Forum Med Suisse 2011 ;11(37):627–631 628
curriculum
après l’opération, elle présente des fourmillements
dans ses mains et pieds, de même que des crampes des
mollets. Sa symptomatologie augmente en fréquence et
intensité. En préopératoire, le calcium et les phos-
phates ont toujours été dans les normes.
Une hypocalcémie peut avoir plusieurs étiologies
(tab. 2 p). Elle résulte la plupart du temps d’un
manque de PTH ou de vitamine D, ou alors d’un trouble
fonctionnel ou métabolique de ces régulateurs. Dans
certaines situations, elle est secondaire à une séquestra-
tion tissulaire de calcium, par ex. dans la rhabdomyo-
lyse, la pancréatite ou les métastases ostéoblastiques.
Du fait que le calcium et la PTH sont en interaction, il
s’est avéré utile à titre didactique et dans la démarche
diagnostique de distinguer l’hypocalcémie en formes
avec PTH basse et celles avec PTH élevée.
Dans une hypocalcémie avec PTH basse, la calcémie est
abaissée suite à une sécrétion insufsante de PTH (hypo-
parathyroïdie). Ce qui veut dire que la sécrétion de PTH
ne suft pas pour maintenir une calcémie normale sous
l’effet de la PTH sur le rein, l’os et l’intestin (g. 1 x).
Dans l’hypocalcémie avec PTH haute, l’explication de la
baisse du calcium est différente et la PTH est augmen-
tée dans une contre-régulation réactive. Avec une hypo-
calcémie avec PTH haute chez un patient non grave-
ment malade, il faut d’abord penser à une carence en
vitamine D ou à une insufsance rénale.
L’ hypocalcémie secondaire à une hypoparathyroïdie
est la plupart du temps de nature postopératoire. Elle
résulte d’une ablation ou lésion non intentionnelle des
parathyroïdes ou de leurs artères lors d’interventions
sur la thyroïde ou les parathyroïdes, ou lors d’une dis-
section cervicale radicale. Le diagnostic peut être
conrmé par dosage d’une PTH basse et d’une hypocal-
cémie. Du fait qu’avec des parathyroïdes fonctionnelle-
ment intactes la PTH devrait être augmentée dans l’hy-
pocalcémie dans le sens d’une contre-régulation, une
PTH autour de sa norme inférieure avec une hypocalcé-
mie est également l’expression d’une hypoparathyroïdie.
Et comme avec une sécrétion insufsante de PTH l’élimi-
nation rénale de phosphates est diminuée, il y a souvent
en plus de l’hypocalcémie une hyperphosphatémie.
Le risque d’hypoparathyroïdie postopératoire est fonc-
tion de l’habileté du chirurgien d’une part, mais aussi de
la pathologie thyroïdienne à traiter et de la radicalité de
l’opération. Après les interventions pour carcinomes thy-
roïdiens par ex., il y a jusqu’à 20% des cas qui auront une
hypoparathyroïdie transitoire; ce risque est également
accru pour le goitre rétrosternal ou la mal. de Basedow.
Dans la plupart des cas, la fonction parathyroïdienne se
rétablit entièrement avec le temps, qui peut aller de
quelques jours à plusieurs mois. Rarement, elle ne se nor-
malise pas et il en résulte une hypoparathyroïdie persis-
tante. Mais même dans ces cas, il y a encore une sécrétion
résiduelle de PTH. Le risque d’hypoparathyroïdie persis-
tante après opérations sur la thyroïde est de 0,5 à 4%.
La carence en magnésium peut être à l’origine d’une
hypoparathyroïdie fonctionnelle. La sécrétion de PTH
et l’activation de son récepteur dans les organes cibles
sont perturbées. Après substitution de magnésium, ces
deux anomalies se normalisent et l’hypocalcémie est
elle aussi nalement corrigée. Certains patients hypo-
calcémiques répondent au magnésium malgré qu’ils
n’aient pas d’hypomagnésiémie. C’est ici qu’un manque
de magnésium intracellulaire est postulé.
Il vaut la peine de mentionner qu’une hypermagnésié-
mie peut aussi provoquer une hypocalcémie si la PTH
est trop basse. Dans l’hypermagnésiémie, le calcium-
sensing receptor parathyroïdien est activé et la sécré-
tion de PTH est donc supprimée.
Les autres formes d’hypoparathyroïdie sont extrême-
ment rares. En plus des formes génétiques ou congéni-
tales, il y a de rares étiologies acquises, par ex. destruc-
tion des parathyroïdes par réactions auto-immunes,
irradiation ou hémochromatose.
Dans le cas présent, le diagnostic d’hypoparathyroïdie
postopératoire semble évident en fonction de la relation
dans le temps avec la thyroïdectomie. En règle générale,
les symptômes d’hypocalcémie se manifestent au cours
des premiers jours suivant l’opération et pas comme ici
après une semaine seulement.
Dans ce cas, nous avons renoncé à doser la PTH. Il est
important de réaliser que ce dosage n’est utile au diag-
nostic différentiel que s’il y a aussi une hypocalcémie.
Si la calcémie est normale sous supplémentation
(v. plus loin) une PTH basse peut être parfaitement adé-
quate et pas forcément l’expression d’une hypoparathy-
roïdie.
Cette patiente a été traitée en ambulatoire par 0,25 µg
Rocaltrol® 2 x/jour et 500 mg/400 UI de Calcimagon®
D3 2 x/jour. Malgré une dose de calcium relativement
faible, sa symptomatologie a rapidement régressé. Le
traitement a été complété par la suite par 1000 mg
Calcium Sandoz® ff 2 x/jour. Le calcium corrigé en fonc-
tion de l’albumine est remonté dans les normes à 2,24–
2,44 mmol/l. 4 mois après l’opération, nous avons tenté
de stopper le Rocaltrol®; les paresthésies et crampes
Ta bleau 1. Clinique de l’hypocalcémie.
Paresthésies périorales et périphériques
Hyperexcitabilité
neuromusculaire
Crampes
Spasmes carpopédaux
Tétanie
Myasthénie
Crampes abdominales
Laryngospasme ou bronchospasme
Troubles fonctionnels SNC Etat confusionnel
Dépression
Crises épileptiques
Coma
Œdème papillaire/pseudotumeur
cérébrale
Calcication des ganglions de la base
(dans l’hypocalcémie chronique)
Manifestations cardiaques Insufsance cardiaque
Allongement de l’intervalle QT
Arythmies
Fatigue générale
Cataracte (dans l’hypocalcémie chronique)