103 – COMMENT S’OPERE LE FINANCEMENT DE L’ECONOMIE MONDIALE ? A – La balance des paiements permet de mesurer les échanges internationaux a) – Qu’est-ce qu’une balance des paiements ? 1. La balance des paiements est un document comptable retraçant, pour une période donnée, l'ensemble des opérations entre les agents « résidents » (tous ceux qui résident pendant au moins un an sur le territoire national quelque soit leur nationalité) et les agents « non-résidents ». Elle est construite sur le principe de la comptabilité en partie double. Chaque opération est comptabilisée deux fois pour la même somme. Ainsi, une importation de marchandises payée à crédit se traduit par une dépense (signe -) dans la balance commerciale et par une entrée de capital (signe +) dans la balance des capitaux. De ce fait, la balance des paiements est globalement équilibrée, aux erreurs et omissions près, qui peuvent être importantes. Balance des paiements 2. La balance des transactions courantes enregistre les importations et les exportations de biens et de services ainsi que les transferts de revenus (bénéfices des FMN rapatriés, salaires des frontaliers, prêts aux pays en développement, rapatriement de l’épargne des immigrés…). Elle est composée de : La balance commerciale qui enregistre les exportations (entrées de devises) et les importations (sorties de devises) de biens évaluées franco à bord (hors taxes et fret). Son solde (exportations – importations) peut être excédentaire, équilibré ou déficitaire. On peut mesurer l’importance du solde en calculant un taux de couverture des importations par les exportations : Taux de couverture = Exportations/Importations x 100 Taux de couverture = 100 Equilibre > 100 Excédent < 100 Déficit Ainsi, en 2011, la balance commerciale est déficitaire de 74 milliards d’€ car les exportations ne couvrent que 85,3% des importations. Balance commerciale de la France Balance commerciale française (en milliards d'Euros FAB/FAB)* 1997 2004 2008 2009 2010 2011 2012 Exportations de biens 265 352 418 346 395 428 442 Importations de biens 241 356 474 391 447 502 509 Solde commercial = + 24 -4 - 56 - 45 - 52 - 74 - 67 Taux de couverture = 109,9 98,8 88,1 88,5 88,3 85,3 86,8 (Sources : Douanes, données FAB/FAB y compris matériel militaire, 2012) (FAB* = franco à bord = les marchandises sont évaluées hors-taxe) Un excédent commercial peut être positif. Il peut en effet témoigner du dynamisme des exportations de marchandises françaises, signe d'une bonne compétitivité des entreprises nationales, qui gagnent des parts de marché à l'étranger. Mais, un excédent commercial peut, au contraire, est un mauvais signe car il peut signifier que la demande intérieure est très peu dynamique (d'ou de faibles importations) du fait d'une faible croissance, d'un grand pessimisme des consommateurs... Un déficit commercial peut être le signe d'un manque de compétitivité et de faibles exportations. Les entreprises produisent moins car elles perdent des débouchés, c'est donc l'emploi qui se rétracte, entrainant le ralentissement de la consommation, et donc de la croissance. Inversement, un déficit commercial peut être la preuve d'un fort dynamisme économique : la croissance étant forte, les besoins en produits étrangers sont également importants (matières premières, énergie...), ainsi que la demande intérieure. En France, en 2012, le déficit commercial s’est réduit à 67 milliards d'euros (contre 74 milliards en 2011). Les exportations sont en légère hausse (mais une hausse moins forte que l'an passé), tandis que les importations sont restées presque stables (pétrole). L'amélioration du déficit s'explique principalement par la faiblesse de la demande intérieure française. La balance des invisibles enregistre les exportations et les importations de services (de transport, de services touristiques, de services financiers, de services techniques…), les revenus nets de l'étranger (Salaires, dividendes, intérêts versés par des non résidents à des résidents – salaires, dividendes, intérêts versés à des non résidents par des résidents) et les transferts courants nets (Transfert des revenus des émigrés vers leur famille + transfert des organisations internationales à l’Etat français – Transfert des immigrés à leur famille + transferts de l’Etat français à des organisations internationales et à des Etats étrangers). 3. Le compte de capital enregistre les transferts en capital (aides à l’investissement, dons et remises de dette à des pays en développement par exemple) ainsi que les achats ou ventes d’actifs non financiers non produits (brevets, droits d'auteur, franchises par exemple). Comme pour les transactions courantes, les opérations qui se traduisent par une recette sont inscrites au crédit (signe +) et celles qui se traduisent par une dépense sont inscrites au débit (signe -). Capacité ou besoin de financement de la France Balance courante française (en milliards d'Euros) Solde commercial Solde des services 1 Revenus nets de l'étranger 2 3 Transferts courants nets (aides et dons) Solde de la balance courante = 4 1997 2004 2008 2009 2010 2011 2012 + 24,0 - 4,0 - 59,0 - 45,0 - 52,0 - 73,5 - 70,0 14,9 12,2 16,5 10,2 10,0 24,2 30,3 6,3 18,1 33,4 31,6 36,5 46,9 30,4 - 11,6 - 17,3 - 24,2 - 27,2 - 26,2 - 36,6 - 37,2 33,6 9,0 - 33,3 - 28,4 - 33,7 - 39,0 - 43,5 Solde du compte de capital 1,3 1,5 0,7 0,3 0,1 0,1 - 0,2 Capacité ou besoin de financement = 34,9 10,5 - 32,6 - 28,1 - 33,6 38,9 - 46,7 (Sources : Banque de France, 2013) Si la balance courante et le compte de capital sont excédentaires, le pays vit en dessous de ses moyens. Il dégage une capacité de financement (son épargne est supérieure à ses investissements) et engrange des devises qu’il va pouvoir investir, prêter, placer à l’étranger ou les mettre en réserve. Si la balance courante et le compte de capital sont déficitaires, le pays vit au dessus de ses moyens. Il a un besoin de financement (son épargne est insuffisante pour financer ses investissements) et il manque de devises. Il va devoir emprunter ou vendre ses actifs ou tirer sur ses réserves de devises. Depuis 2005, la France vis au dessus de ses moyens 4. La balance financière enregistre les mouvements de capitaux qui portent sur des titres de propriété (actions) ou de créances (obligations, bons du trésor…) financiers. Tout achat de titres étrangers par un résident se traduit par une exportation de capitaux (sorties de devises) et toute vente de titres financiers à un non-résident correspond à une importation de capitaux (entrées de devises). Ce compte comprend : Les investissements directs à l’étranger, c’est-à-dire la création par les entreprises résidentes d’une filiale à l’étranger, ou la prise de contrôle d’une société étrangère, ou le réinvestissement des bénéfices sur place ou le prêt à une filiale implantée à l’étranger. Le pourcentage du capital détenu pour exercer un contrôle significatif est de 10 % d'après la France ou les États-Unis qui suivent les recommandations de l'OCDE et du FMI. Pour l'Allemagne et le Royaume-Uni, il faut un taux de contrôle de 20 % pour que l’opération soit enregistrée en IDE et non en investissement de portefeuille. Un solde négatif de la balance des IDE signifie que les firmes implantées en France investissent davantage à l’étranger que les firmes implantées à l’étranger investissent en France. Cela résulte de la volonté des firmes françaises de se mondialiser et de conquérir de nouveaux marchés à l’étranger. Un solde négatif peut avoir des inconvénients mais aussi des avantages : L’IDE provoque une sortie de capitaux qui auraient pu être investis sur le territoire national et dynamiser l’économie nationale. L’IDE, s’il prend la forme d’une délocalisation, peut se traduire par une destruction d’emplois. L’implantation d’une firme nationale à l’étranger va se traduire par des échanges de biens et de services entre la maison mère et ses filiales (commerce intra-firme) qui vont augmenter les flux d’exportations. Les revenus générés à l’étranger par la filiale à l’étranger vont être, partiellement ou totalement, rapatriés ce qui va se traduire par des rentrées de devises qui s’inscriront en positif dans la balance courante. La balance des paiements française (en milliards d'€) 1997 2004 2008 2009 2010 2011 2012 Solde de la balance courante 33,6 9,0 - 33,3 - 28,4 - 33,7 - 38,9 - 46,7 Solde du compte de capital 1,3 1,5 0,7 0,3 0,1 - 0,1 - 0,2 Solde du compte financier (1+2+3+4+5) -38,3 -7,9 18,3 41,1 18,2 58,2 98,2 - 1 - Solde des investissements directs - 11,0 - 19,5 - 62,0 - 49,6 - 37,9 - 35,4 1,2 - 2 - Solde des investissements en portefeuille - 23,0 - 52,4 25,0 251,1 119,9 251,6 37,5 3,5 5,0 - 16,4 - 16,9 34,3 13,8 4,3 - 4 – Autres investissements - 2,6 62,5 63,1 - 147,4 - 92,3 - 177,3 59,2 - 5 - Avoirs de réserve - 5,2 - 3,5 8,5 3,9 - 5,8 5,5 - 4,0 3,4 - 2,6 14,3 - 13,0 15,4 - 19,1 - 51,3 - 3 - Solde des produits financiers dérivés Erreurs et omissions nettes (Source : Banque de France – 2013) Les investissements en portefeuille correspondent aux achats par des résidents d’actions (à condition que cela ne dépasse pas les 10% pour les actions d’une société) ou d’obligations ou de bons du trésor pour en tirer des revenus de placement (intérêt, dividendes, qui seront rapatriés et alimenteront les ressources de la balance des revenus). Il s’agit d’un investissement financier ou d’un placement. Un solde positif pour la France signifie que les étrangers achètent plus de titres émis par des agents économiques établis en France, en particulier les titres de la dette de l’Etat français, que l’inverse. Cela rapporte des devises à la France à court terme mais ces apports sont fragiles car ils peuvent se retourner si la confiance des marchés dans la solvabilité de la France est entamée et ils se traduiront, à terme, par une sortie de devises qui s’inscriront en négatif dans la balance courante. Les autres investissements concernent les créances ou les dettes contractées au moment des échanges commerciaux (paiement à 90 jours après la livraison) et les prêts ou emprunts des résidents ou des nonrésidents à des sociétés financières (Banques, sociétés de crédit…). Les variations des réserves de la Banque centrale serviront à défendre le cours de la monnaie nationale (vente de devises et achat de monnaie nationale pour en faire remonter le cours). C’est l’inscription de cette variation des avoirs de réserves dans la balance des paiements qui permet d’en assurer l’équilibre comptable, la variation des avoirs de réserve pouvant dès lors être assimilée au « solde de la balance des paiements ». C’est ainsi que, si les opérations enregistrées dans la balance des paiements ont conduit à une augmentation des avoirs de réserves détenus par le système bancaire (balance des paiements excédentaire), la variation des avoirs de réserves est inscrite au débit (signe –). A l’inverse, si la variation des avoirs de réserve apparaît au crédit (signe +), cela signifie que les avoirs de réserves détenus par le système bancaire ont diminué au cours de la période (déficit de la balance des paiements). La ligne erreurs et omissions est censée équilibrer les comptes et traduit les fuites de capitaux non enregistrées. Par convention, la balance des paiements est toujours équilibrée. Le besoin de financement ou la capacité de financement sont compensés par un mouvement de capitaux en sens inverse. Mais, des erreurs dans la comptabilisation des flux obligent les comptables à créer une ligne erreur et omissions pour équilibrer la balance. 5. Un excédent du compte financier n'est donc pas nécessairement positif. L'appel à des capitaux étrangers pour combler le besoin de financement du pays présente, en effet, des inconvénients : il suppose par la suite de verser des revenus (signe négatif dans le compte des transactions courantes), ou bien qu'il faudra rembourser le capital emprunté (signe négatif dans le compte financier). 6. En fin de compte, un excédent du compte financier tend à dégrader le solde des transactions courantes, et diminue l'excédent du compte financier. Inversement, un déficit du compte financier est synonyme de revenus futurs et de remboursements à venir. Par ailleurs, un solde positif place le pays dans une situation de « contrainte extérieure » : il est tenu de rester solvable aux yeux des investisseurs étrangers afin qu'ils continuent à placer leurs capitaux dans le pays pour financer le déficit des transactions courantes. Lorsque les entrées nettes de capitaux ne suffisent pas à compenser le déficit des transactions courantes, il est nécessaire de puiser dans les réserves de devises ou de change (fournies par la Banque Centrale) (signe + au compte avoirs de réserves). b) – Quelle signification donner au solde des transactions courantes ? 1. A partir du milieu des années 1970, on va assister à des déséquilibres croissants dans les balances des transactions courantes qui enregistrent les exportations et les importations de biens, de services et les transferts de revenus (les bénéfices réalisés à l'étranger par des entreprises françaises et rapatriés en France, par exemple). Certains pays vont accumuler des excédents importants (Chine, Japon, Allemagne,...). Ils produisent plus de biens et services qu'ils n’en consomment et/ou investissent. Ils exportent plus de biens et de services qu’ils n’en importent. Ils vivent au dessous de leurs moyens, dégagent une capacité de financement, c’est-à-dire qu’ils accumulent une épargne en devises qu’ils vont pouvoir investir à l’étranger (IDE), placer (Investissement en portefeuille), prêter à des non résidents ou conserver sous la forme de réserves de devises. Ainsi, entre 1995 et 2012, la Chine a dégagé un excédent cumulé de 2 531 milliards d’euros qui lui a permis de financer ses achats d’actifs productifs et d’actifs financiers étrangers et d’assoir son rôle de financier du reste du monde. Ceci est la conséquence de la faible part de la consommation des ménages chinois dans leur PIB (faiblesse des salaires) et de leur taux d’épargne important (absence de véritable protection sociale). D’autres pays accumulent des déficits de la balance courante (Etats-Unis, Brésil, Royaume-Uni, France…). Ils consomment et/ou investissent plus qu'ils ne produisent. Autrement dit, leur épargne nationale est insuffisante par rapport à leurs investissements. Ils importent donc plus de biens et de services qu’ils n’en exportent. Ils vivent au dessus de leurs moyens et ont un besoin de financement. Ils vont devoir vendre une partie de leurs avoirs (titres de propriété ou titres de créance), emprunter ou tirer sur leurs réserves pour financer le déficit c’est-à-dire dépendre de l’épargne extérieure pour compenser l’insuffisance de l’épargne intérieure. Ainsi, l’Etats-Unis, entre 1995 et 2012 ont accumulé un déficit extérieur de 5 233 milliards d’euros qui résulte de la faiblesse de l’épargne des consommateurs américains. Les Etats-Unis dépendent donc des importations de capitaux étrangers pour financer leur mode de vie. Evolution des soldes des balances courantes dans le monde entre 1980 et 2010 (en % du PIB mondial) c) – Quelle signification donner aux flux de capitaux ? 2. Pour connaitre les transferts financiers nets de capitaux dont bénéficient certains pays et subissent d’autres pays, il faut non seulement prendre en compte les entrées et les sorties d’IDE, d’investissement en portefeuille, les prêts et les emprunts, l’aide publique au développement mais il faut retirer les remboursement de la dette (amortissement de la dette + intérêts appelés « service de la dette ») ainsi que les profits rapatriés par les multinationales qui apparaissent dans la balance courante ; Transfert net de capitaux = Apports nets de capitaux – (service de la dette+ Rapatriement des profits) 3. Au cours des années 1970, les deux chocs pétroliers (1973-1974 et 1979-1980) déséquilibrent principalement les balances courantes des pays en développement. Les banques des pays développés vont recycler les pétrodollars des pays de l’OPEP pour les prêter aux pays déficitaires. Le stock de la dette, c’est-à-dire le montant des sommes que doivent rembourser les emprunteurs est multiplié par 10 entre 1970 et 1980. Pour payer chaque année le service de la dette (amortissement de la dette + intérêts), les pays en développement disposent de trois types de ressources : De nouveaux emprunts aux banques ; Des prêts de l’aide publique des pays riches et du FMI ou de la Banque Mondiale ; Des investissements directs à l’étranger des FTN qui viennent s’implanter sur leur sol. Ces transferts nets deviennent négatifs durant les années 1980 ce qui signifie que les PED versent plus de capitaux aux pays du Nord (remboursement de la dette, intérêts, profits rapatriés) qu’ils n’en reçoivent. Pays ou Zones vivant… Mouvements de capitaux Années Au dessus de leurs moyens Au dessous de leurs moyens Origine Destination 1960-1980 Pays en développement Pays développés Nord Sud 1980-1990 Etats-Unis Japon, Europe Nord Nord 1990-2000 Etats-Unis/Emergents Japon, Europe Nord Nord/Sud 2000-2012 Etats-Unis Japon, Chine, OPEP Sud Nord 4. Au cours des années 1980, ce sont les Etats-Unis qui vivent au dessus de leurs moyens. Le Japon et l’Europe vont utiliser leurs excédents de la balance courante pour investir aux Etats-Unis et prêter des capitaux aux résidents américains. En revanche, la crise de la dette des PED aboutit à un transfert de capitaux des pays pauvres en direction des pays riches. 5. A partir des années 1990, les flux de capitaux s’orientent principalement vers les Etats-Unis et les pays en transition (la Russie mise à part) car leurs déficits des transactions courantes deviennent croissants. Ces pays vivent largement au dessus de leurs moyens. Leur épargne est insuffisante. Ils vont devoir se financer auprès des pays qui sont fortement excédentaires : les pays pétroliers, les pays émergents (principalement la Chine), le Japon, l’Allemagne. On aboutit au paradoxe de Lucas : ce sont les pays en développement qui finance la première puissance économique du monde qui vit à crédit ! Les pays en développement en tant que groupe ont continué à transférer de grandes quantités de ressources financières vers les pays développés. En 2010, les transferts nets se sont élevés à un montant estimé à 580 milliards de dollars, soit une légère hausse par rapport au niveau enregistré l’année précédente. En 2011, ces transferts se montaient à 826,6 milliards de $. Comme cela a été le cas pour plus d’une décennie, la plupart des transferts nets reflète des accumulations de réserves supplémentaires de la part des PED (Pays en développement). La constitution de telles réserves se fait au détriment d’investissement dans les pays en développement. Les transferts financiers nets durant les années 2000 6. La vaste majorité de ces réserves sont investies dans des bons du Trésor des États-Unis et autres pays dont les obligations sont à faible rendement. Les pays émergents financent donc la dette des Etats des pays du Nord. Le reste sert à constituer un portefeuille de titres financiers émis par les agents privés des pays développés ou émergents, à financer le développement des firmes multinationales émergentes et à constituer un important matelas de devises. Evolution des réserves de change entre 1980 et 2010 (En % du PIB mondial) 7. Ainsi, les pays émergents, en faisant pression à la baisse sur les salaires pour rester compétitif, ont beaucoup plus produit qu’ils n’ont consommé ou investi au cours de la dernière décennie. Cette tendance à dégager des excès d’épargne exerce un effet dépressif sur la croissance de l’économie mondiale, qui a été contrecarré par le rôle de « consommateur en dernier ressort » des Etats-Unis (Dominique Plihon et Robert Guttmann). Sans l’endettement des ménages américains, les déséquilibres auraient été moindres mais la croissance aussi. Pays développés qui vivent au dessus de leurs moyens Pays émergents qui vivent en dessous de leurs moyens Déficit du budget de l’Etat Epargne et entrée de capitaux (IDE…) Endettement = émission de titres de créance Déficit de la balance courante Placement = achat de titres de créance Excédent de la balance courante d) – Quelles sont les causes et les conséquences des flux financiers ? 1. Le système financier international a été profondément transformé sous l’effet de ce que l’on a appelé " les trois D " : déréglementation, désintermédiation, décloisonnement. Les années 80 ont permis un développement spectaculaire de la finance, à tel point que l’on a parlé d’une déconnexion entre la sphère de l’économie réelle et la sphère monétaire et financière. La déréglementation financière désigne l’assouplissement des règles régissant l’activité bancaire, le fonctionnement des marchés financiers et les mouvements de capitaux. Ainsi, la levée du contrôle des changes (Contrôle étatique des flux de devises) a provoqué un développement considérable du marché des changes. La désintermédiation concerne le développement de la finance directe (ou désintermédiée) qui met en relation offreurs et demandeurs de capitaux par l’intermédiaire du marché financier (la Bourse) au lieu de passer par le financement bancaire. Le financement direct (actions, obligations) permet de diminuer le coût d’un investissement. Le décloisonnement consiste en la suppression des barrières entre les différents compartiments nationaux et internationaux des marchés financiers. Jusqu’au début des années 70, les systèmes financiers nationaux étaient juxtaposés, chaque pays finançant ses investissements à l’aide de sa propre épargne. Il existe désormais un marché mondial des capitaux fonctionnant en continu, 24 heures sur 24. Cette globalisation financière est le résultat des innovations financières et des nouvelles technologies (Internet, téléphone satellitaire…). 2. En théorie, cette globalisation financière doit améliorer l’efficience de la finance internationale. Cela signifie d’abord qu’il y aurait une meilleure allocation internationale des fonds disponibles. Une ressource rare (l’épargne) va donc être mieux utilisée. Les emprunteurs vont également avoir accès à cette épargne à des conditions plus avantageuses grâce à la diminution des coûts d’intermédiation. Les investissements de portefeuille en particulier s’y développent. Ils permettent aux entreprises de trouver des capitaux plus facilement. C’est aussi un moyen pour les administrations publiques de trouver des ressources financières. L’État émet des bons du Trésor pour pouvoir emprunter. Quant aux épargnants, ils trouvent également des opportunités plus grandes de placement. L’investissement devrait donc être favorisé du fait de la baisse des coûts de financement. 3. Cependant, ces mouvements de capitaux entre les pays étaient très souvent spéculatifs. Ils se déplaçaient d’une place financière à l’autre en fonction des opportunités (intérêts plus élevés, hausse plus rapide des cours en bourse, faible fiscalité…) qu’ils pouvaient en tirer. Des bulles spéculatives se forment. Le cours de bourse devient largement supérieur à la valeur réelle des sociétés cotées en bourse. Dès que les anticipations sur les gains futurs des sociétés deviennent négatives, les capitaux se retirent provoquant une crise financière (baisse rapide des cours boursiers), une crise de change (le cours de la monnaie se déprécie face aux autres devises), une crise bancaire (les dépôts diminuent et les défauts de paiement se multiplient) et une crise économique (arrêt de la croissance du PIB voire récession). On appelle ce phénomène le « sudden stop ». Plus de 120 sudden stop ont été répertoriés depuis les années 1970 (crise de la dette en 1982, crise boursière en 1987, crise du Mexique en 1994, crise boursière en 1997, crise asiatique en 1997, de la Russie en 1998, crise boursière en 2001 et 2007, crise bancaire en 2008-2009…). Entrée de capitaux étrangers Hausse des cours Placements spéculatifs Perte de confiance Rapatriement des capitaux Crise boursière Epuisement des réserves Crise de change Récession Crise bancaire 4. La sphère financière est donc en partie déconnectée de la sphère réelle car son développement a été sans commune mesure avec celui de la production. Les cours boursiers évoluent indépendamment de l’activité économique. Le marché financier sert davantage à la spéculation qu’au financement des entreprises : les capitaux qui participent au gonflement de la " bulle financière " sont des capitaux perdus pour la production. Ce marché mondial des capitaux n’est surveillé par aucune instance supranationale. Ainsi les échanges de capitaux deviennent particulièrement opaques, et les comportements exagérément risqués ne peuvent être sanctionnés. B – Les échanges internationaux ont besoin d’un marché des changes a) – Marché des changes et fixation du taux de change 1. Pour échanger, les agents économiques ont besoin d’une monnaie commune. Cela vaut au niveau de la nation, mais aussi au niveau mondial. Les échanges internationaux sont réglés avec quelques monnaies internationales, dans lesquelles les agents ont confiance. Une devise est une monnaie convertible en monnaie étrangère détenue par des non-résidents. Cette devise est échangée sur le marché des changes. Il y a un seul marché des changes dans le monde. Les transactions sur une devise se font en continu simultanément à Londres, Paris ou New York. Le marché des changes est interbancaire (80% des transactions sont réalisées entre banques). Au siège des banques, les opérations de change sont réalisées par les cambistes. Ces derniers subissent un risque de change, lié aux variations des valeurs des monnaies les unes par rapport aux autres. C'est aussi cette volatilité extrême qui permet aux arbitragistes (ceux qui tirent profit des différences de cotation des devises) de s'enrichir et d’unifier le taux de change. L'accélération de la mondialisation des échanges réels ainsi que des flux financiers a donné un rôle prépondérant au marché des changes La forte croissance du volume des échanges quotidiens en devises 2. Les agents économiques ont plusieurs raisons de détenir des devises : Les entrepreneurs, les ménages, en ont besoin pour régler leurs échanges de biens et services étrangers. Les entrepreneurs doivent en disposer lorsqu’elles font un investissement direct à l’étranger. Les entrepreneurs, les ménages, s’en servent pour acheter des titres financiers étrangers (placement). Les banques et les fonds financiers en achètent pour les revendre à terme avec plus-value (spéculation). La Banque centrale les conserve pour défendre le cours de sa monnaie s’il est besoin. 3. Le taux de change, c’est-à-dire le prix relatif d’une monnaie par rapport à une autre ou la quantité de devises que l’on peut obtenir avec la monnaie nationale, est donc déterminée par l’offre et la demande respectives des monnaies dans un marché parfait. Ainsi sur le marché de l’euro contre le dollar, il y a une demande d’euros qui représente les ordres d'achat d’euros contre le dollar et une offre d’euros qui représente les ordres de vente d’euros contre le dollar. Si la demande d’une devise s’accroît plus vite (déplacement de la courbe de demande vers la droite) que l’offre, son cours va s’apprécier. C’est le cas lorsque le pays connait un excédent de sa balance courante ou lorsque les entrées nettes de capitaux, liées par exemple aux opérations relevant des IDE ou des investissements de portefeuille, sont positives. Inversement, si l’offre de devises augmente plus vite (déplacement de la courbe vers la droite) que la demande, son cours va se déprécier. Ce cas se produit lorsque notamment, le pays connaît un déficit de la balance du commerce extérieur ou des sorties nettes de capitaux liées par exemple aux opérations relevant des IDE ou des investissements de portefeuille. Marché des changes : cotation du dollar en euros Prix d’équilibre Quantités échangées 4. Sur le marché des changes (le Foreign exchange, « forex » pour les initiés), on échange des euros contre des dollars, des livres sterling contre des yens, des yens contre des euros. Le taux de change se forme et évolue sans cesse en fonction des achats et des ventes de devises sur le marché des changes. Si la fonction première du marché des changes est de permettre l'échange immédiat de devises (au comptant, dans le jargon du métier), son autre grand rôle est de permettre aux entreprises et aux banques de gérer les risques liés aux variations des cours de change, ce qu'on appelle le risque de change. Dès qu'une entreprise est en relation avec des fournisseurs étrangers ou des clients étrangers et que ce qu'elle doit régler en monnaies étrangères ne correspond pas exactement à ce qu'elle va recevoir en monnaies étrangères, elle est exposée au risque de change. Elle peut transférer ce risque sur le marché des changes grâce à des opérations à terme. On parle d'opérations à terme, car elles se caractérisent par un décalage entre le moment où le contrat est signé et le moment où il est exercé. L'entreprise cherchera par exemple un cambiste qui accepte de lui vendre les dollars dont elle aura besoin pour régler une facture dans trois mois à un cours de change entre le dollar et l'euro fixé le jour de la signature du contrat financier (ici un contrat d'achat de dollars appelé « call »). Le cours de change étant fixé aujourd'hui pour dans trois mois (c'est le cours à terme), il n'y a plus d'incertitude pour l'entreprise sur la variation du taux de change euro-dollar. Bien sûr, si au terme des trois mois le cours au comptant du dollar a baissé vis-à-vis de l'euro, notre entreprise sera heureuse de régler sa facture dans un dollar moins cher. Selon l'enquête triennale de la Banque des règlements internationaux (BRI) de décembre 2010, il s'est échangé chaque jour de l'année 2010 sur le marché des changes pas loin de 4 000 milliards de dollars (avec environ un tiers d'opérations au comptant et deux tiers d'opérations à terme). Pour fixer les idées, c'est à peu près deux fois le produit intérieur brut (PIB) annuel de la France ! Cela veut dire aussi qu'en quelques jours sur le marché des changes, il s'échange autant d'argent qu'en une année entière sur le marché des biens et des services. b) – Les différents régimes de change 1. Un système monétaire correspond à l’ensemble des règles et des institutions qui facilitent la circulation et la conversion des devises. Il en existe trois : le système de parités fixes, celui du régime de change flottant et celui du flottement administré. La banque centrale doit intervenir pour défendre la parité Changes fixes Purs La banque centrale se refuse à intervenir Changes flottants Administrés La banque centrale mène une politique de change 2. Le régime des parités fixes comprend trois règles : Un taux de change officiel défini par l’Etat qui doit rester stable dans un tunnel dont les marges de fluctuations sont définies par avance (dans le système monétaire international de 1944 à 1971 : 1% au dessus et au dessous de la parité officielle et dans le système monétaire européen de 1979 à 1999 : 2,5% de marges). Autrement dit, si 5 F = 1 $, la Banque de France s’engage à ce que le cours du franc vis-à-vis du dollar ne dépasse pas 4,95 F (plafond) et 5,05 F (plancher) pour un $. Ainsi, si le franc atteint le plancher vis-à-vis du $, la Banque de France doit vendre du $ pour acheter du franc. Le franc devient plus rare et le dollar plus abondant, ce qui fait remonter le franc vis-à-vis du dollar. Si elle n’arrive pas à défendre la parité, elle devra la dévaluer lorsqu’elle franchit le plancher et la réévaluer lorsqu’elle dépasse le plafond. Dévaluation et réévaluation sont donc des changements de parités officielles décidés par l’Etat. La convertibilité des monnaies entre elles, ce qui suppose que la Banque centrale dispose de suffisamment de devises dans ses réserves pour assurer à tout moment la conversion de la monnaie nationale qui lui est présentée en devises. L’assistance d’une banque internationale de règlement (le FMI dans le cadre du SMI, le FECOM dans le cadre du SME), qui prête les devises, qu’elle a reçues de chaque État membre, aux pays qui ont un besoin momentané de devises pour défendre le cours de leur monnaie. Ces prêts peuvent faire l’objet de recommandations qui doivent être suivies par le pays receveur. Ainsi, la Grèce a dû accepter les plans d’austérité conçus par la FMI pour recevoir des fonds lui permettant de faire face à ses échéances. 3. Un système de taux de change flottant suppose que le taux de change est fixé librement par le marché des changes en fonction de l’offre et de la demande, sans intervention de la Banque centrale (le tunnel a disparu). Les libéraux (Milton Friedman) y voient trois avantages : Le rééquilibrage automatique de la balance courante : une balance courante déficitaire se traduit, en effet, par une moindre demande de monnaie nationale (recettes des exportations en devises qui vont être transformées en monnaie nationale) et une plus grande demande de devises (pour payer les importations). Le cours de la monnaie nationale va donc baisser (dépréciation externe de la monnaie), ce qui rend les produits nationaux moins chers pour les étrangers et les produits étrangers plus chers pour les nationaux. Les exportations vont augmenter et les importations diminuer.La balance courante va retrouver un équilibre, voire un excédent. Le taux de change va devenir l’expression de la parité de pouvoir d’achat : lorsqu’un pays a une inflation supérieure à celle de son principal partenaire commercial, son taux de change va se dévaloriser en proportion de l’écart d’inflation entre les deux pays afin de maintenir la parité de pouvoir d’achat. Exemple : 1 € = 1 $ { UE = Inflation + 10% soit un panier de biens de 100 € => 110 € } 1,1 € = 1 $ nouveau taux en PPA. USA = Inflation + 0% soit le même panier de biens de 100 $ = 100$ L’Etat n’a plus à intervenir car le marché des changes est autorégulateur. Les Banques centrales n’ont plus qu’un seul objectif : limiter l’inflation en contrôlant la croissance de la masse monétaire car pour les monétaristes “l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire” (Milton Friedman). Mais, le Keynésien Robert Mundell souligne que dans ce cas l’État peut mener une politique de……………interne keynésienne sans se soucier de ses conséquences sur la balance courante puisque la flexibilité du change rétablira l’équilibre. 4. Depuis 1971 (dévaluation et inconvertibilité du dollar en or) et 1976 (Accord de la Jamaïque), les grandes devises (dollar, yen, et maintenant euro) flottent entre elles mais un grand nombre de pays ont choisi de lier leur monnaie par un système de parité fixe vis-à-vis d’une de ces grande devises (60% sont liées au dollar, 15% visà-vis de l’euro et 2% vis-à-vis du yen). L’Union européenne, après avoir créée, en 1979, son propre système de parité fixe (le SME), a décidé d’unifier ses monnaies dans l’Euro depuis 1999. En d’autres termes, le système monétaire actuel combine parités fixes et parités fluctuantes. 5. Un système de flottement administré : En effet, les Etats n’ont pas renoncé à mener une politique de change, à l’exception de l’UE. Les Etats peuvent manipuler le taux de change pour en tirer un avantage comparatif. En effet, si le cours du dollar diminue vis-à-vis de l’Euro, les européens donneront moins de leur monnaie pour obtenir un dollar ce qui diminue le prix des produits américains qui sont libellés en dollars. Ainsi, si 1$ = 1€, un produit américain valant 100$ coûtera aux européens 100€. Si 1$ = 1,5€, le produit ne coûtera plus aux européens que (100/1,5) 66,6€. Une baisse du taux de change renforce la compétitivité-prix du pays. Dans les années 1960 et 1970, le Japon, l’Italie ou l’Espagne ont élaboré ce type de stratégie commerciale, axée sur des prix à l’exportation faibles. Actuellement, les Etats-Unis et surtout la Chine (Yuan faible qui suit la baisse du dollar) ont une politique de change agressive à l’égard des autres pays pour favoriser leurs exportations. On parle dans ce cas de « Dumping monétaire ». En conséquence, il n’y a pas de parité de pouvoir d’achat et les monnaies peuvent être surévaluées (cas de l’Euro) ou sous-évaluée (cas du Yuan, du Dollar, du Yen). c) – Les déterminants du taux de change 1 – Les déterminants réels 1. Pendant les 30 glorieuses, le SMI a connu un système de parités fixes. A cette époque, le contrôle des changes (autorisation administrative pour sortir des capitaux ou des devises à l’étranger), empêchait la libre circulation des capitaux au niveau mondial. En conséquence, le taux de change dépendait principalement de deux fondamentaux : Le solde de la balance des transactions courantes : si la balance courante était durablement déficitaire, le taux de change atteignait son plancher et la Banque centrale devait intervenir pour en défendre le cours en puisant dans ses réserves de devises ou en empruntant au FMI et, si elle n’y arrivait pas, elle devait la dévaluer. Le déficit commercial de la France a ainsi provoqué de nombreuses dévaluations du Franc entre 1948 et 1992. Le différentiel d’inflation entre pays : si l’inflation était plus forte dans un pays, sa compétitivité-prix se dégradait et le solde de sa balance courante devenait déficitaire. La faible inflation en Allemagne a permis à ce pays de voir le Mark se réévaluer à de nombreuses reprises entre 1949 et 1999. 2. Selon les théoriciens, les taux de change devraient être à leur niveau optimum lorsque la balance des transactions courante est stable. Lorsqu’un pays importe un produit, la facture sera effectuée en devise du pays exportateur du produit ou en dollar. L’importateur doit alors acheter la devise du pays exportateur et vendre sa propre monnaie. Ainsi, toute modification des opérations économiques d’importation ou d’exportation de biens, de services et de revenus entraîne une variation du taux de change : En cas de la balance de transactions courantes déficitaire, les importations sont supérieures aux exportations, la demande des devises pour effectuer des règlements à l’étranger sera supérieure à l’offre de ces mêmes devises pour effectuer des paiements auprès du pays. Dans ce cas, la monnaie nationale aura tendance à se déprécier, dans un régime de change flottant, ou à être dévalué dans un régime de change fixe, par rapport aux autres monnaies utilisées pour ces transactions. Importations supérieures aux Achat de devises contre monnaie nationale Déficit de la balance courante Dépréciation de la monnaie nationale Exportations Vente de devises contre monnaie nationale A l’inverse, lorsque la balance de transactions courantes est excédentaire, les entrées de devises sont supérieures aux sorties, la demande de monnaie par les non résidents est plus importante que la demande des devises exprimée par les résidents. La monnaie nationale a tendance à s’apprécier, dans un régime de change flottant, ou à être réévaluées dans un régime de change fixe. Exportations supérieures aux Vente de devises contre monnaie nationale Excédent de la balance courante Appréciation de la monnaie nationale Importations Achat de devises contre monnaie nationale 3. Dans les faits, la relation taux de change – balance courante ne se vérifie pas toujours. Si les excédents croissants de la balance courante chinoise se traduisent bien par une hausse du Yuan depuis 2008 (il s’apprécie de 19% entre 2008 et 2013). On observe l’inverse entre 2006 et 2008. A cette époque, la Chine enregistrait une balance courante fortement excédentaire face au reste du monde. Son excédent passe de 7% du PIB en 2006 à près de 10% du PIB en 2008. Pourtant sur la période, le Yuan ne fit que se déprécier face à l’euro. En 2006, il fallait donner 9,5 yuans pour obtenir un euro et en 2008 il fallait en donner 11, soit une dépréciation de 15,7% du yuan vis-à-vis de l’euro. On peut s’expliquer ce phénomène par les effets combinés de la balance des transactions courantes avec un autre compartiment de la balance des paiements : la balance des transactions financières. Les sorties massives de capitaux chinois vers le reste du monde, en particulier vers les Etats-Unis, ont contrebalancé les effets des excédents commerciaux chinois. Les transactions courantes, longtemps considérées comme déterminants « fondamentaux » de l’offre et de la demande de devises, donc des taux de change, ont aujourd’hui un impact nettement moins important en raison de l’importance prise par les mouvements internationaux de capitaux. Solde de la balance courante de la Chine 1971-2011 (En % du PIB) Taux de change Euro/Yuan chinois 2 – Les déterminants monétaires et financiers 1. Depuis la crise des années 70, la libéralisation progressive des marchés de capitaux (fin du contrôle des changes) a permis la création d’un marché unique des capitaux aux niveaux mondial. Les capitaux entrent et sortent très rapidement, sans contrôle étatique, d’une place financière à l’autre. En conséquence, la détermination du taux de change dépend principalement de la balance des capitaux ou balance financière. Ce sont les détenteurs de devises et d’actifs financiers (Banques centrales, banques, fonds de pension, fonds d’investissements...) qui déterminent le taux de change en fonction de plusieurs éléments : Le différentiel des taux d’intérêt à court terme et la politique monétaire de la Banque centrale. Si cette dernière fixe un taux directeur plus élevé que celui des autres banques centrales, les détenteurs de liquidités vont placer leurs fonds dans ce pays. D’où une entrée de capitaux, une forte demande de monnaie nationale et une appréciation du taux de change. Mais toute modification du taux de la banque centrale provoquera immédiatement un reflux de ces capitaux vers d’autres pays plus rémunérateurs. On comprend alors aisément pourquoi les décisions des Banques Centrales influencent tant le marché des changes. En général, lorsqu’une Banque Centrale réduit ses taux directeurs ou injecte des liquidités, le taux de change de sa monnaie a tendance se déprécier immédiatement. On comprend ainsi la baisse du Dollar vis-à-vis de l’Euro et celle récente du Yen. Différentiel de taux d’intérêt et variation du taux de change euro/dollar Lorsque le différentiel USA/UE diminue le cours de l’€ se déprécie Lorsque le différentiel USA/UE augmente le cours de l’€ s’apprécie Néanmoins une hausse du différentiel des taux d’intérêt n’entraînera pas automatiquement une hausse du taux de change. Les investisseurs vont aussi regarder la solvabilité du pays (de l’Etat ou des agents privés du pays). Le pari de prêter va prendre en compte la crainte ou non qu’un émetteur de titres financiers ne puisse pas honorer les rémunérations promises aux détenteurs des titres. Les taux d’intérêts proposés par la Grèce peuvent être très élevés, elle n’attire pas les capitaux. Ainsi, les fortes différences de taux d'intérêt observées entre les Etats-Unis, le Japon, la zone euro, la Suisse, d'un côté, et la Nouvelle Zélande ou l'Australie, de l'autre, ont favorisé au cours des années 2000 des stratégies de « carry trade » consistant à emprunter la(les) monnaie(s) dont le taux d'intérêt est bas et à placer dans la(les) monnaie(s) dont le taux d'intérêt est plus élevé. Là encore, il s'agit de stratégies qui font augmenter les transactions de change. La rentabilité des placements : la comparaison des rendements attendus sur les titres financiers influence le cours du change et peut provoquer des variations rapides. Si les titres financiers d’un pays présentent un meilleur rendement attendu que ceux du reste du monde, les investisseurs internationaux cherchent à acheter les titres dont ils anticipent le meilleur rendement et doivent pour cela se procurer la monnaie dans laquelle ces titres sont libellés : cela devrait faire augmenter la valeur de cette monnaie, tandis qu’au contraire la monnaie dans laquelle sont libellés les titres les moins rentables devrait se déprécier. Pour comparer les taux de rendement des titres libellés dans deux monnaies différentes, il faut tenir compte : Des taux d’intérêt nominaux des marchés financiers pratiqués dans chaque territoire ; Des taux d’inflation anticipée qui permettent de calculer le taux d’intérêt réel. De l’évolution anticipée des taux de change qui pourrait remettre en cause le gain anticipé si le taux de change variait en sens inverse du taux d’intérêt. Ainsi, les investisseurs institutionnels tels que les fonds de pension, les fonds d’investissement ou de placement, les fonds spéculatifs ou encore les banques d'investissement, qui diversifient leur portefeuille de placements à l'international prennent des risques de change. Ce sont de gros acheteurs de risques sur le marché des changes, c'est-à-dire qu'ils acceptent de jouer le rôle de contrepartie pour ceux qui cherchent à se protéger des variations de change. Autant de stratégies qui les font intervenir souvent et massivement sur le marché des changes. On comprend pourquoi les échanges sur le marché des changes est 50 fois supérieur aux besoins en devises pour les exportations de biens et de services. Des anticipations spéculatives : la spéculation, c’est-à-dire l’achat d’une monnaie dans l’idée de la revendre à court terme pour gagner de l’argent. Le principe, les acheteurs anticipent une variation de la valeur de cette monnaie et l’achètent à un prix bas pour la revendre à un prix plus élevé. Ces anticipations dépendent des taux d’intérêts mais aussi du différentiel de croissance. Un pays qui connaît une croissance supérieure à celle de ses concurrents offre des perspectives de débouchés et de profits supérieurs. Les capitalistes internationaux vont donc investir et placer sur ce marché, ce qui accroît la demande de la monnaie de ce pays et son taux de change. Un facteur technologique est également à prendre en considération. Les programmes de trading électronique se sont beaucoup développés au cours des années 2000. Ces programmes sont mis au point pour exploiter des mouvements de cours probables entre les devises. Le trading électronique consiste ainsi à préprogrammer des opérations qui se déclencheront automatiquement au cas où un seuil prévu est franchi à la hausse ou à la baisse (variations de taux d'intérêt de titres publics, écart de taux d'intérêt à court terme entre deux ou plusieurs monnaies, variations de cours de change…). Ces opérations automatiques ont contribué sensiblement à l'augmentation des volumes d'opérations. 2. En conséquence, les taux de change des principales devises vont connaître de fortes variations dans le temps et une forte volatilité (instabilité journalière). d) – Les effets des variations du taux de change sur l’économie réelle 1. Une politique de change correspond aux actions sur la valeur externe de la monnaie afin de d’atteindre des objectifs en termes d’activité (plus de croissance), de prix (moins d’inflation) et/ou de solde extérieur (plus de compétitivité-prix). Elle s’inscrit dans un régime de change : change fixe ou change fluctuant. C’est en particulier le cas dans la zone euro qui se caractérise par un double régime de change : irrévocablement fixe en interne, librement flottant vis-à-vis du reste du monde. 2. L’adoption d’un régime de change flottant ne signifie pas qu’un pays ou sa banque centrale renonce à toute politique de change. Tout d’abord, « le flottement impur » ou le flottement administré font partie de la boîte à outils des banquiers centraux. Le flottement administré est ainsi habituellement défini comme une intervention de la banque centrale sur le marché des changes (le Forex). Les instruments à la disposition des autorités monétaires pour intervenir : Les interventions physiques sur le marché des changes : achat de monnaie nationale contre vente de devises pour faire monter le cours de la première ou vente de monnaie nationale contre achat de devises pour faire baisser le cours de la première. La fixation du taux d’intérêt de court terme : une hausse du taux attire les investisseurs étrangers qui achètent de la monnaie nationale pour placer leurs capitaux ce qui fait monter le cours de la monnaie nationale vis-à-vis des autres devises. Une baisse du taux se traduira donc par une baisse du taux de change. Les interventions verbales, également appelées « openmouth operations » : la Banque centrale annonce sa volonté de faire monter ou de baisser le cours externe de la monnaie nationale et les agents économiques réagissent en conséquence en achetant ou en vendant de la monnaie nationale contre des devises. Ces trois instruments sont concentrés dans la zone euro dans les mains de la Banque centrale européenne et utilisés pour servir l’objectif de stabilité des prix. Politique de change Achat/vente de devises Variation du taux d’intérêt Annonce des interventions Hausse du taux de change Baisse du taux de change Importations moins chères = baisse des prix internes Exportations moins chères = compétitivité accrue 3. La plupart des pays ont une politique de change. Les Etats-Unis ont toujours eu une politique de « douce négligence » (Benign neglect) en considérant que le Dollar est leur monnaie mais un problème pour les autres pays. En effet, le dollar étant la monnaie internationale de référence, la valeur externe du dollar dépend de la politique monétaire interne des Etats-Unis. Lorsque la Fed (La banque centrale américaine) veut soutenir l’économie, elle l’inonde de liquidités et baisse ses taux d’intérêt directeurs ce qui fait baisser le cours du dollar sur le marché des changes. Lorsqu’elle veut lutter contre l’inflation, elle fait l’inverse ce qui fait remonter le cours du dollar. En 2013, la Banque centrale du Japon a également fait marcher la planche à billet pour faire baisser le cours du Yen et redonner une compétitivité-prix à l’économie nippone. La Chine, quant-à-elle, a toujours manipulé le cours du Yuan afin qu’il soit sous-évalué même si elle orchestre depuis quelque temps son appréciation afin d’en faire une monnaie de réserve. 4. Seule la zone euro n’a pas de varitable politique de change. Elle est partagée, de façon ambiguë, entre la BCE et les ministres des finances de la zone euro (Traité de Maastricht). La valeur de l’Euro est donc fixée librement sur le marché des changes en fonction de l’offre et de la demande qui dépendent, en partie, des anticipations des agents du marché sur les politiques monétaire et budgétaire menées au sein de la zone euro et aux EtatsUnis. Si la politique américaine apparaît comme trop expansionniste et trop inflationniste, les marchés vont se détourner du dollar et acheter de l’Euro. A contrario, si les perspectives de croissance apparaissent plus solides aux Etats-Unis que dans l’UE, l’Euro va se déprécier vis-à-vis du dollar. La valeur de l’Euro dépend donc, en grande partie, des décisions qui sont prises en dehors de la zone. L’euro n’est pas seulement une monnaie sans État. C’est une monnaie sans souveraineté. Faute de gouvernement politique, l’euro ne sert pas le projet européen. 5. La variation du taux de change doit conduire en principe à un rééquilibrage de la balance du commerce extérieur. Une dévaluation ou une dépréciation a deux effets contraires : Un effet prix : dans un premier temps, la baisse de la valeur de la monnaie nationale provoque une hausse du prix des importations et une baisse du prix des exportations. Les volumes échangés ne s'adaptant, au mieux, qu'à moyen terme, cela se traduit par une dégradation de la balance courante. Effets immédiats d'une dépréciation de l'euro (effets prix > effets volume) Un effet quantité ou effet volume : à moyen terme, la baisse des prix à l'exportation doit permettre un accroissement du volume des ventes, tandis que la hausse du prix des importations doit les décourager. Ces changements doivent permettre une amélioration du solde de la balance courante. L'effet quantité joue plus ou moins selon que la consommation des biens échangés est ou non sensible aux prix de vente, c’est-à-dire de l’élasticité-prix aux exportations (la baisse des prix n'affecte pas toujours les quantités vendues). Si elle est supérieure à 1, la hausse des quantités exportée sera supérieure à la baisse du prix et l’effet volume l’emportera sur l’effet prix. Effets d'une dépréciation de l'euro après un laps de temps (effets volume > effets prix) : Ces effets contradictoires sont mis en lumière par le principe de la courbe en J de Marshall-Lerner : la dévaluation provoque une courte dégradation du solde de la balance commerciale (effet prix), avant de permettre une amélioration d'une plus grande ampleur (effet quantité). Les vérifications empiriques montrent que pour la plupart des pays industriels, la courbe en J s'étend sur une période de six mois à un an. Un exemple de courbe en J : la balance courante américaine et taux de change effectif réel (TCER) dans les années 1980 NB : Le taux de change effectif est le taux de change d'une zone monétaire, mesuré comme une somme pondérée des taux de change avec les différents partenaires commerciaux et concurrents. On mesure le taux de change effectif nominal (avec les parités nominales), et le taux de change effectif réel, avec la prise en compte pour ce dernier des indices de prix et de leurs évolutions 6. Cependant, ce retour vers l’équilibre n’est pas si simple. La dévaluation ou la dépréciation du taux de change a plusieurs effets pervers. D’une part, elle rend plus cher les importations, en particulier celles des produits primaires nécessaires à la production nationale (Pétrole, gaz, minerais…) ce qui augmente les coûts de production et ce qui diminue, par conséquent, la compétitivité-prix de l’économie nationale à long terme. Autrement dit, la dévaluation va être une bouffée d’oxygène pour le commerce extérieur qui n’est pas durable car elle peut être à l’origine de l’inflation importée. D’autre part, elle diminue la concurrence entre les producteurs étrangers et les producteurs nationaux ce qui évite à ces derniers de se restructurer et d’innover. Or, de nos jours, la compétitivité hors-prix ou structurelle compte plus que la compétitivité-prix. En conséquence, importations et exportations sont de moins en moins sensibles aux variations des taux de change. Les échanges intra-firmes ne dépendent pas des prix et le choix des consommateurs est plus guidé par la qualité ou la différenciation du produit. La baisse de la valeur externe d’un pays peu compétitif au niveau structurel ne lui rendra pas rapidement sa compétitivité (La Grèce…). Enfin, elles peuvent engendrer une « guerre des monnaies »: chacun peut avoir intérêt à dévaluer ou à faire déprécier sa monnaie, surtout en situation de crise économique, pour favoriser des exportations et sa production nationale. Ces dévaluations compétitives sont une forme de protectionnisme, qui peut engendrer des tensions entre pays et la mise en place de mesures de rétorsion (représailles). 7. C’est la raison pour laquelle certains pays recherchent l'appréciation de leur monnaie. Une politique de « monnaie forte » cherche à mettre en place un cercle vertueux de l'appréciation. L'augmentation du taux de change rend les importations moins chères. En conséquence, les coûts de production sont limités et l'inflation réduite. De plus, les entreprises nationales sont pénalisées par les prix à l'exportation et doivent faire des efforts pour devenir plus compétitives. Cela a été le choix de l’Allemagne avant la création de l’Euro ce qui ne l’a pas empêché de dégager d’importants excédents commerciaux. Autre avantage, les titres financiers libellés dans cette monnaie prennent de la valeur par rapport à ceux libellés en devises étrangères et il est alors possible de les placer sur les marchés en les rémunérant un peu moins que ceux libellés en devises étrangères. Les emprunteurs d’un territoire, dont la monnaie a tendance à s’apprécier, peuvent donc s’endetter en ne payant qu’un taux d’intérêt faible. Cercle vertueux d’une monnaie forte Taux de change fort et stable Faible compétitivitéprix Stabilité ou baisse des prix à l’importation Efforts des firmes pour améliorer leur compétitivité hors-prix Baisse de l’inflation Baisse des coûts de production Conquête de nouveaux marchés Confiance dans la stabilité du pays Croissance du PIB et baisse du chômage Baisse de la prime de risque et du taux d’intérêt