Comment rater son explication de texte en philosophie

Lycée franco-mexicain Année scolaire 2015-2016
Cours Olivier Verdun
L’ART DE RATER SON EXPLICATION DE TEXTE EN PHILOSOPHIE
Le ratage de l’explication de texte en philosophie est un art des plus sérieux qui requiert volonté
et précision. Un petit manque d’attention, c’est immédiatement prendre le risque d’obtenir une
note correcte, voire une bonne note, et d’être ainsi la risée de ses camarades. Voici quelques
précieux conseils pour rivaliser avec les plus mauvaises copies.
I) Le travail de préparation au brouillon
Pour faire plaisir au professeur, vous qui avez horreur des préliminaires, vous consentez à faire
un semblant de travail de préparation. Mais pour être certain que votre affaire sera le plus brouillon
possible et, surtout, réglée en deux coups de cuillère à pot, il importe de respecter scrupuleusement
les étapes suivantes, faute de quoi on prend le risque inconsidéré d’obtenir une bonne note et de
ternir sa réputation.
A) Rater le choix du sujet : le texte comme bouée de secours
Parmi les trois sujets proposés au baccalauréat (deux sujets de dissertation, un texte), on
veillera à ne pas se mouiller en choisissant, par défaut, le texte. Au moins, avec le texte, on pourra
toujours raconter quelque chose, faire de la paraphrase, voire, dans le pire des cas, le recopier
afin de ne pas rendre copie blanche. Même si on n’a rien compris au texte, on pourra toujours faire
illusion. De toute façon, les textes philosophiques, personne ne les comprend ; leurs auteurs n’ont
qu’à être plus clairs et accessibles au commun des mortels !
B) Rater la lecture du texte
Pour bien rater son explication de texte, il est impératif de ne lire le texte qu’une seule fois, et
encore ! Un rapide survol, une lecture en diagonale suffisent amplement, d’autant que ce que dit
l’auteur va de soi. On fera attention à ne pas être attentif à la construction du texte, encore moins
aux mots et expressions importants. A quoi bon saucissonner le texte en l’analysant et en lui
faisant dire n’importe quoi ? Ce qui est vrai pour les textes littéraires l’est encore plus pour les
textes philosophiques : à trop vouloir les décortiquer comme de vulgaires crustacés, on finit par en
tuer la beauté !
C) Rater la problématisation
Pourquoi, dès lors, s’échiner à repérer le thème, la thèse du texte, le problème qu’il soulève ?
Comme pour la dissertation, pourquoi se prendre la tête à chercher un problème alors que tout
pourrait être si simple ? Pourquoi rechercher des problèmes il n’y a que des évidences, voire
des solutions ? Le texte parle de lui-même. Il est inutile, présomptueux, par conséquent, d’aller
chercher midi à quatorze heures.
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D) Rater le plan
Foncez tête baissée dans la rédaction. Ne suivez surtout pas la progression du texte.
Commencez par la fin, ce sera plus rapide. Quand vous en aurez assez de jouer les singes savants
en répétant ce que dit l’auteur, passez à autre chose, recopiez ce que vous avez lu sur Wikipédia à
propos de l’auteur du texte et si vraiment vous avez la flemme de faire du copier-coller, racontez,
dans ce cas, votre dernier week-end à la campagne.
II) La rédaction du devoir
Vous voilà parti(e) dans la rédaction de votre explication de texte. N’oubliez pas d’écrire au fil
de la plume, sans vraiment réfléchir à ce que vous rédigez. Vive la spontanéité ! De quel droit
brimer le génie créateur ? Écrivez tout d'un bloc, sans jamais sauter de ligne ou faire des
paragraphes. - Toutes ces manies, ces lubies académiques, c’est fait pour les conformistes, les
vieilles barbes, les rabat-joie, pas pour les originaux, les rebelles purs et durs !
A) Rater l’introduction
Vous voilà plein de bonne volonté et décidé à suivre les conseils du professeur. Il vous a dit de
faire une introduction : comme vous n’avez pas l’esprit de contradiction, vous vous exécutez !
Pour ce faire, commencez par raconter la vie de l’auteur. Mieux : résumez le texte ou contentez-
vous de généralités. Le lecteur, intelligent, verra de lui-même le lien avec le texte.
B) Rater l’explication
Par souci d’efficacité et de clarté, on veillera à aller à l’essentiel sans s’encombrer de fioritures.
Privilégiez quelques passages seulement du texte. Ne suivez surtout pas sa progression en
expliquant son organisation interne. Ne citez jamais le texte, vous avez le droit de l’interpréter
comme bon vous semble. Après tout, qui peut prétendre avoir la bonne interprétation ? Sait-on
jamais ce que l’auteur a vraiment voulu dire ? Le mieux serait encore d’oublier le texte, de parler
de tout autre chose, de ce qui vous intéresse vraiment. Si on veut vraiment donner l’impression
qu’on a lu le texte, contentez-vous de le répéter en changeant çà et là certains mots ou tournures.
Pourquoi prendre le risque de réécrire beaucoup moins bien le texte, alors que l’auteur est un
génie ?
C) Rater l’intérêt philosophique
En aucun cas, le texte ne sera discuté, mis en perspective, évalué, critiqué. Ce serait là un crime
de lèse-majesté. L’auteur étant bien plus savant que vous, il serait pour le moins présomptueux
d’oser critiquer ce qu’il écrit. Si néanmoins on se sent capable de croiser le fer, on pourra alors
faire le procès du texte et de son auteur, monter que ce dernier n’a rien compris, que la thèse
défendue est absurde, que le problème est mal posé, que l’argumentation est tirée par les cheveux,
etc. On se proposera alors de donner une belle leçon de philosophie à l’auteur qui n’a rien compris,
en réécrivant tout simplement le texte et en donnant à commenter à ses camarades cette nouvelle
version.
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D) Rater la conclusion
Le mieux est encore de ne pas conclure afin d’éviter de se répéter. A quoi bon redire, à la fin, ce
qu’on a essayé laborieusement de démontrer ? Si l’on tient vraiment à contenter le prof, soyez le
plus allusif possible et, surtout, évitez de vous mouiller : « la question que pose le texte est très
difficile, on ne peut pas y répondre », « la thèse du philosophe n’engage que lui, tout est relatif, à
chacun son opinion » ou bien « la thèse de l’auteur est trop tranchée, il faut un juste milieu ».
Finissez par un lieu commun plein de bon sens ou par une ouverture fulgurante vers n'importe
quelle question qui vous vient à l'esprit. Au moins on ne pourra pas vous reprocher d’avoir fait
preuve de bonne volonté.
III) Exercice pour la route
Maintenant que vous êtes passé(e) maître dans l’art de rater votre explication de texte, essayez,
pour le fun, de proposer une méthode pour la réussir.
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