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Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada

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21-235-B-10
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada
Vogt-Koyanagi-Harada disease
C. Bonnet, J.-B. Daudin, A. Brézin
Mots-clés :
Uvéite postérieure
Maladie auto-immune
Décollement séreux rétinien
Mélanocytes
Traitement immunosuppresseur
La maladie de Vogt-Koyanagi-Harada est dans sa forme typique une panuvéite bilatérale associée à des
manifestations extraoculaires, méningées, cutanées et intéressant l’oreille interne. Lors de la phase aiguë de
la maladie, les décollements séreux rétiniens bilatéraux pouvant parfois prendre un aspect bulleux constituent
les éléments les plus caractéristiques conduisant au diagnostic. À la phase aiguë de la maladie, l’uvéite peut
survenir de manière isolée, sans manifestations extraoculaires mais atteint les deux yeux de façon simultanée,
argument supplémentaire supportant le diagnostic devant une sémiologie oculaire évocatrice. Le pronostic
oculaire est bon sous réserve que le diagnostic soit précoce et la prise en charge adaptée. Le traitement standard
de la maladie à la phase aiguë repose sur une corticothérapie systémique, précoce et massive à laquelle
l’affection est particulièrement sensible. En cas de retard diagnostique ou de traitement initial insuffisant,
des rechutes ou un passage à la chronicité sont possibles. Ces formes, responsables de séquelles visuelles
parfois importantes, sont de prise en charge plus difficile, et requièrent un traitement immunosuppresseur
dont l’efficacité est inconstante.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Keywords:
Posterior uveitis
Auto-immune disease
Serous retinal detachment
Melanocytes
Treatment by immunosuppressants
The Vogt-Koyanagi-Harada disease is in its typical form a bilateral panuveitis associated to extraocular,
meningeal, cutaneous manifestations and affecting the inner ear. During the severe stage of the disease, the
bilateral serous retinal detachments, which can take a blistered aspect, constitute the most characteristic
elements leading to a diagnosis. In the severe stage of the disease, the uveitis can appear in an isolated
manner, without extraocular manifestations but affects the two eyes simultaneously, providing supplementary
argument supporting the diagnosis suggesting an ocular semiology. The ocular prognosis is good on condition
that the diagnosis is an early one and the care management an adapted one. The standard treatment of
the disease at a severe stage relies on a systemic, early and massive corticoid therapy to which the disease
is particularly sensitive. In case of delayed diagnosis or insufficient initial treatment, relapses or a change to
chronicity are possible. These forms, responsible of usually important visual after-effects, are taken in charge
with more difficulty, and require a treatment by immunosuppressants whose efficacy is inconstant.
© 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Plan
■
Introduction
1
■
Épidémiologie et physiopathologie
1
■
Critères diagnostiques
2
■
Manifestations oculaires
Segment antérieur
Segment postérieur
Signe de Sugiura
2
2
3
3
■
Examens complémentaires
Angiographies
Imagerie en tomographie à cohérence optique
Échographie oculaire
3
3
3
5
■
Manifestations extraoculaires
Signes neurologiques
Manifestations auditives
Manifestations cutanées
5
6
6
7
■
Diagnostics différentiels
Autres uvéites d’origine inflammatoire
Uvéites d’origine infectieuse
Sclérites postérieures
7
7
7
8
■
Pronostic et traitement
8
■
Conclusion
9
Introduction
La maladie de Vogt-Koyanagi-Harada a probablement été
observée dès l’Antiquité. Les médecins arabes Ali-ibn-Isa et
Muhammad-al-Ghâfiqî au Xe et XIIe siècles auraient déjà décrit
une inflammation oculaire associée à un vitiligo. La dénomination de la maladie est liée à la description par Vogt en 1906 d’une
EMC - Ophtalmologie
Volume 14 > n◦ 2 > juin 2017
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(16)74282-1
poliose associée à une inflammation intraoculaire, par Harada en
1926 de cas d’uvéite postérieure avec décollements de rétine exsudatifs et pléiocytose à l’analyse du liquide cérébrospinal (LCS) et
par Koyanagi en 1929 de patients présentant des dépigmentations
cutanées localisées (vitiligo), des plaques d’alopécie, un blanchiment des phanères (cheveux et particulièrement cils), associés à
une hypoacousie et à des acouphènes.
Dans les années 1930–1940, ces entités avec manifestations
d’uvéo-méningo-encéphalite ont été reconnues comme relevant
d’un processus unique et ont été regroupées sous la dénomination
de syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada [1] .
Épidémiologie
et physiopathologie
La distribution de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada est
inégale dans le monde, constituant une cause rare d’uvéite dans
les populations européennes, mais très fréquente en Asie, dans les
populations du pourtour méditerranéen ou chez les Amérindiens.
Les études de populations suggèrent que la fréquence augmentée de la maladie est associée aux flux de migration via le détroit
de Bering, intéressant les amérindiens d’Amérique du Nord, centrale et du Sud. La maladie de Vogt-Koyanagi-Harada représente
la deuxième cause de panuvéite dans la plupart des séries asiatiques (15,9 % en Chine, 9,7 % au Japon) et la première cause
en Amérique du Sud, notamment en Argentine (32 % des panuvéites) contre seulement 1 à 4 % aux États-Unis [2–4] . Dans une
série de cas américains, 41 % étaient asiatiques, 21 % blancs, 16 %
« hispaniques » et 14 % noirs. En France, la maladie de VogtKoyanagi-Harada représentait environ 2 % de l’ensemble des cas
d’uvéite vus dans un centre de référence et 5,9 % des uvéites postérieures [5] . Une prédominance féminine est notée dans la plupart
des études et l’âge moyen de la maladie est autour de 35 ans dans
la plupart des études (Tableau 1).
1
21-235-B-10 Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada
Tableau 1.
Principales séries de patients présentant une maladie de Vogt-Koyanagi-Harada : caractéristiques générales.
Auteurs
Nombre de
patients
Pays
Classification selon critères de 2001
Forme complète
Forme incomplète
Sexe (% femmes)
Âge moyen de
début (ans)
Forme possible
Read et al. [6]
101
États-Unis
ND
67
35,2
Bykhovskaya et al. [7]
24
États-Unis
ND
79
35
Kitamura et al. [8]
169
Japon
56
44,7
Touitou et al. [5]
22
France
77
33,5
Yang et al. [9]
410
Chine
66,6 %
18,5 %
14,9 %
47,5
35,2
Abad et al. [10]
11
France
9%
81 %
9%
45
33,5
Chee et al. [11]
67
Singapour
59,7
42,3
11,8 %
8,9 %
ND
Tableau 2.
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada et typage human leukocyte antigen
(HLA) de classe II.
Auteurs
Population
Principaux résultats
Islam et al. [15]
Japonaise
DR4 : 93 % des patients (RR : 17,4),
DRQ4 : 83 % (RR : 9,9)
HLA-DQAl*0301 : 100 % (RR : 56,5)
Weisz et al. [14]
Hispaniques
Californie
DR4 : 56 % des patients (RR : 1,96)
DR1 : 36 % des patients (RR : 4,11)
Abad et al. [10]
France
DRB1*04 : 35 % des patients, dont
DRB1*0405 : 71 %
Levinson et al. [13] Amérindiens DRB1*04 chez 22 patients (75,9 %)
Mestizos
(RR de l’ensemble des allèles DR4 :
2,60)
Californie
Goldberg et al. [16] Brésilienne
71 %
DR4 : 54,1 % des patients (RR : 5,116)
DRB1*0405 prédominant (RR : 11,76)
RR : risque relatif.
La maladie est présumée liée à une auto-immunité à médiation cellulaire dirigée contre les mélanocytes présents dans le
tissu uvéal. L’association à un vitiligo relèverait du même processus, ainsi que l’atteinte de l’oreille interne, aux sites où des
cellules contenant de la mélanine sont présentes. Les lymphocytes CD4+ (T-Helpers) et certaines cytokines (interleukines [IL]-2,
6, 23 et interféron [IFN] gamma) semblent jouer un rôle important
dans le développement de la maladie par stimulation de l’IL17, qui déclencherait la réponse auto-immunitaire. Le mécanisme
jouant un rôle de « gâchette » pour déclencher cette inflammation
est inconnu [12] . L’hypothèse d’un agent infectieux déclenchant
des manifestations auto-immunes a été évoquée, mais n’a pas
été étayée. Les données épidémiologiques et les études immunogénétiques montrent qu’un terrain génétique est associé à une
susceptibilité augmentée vis-à-vis de la maladie, avec en particulier une liaison à certains sous-types human leukocyte antigen (HLA)
de classe II [10, 12–14] . Les résultats des principales associations entre
allèles HLA de classe II et maladie de Vogt-Koyanagi-Harada sont
récapitulés dans le Tableau 2 [10, 13–16] . Les mélanocytes sont considérés comme étant des auto-antigènes. Ils sont présents dans les
yeux, le cerveau, l’oreille interne et la peau. Les protéines associées
aux mélanocytes tyrosine-related protein 1 (TRP1), TRP2, tyrosine
et glycoprotein 100 (gp100), sont les cibles protéiques des lymphocytes T auto-activés, chez les patients porteurs du HLA DRB1*04
(associé fortement à la maladie). D’autres protéines ne dérivant
pas des mélanocytes ont été mises en évidence comme cible des
lymphocytes T activés [17] .
ND
antérieure bilatérale, décollements séreux rétiniens observés en
angiographie fluorescéinique et pléiocytose à l’analyse du LCS.
Par ailleurs, les autres symptômes de la maladie (hypocausie,
vertiges, poliose, vitiligo) étaient considérés comme mineurs,
avec une valeur d’appoint pour le diagnostic. Ces trois symptômes étaient rarement tous présents, rendant le diagnostic
difficile.
En 1999, une conférence internationale de consensus « VogtKoyanagi-Harada Syndrome : First International Workshop » a
réuni les ophtalmologistes experts de la maladie et a défini des
critères diagnostiques révisés de la maladie [6] . Ces critères permettent de classer les formes de la maladie selon leur caractère
« complet », « incomplet » ou « possible », lesquelles regroupent
les atteintes oculaires isolées (Tableau 3). Dans une série de
169 patients japonais préalablement identifiés en tant qu’atteints
de maladie de Vogt-Koyanagi-Harada selon les critères de Sugiura,
seuls 11,8 % étaient classés en tant qu’atteints d’une forme
complète, 71 % étaient atteints de forme incomplète et 8,9 %
de forme probable [8] . Une minorité de patients (8,3 %), en particulier ceux ayant subi des interventions de cataracte, étaient
exclus du diagnostic de maladie de Vogt-Koyanagi-Harada. Le
caractère tardif de l’apparition de certaines manifestations, en particulier cutanées, est à l’origine du classement en tant que forme
incomplète de nombreux cas, en particulier chez les patients européens [18] .
L’évolution de la maladie a été classiquement décrite en quatre
phases :
• prodromale, avec des manifestations neurologiques et auditives ;
• uvéitique aiguë, avec une choroïdite diffuse, susceptible de se
manifester par des décollements de rétine exsudatifs et une
papillite, avec ou sans autres signes d’inflammation intraoculaire ;
• uvéitique chronique, caractérisée par la survenue variable d’une
dépigmentation du fond d’œil (« sunset glow fundus » ou « fond
d’œil en lueur de coucher de soleil ») et du limbe (signe de
Sugiura) ;
• récidivante chronique, interrompant la phase chronique par
des épisodes d’uvéite antérieure, susceptible d’être récidivante
et/ou chronique.
Toutefois, d’importantes variations peuvent être observées par
rapport à cette description. L’atteinte est bilatérale, le plus souvent
d’installation simultanée des deux côtés (Tableau 4).
Manifestations oculaires
Segment antérieur
Critères diagnostiques
La maladie de Vogt-Koyanagi-Harada a été l’une des premières formes d’uvéite pour laquelle des critères diagnostiques
ont été proposés. Historiquement, les critères de Sugiura et de
l’American Uveitis Society comportaient trois symptômes majeurs
pour le diagnostic de maladie de Vogt-Koyanagi-Harada : uvéite
2
La présentation la plus typique de l’uvéite antérieure de la
maladie de Vogt-Koyanagi-Harada est granulomateuse, avec des
précipités rétrodescémétiques en « graisse de mouton ». Des
synéchies iridocristalliniennes sont fréquentes et des nodules de
Koeppe ou de Busacca peuvent également être observés (Fig. 1).
L’uvéite antérieure est susceptible d’avoir une évolution indépendante des manifestations du segment postérieur. Des récidives
EMC - Ophtalmologie
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada 21-235-B-10
Tableau 3.
Critères diagnostiques révisés de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada.
Tableau 4.
Intervalle entre l’atteinte uni- et binoculaire (d’après [9] ).
1. Absence d’antécédent de traumatisme oculaire pénétrant ou de
chirurgie oculaire ayant précédé le début de l’uvéite
Intervalle entre l’atteinte
uni- et bilatérale
Pourcentage des patients
2. Absence d’élément clinique ou d’examen complémentaire
évoquant une autre maladie oculaire
Atteinte simultanée
≈ 3 jours
≈ 7 jours
≈ 14 jours
77,6
18,5
3,7
0,2
3. Atteinte oculaire bilatérale, pour laquelle les critères A ou B
doivent être remplis, selon le stade de la maladie lorsque le patient
est examiné
A. Manifestations
précoces de la
maladie
(1) Éléments en faveur d’une choroïdite diffuse
(sans ou avec une uvéite antérieure, une hyalite
ou une papillite) pouvant se manifester selon
l’une des manières suivantes :
a. zones localisées de liquide sous-rétinien
b. décollements séreux rétiniens bulleux
(2) Dans les cas douteux à l’examen du fond
d’œil, les deux éléments suivants doivent être
également présents :
a. zones focales de retard de perfusion
choroïdienne, zones multifocales de fuite en tête
d’épingle, grandes zones d’hyperfluorescence en
plaque, mélange avec le liquide sous-rétinien et
hyperfluorescence de la papille (liste par ordre
d’apparition au cours de la séquence) en
angiographie à la fluorescéine
b. épaississement choroïdien diffus, sans signe de
sclérite postérieure en échographie
B. Manifestations
tardives de la
maladie
(1) Histoire de la maladie suggérant un antécédent
de manifestations selon 3A, ainsi que soit (2) et
(3) selon ci-dessous, ou signes multiples selon (3)
(2) Dépigmentation oculaire (n’importe laquelle
des manifestations ci-dessous est suffisante) :
a. fond d’œil en lumière de coucher de soleil
« sunset glow fundus »
b. signe de Sugiura
(3) Autres signes oculaires (n’importe laquelle des
manifestations ci-dessous est suffisante) :
a. cicatrices choroïdiennes dépigmentées
nummulaires
b. accumulation et/ou migrations de l’épithélium
pigmentaire rétinien
c. uvéite antérieure récidivante ou chronique
4. Manifestations neurologiques ou auditives (pouvant avoir été
résolutives au moment de l’examen) (n’importe laquelle des
manifestations ci-dessous est suffisante) :
a. signes méningés (malaise, fièvre, céphalées, nausées, douleurs
abdominales, raideur de la nuque et du dos ou combinaison de ces
manifestations. Cependant, des céphalées à elles seules ne peuvent
suffire pour définir des signes méningés)
b. acouphènes
c. pléiocytose à l’examen du liquide cérébrospinal
5. Manifestations tégumentaires (qui ne peuvent pas avoir précédé le
début de l’atteinte oculaire ou du système nerveux central)
(n’importe laquelle des manifestations ci-dessous est suffisante) :
a. alopécie
b. poliose
c. vitiligo
Forme complète : les critères 1 à 5 doivent être présents.
Forme incomplète : les critères 1 à 3 doivent être présents et 4 ou 5.
Maladie possible, forme oculaire isolée : les critères 1 à 3 doivent être présents.
inflammatoires antérieures peuvent être observées, y compris
lorsque toutes les autres composantes de la maladie sont contrôlées [19] .
Segment postérieur
À la phase aiguë de la maladie, les décollements séreux rétiniens et l’œdème papillaire constituent les éléments les plus
caractéristiques conduisant au diagnostic de maladie de VogtKoyanagi-Harada [9, 20, 21] . L’inflammation vitréenne est d’intensité
variable, parfois absente. Le décollement séreux rétinien est
EMC - Ophtalmologie
classiquement multifocal, débutant dans la région maculaire et
pouvant être soit localisé au pôle postérieur et/ou à la moyenne
périphérie, soit étendu jusqu’à l’extrême périphérie (Fig. 2). Il
faut souligner l’importance du décollement séreux rétinien bilatéral survenant dans un contexte inflammatoire comme signe
très évocateur de la maladie. Des plis rétiniens et choroïdiens
au pôle postérieur peuvent accompagner l’apparition du décollement séreux rétinien. Sous traitement, l’évolution est marquée
par une réapplication des décollements rétiniens. Toutefois, plusieurs complications peuvent influencer le pronostic, comme la
survenue de néovascularisation choroïdienne et de fibrose sousrétinienne (Fig. 3).
Signe de Sugiura
Le signe de Sugiura ou vitiligo périlimbique est décrit chez les
patients asiatiques comme la plus précoce des manifestations de
dépigmentation liée à la maladie. Cette atteinte est plus rarement
ou plus tardivement observée chez les patients européens.
Examens complémentaires
Angiographies
À la phase aiguë de la maladie, l’angiographie à la fluorescéine montre de nombreux points hyperfluorescents au niveau
de l’épithélium pigmentaire. Ces points augmentent en taille progressivement au cours de la séquence angiographique et diffusent
autour d’eux dans l’espace sous-rétinien et sous l’épithélium pigmentaire. La fluorescéine pénètre ensuite l’espace sous-rétinien et
délimite les multiples décollements de rétine exsudatifs (Fig. 4).
Une hyperfluorescence papillaire en rapport avec l’œdème papillaire est visible. En revanche, les engainements vasculaires
rétiniens sont rares et l’imprégnation des parois des vaisseaux ne
constitue pas une caractéristique habituelle de la maladie.
À l’angiographie au vert d’indocyanine, des délais de remplissage de la choriocapillaire sont visibles, puis des diffusions à partir
des vaisseaux choroïdiens sont observées. À la phase tardive de la
séquence, les aspects habituels de la vascularisation choroïdienne
ne sont plus visibles et une hyperfluorescence diffuse est observée.
Imagerie en tomographie à cohérence
optique
La tomographie à cohérence optique (OCT) est actuellement
un outil utilisé en pratique courante pour le diagnostic et le suivi
du Vogt-Koyanagi-Harada. L’imagerie en OCT permet d’observer
les décollements séreux rétiniens caractéristiques de la maladie
et leur réapplication après traitement (Fig. 5) [22–24] . Il montre
typiquement des décollements séreux rétiniens multifocaux polylobés avec, en leur sein, des cloisonnements qui vont former
des structures membranaires. Ces images permettent de formuler des hypothèses concernant la physiopathogénie de la maladie.
Dans un premier temps, l’inflammation choroïdienne, cible initiale de la réaction auto-immune, est responsable d’une rupture
de la barrière hématorétinienne interne. Des membranes fibrineuses se forment sur l’épithélium pigmentaire. L’afflux de liquide
sous-rétinien pousse ces membranes fibrineuses qui, en se détachant, forment des septa, lesquels divisent l’espace sous-rétinien
en compartiments donnant des images assez caractéristiques [25] .
Les structures membranaires semblent contenir une ligne
3
21-235-B-10 Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada
Figure 1. Synéchies iridocristalliniennes (A, B)
compliquant une inflammation non contrôlée du
segment antérieur au cours d’une maladie de
Vogt-Koyanagi-Harada.
A
B
A
B
C
D
E
F
Figure 2. Différents aspects de décollements
séreux rétiniens du pôle postérieur, uniques ou
multiples (A, B) plus ou moins bulleux, associés à
un œdème papillaire (C à F) et à des plis choroïdiens (E, F) dans le cadre à la phase aiguë
d’une maladie de Vogt-Koyanagi-Harada. Clichés
en mosaïque montrant les décollements séreux
rétiniens polylobés (G, H).
G
hyperréflective qui est le prolongement de la ligne de jonction des
articles internes et externes des photorécepteurs. L’épaisseur rétinienne des couches internes de la rétine reste inchangée, quelle
que soit l’importance du décollement séreux rétinien [26, 27] .
4
H
En plus de l’atteinte rétinienne, qui peut toucher le pôle postérieur ou la rétine périphérique, il existe très fréquemment
un œdème papillaire qui peut être, lui aussi, analysé en OCT
avec la fonction retinal nerve fiber layer (RNFL), qui met en
EMC - Ophtalmologie
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada 21-235-B-10
évidence une diminution de cet œdème au cours d’un traitement
adapté.
L’imagerie en enhanced depth imaging-OCT (EDI-OCT) est une
méthode d’évaluation de la choroïde in vivo, permettant la
mesure de son épaisseur totale ainsi que ses modifications pathologiques [28] . Les études se sont intéressées à la mesure de
l’épaisseur choroïdienne totale, à la phase aiguë de la maladie,
lors du traitement initial par bolus de corticoïdes intraveineux et
lors de la résolution et des récidives de la maladie [29–31] .
L’inflammation choroïdienne est visualisable en EDI-OCT sous
la forme d’une augmentation de l’épaisseur choroïdienne qui
conduit à une accumulation de fluides sous-rétiniens. Hirooka
et al. [27] ont montré que la présence d’un décollement séreux rétinien à la phase aiguë de la maladie est corrélée à un épaississement
choroïdien, surtout aux dépens de la choroïde externe. L’épaisseur
de la choroïde diminue après corticothérapie systémique, mais
peut réaugmenter lors de récidives des décollements séreux réti-
niens ou de l’inflammation de segment antérieur [12, 23, 32] . De
même, lors de passage à la forme récurrente, l’épaisseur choroïdienne diminue, reflet de l’inflammation chronique, et peut
réaugmenter en cas de récidive inflammatoire de segment antérieur, avant les manifestations cliniques antérieures [26] . La mesure
de l’épaisseur choroïdienne pourrait être un marqueur utile pour
quantifier l’activité inflammatoire de la maladie et être prédictif
des rechutes inflammatoires infracliniques.
L’analyse OCT en haute résolution permet d’objectiver une
atteinte choroïdienne, avec de fines striations de profil antérieur
de l’épithélium pigmentaire. La fréquence des plis choroïdiens
varie de 12 à 65,6 % des cas selon les séries [33] . L’augmentation
de l’épaisseur choroïdienne secondaire à l’inflammation entraîne
des plis choroïdiens et pousse l’épithélium pigmentaire vers la
cavité vitréenne car la rigidité de la sclère en postérieur ne permet pas d’expansion de la choroïde vers ce versant. Les plis
choroïdiens, comme l’augmentation de l’épaisseur choroïdienne,
pourraient être un signe d’inflammation choroïdienne sévère [34] .
La présence de plis choroïdiens est également associée à un plus
fort risque de récidive de la maladie. De plus, les décollements
séreux rétiniens semblent être plus importants en regard des plis
choroïdiens [35] .
Échographie oculaire
L’échographie peut être utile au diagnostic dans des cas atypiques et/ou lorsque le fond d’œil est difficilement visible,
notamment en présence de synéchies iridocristalliniennes ou
d’une cataracte. Elle objective un épaississement choroïdien diffus faiblement échogène, plus marqué au niveau de la région
péripapillaire et s’étendant jusqu’à la région équatoriale, sans
épaississement scléral évident [36] .
Manifestations extraoculaires
Figure 3. Dépigmentation, plis et fibrose sous-rétinienne après réapplication des décollements séreux rétiniens.
*
La fréquence des manifestations extraoculaires dans les
principales séries de patients atteints de maladie de VogtKoyanagi-Harada est récapitulée dans le Tableau 5.
*
A
B
C
D
E
F
Figure 4. Angiographie à la fluorescéine au cours de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (A à F) : diffusion progressive du colorant à partir des points
hyperfluorescents, des pin-points (astérisque) (B) précoces jusqu’au remplissage de poches de décollements séreux rétiniens aux temps tardifs (têtes de
flèches) (E). Œdème papillaire au temps tardif (tête de flèche) (D).
EMC - Ophtalmologie
5
21-235-B-10 Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada
A
E
B
Figure 5. Tomographie de cohérence optique
au cours d’une phase aiguë de Vogt-KoyanagiHarada.
A à D. Décollements séreux rétiniens typiques
polylobés avec plis choroïdiens, réapplication
des décollements séreux rétiniens au cours de
la corticothérapie systémique et diminution de
l’épaisseur rétinienne sur le mapping.
E à G. Volumineux décollements séreux rétiniens
du pôle postérieur, réappliqués après trois bolus
de méthylprednisolone.
H, I. Augmentation de l’épaisseur de la choroïde à
la phase aiguë, en regard des décollements séreux
rétiniens.
J, K. Travées hyperréflectives hétérogènes au sein
des décollements séreux rétiniens.
C
F
G
D
I
H
J
K
Tableau 5.
Principales séries de patients présentant une maladie de Vogt-Koyanagi-Harada : signes extraoculaires.
Auteurs
Fréquence globale des
manifestations
extraoculaires (%)
Méningite ou
syndrome
méningé (%)
Acouphènes (%)
Hypoacousie (%)
Alopécie (%)
Poliose (%)
Vitiligo (%)
Bykhovskaya et al. [7]
88
37
46 (acouphènes
et/ou hypoacousie)
8
71 (poliose et/ou
vitiligo)
Kitamura et al. [8]
ND
71,6
27,2
ND
Touitou et al. [5]
ND
90,9
36,4
31,8
3
13
7,7
13,6
50
Yang et al. [9]
85,1
52,4
43,7
31,8
29,3
39,8
36,6
Abad et al. [10]
72,7
72,7
21,5
18
27
12,5
12,5
Chee et al. [11]
ND
ND
25
ND
4,5
ND
ND
60,5
ND : non disponible.
Signes neurologiques
Un syndrome méningé avec raideur de la nuque et céphalées est
fréquent à la phase prodromale de la maladie. Quelques cas d’état
confusionnel ont été rapportés, ainsi que certains déficits neurologiques focaux. Une pléiocytose peut être détectée après ponction
lombaire et analyse du LCS, même lorsqu’aucun signe clinique
méningé n’est présent. La méningite est lymphocytaire, transitoire, généralement uniquement observée dans les deux mois
qui suivent les manifestations initiales de la maladie. Trois cas
d’association avec un syndrome de Guillain-Barré ont été rappor-
6
tés [37] . Un parallèle entre la sévérité de l’inflammation du système
nerveux central et l’apparition d’un fond d’œil en « sunset glow »
a été rapporté [38] .
Manifestations auditives
Une hypoacousie affecte entre un tiers et trois quarts des
patients selon les séries. Des acouphènes sont occasionnellement
rapportés à la phase prodromale de la maladie, ainsi que des sensations de vertige. Les atteintes cochléaires affectent surtout les
fréquences hautes, à partir de 4 kHz et au-delà. Dans une série
EMC - Ophtalmologie
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada 21-235-B-10
Figure 6. Vitiligo palpébral, des sourcils et des
cils (A à D).
A
B
C
D
rétrospective de 24 patients, huit présentaient une perte auditive
d’au moins 25 dB sur deux fréquences ou plus [39] .
Décollements rétiniens
exsudatifs inflammatoires
Manifestations cutanées
Une hyperesthésie cutanée est parfois rapportée à la phase prodromale de la maladie. La poliose (décoloration) au niveau des
cils, des sourcils ou de mèches de cheveux est plutôt un signe tardif de la maladie. De même le vitiligo est plutôt une manifestation
survenant à distance des signes initiaux d’uvéite, correspondant
à la dépigmentation du fond d’œil. Le vitiligo peut être localisé de manière variable, atteignant fréquemment les paupières
(Fig. 6), le tronc et également le sacrum. Un parallèle entre le
vitiligo et la dépigmentation du fond d’œil est habituel. Des
cas exceptionnels de vitiligo à bordures inflammatoires ont été
rapportés [40] . Les études immunohistochimiques de ces cas suggéraient l’implication de phénomènes cytotoxiques à médiation
par des lymphocytes T.
Sclérites
postérieures
Non
infectieuses
VogtKoyanagiHarada
Diagnostics différentiels
Les diagnostics différentiels de la maladie de Vogt-KoyanagiHarada dans sa forme oculaire typique sont peu nombreux et
représentés en pratique par les autres causes de décollements de
rétine exsudatifs. Un arbre décisionnel des principales étiologies
des décollements de rétine exsudatifs d’origine inflammatoire ou
infectieuse est proposé (Fig. 7).
Autres uvéites d’origine inflammatoire
Ophtalmie sympathique
Un décollement de rétine exsudatif plus ou moins important peut également être observé dans l’ophtalmie sympathique
dont les manifestations peuvent être étudiées à partir d’une
semaine et jusqu’à plusieurs décennies après le traumatisme initial. Cependant, 90 % des cas surviendraient dans l’année suivant
le traumatisme de l’œil sympathisant.
À noter que les critères révisés de la maladie de Vogt-KoyanagiHarada imposent l’absence d’antécédent de traumatisme oculaire
pénétrant ou de chirurgie oculaire ayant précédé le début de
l’uvéite.
EMC - Ophtalmologie
Uvéites
postérieures
Infectieuses :
syphilis
tuberculose
autres
Autres que VKH :
ophtalmie sympathique
sarcoïdose
Figure 7. Arbre décisionnel. Principales étiologies des décollements de
rétine exsudatifs d’origine inflammatoire ou infectieuse.
Sarcoïdose
L’atteinte du segment postérieur au cours de la sarcoïdose est
plus rare que celle du segment antérieur mais, dans certains cas,
l’atteinte rétinienne peut être la seule manifestation de la sarcoïdose. De larges granulomes rétiniens se projetant parfois à
l’intérieur du vitré ont été décrits dans 12 % des cas. De façon
exceptionnelle et lorsqu’ils sont volumineux, ils peuvent être responsables de décollements de rétine exsudatifs [41] .
Uvéites d’origine infectieuse
Plusieurs uvéites postérieures d’origine infectieuse peuvent
s’accompagner de décollements séreux rétiniens de contiguïté, le
plus souvent de taille limitée. Il faut citer notamment les neurorétinites liées à la maladie des griffes du chat, à la maladie de
Lyme, aux rickettsioses et la rétinochoroïdite d’origine toxoplasmique [42, 43] .
7
21-235-B-10 Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada
Les manifestations oculaires de la syphilis ne revêtent aucun
caractère pathognomonique et concernent environ 5 % des
patients atteints de syphilis secondaire. Dans les formes postérieures d’uvéite, des zones de décollements séreux rétiniens
peuvent être associées à une neurorétinite, ou à des foyers de choriorétinite. De rares cas de volumineux décollements de rétine
exsudatifs à caractère bulleux, volontiers bilatéraux, survenant
dans des contextes de panuvéite, ont été décrits [44] .
Les manifestations intraoculaires de la tuberculose sont également variées mais les choroïdites en représentent la forme
clinique la plus fréquente. Les tubercules choroïdiens, dits « de
Bouchut », sont la manifestation intraoculaire la plus fréquente
de tuberculose systémique. Dans de rares cas, l’infection choroïdienne se présente sous la forme d’une masse jaunâtre isolée et
localisée le plus souvent au pôle postérieur, pseudotumorale, et
appelée tuberculome choroïdien. Un décollement séreux rétinien
plus ou moins étendu peut compléter le tableau.
Sclérites postérieures
La sclérite postérieure est définie comme une inflammation de
la sclère en arrière de l’équateur. Il s’agit d’une maladie rare, le plus
souvent idiopathique mais potentiellement associée à des maladies systémiques auto-immunes ou infectieuses. Les principales
maladies systémiques associées aux sclérites postérieures sont la
polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Wegener et la polychondrite atrophiante. Les sclérites postérieures d’origine infectieuse
sont très rares et principalement d’origine tuberculeuse.
La sclérite postérieure peut être secondaire à l’extension postérieure d’une sclérite antérieure ou peut survenir isolément. Les
symptômes en sont avant tout la douleur, la rougeur et la diminution d’acuité visuelle. Il existe cependant des situations où
aucun de ces symptômes n’est présent ou alors un seul, ce qui
rend le diagnostic particulièrement difficile. Les manifestations
ophtalmologiques révélatrices des sclérites postérieures sont très
polymorphes et peu spécifiques. Les principaux signes d’examen
devant orienter vers le diagnostic de sclérite postérieure sont
l’association variable d’une ou de plusieurs poches de décollements de rétine exsudatifs localisées au pôle postérieur ou de
siège périphérique, de plis rétiniens et/ou choroïdiens, d’une
papillite.
Pronostic et traitement
Le pronostic de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada est généralement favorable, si la prise en charge de la maladie est précoce
et si un traitement suffisamment intense est prescrit. Le Tableau 6
récapitule l’acuité visuelle mesurée chez les patients de différentes
études. La série de 410 patients de Yang et al. démontrait des
différences pronostiques marquées, selon le délai entre les premiers signes de la maladie et la prise en charge thérapeutique [9] .
En l’absence d’étude prospective randomisée contrôlée qui
comparerait une modalité thérapeutique avec une autre au cours
de la maladie, de nombreuses décisions thérapeutiques gardent
un caractère empirique.
Le traitement standard de la maladie à la phase aiguë repose
sur une corticothérapie systémique, précoce et massive à laquelle
l’affection est particulièrement sensible. Dans la série de patients
de Singapour de Chee et al., l’utilisation d’une corticothérapie
systémique à haute dose (≥ 1 mg/kg/j par voie orale ou intraveineuse) était associée à une diminution du risque d’inflammation
persistante (risque relatif [RR] : 0,2 ; p = 0,04) [11] . Cependant, dans
la série de patients américains de Bykhovskaya et al., l’utilisation
d’imunosuppresseurs était associée à une réduction du risque de
baisse d’acuité visuelle sous le seuil de 5/10 (RR : 0,33 ; p = 0,05)
et à une réduction du risque encore plus marquée pour le seuil de
1/10 (RR : 0,08 ; p = 0,04) [7] . Une étude prospective récente portant sur 19 patients pris en charge à la phase aiguë de la maladie
rapporte un effet bénéfique de l’introduction d’emblée de mycophénolate mofétil en association à la corticothérapie en termes de
réduction du taux de rechute d’uvéites et en termes de pronostic
visuel comparativement à une corticothérapie première seule [46] .
8
Tableau 6.
Principales séries de patients présentant une maladie de Vogt-KoyanagiHarada : pronostic visuel.
Auteurs
Durée de suivi
Read et al. [6]
ND
Acuité visuelle (AV) finale
AV ≥ 5/10 dans 49 % des cas
Bykhovskaya et al. [7]
Médiane :
17 mois
Incidence d’une AV ≤ 4/10 :
9 % par personne-année
Touitou et al. [5]
ND
AV ≥ 5/10 dans 60,7 % des
cas
Yang et al. [9]
Moyenne :
11 mois
AV ≥ 5/10 dans 62,5 % des
cas
Patients ayant consulté moins de
deux semaines après les premiers
signes d’uvéite
Incidence d’une AV < 1/10 :
1,9 % par œil-année
Patients ayant consulté entre deux
semaines et deux mois après les
premiers signes d’uvéite
Incidence d’une AV < 1/10 :
1,2 % par œil-année
Patients ayant consulté plus de deux
mois après les premiers signes d’uvéite
Incidence d’une AV < 1/10 :
6 % par œil-année
Chee et al. [11]
3 ans
AV ≥ 5/10 dans 67 % des cas
Iwahashi et al. [45]
12 mois
AV > 1/10 : 84,4 % des cas
ND : non disponible.
Dans l’expérience des auteurs de prise en charge précoce de
formes aiguës de la maladie sous forme de panuvéite avec décollements séreux rétiniens, la grande majorité des patients ne présente
cependant pas de rechute ou de récidive d’uvéite postérieure à
l’arrêt de la corticothérapie orale. En revanche, lorsqu’une rechute
survient à un seuil de corticodépendance jugée inacceptable ou
lorsque le contexte (diabète, surpoids, etc.) impose l’adjonction
d’emblée d’un traitement d’épargne cortisonique, l’introduction
d’un traitement immunosuppresseur, pouvant consister en première intention en du méthotrexate ou de l’aziathioprine, est
nécessaire. Quelques cas publiés isolés ont montré que des injections périoculaires et intraoculaires de corticoïdes retard étaient
efficaces à la phase aiguë, lorsque le traitement systémique n’est
pas possible.
Après la résolution de cette phase aiguë de la maladie et malgré un traitement anti-inflammatoire puissant et bien conduit,
des lésions peuvent persister à type de lésions atrophiques avec
dépigmentation, ou bien au contraire fibrose avec pigmentation.
En se réappliquant, les plis choroïdiens profonds peuvent laisser
la place à des lignes de réapplication qui sont hyperpigmentées.
Ces séquelles sont bien observées à l’angiographie à la fluorescéine mais également à l’OCT où elles apparaissent comme des
épaississements fibreux hyperréflectifs en avant de l’épithélium
pigmentaire.
Le taux de récidive varie selon les études entre 8,5 à 73,8 % [31]
et se manifeste surtout par des récidives antérieures et postérieures
(décollements séreux rétiniens ou de papillite). Les facteurs associés à un risque de récidive retrouvés récemment sont une acuité
visuelle initiale basse (< 1/10), une diminution des corticoïdes per
os trop rapide (supérieure à 30 mg/semaine sur trois mois), une
inflammation de segment antérieur initial supérieure à 2+ de Tyndall, la présence de manifestations extraoculaires à la phase aiguë
de la maladie, une augmentation de l’épaisseur choroïdienne et
la présence de plis rétiniens initiaux [45] .
L’atrophie péripapillaire est surtout visible à la phase chronique
de la maladie et plus fréquemment retrouvée an cas d’épaisseur
choroïdienne initiale supérieure à 550 ␮m. La présence d’une atrophie péripapillaire est souvent associée à une dépigmentation du
fond d’œil (sunset glow fundus) et à une atrophie choroïdienne,
traduisant une dysfonction rétinienne chronique. L’hypothèse
principale serait une inflammation choroïdienne chronique à bas
bruit [4, 23, 29] .
Les formes chroniques observées de la maladie de VogtKoyanagi-Harada sont de prise en charge plus difficile et
correspondent à des formes où le diagnostic a été tardif ou
à une prise en charge à la phase aiguë inflammatoire de la
EMC - Ophtalmologie
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada 21-235-B-10
maladie insuffisante. Dans ce cadre, il convient de noter un succès thérapeutique du rituximab à contrôler un cas de maladie
de Vogt-Koyanagi-Harada réfractaire aux immunosuppresseurs
conventionnels et à l’adalimumab [47] . Pour tous les auteurs, outre
le traitement systémique, les manifestations d’uvéite antérieures
justifient un traitement topique reposant sur l’association d’un
collyre cycloplégique et de collyres corticoïdes.
Conclusion
La maladie de Vogt-Koyanagi-Harada est une forme grave et
rare d’uvéite postérieure. Son pronostic est bon si le diagnostic est
précoce tout comme le traitement immunosuppresseur, qui doit
être aussi intense. Les manifestations systémiques de cette maladie
auto-immune peuvent passer inaperçues et être décalées dans le
temps.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
relation avec cet article.
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C. Bonnet, Chef de clinique assistant.
J.-B. Daudin.
A. Brézin, MD, PhD ([email protected]).
Université Paris Descartes, Groupe hospitalier Cochin-Hôtel-Dieu, Centre Cochin ambulatoire d’ophtalmologie, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014
Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bonnet C, Daudin JB, Brézin A. Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada. EMC - Ophtalmologie 2017;14(2):1-10
[Article 21-235-B-10].
Disponibles sur www.em-consulte.com
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