synthèse Risque d’ostéonécrose des maxillaires avec l’utilisation des bisphosphonates Les bisphosphonates sont largement utilisés pour le traitement de l’ostéoporose et des complications osseuses des cancers. Les bénéfices associés à leur usage sont largement reconnus. Certains risques sont toutefois liés à leur utilisation dont l’ostéonécrose des maxillaires, une complication souvent médiatisée, mais qui n’est rencontrée que rarement dans la pratique médicale. Sa prévalence est faible en cas d’ostéoporose mais plus importante dans le contexte oncologique. Le processus physiopathologique n’est pas complètement élucidé mais certains facteurs de risque sont identifiés, dont l’extraction dentaire qui précède souvent cette complication. La prise en charge nécessite une approche multidisciplinaire et la plupart du temps un traitement conservateur est privilégié. Face à cette affection plutôt rare mais invalidante et difficile à traiter, il est important d’identifier les patients à risque et d’appliquer des mesures préventives. Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 1930-4 I. Polymenidi A. Trombetti S. Carballo Drs Ioanna Polymenidi et Sebastian Carballo Service de médecine interne générale Département de médecine interne, réhabilitation et gériatrie Dr Andrea Trombetti Service des maladies osseuses Département des spécialités de médecine HUG, 1211 Genève 14 [email protected] The risk of bisphosphonate-related osteonecrosis of the jaw Bisphosphonates are widely used in the treatment of osteonecrosis and oncology re­ lated bone complications. Their use is highly beneficial for the patient, but may be asso­ ciated with adverse effects. Osteonecrosis of the jaw is an often cited complication of this treatment, but is in practice rarely seen. Its pre­ valence is low in cases of osteoporosis but a little higher in the oncological setting. Although its pathophysiology is not completely eluci­ dated, certain risk factors have been identified such as tooth extraction which often precedes the affection. Management requires a multi­ disciplinary approach and a conservative treat­ ment is usually preferred. Dealing with this rare condition requires identification of at risk patients so as to apply preventative measures. 1930 introduction Les bisphosphonates sont largement utilisés dans la pratique médicale. L’ostéonécrose des maxillaires associée aux bisphos­ phonates (ONBP) a été décrite pour la première fois en 2002.1 Onze ans plus tard, cette pathologie est toujours d’actualité et de plus en plus médiatisée, notamment en raison de ses con­ séquences cliniques invalidantes et de la complexité du traite­ ment. Le but de cet article est de présenter quelques rappels sur les bisphospho­ nates, suivis d’une synthèse des données disponibles sur l’ONBP, en soulignant les principaux points pour la pratique quotidienne de la médecine. généralités concernant les bisphosphonates Les bisphosphonates sont utilisés depuis plus de 30 ans dans le traitement de l’ostéoporose et d’autres atteintes osseuses caractérisées par un remodelage ac­ céléré comme la maladie de Paget et les complications osseuses des cancers. Leur bénéfice clinique dans la prévention des fractures ostéoporotiques a été démon­ tré par plusieurs études avec haut niveau de preuves (tableau 1).2 De nombreuses études ont également démontré leur efficacité sur la réduction de la douleur et de l’incidence des événements squelettiques (fracture, hypercalcémie) chez le sujet avec cancer métastatique.3 Grâce à ces effets, les bisphosphonates sont des outils précieux dans la pratique médicale quotidienne. Les bisphosphonates inhibent la résorption osseuse via leur activité sur la fonction des ostéoclastes. Ces analogues synthétiques du pyrophosphate inorga­ nique présentent une forte affinité pour l’os, où ils se lient fortement à l’hydroxy­ apatite (figure 1 et tableau 2). Ils sont ensuite ingérés par les ostéoclastes, dont ils perturbent le métabolisme et inhibent l’action. Grâce à leur action antiostéoclas­ tique, les bisphosphonates réduisent le remodelage osseux, d’où un gain de den­ sité lié à un allongement de la période de minéralisation osseuse dite secondaire et une diminution de la fragilité osseuse.4 En termes de pharmacocinétique, les Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 34_38_38138.indd 1 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 0 09.10.14 09:09 Tableau 1. Prévention des fractures ostéoporotiques Fractures Fractures non Fracture vertébrales vertébrales de la hanche Alendronate A A A Ibandronate A A* NA Risédronate A A A Zolédronate A A A Calcitonine A NA NA Calcitriol A NA NA Raloxifène A NA NA Ranélate de strontium A A A* Dénosumab A A A Tériparatide A A NA Traitement hormonal substitutif A A A (Adapté de l’Association suisse contre l’ostéoporose, recommandations 2010).1 A, B : degré d’évidence ; NA : non évalué de façon adéquate. * Uniquement chez des sous-groupes de patients (analyse posthoc). bisphosphonates se caractérisent par une demi-vie squelet­ tique extrêmement longue, d’environ dix ans et qui varie selon les composés. ostéonécrose des maxillaires associée aux bisphosphonates Le premier cas d’ostéonécrose des maxillaires est rap­ porté en 1839 où l’on décrit une nécrose des maxillaires chez les ouvriers qui manipulent du phosphore blanc dans les manufactures d’allumettes (phossy jaw). L’histoire se répète pendant la période 1939-1945 avec l’utilisation du phos­ phore blanc dans l’industrie de l’armement qui entraîne un grand nombre de nouveaux cas d’ostéonécrose des maxil­ laires.1 L’ostéonécrose des maxillaires est de retour en 2002, quand Marx et Stern décrivent des lésions nécrotiques des maxillaires chez les patients sous bisphosphonates.5 Malgré une présentation similaire, la physiopathologie de ces deux entités, la phossy jaw et l’ostéonécrose des maxillaires liée à l’usage des bisphosphonates, est probablement très dif­ férente. définition, présentation clinique et épidémiologie L’ONBP est définie par la présence d’os exposé au niveau de la région maxillo-faciale qui persiste pendant minimum huit semaines, chez les patients sous bisphosphonates, sans antécédent de radiothérapie locale ni de métastases des maxillaires. L’ONBP semble se manifester plus fréquemment au niveau mandibulaire que maxillaire. Les patients présen­ tent une zone osseuse dénudée, de consistance dure, de couleur brun jaunâtre et à surface rugueuse. L’atteinte peut être asymptomatique ou se manifester par des douleurs, des paresthésies dans le territoire du nerf alvéolaire inférieur, une tuméfaction gingivale, osseuse et des sinus.6 L’ostéonécrose des maxillaires est rare et d’incidence inconnue dans la population générale. Concernant son inci­ dence chez les patients sous bisphosphonates, les chiffres sont variables surtout en raison du type d’études disponi­ bles (plutôt rétrospectives que prospectives) et de l’absence d’une définition précise de cette pathologie jusqu’à récem­ ment.7 La grande majorité de la littérature concerne des patients oncologiques sous hautes doses de bisphosphona­ tes intraveineux. L’incidence de l’ONBP dans cette popula­ tion est estimée entre 1 et 10%. On peut citer trois études prospectives portant sur 5723 patients avec métastases os­ seuses sous zolédronate versus dénosumab, qui retrouvent 89 cas d’ONBP (incidence 1,6%), avec une incidence compa­ rable entre le dénosumab et le zolédronate (1,8 vs 1,2%).8 On constate ici que l’ostéonécrose des maxillaires est un effet secondaire que les bisphosphonates partagent avec le dénosumab, un traitement antirésorptif récent. Concernant l’incidence de l’ONBP en cas d’ostéoporose, il existe peu de données. Un registre allemand, qui com­ Tableau 2. Génération et puissance relative des bisphosphonates Molécules Noms commerciaux Voies d’administration Puissances Bisphosphonates 1re génération : non aminés Etidronate Didronel Orale Clodronate Bonefos Orale, IV 10 1 Tiludronate Skelid Orale 10 Aminobisphosphonates 2e génération Pyrophosphate Pamidronate Arédia IV Alendronate Fosamax Fosavance Orale Orale Bisphosphonate 100 1000 Aminobisphosphonates 3e génération Figure 1. Bisphosphonates Risédronate Actonel Orale La chaîne R2 est celle qui définit l’activité antiostéoclastique des bisphosphonates. Sa modification a engendré trois générations de bisphosphonates, de puissance croissante mais au prix d’un plus grand nombre d’effets indésirables. En ajoutant un atome d’azote à ce groupe R2, on obtient les aminobisphosphonates. Ibandronate Bondronat Bonviva IV 10 000 Zolédronate Zometa Aclasta IV IV 20 000 0 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 34_38_38138.indd 2 5000 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 1931 09.10.14 09:09 prend plus que 300 rapports de cas d’ONBP, retrouve seu­ lement trois patients sous bisphosphonates per os.9 Selon les firmes pharmaceutiques, qui prennent en considéra­ tion les déclarations spontanées d’ONBP des patients, on retrouve une incidence d’un événement par 100 000 person­ nes/année d’exposition aux bisphosphonates oraux.10 Des données australiennes révèlent une incidence de 1/10 000.11 L’utilisation des bisphosphonates intraveineux pour l’os­ téoporose étant récente, on dispose à l’heure actuelle de peu de données sur l’incidence d’ONBP sous bisphospho­ nates IV aux doses approuvées pour l’ostéoporose par rap­ port au traitement oral. Des données issues d’enquêtes réalisées par des équipes de chirurgie maxillo-faciale rap­ por­tent toutefois des fréquences plus élevées, de l’ordre de 0,001 à 0,1%.12,13 Des études épidémiologiques plus ré­ cen­tes rapportent une incidence de l’ordre de 0,02%.14 physiopathologie et facteurs de risque Le processus physiopathologique de l’ONBP n’est tou­ jours pas élucidé. Un des mécanismes proposés est la dimi­ nution du remodelage osseux sur le long terme. L’hypothèse est qu’un traitement prolongé rend l’os adynamique, avec diminution du flux sanguin, nécrose des cellules osseuses et apoptose. Pour le moment, il n’y a pas suffisamment de données dans la littérature pour soutenir fermement cette hypothèse.7 Le facteur précipitant fréquemment retrouvé dans toutes les publications est un traumatisme préalable de la mu­ queuse orale. Dans les trois études prospectives de Saad, une extraction dentaire précède l’ONBP dans 62% des cas.8 Hormis l’extraction dentaire, il existe d’autres facteurs de risque locaux : procédures chirurgicales exposant l’os des mâchoires, érosions liées aux prothèses dentaires, parodon­ tite, abcès et caries. L’infection est une composante classique de l’ONBP. La plupart des analyses histopathologiques révèlent un état inflammatoire et retrouvent le germe Actinomyces. On ne sait pas si l’infection précède l’ONBP ou si les tissus nécroti­ ques se surinfectent secondairement. L’expérience clini­ que montre une amélioration des lésions ostéonécrotiques après un traitement antibiotique, mais il n’y a pas d’étude contrôlée qui évalue l’efficacité d’une antibiothérapie ciblée sur l’actinomycose.7 Les corticoïdes et le diabète peuvent théoriquement fa­ voriser une ONBP, notamment en raison du ralentissement de la cicatrisation et de l’immunosuppression.7 Toutefois, les études prospectives menées par Saad et coll. et l’étude rétrospective de Hoff et coll. ne retrouvent pas d’associa­ tion statistiquement significative entre les corticoïdes et l’ONBP.8,15 Concernant le diabète, une étude, réalisée entre 2004 et 2006 chez 31 patients ayant une ONBP, retrouve dixhuit personnes diabétiques ou intolérantes au glucose, soit 58%.16 Concernant le rôle de l’angiogenèse, il existe des études in vitro ou sur des modèles animaux qui montrent une inhi­ bition de l’angiogenèse par les bisphosphonates.7 Dans une étude rétrospective, l’usage concomitant de bévacizumab, de sunitinib ou de sorafénib avec les bisphosphonates augmente la fréquence de l’ONBP à 16% (versus 1,1% pour 1932 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 34_38_38138.indd 3 les bisphosphonates seuls).17 Les études prospectives de Saad et coll. ne retrouvent pas d’association entre l’ONBP et le traitement antiangiogénique.8 Un facteur de risque important est la forme du traitement : la dose, la puissance de la molécule et la durée du traite­ ment sont en corrélation avec l’apparition de l’ONBP. Une revue de la littérature sur l’ONBP entre 2003 et 2008 met en évidence les éléments suivants.18 • Chez les patients ostéoporotiques sous bisphosphonates oraux (alendronate et risédronate), on retrouve 103 cas d’ONBP avec une durée moyenne du traitement jusqu’à l’apparition de l’ONBP de 4,6 ans et de minimum 3 ans, avec une dose cumulative de 13 870 mg. • Chez les patients sous pamidronate, dont l’administration est intraveineuse, on retrouve 165 cas d’ONBP, avec une durée moyenne du traitement jusqu’à l’apparition de l’ONBP de 2,8 ans et de minimum 1,5 an, avec une dose cumulative de 2217 mg. • Chez les patients sous zolédronate, dont l’administration est également intraveineuse, on retrouve 388 cas d’ONBP, avec une durée moyenne du traitement jusqu’à l’apparition de l’ONBP de 1,8 an et de minimum dix mois, avec une dose cumulative de 49 mg. Le type de cancer a pu être associé à l’ONBP. L’inciden­ ce d’ONBP paraît augmentée (2-11%) chez les patients souf­ frant d’un myélome multiple, probablement en raison de l’atteinte des maxillaires et d’une inhibition marquée de la formation osseuse, alors qu’elle est rarement impliquée dans les métastases osseuses d’autres cancers.19 L’étude de Hoff et coll. retrouve une association entre l’ONBP et la positivité des récepteurs aux œstrogènes chez les patientes souffrant d’un cancer du sein.15 Cette observation serait plutôt expliquée par un meilleur pronostic de la maladie associé à une survie plus longue, une exposition aux bis­ phosphonates plus longue et des doses cumulatives plus importantes. Le tabac et l’alcool peuvent favoriser une ONBP mais pour le moment les évidences sont faibles.20 Une toxicité directe des bisphosphonates sur les muqueuses est également évoquée par certains auteurs, avec à la clé de ce mécanisme une inhibition de la cicatrisation de la paroi des cellules des kératinocytes.21,22 En conclusion, l’hypothèse qui prévaut actuellement est une exposition osseuse aux bactéries de la cavité buccale. Il se développe alors une nécrose osseuse, mais le séques­ tre osseux ne peut être résorbé ou remodelé du fait du mécanisme d’action des bisphosphonates (de même que celui du dénosumab). L’effet antiangiogénique des bisphos­ phonates est un facteur aggravant.7 pourquoi l’os maxillaire ? La mâchoire a une vascularisation et un taux de renou­ vellement cellulaire plus importants que d’autres os, par la présence des dents qui nécessitent un remodelage fré­ quent. Ces caractéristiques conduisent à une concentration en bisphosphonates supérieure à celle des autres os.23 Par ailleurs, la cavité orale est un environnement polybactérien, qui subit des microtraumatismes intenses. L’os des maxil­ laires est séparé de cet environnement seulement par une Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 0 09.10.14 09:09 Tableau 3. Classification et stades de l’ostéonécrose des maxillaires associée aux bisphosphonates (ONBP) (Adapté de réf.32). Stades de l’ONBP Descriptions Traitements A risque Patient exposé aux bisphosphonates sans évidence d’os nécrotique Pas de traitement, éducation du patient Stade 0 Pas d’évidence clinique d’os nécrotique mais présence de symptômes et de signes cliniques aspécifiques Antalgie, antibiothérapie Stade I Lésions asymptomatiques avec exposition osseuse sans signe infectieux Asepsie locale, suivi rapproché Stade II Os exposé, douleur, infection et tuméfaction Antibiothérapie orale, rinçage buccal antibiotique, antalgie, débridement superficiel Stade III Antibiothérapie, rinçage buccal antibiotique, antalgie, débridement chirurgical et résection pour contrôler l’infection et la douleur Os exposé, douleur, inflammation, atteinte des sinus maxillaires, fistules cutanées, fractures pathologiques muqueuse fine et le périoste, une barrière très fragile.23 En 2006, les premiers cas d’ONBP en dehors de la région orale ont été décrits, favorisant l’hypothèse qu’il s’agit d’une com­ plication osseuse systémique.24,25 comment en faire le diagnostic et comment traiter ? Le diagnostic est posé par l’anamnèse et l’examen cli­ nique. Un orthopantomogramme est utile notamment pour le suivi, mais un CT ou une IRM sont préférables pour dé­ terminer l’étendue des nécroses osseuses et les modifica­ tions inflammatoires de l’os et des tissus mous. Le fait que les bisphosphonates soient prescrits par le médecin géné­ raliste, l’oncologue ou un autre spécialiste, mais que la né­ crose apparaisse dans la zone de traitement du médecin dentiste, complique l’approche de cette maladie.26 L’AAOMS (American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons) propose une stratégie thérapeutique en fonction du stade de la maladie (tableau 3).20 L’approche conserva­ trice dans la mesure du possible est le traitement de choix. Dans les études prospectives de Saad et coll., parmi les 89 cas d’ONBP, 54% des patients ont été traités de manière conservative et 41% ont été opérés a minima.8 Une résec­ tion de l’os affecté a été effectuée chez seulement quatre patients. Une résolution complète de l’ONBP a été obser­ vée chez 32 pa­tients, donc le risque de chronicité est très important. Quel­ques données existent sur l’utilisation de la tériparatide, une molécule qui comprend les premiers 34 acides aminés de l’hormone parathyroïdienne (PTH), et qui a des effets anabolisants sur l’os.27,28 Ce médicament a surtout été étudié dans le contexte de l’ostéoporose. arrêt thérapeutique (drug holiday) ?20,29 L’arrêt des bisphosphonates n’assure pas la guérison des nécroses en raison de leur longue demi-vie squelettique (environ dix ans). Cependant, l’arrêt prolongé pourrait sta­ biliser la progression des lésions et réduire le risque d’ap­ parition de nouveaux sites d’exposition osseuse. En revan­ che, il y a un risque de progression des métastases et des douleurs osseuses. La décision de l’arrêt du traitement né­ cessite donc une évaluation multidisciplinaire. 0 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 34_38_38138.indd 4 prévention Face à la résistance de l’ONBP aux stratégies thérapeuti­ ques disponibles, la prévention a une place clé. L’«American Society for Bone and Mineral Research» a proposé des me­ sures préventives en 2007, mesures qui sont résumées dans le tableau 4. Une étude effectuée par Dimopoulos et coll. suggèrent que l’application des mesures préventives dimi­ nue le risque d’ONBP.30 adaptation du schéma d’administration des bisphosphonates En prévention de l’ONBP, il semble envisageable d’appli­ quer un schéma réduit permettant à la fois de minimiser le risque d’événements squelettiques et celui d’ONBP. L’étude rétrospective de Corso et coll. a comparé le schéma stan­ dard de zolédronate versus un schéma réduit (une injection par mois pendant un an et puis tous les trois mois) dans Tableau 4. Utilisation des bisphosphonates en pratique Recommandations générales • Communication entre le médecin généraliste, le dentiste et le patient. Encourager le patient à signaler la prise de bisphosphonates • Informer le patient des risques et des bénéfices des bisphosphonates • Encourager une bonne hygiène dentaire • Education des médecins et des patients sur l’ostéonécrose des maxillaires associée aux bisphosphonates (ONBP) Avant l’introduction des bisphosphonates pour l’ostéoporose • Informer le patient du risque d’ONBP (entre 1/10 000 et 1/100 000) • Un contrôle dentaire avant le début du traitement n’est pas nécessaire car le risque est faible et surtout associé à la durée du traitement • Encourager un suivi dentaire de routine et une bonne hygiène dentaire • Si traitement L 3 ans, prendre des précautions supplémentaires : éviter les interventions dentaires, si l’intervention est nécessaire, évaluer l’arrêt transitoire du traitement Avant l’introduction des bisphosphonates IV aux doses oncologiques • Informer le patient du risque d’ONBP (environ 1%) • Contrôle dentaire avant le début du traitement, à répéter tous les six à douze mois • Si le traitement par bisphosphonates peut attendre : effectuer toute intervention dentaire avant, introduire le traitement après une guérison buccale complète • Eviter toute intervention dentaire qui n’est pas absolument nécessaire Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 octobre 2014 1933 09.10.14 09:09 son indication oncologique.31 On constate que l’incidence des complications osseuses est similaire mais le risque d’ONBP est huit fois plus bas avec le schéma réduit. conclusions L’ONBP est une complication rare en cas d’ostéoporose mais plus fréquente en présence d’atteinte oncologique. Dans la grande majorité des cas, elle survient après une extraction dentaire. C’est un effet secondaire que les bis­ phosphonates partagent avec le dénosumab. La préven­ tion occupe une place majeure : il est important d’identifier les patients à risque et d’appliquer des stratégies de réduc­ tion de risque. L’information des patients quant aux risques d’ONBP ne doit pas être un frein à la prescription des bis­ phosphonates ni à l’observance de ce traitement. La préven­ tion et le traitement de l’ONBP nécessitent une prise en charge multidisciplinaire entre le médecin généraliste, l’on­ cologue, le dentiste et le chirurgien maxillo-facial. La recher­ che doit encore apporter des réponses quant à la physio­ pathologie, le traitement et l’efficacité des mesures préven­ tives. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article. Implications pratiques > L’ostéonécrose des maxillaires associée aux bisphosphonates est rare lorsque l’indication du traitement est l’ostéoporose, beaucoup plus fréquente (jusqu’à 1%) lors de l’utilisation chez les patients oncologiques > Il s’agit d’un effet secondaire que les bisphosphonates partagent avec le dénosumab > Le facteur de risque le plus important est un traumatisme préalable de la muqueuse orale > Le traitement dépend du stade de la maladie. Une traitement conservateur est privilégié dans la plupart des cas > La prévention et l’approche multidisciplinaire sont la clé de la prise en charge Bibliographie 1 Carrel JP, Seeman A, Lysitsa L. Phosphore et bisphosphonates : ou quand on oublie les leçons du passé. Med Buccale Chir Buccale 2006;2006:8-14. 2 Association suisse contre l’ostéoporose. Ostéoporose : prévention, diagnostic, traitement. Recomman­da­ tions. 2010. 3 Ross JR, Saunders Y, Edmonds PM, et al. 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