pomap 0758-1726 1992 num 10 4 3079 (1)

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Politiques et management public
La théorie des choix publics face à l'explication des structures
fiscales : différents points de vue
Christine Aymar
Résumé
La croissance de l'interventionnisme étatique s'est accompagnée d'une
extension et d'une diversification de ses formes financières. Alors que la théorie des choix publics s'est largement investie dans
l'analyse des politiques de dépenses publiques, très peu d'études concernent en revanche la politique fiscale.
L'étude de la fiscalité se cantonne le plus souvent dans une optique normative. Il semble pourtant nécessaire d'adopter une
approche positive de la fiscalité afin d'identifier les principaux déterminants (économiques, politiques, institutionnels) des
structures fiscales.
Cet article présente une synthèse et une première évaluation de travaux effectués dans ce domaine.
Citer ce document / Cite this document :
Aymar Christine. La théorie des choix publics face à l'explication des structures fiscales : différents points de vue. In: Politiques
et management public, vol. 10, n° 4, 1992. pp. 85-104;
doi : https://doi.org/10.3406/pomap.1992.3079
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LA
THÉORIE
DES
CHOIX
PUBLICS FACE
À
L'EXPLICATION
DES
STRUCTURES
FISCALES
:
DIFFÉRENTS
POINTS DE
VUE
Christine
AYMAR
*
Résumé
La
croissance
de
l'interventionnisme
étatique
s'est
accompagnée
d'une
extension
et
d'une
diversification
de
ses
formes
financières.
Alors
que
la
théorie
des
choix
publics
s'est
largement
investie
dans
l'analyse
des
politiques
de
dépenses
publiques,
très
peu
d'études
concernent
en
revanche
la
politique
fiscale.
L'étude
de
la
fiscalité
se
cantonne
le
plus
souvent
dans
une
optique
normative.
Il
semble
pourtant
nécessaire
d'adopter
une
approche
positive
de
la
fiscalité
afin
d'identifier
les
principaux
déterminants
(économiques,
politiques,
institutionnels)
des
structures
fiscales.
Cet
article
présente
une
synthèse
et
une
première
évaluation
de
travaux
effectués
dans
ce
domaine.
*
Université
de
Paris
I.
Revue
POLITIQUES
ET
MANAGEMENT
PUBLIC,
Volume
10,
4,
décembre
1992.
©
Institut
de
Management
Public
-
1992.
86
Christine
AYMAR
La
croissance
des
dépenses
publiques
depuis
la
seconde
guerre
a
entraîné
une
croissance
corrélative
du
niveau
de
la
fiscalité.
Les
modifications
et
les
réformes
successives
qu'ont
entraînées
la
recherche
d'un
plus
grand
rendement
fiscal
ont
largement
contribué
à
la
diversification
et
à
la
complexification
des
systèmes
fiscaux
contemporains.
L'évolution
qu'ont
connue
les
différents
pays
ne
va
pas
en
général
dans
le
sens
d'une
convergence
apparente
car,
même
si
des
similitudes
notables
apparaissent,
de
profondes
disparités
continuent
de
séparer
les
pays
occidentaux.
La
complexité
et
la
diversité,
tels
sont
les
principaux
éléments
que
l'on
peut
noter
lorsqu'on
observe
les
systèmes
fiscaux
contemporains.
Mais
une
fois
ces
éléments
isolés,
il
faut
en
faire
l'analyse.
Or,
si
depuis
les
années
60
on
a
pu
observer
le
développement
remarquable
des
études
sur
l'évolution
des
dépenses
publiques,
celles-ci
n'ont
guère
suscité
d'études
parallèles
de
la
fiscalité.
Rares
sont
en
effet
les
analyses
des
systèmes
fiscaux.
Cet
article
se
propose
d'offrir
une
vue
partielle
de
la
littérature
théorique
traitant
de
la
nature
des
structures
fiscales.
Cette
vue
sera
partielle
car
essentiellement
consacrée
aux
théories
positives.
La
première
section
vise
à
démontrer,
par
la
présentation
des
grandes
idées
des
théories
traditionnelles,
les
fondements
et
la
nécessité
de
l'analyse
positive
des
structures
fiscales.
La
deuxième
section
propose
une
synthèse
de
deux
modèles
positifs
des
structures
fiscales.
Ces
deux
modèles,
bien
qu'offrant
la
base
d'une
théorie
positive
des
structures
fiscales,
restent
limités.
Ils
négligent
en
effet
le
rôle
que
jouent
les
institutions
dans
le
processus
budgétaire.
C'est
pour
cette
raison
que
sont
présentés
dans
une
dernière
section
quelques
déterminants
liés
à
la
structure
institutionnelle.
La
nécessité
d'une
analyse
positive
L'explication
traditionnelle
des
structures
fiscales
repose
sur
l'existence
de
déterminants
économiques.
Tel
est
le
fondement
des
thèses
du
développement
fiscal
(musgrave,
1969
et
hinrichs,
1966).
Ces
deux
auteurs
privilégient
l'existence
de
relations
réciproques
entre
les
structures
économiques
et
sociales
et
les
structures
fiscales.
Selon
eux,
les
structures
fiscales
varient
corrélativement
avec
le
niveau
de
développement
économique,
dans
la
mesure
la matière
imposable
est
le
plus
souvent
dépendante
des
agrégats
représentatifs
de
la
richesse
nationale.
Dans
les
premières
phases
de
développement,
ce
sont
les
contraintes
économiques
et
administratives
(l'inefficacité
de
l'administration
fiscale)
qui
façonnent
la
structure
fiscale.
Telle
serait
la
situation
actuelle
des
pays
en
développement.
Puis,
peu
à
peu,
la
société
arrive
au
stade
d'économie
développée,
les
contraintes
économiques
s'amenuisent,
voire
disparaissent.
Les
autorités
publiques
disposent
alors
d'une
plus
grande
marge
de
manœuvre
pour
la
formulation
de
leurs
choix
fiscaux.
Dans
le
dernier
stade,
ce
sont
les
facteurs
politiques
qui
façonnent
les
systèmes
fiscaux.
Selon
hinrichs,
chaque
société
aurait
alors
son
propre
"style
fiscal".
Cependant
ces
facteurs
politiques,
ce
"style
fiscal",
bien
que
souvent
mentionnés
par
nos
deux
auteurs,
ne
sont
jamais
développés.
De
ce
fait,
ces
deux
thèses
ne
sont
pas
d'une
grande
aide
pour
comprendre
la
nature
des
systèmes
fiscaux
actuels.
La
théorie
des
choix
publics
face
à
l'explication
des
structures
87
fiscales
:
différents
points
de
vue
L'approche
de
weber
et
wildavsky
(1
986)
permet
d'éclaircir
en
partie
la
notion
de
"style
fiscal".
Au
travers
d'une
analyse
que
nous
pourrions
qualifier
de
socio-historique,
weber
et
wildavsky
essaient
de
décrypter
la
nature
du
processus
budgétaire
1
:
ils
développent
leur
thèse
de
"culture
budgétaire".
Selon
eux,
chaque
époque,
chaque
lieu
a
son
style
particulier
de
processus
budgétaire
;
celui-ci
est
conforme
à
la
culture
et
au
niveau
de
développement
de
la
société.
La
culture
d'une
société
est
une
distribution
particulière
de
valeurs,
d'attitudes
politiques,
de
sentiments,
etc....
Cette
culture
va
façonner,
guider
le
comportement
des
citoyens
ainsi
que
celui
des
gouvernants,
à
travers
les
règles
qui
sous-tendent
le
régime
politique.
Le
processus
budgétaire
peut
alors
être
expliqué
par
l'analyse
de
la
culture
et
du
régime
politique
d'une
société
particulière,
c'est-à-dire
par
l'étude
de
son
mode
d'organisation
sociale.
Pour
ce
faire,
weber
et
wildavsky
distinguent
trois
types
purs
d'organisations
sociales
2
qui
sont
le
marché,
la
hiérarchie
et
le
sectarisme.
Ces
formes
d'organisations
ne
sont
jamais
présentes
dans
cet
état
pur
mais
vont
en
fait
se
combiner
à
des
degrés
divers,
définissant
ainsi
la
culture
d'une
société
ou
plutôt
son
régime
politique.
La
diversité
des
systèmes
fiscaux
s'explique
alors
par
les
différences
culturelles
des
pays.
Cependant,
comme
beaucoup
de
sociologues,
weber
et
wildavsky
se
confinent
dans
une
typologie
:
ici
celle
des
formes
d'organisation
sociale
ou
types
de
culture.
La
culture
propre
à
un
pays
est
considérée
comme
une
totalité
indivisible
qui
se
projette
dans
les
différents
sous-systèmes
(politiques,
économiques,
etc..)
et
permet
d'expliquer
leurs
caractéristiques.
Cette
démarche
semble
par
trop
réductrice.
Aussi
bien
les
thèses
du
développement
fiscal
que
celle
de
la
culture
budgétaire,
qui
se
consacrent
essentiellement
à
l'étude
de
l'évolution
tendancielle
de
la
fiscalité,
privilégient
l'existence
de
relations
réciproques
entre
les
structures
économiques
et
sociales
et
les
structures
fiscales.
Ces
analyses
s'ancrent
le
plus
souvent
dans
un
fort
déterminisme
économique
ou
social.
Or
même
si
l'Etat,
en
définissant
sa
politique,
se
doit
de
tenir
compte
des
contraintes
économiques
et
sociales,
il
peut
également
modifier
ces
contraintes.
Les
relations
entre
les
structures
fiscales
et
les
structures
économiques
et
sociales
sont
des
relations
d'interdépendance
et
pas
seulement
des
relations
de
dépendance
des
premières
vis
à
vis
des
secondes.
Par
ailleurs,
ces
analyses
oublient
que
la
politique
d'imposition
est
avant
tout
l'expression
des
choix
politiques
de
la
puissance
publique.
L'impôt
n'a
pas
seulement
une
composante
économique
ou
sociologique,
il
a
également
une
composante
politique.
L'impôt
a
de
tout
temps
été
impopulaire
;
de
ce
fait,
les
contraintes
économiques
et
sociales
ne
sont
pas
les
seules
contraintes
qui
vont
façonner
les
choix
fiscaux
de
l'Etat.
Celui-ci
doit
également
tenir
compte
des
contraintes
politiques
et
institutionnelles.
1
Sous
ce
terme
de
processus
budgétaire
ils
regroupent
l'ensemble
des
opérations
de
dépense,
d'imposition
et
d'emprunt
menées
par
l'Etat.
2
Ils
reprennent
le
concept
de
type
idéal
de
Max
Weber.
88
Christine
AYMAR
Les
systèmes
fiscaux
exigent
donc
d'être
étudiés
dans
un
cadre
théorique
les
comportements
fiscaux
individuels
et
collectifs
se
situent
à
la
fois
dans
le
système
économique
et
dans
le
système
politico-institutionnel.
Ce
cadre
théorique,
c'est
celui
des
théories
du
choix
public.
Les
théories
du
L'hypothèse
fondamentale
des
théories
du
choix
public
a
été
d'étendre
le
choix
public
paradigme
de
la
rationalité
économique
à
l'ensemble
des
acteurs
de
la
vie
économique
et
politique.
Le
gouvernement
n'est
plus
alors
un
"despote
bienveillant"
mais
seulement
un
acteur
comme
les
autres,
ayant
sa
propre
fonction
d'utilité.
Différents
arguments
peuvent
être
introduits
dans
cette
fonction
d'utilité
permettant
ainsi
de
développer
différents
modèles
politico-
économiques.
Le
modèle
du
Leviathan
:
la
maximisation
des
recettes
fiscales
La
thèse
de
brennan
et
buchanan,
que
ces
auteurs
développent
dans
The
Power
to
Tax
(1980),
se
situe
dans
la
logique
des
théories
constitutionnalistes.
L'objectif
est
de
présenter
les
principes
d'imposition
qui
doivent
être
inscrits
dans
la
constitution.
L'hypothèse
fondamentale
est
celle
d'un
gouvernement
Leviathan
cherchant
à
tirer
le
maximum
de
bénéfices
(matériels
ou
non)
de
sa
position
de
pouvoir
1
.
En
fait
brennan
et
buchanan
reprennent
l'analyse
du
gouvernement-monopole
de
Breton
2.
Le
gouvernement
maximise,
en
plus
des
avantages
non
pécuniaires,
le
surplus
monétaire
qu'il
peut
obtenir
en
étant
au
pouvoir.
Pour
brennan
et
buchanan,
les
recettes
fiscales
que
le
gouvernement
collecte
auprès
des
individus
sont
une
bonne
approximation
de
cette
notion
de
surplus
monétaire.
Le
gouvernement
doit
bien
sûr
reverser
une
partie
de
ces
recettes
sous
forme
de
transferts
aux
électeurs
qui
l'ont
conduit
au
pouvoir.
Mais
comme
le
comportement
rationnel
d'un
parti
n'est
pas
de
chercher
à
obtenir
100
%
des
voix
mais
seulement
la
majorité
{coalition
minimum
décisive
de
riker,
1962),
une
proportion
significative
du
total
des
ressources
est
alors
disponible
pour
l'usage
discrétionnaire
du
parti
au
pouvoir.
C'est
en
cela
que
le
gouvernement
est
un
Leviathan
:
son
comportement
est
le
même
que
celui
d'un
bureaucrate
qui
cherche
à
maximiser
son
budget
(niskanen,
1971).
L'objectif
de
la
thèse
de
brennan
et
buchanan
sera
alors
de
définir
les
contraintes
pouvant
limiter
ce
comportement
de
Leviathan.
Selon
eux,
aucune
contrainte
électorale
ne
peut
empêcher
le
gouvernement
de
capter
le
surplus.
Il
faut
alors
mettre
en
place
des
contraintes
constitutionnelles
qui
d'un
côté
obligent
le
gouvernement
à
dépenser
une
part
minimum
des
recettes
fiscales
au
profit
des
électeurs
et
de
l'autre
l'empêchent
de
collecter
trop
de
ressources.
L'Etat
Leviathan
est
donc
un
despote
plutôt
malveillant
que
bienveillant.
Breton
A.
(1974)
777e
Economie
Theory
of
Représentative
Government.
1 / 21 100%

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