SUR LES FONCTIONS ÉVENTUELLES COMPACTES (*) 1.

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E. SLUTSKY (Moskva - U. R. S. S.)
SUR LES FONCTIONS ÉVENTUELLES COMPACTES (*)
1. - Il y a beaucoup des phénomènes, dont le cours dépend à chaque moment,
au moins partieKement, de causes nouveKes qui n'ont encore laissé aucune trace
dans son histoire passée. Les fonctions empiriques de cette nature doivent être
regardées comme des fonctions éventuelles et ne peuvent être étudiées que par
les méthodes de la théorie des probabilités, du moins si elles ne perdent pas
leur caractère éventuel après être réunies avec un nombre praticable de fonctions semblables.
Il me semble, cependant, qu'il existe une lacune dans les méthodes qui ont
été appliquées à leur étude. Le scheme de la suite des valeurs isolées dont on
se sert ici exclusivement n'est pas adéquat aux phénomènes naturels qui se
développent sans interruptions dans le temps.
2. - Envisageons maintenant le scheme suivant.
Soit qu'à chaque point (t) dans un intervaKe donné (a, b) corresponde une
variable éventuelle Xt, exclusion faite, peut être, pour un ensemble de mesure
nulle (2).
Soit que sur chacune de ces variables une épreuve soit faite, d'où pour
chaque t il résultera une valeur définie Xt. On peut donner à l'ensemble de ces
valeurs le nom de la fonction éventuelle compacte. Cette fonction sera régulière, par exemple, jusqu'à l'ordre 2, si tout ses moments de l'ordre 1 et de
l'ordre 2 sont des fonctions continues de la variable indépendante t. Cette fonction
sera homogène jusqu'au même ordre si les moments Ext et Ex2 sont constants
et le moment-produit ExtXt+r est la fonction seulement de la distance des ordonnées respectives (T).
Si les déviations (xt—Ext) sont négligeables, on peut souvent étudier le
phénomène respectif sans faire intervenir le calcul des probabilités. S'ils ne sont
pas négKgeables, ce qui a lieu, comme je crois, dans la météorologie, la géo(A) Voir les notes du même auteur dans les C. R. t. 187, séance du 13 août 1928, p. 370,
t. 187, séance du 12 novembre 1928, p. 878, et t. 189, séance du 2 septembre 1929, p. 384.
(2) Ou, pour dire plus exactement, de mesure stochastique nulle (voir plus loin § 7).
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graphie, dans les sciences économiques etc., il sera necessaire de considérer s'il
n'est, peut être, pas possible d'admettre l'hypothèse de l'homogénéité ou au moins
de la régularité. Si les faits de l'expérience contredisent cette dernière hypothèse,
il ne sera pas possible en général de trouver les paramètres stochastiques de
notre fonction empirique, parceque le nombre des inconnues depassera alors le
nombre des équations.
3. - Je vais énoncer maintenant quelques propositions sur les fonctions éventueKes reguKères jusqu'à l'ordre 2.
Nous avons :
Ext et Ex2 sont les fonctions continues de t)
ExtXt+T est la fonction continue de t et de T.
Alors il est aisé de montrer que les espérances mathématiques E(xt+Z—Xt)
et E(xt+T—Xt)2 convergent vers 0 avec x, d'où il suit immédiatement par le
raisonnement bien connu, que si la distance entre les ordonnées Xt et Xt+T est
assez petite, la probabilité que la valeur absolue de leur différence ne dépassera
pas un nombre arbitrairement petit sera aussi près de l'unité qu'on veut.
C'est ce que j'appeKe la continuité
stochastique.
La continuité stochastique devient une chose triviale quand notre fonction
est continue dans le sens ordinaire. Il est cependant intéressant qu'il est possible
de construire un exemple d'une fonction éventueKe qui dans certaines suppositions est continue dans le sens ordinaire, et dans d'autres suppositions n'est
continue que dans le sens stochastique. Dans le dernier cas nous pouvons faire
varier les conditions de telle manière que notre fonction, en restant toujours
stochastiquement continue, aura (et c'est avec la probabiKté 1) les points de
discontinuité dans le sens ordinaire dans chaque intervaKe si petit qu'on veut.
4. - Pour ce qui suit, il est nécessaire d'introduire une lemme que j'appeKe
le criterium de la convergence
stochastique.
Soit Zn une variable éventueKe dépendant d'un paramètre h. Soit
h>k>0.
Supposons que les espérances mathématiques E(Zh—zk) et E(xjl—xk)2 convergent uniformément vers 0 avec h. Dans ces conditions, l'existence d'une limite
stochastique de notre variable éventueKe (zn) est presque certaine. Autrement
dit si, les valeurs e et # étant aussi petites qu'on veut et h étant suffisamment
petit, nous écrivons l'inégalité
P\\zh-A\<e\>l-ê
la probabiKté de l'existence de A satisfaisant cette inégaKté sera égale à 1.
5. - Revenons à notre fonction éventueKe régulière jusqu'à l'ordre 2 et construisons une somme que j'appelle quasi-Riemannienne.
Décomposons un inter-
E.
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Sur les fonctions
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vaKe (a, b) en intervaKes partiels hu h2,...., hn, avec la borne supérieure h. Soit ti
un point pris au hasard sur l'intervaKe partiel avec le même indice (i), et
soit Xi la valeur respective de xt. Alors posons
Sh=^Xihi.
a, b
Soit Sk une autre somme analogue formée pour notre fonction dans le même
intervaKe avec la borne supérieure des intervaKes partiels k. Nous supposons
que
h>k>0.
Si les espérances mathématiques Ext, Ex$, ExtX^ sont des fonctions continues, alors il est aisé de montrer, que les espérances mathématiques E(Sh—Sk)
et E(Sh—Sk)2 convergent uniformément vers 0 avec h.
Il existe par conséquent presque toujours un nombre qui est la Kmite stochastique de Sh, quand h devient si petit qu'on veut. Je propose de nommer
cette limite l'intégrale stochastique. En symboKsant le mot « stochastique » par
la lettre (S) et la limite stochastique ou bernoullienne par la lettre (B), j'écris
b
(S) i xtdt=)ïmB
2 Xihi.
6. - De la même manière, on peut introduire la dérivée stochastique :
dont l'existence, d'après le même critérium de la convergence, sera
Km E(cpx — cph)=0 et Km E(cpx — (ph)2=0
__
9 > * = ^ 7 - - et ç,h= *+£=*,
où
presque
(T>A>0).
Supposons par exemple que Ext possède une dérivée, que E(xt—Ext)2 soit
constant et que le coefficient de la correlation entre Xt et x^T, ne dépendant
que de r, possède deux premières dérivées finies et continues dans le point T = 0 (*).
Alors il est aisé de montrer l'existence de la dérivée stochastique qui existera,
par exemple, si rT=e~z^2^ et qui n'existera pas si rv==e~k^Tl
7. - Est-ce que nos fonctions sont au moins presque toujours mesurable (Z)?
Je n'ai pas réussi jusqu'à présent à donner une réponse exacte à cette question
importante, quoique je présume qu'eKe sera négative. Mais ce que nous savons
déjà, c'est que nos fonctions sont intégrables dans un sens nouveau, ce qui veut
(L) Cette condition doit être substituée par une autre plus restreinte que j'ai donnée
dans les C. R. t. 187, p. 878, séance du 12 novembre 1928.
Atti del Congresso.
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dire qu'eKes devront aussi être mesurables dans un sens conforme à la notion
de l'intégrale stochastique.
Soit A un ensemble mesurable (Z) dans l'intervaKe (a, a-\-l). Sa mesure
étant JUAJ la probabiKté qu'un point pris au hasard dans (a, a + l) appartiendra
a A sera
PA=-J-'
Soit A un ensemble qui n'est pas mesurable (Z). Nous supposerons néanmoins que la probabiKté pA qu'un point pris au hasard dans (a, a+l) appartiendra à A existe et nous définirons la mesure stochastique de A par
l'équation JUA=Pâ^
Un point (t) est pris au hasard s'il est défini par un nombre t/l dont la
réprésentation décimale est donnée par une série iKimitée d'épreuves, chaque
chiffre étant également probable dans chaque épreuve.
Voici un exemple d'un ensemble non mesurable (Z) (L) qui est mesurable
dans le sens stochastique.
Par une série de rotations (pn, (n=0, ± 1 , ±2....) d'une circonférence tous
ses points seront distribués parmi les famiKes de points supperposables, chaque
famiïle contenant un ensemble dénombrable des points et l'ensemble des famiKes
étant de la puissance du continu. Les points de chaque ensemble étant numérotés (.... —2, — 1, 0, 1, 2,....) les points ayant le même indice (k) définiront un
ensemble Ak. Tous Ak étant supperposables, il est aisé de voir qu'ils ne sont
pas mesurables (Z). Or les probabiKtés PAK ne peuvent être inégales. En effet,
il est clair que la rotation qui transforme, par exemple, AL en A2 est équivalente
au changement des coordonnées. Mais il est évident que les probabiKtés respectives ne peuvent pas dépendre du choix arbitraire du point 0. Nous aurons
donc PA, = = 0, d'où il suit que l'ensemble Ak est de mesure stochastique nuKe.
8. - Revenons à notre fonction éventuelle. En posant T > à > 0 et supposant
la régularité jusqu'à l'ordre deux, il est aisé de prouver que
Km E(yt+T—yt+h)=0
et
Km
E(yH.T-yt+h)2=0
et c'est uniformément par rapport à h. Nous concluons de là qu'il existe presque
certainement une Kmite stochastique KmB yt±0 (et également Km# yt-o). Il est
aisé de montrer aussi que la probabiKté de l'équation
lima yt-o=limB
yt+o=yt
est égale à 1.
Que pouvons-nous dire de l'ensemble des points où cette égalité n'est pas vraie?
Désignons la probabiKté qu'un point donné sera un point exceptionnel par HA-
(*) Voir F. HAUSDOBFF : Grundzüge
der Mengenlehre,
1914, p. 401.
E.
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La probabiKté qu'un point pris au hasard dans un intervaKe donné appartiendra à l'ensemble des points exceptionnels (A) soit désignée par pA. Soit Pa la
probabiKté des cas où la fonction éventueKe sera de telle sorte que
pA>a>0.
Il est évident que TZA ^ n — l a probabilité, qu'un point (t) est un A en même
temps que PA>GOr pA=z étant la probabiKté conditioneKe et dPz la probabilité de la condition
respective, nous aurons (en remarquant que P» est une fonction non croissante de z)
n/=
i zdP~ ^ a j dP~=aPa,
d'où il suit à fortiori que iiA^a.Pa. Donc, TIA étant égal à 0, nous trouverons
tout de suite que la probabiKté Pa de \pA>a>Q]
doit être aussi égale à 0.
La probabilité des cas où la mesure stochastique des points
exceptionnels
n'est pas nulle est égale à 0 et la probabilité
des cas où la mesure stochastique des points exceptionnels est nulle est égale à 1.
Je me contenterai de cet exemple d'appKcation de la notion de la mesure
stochastique. Je suis sûr qu'on peut en trouver beaucoup d'autres et j'espère
bien que la mesure stochastique rendra un jour de bons services dans beaucoup
de problèmes, quand les fondements axiomatiques de la théorie des probabiKtés
seront dûment assurés.
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