Le syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada : nouveautés et pièges diagnostiques Focus

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Focus
Le syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada :
nouveautés et pièges diagnostiques
Vogt Koyanagi Harada syndrom, news and diagnostics pitfalls
C. Titah, K. Nagoudi, A. Affortit, I. Cochereau
(Service d’ophtalmologie, Fondation Rothschild, Hôpital Bichat, Paris)
✔ Mots-clés. Mélanocyte • Uvéite • Corticothérapie.
✔ Keywords. Melanocyte • Uveitis • Corticotherapy.
L
e syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH) est une
maladie systémique auto-immune qui atteint les mélanocytes présents au niveau de la choroïde, de l’oreille
interne, des méninges et de la peau. La maladie touche le sujet
entre 20 et 50 ans, plutôt d’origine hispanique, amérindienne
et asiatique (plus rare chez les Caucasiens et dans les populations d’Afrique subsaharienne). Cette disparité géographique
a
c
sous-entend la présence de facteurs génétiques, en particulier le HLA-DRB1 (association VKH et HLA-DRB1 0405 avec
p < 1 × 105 dans la population japonaise) selon Shindo (1), qui
est le principal allèle susceptible de déclencher le syndrome de
VKH .Le rôle possible du cytomégalovirus (CMV) comme facteur
déclenchant a été mis en évidence grâce à la réaction croisée
du peptide tyrosinase et de l’antigène du CMV. Le mécanisme
auto-immun est véhiculé par les lymphocytes T dirigés contre
les mélanocytes présents au niveau de la choroïde et des autres
tissus. Tout récemment, il a été montré que l’interleukine 23
semble entretenir la réaction auto-immune et l’inflammation
dans le VKH (1, 2). Le tableau clinique est divisé en 4 phases.
b
d
Figure 1. Forme débutante de syndrome de VKH. a. Papille hyperhémiée et décollement séreux rétinien inter-papillomaculaire confirmés
par l’OCT maculaire (c), nous pouvons noter l’épaississement choroïdien. b. ICG aux temps tardifs : taches hypofluorescentes choroïdiennes.
d. Échographie oculaire : épaississement choroïdien (étoile rouge).
Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 3 • mai-juin 2014
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1. La phase prodromique, dont les manifestations ressemblent à
une infection virale (céphalées, fièvre, méningisme et hypoacousie).
2. La phase d’état, dite oculaire, débute par un décollement
séreux rétinien, souvent au pôle postérieur du fait de l’épaisseur
choroïdienne plus marquée à son niveau (figures 1a et 1c). Ce
type de présentation prête à confusion avec d’autres étiologies, en
particulier la sclérite postérieure. L’absence de douleur, d’atteinte
sclérale antérieure et le caractère bilatéral permettent de lever
l’ambiguïté. Dans ces formes débutantes, on recherchera une
choroïdite diffuse montrant des nodules choroïdiens disséminés
dans le stroma choroïdien à l’angiographie au vert d’indocyanine
(figure 1b) ; un épaississement sclérochoroïdien sans signe du T
à l’échographie oculaire en mode B (figure 1d) et les autres manifestations systémiques de la maladie (méningite lymphocytaire et
surdité). En l’absence de traitement, le décollement de rétine exsudatif progresse (figure 2a), avec à l’angiographie à la fluorescéine
des points de diffusion “pinpoints” et un remplissage progressif
du décollement sous-rétinien (figure 2b). L’OCT en mode Spectral
Domain montre des décollements séreux intra- et sous-rétiniens
et des cloisons sous-rétiniennes dont les piliers sont formés de
fibrine, résultat d’une exsudation sous-rétinienne à partir de la
choroïde (figure 2c). L’aspect de l’OCT n’est pas spécifique et peut
se voir dans la sclérite postérieure ou dans le purpura thrombotique thrombocytopénique (3). Les autres signes inflammatoires
du syndrome de VKH à rechercher sont l’hyalite, l’œdème papillaire et l’uvéite antérieure à caractère granulomateux ou non.
3. À la phase de convalescence, la choroïde se dépigmente,
donnant l’aspect en coucher de soleil “sunset glow fundus”
permettant un diagnostic rétrospectif de la maladie (figure 3). La
dépigmentation peut intéresser la région périlimbique donnant
le signe de Shigura, ou les phanères avec la poliose et le vitiligo.
4. La phase chronique ou récurrente (2/3 des cas) est essentiellement représentée par des récidives d’uvéite antérieure.
a
b
Le tableau présente les critères diagnostiques du VKH (4).
c
Figure 2. Phase d’état du syndrome de VKH.
a. Décollement de rétine exsudatif en supérieur.
b. À l’angiographie à la fluorescéine : plages hypofluorescentes
liées à un retard de remplissage choroïdien et des points de fuite
hyperfluorescents.
c. Décollement séreux intra- et sous-rétinien.
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Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 3 • mai-juin 2014
Figure 3. Phase de convalescence du syndrome de VKH : aspect
en coucher de soleil (noter les taches blanches d’atrophie de l’épithélium pigmentaire).
Tableau. Critères diagnostiques révisés du VKH (4).
Critères
1. Absence de traumatisme oculaire pénétrant
diagnostiques
ou de chirurgie oculaire
2. Absence d’autre pathologie oculaire
3. Atteinte oculaire bilatérale
a) Manifestations précoces
• Choroïdite diffuse
avec décollement séreux rétinien
• Associées à des signes angiographiques
et échographiques évocateurs
b) Manifestations tardives
• Histoire évocatrice des antécédents 3a
• Dépigmentation oculaire “sunset glow fundus”
ou signe de Shigura
• Autres signes : ciactrices dépigmentées
nummulaires, migrations pigmentaires,
uvéite antérieure chronique et récurrente
5. Atteintes cutanées (vitiligo, poliose, alopécie)
Complète
Les 5 critères sont présents
Incomplète
Les critères 1 à 3 sont présents avec le critère 4 ou 5
Probable (forme oculaire isolée)
Les critères 1 à 3 sont présents
Conclusion
Le syndrome de VKH ne se résume pas à une atteinte oculaire,
c'est une maladie systémique. Le diagnostic est difficile lorsqu’il
s’agit de formes incomplètes ou débutantes. Le traitement
repose sur une corticothérapie précoce à forte dose.
II
Références bibliographiques
4. Atteinte neurologique et/ou auditive
Formes
cliniques
Le traitement consiste en une corticothérapie systémique dont la
précocité et l’intensité améliorent l’acuité visuelle, et préviennent
les récidives inflammatoires et les manifestations de dépigmentation (2). La durée du traitement est d’au moins 6 à 12 mois (1).
Il n’y a pas de différence d’efficacité à débuter par des bolus de
corticoïdes avec relais per os ou à prescrire des corticoïdes par
voie orale d’emblée (2). En cas de corticodépendance à 20 ou
30 mg de corticoïdes, on associe un immunosuppresseur type
azathioprine ou ciclosporine A. Les anti-TNF alpha (infliximab
et adalimumab) ont été utilisés avec des résultats satisfaisants.
1. Greco A, Fusconi M, Gallo A, Turchetta R et al. Vogt-Koyanagi-Harada
syndrome. Autoimmun Rev 2013;12(11):1033-8.
2. Sakata VM, da Silva FT, Hirata CE, de Carvalho JF, Yamamoto JH. Diagnosis
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13(4-5):550-5.
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an unusual mode of revelation of thrombotic thrombocytopenic purpura of favorable outcome with plasma exchange. Grafes Arch Clin Exp Ophtalmol 2014;
252(1):181-3.
4. Read RW, Holland GN, Rao NA, Tabbara KF et al. Revised diagnostic criteria
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nomenclature. Am J Ophthalmol 2001;131(5):647-52.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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