Objet d'étude de la grammaire théorique du français
La grammaire théorique d'une langue est une application des idées de linguistique générale aux
problèmes spécifiques de la langue donnée.
Un cours de grammaire théorique a pour but d'initier les étudiants et les chercheurs à la lecture des
ouvrages linguistiques spécialisés aux confrontations des points de vue des linguistes et grammairiens,
afin d'en dégager les idées essentielles.
Or, la grammaire est la science qui a pour but de montrer la structure de la langue, les
mécanismes du langage, d'expliquer les règles de changement et de combinaison de mots pour
former un énoncé.
Depuis F. Saussure
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la linguistique a établi une différence entre le langage, la langue et la parole
(discours).
Le langage est conçu comme la faculté humaine caractéristique universelle et immuable de l'homme
ou l'activité qui consiste à produire et à interpréter les signes linguistiques. Le langage est autre chose que
les langues. La linguistique s'occupe des langues, c'est la théorie des langues.
Le langage recouvre la langue et la parole qui en sont les manifestations.
Donc la linguistique a un double objet d’étude: d'une part la linguistique est la science du langage,
d'autre part elle est la science des langues.
Outil de la communication, le langage forme l'objet des recherches de la science qui se propose
d'étudier le fonctionnement des signes dans les sociétés et que Saussure a appelé la sémiologie (science
qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ): (Saussure, Cours. P. 1966, p. 33).
Qu'est-ce qu`un signe ? Un signe c'est une unité linguistique formée d'une partie sensible (sons, lettres)
qui est son signifiant et d'une partie abstraite, son contenu sémantique, son signifié, (morphèmes, mots,
constructions etc. sont des signes.)
Donc le signe linguistique est un signe à deux faces. Tous les moyens linguistiques employés par
l'individu pour l'échange d'information sont sémiotiques, et le système des signes s'appelle sémiologie.
L'échange d'information dans les sociétés, se fait de la sorte :Au destinataire l’interlocuteur) est
adressé non pas les objets dont on parle, non plus les réalités qui servent de thème de communication,
mais leurs remplaçants qui évoquent l'image de ces objets et de ces réalités. Donc au destinataire est
adressé non pas un A (l'objet dont on parle), mais un B qui remplace et représente ce A (aliquid stat pro
aliquo ce qui est à la place d'un autre). C’est ce qui intéresse au cours de la communication, au cours
des échanges d'information réalisées par les locuteurs.
1
C'est F. de Saussure qui le premier se propose de résoudre le problème (langue, langage, parole) dans son Cours de
linguistique générale, professé à l'université de Genève entre 1906 et 1911 et publié en 1916 par de ses deux étudiants
Charles Bally et Albert Sechehaye.
On peut citer d'autres signes : les images, les signes routiers.
Les signaux routiers (panneaux d'interdiction, panneaux d'indication, panneaux de fin d’interdiction
etc.) informent les conducteurs d'un danger, d'une interdiction d'accomplir certaines actions. Ces signes
sont différents du signe linguistique. Ces signes ont un signifiant qui est conçu par nos sens (l'ouïe,
l'odorat, la vue, le goût, le toucher - vert, jaune, rouge etc). Ces signes ont un aspect matériel qui est
présent dans la pensée des interlocuteurs. Mais ils ne ne servent pas à créer de situations de
communication. Il en manque le destinateur (auteur, sujet parlant de message linguistique) et le
destinataire (interlocuteur) à qui est adressé le message. Il serait juste d'appeler ces sortes de signes
symptômes, indices, indicateurs. Ce sont ces signes qui nous permettent de prévoir (présager,
marquer), par ex. les nuages, les hirondelles et le parapluie.
La langue représente l’ensemble des moyens linguistiques qui se trouvent à la disposition des
locuteurs. Saussure a défini la langue comme indépendante. Elle est à la fois produit social et
réalisation individuelle. La langue ne se réalise qu'individuellement dans la parole (discours)
ou dans l'écrit des locuteurs. C'est ainsi que Saussure est arrivé à distinguer deux plans : celui
de la langue et celui de la parole.
La parole ou le discours est la réalisation par l'individu des possibilités que lui offre la langue
lors de la formation des énoncés. C'est à ce niveau, dans les actes de langage, que le locuteur
met en œuvre le mécanisme du langage qu'il possède.
La langue existe dans la collectivité. Il n'y a rien de collectif dans la parole : les manifestations en
sont individuelles, momentanées.
On distingue deux aspects de l'organisation de la langue : le système (la structure) et la norme. Le
système est l'ensemble d'éléments homogènes, du même plan, qui sont liés entre eux et se déterminent
mutuellement. La structure fait penser aux relations intérieures qui unissent les éléments d'un système.
Ex. dans le système des temps verbaux on doit énumérer les formes temporelles du verbe français et
montrer les rapports qui existent entre ces formes.
La structure du temps verbal fait penser à l'organisation intérieure de ces formes temporelles. On
notera, par exemple, la structure analytique du passé composé (de même que du plus-que-parfait, du
passé antérieur, du futur antérieur) qui sont constitués de deux éléments : verbe aux. + participe passé et
la structure synthétique du présent (de même que l’imparfait, le passé simple, le futur simple) qui sont
composés du radical du verbe et des désinences temporelles.
La norme est la forme établie du signe linguistique, l'expression d'une catégorie grammaticale.
Ex. le modèle du passé composé (verbe aux. + p. p.) appartient à la structure, mais le choix de l'auxiliaire
avoir ou être appartient à la norme. Or, d'après la norme on dit : je suis parti et non j'ai parti. La place
du sujet et de l'objet est dictée par la norme du français comme langue analytique. Ex. Pierre aime sa
sœur.
Les éléments de la norme ne se choisissent pas. Ils représentent une servitude grammaticale. Ex. On
ne peut pas modifier l'ordre des mots dans la phrase Pierre le lui a expliqué.
La parole se présente sous deux aspects : un élément individuel (qui ne fait pas l'objet de la
grammaire, il fait l'objet de la stylistique) et un élément non individuel qui fait l'objet d'étude de la
grammaire. Dans la linguistique cet élément non individuel a reçu le nom de parole commune ou usage.
Pour bien posséder une langue il ne suffit pas d'en connaître toutes les formes et constructions, mais
il faut savoir les règles d'utilisation de ces formes et constructions suivant les situations et les contextes.
Donc, d’une part la grammaire explique les règles de l’organisation de la langue, son système, sa
structure, c’est-à-dire, les rapports entre forme et contenu (signifiant, signifié), d’autre part, le
mécanisme du langage, c’est-à-dire, le choix de l’élément linguistique lors de la formation des énoncés
comme unités de communication.
Les registres de langue
Parfois, la norme n’est pas toujours observée. Les causes en sont différentes et nombreuses. Ce
sont :
1. Les compétences linguistiques des interlocuteurs. Elles ne sont pas toujours les mêmes chez les
porteurs de la même langue.
Ex. : hote dogue : chez les Canadiens il est appelé chien chaud et chez les Français - hot dogue.
On voit bien que les Canadiens admettent la traduction du mot.
2. Les registres de langue (registre de langue familier, registre de langue courant, registre de
langue soutenu ).
Ex.; je sais pas, Vous parlez français? Si j’ai (avais) voulu, elle partira (elle partirait). Même s’il
aurait des scrupules, il finirait par accepter. Les mesures seront sévères, même si les familles seront
épargnées. Je lui ai demandé qu’est-ce qu’il a mangé.
3. L’analogie. La norme n’est pas observée par analogie : Ex. Au lieu de se rappeler qqch, on dit
se rappeler de qqch par analogie avec se souvenir de qqch. Je me rappelle notre prof, mais je me rappelle
de toi.
A ce propos les grammairiens distinguent les phrases grammaticales, grammaticalement correctes
et agrammaticales, grammaticalement incorrectes. En général on distingue trois cas :
1. Purisme : Dans ce cas on doit strictement observer les règles de grammaire pour construire des
phrases grammaticales. Il faut observer les accords, les inversions, les accords des temps et des modes.
2. Laxisme. Dans ce cas toute déviation est permise et tolérée.
3.Tolérance. Dans certains cas, il est permis de ne pas observer la norme stricte qui est admise par
les grammaires. Pour bien s’orienter, il faut nécessairement consulter les arrêtés ministériels l’on
prévient les enseignants des fautes de grammaire qu’on doit tolérer. Ex. : l’accord du sujet avec son
prédicat, la concordance des temps, l’accord des participes dans les constructions infinitives : je l’ai
entendu chanter et je l’ai vue chanter.
La règle avec un infinitif est différente de celle avec les auxiliaires etre et avoir sans infinitif :
l’accord se fait, s’il y a rapport avec le verbe à l’infinitif : Les enfants que j’ai VUS jouer : l’accord se fait,
car ce sont les enfants qui jouent. Les oiseaux que j’ai VUS gazouiller. Il y a un accord, car ce sont les
oiseaux qui gazouillent. Mais : La pièce que j’ai VU jouer : il n’y a pas d’accord, car ce n’est pas la pièce
qui joue, ce sont les acteurs.
Actualisation. L’actualisation c’est l’utilisation dans le discours des moyens linguistiques. Dans la
pensée, les locuteurs ont des signes linguistiques virtuels qui s’actualisent dans la parole. Dans la
linguistique française, la théorie de l’actualisation a été élaborée par Charles Bally et Gustave Guillaume.
Charles Bally distingue deux types de signes : signe linguistique virtuel, appartenant à la langue (comme
un mot dans le dictionnaire) et signe linguistique actuel (un mot dans la phrase). Pour définir la notion
d’actualisation, Ch. Bally part de la distinction saussurienne langue / parole. Il montre comment un mot
qui a un sens virtuel/général prend dans un texte, dans la parole (dans le discours) un sens concret, actuel
et commence à désigner un objet unique, concret de la réalité.
D'après Guillaume et Bally, actualiser une pensée, une notion, c'est l'identifier avec sa
représentation réelle chez l'interlocuteur. Actualiser une pensée, c'est la localiser ou la déterminer par trois
aspects:
1. par rapport au sujet parlant (moi)
2. par rapport au temps de la parole (maintenant)
3. par rapport à l'espace (l'endroit où se trouve l'objet du discours (ici)
Dans la phrase Je vois -bas une maison le mot maison est concrétisé par rapport à son sujet je-moi,
et par rapport au moment de la parole je vois - maintenant, et à l'espace -bas, je vois -bas une maison.
Bally montre que pour le substantif la fonction d'actualisation est dévolue à l'article et aux substituts
d’articles (les déterminatifs possessifs, démonstratifs, indéfinis) ex.: table, une table, cette table, ma table,
plusieurs tables etc. Ces déterminatifs indiquent le genre, le nombre et la détermination.
Les actualisateurs du verbe sont : les pronoms: je, tu, il etc. Les désinences qui précisent les rapports
temporels et modaux.
D'après Guillaume au cours de l'actualisation l'esprit humain va du général au concret, au singulier
(particularisation) et vice versa. Il appelle ces mouvements de la pensée tension (tension généralisante,
tension particularisante). Il distingue les étapes suivantes de l'actualisation :
I. degré zéro, notion non actualisée formes non-personnelles du verbe, le
substantif s'emploie sans article,
II. degré, notion dans son devenir le mode subjonctif et l'article indéfini avec les
substantifs.
III. degré, notion dans son existence –mode indicatif, article défini avec les
substantifs.
Les niveaux de la structure grammaticale
L’organisation de la langue se présente comme une structure, c’est-à-dire un ensemble d’éléments
linguistiques qui sont liés entre eux et forment des niveaux. La combinaison des unités de niveau inférieur
constitue une unité de niveau supérieur.
On parle en produisant des énoncés qui se subdivisent en mots. Les mots sont faits de
morphèmes, et ces derniers sont constitués de phonèmes.
Le phonème c’est la plus petite unité distinctive de langue. Il n’a pas de signification. Il sert à
distinguer les différents mots et morphèmes.
Ex. : cure, cour (la), bien, lien, mien, rien, poule, boule, coule (il), foule, pomme, comme, pour,
four.
Les phonèmes ne font pas l’objet d’étude de la grammaire. Ils sont étudiés dans la phonétique.
Le morphème c’est la plus petite unité significative de langue. Il est constitué d’un ou de plusieurs
phonèmes. On distingue trois espèces de morphèmes : lexicaux (marche, table), dérivationnels : -ment,
-ette, -eur (marcheur, lentement, maisonnette), grammaticaux : parlait, marchions, amie, enfants.
Les morphèmes lexicaux ont une signification lexicale. Dans la phrase La fillette chantait
gaiement il y a 3 morphèmes lexicaux: fille, chante, gai, 2 morphèmes dérivationnels: -ette, -ment et
un morphème grammatical ait.
Les morphèmes dérivationnels servent à former de nouvelles unités lexicales (des mots
nouveaux), par exemple : maisonnette, fillette, gaiement, tenir, tenailles, tenailler, teneur. Les morphèmes
dérivationnels font l’objet d’étude de la lexicologie.
Les morphèmes grammaticaux s’ajoutent aux morphèmes lexicaux pour constituer les
différentes formes du même mot. A l’aide des morphèmes grammaticaux on forme le genre, le nombre, les
temps, les modes. C’est la grammaire qui étudie les morphèmes grammaticaux. Un morphème grammatical
est caractérisé par l’unité de forme et de sens. Un même morphème peut avoir ses variantes : allomorphes.
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