physiopathologie de l’insuffisance vélo-pharyngée, les résultats sur la phonation s’améliorent. Pour nous, l’indication de l’une ou l’autre des techniques est décidée en
fonction d’un arbre décisionnel ainsi résumé :
- la pharyngoplastie utilisant un lambeau pharyngé à pédicule supérieur
est indiquée soit seule en cas de motricité pharyngée latérale efficace et
de mouvements vélaires faibles ou absents, soit associée à un push-back
du voile en cas de mouvements inefficaces du voile mais aussi des
parois pharyngées latérales.
- la sphinctéroplastie dynamique s’impose en cas de supériorité des mouvements vélaires par rapport à ceux des parois pharyngées latérales.
La rééducation orthophonique post-opératoire reste indispensable afin
d’améliorer les résultats obtenus par la chirurgie.
Une interrogation persiste malgré les conclusions apportées par cette
étude : pourquoi certaines pharyngoplasties, réalisées suivant une indication
précise, posée après évaluation de la physiopathologie de l’insuffisance vélopharyngée et selon une technique chirurgicale rigoureuse, ont un mauvais résultat sur la phonation ?
Nous avons réalisé, dans le cadre d’un travail de recherche, une étude
anatomique sur les muscles palatopharyngiens contenus dans les piliers postérieurs du voile du palais et utilisés dans la technique de sphinctéroplastie dynamique. La localisation de l’innervation motrice de ce muscle se situerait au
niveau de sa face latérale, au niveau de son tiers moyen. La majorité des auteurs
sectionnerait cette innervation lors de la dissection des piliers postérieurs jusqu’à leur pôle supérieur. Cette donnée pourrait être prise en compte dans le taux
d’échec de certaines sphinctéroplasties dynamiques.
Les autres causes restent à définir par des études complémentaires.
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Evaluation clinique après sphincteroplastie
Stéphane Comiti, Béatrice Morand, Chrystele Deschaux, Bernard Raphaël
Résumé
A travers une série de 87 cas, les auteurs évaluent les résultats de la sphincteroplastie
comme traitement de l’incompétence vélo pharyngée. Les résultats montrent une amélioration de la phonation chez 92% des sujets avec disparition des fuites nasales dans 46% des
cas. 77% des patients sont classés en « bons résultats » après un an. Ces résultats sont
stables dans le temps. Différents facteurs interviennent dans ces résultats : la mobilité et la
taille du sphincter, la rééducation orthophonique post-opératoire, l’âge de la staphylorraphie.
La poursuite d’une rééducation au delà d’un an post-opératoire est jugée discutable.
Mots clés : types de mémoire, processus mnésiques, supports neuroanatomiques et neurochimiques.
Clinical evaluation following sphincter pharyngoplasty
Abstract
The authors analysed results obtained post-sphincter pharyngoplasty in the treatment of soft
palate insufficiency, in a series of 87 cases. They found an improvement in phonation in
92% of the cases, with an interruption of nasal escape in 46% of the cases. 77% of the
patients were categorised as showing « good results » after one year of follow up. These
results remained stable over time. Various factors seemed to contribute to the results : the
motility and size of the sphincter, post-operative speech therapy, the age of staphylorraphy.
Whether speech therapy should be continued beyond one year after surgery is questionable.
Key Words : velo-pharyngeal insufficiency, sphincter pharyngoplasty, speech and language
therapy.
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Stéphane COMITI *
Béatrice MORAND *
Chrystele DESCHAUX **
Bernard RAPHAEL *
* Service de Chirurgie Plastique et Maxillo-Faciale
Unité de Stomatologie
Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble,
B.P. 217, 38000 Grenoble Cedex 09
** Laboratoire du sommeil
Département de Médecine Aigue Spécialisée
Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble.
B.P. 217, 38000 Grenoble Cedex 09
L
e sphincter vélo-pharyngé est une structure dynamique complexe responsable de l’occlusion de l’isthme naso-pharyngé, par mise en contact du
voile, du mur pharyngé postérieur et des parois latérales du pharynx
(figure 1) (2, 4, 5, 6).
M.élévateur du voile du palais
M.constricteur
supérieur
du pharynx
M.palato
-pharyngien
Le muscle en X
Figure 1 : le sphincter vélo-pharyngé.
D’après Chancholle
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L’incompétence de ce sphincter définit l’insuffisance vélo pharyngée.
L’étiologie la plus fréquente est représentée par la fente palatine et ses
séquelles.
Ses conséquences sont dominées par la déperdition aérienne vers les
fosses nasales, et justifient souvent le recours à un traitement chirurgical adapté
(1, 3).
Différentes techniques ont été proposées à travers les décennies pour restaurer la compétence vélo-pharyngée et limiter les fuites nasales.
Orticochea a développé en 1968, une technique visant à reconstituer un
sphincter vélo-pharyngé dynamique, par transposition des muscles palato-pharyngiens (figure 2) (12, 14).
Figure 2 : la sphinctéroplastie selon Orticochea modifié
Dessin de Lebeau.
Cette approche chirurgicale est proche des conditions physiologiques, et
a été confortée par les travaux anatomiques de Chancholle. C’est devenu avec
le temps et les adaptations techniques, un traitement de référence de l’insuffisance vélo-pharyngée, en particulier dans le cadre des séquelles de fentes palatines (7, 8, 10, 11, 13, 17, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 27).
La technique de sphincteroplastie selon Orticochea, est pratiquée dans le
service de chirurgie Maxillo-Faciale de Grenoble, depuis bientôt trente ans.
Dans notre équipe, le diagnostic, l’indication, la surveillance et l’évaluation des résultats sont basés sur une appréciation clinique codifiée rigoureuse,
faisant intervenir l’opérateur et un orthophoniste spécialisé.
A travers une étude de 87 cas, nous évaluons les résultats de la technique, et nous cherchons à définir les différents facteurs susceptibles d’interve-
83
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nir.
♦ Matériel et méthode
Matériel
Lors du recueil rétrospectif des données, nous avons conservé 87
patients qui avaient bénéficié d’un double suivi complètement informé, par
l’opérateur et les orthophonistes attachés dans le service. Ce suivi complet
comprenait un double examen clinique et orthophonique en préopératoire et
en post-opératoire à 2/3 mois, 6 mois et 1 an post-opératoire. 51 de ces
patients ont été revus à 2 ans. L’âge moyen de la sphincteroplastie est de 11
ans avec un écart-type de plus ou moins 9, les extrêmes sont respectivement
5 ans pour le minimum et 51 ans pour le maximum. La majorité des patients
étant opérée autour de six ans, âge de l’apprentissage de la lecture et début de
la socialisation.
Tous les patients ont fait l’objet d’une prise en charge orthophonique préopératoire. Dans un tiers des cas on notait une amélioration de la phonation et
des fuites nasales lors de cette rééducation, sans arriver à un résultat satisfaisant.
La rééducation post-opératoire, débutée à 3 mois, était suivie par 83,9% des
patients. Elle était peu ou pas suivie dans 16,1% des cas.
Le sphincter était noté large dans 16,1% des cas, il était dynamique pour
96,5% des sujets.
Méthode
Examen orthophonique :
L’évaluation de la phonation se fait selon la classification de Borel-Maisonny modifiée. Dans le service, une phonation parfaite type 1, selon l’appréciation auditive de l’examinateur, mais accompagnée de quelques fuites nasales
transitoires minimes (quelques traces de buée au miroir), n’est pas cotée 1/2b,
mais demeure 1. Le 1/2b concerne une phonation 1 altérée de façon discrète et
inconstante selon les phonèmes, par des fuites nasales légères et transitoires
mais audibles. En cas de fuites nasales permanentes on revient à la classification
usuelle.
L’évaluation des résultats est basée sur l’évolution de la phonation et des
fuites nasales en post-opératoire immédiat, à 6 mois puis 1 an (87 patients), à 2
ans (51 patients) :
• Afin de comparer nos résultats à ceux de la littérature, ces derniers ont
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été classés en bons, moyens et mauvais résultats :
- les bons résultats réunissaient les phonations 1 et 1/2b,
- les résultats moyens étaient représentés par les phonations 2b,
- les mauvais résultats désignaient les phonations 2b/m et plus.
Figure 3
• L’évolution des fuites nasales a fait l’objet d’une évaluation distincte,
selon un gradient de sévérité décroissant (figure 3)
Technique chirurgicale :
La technique utilisée a été la même pour tous les patients et est présentée dans
la figure 2.
♦ Résultats
Phonation
• Evolution globale de la phonation sur 1 an
Elle est appréciée sur la figure 4.
La population étudiée a présenté une amélioration globale de la phonation dès 3
mois post-opératoire. Cette amélioration s’est accentuée avec le temps. Après 1
Figure 4
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• Détail de l’amélioration de la phonation à 1 an
Il n’a pas été noté d’aggravation de la phonation.
Dans 92% de cas la phonation a été améliorée.
77% des sujets ont été classés en bons résultats, 16,1% en résultats moyens, et
6,9% étaient considérés mauvais.
• Evolution globale des patients suivis sur 2 ans
La comparaison des niveaux de phonation à 1 an post-opératoire, des patients
suivis sur 1 an et de ceux suivis sur 2 ans, est appréciée sur la figure 5. Les
niveaux de phonation exprimés en pourcentages, des suivis à 1 an (n=87) et à
2 ans (n=51), étaient quasiment superposables. Cette similitude a été retrouvée à 3 mois et à 6 mois post-opératoires. Les 51 patients suivis sur 2 ans suivaient donc une évolution tout à fait comparable à celle des 87 sujets suivis
sur 1 an.
Figure 5
• Evolution de la phonation à 2 ans post-opératoires
Elle est appréciée sur la figure 6.
Entre 1 et 2 ans post-opératoires, les courbes étaient tout à fait comparables :
les résultats étaient stables, avec une très discrète amélioration.
A 2 ans, le taux d’amélioration était de 99%, mais le niveau de bons résultats
était peu augmenté (78,4%), les résultats moyens stagnaient (15,7%) et on relevait une légère réduction des mauvais résultats (5,9%).
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Figure 6
Déperdition nasale
• Evolution globale des déperditions nasales sur 1 an
Elle est appréciée sur la figure 7.
On a noté une diminution constante des fuites nasales en post-opératoire : avec
disparition dans 46% des cas.
▲
Figure 7
87
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• Détail de l’évolution des déperditions nasales à 1 an
Elle est appréciée sur la figure 8.
En préopératoire, les fuites nasales en phonation portaient sur l’ensemble des
voyelles dans 94% des cas. Elles étaient retrouvées au souffler chez 60% des
sujets. A 1 an post-opératoire, les fuites nasales au souffler étaient réduites à 10,3%
des cas. La déperdition nasale en phonation est devenue sélective : 50% des fuites
nasales sur les phonèmes à 1 an survenaient à l’émission des voyelles fermées ([i]
et [u]). Le niveau global d’amélioration de la déperdition nasale (diminution de
l’intensité et/ou sélectivité de la survenue des fuites) a été de l’ordre de 93%.
▲
◆◆
Figure 8
Variables susceptibles d’intervenir dans l’amélioration de la phonation et/ou
de la déperdition nasale
Les résultats étaient significativement moins bons en cas de sphincter large peu
mobile. Ils étaient meilleurs, à 1 an post-opératoire, chez les sujets ayant correctement suivi une rééducation orthophonique.
L’âge de la staphylorraphie intervenait également de façon significative : dans le
groupe des patients améliorés, la moyenne d’âge au moment de la staphylorraphie était de 18 mois contre 25 mois pour les patients peu ou pas améliorés.
Complications
Le taux de complications générales est faible : de l’ordre de 4,6%. Il n’a pas été
relevé de déhiscence des lambeaux. Aucune apparition de syndrome d’apnéeshypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) n’a été observée (23).
Le taux de reprise chirurgical est faible (1,1%).
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♦ Discussion
L’intérêt et les modalités de la rééducation orthophonique sont discutés dans la
littérature (14, 16, 17, 26).
La rééducation avant sphincteroplastie est supposée améliorer les mouvements
du sphincter vélo-pharyngé.
Dans notre équipe, la reprise de la rééducation est autorisée deux mois après
l’intervention, à distance de la phase de cicatrisation.
Chez les sujets qui ont correctement suivi une rééducation orthophonique postopératoire, les résultats ont été significativement meilleurs à 1 an, avec 93,1 %
d’amélioration de la phonation et 75,3% de réduction de la déperdition nasale.
Parmi les patients ayant peu ou pas suivi de rééducation post-opératoire, 72%
avaient une phonation initiale mauvaise. On peut l’expliquer par le fait que les
patients présentant une altération majeure de la phonation, bénéficient d’une
rééducation préopératoire intensive, de durée souvent prolongée, avant la réalisation du geste de sphincteroplastie. Un certain nombre arrivent à « saturation »,
voient dans la sphincteroplastie la fin de leurs efforts, et se satisfont de l’amélioration obtenue.
Les avis divergent sur l’indication de la rééducation post-opératoire, le moment
de début, et celui de l’arrêt (14, 22). L’objectif de la rééducation orthophonique
post-sphincteroplastie est d’entretenir et de développer la dynamique sphinctérienne.
Les résultats phonatoires obtenus à 1 an, après régression de la phase oedémateuse et cicatrisation complète, sont stables et peu modifiés par la poursuite de
la rééducation orthophonique. On peut donc s’interroger, sur la nécessité d’une
rééducation prolongée au delà d’un an post-opératoire.
Il y a-t-il un intérêt à rééduquer de façon prolongée un néo-sphincter, en voulant
à tout prix faire correspondre sa fonction à celle d’une structure normale, anatomiquement différente ?
Ces interrogations pourraient faire l’objet d’études ultérieures, afin d’évaluer
plus précisément les places à attribuer à la chirurgie et à l’orthophonie dans la
prise en charge de l’insuffisance vélo-pharyngée persistante.
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Rééducation des incompétences vélo-pharyngées
Elisabeth Tsymbal, Pr. B. Raphaël, Dr B. Morand
Résumé
Le rôle de l’orthophoniste, au sein de l’équipe soignante, dans la rééducation des incompétences vélo-pharyngées.
Mots clés : incompétences vélo-pharyngées, rééducation orthophonique, sphinctéroplastie
Remediation of velo-pharyngeal insufficiency
Abstract
This article studies the role which speech and language therapists play, as part of a therapeutic team, in the remediation of velo-pharyngeal insufficiency.
Key Words : velo-pharyngeal insufficiency, speech and language therapy, sphincter pharyngoplasty
Rééducation Orthophonique - N° 216 - Décembre 2003
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Elisabeth TSYMBAL
Orthophoniste
Service de Chirurgie Plastique
et Maxillo-Faciale
Unité de traitement des fentes
labio-maxillo-palatines
Pr. B. RAPHAËL - Dr B. MORAND
CHU de Grenoble
B.P. 217
38000 Grenoble Cedex 09
«
L
a parole n’est que le moment d’un geste global ». Cette assertion qui repose
sur une conception anatomique des interconnections et de la coordination
motrice entre les sangles musculo-aponévrotiques (A.R. CHANCHOLLE (1)),
régit le principe même de notre protocole de rééducation inspiré par Madame Irène
MAURETTE (2), qui tient compte du corps dans sa globalité avant de se focaliser
progressivement sur la musculature orale, les lèvres, la langue, et le vélo-pharynx.
Dans cette optique, à la notion d’incompétence vélaire se substitue celle
de sphincter vélo-pharyngé, dont les performances sont fréquemment limitées
(25% des cas) à l’issue du traitement chirurgical d’une fente palatine.
Il est essentiel à nos yeux que la reconstruction de la musculature vélopharyngée désorganisée par la fente ait eu lieu avant la période de prélangage
soit au plus tard le 8ème mois.
Au cours de cette période, l’orthophoniste rencontre l’enfant et ses
parents de manière occasionnelle et informelle, en consultation ou en hospitalisation, les écoute et répond à leurs questions en complétant, dans son domaine,
le discours du chirurgien.
A partir de 10 mois, les enfants et leurs parents ont des entretiens réguliers
avec l’orthophoniste dans le cadre d’une guidance parentale, tous les 6 à 12 mois.
A 10 mois, nous sommes particulièrement attentifs à trois conditions
essentielles pour l’éveil au langage :
- Une bonne qualité de relation entre la mère et son enfant ;
- Une intégrité anatomique palato-vélo-pharyngée permettant à l’enfant
de produire tous les jeux vocaux en rapport avec son âge ;
- Une bonne acuité auditive.
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Nous sensibilisons les parents au rôle du voile du palais dans la phonation, la déglutition et la bonne aération de l’oreille moyenne. Nous insistons sur
l’importance d’une surveillance de l’état des tympans et de l’audition avec pose
d’aérateurs transtympaniques si nécessaire.
Le mode d’alimentation doit également faire l’objet d’une surveillance en
déconseillant le passage prématuré à la petite cuillère et en privilégiant la tétée
qui assure une bonne stimulation des muscles du voile par la succion et l’aspiration du lait et un contact privilégié avec la mère.
Au début de l’alimentation solide, nous conseillons de varier les saveurs
et les consistances pour développer la sensibilité de la langue, les sensorialités
du goût, de l’odorat et l’installation progressive de la mastication. Les mouvements articulatoires sont mis en place au cours de l’alimentation. Téter et
mâcher organisent le « bien parler ».
Une grande place sera donnée aux facultés d’imitation et de répétition du
jeune enfant : il apprend à se servir de ses lèvres et réalise les premiers mouvements de souffle. Nous suggérons aux parents de commencer à mobiliser le
souffle de l’enfant à l’occasion des bains, des repas, des promenades. La motricité bucco-faciale sera activée par des jeux moteurs de praxies de la langue, des
lèvres et des joues. L’audition et la mise en place du langage seront stimulées
par l’écoute de comptines à répéter, à mimer, à danser.
De 2 ans à 3 ans nous surveillons le développement du vocabulaire, et
les premières constructions de phrases. Dans les productions vocales de l’enfant
nous pouvons déjà détecter un nasonnement. Nous réitérons si nécessaire les
explications déjà données sur le voile, la surveillance O.R.L. et sur les exercices
de souffle, sans oublier les comptines.
Si le développement du langage prend du retard et inquiète les parents,
nous proposons sans attendre que ces derniers se fassent aider par un orthophoniste dans le cadre d’une prise en charge précoce. Il est parfois nécessaire d’insister pour que l’enfant commence une vie sociale avec ses congénères (haltegarderie) afin que le processus d’une relative autonomie par rapport à la mère
puisse s’opérer avant l’entrée à l’école maternelle.
De 3 ans à 5 ans, l’enfant est suffisamment grand pour accepter à chaque
consultation de contrôle l’examen au miroir de Glaetzel qui met en évidence l’importance de la déperdition nasale. A partir de 3 ans 1/2 ou 4 ans, si le nasonnement persiste et qu’une déperdition nasale est audible associés à un retard de
parole et de langage, une rééducation orthophonique est alors proposée pour soutenir les parents dans le travail rééducatif qui doit être poursuivi à la maison.
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Vers 5 ans 1/2 ou 6 ans, avant l’entrée au cours préparatoire, l’examen
orthophonique se fait plus précis. Dans le cas d’une phonation toujours altérée
(type IIb) ou défectueuse (type IIm, voire III) avec une déperdition nasale qui
reste importante malgré une rééducation orthophonique régulière, des téléradiographies dynamiques du voile, à l’émission des voyelles et au souffler, permettent
d’apprécier le degré d’incompétence vélo-pharyngée. La collaboration avec le
chirurgien se fait alors plus étroite et permet de discuter de l’opportunité d’un
geste chirurgical supplémentaire. Il se résume pour nous dans l’énoncé d’une
seule technique : « la sphinctéroplastie ». Un sphincter vélo-pharyngé incompétent dans l’effort et la répétition, le sera plus encore dans la parole courante, et
perturbera non seulement la communication familiale mais surtout la scolarité de
l’enfant.
La rééducation orthophonique spécifique de la phonation sera alors intensifiée en préopératoire et surtout en post-opératoire. Elle sera reprise entre six à
huit semaines après l’intervention et durera de quelques mois à un an. Pour
quelques cas, elle continuera au-delà d’un an.
Après 6 ans, nous devons être vigilants sur le bon déroulement de la scolarité de l’enfant car certains d’entre eux possèdent encore des problèmes auditifs, d’autres seront gênés par des séquelles articulatoires qui pourront être améliorées par un traitement orthodontique.
Vers 12 /13 ans, la surveillance de la dynamique vélaire doit de nouveau
s’intensifier. Le pharynx connaissant à cet âge une poussée de croissance coïncidant avec la régression du volume adénoïdien, une déperdition nasale peut apparaître ou réapparaître chez des enfants dont la phonation avait atteint un niveau
correct sans avoir eu recours à la sphinctéroplastie. Il faut donc convaincre
l’adolescent et ses parents de reprendre les exercices de souffle quotidiennement. Nous leur suggérons d’apprendre à jouer d’un instrument de musique à
vent qui permet de gérer le souffle, de contrôler lèvres et joues, de vérifier par
l’oreille ; les percussions permettent d’évacuer le trop plein de tonicité, d’agressivité. Eventuellement, ils peuvent aussi faire partie d’une chorale.
Pour les plus grands, ne pas négliger la pratique d’un sport, d’un jeu de
plein air qui tonifie sans contracter, fait baisser la tension, l’agressivité et contribue au développement de l’expression corporelle.
Tout ce travail ne peut être mené à bien sans la pluridisciplinarité et la
complémentarité de l’équipe soignante, chirurgiens, infirmières, orthophonistes,
orthodontistes, dentistes et prothésistes, sans oublier l’importante contribution
des orthophonistes libéraux qui assurent les rééducations dans le cadre d’une
triple prise en charge de la parole, du langage et de la voix.
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Nous ne soignons pas seulement une fonction chez un enfant, mais l’enfant tout entier et l’enfant dans son entourage.
REFERENCES
1. Odile VIGUIER-CHANCHOLLE. 1979. « Orthophonie et incompétence vélo-pharyngée ». Mémoire
pour le certificat de capacité d’orthophonie, U.E.R de réadaptation fonctionnelle, Toulouse.
2. Irène MAURETTE. 1998. « La Parole » « L’Orthophonie » : in Michel SERRE, A.-R. CHANCHOLLE - A visage différent. p 75-86 et p : 181-194. Collection savoir cultures. Editions Hermann, Paris.
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Traitement des séquelles nasales des fentes
labio-alvéolo-palatines
Raymond Gola, L. Guyot, O. Richard, T. Kaffel, O. Prost-Magnin
Résumé
Le rétablissement précoce de la ventilation nasale est indispensable à une croissance
faciale harmonieuse et à l'efficacité des traitements orthopédiques, orthodontiques et orthophoniques des fentes labio-alvéolo-palatines. Dans les fentes unilatérales, il existe toujours
une déviation septale. Dans les fentes bilatérales, il existe souvent une brièveté columellaire. Ces anomalies doivent être prises en compte dans la prise en charge chirurgicale lors
de la chéilorhinoplastie fonctionnelle et esthétique.
Mots clés : fente faciale, fente labio-alvéolo-palatine, rhinoplastie, ventilation nasale.
Treatment of nasal sequelae in labioalveolar palatal cleft conditions
Abstract
Cleft lip and palate conditions require adequate treatment planning. Anatomical structures
and orofacial functions need to be surgically restored before orthodontic and speech treatment can be initiated. In unilateral cleft conditions, the nasal septum is usually deviated and
must be corrected. In bilateral cleft conditions, the short columella must be elongated.
Key Words : facial cleft, labioalveolar palatal cleft, rhinoplasty, nasal ventilation.
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Raymond GOLA
L. GUYOT
O. RICHARD
T. KAFFEL
O. PROST-MAGNIN
Service de Stomatologie,
Chirurgie Maxillo-Faciale
et Plastique de la Face (Pr. R. GOLA)
Hôpital Nord
chemin des Bourrelys
13915 Marseille cedex 20
L
es fentes labio-alvéolo-palatines (LAP) réalisent, lorsqu'elles sont totales,
une triple incompétence : antérieure labio-nasale, intermédiaire alvéolopalatine et postérieure vélo-pharyngée. Le traitement doit rétablir une
anatomie la plus proche possible de la normale et un fonctionnement le plus
physiologique possible des lèvres, du voile, de la cavité buccale et du nez. La
ventilation nasale joue, en effet, un rôle fondamental dans le mécanisme des
déformations pré et postchirurgicales des fentes congénitales. Le traitement primaire est à ce titre, primordial. Il représente à la fois le traitement curatif de la
malformation et le traitement préventif des séquelles morphologiques et fonctionnelles ventilatoires. Trop souvent négligés chez l'enfant, les troubles de la
ventilation nasale appellent un traitement précoce pour rétablir les conditions
d'une croissance faciale normale.
♦ Rappel physiologique de la ventilation nasale
Le nez, formé de l’auvent nasal et des fosses nasales, remplit de multiples
fonctions : olfactive, ventilatoire, immunitaire et morphogénétique chez l'enfant
(Gola, 2000 (3)).
Cette dernière fonction met en jeu l'expansion volumétrique naso-sinusienne et palato-dentaire. Tout trouble de la ventilation quasi constante dans les
fentes unilatérales, fréquente dans les fentes bilatérales et/ou toute pathologie
de la muqueuse nasale pendant les premières années de la vie s'accompagne
Pour la correspondance : Pr Raymond Gola, Service de Stomatologie, Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique
de la Face, Hôpital Nord, Chemin des Bourrelys, 13915 Marseille cedex 20.
Tel : 04 91 96 86 90 - Fax : 04 91 09 05 80
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d'anomalies de la croissance naso-sinusienne et dento-maxillaire (dysmorphoses maxillo-mandibulaires, encombrement dentaire) dont la gravité est
fonction de la durée, de l'ampleur et de la date de survenue de l'obstruction :
« L’adulte garde toute sa vie les stigmates de l’obstruction passagère de l’enfance » (Worms, 1927 (8)).
Toute obstruction nasale s’accompagne d’une augmentation des résistances
nasales et a pour conséquence le passage rapide à la ventilation orale, intermittente
diurne et permanente nocturne. En raison des modifications de la perméabilité
nasale, les « nez limites » dans la journée s’obstruent complètement pendant la nuit
à cause de la congestion veineuse de décubitus qui augmente le volume de la
muqueuse pituitaire, particulièrement érectile en regard des cornets et du septum
antérieur. La ventilation nasale optimale est la ventilation exclusivement nasale,
bouche fermée, pendant le sommeil (Talmant, 1992, 1995 (6, 7)).
♦ Traitement des séquelles nasales des fentes LAP unilatérales
Avant la naissance
La déformation nasale est la résultante du décalage des berges osseuses,
de la rupture de la sangle musculaire et du déséquilibre des forces s'exerçant de
part et d'autre de la fente. Le cartilage inférieur apparaît dans une aile narinaire
déjà déformée par la fente et l'action musculaire. (figure 1)
01A
01B
01C
Fig. 1 : Fente labio-alvéolo-palatine unilatérale totale.
a) Décalage des bases osseuses. 1) Traction musculaire orbiculaire, 2) Poussée septale, 3) Pression musculaire linguale, 4) Traction musculaire ptérygoïdienne, 4) traction musculaire vélaire ; b
et c) Séquelles de fente labio-alvéolo-palatine unilatérale totale droite. Endomaxillie et recul du
petit fragment (coupes axiales de l'arcade dentaire et des fosses nasales).
Le seuil narinaire, ouvert, plus ou moins élargi, plonge dans la fente
osseuse. La narine est écartelée entre les berges osseuses. Le vomer apparaît sur
un septum déjà dévié.
L'auvent nasal, solidaire du septum, est dévié du côté sain. Dans certains
cas, le cartilage supérieur du côté fendu est également étiré par rapport à l'os
nasal sus-jacent.
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Après la naissance
Le nouveau-né présente des déformations osseuses complexes dont certaines évoluent depuis près de 7 mois. In utero, le fœtus, en déglutissant le
liquide amniotique puis en tétant son pouce, expérimente déjà des fonctions
défectueuses. Après la naissance, la dysfonction ventilatoire nasale s'ajoute aux
dysfonctions labiales et linguales et contribue à en aggraver les conséquences.
La dysfonction ventilatoire nasale, constante, joue un rôle considérable et
souvent sous-estimé. Malgré la fente ou à cause d'elle, le nouveau-né ne peut respirer par le nez, du fait des déformations narinaires, septale et turbinale (il existe souvent une hypertrophie des cornets du coté fendu). (figure 2). Ces difficultés ventilatoires nasales, aggravées par des épisodes de rhinites ou d'infections
rhinopharyngées, en partie liées aux fausses routes alimentaires, l'incitent à adopter
rapidement un mode de ventilation orale. L'endomaxillie est aggravée par les pressions latérales jugales consécutives à l'étirement du masque facial lié à la ventilation orale.
02A
02B
02C
Fig. 2 : Fente labio-alvéolo-palatine unilatérale totale. a) Apparition du vomer sur un
septum déjà déformé (coupe frontale passant par les fosses nasales et la cavité buccale) ; b et c)
Séquelles de fente labio-alvéolo-palatine unilatérale totale droite. Même patient que 11.
Obstruction nasale par déviation septale (coupes coronale et axiale des fosses nasales).
La pointe de la langue qui s'interposait entre les fragments doit s'abaisser
après la naissance pour permettre la ventilation orale. La posture basse de la
langue induite par la ventilation orale et la glossoptose expliquent le rétrécissement en quelques jours de la fente par endognathie antérieure du fragment latéral.
Le sphincter vélopharyngé et la fonction tubaire se trouvent profondément modifiés et fonctionnellement insuffisants : rhinolalie, otite séreuse, perte
de l'audition.
Les dysfonctions occlusales apparaissent avec les dents.
L'endognathie du fragment latéral peut induire une latérodéviation mandibulaire homolatérale au côté fendu. L'épine nasale antérieure étant attirée du
côté opposé, cela réalise une déviation arciforme de la face.
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Ce sont également les troubles de la ventilation nasale qui sont responsables de l'endognathie observée dans certaines fentes totales unilatérales du
palais primaire sans fente palatine ou dans certaines fentes localisées au voile
mou et à palais secondaire indemne.
Ces anomalies fonctionnelles nasales interfèrent avec les autres fonctions
faciales et diminuent l'efficacité et la stabilité des résultats des traitements
orthopédiques et/ou orthodontiques.
Après chirurgie.
Les interventions chirurgicales ajoutent leur propre morbidité à l'hypoplasie congénitale liée au déficit mésenchymateux de la malformation et aux troubles fonctionnels préopératoires. (figure 3)
Fig. 3 : Fente labio-alvéolo-palatine unilatérale. Séquelles nasales.
Chéilo-rhinoplastie fonctionnelle secondaire.
Dès lors que la lèvre ou le nez présente un trouble fonctionnel susceptible
de retentir sur la croissance faciale du sujet, il convient de réaliser une chéilorhinoplastie fonctionnelle secondaire (Delaire, 1979 (1)).
Celle-ci est indiquée chaque fois que la lèvre supérieure présente un aspect
atypique avec déformation des éléments dento-maxillaires sous-jacents. En effet, le
déséquilibre musculaire labio-nasal induit et pérennise les malformations nasales, et
par conséquent les troubles ventilatoires. L'intervention consiste en la remise en position fonctionnelle des faisceaux labiaux et labio-nasaux du muscle orbiculaire (Stricker, 1993 (5)). Cette reconstitution anatomo-fonctionnelle musculaire améliore d'autant plus l'état du squelette osseux sous-jacent que l'intervention aura été effectuée à
un stade plus précoce. Elle améliore aussi l'efficacité des traitements d'orthopédie
dento-maxillo-faciale et assure une meilleure stabilité de leurs résultats (figure 4).
04A
04B
04C
04D
Fig. 4 : Fente labio-alvéolo-palatine unilatérale totale. Chéilorhinoplastie secondaire avec
impaction de l'auvent nasal, projection et symétrisation de la pointe. a et b) Aspects pré et postopératoires (vue de face) ; c et d) Aspects pré et postopératoires (vue de profil) (avec la permission de Springer).
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Une gingivo-périostéoplastie ou une greffe osseuse de l'arcade alvéolaire
est pratiquée dans un certain nombre de cas pour stabiliser les fragments osseux,
favoriser l'éruption et l'évolution de la canine, plus tard pour permettre la mise
en place d'un implant dentaire, enfin pour redonner un soutien à la lèvre.
Rhinoseptoplastie et turbinoplastie sont fréquemment pratiquées vers
l'âge de 6 ans, car les déformations septales sont quasi constantes, même dans
les fentes labio-alvéolaires simples.
Dans les séquelles nasales des fentes labio-alvéolo-palatines chez l'adulte,
la rhinoplastie fonctionnelle et esthétique trouve une de ses meilleurs indications. En effet, la rhinoplastie classique, en amputant la bosse nasale, aggrave
souvent les problèmes ventilatoires.
La correction de la déformation narinaire doit se faire avec le souci permanent de rétablir la ventilation nasale.
♦ Traitement des séquelles nasales des fentes LAP bilatérales
Avant la naissance
Le nez est petit et symétrique. La pointe est très rétruse du fait de la
grande brièveté columellaire. Le développement de la columelle est lié au développement du bord caudal du septum. Si ce dernier est atrophique, la columelle
est petite et la lèvre courte et saillante. Arête nasale et septum sont rectilignes,
sauf dans les formes avec déviation du tubercule médian. L'auvent nasal est
aplati et élargi. Les ailes narinaires sont élargies, le grand axe des narines est
transversal (figures 5 et 6).
Fig. 5 : Fente labio-alvéolo-palatine bilatérale totale. Décalage des bases
osseuses. 1) Traction musculaire orbiculaire, 2) Poussée septale,
3) Pression musculaire linguale, 4) Traction musculaire ptérygoïdienne,
4) traction musculaire vélaire.
05
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Fig. 6 : Fente labio-alvéolo-palatine bilatérale. Séquelles nasales.
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Après la naissance
Les problèmes ventilatoires liés à la présence du bourgeon médian en avant
des fosses nasales, peuvent expliquer la conjonction des fragments maxillaires en
arrière du bourgeon médian par ventilation orale et position basse de la langue.
Après chirurgie
Le pronostic fonctionnel dépend de la forme anatomique (Gola,1964 (3)).
La fente bilatérale totale retentit sur la croissance du prémaxillaire et du maxillaire :
* du fait de l'absence d'union avec les fragments latéraux maxillaires, empêchant sa croissance transversale ;
* par une lèvre supérieure cicatricielle et fibreuse ;
* en raison d'une agénésie dentaire plus ou moins sévère.
Chéilo-rhinoplastie fonctionnelle secondaire (figure 7)
La chéilo-rhinoplastie fonctionnelle des fentes bilatérales répond aux
mêmes principes que pour les fentes unilatérales (Millard, 1980 (4)).
07A
07B
07C
07D
Fig. 7 : Fente labio-alvéolo-palatine bilatérale totale. Chéilorhinoplastie secondaire avec
impaction de l'auvent nasal et projection de la pointe. a et b) Aspects pré et postopératoires
(vue de face) ; c et d) Aspects pré et postopératoires (vue de profil) (avec la permission de
Springer).
Les principales déformations nasales séquellaires sont symétriques et
caractérisées par l'absence de projection de pointe nasale avec brièveté plus ou
moins importante de la columelle, par l'aplatissement et l'élargissement de l'auvent nasal et des ailes du nez. Les séquelles labiales sont dominées par l'hypoplasie du prolabium.
Les nez plats et larges sont traités par simples ostéotomies latérales des
processus frontaux des maxillaires et rapprochement et/ou par apposition de
greffons osseux ou cartilagineux sur le dorsum. Un rapprochement des dômes et
une greffe cartilagineuse en apposition sur le lobule sont souvent nécessaires
pour parfaire le résultat esthétique.
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Les nez projetés relèvent de la rhinoplastie fonctionnelle et esthétique qui
préserve la valve nasale (Gola, 2000 (3)).
♦ Conclusion
Le traitement des fentes labio-alvéolo-palatines reste encore aujourd'hui
un compromis entre la réparation anatomo-fonctionnelle la plus parfaite et la
plus faible rançon cicatricielle. La croissance faciale nécessite non seulement
une bonne reconstitution des muscles vélaires et labio-nasaux, le respect temporaire de la fente palatine mais aussi une bonne perméabilité nasale. La méconnaissance de la dysperméabilité nasale a pour conséquences des troubles morphogénétiques réduisant la croissance naso-sinusienne, des troubles posturaux
touchant la langue, le rachis et la mandibule et des troubles fonctionnels interférant avec les autres fonctions faciales. Le rétablissement précoce de la ventilation nasale est indispensable à une croissance faciale harmonieuse et à l'efficacité des traitements orthopédiques et/ou orthodontiques des fentes
labio-alvéolo-palatines.
REFERENCES
1. DELAIRE J : La chéilo-rhinoplastie fonctionnelle secondaire, Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 1979,
80, 218-224.
2. GOLA R : Traitement chirurgical des séquelles des becs de lièvre, Thèse Médecine, Marseille, 1964.
3. GOLA R : La rhinoplastie Fonctionnelle et Esthétique, Springer, Paris, 2000.
4. MILLARD R : Cleft Craft. The evolution of its surgery, Little Brown, Boston, T I : The unilateral deformity,
1976 ; T II : Bilateral and rare deformities, 1977 et T III : Alveolar and palatal deformities, 1980.
5. STRICKER M : Chéiloplastie intra-labiale à triple lambeau musculaire, Congrès Italien de Chirurgie
Plastique, Ancone, 1993.
6. TALMANT J : Du rôle des fosses nasales dans la régulation cérébrale, Rev. Orthop. Dento. Faciale,
1992, 26, 51-59.
7. TALMANT J C : Réflexions sur l'étiopathogénie des fentes labio-maxillo-palatines et l'évolution de
leurs traitements, Ann. Chir. Plast. Esthét., 1995, 40, 639-656.
8. WORMS G : L'insuffisance respiratoire nasale, Soc. Fr. d'Oto-rhino-laryngologie, Congrès, 1927, 40, 97-272.
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Le traitement orthodontico-chirurgical des
séquelles de fentes labio-alvéolo-palatines
Sandrine Sébille , Joël Ferri
Résumé
La prise en charge des patients présentant des séquelles de fentes labio-alvéolo-palatines
est pluridisciplinaire. Elle nécessite une coopération totale entre le patient et les différents
praticiens du fait de la durée du traitement, de sa complexité et des ajustements du schéma
général de prise en charge en fonction de l’évolution. Différentes phases thérapeutiques se
succèdent, chirurgie fonctionnelle, soins dentaires, orthopédie dento-faciale, orthodontie,
orthophonie, et psychothérapie. Les résultats sont probants lorsque la prise en charge peut
être menée à son terme.
Mots clés : fentes labio-alvéolo-palatines, traitement orthodontico-chirurgical.
Orthodontic-surgical treatment of cleft lip and palate sequelae
Abstract
It is essential to have a multidisciplinary approach to cleft lift and palate treatment.
This article describes the treatment protocol we use for cleft patients from birth on to adulthood: it includes orthodontic, psychological and speech treatment, as well as surgery.
Results are good when all treatments can be adequately performed.
Key Words : cleft lip and palate, orthodontic-surgical treatment.
Rééducation Orthophonique - N° 216 - Décembre 2003
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Sandrine SÉBILLE
Joël FERRI
CHRU - Hôpital Roger Salengro
Service de Stomatologie et Chirurgie
Maxillo-faciale
59037 Lille cedex
[email protected]
L
a prise en charge des patients présentant des séquelles de fentes labioalvéolo-palatines est pluridisciplinaire.
Notre thérapeutique orthodontico-chirurgicale débute après l’établissement
d’un schéma général de prise en charge émanant de l’avis de plusieurs praticiens
(dentiste général, orthodontiste, chirurgien maxillo-facial et psychologue). Un
bilan clinique et paraclinique complet permet d’envisager les différentes phases
du traitement.
♦ Les lésions rencontrées
Les séquelles sont souvent stéréotypées avec cependant des degrés divers
d’atteinte.
Elles comprennent :
Les troubles de l’élocution avec la classique rhinolalie ouverte par insuffisance vélaire ou persistance de communication bucco-sinusienne ou
bucco-nasale. Les coups de glotte qui correspondent en fait aux tentatives
de compensation de l’incompétence vélaire.
Les troubles de l’équilibre maxillo-facial avec une insuffisance globale
du développement maxillaire (vertical, transversal et antéropostérieur).
A cela s’ajoutent les anomalies dento-alvéolaires directement liées à la
fente elle-même : agénésie et /ou dystrophies dentaires, brèche alvéolonasale. Ces anomalies ont contribué aux malpositions dentaires plus globales que l’on constate dans ces cas.
Les troubles dysfonctionnels avec notamment les incompétences de la
valve musculaire orbiculaire labiale et plus largement, de l’ensemble
des muscles du pourtour labio-narinaire fendu (impossibilité de siffler,
souffler dans une direction précise, de relever les lèvres, etc.
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Enfin les troubles de la ventilation narinaire sont souvent
présents.
Les troubles morphologiques comprenant les déformations labio-narinaires directement liés aux dysfonctions et aux séquelles cicatricielles.
♦ L’examen clinique et radiologique
Un bilan clinique complété par un bilan radiologique est systématiquement établi lors de la première consultation. Il permet d’évaluer l’état général de
la denture, les diverses caries, les pertes dentaires, l’os alvéolaire de part et
d’autre de la fente, le décalage squelettique des bases osseuses.
La recherche d’une communication bucco-nasale est systématique, même
dans les formes ou aucun signe d’appel clinique n’est présent. L’aspect esthétique du visage est également évalué lors de la première consultation même si la
prise en charge ne se fera qu’en fin de traitement (rhinoplastie secondaire,
retouche labiale, etc.).
Dans le cadre de la prise en charge orthodontico-chirurgicale, les anomalies fonctionnelles sont primordiales à repérer. Ainsi doit-on rechercher une respiration buccale, des troubles de la déglutition avec pulsion linguale, etc.
Enfin, le profil psychologique est noté, intégrant l’attitude de l’enfant, sa
situation scolaire, le contact avec les parents, leur motivation et leur demande.
L’ensemble du bilan permet de déterminer le schéma thérapeutique.
♦ Le schéma thérapeutique
Le traitement orthopédique
Le traitement orthopédique est institué lorsque le patient est en phase de
croissance, le plus tôt possible. En pratique, une évolution minimale de la denture est nécessaire pour adapter les appareillages (rarement avant l’âge de 6
ans).
Les tractions par masque orthopédique (type Delaire) sont préconisées en
cas d‘hypomaxillie. Le port du masque est nocturne et doit être quotidien.
L’efficacité est notée par des visites régulières chez l’orthodontiste. Le
saut de l’articulé incisif est primordial pour assurer un calage antéro-postérieur.
Les échecs sont le plus souvent dus :
- à une mauvaise compliance du patient,
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- à une mauvaise réponse biologique des sutures maxillo-faciales entrant
dans le cadre d’un syndrome malformatif complexe pour lequel la « fente n’est
qu’un signe parmi tant d’autres ». Enfin, certains traitements chirurgicaux initiaux ou répétés peuvent entraîner des séquelles fibreuses rétractiles majeures
rendant les traitements orthopédiques inefficaces.
L’endomaxillie peut être traitée par quad’helix permettant d’obtenir rapidement une bonne dimension transversale. L’appareil est fixe et ne nécessite
donc pas la participation active du patient.
L’orthophonie
Elle est débutée dès que l’ensemble des « effecteurs fonctionnels » et les
rapports occlusaux auront été normalisés. En effet, il sera très difficile, voire
impossible d’obtenir un fonctionnement normal sans des organes et des rapports
anatomiques eux-mêmes normaux. En cas de déficit de cette nécessaire entité
anatomo-fonctionnelle, la rééducation aboutit le plus souvent à des compensations. Si dans certains cas « désespérés » ces compensations sont parfois obligatoires, elles doivent rester exceptionnelles. Enfin, dans quelques cas, la rééducation peut être nécessaire avant la normalisation anatomique en aidant à cette
normalisation (il s’agit là de rééducation intervenant dans le cadre de l’orthopédie dento-faciale et non plus directement sur l’élocution).
Quoi qu’il en soit, elle nécessite une bonne coopération et une bonne
compréhension du patient.
Le traitement orthodontique
Il permet le nivellement des arcades dentaires avec correction des malpositions et des rotations dentaires.
Le traitement chirurgical
- Il débute par la normalisation anatomique des effecteurs fonctionnels
(muscles vélaires, sangle naso-labiale).
- La fermeture d’une communication bucco-nasale.
Elle s’effectue par transposition de lambeaux muqueux sous anesthésie
générale.
- La greffe alvéolaire.
En cas de défect osseux au niveau de la fente, une greffe est envisagée.
La date d’intervention doit être assez précoce avant l’édification radiculaire d’une éventuelle canine ou d’une incisive latérale incluse (pour per-
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mettre le mouvement d’éruption au sein de l’os nouvellement greffé).
- Le suivi à long terme est important surtout en cas de parafonction linguale.
L’arbre décisionnel thérapeutique est adapté aux anomalies présentes.
Il peut comprendre les étapes suivantes :
1- Fermeture d’une communication bucco-nasale, traitements des
diverses anomalies anatomiques à l’origine de dysfonctions (traitement
chirurgical des insuffisances anatomiques vélaires et naso-labiales).
2- Rééducation orthophonique à la fois phonique et occlusale.
3- Orthopédie dento-faciale :
a. Expansion transversale palatine par quad’helix
b. Traitement orthopédique par masque de Delaire
c. Traitement orthodontique avec nivellement d’arcade et conservation de la denture lactéale au niveau des berges de la fente pour
pérenniser l’os alvéolaire
d. Greffe alvéolaire sur le site de la fente
e. Alvéolectomie de canine incluse et mise sur arcade
f. Chirurgie orthognatique
g. Réhabilitation prothétique
4- Rééducation orthophonique à la fois phonique et occlusale avec les
nouveaux rapports occlusaux.
5- Chirurgie esthétique : rhinoplastie, chéiloplastie secondaires, retouches
cutanées.
♦ Conclusion
Le suivi thérapeutique des patients présentant des séquelles de fentes
labio-alvéolo-maxillaires s’envisage à long terme avec de multiples phases de
traitement. Elle nécessite une totale coopération et confiance du patient et une
réelle motivation. Les résultats sont probants lorsque le traitement peut être
mené à terme.
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Spécificités de la rééducation orthophonique
dans les cas de fente palatine
Hélène Baylon, M. Roger, M. Bigorre, P. Montoya
Résumé
La prise en charge orthophonique des enfants présentant une fente palatine ou une incompétence vélo-pharyngée est facile du point de vue technique mais elle ne se limite pas à
quelques jeux de souffle. Il faut considérer les problèmes auditifs, les difficultés d’installation du langage oral et écrit, le retard de parole de façon légèrement différente de ce qui
existe en pratique courante en gardant une vue globale du développement de l’enfant. Nous
développerons ici les spécificités de cette prise en charge.
Mots clés : fente palatine, incompétence vélo-pharyngée, rééducation orthophonique.
Specific features of speech therapy in the treatment of cleft palate conditions
Abstract
Speech therapy in cleft palate children is technically quite easy to carry out. Nevertheless, it
cannot be reduced to the training of velar competence through breathing-blowing games.
Hearing loss, oral and written language problems, speech delays should all be taken into
account in a specific manner.
Key Words : cleft palate, velo-pharyngeal incompetence, speech therapy.
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Hélène BAYLON
Orthophoniste
M. ROGER
Orthophoniste,
M. BIGORRE
Chef de clinique, assistant des hôpitaux
P. MONTOYA
Chirurgien des hôpitaux,
Unité de Chirurgie Plastique Pédiatrique
CHU Lapeyronie
34595 Montpellier cedex 5
N
ous parlerons ici des fentes palatines complètes, incomplètes (division
sous-muqueuses du voile du palais), isolées ou associées à une fente
labio-maxillaire ou à une micrognathie (syndrome de Pierre Robin).
La présence d’une fente palatine entraîne la perturbation de plusieurs
fonctions : la déglutition, la respiration, l’audition, la phonation. Les deux premières fonctions se rétablissent rapidement avec la prise en charge médicale et
chirurgicale précoce (Montoya et al, 2002), l’audition plus tardivement. La phonation a un développement ralenti durant les 2 ou 3 premières années. Cela
n’empêche pas ces enfants d’avoir une intelligence normale : dans la population
d’enfants que nous suivons, nous retrouvons la même proportion d’enfants en
avance ou d’enfants en retard que dans la population normale (Montoya, Baylon, 1996).
La phonation est ralentie et parfois perturbée pour plusieurs raisons :
même après la réparation chirurgicale qui se fait dans la plupart des équipes
avant 7 mois, les muscles du voile du palais reconstruits ne fonctionnent pas
d’emblée au maximum de leur efficacité. La déglutition, les cris entraînent bien
ces muscles, mais pour la fonction tubaire et pour la délicate mise en place des
points articulatoires, les progrès sont plus lents. Après l’intervention, ces
enfants en général s’alimentent bien, mais ils ont souvent une baisse auditive de
transmission de 20 à 50 décibels fluctuante, plus importante lorsqu’ils présentent une rhino-pharyngite (Lederlé E., Kremer J.M., 1991). Dans certains services hospitaliers, des drains transtympaniques sont placés avant 1 an.
Cette baisse auditive, peu gênante pour un enfant de 4 ans car il a déjà un
savoir perceptif très important qui lui permet de mettre un mot mal entendu en
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correspondance avec un mot déjà connu grâce au contexte, l’est énormément
pour un enfant qui entre dans la communication orale. De ce fait, à 2 ans, 1
enfant sur 2 ou sur 3, selon la malformation, présente un retard de langage en
expression de 6 mois ou plus.
L’orthophoniste qui prend en charge un jeune enfant présentant une division palatine doit savoir qu’il peut présenter en plus une baisse auditive de 20 à
50 décibels fluctuante, et un retard de langage.
Cela implique deux choses : il doit parler à une intensité plus forte, surtout dans les périodes pendant lesquelles l’enfant est enrhumé, il peut en tenir
compte dans la cotation des actes.
Le traitement chirurgical comporte plusieurs interventions au niveau
fonctionnel et esthétique. Lorsqu’une pharyngoplastie ou une myoplastie vélaire
sont effectuées en âge phonétique, la rééducation orthophonique débute après
accord du chirurgien en général 3 semaines après l’intervention. Si un ou deux
points non encore résorbés sont encore visibles sur le palais, il ne faut pas s’inquiéter, l’enfant ne risque rien.
♦ La rééducation du langage oral
Les différences avec la prise en charge d’un retard de langage simple sont
peu importantes mais elles méritent que l’on en tienne compte.
Du fait de leur baisse auditive de transmission et de la difficulté de mise
en place de l’articulation, ces enfants sont lents à démarrer dans l’expression. Ils
ne font des phrases qu’à 2 ans et demi et parlent peu. De 3 ans à 11 ans, les
parents disent souvent qu’ils « se rattrapent », qu’ils parlent trop souvent. A
l’adolescence, par contre, ils ont tendance à être très silencieux.
Il faut impérativement donner de l’assurance dans le comportement de
communication, particulièrement à ceux dont la malformation est visible de
l’extérieur, fente labio-maxillo-palatine unilatérale ou bilatérale, car selon
une étude que nous avons réalisée (Baylon, Montoya, 1998), à l’adolescence,
ces enfants initient peu la communication, probablement parce qu’ils sont
gênés par leurs défauts esthétiques. Comme ils ne seront suivis en rééducation orthophonique que de 3 à 7 ou 8 ans au maximum, et pour certains
d’entre eux seulement pendant 1 an, il faut donc les rendre hyper performants
pour qu’ils puissent garder un bon niveau de communication à l’adolescence.
L’orthophoniste rendra les parents vigilants aux conditions de la communication : ils doivent être à l’écoute sans être intrusifs, varier les situations et les
interlocuteurs ; par exemple, c’est cet enfant que les parents enverront faire
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des courses difficiles ou demander un renseignement plutôt que l’un de ses
frères ou sœurs.
En ce qui concerne la longueur des phrases, ils ont tendance à employer
des phrases plus courtes, peut-être à cause d’une moins bonne utilisation de l’air
expiratoire. Il faut donc les amener à enrichir leurs phrases et à penser à gérer le
geste respiratoire en fonction de la longueur de la phrase.
Au niveau lexical, lors de l’apprentissage de mots nouveaux, il faut faire
davantage d’exercices de réutilisation du vocabulaire qui sinon reste davantage
passif que chez les enfants qui ont un retard de langage simple.
Dans la série de 400 enfants que nous suivons actuellement, 5 enfants
sont dysphasiques, ce qui représente un pourcentage minime (2 enfants présentant un syndrome de Pierre Robin, 3 enfants avec fente palatine isolée).
Les enfants présentant une fente palatine dans le cadre d’une délétion 22
q11 ont un retard de langage plus marqué que les autres enfants (Philip, 2001),
un retard mental variable, et toujours des difficultés d’apprentissage. Ils sont
suivis en orthophonie pendant au moins 5 ans.
♦ La rééducation du langage écrit
L’existence d’un retard de langage fait que l’enfant ne comprend pas bien
ce qu’il lit car il lui manque du vocabulaire, donc il n’aime pas lire, il apprend
moins de vocabulaire nouveau et cela entretient son retard de langage (Rondal,
1985). En orthographe, la non perception de la différence entre les consonnes
sourdes et les consonnes sonores entraîne souvent une dysorthographie phonétique. Il s’installe chez ces enfants un doute constant sur ce qu’ils entendent et
ils finissent par faire beaucoup de fautes, y compris par hyper correction.
Dans la série des enfants que nous suivons, nous avons de 20 à 25% d’enfants dyslexiques ou dysorthographiques et jusqu’à 33% de dysorthographiques
dans les cas de syndrome de Pierre Robin (Baylon, Montoya, 1998).
Selon Eliason (1990), les enfants présentant une fente palatine ont des
performances moins bonnes que les enfants normaux sur la mémoire auditive, le
langage, la perception visuelle, la reconnaissance auditive et visuelle des mots,
la compréhension du texte lu, l’identification des erreurs phonétiques. De ce fait
tous ces points sont à travailler préventivement en rééducation orthophonique
dès que l’on aborde le langage oral. Il faut proposer encore plus d’exercices de
discrimination auditive, sur la différence sourde-sonore autant que sur la différence orale-nasale au niveau du phonème isolé, dans le mot, dans la phrase. La
mémoire auditive peut se travailler dans des comptines, des jeux musicaux de
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reproduction de rythme, de succession d’instruments ou de jouets sonores, sur
des logatomes, des mots nouveaux ou des combinaisons de mots connus. En
dictée de mots, il sera très important de travailler l’auto correction afin que
l’identification des erreurs phonétiques devienne plus systématique. On peut
proposer des jeux de d’orientation spatiale de figures ou de signes écrits avant
de travailler sur la mémoire visuelle au niveau du mot.
On voit donc ici que la rééducation des enfants présentant une fente palatine ne se résume pas à faire souffler dans un ballon, mais qu’il faut être attentif
aux troubles du langage oral et/ou écrit qui peuvent se développer dans certains
cas et y remédier par des exercices plus variés que dans les cas de retard de langage habituels.
♦ Les jeux de souffle
Le principe des jeux de souffle est d’améliorer la souplesse et l’efficacité de contraction des muscles du voile du palais. La plupart des enfants présentant une insuffisance vélo-pharyngée ont un timbre de voix nasonné, parfois associé à une fuite nasale ou à un ronflement nasal et lorsqu’on leur
demande de souffler par la bouche, l’air passe à la fois par la bouche et par le
nez. Certains peuvent même éteindre la flamme d’une bougie en soufflant
uniquement par le nez.
Il faut parvenir à ce que l’enfant souffle fort et uniquement par la bouche.
Pour cela, on utilisera les jouets sonores à embout. Tous les jeux de souffle ne
présentent pas la même difficulté. Les sifflets en plastique sont en général ceux
d’où sort un son le plus facilement. La différence de forme des embouchures
permet au passage de travailler les praxies des lèvres.
Les jeux de souffle les plus faciles sont ensuite ceux que l’on peut faire
en soufflant dans un tube. Plus le tube est large, plus la force du souffle à produire est grande. L’enfant devra souffler sur des objets posés sur une table
dans le but de les faire tomber : cubes en mousse, boîtes de céréales vides,
petits animaux ou personnages en plastique. On peut les présenter les uns à
côté des autres ou empilés. Cela donne l’occasion de travailler le vocabulaire
des couleurs, des formes et les possibilités de mémorisation (exemple : « tu
vas souffler sur le cube rouge, puis le vert, puis le bleu »). On placera les
objets de plus en plus loin de l’enfant, ainsi il devra souffler de plus en plus
fort.
Une autre série d’exercices consiste à souffler sur des objets qui peuvent
se déplacer : petites balles en papier, billes, voitures, bateaux, avions en plas-
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tique. On peut poser des marques de couleur pour montrer jusqu’où chaque
objet arrive, faire des courses, des parcours avec des tunnels. Les bulles demandent un contrôle du souffle assez fin.
A la maison, les jouets sonores lassent vite les parents. Il est préférable de
demander aux parents d’acheter des pailles droites ou coudées. L’enfant aspirera
d’abord avec une demi paille puis avec une paille entière des liquides, puis des
yaourts liquides, enfin des yaourts brassés et des compotes. Le rythme idéal
serait de faire cela tous les jours à chaque repas. Un rythme de deux fois par
semaine constitue un minimum.
Les jeux de souffle les plus difficiles consistent à faire gonfler un ballon
de baudruche, des jouets gonflables avec valve de sécurité, des bouées.
Lorsqu’un souffle buccal fort est obtenu, la difficulté qui se présente
ensuite est l’articulation des phonèmes sans déperdition nasale. On peut alors
passer d’un tuyau à une paille de plus en plus courte pour les constrictives, et à
un petit bout de papier posé sur les lèvres pour les occlusives bilabiales.
♦ La rééducation de la parole
Nous avons vu qu’il était très important de donner à l’enfant l’envie de
communiquer, même et surtout si l’enfant arrive chez l’orthophoniste avec une
parole inintelligible. Les jeux de souffle constituent une bonne introduction à la
fois à une atmosphère ludique et au développement d’une compétence vélo-pharyngée favorisant la mise en place des points articulatoires.
La principale indication de rééducation est l’existence d’un retard de
parole. Les troubles de la parole propres à l’incompétence vélo-pharyngée
coups de glotte, souffles rauques, sigmatisme nasal sont rares (4 % à 10% des
enfants selon la malformation). Ils peuvent être effacés dès leur apparition par la
guidance qui se fait dans la plupart des équipes hospitalières.
Il est peu fréquent de recevoir en cabinet un enfant qui n’articule que des
consonnes nasales. Dans ce cas, il faut faire beaucoup de jeux de souffle avant
d’aborder l’articulation. Certains enfants passent plus facilement des jeux de
souffle aux constrictives qu’aux occlusives. D’autres commencent à dire des
« p » à partir du moment où ils arrivent à gonfler les joues. Dans les deux cas,
une fois la première consonne orale obtenue, le montage articulatoire est le
même que celui qu’on utilise dans le cas d’un retard simple.
Les occlusives ne posent pas de problèmes particuliers importants. L’articulation de p, b peut être gênée au niveau de l’occlusion bilabiale par la forme
du maxillaire supérieur dans les cas de fente labio-maxillo-palatine bilatérale
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totale, ou par l’asymétrie de la contraction labiale dans certaines formes de fente
unilatérale. Un travail praxique rapide des lèvres est nécessaire ; il sera renforcé
chez les enfants qui en plus respirent la bouche ouverte et ont donc des lèvres
peu toniques. Dans ce cas, avant de leur demander de fermer la bouche plus
souvent, il faut penser à travailler la respiration par les deux narines. Parfois en
même temps que la fermeture bilabiale se produit une déperdition nasale qui
n’existe que sur ces phonèmes. Les massages autour des lèvres sont alors intéressants pour casser ce conditionnement.
Dans le montage des constrictives s-z et ch-j, la forme de la voûte palatine, du maxillaire supérieur, l’implantation des dents sont à considérer.
Lorsque les conditions anatomiques sont défavorables, il faudra se contenter
d’une articulation atypique, pour laquelle on reconnaîtra chacun de ces phonèmes mais on remarquera qu’ils sont légèrement différents de la norme.
Dans les cas de fente labio-maxillo-palatine unilatérale, les enfants ont une
nette tendance à dévier la pointe de la langue du côté de la fente, ce qui rend
également l’articulation des constrictives atypique. Le travail praxique réalisé très tôt dans certaines équipes hospitalières prend ici son importance :
mise en bouche particulière du biberon ou de la cuillère, stimulation d’un
côté de la langue.
Les coups de glotte et souffles rauques apparaissent chez des enfants très
toniques avec une incompétence vélo-pharyngée importante. Après avoir fait
beaucoup de jeux de souffle, l’enfant doit apprendre à antérioriser son articulation avec des petits exercices de mobilisation des lèvres (ouvrir, fermer, serrer,
tenir un petit bout de papier entre les lèvres et le projeter en soufflant), de gonflement des joues fort, moins fort, jusqu’à ce que la pression d’air intra buccal
soit contrôlée. A partir du montage du p et du b qui est assez facile, les autres
points d’articulation se mettent en place comme lors d’un retard de parole. L’apport du chant ou des comptines est indispensable pour rétablir une courbe mélodique plus harmonieuse et ralentir le débit de la parole.
Dans tous les cas, un enfant qui présente une incompétence vélo-pharyngée ne doit pas avoir un débit de parole trop rapide, il faut qu’il parle à un débit
normal, sinon, même après une pharyngoplastie, une fuite nasale ou un nasonnement intermittents persisteront. Si l’un des deux parents parle très vite, il faut
lui demander de parler plus lentement ; c’est difficile mais fondamental pour
donner à l’enfant un modèle de parole favorable. Les mouvements articulatoires
doivent être suffisamment amples et bien différenciés pour que les assimilations
de nasalité soient évitées et que la voix ne reste pas enfermée dans le masque, ce
qui concourt à la présence d’un nasonnement.
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♦ La rééducation de la voix
La rééducation concernant le nasonnement passe essentiellement par les jeux
de souffle. Les voyelles les plus faciles à travailler sont a puis eu, o, è, enfin ou, u, i.
Pour vérifier qu’il n’existe pas de déperdition nasale sur les phonèmes isolés
ou les syllabes, on peut utiliser un miroir que l’on place sous le nez de l’enfant et lui
montrer la buée qu’il produit lorsqu’il laisse l’air s’échapper par le nez. Après avoir
contrôlé l’absence de nasalité sur les voyelles isolées et les syllabes, il faut passer
aux syllabes et aux mots sans nasales. Dans les mots et les phrases courantes, la présence de consonnes ou de voyelles nasales ne permet pas d’utiliser le miroir. Ils doivent être proposés en répétition bien plus tard. Le contrôle visuel de la déperdition
nasale est intéressant lorsque l’enfant présente une perte auditive de plus de 25 décibels. Les enregistrements sur cassettes sont indispensables car l’enfant peut s’écouter à une intensité plus forte que celle qu’il a utilisée et que, dans le même temps où
l’on établit d’autres habitudes articulatoires, on lui fait mémoriser sa nouvelle voix.
La fuite nasale se travaille comme le nasonnement avec beaucoup de jeux
de souffle.
La rhinolalie fermée est plus rare mais plus difficile à faire disparaître si
elle est due à un rétrécissement de l’une des deux narines ou à une déviation de
la cloison nasale. Les exercices de respiration nasale forcée et amplifiée doivent
être repris à la maison plusieurs fois par jour pendant une à deux minutes au
départ puis avec une durée augmentée ; l’utilisation d’un calendrier est pratique
pour motiver l’enfant et la famille.
♦ Quelques cas particuliers
La rééducation est plus longue dans les cas de retard mental, de surdité profonde, de troubles neurologiques associés ou si la malformation anatomique de
départ est très importante. Dans les autres cas, les résultats sont assez rapides.
♦ Conclusion
Cette rééducation ne comporte pas de difficultés techniques particulières.
Elle demande de respecter une progression d’exercices praxiques et phonétiques
qui peuvent s’effectuer sur un mode très ludique. Il faut garder à l’esprit les
caractéristiques anatomiques individuelles de l’enfant en même temps que
l’idée de son développement au long cours dans sa globalité et ne pas craindre
de se lancer dans ce type de rééducation très gratifiante lorsqu’on s’intéresse à
toutes les composantes de cette pathologie et que l’on accompagne le futur
adulte dans sa dynamique de communication.
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L’éducation gnoso-praxique orale.
Son importance dans la prise en charge des
enfants présentant une fente palatine postérieure.
Catherine Thibault
Résumé
L’éducation gnoso-praxique oral est primordiale, l’accompagnement parental précoce indispensable. Ils doivent tenir compte du cap de maturation gnoso-praxique, ainsi que du lien
entre oralité verbale et oralité alimentaire chez les enfants présentant une fente palatine
postérieure.
Mots clés : fente palatine, rééducation neuro-musculaire, fonctions oro-faciales, guidance
parentale.
Oral gnosopraxic remediation in the treatment
of children with posterior cleft palate
Abstract
In treating children with posterior cleft palate conditions, the concept of oral gnosopraxic
remediation is central and early parental support is essential. Both treatments must take
into account the peak period of gnosopraxic development, as well as existing links between
oral expression and oral feeding in these children.
Key Words : cleft palate, neuromuscular therapy, oro-facial functioning, parental guidance.
Rééducation Orthophonique - N° 216 - Décembre 2003
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Catherine THIBAULT
Orthophoniste, psychologue
Attachée de consultation
Hôpital Necker-Enfants Malades
Service de Chirurgie Maxillo-faciale
149 rue de Sèvres
75743 Paris Cedex 15
♦ Rappel
La déperdition phonétique du voile de l’enfant a :
Une origine anatomique :
soit le voile n’est pas réparé dans les cas de :
- division vélo-palatine
- division sous-muqueuse, bifidité du voile, reflux alimentaire pharyngonasale
- voile court
- agénésie du voile
- agénésie musculaire
soit le voile est réparé insuffisamment ➝ le voile est court sans pilier postérieur
(sans pharyngo-staphylin)
Une intervention chirurgicale est nécessaire.
Une origine neurologique (fente postérieure) dans le cas de :
- syndrome du 1er Arc (V) : Absence du péristaphylin externe
- syndrome du 2ème Arc (VII) : Syndrome de Moebius, absence de la
commande neurologique du péristaphylin interne
- syndrome du 3ème Arc ➝ Séquence de Pierre Robin
- syndrome du 4ème Arc ➝ syndrome Catch 22, Di-georges, syndrome
vélo-cardio-faciale
Nous sommes en présence d’un dysfonctionnement néonatal de la commande
du tronc cérébral (DNTC)
- Para-Robin (encéphalopathie)
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- Syndrome de malformation cérébrale : syndrome de C.H.A.R.G.E, syndrome de Kabuki, syndrome X.fragile…
- Neuropathie et myopathie
La prise en charge orthophonique précoce pour les enfants présentant un voile
neurologique est primordiale.
♦ L’oralité est fondatrice de l’être
La cavité bucco-nasale ou stomadeum se met en place au cours des deux
premiers mois de l’embryon. La bouche embryonnaire et le nez sont constitués
de peau qui s’est internalisée. Notons l’unité d’origine de l’oralité buccale et
gustative et de la nasalité ventilatoire et olfactive.
La face se construit à partir de cellules qui migrent du cerveau. L’origine
commune de la face et du cerveau permet de faire correspondre :
- aux structures naso-frontales, le prosencéphale
- aux structures maxillo-mandibulaires, le tronc cérébral.
L’oralité débutante : passage de l’embryon au fœtus
Le réflexe de HOOKER objective l’oralité débutante : le passage de l’embryon au fœtus.
C’est au cours du troisième mois que l’on peut identifier le réflexe de
Hooker, au cours de la déflexion céphalique, le palais se forme, la langue
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descend, la main touche les lèvres, la bouche s’ouvre et la langue sort pour
toucher la main.
Alors apparaissent vers la dixième semaine les premiers mouvements
antéro-postérieurs de succion, puis vient la déglutition entre la 12 et la 15ème
semaine.
La succion apparaît donc avant la déglutition.
Ce couple moteur automatique qu’est la succion-déglutition requiert l’intégrité de tous les noyaux moteurs du tronc cérébral.
♦ L’oralité, marqueur qualitatif de maturation corticale de la
fonction respiratoire, digestive et cardiaque.
La succion et la respiration sont intimement liées puisque la succion
reflète les conditions ventilatoires du nouveau-né et contribue à les améliorer.
Ce n’est qu’à partir du troisième mois qu’il sera capable de se ventiler par la
bouche (après un épisode d’obstruction nasale par exemple).
5 nerfs du tronc cérébral sont nécessaires pour sucer et déglutir :
- le nerf facial assure la contraction de l’orbiculaire des lèvres et des buccinateurs
- le nerf hypoglosse permet la contraction de la langue
- le nerf trijumeau pour les mouvements de translation de la mandibule
- les nerfs glosso-pharyngien et pneumogastrique assurent la commande
de la déglutition et sa coordination.
L’oralité alimentaire motrice est assurée par ce travail de succion.
Nous savons aujourd’hui que la séquence de Pierre Robin (SPR) résultant de la
défaillance précoce des fonctions du tronc cérébral touche l’oralité primaire, les
régulations respiratoires, cardiaques et digestives (1 cas sur 8500 naissances).
La langue qui reste incluse dans la cavité stomadéale imprime sa forme en « U »
à la fente palatine.
La micrognathie témoigne du défaut de succion-déglutition, tandis que la
glossoptose et les obstructions respiratoires correspondent à un trouble central
du tonus musculaire mandibulo-pharyngo-lingual et pharyngo-laryngé. Les
pauses respiratoires, les bradycardies profondes et l’asynchronisme pharyngosphinctérien complètent l’expression de cette grave anomalie de l’organisation
sensori-motrice du tronc cérébral (activité motrice des nerfs crâniens 5 à 12).
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L’exploration de ces défaillances, diversement associées, permet une classification selon un indice de gravité et une prise en charge thérapeutique adaptée.
Tant en ce qui concerne son rôle ventilatoire indirect que sa participation
dynamique à la déglutition, à la mastication ou à la phonation, la langue présente
dans la séquence de Pierre Robin un degré de dysfonctionnement neuromusculaire et une vitesse de maturation qui varient d’un enfant à l’autre et qui jouent un
rôle capital dans le choix du traitement et dans la durée de son maintien.
Une SPR peut survenir dans des contextes soit malformatifs variés et
hétérogènes (environ la moitié des cas), soit hors de tout contexte malformatif
(l’autre moitié des cas).
En l’absence d’anomalie neuromusculaire ou osseuse, ni d’anomalie corticale, la gravité de la séquence tient essentiellement au degré de l’atteinte fonctionnelle respiratoire, orodigestive et neurovégétative, liée à la fois au statut
anatomique des voies aériennes supérieures des enfants atteints et au dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral (DNTC). Celui-ci est de sévérité très
variable d’un enfant à l’autre, et comporte des troubles de succion-déglutition,
de la motricité oro-oesophagienne, de la dynamique glosso-pharyngienne, ainsi
qu’une dysrégulation ortho-parasympathique cardiaque. De gravité variable,
quasi constants dans les premières semaines de vie, ces symptômes s’améliorent
progressivement pour disparaître totalement après l’âge de 2 ans, en règle générale.
Dans le cas des patients présentant une séquence malformative (une ou
plusieurs autres malformations associées), il peut s’agir d’entités cliniques bien
identifiées (PR syndromiques ; parmi elles, citons, en raison de leur fréquence,
le syndrome de Stickler, diverses anomalies chromosomiques, la microdélétion
22Q11, les anomalies faciales des arcs branchiaux (syndrome de Franceschetti,
de Nager), syndromes tétratogéniques, ainsi que des syndromes plus rares tel
que le syndrome de Williams (BLANCO-DAVILA et al.2001), le syndrome X
fragile (N.EM 2003)).
Certains syndromes PR surviennent dans un contexte malformatif non étiqueté (PR associés), avec des atteintes touchant surtout le conotroncus cardiaque,
le SNC, l’œil et le squelette. Les syndromes d’immobilité fœtale, quelle que soit
leur cause, peuvent aussi s’accompagner d’une séquence de Pierre Robin.
Au niveau génétique, la séquence de Pierre Robin isolée est sporadique
dans la majorité des cas. Cependant environ 10 à 15% des cas sont familiaux et
une transmission autosomique dominante est alors évoquée. Il n’y a pas à ce
jour de localisation génique déterminée.
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Le diagnostic de PR impose une évaluation précoce, précise, des symptômes de dysfonctionnement du tronc cérébral. Trois types de gravité croissante,
sont distingués :
- le type 1. Il ne nécessite qu’une surveillance staturo-pondérale.
- le type 2. Dysoral, il est caractérisé par la défaillance centrale de la succion-déglutition, dont le gavage permet de suppléer les premiers mois
en attendant l’apparition de la praxie orale à la cuillère. L’équilibre respiratoire reste précaire.
- le type 3. Dysoral, il est défini par une obstruction respiratoire majeure.
Les nouveau-nés sont trachéotomisés et gavés. Ce gavage est progressivement relayé par l’apport alimentaire à la cuillère.
La prise en charge médicale des enfants atteints de PR s’est beaucoup
améliorée depuis quinze ans, grâce à la meilleure connaissance de l’entité fonctionnelle du dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral, et grâce à des
mesures thérapeutiques adaptées : soins de nursing, nutrition entérale, prévention des risques d’aspirations trachéales, levée de l’obstacle ventilatoire (s’il est
majeur) par trachéotomie, prise en charge du RGO et de l’hyperactivité vagale.
Les désordres oesophagiens sont fréquents et semblent résistants au traitement anti-reflux classique. BAUJAT et al (2001) identifient une configuration
manométrique peu commune.
Les difficultés ORL doivent être dépistées et prises en charge dès l’âge
d’un an (MEDARD et al 1999). NOWAKOWSKA (2000) montre qu’entre 3 et
8 mois, 93.3% des enfants de leur population présente un dysfonctionnement de
la trompe d’Eustache.
Le pronostic vital et développemental des PR isolés a été radicalement
amélioré. Un effort doit être maintenant entrepris pour réduire l’aspect iatrogène
de ces techniques, sans perdre les bénéfices de stimulations psychomotrice et
sensorielle visant à accélérer les processus de maturation spontanée de la corticalisation de l’oralité à travers une prise en charge psychomotrice et kinésithérapique au début de l’hospitalisation.
Notons que les désordres d’alimentation sont toujours présents, mais que
le type de désordre varie d’un enfant à l’autre.
♦ Les deux oralités alimentaires et verbales
Une homologie de développement apparaît dans le processus de la verbalisation et de l’alimentation. Les praxies de mastication et celles du langage se
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mettent en place parallèlement en utilisant les mêmes organes et les mêmes
voies neurologiques.
Au cours de la première année de vie, l’oralité primaire, succionnelle,
réflexe, est progressivement doublée puis relayée par une nouvelle stratégie alimentaire : la praxie à la cuillère, c’est le début de l’oralité secondaire, corticale.
Cette double stratégie alimentaire orale correspond à la superposition, pour un
temps, de deux stades de maturation neurophysiologique du bébé.
Notons que l’enfant avec une SPR, allant d’une dysoralité moyenne à une
dysoralité majeure, ne passe pas par le stade de la double stratégie alimentaire.
♦ La fonction orale : première expérience de l’angoisse et du conflit.
L’évolution globale de l’enfant se fait autour des fonctions du carrefour
aérodigestif : respiration, déglutition, succion, mastication, praxies orales, phonation.
L’examen clinique de la déglutition (temps buccal), du bavage, de la mastication, de la qualité d’interaction entre la mère et l’enfant, de la position de
l’enfant pendant l’alimentation est nécessaire dans tout examen clinique orthophonique de l’enfant avec une SPR.
Les plaintes sont le plus souvent une difficulté pour mordre, un refus d’alimentation, l’exclusion des solides, un reflux nasal, des vomissements, un bavage.
A l’examen nous retrouvons des résidus sur la langue, un mauvais
contrôle de la motricité linguale, une progression de l’aliment mal contrôlée,
une perte prématurée de liquide, une déglutition en plusieurs essais.
La déglutition peut alors devenir le symbole de l’acceptation de l’incorporation alimentaire. Génératrice d’angoisses, elle correspond au mouvement
par lequel nous franchissons la frontière entre le dehors et le dedans, entre le
monde extérieur et notre intimité digestive. La diversification alimentaire et
l’utilisation de nouveaux outils, comme la cuillère puis la fourchette vont réellement caractériser la signification de la bouche comme médiatrice entre le dehors
et le « moi intestinal » commençant à partir du voile du palais.
Soulignons l’origine différente de la bouche et du pharynx. La bouche
est constituée d’ectoderme, de la peau internalisée, elle communique en
arrière avec le pharynx qui lui a une origine endodermique, le pharynx a la
même origine que l’intestin. Le voile du palais et la langue correspondent à
ce passage ectoderme-endoderme et sont à l’origine de la catastrophe d’ingestion.
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Angoisse d’avaler, angoisse pour la nouveauté, troisième angoisse pour
l’enfant alimenté par gavage, celle de mettre dans sa bouche.
Nous sommes à l’entrecroisement de fonctions neuropsychologiques spécifiques et génétiquement programmées et de la mise en place de processus
affectifs, à travers lesquels est impliquée l’histoire propre des parents.
♦ L’éducation gnoso-praxique orale et l’accompagnement parental
dans le cas de fente postérieure avant trois ans.
Dans de nombreux syndromes, nous retrouvons une hypotonie orofaciale,
peu de différenciation des mouvements de la pointe de la langue, de mauvais
mouvements latéraux, une mauvaise coordination succion-déglutition, une
absence de mastication des solides, une hypersensibilité buccale, une postériorisation sur de nombreux phonèmes, une déperdition nasale.
Objectifs de l’éducation gnoso-praxique orale
- Elle aide l’enfant à prendre confiance en lui, permet de rompre la compacité de la relation mère/enfant, pour enfin engager celui-ci vers la voie
de l’autonomie ; elle doit essayer de rendre plus serein le climat autour
du repas et ainsi l’enfant peut s’insérer socialement.
- Elle restaure l’oralité alimentaire en évacuant la peur et le dégoût
engendrés par le contact des aliments avec la bouche et la manipulation
de la nourriture, elle doit créer la sensation de faim.
- L’enfant peut prendre conscience de ses possibilités perceptivo-motrices
et augmenter ses compétences face au comportement inadapté.
Mise en place du soutien orthophonique
Il est important de montrer aux parents :
- Les jeux bucco-faciaux (praxies labio-linguo-jugales) permettant l’éducation phonologique.
- Les jeux de souffle, la différenciation orale/nasale amenant à l’équilibrage des flux ventilatoires.
- Les jeux favorisants l’éclosion du langage et rétablissant la boucle
audio-phonatoire (attention portée à ce que dit l’enfant et non à la
forme de sa parole).
- Education perceptive et sensibilisation aux caractéristiques des sons.
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- Le retour à la sensorialité :
• le toucher : jeu avec le sable, la pâte à modeler, sentir les différences
entre doux et rugueux, pointu et rond, chaud et froid, mou et dur…la
texture et le travail du toucher de la nourriture.
• apprendre les différentes qualités de l’aliment : sa couleur, son aspect
avant la consommation avec le support de l’image.
• L’olfaction : l’odeur est soumise à l’apprentissage, il faut donc l’éduquer.
• La gustation : la saveur, le salé est souvent préféré au sucré chez les
enfants présentant des problèmes d’alimentation.
Tous ces « jeux » doivent permettre la régression en prenant en compte la
sensibilité individuelle et les conflits surajoutés ; les différentes thérapeutiques
visant à faire manger l’enfant et le faire grossir, doivent lui permettre de trouver
le plaisir de manger et par conséquent d’échanger.
L’accompagnement parental précoce
L’accompagnement parental consiste en la mise en place d’entretiens où
l’empathie joue un rôle essentiel qui vise à maintenir et à favoriser les liens interpersonnels, un espace d’écoute de la souffrance des parents permettant un soutien
et une véritable réhabilitation narcissique, une réhabilitation de la démarche
parentale dans un registre qui n’est plus celui du déni ou de la culpabilité.
Soulignons la détresse des mères qui ne peuvent nourrir « normalement »
leur enfant.
Les parents sont le plus souvent soucieux d’apporter une aide effective à
leur enfant. Cependant, ils font preuve d’anxiété et de maladresse et ne font pas
forcément le rapprochement entre les difficultés auxquelles ils se heurtent dans
l’alimentation de leur enfant, les difficultés de succion-déglutition et les problèmes de parole (oralité alimentaire et oralité verbale).
Il faut renforcer les tendances positives des parents et les inciter à adopter
certains comportements, les rendre créatifs, actifs. Les exemples sont essentiels
car ils les reprendront plus ou moins consciemment avec leur enfant.
♦ L’éducation gnoso-praxique orale dans la prise en charge
orthophonique de l’enfant de plus de trois ans présentant une fente
postérieure.
La prise en charge orthophonique est motivée par :
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- une inquiétude trop manifeste des parents et une attitude néfaste face à
la parole de leur enfant,
- un retard de parole et ou de langage,
- un travail spécifique de la voix, du souffle, de la ventilation nasale, une
éducation plus fine des praxies orales, afin de supprimer d’éventuels
mécanismes de compensation.
- une difficulté pour l’enfant à recouvrer une alimentation par voie orale.
La rééducation orthophonique
Il faut éviter les mouvements de compensation, les tics, les syncinésies et
améliorer le timbre de la voix et la phonation ;
La rééducation dépend de la classification de la phonation, le plus souvent nous rencontrons les PH I, PH II, PH III, PH mixtes.
Phonation I :
L’intelligibilité est bonne, il n’existe pas de nasonnement. Cette phonation peut se réaliser par une fermeture normale en clapet, mais aussi par une fermeture sur les végétations adénoïdes ou une occlusion sur de grosses amygdales, parfois par adjonction d’importants mouvements pharyngés après de
nombreux exercices de souffle.
L’indication de l’adénoïdectomie et/ou de l’amygdalectomie doit être
dûment pesée.
Des troubles d’articulation, une ventilation buccale, un retard de
parole/langage peuvent exister et être rééduqués.
Phonation II :
L’enfant présente une insuffisance vélaire rendant sa parole plus ou moins
intelligible, dont la cause est soit la brièveté du voile, soit sa non-mobilisation ce
qui entraîne une déperdition nasale, un nasonnement. Nous rencontrons de mauvaises habitudes comme le souffle nasal et le ronflement nasal. Les exercices de
souffle, de relaxation, de respiration sont dans un premier temps nécessaires.
Phonation III :
La déperdition est intense et nuit grandement à l’intelligibilité de la
parole. Ils utilisent des mouvements articulatoires anormaux (coup de glotte et
souffle rauque) ; toutefois ces mouvements de compensation se rencontrent fort
heureusement de moins en moins et ce grâce à la plus grande précocité du traitement chirurgical primaire et à l’accompagnement parental.
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Phonation I/II :
La parole est intelligible, en voix projetée, mais une déperdition nasale
est notée pour certains phonèmes en voix conversationnelle. Cette phonation
deviendra phonation I après rééducation. Les exercices de voix et de respiration
sont une aide précieuse pour déconditionner les mauvaises habitudes.
Phonation II/I :
La déperdition nasale est constante mais le voile peut fermer dans l’effort.
Orientée sur les exercices de souffle, la rééducation portera sur tous les points
cités ci-après.
Principes généraux de la rééducation : (C.Thibault., F.Vernel-Bonneau 1999)
Exercices de souffle :
Ces exercices doivent aider à diriger et à discipliner le souffle, à assurer son
orientation et sa durée, de difficulté croissante, ils sont à pratiquer au quotidien.
Exercices pour améliorer la ventilation nasale :
On apprend le mouchage, le nettoyage du rhino-pharynx avec des solutés
physiologiques d’eau de mer et des exercices de balayage (bouche ouverte, tirer
la langue droite, la rentrer en balayant la pointe sur le palais jusqu’à la luette,
puis déglutir).
Le massage des narines, les stimulation des muscles du nez calment, soulagent, libèrent et favorisent une meilleure ventilation.
Exercices de relaxation et de respiration :
Il s’agit de faire sentir à l’enfant les mouvements de va et vient de son
ventre qui accompagne les deux phases de sa respiration et ainsi l’aider à trouver son propre rythme respiratoire sans rallonger le temps d’inspiration ni celui
de l’expiration.
Exercices pour améliorer la voix :
Exercices de différenciation du mode d’articulation oral/nasal.
Exercices de voix modulée, projetée, chantée. La notion d’espace vocal
est fondamentale ainsi l’enfant apprend à mieux s’écouter et à écouter l’autre.
Rééducation du comportement neuromusculaire de la sphère oro-faciale :
Ce travail proprioceptif développe et affine la motricité des lèvres, des
joues, de la langue.
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De façon à rompre avec les mauvaises habitudes et les mécanismes de
compensation, il convient de tout mettre à plat et de restituer une certaine dynamique. Toute la fonction musculaire va être exploitée, les différentes zones
feront l’objet d’un travail dissocié dans cette drôle de gymnastique.
Ce travail se fait selon quatre directions :
- agrandissement des résonateurs.
- détente générale de la musculature.
- prise de conscience des tensions et précisions des actions musculaires.
- indépendance des actions musculaires.
Il faut apprendre à l’enfant à connaître sa bouche.
La musculation des lèvres, le travail des masséters favorisent la fermeture
labiale, augmentent les dimensions intérieures du pharynx et desserrent l’ensemble de l’appareil vocal. Il faut impérativement travailler l’avancée de la
langue pour dégager le pharynx, l’agilité de sa pointe et la non-contraction de sa
racine. Il est important d’obtenir la platitude de la langue.
Exercices pré-articulatoires :
Il est important dans un premier temps de dissocier le mouvement à
effectuer de la perception du son, de redonner des stéréotypes fonctionnels.
Il est recommandé d’antérioriser les points d’articulation et de concevoir
les occlusives dans le souffle.
Tous ces exercices entrent souvent dans le cadre d’une rééducation plus globale d’un retard de parole/langage. Toute intervention orthophonique doit porter
bien évidemment sur le rapport général de l’enfant avec le langage : construction
de la phrase, conscience de la phonologie, précision du lexique, conscience de la
syntaxe, augmenter la capacité à faire du discours, à traiter l’information verbale.
Après rééducation orthophonique, en concertation avec le chirurgien, une
indication de vélo-pharyngoplastie est posée avant l’entrée en classe de CP, justifiée par une déperdition nasale entravant l’intelligibilité de la parole.
♦ Conclusion
Soulignons l’importance de la prévention, de l’accompagnement parental et
de la rééducation orthophonique mise en place le plus tôt possible : des praxies
plus rapidement et plus correctement acquises permettent à l’enfant de mettre en
place une articulation plus précise, sans moyen de compensation ; par conséquent,
l’enfant améliore sa fermeture labiale, son agilité linguale, sa ventilation nasale.
Sa parole est alors plus intelligible et permet de meilleurs échanges au sein de la
famille, donc une normalisation de la relation mère-enfant.
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L’étude de Kapp-Simon et Krueckeberg (2000) rapporte que les enfants avec
une SPR obtiennent les scores les moins élevés à l’échelle de Bayley entre 4 et 36
mois, les risques de retard de développement pendant la deuxième année de vie se
rencontrent plus fréquemment chez les enfants qui ont montré des retards dans l’acquisition des capacités perceptivo-motrices pendant la première année de leur vie.
Les résultats de l’étude de Fair et Louw (1998) montrent qu’une intervention régulière et précoce avec de jeunes enfants entre 5 et 28 mois présentant
une SPR donne des résultats positifs spécialement sur les habiletés langagières.
Toute intervention doit non seulement prendre en compte l’âge et les
apprentissages de l’enfant, mais également revêtir une dimension dynamique.
Incluant le milieu familial, l’intervention précoce doit être de nature
développementale et reposer sur une identification précise des conduites de
l’enfant dans le domaine cognitif, pré-linguistique, linguistique et moteur. De
plus, l’intervention précoce vise à prévenir les difficultés de parole, le risque de
difficultés d’apprentissage et de réalisation sociale de l’enfant.
Après investigation et synthèse, l’équipe pluridisciplinaire sera à même de
révéler un déficit qui nécessite une action afin d’en limiter les conséquences
néfastes. Elle devra être attentive au fait de ne pas « étiqueter » cette population à
risque alors qu’une partie seulement de cette population se révèlera ultérieurement
en difficulté. Elle se devra également de demeurer vigilante face à un interventionnisme de type « normatif », et laisser s’exprimer les variations individuelles.
En effet, d’un dépistage précoce et objectif, dépendent une rééducation et
un soutien pédagogiques efficaces.
Soulignons que nous rencontrons de nombreux enfants présentant des difficultés visuo-spatiales et des habiletés sociales inadéquates.
Enfin, l’enfant opéré de fente palatine syndromique devra être suivi pendant toute son enfance par les différents acteurs soignants. Une personnalisation
de la prise en charge (psychomotricité, psychothérapie, le plus souvent
mère/enfant, orthophonie) permettra à l’enfant et à sa famille de se vivre et de
se reconnaître en tant qu’entité propre et se tourner vers l’avenir avec confiance.
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Fentes oro-faciales : une première expérience
de prise en charge
Sophie Dokhan
Résumé
La prise en charge d’un enfant présentant un syndrome de Pierre Robin peut apparaître très
obscure pour tout orthophoniste non initié.
Cet article relate l’expérience que j’ai vécue au cours de ma première prise en charge de
cette pathologie.
Mots clés : syndrome de Pierre Robin, incompétence vélo-pharyngée, trouble de l’oralité
Oro-facial cleft conditions : an initial treatment experience
Abstract
Treating a child with Pierre Robin syndrome may appear complicated to those speech therapists who have no experience in this particular field.
This article summarises my experience as a therapist dealing with this condition for the first
time.
Key Words : Pierre Robin syndrome, velo-pharyngeal incompetence, speech therapy
Rééducation Orthophonique - N° 216 - Décembre 2003
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Sophie DOKHAN
Orthophoniste
2 rue Raymond Frot
77690 Montigny-sur-Loing
[email protected]
A
ccepter ou non une prise en charge faisant appel à des compétences
voire à des connaissances que l’on maîtrise mal, voilà la question que
n’importe quel orthophoniste s’est posé un jour face à un appel téléphonique de parents ou d’un patient nous demandant un rendez-vous.
Si certains troubles, bien que mal connus par l’un ou l’autre d’entre nous,
appellent une rééducation évidente, d’autres en revanche apparaissent comme
particulièrement obscurs du fait qu’ils touchent une zone anatomique sur
laquelle nous ne sommes pas habitués à travailler.
Il est fréquent de connaître nos collègues de proximité et d’envoyer alors
le patient en question vers celui ou celle plus spécialisé que nous dans ce genre
de rééducation.
Or il arrive un jour que nous soyons obligés, malgré tout, de nous
lancer dans une prise en charge dont la rééducation nous échappe
quelque peu.
C’est ce qui m’est arrivé avec la petite Pauline et c’est cette expérience si
enrichissante que je vais développer ici.
♦ Prise de contact
C’est un matin de bonne heure que la mère de Pauline me téléphone pour
la première fois. Elle m’expose le cas de sa petite fille suivie à l’hôpital Necker
et présentant un syndrome de Pierre Robin caractérisé, pour ce qui me concernait, par une fente palatine, un nasonnement très prononcé, un trouble de l’oralité alimentaire et un retard de parole et de langage.
Après avoir écouté plusieurs minutes, sans oser l’interrompre, cette
maman anxieuse et tellement inquiète, je l’envoie, certaine de la rassurer, vers
un cabinet spécialisé dans ce genre de prise en charge à une quinzaine de kilomètres de son domicile.
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Mais, à mon grand étonnement, la maman est formelle, elle a quatre
enfants et ne veut pas faire quarante minutes de trajet trois fois par semaine.
La petite doit donc être suivie par moi (a priori spécialisée en neurologie).
L’équipe soignante de l’hôpital Necker est au courant et elle m’assure que tous
proposent de m’aider et de m’épauler à chaque étape de cette rééducation.
Je raccroche après lui avoir fixé un rendez-vous une semaine plus tard ce
qui me laissait le temps de me documenter sur ce fameux syndrome de Pierre
Robin dont j’avais si peu entendu parler quelques minutes auparavant (où êtesvous très chers aphasiques, traumatisées crâniens et autres Alzheimer dont je
maîtrise tellement mieux la prise en charge !)
♦ Retour à la théorie
Je commence alors à me reformer sur toutes ces notions enseignées il y a
pour moi dix ans et que, bien sûr faute d’expérience, j’avais totalement
oubliées.
J’essaie de m’imprégner d’anatomie, de toutes sortes de schémas, de
fentes faciales, labiales, labio-maxillaire vélo-palatine et des traitements chirurgicaux proposés, du rôle de l’orthophoniste passant d’abord par un accompagnement parental puis par une rééducation à proprement parler.
Petit à petit les notions reviennent et les lacunes commencent à se combler.
Moi qui, quelques jours auparavant, avais voulu envoyer cette petite fille
consulter ailleurs, voilà que je commence à attendre ce premier rendez-vous
comme une démonstration réelle de tout ce que je venais de réapprendre.
♦ Le bilan
Le jour du bilan arrive et je vois entrer une dame suivie d’une petite fille
de 2 ans et demi qui s’accroche à elle autant qu’elle le peut. La petite ne sourit
pas, elle a peur.
Après avoir côtoyé tant de blouses blanches, être passée par tant de
chambres d’hôpital, de salles d’opération et de réveil, je suis la nouvelle et je
sens que par là même je lui parais antipathique.
Je la regarde, lui souris, elle ne cille pas, elle semble terrorisée.
L’entretien commence.
Pauline est la benjamine d’une famille de quatre enfants, elle a trois sœurs.
Un mois avant le terme, alors que la grossesse de la maman se déroulait
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normalement sans aucun souci, on découvre un problème cardiaque sur le
fœtus. Une échographie spécialisée sur Paris est effectuée en urgence et le diagnostic d’une myocardiopathie est posé. A partir de là, tout s’enchaîne : programmation de l’accouchement et découverte à la naissance que la myocardiopathie est associée à une séquence de Pierre Robin de grade 2.
Pauline est alors emmenée en réanimation avant d’être transférée dans le
service de cardiologie puis de pédiatrie.
A chaque fois, on ne laisse que peu d’espoir aux parents. Mais malgré ce
qu’on leur avait annoncé, Pauline s’accroche et vit.
A trois mois et demi, première opération chirurgicale dont le but est de
stopper le reflux gastro-œsophagien et mettre en place une gastrostomie destinée à remplacer le gavage par le nez.
Le retour à la maison de Pauline se fait dans la foulée, mais à onze mois,
le chirurgien maxillo-facial ferme la fente palatine par une nouvelle intervention
chirurgicale
Depuis, il n’y a pas eu d’autre hospitalisation ni acte chirurgical.
Pauline retourne quand même régulièrement à Necker pour être vue en
pédiatrie, en chirurgie maxillo-faciale et en ORL afin de contrôler chacun des
domaines de son évolution.
L’entretien avec la maman se termine : elle a compris qu’il s’agira ici de
rééducation, ce travail qui vient souvent quand le plus dur est passé. Je la sens
confiante. Ce lieu deviendra pour elle l’endroit où Pauline finira de devenir une
petite fille comme les autres.
Pauline quant à elle n’a pas bougé. Les feuilles et les feutres que je lui
avais proposés sont restés à leur place. Elle vient d’entendre pour la énième fois
toute son histoire.
J’ai décidé alors que je ne m’approcherai pas trop d’elle ce jour là. Je lui
prends juste la main quand elle s’en va et lui annonce que je la reverrai.
♦ Début de rééducation
La diminution du gavage est la première priorité : il faut donc que Pauline
parvienne à déglutir ce qui, pour le moment, est impossible bien qu’il n’existe
plus de trouble organique de la déglutition et qu’elle ne fait pas de fausse route.
Pauline refuse seulement d’avaler. Sa praxie orale est perturbée avec une stagnation des aliments dans les joues. Rien ne peut être propulsé vers l’arrière par peur
de déglutir. Les aliments ainsi mastiqués et conservés sont ensuite recrachés.
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Je l’attends pour la première séance munie de petits pots de compote et de
petits suisses à tous les parfums.
A l’heure dite, Pauline arrive et je lui sors très fière tout mon panier à
provisions, certaine de la tenter.
Pauline regarde tour à tour chacune de mes victuailles ainsi que la dînette
que j’avais mise en évidence pour l’appâter. Puis elle me regarde et sans plus de
cérémonie se dirige vers les poupées de chiffon rangées à l’opposé de tout ce
que j’avais préparé.
Quelle ingénieuse idée ! Nous voilà toutes les deux à donner la compote
aux deux poupées qui n’ouvrent pas plus la bouche que ma petite patiente.
Il a fallu plusieurs séances pour que Pauline accepte une petite cuillère de
compote, et alors que n’importe quel enfant l’aurait avalée aussi vite, Pauline la
garde effectivement dans sa bouche une dizaine de minutes et la déglutition provoque aussitôt un réflexe nauséeux.
Plusieurs mois ont été nécessaires pour parvenir à une déglutition réflexe
du bol alimentaire. Mais avec quelle satisfaction !
Petit à petit de nouveaux aliments ont été introduits tels que des purées
aux goûts et textures divers ainsi que des liquides aux parfums variés.
Nous étions parvenus à bout de notre première mission. Pauline commençait à me faire confiance.
♦ Poursuite de la prise en charge
Notre deuxième objectif est travaillé en même temps que le troisième. Il
s’agit d’une part de réduire le nasonnement en atténuant ou mieux encore en
supprimant la déperdition nasale et d’autre part de mettre en place une rééducation de la parole et du langage.
Pauline est maintenant totalement à l’aise dans la prise en charge. Elle
arrive heureuse, toujours de bonne humeur, elle est encore une petite fille fragile, souvent malade et beaucoup de séances sont donc annulées. Mais quand
elle est présente, c’est un vrai rayon de soleil.
Nous commençons pratiquement chaque séance par quelques minutes de
relaxation et de prise de conscience de chacune des parties de son corps avec
lesquelles Pauline doit être réconciliée.
Une petite baleine en plastique léger posée sur le ventre montre à la petite
fille comment celui-ci se gonfle et se dégonfle quand l’air entre et sort. Les bras,
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les jambes, la tête et le cou sont manipulés dans un but de relâchement extrême.
Ce moment de relaxation est le moment préféré de Pauline qui part à chaque
fois dans un fou rire lorsque je joue l’étonnée devant un bras ou une jambe qui
reste en l’air alors qu’il aurait du retomber lourdement sur le matelas.
Puis viennent les exercices de souffle avec tous les engins possibles et
imaginables. Pauline doit apprendre à gérer son souffle et à le moduler en
fonction de ce qu’on lui demande. Souffle fort pour une dizaine de petites
bulles de savon mais souffle léger et retenu pour une bulle qu’on essaye
énorme. Course de boules de sarbacanes de toutes les couleurs afin de voir
laquelle va être envoyée le plus loin. Paille dans un verre d’eau avec la
consigne de maintenir le liquide dans le récipient ou au contraire de le faire
déborder.
Quant aux exercices praxiques, chaque partie de la sphère oro-faciale est
d’abord travaillée individuellement puis nous utilisons tous les muscles en
même temps pour faire des grimaces et nous enlaidir. Laquelle de nous deux
sera aujourd’hui la plus affreuse devant le miroir ?
La rééducation de l’articulation, de la parole et du langage doit aussi trouver une place : lotos, dominos et pictogrammes entrent alors en jeu.
Le phonétisme est monté mais les phonèmes postérieurs ainsi que l’occlusive sonore « d » sont encore impossible à obtenir.
La rééducation est chargée et les séances toujours trop courtes. Tout doit
être travaillé mais Pauline n’a que 5 ans et il faut parfois pouvoir faire autre
chose.
La petite fille inquiète et inhibée est devenue une petite fille joyeuse
même si elle reste encore très réservée à l’école encore soucieuse de parler
devant ses camarades. Et ceci parce que malgré le travail effectué avec beaucoup de sérieux le nasonnement de Pauline reste encore très prononcé.
Pauline doit donc être revue à Necker pour subir une pharyngoplastie.
Il n’y a pas pour l’instant de fin prévue à la rééducation de Pauline qui
sera sans doute longue. Je la garde avec bonheur.
♦ Conclusion
Dans cet article, vous l’avez compris, je ne prétends nullement me décrire
comme une « spécialiste » dans la rééducation du syndrome de Pierre Robin
puisque chaque étape de cette prise en charge m’a été « soufflée » par des professionnels spécialisés dans ce genre de troubles.
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Cet article n’a donc pour but que de témoigner de la satisfaction qui nous
envahit lorsque nous acceptons une prise en charge à laquelle nous ne sommes
pas formés et que nous découvrons, pas à pas, lorsque des collègues compétents
se rendent disponibles et partagent leur savoir.
J’ai largement été remerciée, par ces mêmes professionnels, de me « lancer ». À moi maintenant de dire merci à ceux qui m’ont permis de faire la
connaissance de cette petite Pauline.
REFERENCES
ABADIE V. (2000). Syndrome de Pierre Robin. Rééduc. Orthoph., 205, 89-94.
THIBAULT C, BREAU C (2001). L’oralité perturbée chez l’enfant avec syndrome de Pierre Robin.
Rééduc. Orthoph., 205, 95-104.
MONTOYA y MARTINEZ P., BAYLON-CAMPILLO H. (1996). L’incompétence vélo-pharyngée Exploration et prise en charge thérapeutique. L’Ortho Edition, 215 pp.
VERNEL-BONNEAU F., THIBAULT C. (1999). Les fentes faciales - Embryologie, rééducation, accompagnement parental. Paris : Masson, 116 pp.
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Une prise en charge orthophonique d’un enfant
présentant une séquence de Pierre Robin
Véronique Maire
Résumé
Cet article relate la prise en charge orthophonique d’un enfant présentant une séquence de
Pierre Robin.
Loin d’être une simple rééducation centrée sur le souffle et l’articulation nous allons voir que
ces pathologies de la face relèvent d’une prise en charge multi-modale dont la restructuration du schéma corporel en est la clé de voûte.
Mots clés : fentes oro-faciales, séquence de Pierre Robin, schéma corporel, perceptions,
langage.
Speech and language therapy in a child with Pierre Robin syndrome
Abstract
This article describes the implementation of a speech therapy program in a child with Pierre
Robin syndrome.
Far from requiring simple remediation of breathing and articulation, these facial pathologies
necessitate a pluralistic approach that involves the restructuring of the child’s knowledge
regarding his body and the development of a positive body image.
Key Words : cleft palate, Pierre Robin syndrome, knowledge of one’s body, perception, language
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Véronique MAIRE
Orthophoniste
63bis rue Lamartine
10300 Sainte Savine
♦ Compte-rendu du suivi de Jean
Jean est arrivé à mon cabinet en novembre 97, à l’âge de 3 ans. Il présente une séquence de Pierre Robin II dû à une collagénopathie familiale. Opéré
d’une uranostaphilloraphie à l’âge de 9 mois. Ses nombreux troubles O.R.L.
persistants ont entraîné une hypoacousie de transmission, non appareillée.
Sa prise en charge débute très tôt et la démarche rééducative apparaît, au
départ, très simple : exercices praxiques, de souffle, et d’articulation. Mais malgré un travail régulier et une bonne volonté évidente, les progrès sont lents et
l’enfant a toujours autant de difficultés à réaliser les exercices.
Il m’apparaît alors que Jean n’a pas de représentation de sa personne physique, pas de connaissance de son corps.
De plus, à une incoordination motrice linguale et buccale, se surajoute
une hypersialorrhée et des problèmes de bavage par hypotonie de la sangle
labio-jugale.
N’ayant aucun potentiel kinétique et sensoriel, il ne peut concevoir son
articulation et les mouvements du visage. Je décide alors de réorienter mon travail et de remonter à la source : le corps. La rééducation va suivre alors trois
axes qui vont me permettre de redonner une organisation de soi, une représentation mentale du corps et donc amener à une meilleure perception :
I - Restructuration corporelle.
II- Amélioration des perceptions.
III- Travail de la voix
Restructuration corporelle et massages
La restructuration du schéma corporel commence par des auto-massages
selon la méthode inspirée du « Do-In ». Ce sont soit des tapotements, soit des
lissages de la pulpe du pouce ou de tous les doigts sur le crâne, le visage, les
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bras, les jambes. Nous pratiquons face à face car le feed-back visuel du miroir
vient s’interposer aux sensations kinétiques et perturber l’enfant.
Néanmoins, même devant moi, il a toujours beaucoup de difficultés à
orienter ses gestes, à coordonner les deux mains : succession et sens du mouvement sont sources de problèmes. Par exemple, il remonte vers l’épaule à partir
du creux du coude au lieu de descendre vers le poignet. Il n’arrive seulement
pas à suivre la ligne d’un sourcil ou l’arête du nez.
Malgré ces difficultés, je persiste quand même à lui proposer cet abord
très corporel car les massages permettent de réhabiliter la notion de plaisir dans
le respect du corps restructuré.
On retrouve en effet souvent chez ces enfants opérés très tôt de la face, un
flou dans la constitution de leur image et une perte du plaisir du toucher. Plus le
ressenti de l’enfant est gratifiant, plus son image corporelle est précise.
De plus, les massages constituent une pratique particulièrement adaptée
de communication et d’écoute. Ils réduisent les attitudes de défense et de blocage. Cela m’a beaucoup aidé dans l’abord du bégaiement dès son apparition,
quelques temps après le début de la prise en charge.
Cette prise de conscience de soi, cet éveil spontané permettent aussi de
développer les qualités de concentration.
Amélioration des perceptions - « Relaxation active »
Peu à peu, le corps mieux structuré et mieux appréhendé me permet de
travailler les mouvements corporels grâce à la « Relaxation active ». Celle-ci se
compose de mouvements des bras, des épaules, de tout le corps, sorte de chorégraphie présentée sous forme de jeux (le lancer de feuilles, le plongeon,
l’échelle...).
Elle enrichit la découverte de son corps et affine la perception du schéma
corporel. C’est avant tout une prise de conscience des sensations provoquées par
un mouvement. C’est aussi apprendre à réaliser un geste avec le minimum de
contraction musculaire : premier pas vers la contraction « minimale mais suffisante ».
Cette recherche de la maîtrise d’une tension est particulièrement intéressante dans des périodes de fortes dysfluences avec la possibilité d’aborder
ensuite des exercices comme le « bégayage inverse, le parler relax ».
Tout effort crée des tensions donc des blocages. La « Relaxation active »
apprend à laisser faire, à lâcher prise. Il n’y a pas de recherche de résultats car
cela entraînerait forcément une tension. Ne dit-on pas « être tendu vers un but »!
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Donc, comme il n’y a pas de but à atteindre, il n’y a pas de notion d’échec. Ce
que ressent chacun, ne peut être ni bien, ni mal, pas de perfection à atteindre
comme se l’impose le bègue dans sa parole.
La relaxation, comme les auto-massages, se déroule dans le silence : l’enfant n’a pas à parler. Seul, l’intervenant prodigue les quelques conseils utiles à
la réalisation de l’exercice. Mais c’est un silence riche de l’écoute de nos sensations, riche de la présence de l’autre : apprendre le silence, apprendre à écouter
son interlocuteur.
« Relaxation active » : active car à l’inverse d’autres relaxations dont le
désir est l’oubli, la rêverie, l’évasion, notre souci est ici, au contraire, un éveil
de plus en plus intense de notre état de conscience, de notre immersion dans
l’ici et maintenant.
Les auto-massages sont une découverte du corps, la relaxation est la
découverte des rapports constants entre son corps et son environnement.
Cette mise en harmonie m’a ensuite permis d’aborder des exercices plus
classiques de détente loco-régionale en utilisant des mouvements instinctifs tels
que les étirements, le bâillement, le soupir et le rire.
Travail vocal
Ainsi préparé, Jean peut aborder les premiers exercices de voix.
La thérapie de la voix ou par la voix débute souvent par une recherche
d’un équilibre psychosomatique nécessaire à une bonne communication détendue et aisée. Nous réalisons donc un travail sur la statique corporelle, le port de
tête, le regard, l’ouverture du thorax, l’ancrage au sol ….
Des dessins illustrant les différentes qualités vocales (intensité, hauteur,
timbre, rythme), nous permettent de mieux comprendre puis reproduire de
courtes phrases vocales chantées (cf le livre de J. Perrier).
De petites saynètes sont jouées en faisant varier les intonations pour
transcrire différents sentiments ou personnalités : ex. dire une même phrase sur
différents tons : « bonjour » ou « Ah ! voilà le chien » (cf. le livre de P. Gravollet). Nous jouons avec notre voix pour mieux la réincarner, pour qu’elle
devienne le véhicule fidèle de nos idées et de nos émotions.
Pour lutter contre la pression temporelle, nous chantons en marquant le
tempo à l’aide de la main ou d’un instrument et parfois nous changeons ou accélérons le rythme de plus en plus. Les comptines à doigts de notre enfance font
ici merveille.
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Le mime est aussi un bon médiateur gestuel car il permet de nous libérer
de la parole. Mais pour Jean, il s’avère pour l’instant assez peu efficace car ses
gestes sont toujours étriqués (comme les praxies), imprécis et même parfois ils
ne correspondent pas à l’action mimée. Il a encore du mal à se projeter dans
l’imaginaire.
Nous sommes bien loin, j’en conviens, d’une rééducation classique basée
sur le souffle, les praxies bucco-faciales et l’articulation. Mais il n’est pas possible de construire une parole sans avoir au préalable consolidé et unifié le
schéma corporel. Une représentation mentale claire de son corps est un préalable indispensable au bon développement du langage. Permettre à l’enfant de
réincarner sa parole, de réinvestir de manière positive son corps est un travail de
longue haleine qu’il faut construire petit à petit avec parfois des tâtonnements
mais toujours avec confiance.
♦ L’accompagnement parental et familial
Guidance parentale
Tout au long du suivi de ces deux enfants, le rôle des parents a été primordial par la régularité et le sérieux dans les rendez-vous et surtout par la
confiance que la maman a tout de suite accordée à tous les intervenants médicaux et para-médicaux.
Même si, à l’apparition du bégaiement, une guidance parentale n’a pu
être mise en place du fait de la séparation des parents, les conseils ont pu être
distillés au jour le jour et ont été bien suivis.
Il a fallu beaucoup de temps à la maman pour dépasser son angoisse et
changer son regard sur son fils.
Cela était fondamental pour Jean car tout enfant se construit aussi à travers
le regard que l’on pose sur lui. Et même si, selon Françoise Dolto, l’image de soi
se construit dans les premiers instants de vie, ce regard peut et doit évoluer.
Prise en charge d’Anne
Dans ces syndromes familiaux, la fratrie peut être touchée de manière différente. Anne, la sœur aînée, présente un syndrome de Stickler sans trouble orofacial à la naissance mais avec un retard staturo-pondéral et une forte myopie
évolutive.
Je suis cette enfant une première fois pour un retard de parole et langage
« classique » assez vite résolu. Mais elle m’est réadressée en septembre 2002
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car son déficit visuel s’accentue (myopie forte de –15) et entraîne d’importants
troubles en lecture et en transcription. Le placement en établissement spécialisé
est pour l’instant repoussé et nous mettons en place rapidement le suivi orthophonique.
Pour combler le manque d’apport d’informations visuelles, la rééducation
vise le développement de ses autres capacités : affinement du toucher, augmentation de sa mémoire visuelle avec prise d’indices rapides et enrichissement du
vocabulaire pour permettre une lecture plus efficace. Le but est de lui redonner
confiance car, son trouble trophique persistant, elle vit difficilement sa pré-adolescence, se renferme et somatise beaucoup.
♦ Conclusion
Nous avons pu voir ici toute l’importance du travail, sur et par le corps,
dans la rééducation des fentes oro-faciales. Il en va de même pour beaucoup
d’autres pathologies comme le bégaiement ou les troubles vocaux. Il s’agit
d’une lente réunification du corps et de la redécouverte du plaisir du langage
corporel. Redonner la parole à son corps, c’est revaloriser une image de soi pour
la construction d’une identité plus harmonieuse.
Le corps est un indispensable outil thérapeutique pour mieux réinvestir
son langage.
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La consultation prénatale et la préparation des
parents à l'intervention pour tumeur, dysplasie
et fente faciale de leur nouveau-né
Gérard Couly
Résumé
La découverte d’une fissure palatine, d’une dysplasie ou de tumeurs faciales aux stades
fœtaux par la technique à ultrasons en 2D ou en 3D, exige un accompagnement parental
prénatal. Ce type de consultation est psychologiquement nécessaire pour créer de « bonnes
conditions de naissance » et est indispensable pour une organisation adéquate de la thérapie post-natale et chirurgicale.
Mots clés : fente palatine, accompagnement familial prénatal.
Prenatal consultation: Preparing parents for the treatment of tumors,
dysplasia and facial cleft in their new born child
Abstract
The discovery of facial cleft, dysplasia or tumors at foetal stages through 2D or 3D ultrasound techniques, requires prenatal parental counselling. This type of consultation is psychologically necessary for creating "good birth conditions" and is indispensable for the adequate organisation of post natal surgical therapy.
Key Words : facial cleft, prenatal counselling
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Gérard COULY
Stomatologie et Chirurgie Maxillo-Faciale
de l'enfant
Hôpital des Enfants malades
149 rue de Sèvres
75743 Paris Cedex 15
et Directeur de l'Institut d'Embryologie
Cellulaire
et Moléculaire du CNRS
et du Collège de France UMR 7128
L
a consultation prénatale, dans le but d'organiser l'intervention néonatale
ou postnatale des malformations, tumeurs ou dysplasies de la région
faciale du foetus est le corollaire naturel de leurs diagnostics anténatals.
A partir du moment où une femme se sait enceinte, son foetus est vécu par
elle avec une sereine plénitude, dans son imaginaire comme normal, naturellement normal bien que « non vu ». L'obstétricien échographiste, en mettant un
coup de projecteur sur le foetus, sort celui-ci de sa nuit utérine et contribue à
l'instauration d'une nouvelle dyade mère-bébé. La représentation par échographie maintenant tridimensionnelle pendant la grossesse de l'anatomie et de la
morphologie foetales a changé le vécu maternel du foetus et du nouveau-né et
transformé l'imaginaire en réalité. L'échographie, en objectivant le foetus, le
fait devenir ainsi une réalité physique car celui-ci est alors observé et mesuré
lors de son développement. Il n'est plus totalement fantasmé et mystérieux.
L'annonce de l'existence de tumeur, dysplasie ou malformation faciale, est
alors génératrice d'angoisse immédiate, terrible et obsédante. Elle est généré
par le « non-vu » résultat de la distorsion entre le fantasme premier de normalité foetale et la réalité « bien réelle » révélée et objectivée par l'échographie.
L'échographie tridimensionnelle, en fournissant une imagerie proche de la
photographie d'identité du visage foetal, a changé radicalement la relation
avec les parents qui deviennent ainsi intégrés dans ce colloque si particulier
de l'échographiste et du chirurgien thérapeute. Cette situation interpelle les
parents en ce qui concerne le risque pour la vie même de leur foetus et les
décisions thérapeutiques immédiates ou différées à partir de la naissance à
mettre en oeuvre.
Ainsi, la consultation de chirurgie réparatrice pour tumeur, dysplasie ou
malformation, conseillée entre les 20ème et 30ème semaines de grossesse par
l'obstétricien échographiste, et demandée par le couple, a fini par s'imposer
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comme une « nécessité urgente et anticipatrice pour la bonne naissance » de
l'enfant. Cette consultation, ou plutôt cet entretien, a un caractère particulier car
elle concerne un être en devenir non vu physiquement mais objectivé par l'échographie tridimensionnelle. Nous l'avons conçue comme une sorte de « psychodrame » personnalisé et adapté à chaque couple ou à chaque femme si elle se
présente seule. Il est centré sur le rôle éthologique de la face humaine : son
objectif en est l'anticipation de l'intervention faciale de l'enfant à venir.
♦ La consultation anténatale pour fente faciale et l'organisation
postnatale de la chirurgie réparatrice
Elle a lieu après l'échographie de la 22e semaine, échographie qui a permis d'objectiver le caractère isolé ou non isolé de la fente. Nous n'envisagerons
pas la situation de fente s'intégrant dans une situation syndromologique grave
ayant abouti à une décision d'une interruption de grossesse. L'entretien prénatal
est pour nous une urgence et demande du temps pour sa mise en oeuvre et son
déroulement. Son contenu consiste à amener le couple dans la réalité de la dysmorphologie.
Parfois, la femme enceinte s'exprime : « avant l'échographie, je ne pensais pas que mon enfant pouvait avoir cette malformation » ou « c'est monstrueux » ou « j'aurais préféré en définitive ne pas le savoir ». En fait, tout se
passe comme si cette future mère entrait en résistance contre la réalité annoncée.
Le visage est cette partie de nous-même que nous montrons au monde et
ce faisant en interactions permanentes avec autrui. Dans la dyade, mère-bébé, le
visage du nouveau-né est l'objet de soins, d'attention, de regards, (le premier
sourire), de préoccupation constante, actuelle et projections narcissiques futures,
d'interrogations où se mêlent apparence, ressemblances et modifications dues à
la croissance. Ce rôle du visage inscrit l'enfant dans la lignée mais aussi dans le
« transgénérationnel » de par sa fonction éthologique individuelle et inter-individuelle.
Les principes de l'entretien reposent sur la vérité embryologique, biologique et anatomique du foetus. « En sortant » la femme de son fantasme de normalité foetale, cette vérité fait prendre conscience au couple de la réalité de l'accident morphologique. Puis se mettent ensuite en place le deuil de la normalité.
Ce deuil est partiel grâce au projet réparateur postnatal précoce rapidement
exposé, projetant les parents dans le futur et l'espérance d'une normalisation
morphologique. Cet entretien personnalisé informatif mais neutre, répond aux
questions, aux attentes et au besoin d'anonymat du couple. Il ne fait pas appel à
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d'autres couples ayant vécu la même situation ou à des associations ; en effet,
dans ces conditions, les informations et réponses parfois mal adaptées aux questions du couple en raison de ses caractéristiques socio-économiques, culturelles
ou ethniques paraissent un risque et sont prématurées. Les couples le demandent
exceptionnellement. Le contenu de l'entretien n'est jamais standardisé, il est
modulable, fonction du vécu dissemblable de chaque couple et semble combler
l'attente entre le moment de l'annonce de la malformation, en général, vers la
22ème-23ème semaine et l'accouchement. La femme vient seule ou accompagnée de son conjoint. Les conjoints lors de l'entretien, son réservés voire en
retrait ou muets. Pour 100 consultations récentes de diagnostic anténatal, 88
femmes sont venues en couple, 7 sont venues seules et 5 sont accompagnées de
mère, soeur, frère, enfant ou voisine. Les antécédents du couple, de la famille et
le nombre d'enfants sont recueillis en premier lieu. Puis, l'entretien se déroule en
3 actes.
- Le premier acte est pédagogique : Sont exposés de façon simple les principes
et fondements du développement embryonnaire de la face (le 40ème jour
embryonnaire, les bourgeons de la face, et leur collage). Cette étape est ancrée
dans le réel, c'est à dire fondée sur la vérité, la réalité biologique humaine du
développement et de ses modalités. Les documents photographiques utilisés
sont ceux de Lennart Nilsson et les nôtres. Le couple réagit aux documents souvent impressionnants, qui ne sont ni choquants, ni mystérieux. Des phrases
comme « nous avons tous été comme cela, votre foetus également » sont par
exemple utilisées. Ces documents issus de la réalité permettent de déplacer ainsi
l'inquiétude latente générée par l'aspect tant redouté de leur foetus. Les parents
l'expriment parfois, ils redoutent l'aspect « monstrueux et inhumain » de leur
enfant. La rationalité de ce premier acte permet de camper les idées, d'empêcher
les dérapages émotionnels et d'accrocher le couple à des documents photographiques préludant l'acte suivant, qui les concerne.
- Le deuxième acte consiste pour le couple en la confrontation à la réalité
physique de son foetus malformé. L'étude attentive de l'imagerie fournie par
l'échographie bi et maintenant tridimentionnelle, véritable photographie
d'identité du foetus, permet très souvent de préciser le type d'accident morphologique : simple, uni ou bilatéral, avec ou sans fente vélo-palatine et
ainsi de conditionner le choix du document photographique d'un nouveau-né
semblable présenté au couple parmi un panel existant. C'est l'étape la plus
douloureuse de l'entretien car elle correspond à la prise de conscience réelle
de la dysmorphologie dont est atteint leur enfant : elle consiste à présenter le
portrait d'un autre nouveau-né ayant une fente semblable car l'imagerie
échographique n'est malheureusement pas toujours explicite. Cette photo-
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graphie en portrait est associée au résultat chirurgical de la réparation de cet
autre enfant à un an, 3 ans, 5 ans ou 10 ans. La femme et parfois le conjoint
se mettent très souvent à pleurer. Ces pleurs témoignent du vécu de cette
réalité, de l'impossible rébellion et de la soumission à la situation présente.
Elle est constituée par la blessure narcissique et le deuil que cette femme ou
ce couple font de la normalité de leur foetus. Mais ce deuil nous parait partiel car dans le même temps, le résultat de la réparation est présenté, c'est la
réparation d'un autre enfant. De notre point de vue, nous pensons que l'aspect du visage du foetus du couple, obtenu de plus en plus souvent par
reconstruction échographique tridimensionnelle, n'empêche pas d'éviter
l'utilisation tant attendue des résultats chirurgicaux photographiques d'un
autre nouveau-né.
Les questions concernant cette réparation sont alors émises. C'est le troisième acte : la rapidité de la réparation après la naissance contribue également
« à réparer » psychologiquement le couple. Elle lui permet de surmonter cette
épreuve très dure, en terminant la grossesse avec une certaine sérénité.
- Ce troisième acte constructif, orienté vers l'avenir est centré par l'organisation de la réparation à partir de la naissance. Le couple et le chirurgien
vont alors oeuvrer ensemble durant quelques années ; les rôles de chacun
doivent être parfaitement définis. Revient aux parents le rôle de l'oralité alimentaire si réparateur à partir de la naissance : l'allaitement est non seulement possible mais recommandé à condition de bien préparer les bouts de
seins. Il est volontairement surévalué, car il est le facteur indéniable d'attachement réciproque et agirait en la prévention d'une rupture d'attachement. Il
revient au chirurgien d'oeuvrer pour reconstituer les structures faciales selon
les principes exposés lors de l'entretien. Les parents quittent la consultation
avec une date opératoire « en poche », ce qui pour nous est indispensable
pour « borner » d'espérance l'avenir de leur foetus, foetus devenu nouveauné. L'ensemble de l'entretien nous parait contribuer à déculpabiliser le
couple. Des compléments d'informations sont également donnés lors d'entretiens téléphoniques ultérieurs jusqu'à l'accouchement, si les parents le souhaitent.
Nous n'aborderons pas dans cet exposé l'éventuelle demande parentale
d'interruption de grossesse, située en amont de cet entretien. Parfois, lorsqu'il
s'agit de fente bilatérale, la confrontation avec la réalité de la dysmorphologie
est tellement insurmontable que certains parents demandent cette interruption
durant notre entretien.
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Le projet de réparation et sa réalisation
Le protocole utilisé dans le service de Stomatologie et de Chirurgie
Maxillo-Faciale de l'enfant à Necker-Enfants Malades est un protocole minimaliste de réparation précoce :
Au cours de la deuxième quinzaine post-natale, une première intervention
de chéilopastie de 30 à 40 minutes, sous anesthésie générale associée à l'anesthésie locale tronculaire des nerfs sous orbitaires et palatins, permet la réfection
de la lèvre, du palais primaire et du plancher narinaire grâce à une hospitalisation de 24 heures. La réparation est fondée sur les principes embryonnaires :
exérèse des excédents cutanés, réparation de la dysmigration musculaire,
reconstitution de la symétrie naso-labiale. L'allaitement au sein est tout à fait
possible en post-opératoire, même recommandé, et repris 8 heures après l'intervention. Si l'alimentation se fait par tétine et biberon avant l'intervention, elle
est apportée par petites seringues pendant une semaine jusqu'à l'ablation des fils.
Les parents sont prévenus que l'intervention transformera le visage de leur
enfant ; la possibilité de ne plus le reconnaître « transitoirement » après l'intervention est également abordé : ceci a une fonction de détente chez le couple.
Nous expliquons aux parents que la plaque palatine précoce chez le nourrisson
n'est pas nécessaire : la comparaison qualitative de l'élevage de deux effectifs
égaux de nourrissons présentant tous les mêmes fentes labio-maxillaires et vélopalatines dont l'un était constitué de nourrissons portant une plaque et l'autre
pas, n'a pas démontré la supériorité de l'efficacité de la plaque ; d'autre part, la
présence de la plaque empêche l'allaitement.
Les avantages de la réparation labio-narinaire sont exposés :
- cicatrice de plus bel aspect, de qualité dite « vagale » (proche de la
période foetale),
- reconstruction de l'appareil labial suceur, afin de « capturer » oralement
le mamelon ou la tétine.
- changement de l'aspect de l'enfant afin « qu'il soit montré » et non
caché, comme c'est souvent le cas.
Les risques inhérents sont également abordés : un accident infectieux labial
pour 2340 fentes labio-maxillaires opérées.
L'entretien se termine en annonçant aux parents qu'ils auront à masser la cicatrice, deux mois après la réparation : cette forme terminale d'implication dans le
traitement, les responsabilise dans l'atténuation future de la cicatrice.
En cas de division vélo-palatine, une deuxième intervention a lieu vers
7-8 mois lorsque l'enfant est passé à la cuillère. Le protocole opératoire est tout
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aussi minimaliste : 24 à 48 heures d'hospitalisation pour un temps d'intervention
de 30 à 40 minutes d'urano-staphylorraphie. Les enjeux orthophoniques et
orthodontiques sont exposés : guidance, exercices éventuels de souffle et appareillage.
L'échographiste, l'obstétricien et le pédiatre de famille reçoivent le
compte-rendu de l'entretien qui se termine par la proposition de date de l'intervention.
L'absence de diagnostic anténatal
Actuellement, une fois sur dix, malgré l'existence d'un diagnostic possible
par échographie, la fente n'est découverte qu'à la naissance, ce qui nous fait
vivre et revivre l'ère où l'échographie foetale n'était pas de routine.
- Soit la fente labio-maxillaire ou vélo-palatine existe déjà dans la famille
(le père ou la mère, un ou plusieurs de leurs enfants en sont déjà atteints) : la
naissance d'un nouvel enfant s'inscrit alors dans une sorte « d'éthnologie familiale ». L'enfant est, dans la circonstance, accepté, entouré. L'enfant le plus
« accepté » est celui d'une femme présentant cette anomalie.
- Soit la malformation est inconnue de l'histoire familiale du couple :
leur nouveau-né est alors vécu comme un « étranger » : l'enfant est bien l'enfant du couple mais en raison de cette anomalie morphologique du visage si
évidente et quasi « monstrueuse » (expression souvent utilisée), il n'est pas
reconnu totalement comme enfant du couple. Au cours de ces 25 années où
nous avons pratiqué cette chirurgie, nous avons observé des situations dramatiques post-natales : tentatives de meurtre de l'enfant par étranglement ou
étouffement, abandons définitifs ou partiels (jusqu'à la réparation). La maltraitance subie par l'enfant atteint de fente et son rejet familial sont l'objet
d'un dépistage attentif.
Difficultés rencontrées
L'interprétation de l'échographie est difficile
Cette situation fait l'objet d'un colloque serein avec l'échographiste et éventuellement d'une nouvelle analyse. Elle concerne le type de fente (uni ou bilatérale)
et la présence ou l'absence de fente palatine. Les performances croissantes de
l'échographie tridimensionnelle livrant une « photographie d'identité » faciale
du foetus permettent d'aplanir ces difficultés.
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Le diagnostic échographique est tardif (au-delà de 30 semaines).
Il semble générer des situations douloureuses à vivre avec détresses psychologiques profondes, conséquence d'une demande d'interruption de grossesse
non clairement formulée.
La fente palatine isolée et le syndrome de Robin
Leurs diagnostics échographiques sont encore exceptionnels.
Seul, le rétrognathisme est le signe prédisant le syndrome de Robin
quand, de profil, il est important. Néonatologistes et pédiatres sont alors prévenus des risques inhérents à cette situation (détresse respiratoire et dysoralité).
♦ La consultation anténatale pour tumeur ou dysplasie faciale et
l'organisation du protocole thérapeutique.
Diagnostiquées précocement en échographie, ces grandes formations
tumorales orales et maxillo-faciales nécessitent souvent une imagerie complémentaire par IRM foetale ; les résultats font alors discuter en fonction de l'extension, des risques vitaux et du pronostic souvent réservé, malgré les traitements proposés, une possible interruption de grossesse
Les épulis géants à myéloplaxe
Développés au dépend de la gencive, ils sont de taille respectable, et font saillie
hors de la cavité buccale. leur diagnostic échographique est facile ; leur traitement chirurgical par section simple du pédicule gingival est organisé le jour de
la naissance, car il gêne la prise du sein ou du biberon. La cicatrisation de la
zone opératoire se fait en 48 heures. C'est une tumeur spectaculaire d'excellent
pronostic.
Les teratomes faciaux.
De taille variable, à contenu liquidien et/ou solide, ils nécessitent une imagerie
complémentaire par IRM foetale. Leurs traitements chirurgicaux sont réalisés
dans les premiers jours et sont de bon pronostic.
Les grenouillettes congénitales et kystes salivaires par imperforation
canalaire
Ce sont des cavités translucides, uni ou bilatérales sous la langue parfois de
tailles respectables, qui imposent la perméabilisation des canaux salivaires, traitement de la rétention. Leur pronostic est excellent.
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Les kystes branchiaux du plancher buccal
Chez le foetus, leurs aspects échographiques ressemblent à ceux des grenouillettes, formations kystiques homogènes dans le plancher buccal. Ils sont
réséqués après ponction évacuatrice après la naissance. Leur pronostic est excellent.
Les lymphangiomes faciaux et péribuccaux.
Dans leur forme isolée faciale, leur pronostic, après exérèse chirurgicale
par dissection des éléments nobles de la face (nerfs facial, lingual, hypoglosse),
est encore réservé car dominé par des poussées ultérieures, accessibles au traitement associant antibiotiques et corticoïdes ou sclérothérapie. Les formes extensives à la base de langue, larynx et médiastin font discuter l'interruption de grossesse.
♦ Conclusion
Le foetus est devenu un être identifié, observé, surveillé, mesuré grâce à
l'échographie bi et maintenant tridimensionnelle. Cette échographie tridimensionnelle permet, aux couples qui la demandent, d'accéder à la réalité dysmorphologique de leur enfant.
La découverte, en général, vers la 22ème semaine d'une anomalie morphologique, qu'elle soit de type tumoral, dysplasique ou malformatif déclenche
la nécessité de l'entretien anténatal du couple parental avec le chirurgien thérapeute de l'anomalie constatée. Cet entretien « incontournable » pour une bonne
naissance, permet d'aborder tous les aspects de la pathologie présente et surtout
d'organiser, par anticipation en fonction de la date théorique de la naissance, le
protocole chirurgical. Lors de la constatation de malformation, telle que fente
labiale ou labio-maxillaire, la réparation précoce postnatale aurait ainsi pour
fonction de réinscrire l'enfant dans l'humain. L'épanouissement de cet enfant,
dont le rôle éthologique du visage est reconstitué rapidement après la naissance
en est l'objectif. La qualité de l'oralité alimentaire en représente alors l'expression de son succès.
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♦ Ouvrages
BAYLON-CAMPILLO H., MONTOYA y MARTINEZ. (1996) L’incompétence vélo-pharyngée.
215 p. L’Ortho Edition. Isbergues
REEDUCATION ORTHOPHONIQUE, (2001) Les maladies rares, 205, 200p. Paris
SERRE M., CHANCHOLLE A.-R. (1998) A visage différent. Collection « savoir cultures ».
Editions Hermann, Paris
THIBAULT C., VERNEL-BONNEAU F. (1999) Les fentes faciales, embryologie, rééducation,
accompagnement parental. 116 p. Collection orthophonie, Masson, Paris
♦ Associations
Association TREMPLIN- Syndrome de Pierre Robin
Membre d’Alliance Maladies Rares (AMR)
42 bis rue Gaston Brogniart
62219 Longuenesse – France
Tél : 0321381096 – 0321951133
Fax : 0321381945
E-mail : [email protected]
Site-Web : www.tremplin-spr.org
Association Francophone des Fentes Faciales
L’A.F.F.F. créée en 1998, regroupe les équipes pluridisciplinaires qui justifient d’un minimum de
20 cas nouveaux / an. Elle compte environ 120 membres.
Elle est actuellement la seule association qui regroupe les professions différentes concernées par
le traitement des fentes faciales.
L’assemblée générale a lieu tous les deux ans, lors du congrès national, lors des « Journées de
Saint Vincent-de-Paul » où tous les spécialistes qui s’y intéressent se rencontrent.
A.F.F.F. 7, rue du Laos 75015 Paris.
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DERNIERS NUMÉROS PARUS
N° HS : HISTOIRE DE L’ORTHOPHONIE EN FRANCE : JACOB RODRIGUE PÉREIRE (1715-1780) Recherches sur sa vie : Notice sur sa vie et ses travaux d'Edouard Seguin (1812-1880) (A. BRAUNER) - Un
savant juif engagé : Jacob Rodrigue Péreire (1715-1780) (R. NÉHER-BERNHEIM) — Recherches sur ses
travaux : Analyse raisonnée de la méthode de Péreire (1847) (E. SEGUIN) - Un pionnier dans l'art de faire
parler les sourds-muets : Jacob Rodrigue Péreire (R. NÉHER-BERNHEIM) — Documents : Une famille juive
de La Rochelle au XVIIIe siècle : les Beaumarin (J.-C. BONNIN) - Rapport de la Commission nommée par
l'Académie des Sciences - Extrait de l'Histoire naturelle générale et particulière : avec la description du
Cabinet du Roy. Tome troisième (M. le Comte de BUFFON) - Jacob-Rodrigues Péreire, premier instituteur
des sourds-muets en France, sa vie et ses travaux (E. LA ROCHELLE).
N° 212 : LE BILAN ORTHOPHONIQUE - Rencontre : Labo 2002, aide au bilan orthophonique (Gilles
LELOUP, Jacques ROUSTIT) — Examens et interventions : Le bilan du langage oral (Françoise COQUET)
- Evaluation du langage écrit (Monique TOUZIN) - Le bilan vocal (Bernard ROUBEAU) - Le bilan des activités logico-mathématiques : indications pratiques et cliniques (Alain MÉNISSIER) - Le bilan du bégaiement
de l’adulte et de l’enfant (Véronique BOUCAND, Bernard ROUBEAU) - Aphasie de l’enfant : Protocole
d’examen (Gilles LELOUP) - Evaluation des troubles neurologiques : une aide au bilan dans la perspective
de la psychologie cognitive (Philippe LHUISSIER) - Aide au bilan surdité (Audrey COLLEAU) - Bilan du
patient suspecté de démence (Thierry ROUSSEAU) - Epilepsie et troubles des apprentissages chez l’enfant :
Protocole d’examen (Gilles LELOUP) - La déglutition dysfonctionnelle : Protocole d’examen (Isabelle
EYOUM, Gilles LELOUP) - Bilans des fonctions oro-faciales (Isabelle EYOUM) - Protocole du bilan de la
dysarthrie (Isabelle EYOUM) - Maladies neuro-dégénératives : Protocole d’examen (Isabelle EYOUM) —
Perspectives : Vers un bilan idéologiquement maîtrisé ? (Marie-Pierre THIBAULT)
N° 213 : LANGAGE ÉCRIT : MORPHOLOGIE ET CONSCIENCE MORPHOLOGIQUE - Rencontre :
Orthographe et morphologie (Béatrice POTHIER) — Données actuelles : La morphographie du français :
un cas sémiographique (Jean-Pierre JAFFRÉ) - Morphologie et acquisition de l’orthographe : état des
recherches actuelles (Sébastien PACTON) - Morphologie des mots et apprentissage de la lecture (Pascale
COLÉ, Carine ROYER, Nathalie MAREC-BRETON, Jean Emile GOMBERT) — Examens et interventions :
Développement des processus d'identification de mots écrits : une étude transversale entre 6 et 8 ans
(Jean ECALLE) - Réviser la morphologie flexionnelle verbale : étude chez l’enfant et l’adulte (Alexandra
DÉDÉYAN, Pierre LARGY) - Produire la morphologie flexionnelle du nombre nominal :
étude chez l’enfant d’école primaire (Marie Paule COUSIN, Pierre LARGY, Michel FAYOL) - La dictée
d’énoncé : un outil pour dépister un enfant dyslexique ? Approche phonologique et morphologique (Véronique
REY, Carine SABATER) — Perspectives : L’acquisition/apprentissage de la morphologie du nombre. Bilan
et perspectives (Michel FAYOL) - Devenir un bon orthographieur : l'importance de la morphologie (MariePierre THIBAULT)
N° 214 : L’HYPERACTIVITÉ ET LES TROUBLES DE L’ATTENTION - Rencontre : Fabien, enfant
hyperactif (FLORENCE) — Données Actuelles : Le Trouble Déficit de l’Attention - Hyperactivité :
aspects cliniques et évaluation diagnostique (Valérie VANTALON) - Traitement médicamenteux de l’hyperactivité (Régis BRUNOD) - L’enfant hyperactif et les apprentissages (Monique TOUZIN) - Approches familiales dans le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (Marie-Claude NEDEY-SAÏAG) — Examens et interventions : Evaluation psychomotrice et neuropsychologique du Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité
(Régis SOPPELSA) - Proposition d’une intervention métacognitive visant à contrer le trouble de déficit de
l’attention avec ou sans hyperactivité (Marie LAZURE, Francine LUSSIER, Annie MÉNARD) - Trouble
Déficit de l’Attention/Hyperactivité et rééducation psychomotrice : présentation d’un cas (Régis SOPPELSA,
Jean-Michel ALBARET) — Perspectives : Douloureux parcours d’une famille
d’hyperactifs (Marlène WAHL)
N° 215 : IMMOBILITÉS LARYNGÉES - Rencontre : La place de l’orthophonie dans la prise en charge des
immobilités laryngées : les recommandations pour la pratique clinique (Bernard ROUBEAU) — Examens et
interventions : Rééducation des immobilités laryngées unilatérales (Emmanuel BAUDELLE, Christiane
ORENSTEIN, Jean-Louis BRUN) - La pratique des chaînes d’occlusions dans la rééducation des paralysies
unilatérales du larynx (Benoît AMY DE LA BRETÈQUE) - Troubles de la déglutition et immobilités laryngées (Michel GUATTERIE) — Données Actuelles : La médialisation chirurgicale de la corde vocale : résultats vocaux (Isabelle LIESENFELT) - Confort de vie des patients avant et après médialisation de la corde
vocale dans le cadre d’une paralysie laryngée unilatérale (Géraldine DEBONO) - La prise en charge orthophonique des paralysies récurrentielles unilatérales. Enquête auprès des orthophonistes : résultats préliminaires (Christophe TESSIER, Bruno SARRODET, Sylvie BRIHAYE, Lise CREVIER-BUCHMAN, Stéphane
HANS, Daniel BRASNU) - Immobilités laryngées bilatérales. Place de la prise en charge orthophonique
(Michèle PUECH) - Paralysie du nerf laryngé supérieur. Sémiologie, diagnostic et traitement (Emmanuel
BAUDELLE).
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