Lycée franco-mexicain – Cours Olivier Verdun
- Pouvoir et parole sont liés, l’homme de pouvoir est l’homme qui parle mais aussi la seule
source de parole légitime. Dans les sociétés sans État, comme les sociétés indiennes
d’Amérique du Sud par exemple, le chef indien est celui qui détient le monopole de la parole,
au sens où la parole est pour lui un devoir. La parole du chef n’est pas faite pour être écoutée
en réalité ; le chef ne dit rien et personne ne prête attention au discours du chef. Son discours
est inlassablement consacré à la célébration des normes de la vie traditionnelle. Ce n’est pas
un discours de pouvoir. La parole qui ne dit rien, celle qui répète, est liée au refus de
l’Etat.
e) Parler pour ne rien dire, est-ce réellement ne rien dire du tout ? Que nous apprend
Freud à ce sujet (cf. cours sur l’inconscient) ?
- Celui qui parle pour ne rien dire ne veut-il pas, malgré tout, dire quelque chose ?
- Un discours dit quelque chose quand il a un sens qui est compréhensible pour nous. C’est
l’auditeur qui toujours juge qu’une parole est vide. L’auditeur n’est pas à l’abri d’une
méprise et peut décider à tort qu’un discours ne dit rien, qu’il n’a aucun sens. Platon souligne,
dans le livre VI de République, que les philosophes sont souvent considérés comme des êtres
inutiles qui parlent pour ne rien dire. Mais cela ne signifie pas pour autant que leur discours
ne soit qu’un bavardage. De sorte que l’inintelligibilité apparente de certaines phrases
n’implique pas toujours qu’elles ne soient pas porteuses de sens.
- L’absence apparente de sens peut masquer, qui plus est, un sens caché. Comme dans
les rêves, il peut arriver qu’on parle en ne disant rien d’intelligible sans cependant que ce soit
pour ne rien dire. Exemple des lapsus qui conduisent souvent à rendre la proposition énoncée
dénuée de sens, alors qu’ils ont une signification puisqu’ils révèlent un désir inconscient de la
part du locuteur. C’est ce que montre Freud dans Psychopathologie de la vie quotidienne :
dire signifie exprimer, signifier, faire connaître, ce qui renvoie nécessairement à un
contenu. Dire, c'est toujours dire quelque chose, émettre une intention de signification.
C’est toujours « pour » dire quelque chose que celui qui parle pour ne rien dire prend la
parole. Le bavardage, le discours incohérent sont révélateurs et disent de manière
détournée quelque chose du locuteur.
IV) Recherche des références philosophiques
a) Cherchez, dans votre manuel de philosophie et dans le cours, les éléments qui pourraient
vous aider à traiter la question posée.
b) Les références suivantes sont également utiles :
Alain, Propos sur l’éducation, par. 40, PUF, p.102 (à propos du bavardage).
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, PUF, p.123-124 (les
mots sont inaptes à exprimer l’essence même des choses, comme on peut
l’expérimenter concernant la sphère des sentiments ou des états de conscience).
Platon, L’Euthydème, 298b-e et 300b, GF (l’effet pervers des discours vides).
Platon, Gorgias, 452d, GF (le pouvoir des mots).
Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, Payot (exemples des lapsus, des
rêves : c’est toujours « pour » dire quelque chose que celui qui parle pour ne rien dire
prend la parole).
Pierre Clastres, La Société contre l'État, chap.7, « Le devoir de parole », Les Éditions
de Minuit (l’enjeu politique du discours vide : le chef, dans les sociétés indiennes