TV3ASEE La contention physique S. KHAMAR 2022 2023

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TV3ASEE- Sujet en situation de handicap, problématiques sociales et handicaps
KHAMAR Sylvie n°étudiant : 21704360
Madame Sylvie CANAT FAURE
LA CONTENTION
Mécanique ou passive au CHU de Dijon
Année Universitaire
2022-2023
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INTRODUCTION
J’ai débuté ma carrière d’infirmière de nuit en 1988. A cette époque, j’ai sans trop me poser de
question attacher des patients, pour leur sécurité et la mienne, pas forcément pour leur confort mais
peut-être un peu pour le mien. C’est grâce à cette rétrospective que je peux écrire cela aujourd’hui.
Au fil du temps, on ne parle plus d’attacher, qui choque mais de contenir un patient, ce qui au final
revient à la même chose, le patient est privé de sa liberté de mouvement et privé de ses mouvements,
nous l’avons tous vécu pendant le confinement et cela nous exaspère au plus haut niveau. Alors
imaginez un patient, malade et vulnérable.
Dans ce travail, j’ai voulu m’intéresser à la pratique de la contention physique dans le service des
urgences de l’hôpital de Dijon. En effet, car d’une part, si ce travail demande de décrire une situation
de handicap et si d’autre part selon la loi n°2005-102 du 11 février 2005 la définition du handicap
est « constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en
société subie dans son environnement par une personne », alors un patient contentionné, privé de
liberté et de mouvements n’ est-il, pas à cet instant précis, en quelque sorte en situation de handicap ?
De plus, je me suis m’intéressée à la contention pour la simple et bonne raison que je me suis
retrouvée confrontée à une situation qui m’a réellement bouleversée pendant plusieurs semaines.
J’ai voulu donc en savoir plus sur cet outil de contention pour ma pratique professionnelle
quotidienne et pas seulement pour valider un devoir. Alors après avoir présenté le lieu je travaille
de nuit, je décrirai, en respectant l’anonymat des malades et des personnels cette situation
stupéfiante avec d’autres toutes aussi interpellantes faisant intervenir la contention. Ensuite, la
réglementation en vigueur ainsi que les indications seront développées. Enfin, même avec le peu de
travaux de recherche sur ce sujet, lutilisation de la contention dans les services d’urgences adultes
pose question (la psychiatrie exclue).
CONTEXTE
Depuis le 1er septembre, j’occupe un poste de cadre de santé de nuit au Centre Hospitalier
Universitaire (CHU) de Dijon. Cet établissement dijonnais répond à tous les besoins de santé de la
ville et de sa région. Il est la première entreprise en Côte d’Or avec 7500 agents. Cet établissement
regroupé sur 2 sites possède une capacité d’accueil de 1700 lits avec des pôles d’excellence comme
la cardiologie et l’ophtalmologie. On peut ajouter une maternité qui est une maternité de référence
avec plus de 3000 naissances par an, un hôpital d’enfants, un hôpital gériatrique avec un secteur de
psychiatrie et enfin il offre un service public d’accueil des urgences ouvert 24h/24h.
Les missions de mon poste sont d’organiser dans tous ces secteurs d’activités la continuité de soins
entre le jour et la nuit, de répondre à l’absentéisme et de pouvoir régler les problématiques de
l’hôpital avec l’aide d’un directeur administratif en astreinte à domicile. La nuit, les problématiques
sont quelques peu différentes, différentes car le cadre de santé doit y faire face la plupart du temps
seul et prendre la meilleure décision, selon les procédures établies. Je suis très sollicitée par le
Département Universitaire de Médecine d'Urgence (DUMU) ou plus couramment appelé le service
des urgences pour gérer toutes sortes de problématiques. Je peux citer la gestion d’armes à feu et
d’héroïne détenues par un patient entrant aux urgences, s’occuper d’un enfant de 18 mois qui arrive
avec les pompiers dont la maman est adressée au bloc opératoire en urgence vitale ou encore gérer
la fugue de deux adolescents un dimanche soir. Je pourrais citer encore de nombreuses difficultés
mais celle qui m’a surprise le plus, c’est la problématique de la violence. La violence des usagers
envers le personnel soignant mais aussi la violence des soignants envers les patients.
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Tout d’abord avant d’exposer des situations concrètes pour ce travail, il me semble important de
décrire ce DUMU souvent mis sous les feux de la rampe tant pour le flux important de patients que
pour les heures d’attente de prise en charge des malades.
LE DÉPARTEMENT UNIVERSITAIRE DE MÉDECINE D'URGENCE (DUMU)
Le DUMU prend en charge les adultes de plus de 15 ans envoyés soit par un médecin ou soit par le
service d’aide médicale urgente (SAMU). Les personnes peuvent aussi se présenter seules pour
une pathologie médico-chirurgicale, traumatique ou psychiatrique. Rayonnant sur la région
Bourgogne, le DUMU peut également accueillir des malades des hôpitaux périphériques. Enfin, il
assure grâce à la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) la prise en charge des personnes
démunies et précaires ayant subies des violences ou des traumatismes.
SON ORGANISATION
Le DUMU est composé de plusieurs zones de soins le patient sera orienté au regard de sa
pathologie vers :
Le Service d’Accueil des Urgences Vitales (SAUV) pouvant accueillir 5 patients en urgence
vitale absolue,
Le Service Régional Accueil Urgent (SRAU) composé de deux circuits : un circuit court
(CC) comprenant 5 box, un circuit long (CL) comprenant 9 box,
La Zone de Surveillance de Très Courte Durée (ZSTCD) pour les observations de quelques
heures, organisée pour 6 patients couchés et 5 patients assis, qui rentreront chez eux ou qui
seront hospitalisés,
La Zone de Surveillance de Très Courte Durée pour patients COVID (ZSTCD-Co)
accueillant 6 patients,
L’Unité d’Hospitalisation de Courte Durée (UHCD) composée de 15 lits d’hospitalisation.
Lorsqu’un patient arrive aux urgences, il est accueilli par l’infirmier d’accueil et d’orientation
(IAO). Puis, il sera adressé au CL ou au CC ou en ZSTCD selon sa pathologie pour y être examiné.
Il peut aussi rentrer chez lui. Par contre, un patient en urgence vitale ira directement en SAUV.
Le personnel soignant de nuit est reparti selon les secteurs d’activité :
- 2 infirmiers, 2 secrétaires et 2 agents de sécurité, à l’accueil
- 1 médecin, 1 infirmier et 1 aide-soignant à la SAUV,
- 1 médecin et 1 infirmier au CC,
- 1 médecin, 2 infirmiers et 1 aide-soignant au CL,
- 1 aide-soignant en ZSTCD et 1 en ZSTCD-co s’il y a des patients COVID,
- 2 infirmiers et 1 aide-soignant en UHCD.
Le personnel s’entre-aide, en fonction du nombre d’entrées, dans les différents secteurs d’activités.
L’ATTENTE AUX URGENCES
Environ 40 000 malades fréquentent annuellement le service avec des pointes de plus 130 patients
par jour. Etant responsable la nuit du flux patients et pour le suivre toutes les deux heures, je peux
dire aujourd’hui qu’il y a en moyenne de 19h à 7h avec un pic entre 18h et 23h au moins 50 patients
qui arrivent aux urgences. J’exclus ici les urgences pédiatriques et les urgences de la Maternité. Ce
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chiffre s’entend pour la semaine, le week-end, il peut s’élever jusqu’ à 80 passages par nuit. En
charge également de la collecte des données du délai d’attente, je peux dire que ce délai d’attente
moyen de prise en charge médicale est compris entre 7h et 8h. Il peut s’étendre jusqu’à 10h lorsqu’il
y a un manque de médecins et/ou de personnels paramédicaux, ce qui engendre souvent des accès
de violences des usagers excédés d’attendre.
LES USAGERS
L’hôpital a pour vocation d’accueillir toutes les personnes nécessitant des soins urgents ou pas.
Depuis ma prise de fonction, je constate que l’on accueille beaucoup de patients qui nécessitent des
soins qui auraient pu être diagnostiqués en médecine de ville et je remarque aussi que nous prenons
en charge de nombreuses personnes de tous âges souvent habitués du SRAU entrant pour une
agitation liée à l’abus d’alcool et/ou la prise de substances illicites. S’ajoute à cette agitation une
violence envers eux-mêmes et les autres.
J’ai réalisé une étude quantitative soit un comptage du nombre d’entrées aux urgences de patients
admis pour agitation, entre 19h et 7h du vendredi 18 au mercredi 30 novembre 2022 (soit 13 jours).
Ces données sont issues du logiciel professionnel RE’SURGENCE. Ci-dessous, le tableau de
recueil de données :
Pour résumer, il y a sur cette période et cet intervalle horaire, 5 patients qui sont adressés pour une
intoxication éthylique essentiellement et qui seront pris en charge par les urgences. Les agitations
en lien à une pathologie psychiatrique sont quant à elles orientées directement en psychiatrie.
On peut remarquer une activité soutenue qui a fait l’objet d’une note de service, le 28 novembre
2022 et qui précise aux usagers d’appeler le 15 pour tous besoins de soins. « Cette décision est prise
en concertation avec l’ARS Bourgogne-Franche-Comté ... Elle constitue une réponse territoriale
adaptée à la situation actuelle de tensions que connaissent les établissements de santé en termes de
ressources humaines et d’afflux de patients. Elle permet aux professionnels des établissements de
santé de se concentrer sur les patients en situation d’urgence vitale ».
TROIS SITUATIONS INTERPELLANTES
Le lundi 3 octobre, je suis appelée par une infirmière du SRAU (CL) qui m’annonce que son
ordinateur avec lequel elle réalise l’entrée des patients est cassé. Un patient énervé et alcoolisé a
mis un coup de pied dans l’écran. Je me rends rapidement sur les lieux et je constate que deux agents
de sécurité maintiennent à bras le corps ce patient. L’infirmière débordée par l’activité au CL est
partie dans autre box s’occuper d’une patiente. Les deux agents de sécurité en accord avec
l’infirmière, ligotent les pieds et les mains du patient à l’aide d’un drap. Un des agents de sécuri
dira « Vous pouvez vous calmer maintenant ». On me dit que ce patient est connu des urgences.
Quelques nuits plus tard, toujours aux urgences, je remarque dans l’un des box d’accueil, une jeune
patiente, Madame A entrée pour intoxication éthylique qui est contenue par une ceinture ventrale à
fermeture aimantée et ses poignets sont attachés à des bracelets fixés au lit. L’aide-soignante
m’explique que cette femme a être attachée car elle s’est déperfusée à deux reprises et qu’il est
indispensable qu’elle soit hydratée. L’infirmière ajoutera « si je dois constamment la perfuser…j’ai
d’autres malades ».
Du 18 au
30/11/22
(13 nuits)
Moyenne des
entrées entre 19h
et 22h/nuit
Motif
Agitation
Nombre de
femmes
Nombre
d’hommes
Nombres
d’entrées entre
19h et 22h
684
53
5
2
3
4
Le dimanche 19 novembre à 22h, je suis dans le long couloir des urgences
se trouvent des brancards vides, seul un patient très agité et alcoolisé veut se
lever. Les barrières de son brancard sont relevées mais sans hésiter ce Mr W.
veut les enjamber. A sa hauteur, je lui demande de s’allonger, qu’il risque de
tomber. Il me hurle qu’il veut sortir fumer et devient violent en paroles et en
gestes et je n’échappe pas à un coup dans la cuisse. Je dois appeler Y. l’agent
de sécurité pour le maitriser. Il décide de le maintenir fortement et la mise en
place d’une contention ventrale s’impose.
Ces situations ont engendré chez moi un véritable malaise et des moments d’impuissance devant
cette pratique contraire à mes valeurs de soignants. Après plusieurs nuits de réflexion, j’ai pu aller
en discuter avec les équipes soignantes du service des urgences et des services de psychiatrie du
CHU.
Aux urgences, le personnel m’explique qu’il ne peut pas faire autrement et que c’est toujours
perturbant de contenir un malade. Mais, cela le rassure que le patient soit contenu dans le but de le
protéger. Il ajoute avec honnêteté que les rares fois il contient un patient agité c’est aussi pour
pouvoir s’occuper des autres patients. En psychiatrie, je suis allée à la rencontre des infirmières.
Elles m’ont expliqué qu’en psychiatrie la contention comme l’isolement étaient des pratiques très
encadrées et de dernier recours et qu’ils sont des outils de soin. Elles ont ajouté que la loi de
modernisation de notre système de santé de 2016 avait évolué en 2020 et la loi explicite la durée, la
surveillance et la traçabilité de l’isolement et de la contention.
Ce constat m’amène à me pencher sur la contention physique à l’hôpital et à m’interroger sur :
- Qu’est-ce que la contention physique et que dit le cadre règlementaire dans son utilisation ?
- Est-elle une pratique banalisée dans les services d’urgence, utilisée pour les patients agités
et même violents ?
Avant d’engager la recherche sur la contention et ses aspects juridiques, il serait intéressant de
s’arrêter un instant sur la définition de la violence.
LA VIOLENCE
La contention et son utilisation font appel au concept de violence que l’Organisation Mondiale de
la Santé (OMS) définit comme « L’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre
soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque
fort d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un mal-développement ou une
carence ». Dans ces cas cliniques, la contention est assimilée comme une certaine limitation de
mouvement et de liberté. Par conséquent, ne représente-t-elle pas une forme de violence ? Sa mise
en place peut être ressenti comme un acte traumatisant pour le patient, ses proches, d’autres patients
et les soignants. Mais cette violence vécue par les personnels de soin n’incite -t-elle pas aussi à sa
mise en place pour se protéger ?
GENERALITES SUR LA CONTENTION
Contention, du latin contentio et du verbe contendo, contendere, de cum et tendere, qui signifie
« tendre avec force », renvoie à la lutte, à l’effort et la tension. Elle rejoint l’action de maintenir, de
franchir certaines limites, de protéger l’individu de ce qui pourrait se trouver au-delà de ces limites.
La contention suppose aussi de la difficulté et même de l’importance de la part de la matière. Pour
Jérôme Palazzolo, médecin psychiatre et professeur de psychologie clinique et médicale à
l’Université Côte d’ Azur, la contention est la « limitation, par toute espèce de procédure, de
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