Manuel pratique d’urogynécologie Chez le même éditeur Le bilan urodynamique facile, par C.R. Chapple, traduit de l’anglais par G. Raynal, collection Facile. 2011, 272 pages. Pratique chirurgicale en gynécologie-obstétrique, par J. Lansac, hors collection, 3e édition. 2011, 560 pages. Échographie en imagerie pelvienne en pratique gynécologique, par Y. Ardaens, B. Guérin du Masgenêt, Ph. Coquel, Levaillant et E. Poncelet, collection Imagerie médicale, Précis. 2010, 672 pages. Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus, par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, ­collection Techniques chirurgicales. 2008, 238 pages. Imagerie du bas appareil urinaire de l’adulte, par A. Dana, collection Imagerie médicale, ­Diagnostic. 2004, 280 pages. Imagerie du haut appareil urinaire de l’adulte, par A. Dana, collection Imagerie médicale, Diagnostic. 2001, 392 pages. Sous l’égide du collège national des gynécologues et obstétriciens français Conseillers éditoriaux Jacques Lansac, Évelyne Drapier-Faure, Bruno Carbonne Manuel pratique d’urogynécologie Xavier Deffieux Gérard Amarenco, Renaud de Tayrac, Brigitte Fatton Coordonné par Préface d’Hervé Fernandez Avec la collaboration de G. Amarenco, C. Courtieu, P. Debodinance, P. Denys, A. Fauconnier, H. Fernandez, X. Fritel, J. Kerdraon, J.-J Labat, V. Letouzey, N. Michel-Laaengh, A. Pizzoferrato, G. Robain, L. Siproudhis DANGER LE PHOTOCOPILLAGE TUE LE LIVRE Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70. Dessins : Carole Fumat, Cyrille Martinet Couverture : dessin Cyrille Martinet Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). © 2011, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ISBN : 978-2-294-70993-7 Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex www.elsevier-masson.fr Liste des collaborateurs Fernandez Hervé, professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service de gynécologieobstétrique, hôpital du Krémlin-Bicêtre, le Krémlin-Bicêtre. Fritel Xavier, professeur des universités, praticien ­hospitalier, chirurgien, service de gynécologieobstétrique, centre hospitalier Camille-Guérin, Chatellereault. Kerdraon Jacques, ancien chef de clinique assistant, chef du service de médecine physique et de ­réadaptation, CMRRF de Kerpape. Labat Jean-Jacques, ancien chef de clinique assistant, chef du service de neuro-urologie, centre hospitalier universitaire, Nantes. Letouzey Vincent, chef de clinique assistant, chirurgien, service de gynécologie-obstétrique, pôle Femme-Enfant, centre hospitalier universitaire Carémeau, Nîmes. Michel-Laaengh Nathalie, médecin gériatre ­hôpital gériatrique Frédéric Du Goujon, Hospices Civils de Lyon. Pizzoferrato Anne, chef de clinique assistant, service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier intercommunal Poissy – Saint-Germain-en-Laye. Robain Gilberte, professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service de pneumologie-phtisiologie-allergologie, hôpital Charlefoix, groupement hospitalier universitaire Est. Siproudhis Laurent, professeur des universités, praticien hospitalier, gastroentérologue, service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, centre hospitalier régional universitaire Pontchaillou, Rennes. Amarenco Gérard, professeur des universités, chef du service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, hôpital Rothschild, Paris. Courtieu Christophe, ancien chef de clinique assistant, chirurgien, service de gynécologie, clinique Beausoleil, Montpellier. Debodinance Phillipe, praticien hospitalier, chef du service de gynécologie, maternité de Bazennes, Dunkerque. Deffieux Xavier, maître de conférences des universités, praticien hospitalier, chef de l’unité fonctionnelle de chirurgie gynécologique, hôpital Antoine-Béclère, Clamart. Denys Pierre, professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service de médecine physique et de réadaptation « Netter », hôpital RaymondPoincaré – hôpital maritime de Berk, groupement hospitalier universitaire Ouest. De Tayrac, Renaud, professeur des universités, praticien hospitalier, chef de l’unité fonction­ nelle de chi­rurgie gynécologique, service de gynécologie-­obstétrique, centre hospitalo-universitaire Carémeau, Nîmes. Fatton Brigitte, praticien hospitalier, chef de l’unité fonctionnelle de chirurgie gynécologique, service de la maternité, hôpital Hôtel-Dieu, Clermont-Ferrand. Fauconnier Arnaud, professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier intercommunal Poissy – Saint-Germain-en-Laye. V Abréviations AFSSAPS AFU AMM ANAES ATIH BCG BND CNGOF BSD BSU CNID COX2 DAV DHEA DMSO DSM-IV ECBU EEA GSD HAS HPV IADL ICIQ ICS IIQ IMC IPD5 IRSN IRM IU IUE IUM IUTR Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé Association française d’urologie autorisation de mise sur le marché Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé Agence technique de l’information sur l’hospitalisation Bacillus Calmette-Guérin bladder neck descent Collège national des gynécologues et obstétriciens français bladder symphyseal distance bandelette sous-urétrale contraction non inhibée du détrusor cyclo-oxygénase 2 distance anovulvaire déhydroépiandrostérone diméthylsulfoxyde Diagnostic and statistical manual – revision 4 examen cytobactériologique des urines échographie endoanale geriatric depression scale Haute autorité de santé Human papillomavirus activités instrumentales de la vie quotidienne International consultation on incontinence questionnaire International continence society Incontinence impact questionnaire indice de masse corporelle inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 inhibiteur de la recapture de la sérotonine-noradrénaline imagerie par résonance magnétique incontinence urinaire IUU JUV KHQ L-DOPA LPC MMSE MNA NANC OAB-q OR PCUM PFDI PFIQ PGI-I PISQ POP-Q PTSD PUM SA SANS SIFUD-PP SP TENS TUBA TOT TVT TVT-O UVP VIH VLPP VII incontinence urinaire d’effort incontinence urinaire mixte Incontinence urinaire transitoire réversible incontinence urinaire par urgenturies jonction urétrovésicale King’s health questionnaire L-3,4-dihydroxyphénylalanine ligne pubococcygienne Mini mental status index Mini nutritional assesment non adrénergique non cholinergique Overactive bladder questionnaire odds ratio pression de clôture urétrale maximale Pelvic floor distress inventory Pelvic floor impact questionnaire Patient global impression and improvement Pelvic organ prolapse/urinary incontinence sexual questionnaire pelvic organ prolapse quantification post-traumatic stress syndrome pression urétrale maximale semaine d’aménorrhée neuromodulation percutanée Société internationale francophone d’urodynamique et de pelvipérinéologie symphyse pubienne neuromodulation transcutanée troubles du bas appareil urinaire transobturator tape (de dehors en dedans) tension-free vaginal tape transvaginal tape-obturator urétrovésical postérieur virus de l’immunodéficience humaine Vasalva leak point pressure Préface Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) affiche comme une priorité l’urogynécologie et la pelvipérinéologie comme une entité. Ainsi les recommandations pour la pratique clinique (RPC) de 2009 concernent la prise en charge de l’incontinence urinaire et ce livre, par son propos, en l’élargissant aux troubles de la statique pelvienne, renforce ce choix. Le périnée est devenu un élément anatomique essentiel. Ceci est peut-être dû au vieillissement de la population, mais peut-être aussi simplement au fait qu’il est un des piliers de la sexualité et donc, une part primordiale, même si non exclusive, de la qualité de vie. Les femmes qui, actuellement, sont confrontées aux problèmes de statique pelvienne, sont celles qui ont vécu la pudeur de la fin des années soixante et l’explosion de la société. La liberté acquise dans les années soixante-dix fait que ces femmes vont mettre au premier rang un choix de vie qui les fait se tourner vers la chirurgie fonctionnelle pour retrouver une intégrité corporelle leur permettant de jouir pleinement de leur existence. C’est la raison pour laquelle, ces dernières années ont vu se constituer et s’accumuler des connaissances de la composante neurologique de la fonction des organes pelviens et périnéaux et que, parallèlement, se sont développées des explorations cliniques, physiologiques et radiologiques permettant de mieux typer les causes de ces désordres urinaires et fécaux et de cette faiblesse du plancher périnéal à l’origine du prolapsus. Nous avons vu émerger et s’imposer des stratégies chirurgicales, tant par voie abdominale que vaginale, avec l’irruption des matériaux prothétiques, faisant espérer une correction pérenne. La pelvipérinéologie s’est développée grâce à une approche pluridisciplinaire incluant gynécologues, urologues, coloproctologues, neurologues et rééducateurs qu’ils soient médecins, sages-femmes ou kinésithérapeutes, dont l’objectif est de restituer la fonction et parfois l’intégrité corporelle des femmes. Notre spécialité unie de gynécologie-obstétrique nous permet, à tous les moments de leur vie, de prendre en charge les femmes et de leur proposer des mesures préventives. En plus d’assurer le suivi de leur grossesse et les conditions de leur accouchement, le gynécologue pourra avoir un impact sur le risque pelvipérinéal en limitant la prise de poids des femmes, que ce soit dans le cadre du suivi de leur contraception ou dans l’accompagnement de la ménopause. La discussion sur les modalités de l’accouchement trouve une place privilégiée entre les obstétriciens et les parturientes, qui ne doivent pas redouter que la maternité signifie la fin de leur vie de femme. La sage-femme et l’obstétricien devront apprécier, dans les semaines qui suivent l’accou­chement, les troubles pelviens qui pourront faire l’objet d’une rééducation que l’on sait efficace. Le gynécologue, médecin de femme, saura prendre le relais, plus tard dans la vie, pour traiter l’incontinence urinaire qui ne doit plus traumatiser les femmes car les traitements modernes, qu’ils soient médicaux ou chirurgicaux, IX Préface permettent à beaucoup d’entre elles de retrouver une vie intime et sociale épanouies. Notre spécialité est donc au cœur de cette médecine de la femme mais elle ne devra pas être aveugle et devra savoir s’entourer des compétences des autres spécialités et de la richesse du dialogue multidisciplinaire qui se doit de faire progresser la prise en charge médicochirurgicale de la pelvipérinéologie. Ce livre a pour but, dans ce siècle qui a déjà dix ans, de faire le point de nos connaissances pour le bénéfice de nos patientes. Je ne saurais finir cette préface sans remercier ces dernières qui nous font confiance à tous les moments de leur vie, afin de bénéficier d’une qualité de vie dans une société où l’avancée médicale permet de vivre vieux, mais pas à n’importe quel prix. H. Fernandez Professeur des universités, praticien hospitalier Chirurgien gynécologue-obstétricien X Épidémiologie de l’incontinence urinaire et du prolapsus génital Chapitre 1 Brigitte Fatton la classe d’âge considérée et du type d’incontinence concerné. L’ICS a défini l’incontinence comme « toute plainte pour perte d’urines involontaire ». Les enquêtes épidémiologiques font le plus souvent appel à des définitions qui incluent des critères de fréquence des fuites (par exemple « toute » fuite, ou de façon plus restrictive « dans le mois précédent l’enquête » ou « n fois » par période de temps défini, etc.), ou de gravité (gêne sociale, atteinte de la qualité de vie). Cette variabilité dans les symptômes analysés rend compte de celle retrouvée à la comparaison des résultats disponibles dans la littérature : si l’on considère les plus larges des définitions (toute incontinence, au moins une fois dans les 12 derniers mois), la prévalence est estimée le plus souvent entre 25 et 45 %. Ce taux n’est plus que de 5 à 15 % si l’on considère les fuites quotidiennes dans les populations de femmes au milieu de la vie ou âgées [1]. Prolapsus et incontinence urinaire coexistent souvent, sous-tendus par des mécanismes physiopathologiques similaires. Ce sont deux pathologies fonctionnelles fréquentes, dont le retentissement sur la qualité de vie peut être important et qui constituent un vrai problème de santé publique. Nous disposons de nombreux travaux épidémiologiques qui ont permis l’identification de facteurs de risque et laissent donc entrevoir certains moyens de prévention. Si la chirurgie des troubles de la statique pelvienne a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie, gagnant à la fois en simplicité et en fiabilité, un des challenges les plus audacieux des prochaines années est de définir des moyens efficaces pour préserver l’équilibre pelvien et prévenir l’apparition de dégâts anatomiques et/ou de troubles fonctionnels dont la prise en charge reste délicate. Prévalence de l’incontinence Prévalence en fonction de l’âge urinaire et du prolapsus (tableau 1.1) Prévalence de l’incontinence urinaire La prévalence de l’incontinence urinaire augmente avec l’âge. Cependant cette augmentation ne serait pas linéaire et il existerait une augmentation graduelle de la prévalence jusqu’à 50 ans où elle atteint 30 %, suivie d’une stabilisation voire même d’une discrète régression jusqu’à l’âge de 70 ans, période où la prévalence augmente à nouveau [2]. Une méta-analyse récente [3] confirme cet accroissement du risque avec l’âge (mais avec une atténuation après 65 ans) et montre aussi que La prévalence de l’incontinence d’urine dans la population féminine varie considérablement selon les séries dépendant entre autres du type d’étude, de la définition retenue pour l’incontinence (définition de l’International continence society [ICS], gêne sociale, port de garnitures…), de la population étudiée (race, population en institution.), de 1 Manuel pratique d’urogynécologie urinaire d’effort, incontinence urinaire par urgenturies (IUU) ou incontinence urinaire mixte (IUM). De même, la prévalence des différents types d’incontinence varie en fonction de l’âge. L’IUE prédomine dans les enquêtes conduites chez les femmes jeunes ou en milieu de vie alors que dans les cohortes de femmes âgées, l’IUU et l’IUM sont prépondérantes. Les résultats de l’enquête européenne conduite conjointement en France, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni sont colligés dans le tableau 1.3 [2]. La prévalence de l’IUE, tous âges confondus, est la plus élevée. La prévalence de l’IUM augmente régulièrement avec l’âge. La part de l’IUU reste la plus faible dans la plupart des classes d’âge concernées. On peut retenir, en synthèse, que l’IUU augmente avec l’âge alors que l’IUE diminue avec l’âge, peut-être en partie à cause de la réduction des activités. L’enquête américaine MESA de Diokno et al. [6] chez les patientes de 60 ans et plus, a rapporté la répartition suivante : 55 % pour l’IUM, 27 % pour l’IUE, 9 % pour l’IUU et 9 % pour les types autres et inclassables. Tableau 1.1. Augmentation de la prévalence de l’incontinence urinaire chez la femme en fonction de l’âge d’après Shamliyan [3]. Âge Prévalence (%) IC 95 % 19–44 21 16–26 45–64 34 30–39 + 65 95 34–36 + 80 39 36–41 IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %. l’effet âge varie en fonction du type d’incontinence. La fréquence de l’incontinence urinaire (IU) dans la population âgée explique que l’IU soit souvent considérée comme une conséquence normale et inévitable du vieillissement. Pourtant si des modifications histochimiques surviennent avec l’âge au niveau des structures musculaires et conjonctives de la sphère urogénitale, elles interviennent le plus souvent avec d’autres facteurs tels que certaines pathologies plus fréquentes chez le sujet âgé (diabète, troubles cognitifs) pour expliquer la survenue d’une IU. Le rôle direct de la ménopause reste controversé [1, 4, 5]. Deux études longitudinales récentes ont rapporté un effet neutre ou bénéfique de la ménopause naturelle (sans hormonothérapie substitutive) sur l’IU [1]. Par ailleurs, il semble établi que l’influence de la ménopause sur l’IU varie en fonction du type d’IU, la prévalence de l’incontinence urinaire d’effort (IUE) diminuant pendant que celle de l’incontinence urinaire mixte (IUM) augmente. Prévalence en fonction de la sévérité de l’incontinence La prévalence de l’incontinence sévère augmente avec l’âge. L’étude EPINCONT a révélé que, dans la cohorte des femmes de moins de 45 ans, l’incontinence urinaire était légère dans 57 % des cas, modérée dans 31 % des cas et sévère dans 12 % des cas [2]. La répartition est respectivement de 46 %, 33 % et 21 % dans la classe d’âge de 45 à 59 ans et de 24 %, 31 % et 44 % chez les plus de 60 ans. La sévérité de l’incontinence varie aussi en fonction du type d’incontinence. Ainsi la part de l’incontinence sévère Prévalence en fonction du type d’incontinence (tableau 1.2) La prévalence de l’incontinence varie en fonction du type d’incontinence concernée : incontinence Tableau 1.2. Prévalence de l’incontinence urinaire selon l’âge en fonction du type d’incontinence d’après la méta-analyse de Shamliyan [3]. Âge Prévalence IUE IC 95 % Prévalence urgenturie IC 95 % Prévalence IUM IC 95 % 19–44 13 8–17 5 4–6 7 5–9 45–64 22 19–24 10 9–12 13 11–15 + 65 16 14–19 12 10–15 17 14–20 + 80 16 8–24 11 6–17 16 7–24 IC 95 % : intervalle de confiance à 95 % ; IUE : incontinence urinaire d’effort ; IUM : incontinence urinaire mixte. 2 Chapitre 1. Épidémiologie de l’incontinence urinaire et du prolapsus génital Tableau 1.3. Pays France Espagne Allemagne Royaume-Uni Prévalence selon l’âge et le type d’incontinence dans quatre pays européens [2]. N Classe d’âge IUE (%) IUM (%) IUU (%) I autre 698 18–44 29 31 26 15 617 45–59 33 24 38 5 399 ≥ 60 29 25 41 4 582 18–44 41 21 17 21 273 45–59 55 11 21 13 600 ≥ 60 30 24 37 9 564 18–44 47 14 27 12 478 45–59 41 14 40 4 534 ≥ 60 31 19 46 4 461 18–44 44 18 25 13 441 45–59 42 11 39 7 329 ≥ 60 35 19 40 6 IUE : incontinence urinaire à l’effort ; IUU : incontinence urinaire sur urgenturies ; IUM : incontinence urinaire mixte ; I autre : autres types d’incontinence. est de 17 % chez les femmes souffrant d’IUE, de 28 % en cas d’IUU et de 38 % en cas d’IUM. Prévalence du prolapsus génital Il existe une grande variabilité dans les chiffres publiés dans la littérature. Les explications en sont multiples et renvoient à la délicate question de la définition même du prolapsus. Reposant longtemps uniquement sur des critères anatomiques (degré de ptose), cette définition intègre aujourd’hui pour beaucoup des paramètres fonctionnels et l’importance de la gêne ressentie par la patiente. Certains font même de ces critères l’élément essentiel. Malgré cette dualité dans l’expression clinique du prolapsus, il n’existe pas, à ce jour, d’outil de mesure standardisé et complet évaluant à la fois le grade anatomique et l’impact fonctionnel. Si la classification POP-Q (pelvic organ prolapse quantification) constitue aujourd’hui la référence pour la gradation anatomique (même si elle est imparfaite), on ne peut que déplorer que cette classification, proposée par l’ICS, n’ait pas intégré une échelle du retentissement fonctionnel. Il existe néanmoins plusieurs questionnaires de symptômes et de qualité de vie validés applicables aux troubles de la statique pelvienne mais leur utilisation est variable selon les auteurs et leur association à la classification anatomique est loin d’être systématique, ce qui impacte bien évidement les taux de prévalence et génère un biais important dans l’approche d’un problème pourtant fréquent et important en termes de santé publique. Prévalence en fonction de la population étudiée En dehors de l’influence raciale et ethnique que nous aborderons plus loin, la prévalence de l’incontinence urinaire dépend aussi du type de population étudiée. Plusieurs études ont trouvé une prévalence de l’IU augmentée chez les femmes vivant en institution par rapport à celles vivant en communauté. L’impact précis de la vie en institution sur la prévalence de l’IU est difficile à estimer car plusieurs autres facteurs interviennent aux premiers rangs desquels la perte de mobilité, la démence et la qualité de l’offre de soins de la structure de long séjour. Ainsi les troubles des fonctions cognitives multiplieraient le risque d’incontinence urinaire par 3,6 dans les études en analyse multivariée [7]. Incidence de l’incontinence urinaire L’incidence de l’IU et les taux de rémissions sont moins bien documentés que la prévalence. Les estimations font état de taux annuels d’incidence variant de 1 % à 11 % et de taux de rémission (avec ou sans traitement) compris entre 5 % et 11 % [4]. 3 Manuel pratique d’urogynécologie 68 % de stade 2 et 2 % de stade 3 avec 90 % des femmes ayant un prolapsus au-dessus ou au niveau de l’hymen. Les valeurs moyennes des différents points selon la classification de POP-Q sont retranscrites dans le tableau 1.4. Prévalence générale La prévalence des prolapsus est variable selon que l’on considère des critères anatomiques ou des ­données d’interrogatoire. Elle varie de 3 % à 11 % si le diagnostic est établi sur les données de questionnaires ou de 32 à 98 % si l’on s’en tient à l’examen clinique selon, respectivement, la classifi­cation de Baden et Walker ou celle du POP-Q [8]. Prévalence selon les étages Le tableau 1.5 collige les résultats de deux études bien conduites utilisant la classification POP-Q. Il existe une variation des degrés de ptose dans le temps, avec bien sûr des cas d’aggravation mais aussi des situations de régression. Le tableau 1.6 collige les résultats de l’étude longitudinale de Handa conduite sur une cohorte de 412 femmes [11]. Dans cette étude le risque d’accentuation de la rectocèle est corrélé à la parité (OR 1,67, p = 0,03). Aucune association significative n’a été observée concernant la régression du prolapsus, exception faite des femmes dont le IMC (indice de Prévalence selon les stades Swift [9], dans une étude observationnelle utilisant la classification POP-Q, rapportait, dans une cohorte d’âge moyen de 44 ans [18-82], 6 % de stade 0, 43 % de stade 1, 48 % de stade 2, 3 % de stade 3. Plus récemment, Trowbridge [10], au sein d’une cohorte de 394 femmes (222 Noires américaines et 172 Blanches) d’âge moyen 47,6 ans [35-64] et de parité moyenne 1,8, a retrouvé la distribution suivante : 9 % de stade 0, 21 % de stade 1, Tableau 1.4. Valeurs moyennes des différents points selon la classification POP-Q d’après la série de Trowbridge [10]. Points vaginaux selon la classification POP-Q Moyenne IC 95 % Aa – 1,18 – 1,31 ; – 1,04 Ba – 1,16 – 1,30 ; – 1,02 C cervix – 6,5 – 6,73 ; – 6,28 C fond vaginal – 6,85 – 7,35 ; – 6,34 Ap – 1,75 – 1,90 ; – 1,60 Bp – 1,75 – 1,90 ; – 1,60 Hiatus génital 3,43 3,29 ; 3,57 DAV 3,94 3,80 ; 4,08 Longueur vaginale totale 10,73 10,56 ; 10,89 DAV : distance anovulvaire. IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %. POP-Q : pelvic organ prolapse quantification. Tableau 1.5. Auteur Handa [11] Distribution des prolapsus selon les étages. N Âge 412 50–79 moy 54,9 Stade 1 Stade 2 Stade 3 Total Incidence* Cystocèle Compartiment 14,4 9,5 0,7 24,5 9,3 Rectocèle 7,8 5,1 12,9 5,7 3,8 1,5 Prolapsus utérin Dietz [12] 954 17–90 moy 54 3,3 0,6 Cystocèle 32 23 16 Rectocèle 34 26 5 Prolapsus utérin 15 5 3 * Incidence annuelle moyenne (cas pour 100 femmes-années). Moy : moyenne. 4 Chapitre 1. Épidémiologie de l’incontinence urinaire et du prolapsus génital Tableau 1.6. Régression ou aggravation des prolapsus par compartiment sur une période d’observation d’1 an selon Handa [11]. Évolution Cystocèle Rectocèle Prolapsus utérin Probabilité Grade 1 à 0 IC 95 % 0,235 0,19–0,28 Grade 2–3 à 0 0,093 0,05–0,14 Grade 1 à 2–3 0,095 0,07–0,13 Grade 0 à 2–3 0,012 0,006–0,019 Grade 1 à 0 0,22 0,16–0,28 Grade 2–3 à 0 0,033 0,011–0,075 Grade 1 à 2–3 0,135 0,09–0,19 Grade 0 à 2–3 0,0135 0,008–0,02 Grade 1 à 0 0,48 0,34–0,62 Grade 2–3 à 0 0 0–0,37 Grade 1 à 2–3 0,019 0,0005–0,099 Grade 0 à 2–3 0,0006 < 0,0001–0,0036 IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %. masse corporel) est inférieur à 25 chez qui on constate le taux le plus important de régression des cystocèles en un an. de l’anneau hyménéal ou au-delà, l’incidence est de 26 % à un an et 40 % à 3 ans avec un taux de rémission de 21 % à 1 an et de 19 % à 3 ans [1]. L’incidence du prolapsus, quel que soit le compartiment, mais avec une association forte concernant la cystocèle, pourrait être corrélée à un tour de taille augmenté (> 88 cm). Un indice de masse corporelle élevé (correspondant à une obésité) serait corrélé à l’incidence de la rectocèle mais pas à celle de la cystocèle ou du prolapsus utérin [11]. Prévalence selon l’âge Le prolapsus peut concerner la femme à tous les âges. Cependant la prévalence augmente avec l’âge jusqu’à 60 ans environ pour rester assez stable ensuite. Incidence du prolapsus Deux études conduites dans des sous-groupes de femmes enrôlées dans une grande étude internationale de cohorte sur la santé des femmes permettent de disposer de quelques chiffres [1]. La première étude évalue 412 femmes examinées tous les 2 ans pendant 8 ans et retrouve une incidence de nouveaux cas de cystocèles, rectocèles et prolapsus utérins respectivement de 9 %, 6 % et 2 %. La rémission annuelle des prolapsus de stade 1 est un phénomène assez habituel chiffré à 24 %, 22 % et 48 % concernant respectivement les cystocèles, rectocèles et prolapsus utérins ; elle est plus rare concernant les prolapsus de stade 2 ou 3 avec des taux respectifs de 9 %, 3 % et 0 % [1]. La seconde étude concerne 259 femmes examinées selon la classification POP-Q tous les ans pendant 3 ans. Concernant les prolapsus au niveau Principaux facteurs de risque des troubles de la statique pelvienne Prolapsus et IUE sont des pathologies multifactorielles. Bump a suggéré un modèle physiopathologique séduisant (fig. 1.1) qui témoigne de l’interaction complexe entre les différents facteurs qui gèrent la normalité à la fois anatomique et fonctionnelle du périnée et du plancher pelvien [13]. À côté de facteurs favorisants constitutionnels, de facteurs « incitatifs » non évitables (étapes de la vie génitale et obstétricale, vieillissement), il existe des facteurs « promoteurs » sur lesquels peuvent se concentrer les efforts en termes de prévention. Au premier rang de ces facteurs on peut citer 5 Manuel pratique d’urogynécologie Facteurs prédisposants Facteurs « incitatifs » Facteurs promoteurs Genre Race Facteurs neurologiques Facteurs anatomiques Qualité du collagène Facteurs musculaires Facteurs culturels Facteurs environnementaux Accouchement Lésions neurologiques Lésions musculaires Radiothérapie Ruptures tissulaires Chirurgie radicale Constipation Activités Obésité Chirurgie Pathologies pulmonaires Tabagisme Cycle menstruel Infections Facteurs médicamenteux Ménopause Statique pelvienne normale Dysfonctionnement du plancher pelvien Facteurs qui « interfèrent » Facteurs de décompensation Rééducation périnéale Facteurs pharmacologiques Dispositifs intravaginaux Traitements chirurgicaux Vieillissement Démence Troubles psychiatriques Pathologies intercurrentes Facteurs environnementaux Médicaments Figure 1.1. Modèle physiopathologique du prolapsus génital selon Bump [15]. toutes les causes d’hyperpression abdominale parmi lesquelles les efforts physiques (professionnels, sportifs ou domestiques) et la constipation. Récemment, DeLancey a proposé un modèle schématisant l’impact des événements de vie sur la statique pelvienne en insistant sur l’effet de sommation possible de plusieurs facteurs de risque et en analysant leur rôle direct dans la survenue immédiate ou différée de symptômes invalidants [14]. On distingue des facteurs constitutionnels qui définissent le capital de chaque individu et des facteurs acquis dont certains pourront être la cible de programmes de prévention. Seuls les principaux facteurs de risque seront cités et succinctement abordés ici. Facteurs génétiques et constitutionnels La variabilité de la qualité du collagène est un facteur d’inégalité entre les femmes. La pathologie du tissu conjonctif explique les troubles de la 6 Chapitre 1. Épidémiologie de l’incontinence urinaire et du prolapsus génital encore certaines maladies telles que le syndrome de Marfan ou la maladie d’Ehlers-Danlos et le prolapsus génital [1]. Il a été identifié des anomalies à la fois dans la structure et dans la répartition du collagène chez les femmes incontinentes et/ou porteuses d’un prolapsus [17]. Un travail récent de Soderberg et al. [18] a révélé une concentration en collagène plus faible de 30 % chez les patientes jeunes (< 53 ans) porteuses d’un prolapsus par rapport au groupe contrôle. Certaines conformations du bassin seraient associées à un risque majoré de prolapsus. Lazarevki et al. ont montré des corrélations entre prolapsus et modifications du système osseux pelvien, à la fois dans ses dimensions et son orientation [19]. Dans ce travail, la distance « X », représente la distance horizontale entre le bord inféropostérieur du pubis et la verticale qui passe par l’angle antérosupérieur de la première vertèbre sacrée, et qui caractérise la partie antérieure du pelvis exposée à l’action directe de la poussée abdominale. En cas de prolapsus, il existerait une légère nutation du sacrum et une augmentation de la valeur de cette distance X par rapport au groupe témoin. Par ailleurs, l’aire du hiatus urogénital augmenterait avec le degré du prolapsus. Enfin, certaines modifications du rachis comme l’accentuation de la lordose lombaire, en dirigeant la résultante des forces de pression vers la fente urogénitale (et non vers le périnée postérieur comme normalement), exposeraient davantage au déséquilibre de la statique pelvienne [1]. L’existence de prolapsus congénitaux (dont l’association est fréquente avec le spina bifida) est un argument supplémentaire pour établir le rôle essentiel de la qualité du conjonctif. Enfin, le prolapsus de la femme jeune présenterait des particularités par rapport aux constatations faites chez la femme plus âgée. Strohbehn et al. [20] ont comparé 27 femmes jeunes (âge moyen 30,3 ans ± 3,4) à 164 femmes plus âgées (âge moyen 60,6 ans ± 11,9) toutes porteuses d’un prolapsus (tableau 1.7). On constate que l’environnement et les dégâts s­ tatique pelvienne survenant chez les femmes ­jeunes nullipares. De façon comparable il existe des variations dans la qualité tissulaire et les conformations osseuses qui expliquent, en dehors des conditions de vie, certaines prédispositions raciales. Incontinence urinaire chez la nullipare Ces études permettent de disposer de chiffres de référence même si l’absence d’homogénéité dans les définitions de l’IUE explique la variabilité des résultats publiés. Les femmes nullipares constituent néanmoins une population « témoin » dont le périnée est resté préservé des effets de l’accouchement qui constitue un des facteurs les plus délétères sur la statique pelvienne. La fréquence de l’IUE chez la nullipare est estimée en moyenne entre 20 et 40 % si l’on considère l’IUE occasionnelle et entre 2 et 5 % si l’on ne retient que l’IUE fréquente. Prolapsus chez la nullipare Conséquence directe d’une faiblesse du support fibromusculaire pelvien, le prolapsus génital reste bien sûr l’apanage des femmes ayant accouché [16], chez qui il serait retrouvé, à des degrés variés, dans 50 % des cas ; cependant seulement 10 à 20 % d’entre elles seraient symptomatiques. Si l’âge et la parité sont des facteurs favorisants régulièrement retrouvés dans les enquêtes épidémiologiques, l’existence de prolapsus documentés chez la nullipare suggère des prédispositions constitutionnelles dépendantes notamment de la qualité du soutien conjonctif. Environ 2 % des prolapsus surviendraient chez des nullipares avec un rôle aggravant du « style de vie » (efforts physiques professionnels ou domestiques, efforts de poussée répétés ou violents…). Plusieurs études ont montré des relations entre hyperlaxité ligamentaire, pathologie herniaire ou Tableau 1.7. Particularités des prolapsus de la femme jeune selon Strohbehn [20]. Femmes jeunes n = 27 Pathologie congénitale Parité 22,2 % Femmes plus âgées n = 164 6,7 % 2,8 3,4 Un seul élément de prolapsus 56 % 23 % Prolapsus stade 3 ou 4 33 % 87 % 7 Manuel pratique d’urogynécologie terme, les données sont insuffisantes pour conclure et la césarienne programmée ne peut être reconnue comme une méthode recommandée pour prévenir l’IU postnatale [21]. La relation intime qui existe entre le facteur âge (et donc le processus de vieillissement) et la ménopause (et les variations hormonales qui l’entourent) explique qu’il reste difficile d’établir ce qui revient à l’un et à l’autre des mécanismes dans la survenue de l’incontinence d’urine. Ainsi les symptômes urinaires classiquement attribués à la ménopause pourraient être pour partie corrélés plus directement à l’âge. Les dernières études sur la prévalence de l’IU sont en faveur d’un effet neutre ou protecteur de la ménopause naturelle [1]. Par ailleurs, l’impact de la ménopause serait variable selon le type d’IU concerné, avec une diminution de la prévalence de l’IUE et augmentation de celle de l’incontinence par urgenturie [1]. L’hormonothérapie substitutive par voie générale aurait un rôle aggravant de l’IUE avec un risque multiplié par deux au bout d’un an de traitement. Le risque d’IUU et d’IUM est aussi augmenté mais plus modestement [23]. De nombreux travaux ont révélé que le diabète de type 2 était un facteur de risque d’IU y compris après ajustement des principaux facteurs de risque. Le diabète est un puissant facteur prédictif d’une nouvelle IU et la puissance de l’association augmente après 5 ans d’évolution du diabète [24]. Le risque de développer une IU sévère est plus important chez les femmes présentant un diabète de type 2 avec un risque d’IU très sévère deux fois supérieur. L’obésité a été clairement identifiée comme un facteur de risque d’incontinence urinaire. La prévalence de l’incontinence urinaire et des urgences mictionnelles augmentent significativement avec l’IMC (indice de masse corporelle). Par ailleurs, une augmentation de la circonférence abdominale est un facteur de risque d’IUE. La réduction pondérale s’avère un traitement efficace de l’IU chez les femmes en surcharge pondérale ou obèses. Une perte de poids modérée de 5 à 10 % serait aussi efficace que les autres traitements non chirurgicaux de l’IU et un programme amaigrissant pourrait être envisagé comme traitement de première intention chez la femme obèse incontinente. anatomiques diffèrent selon les deux populations avec, chez la femme jeune, davantage de pathologie congénitale associée et un prolapsus moins évolué et plus souvent limité à un seul étage. Influence raciale Les femmes blanches non hispaniques ont un risque majoré d’IU par rapport aux femmes noires ou asiatiques et ce, indépendamment des autres facteurs de risque connus et notamment des habitudes de vie [1, 4]. Bien que plus controversée, cette prédisposition ethnique existerait aussi pour les prolapsus, les travaux conduits aux ÉtatsUnis retrouvant un risque minoré chez les Noires et a contrario un risque majoré chez les Asiatiques en comparaison avec les femmes d’origine caucasienne [1, 8]. Dans une autre étude, les Hispani­ ques ont le risque le plus élevé de prolapsus utérin comparé aux Caucasiennes et les AfroAméricaines le risque le plus bas [1]. Néanmoins une étude récente sur une cohorte de 720 femmes n’a pas confirmé cette variation de prévalence concernant le prolapsus entre femmes blanches et noires. Par contre les femmes noires ont une prévalence plus élevée d’incontinence par urgenturies alors que les Blanches ont un risque plus important d’IUE [1]. Facteurs acquis Facteurs de risque de l’incontinence urinaire La grossesse, la parité et l’accouchement sont des facteurs de risque classiques de l’IU. Pourtant les informations concernant l’effet de la grossesse et de la parturition restent contradictoires. La prévalence des symptômes d’incontinence urinaire augmente au cours de la grossesse (entre le 1er et le 3e trimestre) puis diminue spontanément dans les 3 mois du post-partum [21]. Ceci est vrai pour l’IUE et pour l’incontinence par urgenturies. Plusieurs études de prévalence convergent pour associer IUE et accouchement par voie vaginale. La prévalence de l’IU augmente avec la parité passant de 10 % après un accouchement à 24 % après trois accouchements ou plus [22]. À court terme, l’accouchement par césarienne est associé à une moindre prévalence et à une moindre incidence de l’incontinence urinaire postnatale. À plus long 8 Chapitre 1. Épidémiologie de l’incontinence urinaire et du prolapsus génital d’efforts de poussée d’intensité variable permettent d’estimer l’impact de l’hyperpression abdominale sur les organes pelviens. Un travail récent a démontré que la mesure de la pression vaginale était reproductible et que la pression enregistrée lors des exercices habituellement effectués en séance de fitness (et en particulier sur machine hydraulique) restait habituellement inférieure à celle produite lors des efforts de toux, même s’il existe des variations assez importantes entre les individus [26]. Certaines activités comme le soulèvement de poids en position debout, le saut sur place ou le jogging génèrent cependant une pression moyenne qui approche celle mesurée à la toux. Une étude, réalisée avant et après chirurgie du prolapsus, a retrouvé des résultats comparables et conclut qu’il serait plus bénéfique en postopératoire de lutter contre la constipation et la toux chronique que de restreindre les activités physiques « modérées » [27]. L’obésité est citée par de nombreux auteurs comme un facteur de risque du prolapsus mais les données sont contradictoires. La grossesse et l’accouchement par voie vaginale augmentent le risque de prolapsus. O’Boyle [28], dans une étude cas contrôles concernant 21 femmes de 18 à 29 ans au cours de leur première grossesse, a trouvé que 48 % de ces femmes avaient un prolapsus de stade 2 selon la classification du POP-Q alors que toutes les femmes non gravides du groupe contrôle avaient un prolapsus de grade 0 ou 1 selon la même classification. Par ailleurs le stade du prolapsus est significativement plus élevé au 3e qu’au 1er trimestre de la grossesse. Si le premier accouchement est souvent responsable des dégâts les plus importants, le risque de prolapsus augmente avec la parité. Une symptomatologie de prolapsus (pesanteur ou boule intravaginale) est rapportée par 2,5 % des femmes après un accouchement, 3,7 % après deux accouchements et 3,8 % après trois accouchements ou plus [22]. Le rôle protecteur, sur le long terme, de la césarienne prophylactique sur la survenue des désordres pelvipérinéaux et du prolapsus en particulier n’est pas établi, les bénéfices mis en évidence à court terme n’apparaissant plus, le plus souvent, à distance de l’accouchement. L’existence, dans l’année suivant l’accouchement, d’un prolapsus atteignant ou dépassant l’hymen est constatée chez 14 % des primipares après accouchement par voie Les résultats concernant l’hystérectomie sont contradictoires [1, 4, 5]. Alors que la plupart des études prospectives ne rapportent aucune relation entre hystérectomie et IU, plusieurs études épidémiologiques retrouvent une corrélation positive avec un risque relatif de 1,2 à 2,1 après ajustement avec les autres facteurs de risques. Le risque de subir une chirurgie pour IUE serait ainsi plus élevé dans la cohorte des femmes hystérectomisées et ce, indépendamment, de la technique d’hystérectomie dans une large étude observationnelle sur 30 ans : le risque le plus élevé étant enregistré dans les 5 ans suivant l’hystérectomie et le risque le plus faible après 10 ans [1]. Pour d’autres, l’hystérectomie subtotale pourrait être assortie d’un risque majoré par rapport à l’hystérectomie totale. Une corrélation forte a été démontrée entre la démence et la prévalence de l’IU chez les femmes âgées [1, 7]. De même, la dépression serait corrélée à l’incontinence urinaire [1, 25] : la prévalence de la dépression sévère atteint 3,7 % chez les femmes incontinentes contre 2,2 % chez les femmes continentes [25]. Facteurs de risque du prolapsus Ce sont essentiellement toutes les situations générant une hyperpression abdominale chronique auxquelles s’ajoutent les traumatismes périnéaux directs ou indirects. Il existe plusieurs études pour suggérer une corrélation entre dyschésie et prolapsus. Les prolapsus de l’étage postérieur et la descente périnéale sont le plus clairement associés aux symptômes anorectaux obstructifs [1]. Certaines activités sportives sont aussi impliquées. De façon comparable, les efforts physiques réguliers domestiques ou professionnels constituent des facteurs de risque. Plusieurs équipes ont essayé de mesurer le plus justement possible la poussée abdominale produite et son retentissement sur les organes pelviens et la musculature périnéale. L’enregistrement des pressions peut être réalisé au repos et à l’effort, en position couchée, assise ou debout, autant de circonstances qui reproduisent les situations habituelles de vie. Ces enregistrements peuvent notamment être effectués au moyen de capteurs introduits au niveau du vagin, et les valeurs obtenues au cours d’activités physiques ou 9 Manuel pratique d’urogynécologie basse avec lésions sphinctériennes, chez 15 % des primipares après accouchement par voie basse sans lésions sphinctériennes et chez 5 % des primipares après césarienne programmée, ces différences n’apparaissant pas comme significatives par manque de puissance de l’étude [29]. Par ailleurs, ce rôle protecteur n’est qu’incomplet puisque la grossesse elle-même agit de manière indépendante. L’hystérectomie apparaît dans plusieurs études comme un facteur de risque du prolapsus, ce risque étant significativement majoré si l’hystérectomie est réalisée pour prolapsus. La probabilité d’une chirurgie de prolapsus est 4,7 fois plus importante si l’hystérectomie initiale a été réalisée pour prolapsus. L’incidence du prolapsus du fond vaginal post-hystérectomie a été estimée à 4 % mais ce taux est de 11 % chez les femmes chez qui le prolapsus utérin était le motif de l’hystérectomie. Par ailleurs de nombreuses interventions de chirurgie pelvienne accentuent le risque de prolapsus secondaire soit par les modifications de l’équilibre de la statique pelvienne qu’elles engendrent (colposuspension rétropubienne, ventropexie, sacrospinofixation par exemple), soit par les désinsertions fasciales ou les lésions musculaires ou neurologiques qu’elles réalisent au décours des larges dissections (désinsertion paravaginale, neuropathies). L’âge, la parité, la ménopause, un antécédent d’hystérectomie ou de chirurgie du prolapsus sont aussi retrouvés comme des facteurs augmentant le grade du prolapsus [9]. Ainsi la distribution des stades 1, 2 et 3 entre 50 et 59 ans d’une part et 70 ans d’autre part est respectivement de 39 %, 56 % et 2 % et 26 %, 53 % et 21 %. L’accouchement par voie basse constitue aussi un facteur aggravant la sévérité du prolapsus avec 22 % et 0 % de stades 2 et 3 respectivement chez les femmes n’ayant jamais accouché contre 63 % et 5 % de stades 2 et 3 chez les femmes ayant accouché de plus de trois enfants. Si la ménopause apparaît aussi comme un facteur susceptible de majorer le grade du prolapsus, il est intéressant de constater que la distribution entre les différents stades n’est pas significativement modifiée par le traitement hormonal substitutif. Enfin, un antécédent de chirurgie pour prolapsus constitue un facteur de risque de gravité avec 60 % de stade 2 et 15 % de stade 3 chez les femmes déjà opérées contre respectivement 47 % et 2 % chez les femmes sans antécédent de cure de prolapsus. Épidémiologie de l’incontinence uri­naire La prévalence de l’incontinence urinaire chez la femme en milieu de vie ou âgée varie de 30 à 60 %, augmentant avec l’âge. La prévalence de l’incontinence urinaire quotidienne est de 5 à 15 % en moyenne, mais elle est supérieure chez les femmes de plus de 70 ans vivant en institution. Les femmes d’origine caucasienne ont une prévalence plus élevée de l’incontinence urinaire à l’effort par rapport aux femmes noires ou asiatiques. L’obésité apparaît comme un facteur de risque de l’incontinence urinaire et la réduction pondérale permet de réduire le nombre d’épisodes de fuites. La grossesse et l’accouchement par voie basse sont des facteurs de risque significatifs pour une incontinence urinaire plus tard au cours de la vie mais la force de l’association diminue avec l’âge. La ménopause ne serait pas un facteur de risque indépendant de l’incontinence urinaire. Le traitement œstrogénique par voie générale est un facteur de risque d’incontinence chez les femmes de 55 ans et plus. Références [1] Milson I, Altman D, Lapitan MC, Nelson R, Sillen U, Thom D. 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Les informations déduites de l’étude du catalogue mictionnel, des tests d’incontinence ou des questionnaires validés (symptômes et qualité de vie) sont également une manière de vérifier et de quantifier des symptômes décrits par la patiente. et enfin la notion de demande médicale de la part de la patiente. En effet, certaines patientes présentant des fuites urinaires peuvent s’inquiéter d’une éventuelle aggravation future sans pour autant en être gênée au moment où elles consultent. Les symptômes associés du bas appareil urinaire sont également recherchés : pollakiurie diurne, nycturie, urgenturie, syndrome dysurique. Il existe trois grands types d’incontinence urinaire chez la femme : l’incontinence urinaire à l’effort, l’incontinence urinaire sur urgenturies et l’incontinence urinaire mixte associant des fuites aux efforts et lors d’urgenturies [1]. L’incontinence urinaire à l’effort est définie par la survenue de fuites en jet, non précédées de besoin, lors des efforts (toux, rire, éternuement, marche, course, saut) [1, 2]. Une pollakiurie diurne de précaution peut être associée à l’incontinence urinaire d’effort (maintient d’une vessie faiblement remplie afin d’éviter les épisodes de fuites à l’effort). La physiopathologie de l’incontinence urinaire à l’effort est multifactorielle (insuffisance sphinctérienne, hypermobilité urétrale, dysfonctionnements neuromusculaires). Les fuites accompagnées ou immédiatement précédées par une urgenturie définissent l’incontinence urinaire par urgenturie. Celle-ci peut faire partie d’un syndrome d’hyperactivité vésicale en association avec d’autres symptômes : nycturie, pollakiurie, urgenturies [3, 1]. Ce terme d’urgenturie correspond à l’expression d’une envie soudaine et irrésistible d’uriner, qu’il est difficile ou impossible de différer [1]. C’est un besoin qui est Diagnostic et évaluation d’une incontinence urinaire Interrogatoire L’incontinence urinaire se définit par des fuites involontaires d’urine [1]. Le terme d’incontinence urinaire doit être précisé selon : le mécanisme et les circonstances de survenue des fuites, leur sévérité (nombre et type de protections utilisées), leur fréquence (épisodique, mensuelle, hebdomadaire, quotidienne, permanente), l’existence d’éventuels facteurs favorisants, l’existence d’éventuelles mesures prises pour éviter les fuites 13 Manuel pratique d’urogynécologie anormal par sa brutalité et son intensité. Ce syndrome d’hyperactivité vésicale, qui a donc une définition purement clinique, peut parfois s’accompagner d’une hyperactivité détrusorienne à la cystomanométrie réalisée lors du bilan urodynamique. Toutefois, dans la majorité des cas, le syndrome d’hyperactivité vésicale n’est pas associé à une hyperactivité détrusorienne cystomano­ métrique. Les étiologies de syndrome d’hyperactivité ­vésicale sont multiples (obstacle mictionnel, pathologie neurologique) mais il reste souvent « idiopathique ». L’existence associée d’une dysurie, de troubles anorectaux ou génitosexuels, le caractère récent de la symptomatologie, la présence de troubles sensitivomoteurs associés sont des arguments orientant vers une étiologie neurogène [3]. À l’inverse, les antécédents personnels ou familiaux d’énurésie, la notion de troubles mictionnels à type d’urgenturie datant de la prime enfance, l’absence de troubles anorectaux associés, sont des arguments en faveur d’une hyperactivité idiopathique (immaturité vésicale). Les fuites permanentes, insensibles, non précédées de besoin, non liées à l’effort doivent faire éliminer un abouchement ectopique de l’uretère et rechercher une fistule vésicovaginale ou urétrovaginale en présence d’antécédents évocateurs (chirurgie, accouchement difficile, radiothérapie). Elle sera confirmée cliniquement par un test au bleu de méthylène [3]. Parfois, même le diagnostic de fuites urinaires est difficile et peut prêter à confusion avec des pertes vaginales, voire avec une hypersudation périnéale. Test à la toux Le test à la toux consiste à demander à la patiente de tousser franchement de manière répétée tout en recherchant l’apparition de fuites au méat urétral. Idéalement, ce test doit être réalisé vessie pleine (remplissage de 250 à 300 mL) en position gynécologique, mais s’il est négatif, il doit être répété en position debout. Le test à la toux est positif lorsqu’une fuite apparaît au méat urétral. La reproductibilité du test à la toux (test et re-test 1 à 4 semaines plus tard) en position debout vessie remplie à 300 mL est de 90 % en population générale et de 100 % chez les femmes ayant une incontinence urinaire à l’effort [4]. La valeur prédictive positive de ce test est de 85 % pour l’incontinence urinaire à l’effort. S’il existe un prolapsus génital associé, le test à la toux doit être réalisé prolapsus extériorisé et prolapsus réduit (corrigé par la mise en place d’une valve de spéculum par exemple) car cette manœuvre peut « démasquer » (incontinence masquée par le prolapsus) ou aggraver les fuites à la toux. Q-Tip test (test du coton-tige) Le Q-Tip test (ou test du coton-tige) est une évaluation clinique indirecte de la mobilité cervicourétrale, par la mesure de l’angle entre un coton-tige introduit par l’urètre au niveau du col vésical chez une patiente en position gynécologique (fig. 2.1), entre la position de repos et la manœuvre de Valsalva. Le degré de réplétion vésicale n’influence pas les résultats du test. Ce test a une bonne reproductibilité mais ne peut pas être utilisé chez les patientes ayant une cystocèle. Un angle > 30° (Q-Tip test « positif ») est considéré comme un élément objectif permettant de parler d’hypermobilité urétrale [5]. À l’inverse, un urètre fixé (sans mobilité) est un facteur de risque d’échec du traitement de l’incontinence urinaire à l’effort par bandelette sous-urétrale. À la différence du Q-Tip test, la mesure de l’évolution du point Aa (position du col vésical dans la classification internationale des troubles de la statique pelvienne (POP-Q) [6]), au repos et à l’effort de toux, n’est pas corrélé à l’existence d’une incontinence. Examen physique d’une patiente consultant pour incontinence urinaire Après un examen général et en particulier neurologique, on recherchera un prolapsus génital (au repos et en poussée) et on évaluera la mobilité urétrale et l’existence de fuites urinaires lors d’efforts répétés de toux et de poussée abdominale. En revanche, aucune donnée de la littérature n’indique un intérêt à évaluer la trophicité vaginale ou la force musculaire périnéale pour le diagnostic d’incontinence urinaire. 14 Chapitre 2. Diagnostic et évaluation de l’incontinence urinaire et des prolapsus génitaux Ces manœuvres de soutènement sous-urétral ont une bonne valeur prédictive de l’efficacité du traitement chirurgical de l’incontinence urinaire à l’effort par bandelette sous-urétrale : 95 % si les deux tests sont positifs, 80 % si la manœuvre de Bonney est négative mais la manœuvre de soutènement de l’urètre distal positive, et 33 % si les deux tests sont négatifs [7]. Catalogue mictionnel Le catalogue mictionnel est un enregistrement prospectif des événements mictionnels complété par la patiente. C’est une méthode de recueil relativement objective, recommandée par l’International continence society (ICS) pour l’évaluation clinique initiale des patientes présentant des symptômes du bas appareil urinaire [8]. Les paramètres devant figurer sur le catalogue mictionnel sont : type et volume des boissons ingérées, heure des mictions, volume mictionnel, existence de fuites en précisant les circonstances de survenue et les facteurs déclenchants. Les urgenturies peuvent être évaluées de manière qualitative (0, +, ++) ou semi-quantitative (temps en minutes pendant lequel la patiente peut différer la miction). Il doit être réalisé dans les conditions de vie habituelles. Sa réalisation sur 3 jours semble être la durée optimale en termes de compliance, de reproductibilité et de sensibilité. Le catalogue mictionnel permet à la patiente de prendre conscience de l’importance de ses symptômes et de son comportement, ce qui contribue à la prise en charge thérapeutique. Il est également utile pour vérifier l’efficacité de la thérapeutique. Du point de vue médical, il permet de distinguer une pollakiurie (augmentation de la fréquence des mictions) d’une polyurie (augmentation de la diurèse journalière), quelle qu’en soit l’origine (syndrome polyuro-polydypsique, potomanie). Les données de catalogue mictionnel ne sont pas nécessairement corrélées au degré d’altération de la qualité de vie des patientes. Figure 2.1. Q-TIP test. Test au coton tige inséré dans l’urètre qui permet d’évaluer la mobilité urétrale. Manœuvres de Bonney et d’Ulmsten En cas d’incontinence urinaire à l’effort et de positivité du test à la toux, deux manœuvres peuvent être réalisées pour évaluer les chances de succès de la chirurgie. La manœuvre de Bonney consiste à mettre en place deux doigts, ou une pince longuette ouverte (test de Marshall-Marchetti), de part et d’autre du col vésical (à 3 cm du méat urétral) en refoulant la paroi vaginale vers la symphyse pubienne, sans comprimer l’urètre. Cette manœuvre est dite positive lorsqu’elle stoppe la fuite d’urines. Elle est censée reproduire la colposuspension du Burch, ancienne technique chirurgicale de référence pour l’incontinence urinaire à l’effort. La manœuvre de soutènement de l’urètre distal (« manœuvre d’Ulmsten » ou « manœuvre TVT »), décrite par Bernard Jacquetin, réalisant un soutène­ ment à la pince 1 cm en arrière du méat et de part et d’autre de l’axe urétral, permet par sa positivité de préjuger d’une efficacité future d’une intervention de type « TVT ». Évaluation de la sévérité de l’incontinence urinaire La classification de Stamey (tableau 2.1) est pratique mais elle est limitée à l’incontinence urinaire d’effort et elle n’évalue ni la fréquence, ni l’importance des fuites et elle n’a jamais été validée. 15 Manuel pratique d’urogynécologie Grade 0 Pas d’incontinence Grade 1 Incontinence à la toux ou à la poussée Grade 2 Incontinence aux changements de position ou à la marche Grade 3 Incontinence totale et permanente Encadré 2.1 Tableau 2.1. Classification de Stamey (dérivée de la classification d’Ingelman-Sundberg). Évaluation objective de la sévérité de l’incontinence : le pad-test Le pad-test (test de pesée de couche), ou test d’incontinence, est la méthode de référence pour les mesures qualitative et quantitative de la perte d’urines au cours d’une épreuve normalisée. Ce test comporte une limite temporelle (20 minutes, 1 heure ou 24 heures), une épreuve normalisée de génération des fuites (exercices déterminés ou activités de la vie quotidienne), une caractérisation du degré de remplissage vésical (libre après une ingestion précise en termes de volume et de délai, ou forcée par remplissage rétrograde codifié de la vessie). La réalisation de ce test implique de peser des garnitures avant et après les exercices imposés. Plusieurs éléments peuvent influencer les résultats du pad-test et donc leur reproductibilité : le type d’exercices (niveau d’hyperpression abdominale), la durée des exercices (fatigabilité) et le volume intravésical. Par ailleurs, près de 10 % des patientes n’arrivent pas à faire les exercices demandés. Le pad-test sur une heure (encadré 2.1) est beaucoup plus simple à réaliser mais il ne détecte pas les incontinences urinaires à l’effort de grade 1 dans près de 50 % des cas. Le pad-test de 24 heures, effectué pendant les activités de la vie quotidienne, est beaucoup plus sensible et reproductible, il teste les vraies activités de la vie quotidienne de la femme, il est indépendant de la mobilité de la patiente et sa durée permet de dépister des épisodes d’incontinence ne se révélant que dans des moments particuliers de la journée. Ses seuils de significativité sont bien établis (0–5 g : pas d’incontinence, 5–40 g : incontinence légère, 40–80 g : incontinence modérée, > 80 g incontinence sévère). Les seuls faux négatifs sont constitués par les événements circonstanciels non dépistés (comme des épisodes d’éternuement en période d’allergie non présente pendant le test). Pad-test court sur une heure Déroulement du test : le test dure une heure et débute au temps 0 sans que la patiente ait uriné } Temps 0 : mise en place d’un système absorbant préalablement pesé au gramme près. } Pendant les 15 premières minutes, la patiente boit 500 mL d’eau pure et reste allongée. } Pendant les 30 minutes suivantes, le sujet marche, monte et descend des escaliers. } Durant les 15 minutes suivantes, le sujet doit : – passer de la position debout à la position assise 10 fois ; – tousser vigoureusement 10 fois ; – courir pendant 1 minute ; – ramasser 5 petits objets posés au sol ; – se laver les mains pendant 1 minute dans l’eau courante. } Au terme des 60 minutes, le système absorbant est pesé. Il est demandé à la patiente d’uriner et le volume recueilli est mesuré. Résultat du test Perte en grammes = poids couche avant test – poids couche après test Valeurs } 2 g : absence d’incontinence. } 2–10 g : incontinence modérée. } 10–50 g : incontinence sévère. } 50 g : incontinence majeure. Évaluation de la sévérité par des questionnaires L’ICIQ (International consultation on incontinence questionnaire) est un des plus récents questionnaires développé chez la femme pour évaluer l’incontinence urinaire (d’effort, par urgenturie ou mixte). Il comporte seulement quatre items dans sa version courte (ICIQ-SF) (encadré 2.2). Il a bénéficié d’une adaptation culturelle en français. Évaluation de l’impact de l’incontinence urinaire sur la qualité de vie Les scores de symptômes n’offrent qu’une approche partielle du trouble et ne tiennent pas compte de la gêne et du retentissement psychologique et social. Considérés seuls, ni les ­paramètres 16 Encadré 2.2 Chapitre 2. Diagnostic et évaluation de l’incontinence urinaire et des prolapsus génitaux ­ rodynamiques, ni l’évaluation de la sévérité de u l’incontinence urinaire ne peuvent prédire avec fiabilité l’impact de l’incontinence sur la qualité de vie. Médecins et patientes voient l’impact de l’incontinence urinaire sur la qualité de vie de manière différente, les patientes étant essentiellement préoccupées par le bien-être émotionnel et l’interruption des activités courantes. Pour mesurer la qualité de vie des patientes incontinentes, plusieurs types d’outils (échelles) peuvent être utilisés. Ces échelles peuvent être générales comme le SF-36 (état de santé et qualité de vie) ou bien spécifiques de l’incontinence urinaire se révélant plus sensibles aux variations cliniques que les échelles globales. Ces question­naires, non invasifs et peu coûteux, peuvent être prévus pour être renseignés par la patiente elle-même (questionnaires auto-administrés) ou par le médecin voire l’entourage. Deux grands domaines sont en règle investigués : l’humeur et l’état psychologique d’une part, et d’autre part les différentes activités de la vie quotidienne. De nombreuses échelles spécifiques peuvent permettre d’évaluer l’impact de l’incontinence sur la qualité de vie : Incontinence impact questionnaire (IIQ), King’s health questionnaire (KHQ), Over­ active bladder questionnaire (OAB-q), échelle Ditrovie, échelle Contilife. En pratique, l’utilisation d’au moins un questionnaire de symptômes et d’un questionnaire de qualité de vie est de plus en plus reconnue comme une démarche importante dans l’évaluation du retentissement de l’incontinence urinaire en pratique clinique. Dans le domaine de la recherche clinique, il est indispensable d’utiliser des échelles généralistes (SF-36) et spécialistes (Contilife ou KHQ s’il s’agit d’une incontinence urinaire à l’effort et KHQ ou Ditrovie en cas d’incontinence urinaire par urgenturies). Si l’incontinence urinaire est associée à un trouble de la statique pelvienne, il est recommandé d’utiliser le PFDI-20, le PFIQ-7. International consultation on incontinence questionnaire short form (ICIQ-SF) Beaucoup de personnes ont des pertes d’urine de temps en temps. Nous essayons de savoir combien de personnes ont des pertes d’urine et à quel point cela les gêne. Veuillez répondre aux questions suivantes, en pensant à votre cas, en moyenne, au cours des quatre dernières semaines. } 1. À quelle fréquence avez-vous des pertes d’urine ? (ne cochez qu’une seule réponse) ® 0 jamais ® 1 environ une fois par semaine au maximum ® 2 deux à trois fois par semaine ® 3 environ une fois par jour ® 4 plusieurs fois par jour ® 5 tout le temps } 2. Nous aimerions savoir quelle est la quantité de vos pertes d’urine, selon votre estimation. Quelle est la quantité habituelle de vos pertes d’urine (avec ou sans protection) ? (ne cochez qu’une seule réponse) ® 0 nulle ® 2 une petite quantité ® 4 une quantité moyenne ® 6 une grande quantité } 3. De manière générale, à quel point vos pertes d’urine vous dérangent-elles dans votre vie de tous les jours ? Entourez un chiffre entre 0 (pas du tout) et 10 (vraiment beaucoup) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Pas Vraiment du tout beaucoup }Score de l’ICIQ : ajoutez les scores des questions 1, 2 et 3. Résultat de 0 à 21 } 4. Quand avez-vous des pertes d’urine ? (cochez toutes les réponses qui s’appliquent à votre cas) ® vous ne perdez jamais d’urine ® vous avez des pertes d’urine avant de pouvoir arriver aux toilettes ® vous avez des pertes d’urine quand vous toussez ou éternuez ® vous avez des pertes d’urine quand vous dormez ® vous avez des pertes d’urine quand vous avez une activité physique ou quand vous faites de l’exercice ® vous avez des pertes d’urine quand vous avez fini d’uriner et vous êtes rehabillée ® vous avez des pertes d’urine sans cause apparente ® vous avez des pertes d’urine tout le temps Évaluation de la satisfaction des patientes après traitement L’évaluation de la satisfaction des patientes incontinentes urinaire après prise en charge théra­peutique est également un élément important. Le Patient global impression and improvement (PGI-I) est un 17 Manuel pratique d’urogynécologie malie anatomique constatée, surtout si celle-ci est peu importante (prolapsus non extériorisés). Par ailleurs, les patientes opérées d’un prolapsus génito-urinaire ont généralement entre trois et quatre attentes : correction des troubles urinaires, correction des troubles digestifs, volonté de retrouver des activités normales (sport…), améliorer leur santé globale, améliorer leur image de soi, améliorer leurs relations avec les autres [10]. Aucune de ces attentes n’est un « bon résultat anatomique ». Le véritable motif de consultation est donc souvent inavoué. Le but de la consultation est de le comprendre. Une incontinence urinaire ne peut pas être « causée » par un prolapsus génital. Il s’agit simplement de deux pathologies très fréquentes, souvent associées. Si un prolapsus génital doit entraîner un trouble urinaire, c’est un obstacle, une gêne mictionnelle qui peut se traduire par des symptômes de dysurie : attente mictionnelle, miction de durée allongée, jet mictionnel de force diminuée, nécessité de poussée abdominale, impression de résidu post-mictionnel. Si cet obstacle créé par le prolapsus génital est important, un résidu post-mictionnel pourra être objectivé (soit par un sondage urétral postmictionnel, soit par échographie post-mictionnelle ou Bladder scan). Ce résidu post-mictionnel peut être à l’origine d’infections urinaires à répétition. Là encore, il faut faire attention à ne pas attribuer à tort l’étiologie du trouble de la vidange vésicale au prolapsus constaté anatomiquement. Les prolapsus de stade 1 ne peuvent pas être la cause d’un trouble de la vidange vésicale. Pour les prolapsus de stade 2 ou 3, il conviendra quand même de s’assurer de l’absence d’une autre étiologie à ce trouble mictionnel (vessie neurogène périphérique ou centrale en particulier, sténose urétrale). Les troubles vaginaux trophiques associés aux prolapsus génitaux sont possibles en cas d’extériorisation permanente quand la muqueuse vaginale est en contact permanent avec les sous-vêtements ou les protections. instrument de mesure qui a été développé et validé après traitement de l’incontinence urinaire d’effort chez la femme. Diagnostic et évaluation clinique d’un prolapsus génital Un prolapsus génital est une hernie d’un organe pelvien à travers la muqueuse vaginale. Les prolapsus génitaux sont donc à différencier des prolapsus rectaux qui eux s’extériorisent par l’anus. Interrogatoire Symptômes amenant à la consultation Les symptômes retrouvés chez les patientes présentant un prolapsus génital sont très variés : génitosexuels (sensation de « boule » intravaginale (100 %), pesanteur pelvienne ou périnéale (80 %), gêne ou appréhension lors des rapports sexuels (30 %), dyspareunies (10 %), manœuvres intravaginales facilitant la miction ou la défécation, symptômes de béance vulvaire [hyposensiblité lors des rapports sexuels, gaz vaginaux, rétention d’eau dans le vagin]), urinaires (incontinence urinaire d’effort [dans 50 % des cas], urgenturies [50 %], incontinence urinaire par urgenturies [40 %], incontinence lors des rapports sexuels [30 %], pollakiurie diurne [> 8 mictions/j] [30 %], dysurie [40 %], nycturie [> 1 miction/nuit] [20 %], infections urinaires à répétitions [10 %]), ou anorectaux (incontinence anale [30 %], impériosités défécatoires, dyschésie [constipation terminale] [25 %], prolapsus rectal extériorisé [5 %]) [9]. Toute la difficulté de la prise en charge des prolapsus vient de l’absence de spécificité de ces symptômes. Ce n’est pas parce que le symptôme est présent qu’il est causé par le prolapsus génital. La plainte d’une extériorisation du prolapsus est quasiment le seul symptôme spécifique. Dans ce cas, si le traitement corrige anatomiquement le prolapsus, on peut espérer soulager la patiente avec de bonnes chances de succès. En revanche, dès lors qu’il s’agit de symptômes urinaires, anorectaux ou sexuels, il n’est jamais certain que les symptômes allégués sont en relation avec l’ano- Symptomatologie associée Une fois que la patiente a exprimé sa principale plainte, l’interrogatoire devra rechercher tous 18 Chapitre 2. Diagnostic et évaluation de l’incontinence urinaire et des prolapsus génitaux donc source d’aggravation du prolapsus ou facteur d’échec de la prise en charge chirurgicale. les symptômes associés qui ne sont pas mis en avant par la patiente mais qui pourront avoir leur importance dans la compréhension de la genèse du prolapsus et dans la décision théra­ peutique. Des troubles anorectaux seront systématiquement recherchés : constipation (ralentissement du transit avec diminution de la fréquence des selles), dyschésie (difficultés d’exonération des selles) et incontinence anale (aux selles solides, liquides ou aux gaz). La dyschésie doit tout particulièrement être explorée car elle peut, soit être le symptôme d’une rectocèle, soit être la cause d’effort de poussée chronique qui peut générer, ou tout au moins aggraver, un prolapsus génital. Les signes de dyschésie sont la poussée abdominale, l’impression de séquestre (mauvaise vidange de l’ampoule rectale en fin d’exonération) et les manœuvres digitales d’aide à l’exonération. Ces dernières manœuvres peuvent avoir des significations diverses. Si les manœuvres péri-anales ou intrarectales (digitoclasie) ne sont pas spécifiques et peuvent parfois témoigner d’une atteinte neurologique, les manœuvres intravaginales d’aide à l’exonération sont un peu plus spécifiques d’une rectocèle. Des symptômes urinaires associés doivent systématiquement être explorés exhaustivement par l’interrogatoire : incontinence urinaire, dysurie (jet de force diminuée, attente mictionnelle, jet haché, nécessité de poussée abdominale, altération du besoin, impression de résidu post-mictionnel), syndrome d’hyperactivité vésicale, infections urinaires à répétition. Enfin un interrogatoire sur une éventuelle altération de la sexualité est nécessaire : dyspareunies, diminution de la libido, altération des sensations orgasmiques, fuites urinaires ou de selles lors des rapports, gêne par la présence du prolapsus. On devra également rechercher toute prise médicamenteuse qui peut parfois révéler une symptomatologie oubliée par la patiente car traitée par la médication ; ceci est très souvent le cas pour les problèmes de constipation et de dyschésie qui sont fortement automédiqués. L’interrogatoire portera également sur les pathologies qui peuvent dans certains cas être la cause d’une hyperpression abdominale chronique et Examen clinique Un examen général précédera l’examen gynécologique. Il est important de mesurer et de peser la patiente car l’obésité est non seulement une cause évidente d’hyperpression abdominale chronique et d’altération tissulaire mais elle est surtout un facteur de risque de récidive du prolapsus après chirurgie. Diagnostic du type et de la sévérité du prolapsus génital On considère trois étages au niveau du vagin : antérieur, moyen et postérieur. Les colpocèles antérieures (hernie de la paroi vaginale antérieure) sont quasiment toujours des cystocèles. Les colpocèles de l’étage moyen peuvent intéresser l’utérus (hystérocèle), un allongement hypertrophique du col (trachélocèle), l’apex vaginal en cas d’antécédent d’hystérectomie, ou un col restant après hystérectomie subtotale. Les colpocèles de l’étage postérieur peuvent intéresser dans sa partie haute le cul-de-sac de Douglas (élytrocèle) et les organes qui peuvent y prolaber : épiploon (épiploocèle), intestin grêle (entérocèle), sigmoïde (sigmoïdocèle) et dans sa partie basse le rectum (rectocèle). Ces différents types de prolapsus sont très fréquemment associés. L’examen doit être réalisé en position gynécologique au repos et lors d’efforts de poussée successifs. Si l’examen n’est pas contributif en position allongée, il faudra le répéter en position debout et accroupie, cuisses écartées. La vessie doit être vide pour cet examen car une vessie pleine peut minorer certains éléments de prolapsus et elle peut gêner l’examen. Cet examen se fera en demandant à la patiente de pousser et en exposant l’orifice vulvaire de façon à repérer les reliquats hyménéaux. Une valve de spéculum sera nécessaire pour refouler alternativement les parois antérieure et postérieure lors d’efforts de poussée. Placée sur la paroi vaginale postérieure, la valve expose parfaitement l’étage antérieur (fig. 2.2a et 2.2b) et inversement (fig. 2.3). Ceci est nécessaire 19 Manuel pratique d’urogynécologie a b Figure 2.2. Vue de la face antérieure du vagin lors d’une poussée abdominale, en refoulant le vagin postérieur par une hémi-valve de spéculum. (a). Dans ce cas, il n’y a pas de prolapsus au niveau de l’étage antérieur (POP-Q-ICS Ba = – 4). (b). Dans ce cas, il existe une cystocèle de stade 2 (prolapsus de l’étage antérieur) (POP-Q-ICS Ba = 0 car point Ba le plus proéminant de la cystocèle arrivant au niveau des reliquats hyménéaux). c’est-à-dire que, si on ne refoule pas la cystocèle grâce à une valve, on ne pourra pas voir la rectocèle ou celle-ci pourra paraître moins sévère. L’évaluation de la sévérité d’un prolapsus génital peut se faire selon plusieurs classifications : une classification française simplifiée (stade 1 quand le prolapsus reste intravaginal, stade 2 quand le prolapsus atteint le plan de l’orifice vulvaire, stade 3 quand le prolapsus dépasse la vulve), celle de Baden et Walker [11] et celle recommandée par l’International continence society (POP-Q-ICS) [6] (fig. 2.4 et tableau 2.2). Cette classification POP-Q permet de quantifier précisément chaque élément du prolapsus. Elle comporte quatre stades ; le stade 4 correspond à une éversion vaginale complète (fig. 2.5 et 2.6). Si neuf points et mesures sont décrits, quatre sont réellement utilisés en pratique courante : les points Ba (point le plus proéminant de la paroi vaginale antérieure), Bp (point le plus proéminant de la paroi vaginale postérieure) et C (col utérin) ou D (fond vaginal). L’examen recherchera des signes de complication comme les lésions nécrotiques de la muqueuse vaginale ou du col utérin. Figure 2.3. Vue de la face postérieure du vagin lors d’une poussée abdominale, en refoulant le vagin antérieur par une hémi-valve de spéculum. Dans ce cas, il existe une rectocèle de stade 1 (prolapsus de l’étage postérieur) (POP-Q-ICS Bp = – 2 car point Bp le plus proéminant de la rectocèle arrivant à l’intérieur du vagin à 2 cm des reliquats hyménéaux). car il existe souvent une « compétition » entre les différents éléments du prolapsus. Par exemple, une volumineuse cystocèle peut masquer une rectocèle, 20 Chapitre 2. Diagnostic et évaluation de l’incontinence urinaire et des prolapsus génitaux C D 3 cm Ba Bp Aa Ap tlv Ap gh pb Aa : jonction urétro-vésicale Ba : sommet paroi antérieure C : col utérin D : cul-de-sac postérieur Ap : partie basse de paroi postérieure Bp : sommet de paroi postérieure gh : hiatus génital pb : distance ano-vulvaire tlv : longueur vaginale totale Figure 2.4. Classification anatomique internationale de la sévérité des prolapsus génitaux. (Classification POP-Q [pelvic organ prolapse quantification] de l’ICS). Tableau 2.2. Classification anatomique internationale de la sévérité des prolapsus génitaux (Classification POP-Q [pelvic organ prolapse quantification] de l’ICS). Stade 0 Pas de prolapsus Les points Aa, Ap, Ba, et Bp sont tous à – 3 cm Le point C ou D est entre TVL et TVL – 2 cm Stage 1 Le point le plus proéminant du prolapsus est à plus de – 1 cm des reliquats hyménéaux Stage 2 Le point le plus distal du prolapsus est entre – 1 et + 1 cm des reliquats hyménéaux Stage 3 Le point le plus proéminant du prolapsus est à plus de + 1 cm des reliquats hyménéaux Stage 4 Éversion vaginale complète (kystes ou fibromes pédiculés depuis le col ou l’isthme utérin), se développent dans les cloisons vésicovaginale ou rectovaginale et puissent donner une impression de prolapsus génital. La palpation devra les rechercher et, dans les cas de doute, l’échographie ou l’IRM pourra confirmer ou infirmer ce diagnostic différentiel. Recherche d’une incontinence urinaire masquée Un des principaux problèmes lié au traitement des prolapsus vient de la fréquence des incontinences urinaires qui apparaissent après leur correction chirurgicale (10 à 20 % des femmes opérées d’un prolapsus stade 3 ou 4) [12]. Une incontinence « masquée » (aussi appelée « occulte » ou « potentielle ») peut être définie par la survenue de fuites urinaires lors de la manœuvre de Valsalva après réduction du prolapsus, chez une femme affectée d’un prolapsus génital et qui ne se plaint pas de Figure 2.5. Prolapsus génital stade 4 (éversion vaginale complète). Diagnostic différentiel Les diagnostics différentiels sont rares. Il arrive parfois que les tumeurs, en général bénignes 21 Manuel pratique d’urogynécologie Aa Ba Aa Ba D C C Ap Bp Bp Ap +3 Aa +8 Ba +8 C -3 Aa -3 Ba -8 C 4.5 gh 1.5 pb 8 tvl 2 gh 3 pb 10 +3 Ap +8 Bp -- -3 a Ap -3 Bp -10 tvl D b Figure 2.6. Exemple d’un prolapsus stade 4 (éversion vaginale complète) en classification POP-Q de l’ICS. (a). Classification du prolapsus stade 4. (b). Aucun élément de prolapsus. fuites urinaires dans sa vie quotidienne [12]. Différents auteurs ont rapporté diverses techniques de réduction du prolapsus pour essayer de démasquer des fuites lors de l’épreuve de Valsalva ou du test à la toux vessie pleine : doigts de l’examinateur, pince longuette, écouvillons (cotontiges), spéculum, pessaire annulaire, tampon périodique. La fréquence de l’incontinence masquée varie selon la sévérité du prolapsus et la méthode utilisée pour la démasquer. Des fréquences de 35 à 59 % [13-15] sont rapportées en cas de prolapsus sévère (stades 3 et 4). C’est la méthode de réduction par valve de spéculum qui est la plus sensible. Le mécanisme de cette incontinence urinaire « masquée » est connu. Les cystocèles de stade 2 ou plus peuvent constituer un obstacle à la vidange vésicale par ce qui a été longtemps appelé « l’effet pelote ». Il s’agit d’un mécanisme de ­coudure de l’urètre (urethral kinking des AngloSaxons). Papa Petros évoque, lui, un autre mécanisme de continence : une cystocèle ballonnisée basculant sous l’urètre peut constituer un soutien sous-urétral efficace et corriger ainsi une hypermobilité cervico-urétrale [16]. De ce fait, une incontinence urinaire peut être « masquée » par l’existence de tels mécanismes. Quand le chirurgien corrigera le prolapsus, les fuites urinaires pourront alors apparaître. D’une façon un peu différente, une rectocèle importante (stade 2 ou plus) peut elle aussi réaliser un obstacle méatique ou une compression ­urétrale, surtout si elle est « habitée » par un séquestre. Si une incontinence urinaire « masquée » est mise en évidence avant l’intervention, la mise en place d’une bandelette sous-urétrale sera associée au traitement du prolapsus. À l’inverse, les femmes qui ne décrivent pas de fuites urinaires et qui n’ont pas d’incontinence masquée ont un risque extrêmement faible (0 à 2 %) de voir apparaître une incontinence urinaire après la cure chirurgicale du prolapsus [14, 17]. Évaluation de la sévérité des symptômes et de l’impact du prolapsus sur la qualité de vie C’est bien la clinique par l’interrogatoire et les questionnaires de qualité de vie et de symptômes qui pourront déterminer si la patiente est éligible 22 Chapitre 2. Diagnostic et évaluation de l’incontinence urinaire et des prolapsus génitaux à un traitement chirurgical. Des questionnaires évaluant la qualité de vie globale comme le SF-36 peuvent être utilisés mais il existe maintenant des questionnaires spécifiques aux symptômes associés au prolapsus génital. Il existe des questionnaires de symptômes et de qualité de vie validés en anglais et en français chez des patientes présentant un prolapsus génito-urinaire : le PFDI (Pelvic floor distress inventory) et PFIQ (Pelvic floor impact questionnaire) qui existent aussi en forme courte validée (PFDI-20, PFIQ-7) [18]. Ces questionnaires sont des outils de mesure indispensables pour une prise en compte de l’aspect fonctionnel des différentes formes de prolapsus génitaux. En pratique, les autoquestionnaires sont bien acceptés par les patientes et sont correctement remplis dans 80 % des cas. L’exploration des symptômes sexuels pourra être réalisée par l’utilisation du questionnaire spécifique (PISQ-12). La négativité du test à la toux (en position gynécologique et debout) doit faire remettre en question le diagnostic d’incontinence urinaire d’effort pure. Un angle > 30° au Q-Tip test est un élément objectif permettant de parler d’hypermobilité urétrale. Une hypomobilité urétrale (Q-Tip test < 30°) est un facteur d’échec des bandelettes sous-urétrales. Évaluation de la sévérité de l’incontinence : pad-test et scores Le pad-test (test d’incontinence) permet d’évaluer objectivement la sévérité de l’incontinence urinaire. Deux types de test peuvent être recommandés : test sur une heure avec volume vésical fixe (test positif si perte ≥ 1 g) et test de 24 heures à domicile pendant les activités de la vie quotidienne (test positif si perte ≥ 4 g). L’utilisation d’un score de symptômes validé en français et corrélé au pad-test est une alternative valide pour la pratique clinique. Le seul score correspondant à ces critères est l’ICIQ-SF. Conclusion Le diagnostic et l’évaluation de l’impact d’une incontinence urinaire ou d’un prolapsus génital sont donc avant tout fondés sur un interrogatoire et un examen clinique rigoureux. Aucun examen complémentaire ne pourra pallier ou rectifier une mauvaise évaluation initiale. Cette exploration initiale doit permettre de décider si une prise en charge thérapeutique est nécessaire et par quels moyens selon le retentissement du trouble fonctionnel sur la qualité de vie. Références [1] Haab F, Amarenco G, Coloby P, Grise P, Jacquetin B, Labat JJ et al. Terminology of lower urinary tract dysfunction : French adaptation of the terminology of the International Continence Society. Prog Urol 2004 ; 14 : 1103-11. [2] Ghoniem G, Stanford E, Kenton K, Achtari C, Goldberg R, Mascarenhas T et al. Evaluation and outcome measures in the treatment of female urinary stress incontinence : International Urogynecological Association (IUGA) guidelines for research and clinical practice. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2008 ; 19 : 5-33. [3] Amarenco G, Richard F. Clinical evaluation of urinary incontinence in the woman. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2001 ; 30 : 733-46. [4] Swift S, Yoon E. 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Test à la toux et Q-tip test Le test à la toux (vessie remplie à 300 mL) est un test simple, fiable et reproductible pour le diagnostic positif de l’incontinence urinaire d’effort. 23 Manuel pratique d’urogynécologie women undergoing operation for genitourinary prolapse. Am J Obstet Gynecol 1988 ; 158 : 1171-5. [14] Chaikin D, Groutz A, Blaivas J. Predicting the need for anti-incontinence surgery in continent women undergoing repair of severe urogenital prolapse. J Urol 2000 ; 163 : 531-4. [7] Calestroupat J, Triopon G, Soustelle L, Wagner L, Ben-Naoum K, Boukaram M, Costa P. Traitement de l’incontinence urinaire d’effort féminine par TVT : valeur prédictive de l’examen clinique. Prog Urol 2004 ; 14 : 28A. [8] Abrams P, Cardozo L, Fall M, Griffiths D, Rosier P, Ulmsten U et al. The standardisation of terminology of lower urinary tract function : report from the Standardisation Sub-committee of the International Continence Society. Neurourol Urodyn 2002 ; 21 : 167-78. 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J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2007 ; 36 : 738-48. 24 Bilan urodynamique pour l’incontinence urinaire et les prolapsus génitaux Chapitre 3 Xavier Deffieux, Gérard Amarenco Si des explorations urodynamiques complètent souvent le premier bilan clinique, précisant au mieux le mode de fonctionnement vésicosphinctérien, les stratégies diagnostiques et thérapeutiques ne peuvent se concevoir sans une évaluation clinique préalable permettant de cerner les motifs de consultation et la gêne réelle dont se plaint la patiente consultant pour dysurie, incontinence urinaire ou prolapsus génital. claire et intelligible doit être donnée à la patiente concernant l’examen. Un ECBU (examen cytobactériologique des urines) stérile est un préalable à toute exploration urinaire invasive. Les seuls facteurs de risque qui justifient une antibioprophylaxie sont les antécédents d’infections urinaires récidivantes (surtout chez une patiente « neurologique ») et de chirurgie sur les voies urinaires [1]. Principes et limites du bilan Débitmétrie L’examen débitmétrique permet l’étude objective et quantitative de la miction en appréciant notamment le volume mictionnel, le résidu postmictionnel (obtenu par sondage) et le débit urinaire maximum (Qmax). La patiente est invitée à s’asseoir sur le débitmètre (fig. 3.1) et à « produire » une miction spontanée. Il est nécessaire que la patiente ait un besoin mictionnel spontané pour faire cet examen qui doit avoir lieu en stricte intimité (la miction peut être modifiée par le stress). Une interprétation est possible dès lors que le volume mictionnel dépasse 150 mL. Le résidu post-mictionnel est considéré comme « significatif » (pathologique) quand il dépasse 15 % du volume mictionnel. Le débit maximal doit être supérieur à 15 mL/s mais l’aspect de la courbe compte également beaucoup ; une courbe normale présente un aspect « en cloche » (fig. 3.2). urodynamique Les explorations urodynamiques permettent une évaluation objective du fonctionnement vésicosphinctérien et une analyse physiopathologique précise des symptômes urinaires. L’exploration urodynamique comprend une cystomanométrie (enregistrement des pressions intravésicales au cours d’un remplissage), une sphinctérométrie (analyse des pressions intra-urétrales) et un examen débitmétrique (quantification de la miction). Le bilan urodynamique comporte des aléas en termes de fiabilité et de reproductibilité des résultats en raison des variabilités intra- et inter­ individuelles. Aussi, paradoxalement, l’analyse des courbes doit se faire si possible de manière détachée du contexte clinique car celui-ci pourrait influencer l’interprétation des courbes. Comme pour tout acte médical, une information 25 Manuel pratique d’urogynécologie Le débit enregistré est la résultante des forces d’expulsion vésicale (la paroi vésicale est constituée en grande partie de tissu musculaire, le détrusor) et des résistances sphinctériennes. Cette exploration simple permet donc d’appréhender au mieux les altérations de la miction qu’elles aient pour origine un obstacle (obstruction cervicale ou urétrale) ou un défaut de contraction vésicale (hypo- ou acontractilité détrusorienne). La morphologie de la courbe de débitmétrie peut suggérer une pathologie donnée. Une courbe aplatie, prolongée, évoque une sténose urétrale ; une courbe polyphasique avec plusieurs jets successifs (fig. 3.3) peut rendre compte soit d’une compression extrinsèque (prolapsus par exemple), soit d’un spasme itératif du sphincter strié (soit fonctionnel, soit psychogène, soit neurogène dans le cadre général des dyssynergies vésicosphincté­ riennes). L’interprétation de la débitmétrie doit tenir compte des conditions de réalisation de l’examen (degré de remplissage vésical, stress…). En général deux débitmétries sont réalisées : une à l’arrivée et une après remplissage cystomanométrique. Figure 3.1. Débitmètre. Appareil permettant l’analyse du débit urinaire grâce à un système de pesée. Figure 3.2. Courbe de débitmétrie normale. L’interprétation de cette courbe est la suivante : courbe ayant une morphologie « en cloche », pour un volume mictionnel de 168 mL et un débit maximum de 23 mL/s. Le résidu post-mictionnel avait été mesuré à la fin de cette miction et il était nul. 26 Chapitre 3. Bilan urodynamique pour l’incontinence urinaire et les prolapsus génitaux Figure 3.3. Courbe de débitmétrie pathologique. L’interprétation de cette courbe est la suivante : courbe ayant une morphologie « polyphasique », pour un volume mictionnel de 157 mL et un débit maximum de 15 mLl/s. Le résidu post-mictionnel avait été mesuré à la fin de cette miction et il était de 100 mL. C’est la première débitmétrie qui est la plus « physiologique » car elle fait suite à un remplissage à vitesse lente. Toutefois, une première débitmétrie « anormale » peut aussi être difficile à interpréter si le sujet a attendu des heures vessie pleine. Ceci sera dépisté par un volume mictionnel inhabituel (> 600 mL). Un enregistrement concomitant de la pression intrarectale permet de dépister les mictions par poussée abdominale alors que physiologiquement la miction est produite par la simple contraction détrusorienne sans aucun effort de poussée. Cystomanométrie La cystomanométrie permet l’étude des pressions intravésicales. Après vérification de la vacuité vésicale, on met en place dans la vessie une sonde équipée de capteurs de pression (cf. machine d’urodynamique [fig. 3.4]). Il peut s’agir d’une sonde perfusée (permettant une estimation de la pression par la mesure de la résistance à l’écoulement) ou d’une sonde équipée de ballonnets (mesure directe de la pression). Les pressions intravésicales sont alors étudiées au cours d’un remplissage progressif de la vessie par du sérum physiologique à une vitesse de 50 mL/min. Cette vitesse de remplissage reste supraphysiologique, mais remplir la vessie plus lentement allongerait Figure 3.4. Appareil d’enregistrement urodynamique. (a). Système de pesée permettant de mesurer le volume de remplissage. (b). Système d’entraînement par galet. (c). Bras permettant le positionnement de la sonde. (d). Capteurs de pression pour sonde à ballonnet (système Air-Charged T-DOC). (e). Capteurs de pression pour sonde perfusée. 27 Manuel pratique d’urogynécologie le cadre d’une mégavessie constitutionnelle (syndrome des mictions rares). Seul le « premier besoin » (B1) est enregistré. Il s’agit de la première sensation de remplissage vésical. Les autres besoins sont trop peu reproductibles et spécifiques pour être systématiquement enregistrés. La compliance vésicale dépend des propriétés visco­élastiques de la vessie mais aussi, en partie, du contrôle neurologique du tonus vésical. Certaines lésions périphériques (syndrome de la queue-de-cheval, dénervation postopératoire) s’accompagnent d’un excès de compliance (hypercompliance) et d’autres anomalies (cystite radique, cystite interstitielle) d’une diminution de la compliance (hypocompliance) se caractérisant par une augmentation très rapide de la pression vésicale dès le début du remplissage. Une hyperactivité est suspecte d’une pathologie neurologique quand elle s’accompagne d’un trouble concomitant de la sensibilité (abolition de la perception du besoin) et/ou d’une dyssynergie vésicosphinctérienne (absence ou mauvais relâche­ ment du sphincter strié pendant la miction obtenue par contraction détrusorienne). La mise en évidence d’une telle anomalie a de plus une valeur localisatrice, préjugeant d’une lésion suprasacrée et infraprotubérantielle. grandement la durée globale de l’examen. L’analyse simultanée des pressions rectales permet d’enregistrer la pression globale de la cavité abdominale. Ceci permet de différencier une augmentation de pression intravésicale isolée, liée à une contraction détrusorienne, d’une augmentation de pression globale de la cavité abdominale, liée à tout effort d’hyperpression (toux, rire, mouvement…). Différents paramètres sont analysés : sensibilité détrusorienne (perception par la patiente de la chronologie normale des différents besoins mictionnels), compliance vésicale (capacité de la vessie à se remplir sans résistance), capacité vésicale cystomanométrique et recherche d’une hyperactivité du détrusor (fig. 3.5), (existence de contraction détrusorienne survenant à faible volume de remplissage). La sensibilité détrusorienne peut être altérée : une hypoesthésie (besoin trop tardif à plus de 400 mL, voire aboli) peut être secondaire à une lésion neurogène périphérique (atteinte tronculaire du nerf honteux, atteinte plexique, atteinte radiculomédullaire basse), ou médullaire. Mais cette anomalie sensitive n’est pas forcément neurologique (séquelle des détrusors claqués par exemple), ni forcément pathologique lorsqu’elle s’intègre dans Figure 3.5. Cystomanométrie objectivant une hyperactivité détrusorienne. Cette hyperactivité se traduit par des augmentations de pression intravésicale (courbe du haut), sans augmentation de pression intrabdominale (courbe du milieu) pour un faible volume de remplissage, ici dès 200 mL (courbe du bas). 28 Chapitre 3. Bilan urodynamique pour l’incontinence urinaire et les prolapsus génitaux Mais l’hyperactivité vésicale peut aussi être idiopathique ou secondaire à une obstruction souscervicale comme une sténose urétrale, une maladie du col, ou une compression extrinsèque par un trouble de la statique pelvienne (cystocèle ou rectocèle). Dans certaines pathologies neurologiques, des tests de provocation comme le test à l’eau glacée peuvent être réalisés, facilitant l’apparition d’une contraction involontaire du détrusor lorsque la cystomanométrie conventionnelle est en défaut. Le manque de spécificité et de sensibilité de ces tests impose une interprétation prudente. mesure du profil urétral doit être réalisée en position couchée ou assise, sur une vessie mi-pleine, prolapsus réduit et plusieurs profils successifs (au moins trois) seront réalisés. Le principal paramètre mesuré est la pression de clôture urétrale maximale mesurée en cmH2O (PCUM) qui est la différence entre la pression urétrale maximale (pression la plus élevée enregistrée au niveau du sphincter urétral) et la pression vésicale au même moment. Il est donc indispensable de mesurer simultanément la pression dans l’urètre et dans la vessie, ce qui nécessite, sur l’unité d’urodynamique, deux pistes de mesure, la plupart des machines disposant actuellement d’une troisième piste calculant automatiquement la différentielle, c’està-dire la PCUM. Chez la femme sans incontinence urinaire à l’effort, le remplissage de la vessie entraîne une augmentation de la pression urétrale et la pression de clôture urétrale est plus élevée en position debout qu’en position couchée. Il n’existe pas de différence significative entre la mesure en position debout et assise mais la reproductibilité des mesures est mauvaise en position debout [2]. Les valeurs normales de la PCUM ont été établies chez la femme (PCUM = [90 à 110 – l’âge] ± 10%), celle-ci diminuant proportionnellement avec l’âge. La définition d’une insuffisance sphinctérienne n’est pas consensuelle. La plupart des équipes retiennent 20 ou 30 cmH2O comme limite quel que soit l’âge de la patiente. La mesure de la transmission des pressions vésicales à l’urètre a longtemps été considérée comme un critère diagnostique de l’incontinence urinaire par hypermobilité urétrale selon la théorie de l’enceinte abdominale des pressions d’Enhorning. Toutefois, cette mesure ne doit plus être réalisée car il est établi qu’elle est faiblement reproductible [3, 4]. La mesure de la longueur fonctionnelle urétrale est elle aussi trop sujette à variations pour pouvoir être utilisée en pratique courante. Sphinctérométrie et profilométrie urétrale La sphinctérométrie permet l’étude des résistances statiques et dynamiques de l’urètre. Cette sphinctérométrie est en pratique une « profilométrie » urétrale qui consiste à mesurer la pression urétrale tout au long de l’urètre par l’inter­médiaire d’un cathéter perfusé (sonde multiperforée pour une mesure circonférentielle avec une vitesse de retrait constante de 1 mm/s et une perfusion de la sonde à 2 mL/min) ou d’un cathéter à ballonnet, retiré progressivement (manuellement ou par un bras de retrait mécanique [fig. 3.6]) depuis la vessie jusqu’au méat urétral. Les microballonnets à air (T-DOC Air-Charged), plus simples d’utilisation (pas d’utilisation d’eau) permettent une mesure réelle de la pression intra-urétrale. La Vasalva leak point pressure Compte tenu du certain manque de reproductibilité de la mesure de la PCUM et de l’absence d’exploration précise du fonctionnement du col vésical par cette profilométrie urétrale, McGuire a introduit en 1993 un nouveau paramètre, le Valsalva leak point pressure (VLPP), permettant Figure 3.6. Profilométrie urétrale. Sonde perfusée positionnée sur le bras de retrait mécanique. 29 Manuel pratique d’urogynécologie Indications dans le cadre une évaluation globale de la fonction sphinctérienne chez la femme [5]. Ce paramètre permet de quantifier la pression de fuite, c’est-à-dire la valeur de la pression intravésicale nécessaire pour obtenir une fuite urinaire au méat lors d’un effort de poussée effectué à glotte fermée (épreuve de Valsalva). C’est une manière grossière mais assez pertinente et pragmatique de quantifier la résistance urétrale et de définir une incompétence sphinctérienne. La patiente est en position gynécologique demiassise, vessie remplie à 200 mL. Un cathéter manométrique est placé dans le rectum permettant d’enregistrer la pression abdominale. On observe le méat urétral et on demande à la patiente de réaliser trois manœuvres de Valsalva. On note la valeur de pression abdominale la plus basse en cas de fuite ou la pression abdominale maximale atteinte lors de la poussée en l’absence de fuite. Ce test n’est interprétable que si la patiente est capable de réaliser cette manœuvre avec une augmentation de pression abdominale dépassant 60 cmH2O. Le VLPP est « positif » si une fuite apparaît, mais il n’est pathologique (traduisant une insuffisance sphinctérienne) que si cette fuite apparaît pour une pression abdo­ minale inférieure à 60 cmH2O. de l’incontinence urinaire Bilan urodynamique et incontinence urinaire à l’effort Devant une incontinence urinaire à l’effort pure, typique, isolée, il n’y a pas besoin de réaliser de bilan urodynamique pour confirmer le diagnostic car celui-ci est clinique. Il n’est pas nécessaire de réaliser un bilan urodynamique avant de prescrire une rééducation périnéo-sphinctérienne (recommandation ANAES 2003 et CNGOF 2009). Le bilan urodynamique est recommandé uniquement si l’on envisage une chirurgie (recommandation du CNGOF en 2009 et du National institute for health and clinical excellence anglais en 2008 [6]) et ou s’il s’agit d’une récidive d’incontinence urinaire. La débitmétrie est indispensable : il a été établi qu’il existe une stricte corrélation entre le débit maximal préopératoire et le risque de rétention postopératoire après mise en place d’une bandelette sous-urétrale. Une étude prospective chez 89 femmes bénéficiant d’une bandelette sousurétrale (60 TVT et 29 TOT) pour incontinence urinaire à l’effort a montré que le débit max est le meilleur facteur prédictif du risque de dysurie postopératoire [7]. La réalisation d’une profilométrie urétrale permet en théorie de dépister une insuffisance sphinctérienne. Toutefois, la définition de celle-ci est très discutée du fait de la mauvaise reproductibilité de l’examen. L’intérêt est de pouvoir prévenir la patiente d’un éventuel risque accru d’échec en cas d’insuffisance sphinctérienne. L’information de l’existence d’une insuffisance sphinctérienne est également intéressante pour le choix de la technique opératoire puisqu’un essai randomisé a montré que les taux de succès semblaient meilleurs avec les bandelettes sous-urétrales mises en place par voie rétropubienne par rapport à celle mises en place par voie transobturatrice [8]. Toutefois, en dehors de cet essai randomisé, les autres études semblaient montrer de bons taux de succès de la voie transobturatrice pour les sous-groupes de femmes présentant une insuffisance sphinctérienne. L’étude prospective de Roumeguère et al. réalisée sur 120 patientes ayant bénéficié d’une Vidéo-urodynamique La vidéo-urodynamique permet le couplage d’images scopiques (cystographie dynamique et mictionnelle) et de données urodynamiques (cystoamnométrie et débitmétrie). Même si les images sont souvent de qualité médiocre, elles permettent de visualiser l’ensemble d’un processus mictionnel avec une étude simultanée des images et des phénomènes manométriques urodynamiques. Dans le cadre d’une incontinence urinaire à l’effort, la vidéo-urodynamique peut, dans les cas litigieux, apporter la preuve qu’il y a bien une fuite d’urine lors des efforts de toux, sans aucune contraction détrusorienne simultanée. Dans le cadre de l’exploration des prolapsus, l’intérêt théorique de cet examen pourrait être de constituer une preuve illustrée satisfaisante que c’est bien l’effet pelote de la cystocèle (ou l’effet obstructif de la rectocèle) qui est la cause de la dysurie et des anomalies observées à la débitmétrie. 30 Chapitre 3. Bilan urodynamique pour l’incontinence urinaire et les prolapsus génitaux Dans une étude prospective réalisée sur 144 patientes suivies à 6 mois après TVT (n = 72), SPARC (n = 22) et TOT (n = 50), Paick et al. montrent que l’existence d’une hyperactivité détrusorienne préopératoire multiplie par 3,5 le risque d’échec des bandelettes sous-urétrales sur le symptôme incontinence urinaire sur urgenturies [10]. bandelette sous-urétrale mise en place par voie transobturatrice pour IUE ou IU mixte montre à 1 an : 86 % de guérison en cas de PCUM > 30 cmH2O, 81 % en cas de PCUM comprise entre 20 et 30 cmH2O et 70 % en cas de PCUM < 20 cmH2O [9]. Bilan urodynamique et syndrome d’hyperactivité vésicale Bilan urodynamique et dysurie Dans le cadre d’un syndrome d’hyperactivité vésicale, il s’agit principalement d’essayer de mettre en évidence une hyperactivité détrusorienne et une altération de la vidange. Si la majorité des cas de syndrome d’hyperactivité vésicale sont « idiopathiques » (en attendant des progrès diagnostiques), il faut systématiquement rechercher deux causes soit graves soit curables qui sont les pathologies neurologiques et les obstructions. Les pathologies neurologiques centrales peuvent se traduire par une hyperactivité détrusorienne phasique (train de contractions détrusoriennes) ou terminale (aboutissant à une miction) et ce, dès de faibles niveaux de remplissage. Très souvent, une altération de la débitmétrie avec dyssynergie vésicosphinctérienne sera également mise en évidence. La compliance vésicale peut également être diminuée. Une hyperactivité détrusorienne n’est toutefois pas synonyme de pathologie neurologique centrale. Elle peut aussi apparaître sur un obstacle (en postopératoire après mise en place d’une bandelette sous-urétrale trop serrée par exemple) ou être purement idiopathique, c’est-à-dire sans cause neurologique ou urologique mise en évidence. Les symptômes de dysurie rapportés par les femmes ne sont pas toujours corrélés à une altération de la débitmétrie. La première étape consiste donc à confirmer l’existence d’un trouble de la vidange. L’existence d’une altération de la débitmétrie, clairement objectivée et quantifiée par l’examen urodébitmétrique, pose toujours le problème de son mécanisme physiopathologique : s’agit-il d’un défaut de contractilité vésicale ou plutôt d’une obstruction sous-cervicale (intrinsèque ou extrinsèque, organique ou fonctionnelle). L’étude pression-débit permet de résoudre cette question. Un monitorage des pressions intravésicales est effectué simultanément à l’enregistrement débitmétrique. À tout instant, une analyse temporelle et spatiale du rapport pression-débit est effectuée et reportée sur un diagramme de valeurs normales (nomogramme d’Abrams et Griffith) décomposé en trois zones (obstrué, normal, équivoque). Les mictions s’effectuant à forte pression et à faible débit témoignent d’un obstacle (zone « obstruée » sur le diagramme) et les mictions s’effectuant à faible pression et à fort débit seront situées dans la zone normale de ce même nomogramme. Toutefois l’interprétation de ces diagrammes reste très discutée chez la femme et certaines équipes ont remis en cause la corrélation entre le nomogramme de Blaivas et l’obstruction chez la femme. En cas de suspicion de dyssynergie vésicosphinctérienne, un enregistrement concomitant de l’activité électromyographique du sphincter strié urétral est nécessaire pendant la débitmétrie. Cet enregistrement permet d’objectiver la nonextinction de l’activité électromyographique du sphincter strié urétral lors de la miction alors que celui-ci doit normalement se relâcher par un phénomène réflexe lors de la contraction détrusorienne mictionnelle. Bilan urodynamique et incontinence urinaire mixte Il s’agit des cas les plus difficiles à traiter. Il faut d’une part éliminer une cause neurologique et d’autre part déterminer quelle est la part de gêne provoquée par les différentes composantes de l’incontinence. La réalisation d’un bilan urodynamique permettra donc d’éliminer une dysurie associée et d’éliminer une hyperactivité détrusorienne qui exposerait à un fort risque d’échec de tout traitement chirurgical, voire un risque d’aggravation de la symptomatologie. 31 Manuel pratique d’urogynécologie et la profilométrie donneront des éléments supplémentaires concernant l’état fonctionnel de l’appareil sphinctérien urétral (existence ou non d’une insuffisance sphinctérienne par exemple). Troisièmement, si une cure d’incontinence associée est prévue, est ce qu’il n’existe pas une contreindication à la mise en place d’une bandelette sous-urétrale ? En effet, la constatation d’une anomalie majeure de la débitmétrie peut soit indiquer une abstention thérapeutique, soit impliquer une information claire de la patiente sur le risque de rétention et d’autosondages après l’intervention. Bilan urodynamique et infections urinaires à répétition Dans ce contexte, seule la débitmétrie apporte des informations objectives et utilisables. L’existence d’une altération de la vidange avec résidu postmictionnel peut expliquer l’existence d’infections à répétition. La profilométrie n’apporte pas d’élément pour comprendre ces infections. La cysto­ manométrie pourra révéler l’existence d’une hypo- ou d’une hyperactivité détrusorienne dans les cas de pathologie neurologique centrale ou périphérique qui peuvent s’accompagner d’infections à répétition par trouble de la vidange associé. Débitmétrie et prolapsus génital Compte tenu de l’importance des troubles mictionnels présentés par les femmes affectées d’un prolapsus génital, la réalisation d’une débitmétrie semble indispensable. Il existe une corrélation forte entre le stade du prolapsus et l’incidence des troubles mictionnels associés [11]. Romanzi et al. rapportent 58 % de troubles mictionnels obstructifs chez les femmes ayant une cystocèle volumineuse (stade 3 ou 4) versus 4 % chez celles ayant une cystocèle modérée (stade 1 ou 2) [11]. Une alternative est de faire la débitmétrie sans, puis avec correction de la cystocèle par un tampon vaginal (ceci a été étudié par Françoise Valentini chez des femmes présentant une cystocèle stade 4 [12]) ou un pessaire [11]. Ainsi on peut très bien déterminer quelles sont les patientes qui verront certainement leur miction s’améliorer après correction de la cystocèle. Dans l’étude de Romanzi et al., la mise en place d’un pessaire corrigeait 94 % (17/18) des troubles mictionnels (objectivés à la débitmétrie) chez des femmes ayant une cystocèle de stade 3 ou 4 [11]. Apports du bilan urodynamique dans le cadre du prolapsus génital L’examen urodynamique ne fait pas le diagnostic du prolapsus génital mais, couplé à l’examen clinique, il peut essayer de répondre à trois questions qu’un chirurgien peut se poser avant d’intervenir. Premièrement, est-ce que la symptomatologie urinaire alléguée par la patiente est bien due au prolapsus observé ? La symptomatologie urinaire associée aux prolapsus génitaux est variée et surtout non spécifique. Devant un syndrome clinique d’hyperactivité vésicale, il convient par exemple d’éliminer une pathologie neurologique. Devant une dysurie, il faut déterminer si c’est la cystocèle qui fait obstacle par « effet pelote », ou s’il existe un autre mécanisme de dysurie (hypocontractilité détrusorienne par exemple). Sans cette analyse, si le prolapsus n’est pas la seule étiologie des symptômes, la chirurgie ne s’accompagnera pas d’une amélioration symptomatique, mais simplement d’une cure anatomique qui, si elle est satisfaisante pour le chirurgien, n’est d’aucun intérêt pour la patiente. Deuxièmement, est-ce que la correction du prolapsus risque de faire apparaître une incontinence ? L’examen recherchera des fuites à la toux vessie pleine prolapsus extériorisé, et lors du refoulement des différents étages du prolapsus par une hémi-valve de spéculum (recherche d’une incontinence masquée). Il est aussi possible de faire un Pad-test en réduisant le prolapsus par un pessaire ou un tampon périodique. Enfin, la manœuvre de VLPP (Valsalva leak point pressure) Cystomanométrie et prolapsus génital En cas de symptomatologie urinaire associée à une cystocèle, la cystomanométrie peut permettre de dépister l’existence d’une hyperactivité détrusorienne. Toutefois, la présence d’une hyperactivité détrusorienne au cours du remplissage à 50 mL/min ne préjuge pas de l’origine de cette anomalie. Il faudra donc systématiquement associer un examen clinique neurologique minutieux afin d’être certain de ne pas attribuer une hyper­ 32 Chapitre 3. Bilan urodynamique pour l’incontinence urinaire et les prolapsus génitaux prolapsus (étage antérieur ou moyen) persiste dans 37 % à 75 % des cas malgré une correction anatomiquement satisfaisante [16]. Toutefois, l’existence d’une hyperactivité détrusorienne associée à cette IU sur urgenturies est un facteur de bon pronostic, tout comme son association à des trabéculations vésicales (signe que l’hyperacti­ vité est probablement liée à un obstacle). Une hypocontractilité détrusorienne est-elle plus fréquemment rencontrée en cas de cystocèle volumineuse ? C’est ce qui ressort de l’étude de Gilleran et al., mais dans cette série, les femmes ayant une hypocontractilité détrusorienne sont plus âgées que les autres, ce qui constitue un biais évident [13]. activité détrusorienne à la cystocèle alors que la patiente présente un syndrome pyramidal flagrant. Il est connu qu’une hyperactivité détrusorienne est plus fréquemment mise en évidence quand il existe une cystocèle très importante par rapport à une cystocèle modérée [11, 13]. Romanzi et al. ont observé 20 % d’hyperactivité détrusorienne chez les femmes ayant une cystocèle de stade 1 ou 2, et 52 % chez celles ayant une cystocele de grade 3 ou 4 (série de 60 patientes) [11]. Rosenzweig et al. ont quant à eux observé des taux similaires d’hyperacti­ vité détrusorienne (41 %) chez des femmes présentant un prolapsus sévère (stade 3 ou 4) [14]. Ces hyperactivités détrusoriennes ont souvent une traduction clinique, essentiellement faite de pollakiurie. En revanche, une incontinence sur urgenturies n’est retrouvée que dans 15 % des cas de cystocèle, indépendamment de la sévérité du prolapsus [11]. La correction chirurgicale du prolapsus est assez décevante sur ce point : elle ne fait disparaître une hyperactivité détrusorienne que dans 50 % des cas [15], et une IU sur urgenturies associé à un Profilométrie urétrale et prolapsus génital (fig. 3.7) Dans le cadre de l’exploration des prolapsus ­génitaux, la mesure du profil urétral doit être effectuée prolapsus réduit. La pression urétrale Figure 3.7. Profilométrie urétrale. La PCUM (pression de clôture urétrale maximale, courbe du bas) est ici mesurée à 131 cmH2O. Elle représente la différence entre la pression maximale urétrale (courbe du milieu) et la pression vésicale (courbe du haut). 33 Manuel pratique d’urogynécologie maximale (PUM) se définit comme la pression la plus élevée mesurée au cours du profil urétral. La pression de clôture maximum de l’urètre (PCMU) se définit comme la différence entre la pression urétrale maximale et la pression vésicale. La « normale » de cette PCUM dépend essentiellement de l’âge de la patiente. Rappelons aussi que la mesure de la PCUM est soumise à une variabilité importante (de l’ordre de 10 à 30 %) et qu’elle ne doit pas être utilisée comme test diagnostique pour l’incontinence urinaire de la femme car de nombreux auteurs ont observé des profils identiques chez des patientes incontinentes urinaires à l’effort par hypermobilité urétrale et incontinentes urinaires à l’effort par insuffisance sphinctérienne. En revanche, cette mesure de la PCUM a une valeur pronostique certaine : une PCUM < 20 ou 30 cmH2O est un facteur d’échec post­ opératoire pour les soutènements sous-urétraux. chirurgical est envisagé pour une incontinence urinaire à l’effort ou un prolapsus génital, ou quand il existe une dysurie ou une discordance entre les symptômes urinaires présentés par une patiente. Quels renseignements attendre du bilan urodynamique ? Incontinence urinaire à l’effort La débitmétrie élimine un trouble de la vidange préexistant qui est associé à un risque élevé de rétention urinaire postopératoire après mise en place d’une bandelette sousurétrale. La profilométrie recherche une insuffisance sphinctérienne dont il faudra informer la patiente (risque d’échec plus important) et qui pourra orienter le choix de la technique de mise en place de la bandelette sous-urétrale (voie rétropubienne ou transobturatrice). VLPP et prolapsus génital Dans le cadre de l’exploration des troubles de la statique pelvienne, ce test doit être réalisé successivement prolapsus extériorisé puis prolapsus réduit. En effet, il est connu que la présence d’un prolapsus génital non réduit augmente le seuil de fuite lors du VLPP [17]. Associé à la sphinctérométrie et surtout à l’examen clinique (test à la toux prolapsus extériorisé puis réduit), ce test permet de donner une estimation du risque d’apparition d’une incontinence après correction chirurgicale du prolapsus. En revanche, ce test ne constitue pas un élément prédictif thérapeutique. En effet, dans une série prospective portant sur 174 patientes, Rodriguez et al. ont montré que les résultats de la mise en place d’une bandelette sous-urétrale de type TVT n’étaient pas corrélés au résultat du VLPP préopératoire : taux d’échec identique quel que soit le groupe (VLPP négatif, VLPP > 80 cmH2O, VLPP entre 30 et 80 cmH2O, VLPP < 30 cmH2O) [18]. Incontinence urinaire sur urgenturies La cystomanométrie recherche une hyperactivité détrusorienne et la débitmétrie recherche une dyssynergie vésicosphinctérienne qui, associée à l’existence d’une hyperactivité détrusorienne, évoque fortement une étiologie neurologique centrale. Incontinence urinaire mixte La cystomanométrie recherche une hyperactivité détrusorienne dont l’existence multiplie par 3,5 le risque d’échec des bandelettes sousurétrales sur le symptôme incontinence urinaire sur urgenturie. Prolapsus génital La cystomanométrie recherche une hyper­ activité détrusorienne qui ne disparaît que dans 50 % des cas après correction chirurgicale du prolapsus. La débitmétrie objective les symptômes de dysurie associés à une cystocèle et aide à en déterminer l’étiologie : simple effet pelote qui disparaîtra avec la correction anatomique chirurgicale ou hypoactivité détrusorienne qui ne sera en rien améliorée par l’intervention envisagée. Conclusion Le bilan urodynamique ne remplacera jamais l’interrogatoire et l’examen clinique mais il est souvent incontournable dès lors qu’un traitement 34 Chapitre 3. Bilan urodynamique pour l’incontinence urinaire et les prolapsus génitaux La profilométrie recherche une insuffisance sphinctérienne dont l’existence associée à une incontinence urinaire démasquée (potentielle) seront des éléments de discussion pour la mise en place d’une bandelette sous-urétrale de façon concomitante à la correction chirurgicale du prolapsus. [9] [10] Références [1] Choe J, Lee J, Seo J. Urodynamic studies in women with stress urinary incontinence : Significant bacteriuria and risk factors. Neurourol Urodyn 2007 ; 26 : 847-51. [2] Dorflinger A, Gorton E, Stanton S, Dreher E. Urethral Pressure Profile : Is It Affected by Position. Neurourol Urodyn 2002 ; 21 : 553-7. [3] Amarenco G, Le Cocquen A, Bosc S, Kerdraon J, Lacroix P, Adba MA et al. 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Effectiveness of tension-free vaginal tape compared with transobtura- [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] 35 tor tape in women with stress urinary incontinence and intrinsic sphincter deficiency : a randomized controlled trial. Obstet Gynecol 2008 ; 112 : 1253-61. Roumeguère T, Quackels T, Bollens R, de Groote A, Zlotta A, Van den Bossche M, Schulman C. TransObturator vaginal Tape (TOT) for female stress incontinence : one year follow-up in 120 patients. Eur Urol 2005 ; 48 : 805-9. Paick J, Oh S, Kim S. Tension-free vaginal tape, suprapubic arc sling, and transobturator tape in the treatment of mixed urinary incontinence in women. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2008 ; 19 : 123-9. Romanzi L, Chaikin D, Blaivas J, Jaafar Y. The effect of genital prolapse on voiding. J Urol 1999 ; 161 : 581-6. Valentini F, Zimmern P, Besson G, Nelson P. Modelled analysis of the effect of cystocele reduction with vaginal pack on miction in women with grade IV cystocele. Prog. 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Does Valsalva leak point pressure predict outcome after the distal urethral polypropylene sling? Role of urodynamics in the sling era. J Urol 2004 ; 172 : 210-4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie Chapitre 4 Anne Pizzoferrato, Xavier Fritel, Arnaud Fauconnier L’évaluation de l’incontinence urinaire et du prolapsus est clinique, basée sur l’interrogatoire avec évaluation des signes fonctionnels, de la qualité de vie des patientes et sur l’examen gynécologique appréciant la mobilité, la protrusion des organes pelviens, ainsi que la tonicité musculaire. Le colpocystogramme proposé dans les années 1960 pour explorer la dynamique pelvienne et le prolapsus au moyen de clichés radiologiques du bassin de profil au repos et en poussée d’effort maximum, a longtemps été considéré en France comme l’examen de référence. Cependant, cet examen est invasif et contraignant car il nécessite systématiquement une opacification transurétrale de la vessie, du vagin et du rectum. En outre, il ne permet pas l’exploration des muscles du plancher pelvien qui sont une composante importante de la statique pelvienne. De nouvelles méthodes d’imagerie se sont développées plus récemment. L’IRM pelvienne permet une analyse morphologique et fonctionnelle du pelvis, tout en étant non irradiante et moins invasive. L’échographie pelvienne, examen de référence pour visualiser l’utérus et les annexes, a également été développée pour l’étude de l’incontinence urinaire et de la statique pelvienne. De nombreuses études ont évalué la fiabilité et la reproductibilité de ces examens. Pourtant, leur place est encore aujourd’hui mal définie dans la pratique clinique courante. Le but de ce chapitre est de lister les techniques modernes d’imagerie de la statique pelvienne, d’en préciser les résultats attendus ainsi que les limites et de proposer une stratégie d’utilisation en pratique courante. Techniques d’imagerie IRM pelvienne dynamique Cet examen s’apparente au colpocystogramme classique et comme lui ne comporte pas de clichés en défécation. Dans notre pratique d’IRM dynamique, nous évitons par principe toute opacification vaginale ou rectale qui alourdirait l’examen et nous semble superflue pour les raisons exposées plus bas. Préparation La réalisation d’une IRM pelvienne ne nécessite pas d’être à jeun car l’injection de gadolinium est inutile. L’examen est réalisé en décubitus dorsal, genoux semi-fléchis. Des IRM avec antennes ouvertes sont maintenant disponibles permettant de réaliser les examens en position debout ou assise avec défécation. Ces images en position debout restent pour l’instant du domaine de la recherche. Le contenu liquidien de la vessie apparaît en hypersignal T2 à l’IRM, il n’y a donc aucune nécessité d’opacifier celle-ci avant l’examen contrairement au colpocystogramme. Idéalement, la vessie doit 37 Manuel pratique d’urogynécologie habituels de l’espace (axial et sagittal). Elles permettront l’exploration des organes pelviens et des systèmes de soutien musculo-ligamentaires. L’acquisition sagittale permettra en particulier de choisir le bon plan de coupe pour la réalisation des séquences dynamiques et pour orienter la coupe coronale (fig. 4.2). Les coupes axiales permettront l’étude de l’urètre, du vagin ainsi que des muscles élévateurs de l’anus (levator ani). Les séquences dynamiques comportent des séquences au repos, en poussée d’effort maximum, et en retenue. Elles s’obtiennent à partir d’une coupe sagittale en pondération T2 passant par le col vésical et le col utérin qui doivent être visibles sur les trois clichés. Elles permettent des acquisitions séquentielles rapides, de l’ordre de la seconde, pendant que la patiente effectue un effort de retenue ou de poussée. La qualité des efforts de poussée est la garantie de la pertinence de l’examen. Dans notre pratique, nous utilisons plusieurs cycles de poussée et nous arrêtons lorsque le degré de protrusion obtenu est constant pour les trois organes pelviens (fig. 4.3). Dans cette figure 4.3, on voit parfaitement que c’est la répétition des poussées qui va conduire à l’ampliation complète des différents étages du prolapsus. L’idéal reste la ciné-IRM permettant d’obtenir une quinzaine de coupes répétées sur des poussées continues à partir de la position de repos. Les coupes coronales servent à explorer la physiologie dynamique des muscles élévateurs de l’anus (fig. 4.4). La déféco-IRM ne sera réalisée qu’en cas de troubles de l’exonération ou de la statique rectale. être en semi-réplétion. Les parois vaginales sont facilement reconnues en IRM sans aucun balisage vaginal. Si celui-ci est réalisé, l’utilisation de 10 à 50 mL de gel d’échographie stérile modifie moins les rapports anatomiques qu’un tampon qui ne reste généralement pas médian. L’opacification rectale nous semble également très discutable bien que de pratique courante. L’injection intrarectale de 50 à 300 mL de gel d’échographie stérile permettrait de mieux déployer l’ampoule rectale, de mieux étudier sa paroi antérieure ainsi que la cloison rectovaginale et de rechercher la présence d’une intussusception rectale. Certains considèrent dans leur pratique clinique que l’émission du gel par l’anus témoigne d’une poussée correcte. Cependant, la peur de fuir risque d’entraîner des efforts de poussée insuffisants. Le remplissage rectal excessif peut également entraîner une modification des rapports anatomiques des différents organes pelviens et ainsi masquer ou au contraire favoriser un diagnostic de prolapsus. L’existence de bulles d’air dans le rectum peut, en outre, être à l’origine d’artefacts gênants pour l’interprétation comme dans l’exemple de la figure 4.1. C’est pour ces raisons que nous n’utilisons pas l’opacification rectale dans notre pratique courante. Celle-ci ne sera donc utilisée que dans le cadre de la défécoIRM réalisée en cas de troubles de l’exonération ou de la statique rectale. Choix des séquences L’examen débute par des séquences pondérées en T2 centrées sur le pelvis, dans les deux plans abc Figure 4.1. Coupes sagittales en pondération T2 avec opacification rectale au repos (a), en retenue (b) et en poussée (c). On visualise la symphyse pubienne (S), la vessie (Ve), l’utérus (Ut) et le rectum (R). Bulle d’air intrarectale pouvant être à l’origine d’artefacts. 38 Chapitre 4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie Figure 4.2. Coupes sagittale et coronale en pondération T2. (a). Coupe sagittale médiane passant par le col vésical (flèche noire) et le col utérin (flèche blanche). Aspect étagé des viscères pelviens : le corps utérin s’appuie sur la vessie (Ve), la vessie sur le vagin (Va), le vagin et le col utérin sur le rectum (R) et le canal anal. (b). Coupe coronale perpendiculaire au raphé médian passant par le tiers supérieur du vagin (VA), visualisant le rectum (R), et les muscles élévateurs de l’anus au repos (flèche blanche). abc def Figure 4.3. Coupes sagittales en pondération T2 : cycles de poussée. Première image (a) au repos puis cinq cycles de poussée progressive. On visualise la symphyse pubienne (S), la vessie (Ve), le vagin (Va) et le rectum (R). La patiente s’arrête de pousser lorsque le degré de protrusion obtenu est constant pour les trois organes pelviens (d et e). Enfin, certains proposent de faire au cours de l’IRM dynamique, comme pendant l’examen clinique, une épreuve des valves pour faire apparaître le prolapsus d’un compartiment parfois masqué par un prolapsus d’un autre comparti- ment plus volumineux. Dans notre pratique, nous ne réalisons pas cette épreuve qui alourdirait considérablement l’examen. L’absence d’épreuve des valves peut expliquer certaines discordances entre l’IRM dynamique et l’examen clinique. 39 Manuel pratique d’urogynécologie Figure 4.4. Coupes coronales en séquence T2. Dynamique des faisceaux iliococcygiens (flèches). (a). Au repos, aspect en dôme convexe vers le bas. (b). En retenue, contraction et horizontalisation des faisceaux. (c). En poussée, ballonisation des faisceaux permettant l’élargissement du hiatus pelvien. La durée nécessaire à la réalisation d’une IRM dynamique se situe aux alentours de 20 minutes. col vésical au repos et limite sa descente lors de la manœuvre de Valsalva ; ce qui limite l’interprétation de cet examen. La voie endo-urétrale permet de distinguer le muscle lisse du muscle strié, elle n’est pas utilisée en pratique. Lors d’une échographie introïtale, la sonde d’échographie endovaginale est placée juste sous le méat urétral, à l’entrée du vagin. Bien que la définition des images en échographie introïtale soit très bonne, le maintien de la stabilité de la sonde au cours de l’effort semble difficile, rendant l’examen particulièrement dépendant de l’opérateur. Lors d’une échographie périnéale (ou translabiale), la sonde d’échographie abdominale est placée sagittalement sur le périnée. Cette voie est, à notre sens, la meilleure approche ; elle a montré une bonne corrélation avec la cystographie pour les mesures de l’angle urétrovésical postérieur et de l’angle d’inclinaison de l’urètre [1]. Elle permet d’obtenir une vue panoramique des organes pelviens (fig. 4.5) sans toutefois modifier les rapports anatomiques entre l’urètre et les structures avoisinantes. Contre-indications Les contre-indications sont celles de l’IRM. La présence d’un pacemaker, de corps étrangers oculaires, de valves cardiaques ou de clips vasculaires cérébraux est une contre-indication absolue. La claustrophobie s’est avérée dans notre pratique une cause de refus ou d’échec non négligeable. Échographie pelvipérinéale Cet examen, très opérateur-dépendant, n’est réalisé la plupart du temps que par les spécialistes en pelvipérinéologie en complément de l’examen clinique ou urodynamique. Ceci peut expliquer l’absence de standardisation et la grande variabilité des pratiques. Voies d’examen L’échographie endorectale est utilisée essentiellement pour l’étude du sphincter anal en cas de lésions sphinctériennes. Elle est cependant peu utilisée pour l’étude de la statique pelvienne car mal acceptée par les femmes. L’échographie endovaginale a également été utilisée pour étudier la mobilité cervico-urétrale. Cependant, la situation intravaginale de la sonde induit une élévation du Aspects techniques de l’échographie pelvipérinéale Nous utilisons une sonde convexe de fréquence 3,5 à 5 MHz, protégée par un gant, appliquée sagittalement sur le périnée au contact de la partie 40 Chapitre 4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie SP Urètre Vagin Col vésical Vessie Rectum Figure 4.5. Coupe sagittale en échographie périnéale. Les repères anatomiques sont la symphyse pubienne (SP), la vessie avec le col vésical (CV) et l’urètre (U). Le vagin (Va) et le rectum (R) peuvent être visualisés. antérieure du vestibule sans pression excessive. Les mesures échographiques doivent être réalisées au repos, lors de la manœuvre de Valsalva, à la toux ainsi que lors d’un effort de retenue [2]. Il faut apprendre d’un côté à maintenir la pression nécessaire à l’obtention d’images de qualité et de l’autre à accepter que la sonde périnéale soit repoussée par le prolapsus génital lors de l’effort tout en maintenant la sonde dans l’axe sagittal. Les coupes échographiques sont habituellement réalisées avec une patiente en position gynécologique ou demi-assise. Le volume vésical devra être spécifié. Dans notre pratique, nous préférons une vessie et un rectum peu ou pas remplis ; ce qui a l’avantage de ne pas gêner la mobilité des autres organes et de limiter les impériosités vésicales ou rectales génératrices d’artefacts. Pour que l’image soit correctement interprétée, il faudra impérativement visualiser sur une même coupe sagittale le pubis, la vessie, le col vésical et l’urètre. Le vagin, le col utérin, le rectum et le canal anal peuvent être également repérés avec un peu d’expérience. La figure 4.5 montre ainsi la symphyse pubienne, la vessie avec le col vésical et l’urètre, le vagin et le rectum. L’étude dynamique implique, comme pour l’IRM, une parfaite coopération de la patiente, ce qui est facilité par la proximité de l’opérateur avec la patiente. Par ailleurs, l’utilisation de la fonction « image par image » permet de sélectionner aisément le cliché montrant le déplacement le plus important. Dans le cadre d’études scientifiques, la pression abdominale peut éventuellement être mesu­rée lors des efforts de toux et lors de la manœuvre de Valsalva en utilisant un cathéter intrarectal. Contrairement à l’IRM, aucune contre-indication n’empêche la réalisation de l’échographie périnéale. Résultats normaux de l’IRM Au repos En séquence T2 sagittale La vessie a un contenu homogène liquidien apparaissant en hypersignal T2 ; ses parois sont en hyposignal et d’épaisseur régulière. Le col vésical, en général bien visible, est situé au-dessus de la ligne pubococcygienne au repos et repéré par son aspect en forme de V (fig. 4.2). L’urètre apparaît solidaire de la paroi antérieure du vagin, son trajet a grossièrement la forme d’un S. Sur la partie moyenne, son trajet est vertical, plaqué contre la face postérieure du pubis, il rejoint le col de la vessie formant avec cette dernière l’angle urétrovésical postérieur classiquement décrit. Sa lumière est virtuelle au repos ainsi que celle du col vésical. Le col utérin est toujours situé au-dessus du vagin et en arrière du trigone vésical quelle que soit la position du corps utérin. Les parois vaginales sont en hyposignal avec des cloisons vésicovaginale et rectovaginale parfois 41 Manuel pratique d’urogynécologie Des mesures du hiatus urogénital peuvent être effectuées sur les coupes axiales : le diamètre transverse correspond à la distance interpuborectale et le diamètre antéropostérieur du hiatus urogénital va du bord inférieur du pubis à la partie postérieure du canal anal. Cependant, ces mesures présentent une grande variabilité interindividuelle. En effet, une étude sur 23 jeunes filles nullipares asymptomatiques retrouve des mesures variant entre 26 et 46 mm pour le diamètre transverse interne et entre 29 et 48 mm pour le diamètre antéropostérieur [3]. soulignées par un liseré graisseux en hypersignal T2. L’aspect du rectum dépend de son contenu, le gaz apparaît en noir permettant de bien visualiser les parois rectales (fig. 4.2). En cas d’utilisation de gel d’échographie intrarectal, celui-ci apparaît en hypersignal T2. Le canal anal est constitué de différentes couches : la muqueuse en hypersignal, la sous-muqueuse en hyposignal, le sphincter interne en hypersignal T2 et le sphincter externe en hyposignal. Le cul-de-sac de Douglas situé entre l’utérus et le rectum est visible grâce à son contenu graisseux. À la poussée En coupe sagittale T2 En séquence T2 axiale La vessie subit un mouvement vers le bas et en arrière. Le col vésical se translate également vers le bas et l’urètre moyen s’horizontalise. L’angle urétrovésical postérieur s’ouvre et disparaît presque complètement. Le méat urétral constitue un point fixe sous le bord inférieur du pubis. Ces mouvements sont solidaires de la paroi vaginale antérieure (fig. 4.7b). L’utérus se verticalise et le col utérin se déplace en bas et en arrière, en même temps que le vagin devient rectiligne entraînant la disparition de son cap (fig. 4.7b). Le rectum s’abaisse, se verticalise et tend à s’aligner avec le canal anal. L’anatomie de l’urètre est particulièrement bien visualisée avec une zone centrale en hypersignal correspondant à la muqueuse, puis un hyposignal correspondant à la sous-muqueuse, puis le muscle lisse plus épais en hypersignal et en périphérie le muscle strié apparaissant en hyposignal. La portion puboviscérale (ou puborectale) du muscle élévateur de l’anus ayant un trajet antéropostérieur est reconnue en séquences T2 axiales grâce à sa forme en « U » à concavité antérieure. Elle forme une sangle autour des organes pelviens et rejoint son homologue controlatéral en arrière de la jonction anorectale (fig. 4.6). Figure 4.6. Visualisation du faisceau puborectal des muscles élévateurs de l’anus. Le faisceau puborectal (flèches noires) des muscles élévateurs de l’anus est reconnu grâce à sa forme en « U » à concavité antérieure. L’urètre, le vagin et l’anus sont visibles. 42 Chapitre 4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie Figure 4.7. Coupes sagittales T2 chez une patiente, asymptomatique, au repos (a), en poussée (b) et en retenue (c). (a). Au repos, on visualise la vessie, l’utérus, le col utérin (CU), le vagin (Va) et le rectum. (b). En poussée, la vessie subit un mouvement vers le bas, l’urètre moyen s’horizontalise, l’angle urétrovésical postérieur disparaît, le col utérin se déplace en bas et en arrière, le rectum s’abaisse. (c). En retenue, les organes pelviens sont ramenés vers le haut. ainsi que le raphé médian s’horizontalisent (fig. 4.7c). L’ensemble des trois viscères pelviens, vessie, col de l’utérus et dôme vaginal, ainsi que le rectum sont projetés vers l’arrière et le bas contre le raphé médian qui se verticalise. En coupe coronale La convexité des muscles élévateurs de l’anus disparaît, témoignant ainsi de la contraction isométrique des muscles (fig. 4.4b). En coupe coronale T2 L’ensemble des trois viscères pelviens vient s’écraser contre le plancher lévatorien. Les parties iliococcygiennes du muscle élévateur de l’anus s’aplatissent pour devenir concaves vers le haut en poussée maximale (fig. 4.4c). En coupe axiale On note une diminution du diamètre du hiatus urogénital par rapprochement des portions puborectales des muscles élévateurs de l’anus. En retenue Mesures quantitatives de la mobilité des organes pelviens en IRM En coupe sagittale Lors d’un effort de retenue, les muscles élévateurs de l’anus se contractent plus, permettant de ramener les organes pelviens médians vers le haut et l’avant. L’angle urétrocervical postérieur ainsi que le cap vaginal s’accentuent. Le rectum Repères fixes De nombreuses lignes de référence ont été décrites pour interpréter les images obtenues en IRM 43 Manuel pratique d’urogynécologie Figure 4.8. Les différentes lignes de référence utilisées en IRM. (1) (2) (3) (4) La ligne pubococcygienne (Yang et al. Radiology 1991). La ligne du hiatus (Comiter et al. Urology 1999). La ligne médiopubienne (Singh et al. Am J Obstet Gynecol 2001). La ligne périnéale (Fauconnier et al. Neurourol Urodyn 2008). Résultats normaux dynamique (fig. 4.8). Nous avons proposé une ligne de référence périnéale, tangente au bord antérieur de la symphyse pubienne jusqu’à l’extrémité distale du sphincter externe de l’anus [4]. Nous avons montré que la ligne médiopubienne est plus facile à tracer en pratique que la ligne périnéale, ce qui diminue les erreurs de mesure [4]. de l’échographie pelvipérinéale Morphologie urétrale Le sphincter urétral apparaît comme une « cible » : lumière urétrale anéchogène au centre entourée d’une zone hyperéchogène correspondant au sphincter lisse interne et un anneau hypoéchogène correspondant au sphincter externe de l’urètre. L’épaisseur mesurée en échographie endo-urétrale varie entre 2,5 et 3,9 mm pour la couche musculaire lisse et entre 2,6 et 3,4 mm pour la couche musculaire striée. Il est possible de mesurer le volume du sphincter urétral en utilisant une sonde 3D, le volume du sphincter est corrélé à l’aire sous la courbe du profil urétral avant l’accouchement. Repères mobiles En coupe sagittale doivent être visualisés : le col vésical (équivalent du point Aa de la classification POP-Q utilisée en clinique), le col utérin ou le fond vaginal en cas d’hystérectomie (équivalent du point C de cette même classification), l’insertion du fornix vaginal et le torus uterinum (équivalent du point D) ainsi que le culde-sac de Douglas et le cap anorectal (équivalent du point Ap). Les équivalents à l’IRM des points Ba et Bp représentent respectivement la flèche de la cystocèle ou de la rectocèle. Ceux-ci n’existent pas chez la femme normale y compris en poussée maximum. Ces points sont en revanche repérables dès qu’il existe une protrusion, même minime, de la vessie ou du rectum à travers la paroi vaginale antérieure ou postérieure (fig. 4.3). Exploration vésicale L’échographie permet de mesurer l’épaisseur vésicale. Une épaisseur moyenne supérieure à 5 mm est associée à une prévalence élevée d’hyperactivité du détrusor. Elle est par ailleurs l’examen de référence pour évaluer le résidu post-mictionnel pouvant être secondaire à un obstacle organique ou fonctionnel. 44 Chapitre 4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie ligne perpendiculaire à l’axe de la sonde passant par le bord inféropostérieur de la symphyse pubienne et néglige le déplacement latéral du col vésical (fig. 4.9). La distance BND correspond à la soustraction des distances bladder symphyseal distance (BSD) (ou distance entre la symphyse pubienne et le col vésical) au repos et à la manœuvre de Valsalva. Il retrouve une excellente reproductibilité de sa mesure [5]. Dans notre pratique clinique, cette mesure nous semble facile à obtenir et semble assez bien corrélée à la mesure clinique de la mobilité du point Aa. Aucune définition des valeurs normales de la mobilité cervico-urétrale n’a été définie de façon unanime. Il apparaît cependant acceptable d’utiliser comme valeur seuil une descente du col vésical de 20 mm en échographie périnéale (bladder neck descent) pour définir l’hypermobilité cervico-urétrale. Exploration de la mobilité cervico-urétrale à l’effort De nombreux paramètres échographiques ont été utilisés, notamment l’angle urétrovésical postérieur (UVP) et la mobilité du col vésical selon deux axes (l’axe du pubis et sa perpendiculaire). Le bord inféropostérieur de la symphyse pubienne est très facile à distinguer chez toutes les femmes et constitue un repère anatomique fixe pour réaliser les mesures dynamiques (fig. 4.5). Ce repère s’est avéré fiable dans notre pratique à condition de vérifier l’absence de mobilisation involontaire de la sonde au cours des mouvements dynamiques. Dietz, utilisant l’échographie transpérinéale, propose de simplifier la mesure de la mobilité du col vésical en mesurant la descente du col vésical (bladder neck descent [BND]) à l’effort sur l’axe de la sonde périnéale. Il utilise comme repère fixe la Repos Axe de la sonde SP Vessie Axe de la sonde BSDrepos Angle urétro-vésical postérieur Rectum Manœuvre de Valsalva Axe de la sonde SP Axe de la sonde BSDvalsalva Vessie Rectum BND = BSDrepos - BDSvalsalva Figure 4.9. Mesure de la distance BND (bladder neck descent) en échographie périnéale selon Dietz. Le repère fixe correspond au bord inféropostérieur de la symphyse pubienne (SP). L’axe de la sonde définit l’horizontale. La mesure de la descente du col vésical (BND) correspond à la soustraction des distances BSD (bladder symphyseal distance ou distance entre la symphyse pubienne et le col vésical) au repos et à la manœuvre de Valsalva. 45 Manuel pratique d’urogynécologie La mobilité cervico-urétrale à l’effort est bien visible à l’échographie, en revanche, l’utilisation de la distance BND ne nous semble pas mesurer de manière satisfaisante le mouvement du col lorsque la patiente fait un effort de retenue. traitement conservateur de l’incontinence urinaire à l’effort de la femme. Bernstein et al. mesurent l’épaisseur des muscles élévateurs de l’anus avant et après rééducation périnéale chez des patientes incontinentes. Ils retrouvent une hypertrophie de ces muscles après rééducation [6]. L’utilisation de l’échographie périnéale en biofeed­back permet une meilleure compréhension par les patientes de l’effet de la contraction des muscles périnéaux et par là une plus grande efficacité de la rééducation. Exploration de la statique pelvienne La mobilité de la vessie, de l’utérus, de l’ampoule rectale et du cul-de-sac de Douglas peut être mesurée par rapport à une ligne horizontale passant par le bord inférieur de la symphyse pubienne au repos et à l’effort selon le même principe que pour la mesure de la descente du col vésical (bladder neck descent). Le problème principal de l’échographie, utilisée dans ce cadre, est la visualisation incomplète du col et du fond utérins en cas de rectocèles volumineuses et la sous-estimation possible des volumineux prolapsus liée à la pression de la sonde sur le périnée. Un de ces avantages est de pouvoir visualiser une contraction réflexe des élévateurs de l’anus lors de la manœuvre de Valsalva, contraction qui diminue la mobilité du col vésical. Imagerie des dégats pelvipérinéaux liés à la grossesse et à l’accouchement Quinze à trente pour cent des femmes ayant accouché normalement présentent une lésion du muscle puborectal. Ces lésions consistent le plus souvent en une désinsertion du muscle ; elles sont mieux reconnues sur les coupes frontales et/ou coronales, qu’elles soient réalisées en IRM ou en échographie 3D. La signification de ces lésions sur le devenir des patientes n’est pas claire en l’absence de grandes études de suivi longitudinal, cependant dans une étude rétrospective utilisant l’échographie périnéale, les femmes présentant une lésion du muscle élévateur de l’anus avaient deux fois plus de risque d’avoir un prolapsus de stade deux ou plus que les femmes sans lésion [7]. Pourtant, l’intérêt de la détection systématique de ces lésions est très controversé car les facteurs de risque de survenue d’un traumatisme des muscles élévateurs de l’anus après accouchement par voie vaginale ne sont pas identifiés et de ce fait aucune mesure de prévention n’est possible à l’heure actuelle. Par ailleurs, le lien causal entre ces lésions présentes dans le post-partum et la survenue de troubles de la statique pelvienne au cours du temps n’est pas encore démontré. Étude morphologique du sphincter anal L’échographie endoanale est réalisée avec une sonde haute fréquence (7,5 à 10 MHz) permettant d’obtenir une image de 360° du canal anal, centrée sur la lumière. Les voies endovaginales ou introïtales permettent d’obtenir des images mais leur sensibilité pour détecter les lésions semble moindre. L’échographie retrouve parfaitement la structure en couches concentriques du sphincter anal déc­ rite en histologie : la muqueuse apparaît hyper­ échogène, le sphincter interne hypoéchogène et le sphincter externe hyperéchogène. Étude du plancher pelvien Imagerie et diagnostic Il est possible de mesurer le hiatus des élévateurs de l’anus et de rechercher des déchirures ou désinsertion du levator ani. Le hiatus des élévateurs de l’anus moyen est de 15 cm2 au repos. Dietz considère comme anormal un hiatus de plus de 25 cm2 à la manœuvre de Valsalva. L’échographie périnéale permet, en outre, d’évaluer l’effet de la rééducation périnéale, composante essentielle du des prolapsus IRM dynamique Étage antérieur La cystocèle correspond à la protrusion de la base vésicale lors de la poussée d’effort. Cela se traduit 46 Chapitre 4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie Figure 4.10. Patiente présentant un prolapsus des trois étages pelviens. Repérage des différents points de la classification clinique (POP-Q) en IRM et mesure des distances entre ces points et une des lignes de référence décrite en IRM (ligne hyménéale) : – le point Aa représente le col vésical ; – le point Ba correspond à la pointe de la cystocèle ; – le point C représente la lèvre antérieure du col ; – le point D correspond à la pointe de l’élythrocèle ; – le point Bp correspond à la pointe de la rectocèle. vaginal et la paroi vaginale postérieure, au-delà d’une ligne droite passant par la berge antérieure du canal anal (cf. point Bp sur la fig. 4.10). L’intérêt de cet examen est de détecter les rectocèles intravaginales qui peuvent échapper à l’examen clinique. L’élytrocèle correspond à l’abaissement du point le plus bas du cul-de-sac de Douglas sous la ligne pubococcygienne (LPC). Elle est difficile à mettre en évidence lorsqu’elle est déshabitée de toute anse intestinale et ne contient que du tissu graisseux. Sa mise en évidence est en revanche très facile lorsqu’elle contient des anses grêles (entérocèle) ou du sigmoïde (fig. 4.11). La sensibilité de l’IRM dans l’évaluation des prolapsus est variable, selon l’étage du prolapsus étudié et selon l’examen de référence (clinique, opératoire ou colpocystogramme). La corrélation entre IRM et résultats cliniques semble mauvaise dans l’évaluation du prolapsus du fond vaginal chez les patientes ayant bénéficié d’une hystérectomie. par l’apparition d’une flèche de la cystocèle qui détermine un point de protrusion maximum (point Ba) (fig. 4.10) distinct du col de la vessie. Lorsque abaissements de la base vésicale et de l’urètre proximal sont associés de façon concomitante, on parle d’urétrocystoptose. Étage moyen L’hystéroptose est définie comme l’abaissement anormal du col utérin, à l’intérieur de la cavité vaginale lors de la poussée maximum. Contrairement au colpocystogramme, l’hystéroptose est facilement visible sur l’IRM dynamique qui identifie aussi les deux types d’allongement du col : l’allongement intravaginal du col et l’allongement intrapéritonéal. Étage postérieur La rectocèle est facilement diagnostiquée à l’IRM par la présence d’une saillie anormale de la paroi antérieure du rectum, à travers le septum recto- 47 Manuel pratique d’urogynécologie modérée pour la colpocèle postérieure [9] mais l’échographie peut parfois permettre de distinguer les rectocèles des entérocèles et des intussusceptions rectales. Corrélation échographie périnéale et IRM dynamique Broekhuis et al. ont comparé l’échographie 3D et l’IRM dynamique. Ils retrouvent une corrélation de bonne à modérée pour le compartiment antérieur, de mauvaise à modérée pour le compartiment postérieur [9]. Imagerie et incontinence urinaire d’effort Échographie périnéale Figure 4.11. Coupes sagittales T2 : apparition d’une entérocèle en poussée maximale (flèche). La mesure de l’angle urétrovésical postérieur (UVP) apparaît comme un mauvais paramètre pour évaluer la descente de la jonction urétrovésicale (JUV) à l’effort comparée à l’utilisation de distances par rapport à la symphyse pubienne. La mesure bladder neck descent proposée par Dietz apparaît comme le paramètre échographique le plus significativement associé à l’incontinence urinaire d’effort (IUE) [10]. Dans une étude cas-témoin, Pregazzi et al. ont mesuré la mobilité cervico-urétrale à l’aide de la distance entre le col vésical et le bord inféropostérieur de la symphyse chez 23 femmes incontinentes et 50 témoins. Ils ont retrouvé une mobilité cervico-urétrale plus importante chez les patientes incontinentes à la manœuvre de Valsalva et à la toux [11]. Cette différence n’est cependant pas retrouvée de façon significative par tous les auteurs. Il existe par ailleurs un chevauchement entre ces mesures chez les patientes continentes et incontinentes. Ainsi, Dietz retrouve des valeurs variant entre 1 et 40 mm pour la mesure BND chez 106 patientes nullipares continentes [12]. De plus, cette mesure échographique de la mobilité cervico-urétrale présente une validité pronostique très variable pour évaluer la sévérité de l’IUE. Ainsi, Bai ne met en évidence aucune dif­ férence significative entre les paramètres écho­ graphiques en fonction de la sévérité de l’IUE [13]. Ces constatations rendent donc difficile le Patiente ayant comme antécédent une promontofixation. Mesures quantitatives du prolapsus en IRM De la même façon qu’à l’aide de la classification POP-Q de l’examen clinique, il est possible de mesurer quantitativement en IRM le degré de prolapsus des différents compartiments prolabés par rapport aux lignes de références précédemment définies. La mesure de la distance en centimètres de chacun de ces points par rapports aux lignes de référence permet d’appliquer la quantification clinique « POP-Q » à l’IRM (fig. 4.10). Cependant, la concordance des mesures du prolapsus effectuées avec l’IRM avec celles effectuées à l’aide de l’examen clinique semble médiocre avec d’importantes discordances individuelles (écarts pouvant aller jusqu’à 5 cm et ce, quelle que soit la ligne utilisée) [4, 8]. Échographie périnéale Les prolapsus de l’étage antérieur et moyen sont assez facilement mis en évidence en échographie périnéale. La corrélation entre échographie (2D ou 3D) et examen clinique apparaît cependant 48 Chapitre 4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie Imagerie et incontinence anale ­ iagnostic ­d ’incontinence urinaire d’effort par la d simple mesure de la mobilité cervico-urétrale. Chez les patientes présentant une incontinence urinaire d’effort, une large ouverture du col en entonnoir peut être observée en échographie lors de la manœuvre de Valsalva (funneling). Cependant, cette ouverture du col n’est pas spécifique et peut être retrouvée également chez des patientes continentes, en particulier les patientes multipares. L’échographie endoanale (EEA) est recommandée chez les patientes ayant une incontinence anale lorsqu’une origine sphinctérienne peut être suspectée et si une intervention chirurgicale pour réparation sphinctérienne est envisagée [14]. Elle permet d’objectiver les lésions du sphincter, de les localiser et d’apprécier leur étendue ainsi que leur caractère unique ou multiple avec une sensibilité et une spécificité proches de 100 %. Une lésion du sphincter interne apparaît comme une solution de continuité hyperéchogène dans l’anneau musculaire hypoéchogène. Une lésion du sphincter externe se définit comme une solution de continuité hypoéchogène dans l’anneau musculaire hyperéchogène (fig. 4.12). Cependant, la présence de lésions sphinctériennes visibles à l’échographie endoanale n’est pas synonyme de signes fonctionnels d’incontinence anale : beaucoup de patientes ayant accouché ont des lésions sphinctériennes sans incontinence anale associée. L’IRM permet aussi d’explorer le sphincter anal. Plusieurs études ont comparé échographie endoanale en 2D et IRM et n’ont pas retrouvé de différence significative pour le diagnostic des déchirures sphinctériennes. Cependant, l’IRM IRM dynamique L’IRM dynamique peut permettre d’étudier la mobilité cervico-urétrale et l’ouverture du col à la poussée d’effort ainsi que l’angle cervico-urétral à la condition. L’IRM permet aussi d’observer des altérations musculaires périnéales (diminution d’épaisseur du sphincter strié par exemple) mais qui toutefois ne sont pas corrélées aux paramètres cliniques. Dans l’ensemble, la seule indication de l’évaluation de la mobilité cervico-urétrale par imagerie, que ce soit à l’aide de l’échographie ou bien de l’IRM dynamique, est la recherche d’une fixité de l’urètre dans le cas des patientes déjà opérées, facteur de mauvais pronostic postopératoire. Figure 4.12. Rupture antérieure du système sphinctérien externe et interne. Une lésion du sphincter interne apparaît comme une solution de continuité hyperéchogène dans l’anneau musculaire hypoéchogène (*). Une lésion du sphincter externe se définit comme une solution de continuité hypoéchogène dans l’anneau musculaire hyperéchogène (flèche). 49 Manuel pratique d’urogynécologie est rapportée comme supérieure à l’EEA pour le diagnostic d’atrophie sphinctérienne, important facteur prédictif de la sphinctéroplastie [15]. L’utilisation de l’échographie 3D permet de pallier cette différence puisqu’elle présente les mêmes sensibilité et spécificité que l’IRM pour dépister ces atrophies sphinctériennes. L’IRM et l’échographie 3D permettent d’explorer les lésions et atrophies du sphincter anal tout en donnant une vision globale du plancher pelvien. Les techniques d’échographie endovaginale et transpérinéale permettent d’obtenir des images du sphincter anal ; cependant leur sensibilité semble moindre comparée à l’EEA pour détecter les lésions du sphincter anal. Imagerie des bandelettes sous-urétrales Les bandelettes sous-urétrales sont bien visualisées à l’échographie sous forme d’images hyper­ échogènes (fig. 4.13). Conformément à la théorie développée par DeLancey, Sarlos et al. retrouvent une plicature de l’urètre à l’effort et une compression des tissus situés entre la bandelette sous-urétrale (BSU), située à mi-urètre, et la symphyse pubienne sans modifier la jonction urétrovésicale. Cette plicature sous-urétrale semble contribuer à la continence postopératoire [18]. Il semble donc que la continence postopératoire après pose d’une BSU soit un mécanisme de continence pathologique. L’IRM visualise mieux la portion rétropubienne des bandelettes TVT (Tension-free vaginal tape) par rapport à l’échographie. Toutefois, l’IRM n’est pas performante pour visualiser le passage trans­ obturateur des bandelettes type TOT ou TVT-O. Il semble recommandé de réaliser une échographie pour repérer la position des bandelettes sousurétrales en cas de dysurie postopératoire. Ducarme et al. retrouvent, dans une étude sur 54 patientes opérées d’une incontinence urinaire selon la technique TVT, une corrélation entre les différents troubles mictionnels observés à 3 mois postopératoires (dysurie, impériosités) et la distance entre la bandelette et le col vésical [19]. Imagerie du plancher pelvien opéré Résultats de la chirurgie de l’incontinence L’échographie a été utilisée pour étudier les résultats de la colposuspension selon Burch. Ainsi, Viereck et al. retrouvent une diminution significative de la mobilité cervicale, mesurée en échographie introïtale, après colposuspension chez 310 femmes. Une hypermobilité postopératoire était significativement associée à un taux élevé de récidive de l’incontinence urinaire d’effort à 6 mois et 4 ans après la chirurgie [16]. Masata et al. retrouvent quant à eux une diminution significative de la mobilité cervico-urétrale après bandelette sous-urétrale (BSU) [17]. Imagerie des prothèses vaginales En ce qui concerne la chirurgie du prolapsus, les pro­thèses implantées par voie vaginale ou Figure 4.13. Visualisation d’une bandelette sous-urétrale transobturatrice (TOT) en échographie périnéale. Celle-ci, facile à repérer, apparaît hyperéchogène. 50 Chapitre 4. IRM pelvienne dynamique, échographie pelvienne et périnéale en urogynécologie l­ aparoscopique sont également bien visualisées en échographie ainsi qu’en IRM. Ce dernier examen nous semble particulièrement intéressant en cas de récidive du prolapsus après cure chirurgicale avec prothèse. Leur étalement, leur couverture ou non des différents compartiments et leur comportement à l’effort peuvent être appréciés. L’échographie pourrait quant à elle être utile pour apprécier la rétraction postopératoire des prothèses. Letouzey et al. étudient grâce à l’échographie périnéale trois dimensions l’évolution dans le temps de prothèses sous-vésicales en polypropylène. Ils retrouvent une rétraction prothétique de 30 % dans les 3 ans postopératoires, de 65 % dans les 6 ans. À plus de 8 ans, certaines prothèses ne représentent plus que 15 % de la surface de départ [20]. L’échographie ou l’IRM permettent, en cas de symptômes anormaux en postopératoire, de documenter une complication de la prothèse : détecter un hématome, un abcès ou un trajet anormal de la prothèse. lier dans les cas déjà opérés. Elle permet de détecter facilement les bandelettes sous-urétrales et les prothèses vaginales. ß L’échographie endoanale est fiable et constitue l’examen de référence pour l’exploration des déchirures sphinctériennes symptomatiques. L’échographie transpérinéale avec reconstruction tridimensionnelle pourrait dans le futur remplacer l’échographie endoanale en raison de son caractère moins invasif. ß L’IRM est surtout utile pour l’appréciation qualitative des trois étages des prolapsus, et le type d’allongement du col de l’utérus. L’intérêt des lignes de référence est discuté et aucune ligne de référence n’a montré de supériorité. Les mesures quantitatives sont reproductibles et permettent de proposer une classification de son étendue, cependant la corrélation de ces mesures à l’examen clinique est très médiocre et seul ce dernier reste la référence. ß L’IRM dynamique et, dans une moindre mesure, l’échographie tridimensionnelle permettent d’étudier correctement la physiologie dynamique des muscles élévateurs de l’anus, cependant les implications cliniques de ces études du système musculaire ne sont pas claires à ce jour et ces études doivent rester du domaine de la recherche. Conclusion Si les examens d’imagerie comme l’IRM dynamique ou l’échographie périnéale ne sont pas de pratique courante, ils permettent, contrairement au colpocystogramme, une analyse morphologique et fonctionnelle du pelvis tout en étant non irradiants et non invasifs. L’IRM dynamique permet une appréciation qualitative globale de la mobilité des trois étages du prolapsus et du plancher pelvien. Elle permet une excellente différenciation du type de prolapsus en cas de lésions complexes et reste particulièrement performante pour détecter les élytrocèles ou identifier des prolapsus masqués à l’examen clinique. L’apport principal de l’échographie reste l’étude des prothèses ­pelvipérinéales et l’évaluation de la mobilité cervico-urétrale. Elle permet, grâce aux reconstructions tridimensionnelles, d’apprécier la rétraction des prothèses. ß L’IRM et l’échographie transpérinéale avec reconstruction tridimensionnelle sont utiles pour documenter les lésions musculo-ligamentaires secondaires à l’accouchement ; la signification clinique de ces lésions et leur devenir à long terme restent encore à découvrir. Références [1] Dietz HP, Wilson PD. Anatomical assessment of the bladder outlet and proximal urethra using ultrasound and videocystourethrography. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 1998 ; 9 (6) : 365-9. [2] Tunn R, Schaer G, Peschers U, Bader W, Gauruder A, Hanzal E et al. 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Cette simple donnée montre que la prévalence de l’incontinence chez la femme âgée ne dépend pas uniquement du vieillissement physiologique de la vessie et des organes génitaux mais également de la dépendance le plus souvent témoin des multiples maladies qui atteint la personne âgée. Il est en effet clair que le lieu de vie des personnes âgées dépend du contexte social, en particulier isolement, mais, en France, dépend principalement de la dépendance psychique et ou physique. Enfin, dans cette population spécifique, l’évaluation et la prise en charge des troubles urinaires ne peuvent faire l’impasse sur le problème de la continence anale. En effet, l’association incontinence urinaire et incontinence anale est un marqueur fort de dépendance modifiant profondément la prise en charge [1]. Une des problématiques spécifiques de l’évaluation de l’incontinence urinaire de la femme âgée sera donc de différencier l’incontinence liée à une pathologie d’organe qui sera prise en charge comme chez la femme plus jeune, de l’incontinence témoin d’une maladie spécifique isolée, en particulier neurologique, d’un vieillis- sement pathologique, d’une dépendance ou d’une « fragilité », concept qui sera développé dans ce chapitre. Physiologie du vieillissement normal Le vieillissement physiologique du bas appareil urinaire entraîne des modifications structurelles des tissus et récepteurs induisant une modification du fonctionnement vésical. Au niveau vésical, il existe une diminution des capacités contractiles de la vessie, une augmentation de la fréquence des contractions vésicales désinhibées, une diminution de la sensibilité vésicale. La contractilité vésicale, chez la femme, étudiée en mesurant les pressions maximales du détrusor au cours de la miction, diminue avec l’âge pour atteindre des pressions d’environ 20 cmH2O après 60 ans [2]. Cette diminution de la force contractile du détrusor est secondaire à une augmentation du collagène de la vessie, à une modification de la structure des myofilaments et des jonctions intercellulaires. Il existe de plus une déplétion en caveolae (invaginations de la membrane cytoplasmique de la fibre musculaire) responsable non seulement de la diminution des capacités contractiles du détrusor mais également d’une augmentation des contractions non inhibées du détrusor (CNID). Il existe enfin une modification des récepteurs vésicaux avec transformation des récepteurs muscariniques et 53 Manuel pratique d’urogynécologie Sémiologie de l’incontinence ­développement d’une transmission non adrénergique non cholinergique (NANC). Le besoin d’uriner se modifie également avec l’âge avec une diminution de la sensibilité vésicale. La sensation de remplissage vésical survient plus tard et il existe un télescopage des besoins. D’autres éléments ne sont pas modifiés tels que la capacité et la compliance vésicale qui restent constantes à travers les âges. Les pressions urétrales diminuent avec l’âge chez la femme. Cette diminution est secondaire à la diminution globale de la force de la totalité des muscles striés de l’organisme. Il existe également une modification de la structure épithéliale secondaire à la carence hormonale œstrogénique. Au niveau vaginal, les modifications induites par la carence hormonale entraînent une modification de la flore vaginale, une diminution de la vascularisation et des modifications des rapports entre le méat urétral et le vagin avec un enfouissement du méat. Ces modifications entraînent une augmentation de la prévalence des infections urinaires symptomatiques et une augmentation des contaminations urinaires asymptomatiques. Le vieillissement du système nerveux joue également un rôle majeur. Le fonctionnement vésical est sous la dépendance du contrôle du système nerveux central. Les technologies d’exploration actuelles, en particulier d’imagerie fonctionnelle, ont permis de monter l’extraordinaire complexité de la régulation du fonctionnement vésical. En effet, en dehors de l’intervention bien connue du centre de Barrington au niveau pontique, le contrôle de la miction et de la continence fait intervenir les régions frontale, insulaire, hypothalamique, du gyrus cingulaire et péri-aqueducale. Ces structures sont également impliquées dans d’autres fonctions, en particulier l’humeur et les émotions. Autant les modifications, liées à des pathologies spécifiques, commencent à être connues, autant le vieillissement spécifique de ce fonctionnement n’est pas clairement identifié même s’il est certainement en cause. Les modifications du système nerveux périphérique sont mieux connues. Il existe chez la femme une atteinte du nerf pudendal secondaire aux accouchements, à la constipation et aux prolapsus. Ces trois conditions font pratiquement partie du vieillissement physiologique. urinaire chez la femme âgée L’incontinence urinaire augmente en fréquence chez la femme âgée. En effet, l’étude EPICONT montre que la prévalence de l’incontinence sévère passe de 8 % pour les femmes entre 65 à 69 ans pour atteindre 19 % pour les femmes de plus de 85 ans [3]. De plus la gravité de l’incontinence augmente avec l’âge puisque la présence d’une incontinence quotidienne est de 12 % entre 60 à 64 ans et de 21 % pour les femmes âgées de plus de 85 ans [4]. La sémiologie de l’incontinence se modifie avec l’âge avec une augmentation de la prévalence de l’incontinence urinaire mixte, et une diminution relative de l’incontinence urinaire d’effort et de l’urgenturie isolée. Cette tendance existe tout au long de la vie et continue à s’accentuer après 65 ans. Ainsi chez les femmes présentant une incontinence urinaire, le pourcentage de patientes présentant une incontinence urinaire mixte est de 36 % à 50 ans, de 44 % à 65 ans et de 48 % après 90 ans. Le pourcentage de patientes présentant une incontinence urinaire d’effort isolée chez les patientes incontinentes est de 55 % à 50 ans, de 38 % à 65 ans et de 28 % après 90 ans. Le pourcentage d’urgenturie isolée passe de 7 à 16 % de 50 à 65 ans et diminue ensuite à 12 % après 90 ans. À cela s’ajoute une augmentation de la dysurie et de la rétention d’urine, en particulier incomplète avec apparition d’un résidu post-mictionnel. L’existence d’un résidu post-mictionnel supérieur à 100 mL pourrait atteindre 30 % des patientes institutionnalisées. Dans une population de patientes âgées de plus de 80 ans, non institutionnalisées, consultant pour des troubles urinaires, l’existence d’une dysurie et/ou d’une rétention est le motif principal de consultation chez 12 % des patientes (série personnelle). La fréquence d’une dysurie et/ou d’une rétention urinaire est certainement minimisée par les études épidémiologiques car ce symptôme spécifique n’est pas facile à retrouver lors des études observationnelles et n’est donc recherché de façon systématique que dans des populations biaisées par le recrutement (patientes présentant des troubles urinaires ou hospitalisés pour une affection aiguë ou chronique). 54 Chapitre 5. Incontinence urinaire de la femme âgée L’existence d’une bactériurie asymptomatique est également connue des gériatres. Ceci est tellement connu qu’il existe un consensus de ne pas faire d’examen systématique des urines chez les femmes de plus de 75 ans et de ne pas traiter les bactériuries asymptomatiques. La nycturie augmente également avec l’âge, mais n’est un motif isolé de consultation que dans un faible nombre de cas. Ainsi l’hyperactivité vésicale est le symptôme le plus fréquemment évoqué lors les études transversales sur la prévalence de l’incontinence urinaire chez la personne âgée et lors des demandes de prise en charge dans des consultations spécialisées. L’existence d’une dysurie est certainement sous-évaluée en dehors d’études spécifiques sur la prise en charge de patientes en quête d’une prise en charge. symptomatiques du bas appareil urinaire, Atro­ phies vaginales ou urétrales, causes Psycho­logi­ ques, causes Pharmacologiques, Excès de diurèse, Restrictions de mobilité, constipations (S-stool). Nous analyserons successivement ces conditions précipitantes. Délire (D) Le délire, mieux traduit par état confusionnel non permanent, est responsable d’incontinence. Ce syndrome spécifique de la personne âgée a été décrit par Blackburn et Dunn en 1990 [6] sous le nom de syndrome vésicocérébral (cystocerebral syndrome). Il s’agit d’une rétention d’urine prenant le masque d’une incontinence permanente accompagnée d’un syndrome confusionnel sans cause apparente ; cette incontinence et le syndrome confusionnel sont régressifs après sondage urinaire. Ce syndrome survient en absence de démence même si une altération permanente des fonctions supérieures est fréquente. En pratique, l’apparition d’une incontinence urinaire associée à un syndrome confusionnel et/ou une aggravation d’un trouble des fonctions supérieures doit faire rechercher une rétention d’urine difficile à diagnostiquer dans ce contexte. Bilan de l’incontinence urinaire de la femme âgée La spécificité de la prise en charge de cette incontinence repose sur plusieurs spécificités : il existe chez la femme âgée des causes réversibles d’incontinence urinaire qu’il faut détecter. Il existe des incontinences urinaires secondaires à la dépendance psychique et ou physique et qui relèvent d’une prise en charge « générale ». Enfin l’incontinence urinaire fait partie du concept de fragilité, témoin d’un déclin physiologique lié à l’âge. Infection urinaire basse (I) L’infection urinaire basse, fréquente chez la personne âgée, est rarement responsable à elle seule d’incontinence urinaire. Le plus souvent asymptomatique, l’infection urinaire est souvent découverte lors d’un examen systématique, ce qui pose le problème du traitement en particulier en institution. Nous avons déjà parlé de cette problématique spécifique de la personne âgée. Il est habituel en cas d’apparition d’incontinence urinaire de rechercher l’existence d’une infection urinaire qui serait symptomatique. Cependant, chez la femme âgée, en particulier institutionnalisée, la prévalence d’une bactériurie est importante. Même si l’infection urinaire peut à elle seule induire une incontinence urinaire, il ne faut pas s’acharner à traiter des bactériuries « asymptomatiques » pour prendre en charge une incontinence urinaire chez la femme âgée, en particulier institutionnalisée. Incontinence urinaire transitoire réversible (IUTR) L’incontinence urinaire a un taux de « guérison » spontanée qui est connu à tous les âges. Cependant, chez la personne âgée, il est admis que ces incontinences urinaires transitoires sont plus fréquentes. Il est donc recommandé devant une incontinence urinaire d’apparition récente et/ou d’aggravation récente qu’un certain nombre de facteurs précipitants soient recherchés. Ces facteurs ont été analysés par Resnick en 1984 [5] et depuis toujours cités comme éléments indispensables à l’analyse des troubles du bas appareil urinaire (TUBA) chez la personne âgée. Ces causes curables sont répertoriées par le raccourci mnémotechnique DIAPPERS (diapers signifie couche en anglais) : Délire, Infections Carence hormonale (C) La carence hormonale, si fréquente, est souvent associée à des manifestations telles que ­pollakiurie, 55 Manuel pratique d’urogynécologie urgenturie, mais n’est jamais seule cause de l’incontinence urinaire. Les notions concernant la responsabilité de la carence hormonale dans la genèse de l’incontinence urinaire sont remises en cause actuellement. J’ai cependant tenu à respecter les notions du concept princeps de l’incontinence urinaire transitoire de Reik. Excès de diurèse (E) L’excès de diurèse peut évidemment être lié à une augmentation des apports (perfusion…), aux diurétiques, mais aussi à une hyperglycémie ou une hypercalcémie. De façon paradoxale, la peur de l’hyperthermie en été a induit un comportement de consommation excessive de boisson responsable de pollakiurie mais aussi d’hyponatrémie. Causes psychologiques (P) Les causes psychologiques, en particulier la dépression, peuvent jouer un rôle important. Même si elles ne sont pas souvent individualisées dans la littérature, ces éléments sont fréquemment retrouvés en institution. L’incontinence et le besoin d’uriner sont un objet de demande permettant d’obtenir une présence humaine facile à justifier. Restriction de mobilité (R) La restriction de mobilité est une cause évidente d’incontinence. Elle est sous-estimée. Elle est responsable d’une incontinence, alors que jusque-là, l’hyperactivité vésicale pouvait être bien compensée par une autonomie correcte. Ceci est particulièrement vrai en institution où la crainte de la chute induit l’utilisation d’entraves à la mobilité non prescrites par le médecin telles que les barrières la nuit. Polymédication (P) La polymédication est souvent incriminée dans la genèse de l’incontinence urinaire transitoire. Les différentes classes pharmacologiques incriminées ainsi que leurs principaux effets secondaires sur le bas appareil urinaire sont donnés dans le tableau 5.1. Constipation (S) La constipation a été impliquée comme cause d’incontinence chez 10 % des patients âgés non institutionnalisés [7]. C’est une cause certaine- Tableau 5.1. Principales classes pharmacologiques incriminées dans la genèse d’une incontinence urinaire transitoire. Classes pharmacologiques Indication Effets secondaires Antagonistes alpha-adrénergiques HTA, adénome de prostate Baisse du tonus du muscle lisse IUE chez la femme Angiotensine HTA Toux qui aggrave l’incontinence urinaire Anticholinergiques Dépression, troubles du rythme, Parkinson Rétention d’urine, syndrome confusionnel Inhibiteurs calciques HTA Rétention d’urine Inhibiteur de la cholinestérase Démence Augmentation de la contractilité vésicale Diurétique HTA, insuffisance cardiaque Augmentation de la diurèse Lithium Thymorégulateur Polyurie liée au diabète insipide Morphiniques Douleur Rétention d’urine, constipation ; syndrome confusionnel Psychotropes : sédatif, somnifères, neuroleptiques Anxiété, insomnie, psychose Syndrome confusionnel, rétention Inhibiteur de la recapture de la sérotonine Dépression, douleurs neurologiques Augmentation de la transmission cholinergique Autres : gabapentine Épilepsie, douleur Rétention d’urine HTA : hypertension artérielle. IUE : incontinence urinaire à l’effort. 56 Chapitre 5. Incontinence urinaire de la femme âgée ment en pratique sous-estimée, ce d’autant que le masque de la constipation peut être l’incontinence anale. La prise en charge de ces IUTR repose sur le diagnostic du mécanisme précipitant et sur la prise en charge de celui-ci. Cependant l’apparition de cette incontinence peut révéler l’existence d’un dysfonctionnement du bas appareil urinaire, jusque-là compensé, dont la prise en charge ultérieure sera nécessaire. ­rapporté comme un outil de bonne valeur prédictive sur l’indication d’une évaluation gériatrique approfondie. Un bilan plus approfondi peut être recommandé dans des consultations spécialisées vérifiant de façon systématique qu’il n’existe pas de fragilité en utilisant des outils tels que : le MMSE (Mini mental status index) pour le bilan des fonctions supérieures, le MNA simplifié (Mini nutritional assesment) pour la nutrition, le Get up and Go pour l’équilibre et la marche, un questionnaire de dépression telle que le GDS (Geriatric depression scale), une échelle sur les activités de la vie quotidienne tel que l’IADL [9]. Ces recommandations sont en pratique difficiles à mettre en œuvre. Toutefois, un âge supérieur à 80 ou 85 ans faisant partie de la définition de fragilité, celui-ci impose un avis gériatrique avant une prise en charge chirurgicale. Cette problématique complexe ne doit pas éviter de faire le point sur les pathologies associées à l’incontinence urinaire de la personne âgée. Il existe en effet de nombreuses maladies directement responsables de troubles vésicosphinctériens (tableau 5.2). Au terme de ces deux bilans, la question est : l’incontinence est-elle liée à la dépendance, est-elle le témoin de fragilité ? Ou entre-t-elle dans le cadre plus classique de l’incontinence urinaire de la femme plus jeune, ou présentant une affection neurologique définie telle que la paraplégie, la sclérose en plaque… Lorsque l’incontinence est secondaire à la dépendance, la patiente doit être confiée au gériatre. Lorsque l’incontinence n’est pas liée à la dépendance de façon directe, il faut évaluer l’incontinence comme chez la femme plus jeune. Fragilité, dépendance, pathologies multiples Le concept de fragilité de la personne âgée, développé depuis quelques années, permettrait d’expliquer des durées d’hospitalisation plus longue lors de la prise en charge d’une pathologie « habituelle », l’importance des complications non prévues, ainsi que la fréquence des réhospitalisations. Il n’existe pas de définition standardisée de la fragilité. Il s’agit d’une réduction multisystémique des aptitudes physiologiques limitant les capacités d’adaptation au stress ou au changement d’environnement secondaire au vieillissement. La Haute autorité de santé propose en 2003 la définition suivante : la fragilité est un état médicosocial instable rencontré à un moment donné de la vie d’une personne âgée. Elle retient pour principales caractéristiques d’une personne âgée fragilisée : l’âge supérieur à 85 ans, la polymédication, l’altération des fonctions cognitives, la dépression, la dénutrition, les troubles neurosensoriels, l’instabilité posturale, la sédentarité, la perte d’autonomie pour les activités de la vie quotidienne (AVQ) et l’isolement social. La fragilité de la personne âgée est importante à repérer car elle précède l’apparition du déclin fonctionnel et la perte d’autonomie, pour perdurer et s’accroître ensuite. La personne âgée fragile est exposée à une morbidité incidente accrue, qui peut survenir à l’occasion d’un stress exogène mineur, maladie bénigne, traitements par exemple. Dans la population âgée, des marqueurs de fragilité sont identifiés dans de nombreuses études, sans qu’il y ait de définition standard [8]. L’orientation vers le gériatre doit être ciblée lorsqu’une fragilité est repérée. Un autoquestionnaire portant sur cinq indicateurs – le déclin fonctionnel, la chute, la dépression et l’incontinence urinaire, l’activité sociale – est Bilan habituel Nous ne parlerons que des éléments spécifiques à la femme âgée. Le bilan repose sur l’examen clinique, le catalogue mictionnel et les échelles de qualités de vie. Le retentissement d’une incontinence doit être étudié, comme chez la femme plus jeune. L’existence d’une incontinence urinaire est associée, chez la personne âgée, à la notion de vieillissement, de dépression et d’anxiété. L’examen clinique n’a rien de spécifique et nous n’aborderons pas les particularités secondaires au vieillissement telles que les ectropions urétraux qui ne sont jamais responsables de rétention urinaire. 57 Manuel pratique d’urogynécologie population de femmes âgées de recommandations spécifiques sur la durée utile de ce catalogue. La durée de 24 heures est minimum, même si 3 jours permettent d’évaluer au mieux les troubles dont se plaignent les personnes âgées. Cet outil est indispensable pour l’évaluation d’une nycturie. Tableau 5.2. Liste des morbidités pouvant contribuer à la survenue d’une incontinence urinaire chez la personne âgée. Maladie Mécanisme Diabète Diurèse modifiée, vessie diabétique Arthrose La difficulté à se mobiliser aggrave l’urgenturie Insuffisance respiratoire Aggravation de la toux Insuffisance cardiaque et insuffisance veineuse des membres inférieurs Œdème des membres inférieurs avec nycturie Syndrome d’apnée du sommeil Polyurie nocturne, urgenturie Constipation sévère Associée à une double incontinence urinaire et fécale, rétention d’urine Accident vasculaire cérébral Hyperactivité vésicale, troubles de la motricité Maladie de Parkinson Urgenturie, troubles de la motricité Hydrocéphalie à pression normale Urgenturie, troubles de l’équilibre, détérioration Démence Urgenturie Dépression Cause ou conséquence de l’urgenturie, diminue l’implication dans une prise en charge Évaluation du résidu post-mictionnel Cet élément est fondamental dans la prise en charge d’une incontinence urinaire de la personne âgée. De façon paradoxale, c’est un des éléments les plus difficiles à obtenir. En effet, du fait de l’âge, il est parfois difficile d’obtenir une miction volontaire sans besoin d’uriner. Ceci témoigne probablement du défaut de contrôle « encéphalique » du fonctionnement vésical. La mesure du résidu post-mictionnel sera au mieux évaluée après une miction volontaire avec enregistrement sur un débitmètre. Cet outil simple permet à la fois de vérifier la capacité d’obtenir une miction volontaire sur ordre et de vérifier l’absence de résidu. L’évaluation d’un résidu post-mictionnel peut également être effectuée lors d’une échographie, ou avec un échographe portable dédié ou non, lors d’une consultation. Bilan urodynamique Les explorations urodynamiques, y compris complexes, peuvent être effectuées chez les femmes âgées même fragiles et dépendantes. La pratique d’une simple cystomanométrie avait été recommandée car elle permet de faire le diagnostic d’hyperactivité du détrusor avec une bonne spécificité. Cette notion doit cependant être mise en relation avec le fait que l’existence de contractions non inhibées du détrusor lors de bilan urodynamique chez la personne âgée n’est pas toujours corrélée de façon simple à l’incontinence urinaire [10]. L’exploration urodynamique, lorsqu’elle est prescrite, doit donc être le plus complète possible. Cependant, ceci impose que la pratique d’une telle exploration ne soit effectuée que chez des patientes pour lesquelles l’incontinence est gênante, chez des patientes désireuses d’une prise en charge, et pour lesquelles le médecin pense qu’une prise en charge « curative » est possible. La débitmétrie permet de vérifier la capacité de la personne à déclencher volontairement une Catalogue mictionnel Le catalogue mictionnel doit être effectué de même que l’évaluation du résidu post-mictionnel. L’obtention d’un catalogue mictionnel dans cette population est particulièrement importante. Son obtention permettra de façon simple d’évaluer la compliance de la patiente au traitement (la demande est de la patiente et non de la famille), la compréhension des consignes (la non-compréhension témoignant peut-être d’une détérioration intellectuelle débutante). Ce catalogue permettra d’évaluer la diurèse diurne et nocturne, la capacité vésicale fonctionnelle, les circonstances des fuites. Cet outil, déjà indispensable chez la femme adulte, est indispensable chez la femme âgée permettant d’évaluer les différentes composantes de l’incontinence urinaire. Il n’y a pas dans cette 58 Chapitre 5. Incontinence urinaire de la femme âgée miction. Elle permet d’authentifier une dysurie et permet la recherche d’un résidu post-mictionnel. La cystomanométrie doit être associée à une mesure d’un enregistrement de la miction (instantané mictionnel ou mesure pression-débit). Elle permet de rechercher un trouble du besoin d’uriner (besoin retardé et séquence des besoins non respectés), une hyperactivité de vessie (survenue de contractions non inhibées du détrusor), une hypocontractilité vésicale (contraction vésicale insuffisante pour assurer une vidange vésicale correcte en absence d’obstacle). L’association d’une hyperactivité et d’une hypocontractilité vésicales est assez spécifique de la personne âgée et explique une bonne partie des difficultés de prise en charge des troubles urinaires. L’existence d’une hypocontractilité vésicale, même si sa définition n’est pas consensuelle actuellement, doit faire réfléchir sur les modalités de prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme âgée car le risque de rétention, en particulier postopératoire, est plus important que chez la femme jeune [11]. La mesure de la pression urétrale est plus discutée, même si l’existence de pressions urétrales basses semble corrélée avec des résultats moins bons de certains gestes chirurgicaux. À la fin de ce bilan, les différentes composantes responsables de l’incontinence urinaire de la femme sont analysées : Y a-t-il une cause responsable de l’incontinence ? Y a-t-il une demande vraie de prise en charge ? Y a-t-il une dépendance physique ou psychique expliquant en partie ou en totalité cette incontinence ? Y a-t-il un contexte de fragilité ? Quelles sont les prises en charge précédentes et pourquoi ont-elles échoué ? Quel est le symptôme le plus gênant ? leurs secondaires à une coxarthrose ou gonarthrose, tapis dans les pièces induisant un risque de chute et un accès ralenti aux WC, lumières insuffisantes induisant un risque de chute la nuit et un accès plus lent aux WC. Les freins à la continence peuvent être induits par un habillement inadapté : pantalon difficile à enlever induisant une fuite en cas d’urgenturie, chaussures mal adaptées entraînant une marche précautionneuse… Les freins peuvent être d’ordre psychologique : bénéfices secondaires liés à l’incontinence et nombre d’heures d’aide-ménagère plus important, ou invoqué pour ne pas participer à des activités non souhaitées par la personne âgée et imposées par l’entourage. À cette prise en charge, il est recommandé d’améliorer l’autonomie lorsque cela est possible. Enfin, une rééducation comportementale est considérée comme la prise en charge de première intention même si elle a mal été évaluée. Cette prise en charge comportementale dénommée prompted voiding consiste à valoriser le fait d’uriner de façon volontaire et autonome en recommandant des mictions en dehors de tout besoin urinaire et à intervalle régulier. Cette technique se différencie un peu des mictions programmées utilisées en institution où c’est un réveil ou une personne qui incite la femme âgée à aller uriner. Dans ce programme, ce qui est favorisé est l’autonomie et la prise individuelle de décision avec un feedback positif de renforcement de motivation par la méthode de l’encouragement [12]. Rééducation périnéale À cette rééducation comportementale, il est conseillé d’associer une rééducation périnéale classique. Cette rééducation doit obligatoirement comporter un renforcement des muscles périnéaux quelle que soit la technique utilisée. C’est en effet l’élément d’amélioration le plus constamment retrouvé dans la littérature. Les techniques d’électrostimulation des muscles périnéaux et de biofeedback instrumental sont pratiquement constamment utilisées en France sans que la preuve d’un gain d’efficacité soit évidente. Certains points bien que non validés semblent cependant importants : l’utilisation d’un traitement hormonal local est conseillée car il facilite la Prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme âgée Prise en charge générale et comportementale Il est recommandé pour toute prise en charge de l’incontinence de la femme âgée de commencer par l’analyse des freins à la continence. Ces freins à la continence peuvent être d’ordre architectural ; WC trop bas induisant des dou- 59 Manuel pratique d’urogynécologie patientes dépendantes et/ou institutionalisées et cette prise en charge ne peut pas actuellement être recommandée dans cette population. D’autres techniques chirurgicales ont été proposées en cas d’échec des bandelettes sous-urétrales, telles que les ballons ACT, les injections péri-urétrales. Les résultats sont cependant trop parcellaires ou trop récents et pour pouvoir conclure sur leur intérêt dans cette population. prise en charge du kinésithérapeute. La durée de la prise en charge rééducative est souvent plus longue que chez la personne plus jeune. Une période de consolidation des résultats est le plus souvent nécessaire de même que des séances de réinduction. La rééducation classique a cependant ses limites : elle ne peut être effectuée que chez des patients présentant une coopération correcte. Cette prise en charge rééducative permet d’évaluer chez la femme la compliance et l’assiduité aux soins, elle permet de vérifier qu’il n’existe pas de comportement alimentaire inadéquat, en particulier en cas de nycturie. Cette rééducation périnéale est recommandée à la fois pour la prise en charge de l’incontinence urinaire d’effort, mais également dans l’incontinence urinaire mixte et même dans l’urgenturie accompagnée ou non d’incontinence. Traitements de l’urgenturie Anticholinergiques Outre la rééducation comportementale, la prise en charge de l’urgenturie et de l’incontinence urinaire mixte repose sur les traitements médicamenteux, en particulier les anticholinergiques. L’efficacité de ces traitements chez la femme âgée est bien établie même après 75 ans. Cependant, ces traitements sont peut-être un peu moins efficaces que chez la femme plus jeune, en particulier lorsque l’incontinence est sévère, qu’il existe une hypoesthésie vésicale ou un déclin cognitif [14]. Les effets secondaires, en particulier cognitifs, ont été particulièrement étudiés avec des résultats parfois contradictoires. Les anticholinergiques peuvent induire des troubles cognitifs, en particulier mnésiques et de concentration, chez des patientes auparavant indemnes. L’apparition de novo d’un syndrome confusionnel semble plus rare. Chez les patientes présentant des troubles cognitifs, il existe un risque d’aggravation de ceux-ci, même si cette aggravation n’est pas constante. Le risque d’apparition de ces troubles n’est probablement pas le même pour toutes les molécules. Bien connu pour l’oxybutinine fortement lipophile, il serait moins important pour les autres anticholinergiques : trospium chlorure, solifenacine, darifenacine [15]. Enfin, l’association anticholinestérasique comme traitement de la maladie d’Alzheimer et anticholinergique pour la prise en charge des troubles urinaires est déconseillée par l’AFSSAPS dans ses recommandations (Prévenir la iatrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé 4/7/2005). En institution, l’adjonction d’un anticholinergique à une prise en charge comportementale n’entraîne pas de nette amélioration clinique imputable au médicament [16]. Les effets secondaires autres (constipation, hyposialorrhée) sont probablement majorés dans cette population présentant déjà ces troubles de façon habituelle. Le Traitement de l’incontinence urinaire d’effort Les recommandations ne sont pas différentes de celles des patientes plus jeunes. La rééducation de première intention est recommandée. Il n’y a pas de travaux spécifiques dans cette population sur l’intérêt d’une perte de poids. Toutefois, il paraîtrait déraisonnable, dans cette population de femmes âgées chez qui la dénutrition n’est pas rare, de ne pas demander une perte de poids avant de prendre en charge une incontinence urinaire. Concernant la prise en charge chirurgicale, les études spécifiques chez la femme âgée sont peu nombreuses. Il existe clairement un bénéfice de la prise en charge chirurgicale par bandelette sous-urétrale dans cette population, comme chez les femmes plus jeunes. Les études ont été effectuées chez des femmes vivant au domicile et autonomes pour les actes de la vie quotidienne. Il semble que les résultats soient un peu moins bons dans cette population, avec une prévalence plus importante de dysurie, d’urgenturie de novo et d’échec de la technique [13]. Il paraît donc légitime de rechercher de façon spécifique et approfondie la présence d’une hyperactivité du détrusor, d’une dysurie par hypocontractilité vésicale, ou de l’association hyperactivité-hypocontractilité vésicale avant l’intervention. De plus, la présence d’un résidu post-mictionnel persistant doit certainement être recherchée de façon encore plus spécifique que chez la femme plus jeune. Il n’y a aucune étude sur l’intérêt de ce type de chirurgie par bandelette sous-urétrale chez des 60 Chapitre 5. Incontinence urinaire de la femme âgée risque de rétention d’urine est probablement plus important que chez la femme plus jeune, même si son incidence n’est pas connue. En somme, l’emploi des anticholinergiques dans l’urgenturie et l’incontinence urinaire mixte est justifié chez la femme âgée avec une tolérance probablement moins bonne que chez la femme plus jeune. Chez la femme âgée fragile, l’indication d’anticholinergique est moins claire du fait du risque de décompensation d’un état pathologique. Chez la femme âgée institutionnalisée ou dépendante, la preuve de leur efficacité n’est pas établie. du col du fémur ou du bassin sont pourvoyeuses de rétention d’urine. Certaines équipes privilégient la sonde à demeure pour encadrer une chirurgie de la hanche afin de ne pas laisser s’installer une rétention importante avec le risque de difficulté de reprise de miction que cela comporte. La tolérance d’un résidu post-mictionnel plus important que chez la femme plus jeune est admise. Enfin, l’apprentissage des autosondages ne doit pas être d’emblée réfuté, car certaines femmes âgées, non fragiles, acquièrent plus lentement mais parfaitement bien cette technique même en cas d’atteinte neurologique. Nous ne parlerons pas de la prise en charge de la nycturie traitée au chapitre 7. Neuromodulation Conclusion La neuromodulation des racines sacrées est utilisée en traitement de deuxième ligne en cas d’hyperactivité du détrusor. Il n’y a pas d’étude spécifique dans cette population. Cependant, il est évident que la population incluse dans ce type de protocole n’est habituellement pas une population jeune. Il n’y a pas de contre-indication à tester et implanter un neuromodulateur chez une femme âgée présentant une incontinence urinaire avec une composante d’urgenturie prédominante. La limite à ce test, est comme pour le reste de la prise en charge, de correctement évaluer la fragilité débutante et la dépendance des patientes. La stimulation du nerf tibial postérieur (TENSSPI), plus simple dans son application, sera peutêtre dans les années à venir une alternative intéressante au problème complexe de la prise en charge de l’urgenturie. L’incontinence urinaire de la femme âgée est un problème fréquent. Elle pose dans un premier temps un problème de diagnostic de son mécanisme. En effet, dans cette population, l’incontinence peut être le témoin d’une dépendance psychique ou physique, d’une fragilité qu’il faut dépister, ou d’une pathologie d’organe. Son évaluation doit fréquemment faire appel aux compétences spécifiques des gériatres. L’orientation thérapeutique, entre prise en charge fonctionnelle et prise en charge plus « agressive », tiendra en grande partie compte de cette différence. ß Chez la femme âgée, l’incontinence relève de plusieurs mécanismes : – la dépendance ; Traitement d’une dysurie – la fragilité ; et d’une rétention chez la femme âgée – la pathologie d’organe. Dysurie et rétention d’urine sont des problématiques relativement fréquentes de la femme âgée. Actuellement il n’existe pas de consensus, ni de protocole ayant fait la preuve de son efficacité avec un niveau de preuve suffisant dans cette population. En pratique, les accords professionnels sont de supprimer les causes responsables potentiellement de dysurie (médicament, traitement du fécalome). Il est recommandé de privilégier les mictions sur les toilettes et non sur le bassin en cas d’alitement. Certaines conditions telles que la fracture ß Les anomalies du fonctionnement vésical chez la personne âgée associent hyperactivité du détrusor et hypocontractilité avec comme corollaire la fréquence de l’urgenturie et de la rétention. ß En cas de doute sur une fragilité, prendre l’avis d’un gériatre. ß La rééducation comportementale est le traitement de première intention. ß La prise en charge de la femme âgée, non dépendante et non fragile, est codifiée et se rapproche de celle de la femme plus jeune. 61 Manuel pratique d’urogynécologie Références la perte d’autonomie en gériatrie : une étude de validation. Presse Médicale 2008 ; 37 : 1195-203. [1] Dubeau CE, Kuchel GA, Johnson T, Palmer MH, Wagg A. Incontinence in the frail elderly Committee 11, 961-1024. In : Abrams P, Cardozo L, Khoury S, Wein A (eds). Incontinence. 4 th edition Paris : Editions 21. 2009. [2] Pfisterer DJ, Griffiths, Schaefer W, Resnick NM. The Effect of Age on Lower Urinary Tract Function : A Study in Women. 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L’incontinence disparaît spontanément dans la majorité des cas après l’accouchement ; Viktrup rapporte une prévalence pour l’incontinence urinaire d’effort de 19 % en post-partum immédiat, 6 % à 3 mois et 3 % à 1 an chez les primipares [1]. Les principaux facteurs de risque de l’incontinence urinaire de la grossesse sont la parité et l’incontinence urinaire préexistante à la grossesse. Les principaux facteurs de risque de l’incontinence urinaire du post-partum sont l’âge maternel, la parité, le surpoids, l’incontinence urinaire préexistante à la grossesse, l’incontinence urinaire de la grossesse, et l’accouchement vaginal (comparé à la césarienne). L’accouchement instrumental n’est pas un facteur de risque d’incontinence urinaire. Les urgenturies, la pollakiurie diurne et la nycturie sont fréquentes pendant la grossesse. Ces symptômes sont favorisés par l’augmentation de 50 % de la diurèse au cours de la grossesse. Ils sont rapportés par plus de la moitié des femmes enceintes et disparaissent dans la majorité des cas après l’accouchement [1]. À un an du premier accouchement, la prévalence de l’incontinence par urgenturie est identique (3,5 %) à celle de 12 SA (semaines d’aménorrhée) dans une cohorte de primipares [3]. Nous savons depuis longtemps que la grossesse s’accompagne de troubles périnéaux. William Buchan précisait ainsi dans son traité de Médecine domestique (1783) à propos de l’incontinence d’urine « Chez les femmes grosses, elle se guérit en général par l’accouchement ». Les séquelles périnéales de l’accouchement étaient rapportées dans ­l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1779) « Les déchirements de cette partie ont principalement lieu chez les femmes ; les accouchements laborieux, ou la maladresse du chirurgien, en sont les causes les plus fréquentes ». Depuis nous avons appris que l’accouchement vaginal était susceptible de provoquer des lésions du nerf pudendal, du sphincter anal ou des élévateurs de l’anus. Cependant le lien entre ces lésions et les symptômes périnéaux reste incertain et nous continuons à ignorer quels pourraient être les moyens de prévention. Épidémiologie des troubles urinaires, anorectaux et sexuels de la grossesse Incontinence urinaire et grossesse La prévalence de l’incontinence urinaire augmente au fur et à mesure du terme, elle est maximale en fin de grossesse où elle touche 30 à 50 % des femmes (fig. 6.1) [1, 2]. Il s’agit le plus souvent d’une incontinence d’effort [2]. En fin de grossesse, 6 % des nullipares rapportent des fuites d’effort quoti- Troubles de la vidange vésicale La dysurie reste un symptôme peu étudié chez la femme enceinte. L’attente pour démarrer la miction est plus fréquente au cours des deux 63 Manuel pratique d’urogynécologie 45 40 39 35 Prévalence (%) (%) 30 26,5 25 20 16,8 15,9 15 10 8,7 1,5 5,8 5 IUE IUU 0 12 SA 28 SA 36 SA M3 PP Figure 6.1. Prévalence de l’incontinence urinaire au cours de la première grossesse et en postpartum (d’après [13]). IUE : incontinence urinaire d’effort. IUU : incontinence urinaire par urgenturie. M3PP : à 3 mois du post-partum. p­ remiers trimestres de la grossesse (comparé à avant la grossesse), sa prévalence diminue au troisième trimestre et après l’accouchement elle est inférieure à celle d’avant la grossesse [4]. La rétention vésicale aiguë et douloureuse est décrite au premier trimestre de grossesse chez la multipare, elle est provoquée par la rétroversion et l’enclavement de l’utérus gravide. L’accouchement peut s’accompagner d’une rétention vésicale dont le diagnostic est souvent retardé en raison de l’analgésie obstétricale. Les facteurs de risque pour la rétention vésicale postnatale symptomatique après un accouchement vaginal sont l’analgésie péridurale et l’extraction instrumentale [5]. Un résidu vésical de plus de 150 mL est retrouvé après césarienne dans un quart des cas, le plus souvent asymptomatique ; ses facteurs de risque sont l’analgésie postopératoire par morphine, la multiparité et un faible IMC (indice de masse corporelle) [6]. La prévalence de l’incontinence anale (aux gaz ou aux selles) est de 5 % à 10 % pendant la grossesse et le post-partum. Elle semble maximale en fin de grossesse [3]. Les principaux facteurs de risque de l’incontinence anale du post-partum sont l’âge maternel, la parité, l’obésité, la durée de la deuxième partie du travail, l’épisiotomie médiane, les déchirures sphinctériennes (périnée complet), et l’accouchement par forceps [8]. L’accouchement par ventouse ne semble pas être un facteur de risque d’incontinence anale postnatale. Rapports sexuels en cours de grossesse La fréquence des rapports sexuels diminue au troisième trimestre de grossesse. Cependant plus de 80 à 90 % des femmes ont repris les rapports à 12 semaines du post-partum [9, 10]. Le plaisir sexuel ressenti diminue au troisième trimestre avec seulement 40 % des femmes qui rapportaient du plaisir pendant les rapports. Un an après l’accouchement, la proportion de femmes qui prennent du plaisir pendant les rapports a retrouvé le niveau d’avant la conception (80 %). Après l’accouchement, peu de rapports sexuels (moins d’une fois pas semaine) ou peu ou pas de plaisir ressenti sont associés à plusieurs variables ­prénatales (plus d’un an pour concevoir, antécédents psychiatriques, peu de rapports avant la Troubles anorectaux La constipation ou la difficulté à vider le rectum sont surtout rapportées au premier trimestre de grossesse. Les hémorroïdes sont rapportées par un quart des femmes en post-partum, elles sont plus fréquentes après accouchement instrumental (36 %) qu’après accouchement vaginal spontané (25 %) ou césarienne (en urgence 11 %, programmée 17 %) [7]. 64 Chapitre 6. Troubles urinaires, anorectaux et sexuels au cours de la grossesse conception, peu de plaisir avant la conception, peu d’orgasme avant la conception) mais à aucune variable obstétricale (mode d’accouchement, allaitement, sexe de l’enfant, douleur de l’accouchement, présence du conjoint à l’accouchement, déclenchement du travail, etc.). À 24 semaines du post-partum, la qualité de l’orgasme est considérée comme similaire ou supérieure à celle d’avant la grossesse par 83 % des accouchées [9]. Il n’y a pas de différence selon le mode d’accouchement pour la reprise des rapports ou la présence d’un orgasme [9]. Les troubles sexuels du post-partum sont associés à la dépression, à la fatigue et à la douleur périnéale. La prévalence de la dyspareunie en post-partum immédiat est estimée entre 20 et 50 % selon les études et le mode d’accouchement. Le suivi longitudinal montre que la prévalence de la dyspareunie postnatale de novo diminue de moitié en quelques mois. Une déchirure périnéale retarde la reprise des rapports sexuels et est associée à plus de dyspareunie, mais la différence n’est plus significative après 6 mois. Six mois après l’accouchement, le score du PISQ-12, qui mesure la fonction sexuelle de la femme, est similaire chez la femme accouchée par voie vaginale avec ou sans périnée complet et la femme accouchée par césarienne. Cependant, plusieurs années après l’accouchement, la dyspareunie reste plus fréquente chez les femmes qui ont souffert d’un périnée complet. (Haute autorité de santé), les études sur le sujet restent peu nombreuses [12-17]. Les exercices musculaires périnéaux dirigés par un soignant diminuent de 20 % la prévalence de l’incontinence urinaire un an après l’accouchement [18]. Cependant, à six ans de l’accouchement, il n’existe plus de différence avec le groupe contrôle. La rééducation périnéale permet également d’améliorer la ­continence anale en cas de périnée complet. Prévention des troubles urinaires, anorectaux et sexuels de la grossesse Des nombreuses méthodes obstétricales proposées pour prévenir les troubles périnéaux du postpartum, les résultats sont décevants ou limités. L’épisiotomie systématique ne diminue pas la prévalence de l’incontinence urinaire, de l’urgenturie, de l’incontinence anale, de la douleur périnéale ou de la dyspareunie [19-21]. Après le premier accouchement, la prévalence de l’incontinence urinaire est deux fois plus importante chez les femmes accouchées par voie vaginale que chez les femmes accouchées par césarienne. Cependant cette différence est transitoire et tend à disparaître avec le temps et les accouchements suivants. Pour ce qui est de l’incontinence anale ou fécale, il n’existe aucune différence entre l’accouchement par césarienne et la voie vaginale spontanée. La césarienne programmée ne permet pas de réduire le risque d’incontinence urinaire d’effort, d’incontinence fécale, ou de dyspareunie à 2 ans de l’accouchement [22]. Après 50 ans, on ne retrouve pas de différence entre les accouchées par césarienne et les accouchées par voie vaginale pour le risque d’incontinence urinaire ou d’incontinence fécale [23, 24]. Pour l’incontinence anale, seule la césarienne programmée chez la patiente continente ayant un antécédent de rupture sphinctérienne (périnée complet) pourrait, sur un modèle théorique, apporter un bénéfice. Les positions d’accouchement alternatives, le massage périnéal et la poussée retardée n’apportent pas non plus de bénéfice sur les symptômes périnéaux. Une position d’accouchement latérale, assise suspendue ou debout, réduit de 4 minutes la Traitement des troubles urinaires anorectaux et sexuels de la grossesse Nous disposons de peu de résultats spécifiques sur le traitement des troubles périnéaux pendant la grossesse. La rééducation périnéale avec exercices de contraction musculaire est efficace sur l’incontinence urinaire de la grossesse en diminuant de moitié la prévalence de l’incontinence urinaire en fin de grossesse dans le groupe traité [11]. Dans ce travail, la rééducation périnéale consistait en douze séances de 60 minutes reparties une fois par semaine. En post-partum, même si la rééducation périnéale est fréquemment prescrite en cas d’incontinence conformément aux recommandations de l’HAS 65 Manuel pratique d’urogynécologie Tableau 6.1. Résultats des interventions obstétricales ou périnéales sur les symptômes périnéaux du post-partum, études comparatives. Auteur Intervention Issue du post-partum Roberts, 2004 Poussée retardée versus poussée immédiate Incontinence fécale à 3 mois 1,5 (0,9–2,3) Dyspareunie à 3 mois 1,1 (0,6–2,1) Méta-analyse Beckmann, 2006 Fitzpatrick, 2003 RR/OR (IC 95 %) Massage périnéal versus non Incontinence d’urine à 3 mois 0,9 (0,7–1,1) Méta-analyse Incontinence anale à 3 mois 1,1 (0,9–1,4) Dyspareunie à 3 mois 1,0 (0,8–1,1) Forceps versus ventouse Incontinence anale à 3 mois 2,9 (1,4–5,9) Incontinence anale sévère à 3 mois 0,4 (0,2–0,7) Incontinence anale sévère à 12 mois 0,5 (0,2–0,9) Essai randomisé Faltin, 2005 Échographie et examen clinique en cas de déchirure périnéale versus examen clinique seul Essai randomisé Sleep, 1984 Sleep, 1987 Fritel, 2008 Éviter l’épisiotomie versus éviter la déchirure Dyspareunie à 3 mois ns Essai randomisé Dyspareunie à 3 ans 1,2 (0,8–1,7) Incontinence urinaire à 3 mois Épisiotomie systématique versus épisiotomie restrictive Comparaison quasi randomisée ici et là Hay-Smith, 2008 Rééducation périnéale pendant la grossesse versus non ns Incontinence urinaire à 3 ans 1,0 (0,8-1,2) Incontinence urinaire à 4 ans 1,2 (0,8–1,8) Incontinence anale à 4 ans 1,8 (1,1–3,2) Incontinence urinaire à 3–6 mois 0,7 (0,5–0,9) Incontinence urinaire d’effort à 8 ans 0,9 (0,6–1,2) Méta-analyse Agur, 2008 Rééducation périnéale pendant la grossesse versus non Essai randomisé Hay-Smith, 2008 Incontinence urinaire à 12 mois 0,8 (0,7–0.9) Incontinence fécale à 12 mois 0,5 (0,3–0,9) Incontinence urinaire à 6 ans 1,0 (0,9–1,1) Incontinence fécale à 6 ans 0,9 (0,6–1,5) Césarienne systématique versus intention de voie vaginale Incontinence urinaire d’effort à 3 mois 0,6 (0,4–0,9) 0,8 (0,6–1,1) Essai randomisé pour la présentation du siège à terme Incontinence urinaire d’effort à 2 ans Incontinence fécale à 3 mois 0,5 (0,2–1,6) Incontinence fécale à 2 ans 1,1 (0,5–2,6) Rééducation périnéale du post-partum versus non Méta-analyse Glazener, 2005 Rééducation périnéale du post-partum versus non Essai randomisé Hannah, 2002 Hannah, 2004 Nelson, 2006 Voie vaginale versus césarienne Dyspareunie à 3 mois 0,9 (0,7–1,1) Dyspareunie à 2 ans 1,0 (0,7–1,6) Incontinence anale 0,9 (0,7–1,1) Revue systématique (suite) 66 Chapitre 6. Troubles urinaires, anorectaux et sexuels au cours de la grossesse Tableau 6.1. Suite. Auteur Intervention Issue du post-partum Fritel, 2007 Voie vaginale versus césarienne Incontinence fécale Enquête transversale (50–61 ans) Rortveit, 2003 Fritel, 2005 Voie vaginale versus césarienne Incontinence urinaire Enquête transversale (20–64 ans) Voie vaginale versus césarienne Incontinence urinaire d’effort sévère Enquête transversale (50–61 ans) RR/OR (IC 95 %) 1,4 (0,7–3,3) 1,7 (1,3–2,1) 1,1 (0,7–2,0) ns : non significatif ; RR : risque relatif ; OR : odds ratio. durée de l’expulsion (comparée à la position couchée), diminue de 17 % le nombre des épisiotomies et de 20 % les extractions instrumentales, mais l’effet sur les symptômes périnéaux n’est pas connu. Le massage périnéal anténatal diminue de 9 % le risque de suture périnéale et de 16 % le nombre des épisiotomies mais n’a pas d’effet sur les symptômes périnéaux (tableau 6.1). La poussée retardée (au moins deux heures après dilatation complète) diminue de 31 % les interventions à partie moyenne (forceps, ventouse ou rotation manuelle) mais ne modifie pas le risque d’incontinence fécale. La rééducation périnéale prénatale permet de diminuer la prévalence de l’incontinence urinaire en fin de grossesse et en post-partum, cependant à distance de l’accouchement, l’effet préventif n’est plus significatif [25]. La ventouse comporte moins de risque de périnée complet que le forceps mais le risque d’incontinence anale est deux fois plus important quand on utilise un forceps plutôt qu’une ventouse. En revanche, le risque d’incontinence urinaire est similaire avec les deux instruments. Le périnée complet expose à un surrisque d’incontinence anale et fécale qui est retrouvé à distance de l’accouchement. L’échographie du sphincter anal réalisée juste après l’accouchement et avant la suture du périnée permet de détecter les ruptures sphinctériennes susceptibles de se compliquer d’une incontinence anale postnatale. La suture immédiate des déchirures anales obstétricales diagnostiquées par échographie permet de réduire de moitié le risque d’incontinence fécale sévère du post-partum. Cependant, le périnée complet n’explique qu’une très faible part des incontinences fécales (de l’ordre de 5 %), ce qui limite les effets de la prévention obstétricale. Après 40 ans, la prévalence de l’incontinence fécale est similaire chez l’homme et chez la femme. Conclusion Le principal facteur modifiable pour diminuer les séquelles périnéales de l’accouchement est l’accouchement instrumental. Il ne s’agit plus comme le proposait de Lee en 1920 de réaliser systématiquement extraction instrumentale et épisiotomie mais au contraire de s’abstenir en limitant les extractions instrumentales et en employant l’instrument le moins traumatique. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a publié en 2008 ses recommandations sur les mesures à prendre pendant le travail pour réduire le nombre d’extractions instrumentales [26]. L’examen échographique du sphincter anal en cas de déchirure périnéale du deuxième degré permet de ne pas laisser des lésions du sphincter non réparées. Incontinence et grossesse ß La prévalence des symptômes d’incontinence urinaire augmente au cours de la grossesse puis diminue jusqu’au 3e mois du post-partum. ß La rééducation prénatale est efficace pour traiter l’incontinence urinaire apparaissant en cours de grossesse et elle diminue la prévalence des symptômes en post-partum ; en revanche, elle ne semble pas avoir d’effet préventif à long terme. ß La rééducation utilisant des exercices de contraction volontaire du périnée est efficace 67 Manuel pratique d’urogynécologie pour traiter les symptômes périnéaux du postpartum ; toutefois elle n’a pas de rôle préventif à moyen ou long terme et doit donc être réservée aux femmes symptomatiques. [11] ß Les différentes positions d’accouchement et les différents modes d’extraction instrumentale (ventouse, forceps) ne semblent pas avoir d’effet sur la prévalence des symptômes urinaires après l’accouchement. [12] [13] [14] ß La césarienne programmée s’accompagne d’une moindre prévalence de symptômes d’incontinence urinaire à 3 mois du post-partum mais cet effet protecteur ne persiste pas à long terme. [15] [16] Références [1] Viktrup L. The risk of lower urinary tract symptoms five years after the first delivery. Neurourol Urodyn 2002 ; 21 : 2-29. [2] Wijma J, Weis Potters AE, Tinga DJ, Aarnoudse JG. The diagnostic strength of the 24-h pad test for selfreported symptoms of urinary incontinence in pregnancy and after childbirth. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2008 ; 19 : 525-30. [3] Van Brummen HJ, Bruinse HW, van de Pol G, Heintz APM, van der Vaart CH. What is the effect of overactive bladder symptoms on woman’s quality of life during and after first pregnacy? BJU Int 2006 ; 97 : 296-300. [4] Stanton SL, Kerr-Wilson R, Grant Harris V. The incidence of urological symptoms in normal pregnancy. BJOG 1980 ; 87 : 897-900. 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The long-term effectiveness of antenatal pelvic floor muscle training : eight-year follow up of a 69 C Troubles fonctionnels urinaires de la femme : dysurie, pollakiurie, nycturie hapitre 7 Gérard Amarenco, Xavier Deffieux La définition des troubles fonctionnels urinaires de la femme répond à la traduction française de la terminologie adoptée par l’International continence society (ICS) en 2002. Cette validation linguistique a été réalisée au nom de l’Association française d’urologie (AFU) et de la Société internationale francophone d’urodynamique et de pelvipérinéologie (SIFUD-PP) [1]. Les symptômes du bas appareil urinaire sont définis à partir de l’interrogatoire des patientes et de questionnaires plus ou moins standardisés et validés (ICIQ-SF, UDI, IIQ, MHU…). Les symptômes peuvent être classés en trois catégories : phase de remplissage, miction, post-miction. Les symptômes de la phase de remplissage sont la pollakiurie diurne, la nycturie et les urgenturies. Ces symptômes peuvent entrer dans le cadre d’un syndrome d’hyperactivité vésicale. lité des mictions nocturnes à partir du moment où le patient se couche mais sans tenir compte de la notion de réveil. La seule façon d’objectiver une pollakiurie et de la différencier d’une polyurie (augmentation de la diurèse quotidienne) est de demander à la patiente de réaliser un calendrier mictionnel (également appelé catalogue mictionnel). Sa réalisation est d’ailleurs recommandée en première intention par le CNGOF devant tout symptôme de pollakiurie, nycturie ou urgenturies chez la femme, avant d’envisager des explorations ou un traitement [2]. Un calendrier mictionnel est donné en exemple figure 7.1 ; il s’agit d’un recueil des horaires des mictions jour et nuit sur une période d’au moins 24 heures. La mesure de la diurèse des 24 heures est définie par le recueil urinaire sur 24 heures, habituellement commencé après la première miction matinale et s’achevant en incluant la première miction du matin suivant. Une polyurie est définie par une diurèse des 24 heures dépassant 2,8 litres chez l’adulte. Pollakiurie, nycturie, urgenturies et syndrome d’hyperactivité vésicale Urgenturies Pollakiurie et nycturie L’urgenturie (urgence mictionnelle) est le désir soudain (envie soudaine), impérieux et fréquemment irrépressible d’uriner (besoin difficile ou impossible de différer). C’est un besoin qui est anormal par sa brutalité et son intensité. Il ne s’accompagne souvent que d’une quantité urinée modérée voire faible. Il est différent de la progression normale du besoin qui passe d’une sensation de vessie remplie à une sensation d’envie d’uriner par vessie pleine. À l’opposé de l’urgenturie, le Ce sont les symptômes ressentis pendant la phase de remplissage de la vessie sans distinction entre le jour et la nuit. Pollakiurie diurne : augmentation de la fréquence mictionnelle pendant la journée. Nycturie : besoin d’uriner réveillant le patient. La nycturie doit être différenciée de la « fréquence mictionnelle nocturne » qui correspond à la tota- 71 Manuel pratique d’urogynécologie Heure Volume mictionnel 06 : 50 130 ml 07 : 45 50 ml 09 : 15 60 ml 11 : 30 Événement (fuite, urgenturie...) 80 ml 12 : 15 40 ml 13 : 50 13 : 50 Fuite urinaire sur urgenturie 80 ml Figure 7.1. Exemple de calendrier mictionnel. ensemble de désordres similaires au niveau de l’urothélium, des nerfs et du muscle lisse du détrusor. Ces désordres s’inscrivent pour partie dans le cadre d’une neuroplasticité orchestrée par les facteurs de croissance nerveuse. Les termes de « vessie instable » ou d’« instabilité vésicale » ne doivent plus être utilisés. Il faut différencier la nycturie et les fuites urinaires lors des levers nocturnes d’une énurésie nocturne qui est une miction involontaire survenant pendant le sommeil. besoin physiologique normal est le signe annonciateur d’une miction qu’il est possible de différer un certain temps pour satisfaire aux commodités sociales et contraintes d’environnement. Le terme d’« impériosité » ne doit plus être utilisé. Syndrome clinique d’hyperactivité vésicale (overactive bladder syndrome) Le syndrome d’hyperactivité vésicale (également appelé « syndrome urgenturie-pollakiurie ») est défini par la survenue d’urgenturies avec ou sans incontinence urinaire, habituellement associées à une pollakiurie ou une nycturie. Ce syndrome est évocateur d’une hyperactivité détrusorienne mise en évidence par un examen urodynamique, mais non spécifique car ­pouvant également être due à d’autres types de dysfonctionnement du bas appareil urinaire. Par ailleurs, le terme de syndrome clinique d’hyper­activité vésicale suppose qu’il n’y ait pas d’infection urinaire ou une pathologie locale organique évidente (tumeur…). L’hyperactivité vésicale est définie comme un trouble associant une urgenturie avec ou sans incontinence et fréquemment associée à une pollakiurie et à une nycturie. Un ensemble d’observations récentes permet en effet désormais d’établir que l’hyperactivité vésicale correspond d’abord à une anomalie du traitement sensoriel régulant la continence. Les différents cadres étiopathogéniques chez l’homme partagent un Stratégie diagnostique et thérapeutique devant un syndrome d’hyperactivité vésicale Après avoir éliminé une polyurie et une infection, il faudra en premier lieu rechercher une cause à ces symptômes d’hyperactivité vésicale : une pathologie neurologique, un obstacle urologique (fonctionnel ou organique) ou une cause locale (polype vésical, tumeur pelvienne). La première étape sera bien évidemment clinique : examen neurologique du périnée et des membres inférieurs à la recherche d’un syndrome pyramidal ou d’un déficit sensitivomoteur, examen du méat urétral et du trajet urétral, recherche d’un prolapsus génital, examen sous spéculum, touchers pelviens, palpation abdominale. Ensuite, une échographie pelvienne et vésicale sera prescrite pour éliminer une cause tumorale (bénigne ou maligne) utéro-annexielle 72 Chapitre 7. Troubles fonctionnels urinaires de la femme Urgenturies Nycturie Pollakiurie Fuites sur urgenturies ECBU (pas d’infection) Calendrier mictionnel (pas de polyurie) Diagnostic Syndrome d’hyperactivité vésicale Suspicion de pathologie neurologique centrale Examen clinique Neurologique Spéculum Touchers pelviens Pathologie organique vésicale ou utéro-annexielle IRM médullaire et cérébrale Échographie pelvienne (pas d’anomalie utéro-annexielle) Échographie vésicale (pas de polype et pas de résidu) Syndrome d’hyperactivité vésicale « idiopathique » Traitement Anticholinergiques et/ou Thérapie comportementale Électrostimulation périnéale Renforcement musculaire périnéal Succès Echec Bilan urodynamique Cystoscopie Figure 7.2. Démarche diagnostique devant des symptômes d’hyperactivité vésicale. et vésicale. L’échographie permettra également de dépister un résidu post-mictionnel. La figure 7.2 expose la démarche diagnostique. Une fois ces causes éliminées, un traitement de première ligne peut être prescrit : anticholinergique et/ou rééducation (thérapie comportementale, électrostimulation, renforcement musculaire). En cas de pollakiurie ou d’urgenturies « symptômes » d’une pathologie (infection, polype, obsta- cle…), le traitement sera celui de la cause. En cas de syndrome d’hyperactivité vésicale idiopathique, le traitement débutera par des anticholinergiques éventuellement associés à une réduction pondérale si un surpoids est constaté. La stratégie thérapeutique précise est détaillée au chapitre 11 de cet ouvrage. Une thérapie comportementale peut être proposée ; son mécanisme d’action reste discuté : meilleure 73 Manuel pratique d’urogynécologie les résultats de la débitmétrie : certaines femmes décrivent un jet faible et un résidu post-mictionnel alors que la ­débitmétrie montrera une courbe mictionnelle normale avec un débit ­maximal conservé et une absence de résidu post-mictionnel. inhibition corticale sur les contactions anarchiques du détrusor, facilitation corticale sur l’augmentation de la pression de clôture urétrale et une meilleure modulation de l’information afférente, augmentation de la « réserve » du bas système urinaire par une meilleure « conscientisation ». Cette thérapie comportementale est plus efficace que l’absence de traitement et il ne semble pas y avoir de différence d’efficacité entre la thérapie comportementale et les anticholinergiques [3]. L’électro­stimulation est plus efficace que l’absence de traitement mais son efficacité n’est pas statistiquement supérieure à celle de la rééducation par renforcement musculaire et à celle des anticholinergiques [4]. Étiologies selon le mode d’installation Chez la femme jeune, l’existence d’une dysurie doit toujours faire éliminer une cause neurologique. L’interrogatoire et l’examen clinique restent les éléments principaux du diagnostic et permettent d’orienter les éventuels examens complémentaires. La démarche diagnostique et les principales étio­ logies sont synthétisées sur les figures 7.3 et 7.4. Dysurie (symptômes pouvant Dysuries d’apparition brutale témoigner d’une anomalie de la vidange) Hormis les dysuries postopératoires (après mise en place d’une bandelette sous-urétrale par exemple), le caractère brutal de la symptomatologie est un argument majeur contre une étiologie « mécanique » telle une sténose urétrale ou une compression extrinsèque statique (tumeur pelvienne) ou dynamique (prolapsus type cystocèle stade 2 ou plus avec effet pelote ou rectocèle de stade 2 ou plus). Toutefois, cela peut se voir en cours de grossesse ou une rétroversion importante peut entraîner une rétention aiguë d’urine. L’apparition brutale doit en priorité faire évoquer soit une étiologie infectieuse, iatrogène (prise de parasympathycolytiques tels les anticholinergiques ou les morphiniques), psychogène (abus sexuel, divorce, deuil), un fécalome (chez la personne âgée essentiellement), soit bien évidemment une cause neurologique. Dans ce cadre, l’interrogatoire doit essayer de mettre en évidence d’autres anomalies permettant de suggérer une atteinte de type périphérique ou radiculo-médullaire basse, voire plexique sacré. En effet, les dysuries d’origine encéphalique sont exceptionnelles et en règle s’installent dans un tableau neurologique bruyant et évident (accident vasculaire du tronc cérébral ou frontal par exemple). La perte (ou la diminution) simultanée de la sensation du besoin d’uriner ou de la perception du passage urétral des urines oriente d’emblée vers une cause neurologique, qui plus est périphérique pure. L’association à des troubles anorectaux (diminution de la perception du besoin de défécation, diminution de la perception du passage des Symptômes de la phase mictionnelle Les différents symptômes reliés à la phase mictionnelle et post-mictionnelle sont : • faiblesse du jet : perception par le patient d’une diminution de la force du jet urinaire pendant la miction ; • jet en arrosoir ; • jet haché : miction interrompue à une ou plusieurs reprises ; • jet hésitant : retard à l’initiation de la miction ; • miction par poussée : jet urinaire obtenu avec une poussée abdominale concomitante ; • gouttes terminales, miction traînante : achèvement progressif et lent de la miction ; • sensation de vidange vésicale incomplète : impression subjective que la vessie ne s’est pas totalement vidée après la miction ; • gouttes retardatrices : perte involontaire d’urine survenant immédiatement après la miction (en se levant des toilettes). Ces différents symptômes peuvent être objectivés par la débitmétrie (débit maximal, durée de la miction, aspect de la courbe mictionnelle, résidu post-mictionnel) mais il n’existe toutefois pas de corrélation stricte entre les symptômes rapportés et 74 Chapitre 7. Troubles fonctionnels urinaires de la femme Symptômes de dysurie Installation brutale Herpès, fécalome Pathologie neurologique Cause psychologique Postopératoire Installation progressive Prolapsus génital Neuropathie périphérique Sténose urétrale Tumeur pelvienne Interrogatoire Ancienneté de troubles ? Antécédents de chirurgie pelvienne ? Examen clinique Prolapsus génital ? Examen périnée, vaginal et calibre urétral Examen neurologique Débimétrie avec mesure pression détrusorienne permictionelle + EMG sphincter urétral ou muscles périnéaux Hypocontractilité détrusorienne = Suspicion de pathologie neurologique périphérique IRM médullaire et cérébrale +/- cône terminal Sténose urétrale Urétrocystoscopie Signes de lutte Retentissement sur le haut appareil Tumeur pelvienne Dyssynergie vésicosphinctérienne = Suspicion de pathologie neurologique centrale Échographie vésicale et rénale Échographie pelvienne +/IRM pelvienne Figure 7.3. Démarche diagnostique devant des symptômes de dysurie. selles dans le canal anal, diminution des possibilités de discrimination du contenu endorectal, dyschésie, voire incontinence anale) est évocatrice d’une atteinte neurologique en raison de la contiguïté (ou du partage) des centres intégrateurs et de contrôle urinaires et anorectaux. La survenue simultanée de troubles sensitifs périnéaux (hypoesthésie périnéale, paresthésies, dysesthésie en selle) ou moteurs (difficulté à fractionner volontairement les selles ou à couper le jet) est très en faveur d’une étiologie neurologique avec atteinte du système nerveux périphérique. Pareillement, l’apparition d’une éruption périnéale éventuellement associée à un syndrome infectieux peut faire évoquer une méningoradiculite herpétique (zona périnéal), mais ne résume pas les étiologies infectieuses (maladie de Lyme où la recherche d’antécédent de contage, cutanés et articulaires est indispensable, méningoradiculite d’autres origines). L’apparition brutale chez une femme jeune d’une dysurie doit aussi toujours faire évoquer la possibilité d’une lésion focale médullaire située dans le cône terminal, par exemple par saignement d’une malformation artérioveineuse. Le diagnostic différentiel est bien évidemment une plaque de démyélinisation focale dans le cadre d’une sclérose en plaques, mais l’on exigera pour le diagnostic de celle-ci une ­dissémination non seulement ­temporelle mais aussi spatiale. Il faut bien souligner que pour toutes ces causes 75 Manuel pratique d’urogynécologie ÉTIOLOGIES SELON LE MÉCANISME PHYSIOPATHOLOGIQUE Trouble de la contractilité détrusorienne Vessie dénervée après chirurgie radicale pelvienne Pathologie neurologique périphérique Obstacle organique Prolapsus génital (stade 2 ou plus) Tumeur pelvienne Sténose urétrale Obstacle fonctionnel (dyssynergie vésico-sphinctrienne) Pathologie neurologique centrale Diabète Médicaments ÉTIOLOGIES SELON LE MODE D’INSTALLATION Installation brutale Herpès, zona Fécalome Choc psychologique Lésion focale médullaire du cône terminal Lésion neurologique centrale Obstacle post-opératoire (bandelette sous urétrale) Dénervation post-opératoire (chirurgie radicale pelvienne) Installation progressive Prolapsus génital (stade 2 ou plus) Sténose urétrale Tumeur pelvienne Neuropathie périphérique (diabète…) Compression médullaire lente Syndrome extrapyramidal Figure 7.4. Principales causes de dysurie. ­neurologiques, la dysurie peut être (et éventuellement rester) éventuellement le seul symptôme, d’où l’importance de cet interrogatoire. bien évidemment faire évoquer une hernie discale, dont l’association à une dysurie n’est pas forcément la traduction d’un syndrome de la queue-de-cheval (atteinte multiradiculaire) dont l’urgence est extrême et le pronostic pas toujours favorable. La dysurie réactionnelle à l’alitement, aux antalgiques, à la douleur au cours d’une sciatique n’est en effet pas spécifique du syndrome de la queue-de-cheval qui sera alors confirmé par l’examen clinique. Chez une femme moins jeune avec des facteurs de risque vasculaire (hyperlipidémie, hypertension), l’apparition brutale d’une dysurie doit toujours faire évoquer la possibilité d’un accident vasculaire ischémique médullaire, très exceptionnel chez l’adulte jeune (entrant alors dans le cadre d’une maladie systémique comme une panartérite noueuse). Le caractère très brutal de la dysurie, voire de la rétention, doit aussi faire évoquer la possibilité d’une atteinte méningée (méningite aiguë) où la dysurie est une inhibition réflexe de la contraction vésicale, exceptionnellement une poliomyélite en pays d’endémie, et enfin peut être un mode d’entrée d’un tableau neurologique plus diffus telle une polyradiculonévrite aiguë (comme le syndrome de Guillain-Barré). Ailleurs, le caractère brutal est un peu moins net avec installation des troubles en quelques jours. La notion de lombalgies, d’irradiation sciatique doit 76 Chapitre 7. Troubles fonctionnels urinaires de la femme La dyssynergie vésicosphinctérienne striée caractérise les lésions médullaires sous-protubérantielles. Ces lésions peuvent avoir une origine médicale (tumorale, vasculaire, infectieuse, compressive et congénitale), ou traumatique (accident de la voie publique, complication de la chirurgie rachidienne). Les complications urologiques de la dyssynergie vésicosphinctérienne (vessie de lutte, reflux, pyélonéphrite) et insuffisance rénale chronique ne sont plus la première cause de mortalité après lésion médullaire. Parfois un lichen scléro-atrophique peut conduire à une symphyse vulvaire gênant progressivement la miction. Les prolapsus génitaux peuvent constituer un obstacle dès lors qu’ils sont extériorisés (stade 2 ou plus). Une calibration de l’urètre grâce à des bougies permettra de dépister une sténose du méat. L’examen sous spéculum et les touchers pelviens rechercheront une masse utéro-annexielle. L’examen neurologique est bien indispensable, mais il doit être orienté en fonction des données de l’interrogatoire. Il n’est pas nécessaire de faire un examen exhaustif en cas d’étiologie évidente (éruption vésiculeuse vulvaire herpétique, prise de morphiniques…). L’examen neuropérinéal comprendra la recherche d’une hypoesthésie périnéale et d’une hypotonie anale, deux signes fortement évocateurs d’une atteinte neurogène par lésion à un point quelconque du réflexe sacré, qu’il s’agisse d’une atteinte radiculaire, médullaire (cône terminal), plexique, voire du nerf périphérique. L’examen neurologique général sera dicté par l’interrogatoire. Dysuries d’apparition progressive L’apparition acquise progressive d’une dysurie à l’âge adulte doit d’abord faire évoquer la possibilité d’un obstacle mécanique : sténose urétrale (antécédents d’infections urinaires à répétition, dilatation antérieures) ; notion d’un prolapsus faisant effet pelote (sensation de pesanteur, d’extériorisation d’une « boule » vaginale, de nécessité de réintroduire manuellement le prolapsus pour uriner). Le caractère très progressif peut aussi suggérer une neuropathie périphérique. Il faudra alors rechercher des facteurs de risque tels qu’un diabète, une intoxication alcoolique, la prise de médications neurotoxiques. L’existence concomitante de paresthésies des membres inférieurs, de troubles proprioceptifs, de troubles de l’équilibre et d’une dysautonimie (hypotension orthostatique, hyper- ou hyposudation, gastroparésie…) est alors assez évocatrice. Chez la femme âgée, l’apparition d’une dysurie doit aussi faire rechercher à l’interrogatoire des signes en faveur d’un syndrome extrapyramidal (tremblement, micrographie, ralentissement idéo-moteur), mais aussi d’une compression médullaire lente telle une myélopathie cervicarthrosique (recherche de douleurs cervicales, de névralgies cervicobrachiales) ou un canal lombaire étroit (claudication intermittente à la marche non douloureuse). Examens complémentaires devant une dysurie Une débitmètrie est indispensable afin d’objectiver les troubles rapportés par la patiente (cf. chapitre 3). Une échographie pelvienne ± complétée d’une IRM pelvienne sera demandée en cas de suspicion de masse pelvienne ou vaginale. L’IRM est particulièrement contributive pour explorer les tumeurs vaginales (kyste sous-urétral, diverticule, fibrome…). Traitement d’une dysurie Le traitement dépendra de la cause retrouvée. Globalement, hormis les cas de tumeur pelvienne ou périnéale qui nécessiteront une exérèse pour examen anatomopathologique, il n’y a pas de traitement obligatoire de la cause dès lors que la gêne est modérée et qu’il n’y a pas de complication c’està-dire pas de résidu post-mictionnel important, pas de signes de lutte, pas d’infection urinaire à répétition. Ainsi, dans les cas de dysurie après pose de bandelette sous-urétrale, dans la plupart des cas, on se contentera d’expliquer les symptômes à la patiente en lui expliquant que la seule solution pour faire disparaître ses symptômes de dysurie Apport de l’examen clinique pour le diagnostic d’une dysurie Un examen clinique urogynécologique permettra parfois de mettre en évidence des facteurs de dys­ urie. L’examen vulvaire et vaginal recherchera une anomalie du méat urétral et du trajet de l’urètre. De multiples tuméfactions pelviennes (bénignes ou malignes) peuvent entraîner un obstacle. 77 Manuel pratique d’urogynécologie serait soit de réaliser des autosondages, soit de sectionner la bandelette, ce qui exposerait à un risque important de récidive de l’incontinence urinaire à l’effort. La patiente sera toutefois suivie les années suivantes afin de vérifier l’absence d’apparition des complications sus-citées. Dans les cas de dysurie par dénervation après chirurgie radicale pelvienne, les autosondages sont le traitement de choix pour éviter les complications infectieuses et les effets délétères des efforts de poussée chroniques [5]. Les parasympathomimétiques et les prokinétiques n’ont pas été correctement évalués dans cette indication de dénervation pelvienne. La neuromodulaion peut être essayée mais là encore, aucun essai randomisé n’a prouvé son efficacité dans ce cas précis. Dans les pathologies neurologiques, la dysurie s’accompagne fréquemment d’un résidu important et de complications (vessie de lutte avec diverticules et parfois reflux), infections urinaires à répétition. Dans ce cas, le traitement de référence est la réalisation d’autosondages propres (non stériles) dont l’apprentissage est maintenant facilité par l’expertise des infirmières qui en sont chargées et les nombreux documents d’information tant imprimés que sur support vidéo. un cadre hétérogène qui regroupe sans doute plusieurs maladies. Une cystalgie désigne une douleur ressentie dans la région pré- ou rétropubienne, augmentant habituellement au fur et à mesure du remplissage vésical et pouvant persister après la miction (ce terme ne préjuge pas de l’étiologie de la douleur : infection, tumeur idiopathique…). Le syndrome de vessie douloureuse est caractérisé par des douleurs sus-pubiennes majorées lors du remplissage vésical, associées à une pollakiurie diurne ou nocturne en l’absence d’infection urinaire ou de pathologie tissulaire vésicale. Cystite interstitielle (intertitial cystitis) Il s’agit d’un syndrome de la vessie douloureuse avec des caractéristiques typiques cystoscopiques (glomérulations et/ou ulcère de Hunner) et/ou histologiques (infiltration par des cellules inflammatoires mononucléaires incluant les cellules mastocytaires et un tissu de granulation). Les schémas physiopathologiques évoqués font intervenir des éléments déclenchants, souvent infectieux, une altération des barrières épithéliales avec augmentation de la perméabilité, des réactions inflammatoires locales, des modifications centrales avec des phénomènes d’hypersensibilisation, des troubles de l’intégration du besoin d’uriner. La terminologie la plus récente parle de syndrome de douleur vésicale (bladder pain syndrome) [6] terme plus générique et plus consensuel : douleur, pression ou inconfort pelvien perçu comme étant en relation avec la vessie et accompagné d’une urgence persistante (persistent urge) et/ou d’une pollakiurie avec ou sans anomalie cystoscopique et/ou biopsique (dans lequel s’intègre la cystite interstitielle). Une fois éliminé toute pathologie infectieuse, l’examen clinique doit éliminer les autres causes lésionnelles de cystalgie, les troubles de la statique pelvienne, rechercher des tensions musculaires souvent associées et apprécier la sensibilité de l’urètre ou de la région vésicale témoin de l’« hyperpathie » locorégionale. Un catalogue mictionnel appréciera la diurèse, les volumes urinés à chaque miction et leur régularité, la fréquence des mictions et leur régularité de jour et de nuit. La Douleurs vésicales La sensation de douleur doit être caractérisée : localisation, quantification (par échelle visuelle analogique), fréquence de survenue, durée, localisation, facteurs favorisants. L’interrogatoire devra différencier une cystalgie (douleur pré- ou rétropubienne, augmentant au fur et à mesure du remplissage vésical et pouvant persister après la miction), d’une urétralgie (douleur ressentie dans l’urètre), d’une douleur périnéale ou vaginale. Le terme de cystalgie doit être préféré au terme de « cystite interstitielle » qui correspond à une entité pathologique définie de manière plus précise selon un ensemble de critères diagnostiques. Cystalgies et syndrome douloureux vésical (painful bladder syndrome) Le démembrement clinique et physiopathologique des douleurs vésicales reste très discuté avec 78 Chapitre 7. Troubles fonctionnels urinaires de la femme cystoscopie ne retrouve un ulcère de Hunner (spécifique) que dans 5 à 10 % des cas mais elle permet de classer les patientes (vessie normale, ulcère de Hunner, glomérulations). Les biopsies vésicales sont normales dans 30 à 40 % des cas. Lors de l’exploration urodynamique, la présence d’un premier besoin à plus de 150 mL et d’une capacité vésicale fonctionnelle (cystomanométrique) de plus de 350 cc va contre le diagnostic, on retrouve une hyperactivité détrusorienne associée dans 10 à 20 % des cas. La prise en charge thérapeutique [7] reste assez empirique et peut faire appel à une restriction alimentaire, une hydrodistension prolongée, à des traitements oraux spécifiques et plus ou moins validés (pentosan polysulfate sulfate [Elmiron], antihistaminiques, antiulcéreux, ciclosporine, corticoïdes), aux traitements de la douleur neuropathique (antidépresseurs, gabapentine), aux instillations intravésicales (DMSO, héparine, BCG, hyaluronate de sodium [Cystistat]). D’autres traitements, plus lourds, sont parfois proposés comme la neuromodulation sacrée, les injections intradétrusoriennes de toxine botulique, la chirurgie avec cystectomie sustrigonale et entérocystoplastie dans les formes évoluées et invalidantes [8]. ß Syndrome d’hyperactivité vésicale : urgenturies avec ou sans incontinence urinaire, habituellement associées à une pollakiurie ou une nycturie. ß Dysurie : symptômes d’une altération de la phase mictionnelle et post-mictionnelle (faiblesse du jet, miction par poussée : sensation de vidange vésicale incomplète…). Références [1] Haab F, Amarenco G, Coloby P, Grise P, Jacquetin B, Labat JJ et al. Terminology of lower urinary tract dysfunction : French adaptation of the terminology of the International Continence Society. Prog Urol 2004 ; 14 : 1103-11. [2] Fritel X, Fauconnier A, Bader G, Cosson M, Debodinance P, Deffieux X et al. Diagnosis and management of adult female stress urinary incontinence : guidelines for clinical practice from the French College of Gynaecologists and Obstetricians. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2010 ; 151 : 14-9. [3] Mattiasson A, Blaakaer J, Høye K, Wein A. Tolterodine Scandinavian Study Group. Simplified bladder training augments the effectiveness of tolterodine in patients with an overactive bladder. BJU Int 2003 ; 91 : 54-60. [4] Millard R, Asia Pacific Tolterodine Study Group. Clinical efficacy of tolterodine with or without a simplified pelvic floor exercise regimen. Neurourol Urodyn 2004 ; 23 : 48-53. [5] Deffieux X, Raibaut P, Hubeaux K, Ismael SS, Amarenco G. [Voiding dysfunction after surgical resection of deeply infiltrating endometriosis : pathophysiology and management]. Gynecol Obstet Fertil 2007 ; 35 (Suppl 1) : S8-13. [6] van de Merwe JP, Nordling J, Bouchelouche P, Bouchelouche K, Cervigni M, Daha LK et al. Diagnostic Criteria, Classification, and Nomenclature for Painful Bladder Syndrome/Interstitial Cystitis : An ESSIC Proposal. Eur Urol 2008 ; 53 (1) : 60-7. Troubles fonctionnels urinaires de la femme ß Pollakiurie diurne : augmentation de la fréquence mictionnelle pendant la journée. ß Polyurie : augmentation de la diurèse quotidienne. ß Importance du calendrier mictionnel pour différencier polyurie et pollakiurie. ß Nycturie : besoin d’uriner réveillant la patiente. [7] Mouracade P, Saussine C. La cystite interstitielle en 2008. Prog Urol 2008 ; 18 : 418-25. ß Urgenturie : désir soudain, impérieux et fréquemment irrépressible d’uriner (besoin difficile ou impossible de différer). C’est un besoin qui est anormal par sa brutalité et son intensité. [8] Gamé X, Bart S, Castel-Lacanal E, De Sèze M, Karsenty G, Labat JJ et al. [Alternative treatments for interstitial cystitis]. Prog Urol 2009 ; 19 : 357-63. 79 Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement Chapitre 8 Laurent Siproudhis Les troubles de la continence et de la défécation sont des symptômes assez fréquemment rapportés chez les femmes qui consultent en proctologie et dans les unités de soins spécialisés [1, 2]. En revanche, les données épidémiologiques françaises sont peu nombreuses et l’analyse des filières de prise en charge imprécise [3]. Par ailleurs, il est rarement fait état des associations symptomatiques parce que le thérapeute considère, à tort ou à raison, que les malades ont habituellement un seul type de plainte qui motive l’avis médical ou chirurgical. Finalement, les plaintes fonctionnelles anorectales sont souvent sous-estimées par la réticence qu’ont les personnes malades à évoquer des symptômes jugés dégradants et les thérapeutes à rechercher un handicap dont ils ont des difficultés à assurer la prise en charge. Une enquête française [4] par questionnaire auto-administré (31 items) adressé par voie postale s’est attachée à préciser les principaux symptômes anorectaux survenus dans l’année qui a précédé l’envoi du questionnaire : dans une population de 10 000 personnes, les troubles fonctionnels anorectaux concernaient plus d’une personne sur quatre (troubles de la continence chez 16 % des personnes interrogées et troubles de l’évacuation chez 22 % d’entre elles). Les troubles de l’évacuation rectale sont présents chez au moins deux tiers des incontinents fécaux. Pour autant, la demande de soins et de prise en charge médicale reste faible : 58 % des personnes ayant un trouble fonctionnel proctologique n’ont jamais consulté pour ce motif, tout particulièrement ceux qui souffrent d’incontinence (67 %). Dans la moitié des cas, il n’a été proposé aucune exploration complémentaire à ceux qui ont consulté : les examens d’explora- tions fonctionnelles (défécographie, échographie et manométrie) ne sont réalisés que dans 0,3 à 3,6 % des cas. Au total, les troubles de la continence et de la défécation sont souvent associés chez un malade donné. Bien qu’il s’agisse de symptômes fréquemment rapportés dans les enquêtes de population, le recours à la chirurgie est une option thérapeutique marginale. Les chirurgiens et les cliniciens doivent focaliser leur intervention thérapeutique non tant sur la correction anatomique que sur l’amélioration d’un symptôme. Le niveau d’amélioration symptomatique est un objectif plus rationnel que celui de la guérison dans les domaines de prise en charge de l’incontinence ou de la constipation. Dans ce chapitre, nous aborderons uniquement les troubles le plus fréquemment source de consultation chez la femme adulte : la constipation, la dyschésie et les troubles de la continence anale. Les pathologies anorectales d’origine neurologique et celles spécifiques aux enfants ne seront pas abordées. Définitions : transit normal, défécation, constipation et dyschésie Un transit et une défécation normale se décomposent en plusieurs étapes. Tout d’abord, la motricité colique entraîne une accumulation des matières dans le sigmoïde (ceci sans perception viscérale de remplissage). Puis le sigmoïde se vidange avec 81 Manuel pratique d’urogynécologie p­ rogression des selles du sigmoïde vers le rectum, ce qui déclenche un réflexe rectoanal inhibiteur avec réduction du tonus du sphincter lisse et strié de l’anus et perception du besoin grâce à la zone cutanée malpighienne du canal anal. La dernière étape correspond à la défécation qui se fait par contraction musculaire du levator ani et des muscles de la ceinture abdominale. De façon réflexe et concomitante, un relâchement des sphincters anaux est observé. Un transit normal est défini par l’émission de selles moulées brunâtres (pigments biliaires), composées de 75 % d’eau et de résidus alimentaires non digestibles (fibres, cellulose, acides gras), une à trois fois par jour, avec un poids total des selles de 150 à 200 g par jour. La constipation est définie par un ralentissement du transit, fréquemment associé à une déshydratation des selles. La femme qui consulte se plaindra de défécations rares (moins de 3 par semaine). S’il est mesuré, le poids moyen de selles sera inférieur à 35 g par jour. Toutefois, les récentes recommandations françaises pour la pratique clinique donnent une définition moins précise : « La constipation est un désordre digestif complexe qui correspond à une insatisfaction lors de la défécation, due soit à des selles peu fréquentes, soit à une difficulté pour exonérer, soit les deux. Sa définition est imprécise car elle repose sur une association symptomatique et la perception subjective des malades » [5]. La constipation doit être différenciée d’une occlusion qui se définit par une interruption totale du transit intestinal se manifestant par l’association de trois symptômes : douleurs abdominales, vomissements et arrêt des matières et des gaz. Une constipation doit également être différenciée d’une dyschésie qui rassemble des symptômes de difficulté d’exonération des selles sans ralentissement du transit. L’absence de besoin exonératoire traduit assez souvent un trouble de la progression colique alors que dans la dyschésie, le besoin défécatoire existe mais c’est l’exonération qui est difficile. Toutefois, constipation et dyschésie sont fréquemment associées. Une constipation est chronique quand elle dure depuis plus de 3 mois. Quand le trouble prend un caractère chronique, il peut évoluer vers une alternance diarrhée-constipation plus ou moins associée à des douleurs abdominales dans le cadre d’une colopathie fonctionnelle. Dans ce cas, le trouble responsable initial est la constipation, qu’il faut traiter. Constipation Physiopathologie et étiologies Deux mécanismes peuvent être associés : une inhibition de la motricité et un trouble de l’évacuation au niveau du sigmoïde ou anorectal. Sur un plan étiologique, la constipation peut être isolée et primitive (constipation maladie), mais elle peut aussi n’être qu’un symptôme secondaire à une prise médicamenteuse (fer, anticholinergiques…) ou une affection digestive ou systémique. En fait, il existe souvent une coexistence de plusieurs causes avec des facteurs favorisants (cachexie, alitement, grossesse). Facteurs fonctionnels favorisants la constipation Une erreur diététique (régime pauvre en résidus) est souvent mise en évidence, associée à un défaut d’activité physique. Une insuffisance d’hydratation des selles ou un trouble acquis de la fonction de défécation peuvent également être en cause : intégration anormale de la fonction de défécation par contrainte hygiénique, professionnelle ou éducative, avec élévation progressive du seuil de sensibilité rectale par augmentation de la compliance du réservoir rectal. Médicaments favorisant la constipation Parmi les médicaments connus pour favoriser une constipation on retrouve les opiacés, les anticholinergiques, les neuroleptiques, certains antidépresseurs et antiacides, le fer, les diurétiques. Causes organiques digestives Certaines pathologies digestives peuvent être mises en évidence lors d’un bilan étiologique pour constipation : fissure anale, hémorroïdes compliquées, cancer du côlon (faisant obstacle), diverticulose sigmoïdienne, sténose sur maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique, carcinose péritonéale. Une constipation peut également 82 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement s’intégrer dans des pathologies digestives soit par perte du réflexe gastrocolique (au cours de l’anorexie prolongée), soit du fait d’un trouble de la motricité du côlon comme le mégacôlon congénital ou maladie de Hirschsprung consécutive à l’absence de cellules ganglionnaires dans les plexus nerveux du rectum et du sigmoïde avec perte du reflex rectoanal inhibiteur. mentaires (consommation insuffisante en fibres c’est-à-dire en céréales, fruits, légumes), la sédentarité (absence d’activité physique) et les impératifs professionnels qui peuvent parfois rendre difficiles les exonérations (déplacements, problèmes de propreté ou d’intimité aux toilettes). Cet interrogatoire clinique nécessite une mise en confiance de la patiente car il peut être vécu comme très intrusif sur le plan de l’intimité. Il doit par ailleurs s’enquérir d’éventuels symptômes urinaires et génitosexuels (cf. chapitres 7 et 10). Pathologies endocriniennes et systémiques L’hypothyroïdie, le diabète avec neuropathie, la maladie de Parkinson et les tumeurs du tronc cérébral sont les principales causes à évoquer. Les désordres métaboliques type hypokaliémie (d’origine organique ou par prise de laxatifs irritants) et hypercalcémie sont classiques mais rares. Examen clinique d’une patiente présentant une constipation L’examen clinique comprendra la recherche d’un météorisme, une auscultation avec recherche de bruits hydroaériques, une palpation abdominale à la recherche d’une masse tumorale ou une ascite, un examen anal à la recherche de fissures ou ­d ’hémorroïdes, un toucher rectal à la recherche d’un prolapsus rectal, ou d’une pathologie hémorroïdaire. L’examen du périnée sera réalisé au repos et lors d’efforts de poussée, à la recherche d’une rectocèle et d’un prolapsus rectal. L’examen proctologique à la recherche d’arguments pour une constipation symptomatique comporte une inspection de la marge anale en écartant les plis radiés de l’anus pour exposer la zone cutanée lisse, patiente en position genu-pectorale (à genou, penchée en avant), ou en décubitus latéral gauche. Un toucher rectal recherchera la présence de traces de sang et de selles dans l’ampoule rectale, voire d’un fécalome (matières fécales denses déshydratées, impossibles à expulser). Une masse palpable intrarectale ou à type de compression extrinsèque sera recherchée. Lors de ce toucher rectal, on demandera à la patiente des efforts volontaires de défécation à la recherche d’une perte du réflexe rectoanal inhibiteur. L’inspection anale recherchera une pathologie hémorroïdaire, une fissure anale, un abcès ou une fistule. Interrogatoire d’une patiente présentant une constipation chronique On recherchera en premier lieu des symptômes devant faire éliminer un syndrome occlusif (vomissements, météorisme, émission de selles anormales avec glaires et/ou sang) ou une tumeur (rectorragies). L’interrogatoire précisera les conditions de survenue de la constipation et le caractère de selles : fréquence, alternance diarrhée-constipation (irrégularité des défécations avec émission d’une selle bouchon puis de selles liquides évoquant une fausse diarrhée), mode de début et évolution (rechercher une pathologie organique ou un changement de rythme de vie ou professionnel en cas de constipation récente), existence de manœuvres digitales pour faciliter l’exonération et la défécation, évocatrices d’une dyschésie anorectale associée, existence de facteurs déclenchants (médicaments, changement d’habitudes alimentaires). L’ancienneté des troubles doit faire l’objet d’un interrogatoire précis. Une constipation évoluant depuis la naissance évoquera une maladie de Hirschprung alors qu’une constipation évoluant depuis l’adolescence ou l’âge adulte sera plus souvent idiopathique. Les cas de constipation « récente » sont d’emblée suspects d’être le symptôme d’une pathologie organique sous-jacente (sténose, cancer du côlon, endocrinopathie…). Les habitudes de vie seront explorées : habitudes ali- Examens complémentaires pour exploration d’une constipation Une coloscopie totale est justifiée chez un sujet de plus de 40 ans, surtout si la constipation est apparue récemment. La coloscopie permettra 83 Manuel pratique d’urogynécologie d’éliminer formellement une affection organique, en particulier un cancer du côlon. En cas de doute diagnostique sur la réalité de la constipation ou de résistance à un traitement symptomatique bien conduit, une mesure du temps de transit colique après ingestion 3 jours de suite de marqueurs radio-opaques permet, sur des radiographies d’abdomen sans préparation réalisées au septième et dixième jour, de calculer le temps de transit de ces marqueurs radio-opaques le long du côlon pour authentifier un ralentissement du transit global ou segmentaire localisé au niveau du côlon droit, du côlon gauche, voire du rectosigmoïde. Les autres examens (manométrie anorectale et défécographie) seront discutés en cas d’existence d’une dyschésie associée. Une électromyographie anale peut être discutée pour la recherche d’une dyssynergie anorectale (absence d’arrêt de l’activité du muscle strié pendant l’effort de poussée) si celle-ci n’est pas évidente cliniquement. crira un lavement salin. Une extraction manuelle (après application d’un anesthésique local) sera réalisée en cas d’échec des mesures précédentes. En l’absence de fécalome, les prokinétiques (Primpéran, Motilium) sont à préférer, avant d’utiliser des laxatifs à haute dose comme pour la préparation du tube digestif avant coloscopie (Movicol, Fortran). Les questionnaires auto-administrés peuvent être utilisés dans le dépistage et l’analyse de la réponse thérapeutique (questionnaire de Kess) [6]. Traitement médical de la constipation La dyschésie regroupe un ensemble de symptômes qui traduisent une difficulté d’exonération : sensation de blocage anal, manœuvres digitales défécatoires, impression d’évacuation incomplète, efforts importants pour évacuer le bol fécal. Les troubles de l’évacuation concernent trois fois plus souvent les femmes que les hommes. Les principales plaintes sont une impression d’évacuation incomplète, une sensation d’exonération difficile et des efforts importants de poussée pour évacuer. La dyschésie peut aussi se traduire par un recours fréquent aux suppositoires et aux lavements évacuateurs. La dyschésie peut être douloureuse (appréhension d’aller à la selle). Cette douleur est à différencier d’une douleur au passage des selles (fissure anale). Le risque évolutif de la dyschésie chez la femme résulte des efforts de poussée chronique : prolapsus génital, périnée descendant et incontinence fécale par neuropathie ischémique d’étirement. Dyschésie La dyschésie concerne 15 % de la population générale et elle est associée à un taux d’absentéisme important dans certaines études. Définition et symptômes de la dyschésie Le traitement a pour but l’amélioration de la qualité de vie de la patiente et non la fréquence des selles. La première étape consiste à corriger les éventuels facteurs favorisants et en particulier les erreurs diététiques. Il faut favoriser les régimes riches en fibres, la consommation de fruits à chaque repas, une bonne hydratation et encourager une activité physique régulière. Le choix d’un laxatif dépend de la tolérance au laxatif et de la consistance des selles. La voie orale est à privilégier. Les laxatifs osmotiques (poly­ éthylène glycol ou lactulose), dont l’effet est un ramollissement des selles, sont à prescrire en première intention. On peut également prescrire des laxatifs de lest (son de blé ou mucilages). Chez la patiente âgée et alitée, les laxatifs osmotiques ou de lest sont utilisés ; en cas d’échec, les laxatifs irritants (Jamylène, Dulcolax, Contalax), c’est-à-dire entraînant une stimulation du péristaltisme, sont autorisés à dose modérée et quotidienne pour éviter les fécalomes. En cas de coprostase sévère (ce qui se rencontre parfois chez des patientes institutionnalisées), il faut en premier lieu éliminer un fécalome. S’il est présent, un lavement lubrifiant (eau + huile) rectosigmoïdien sera prescrit. La veille, si les selles sont très dures, on pres- Étiologies des dyschésies Des causes organiques (sténose ou obstacle organique) et fonctionnelles (anisme, rectocèle) peuvent être mises en évidence, parfois de façon associée. Les symptômes de dyschésie ne préjugent ni du mécanisme, ni de la nature ou de la topographie de l’obstacle organique ou fonctionnel. 84 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement génital dans un tiers des cas. La dyschésie n’est présente que dans un quart des cas de prolapsus rectal, largement devancée par la gêne liée à l’extériorisation du prolapsus et à un suintement permanent ou une incontinence fécale qui, elle, est présente dans la moitié des cas. La procidence ou intussusception rectale interne (prolapsus rectal interne) est une invagination de la paroi rectale vers le canal anal sans extériorisation. Chez la femme, elle prédomine souvent en avant (laxité physiologique de la cloison rectovaginale). L’évolution vers un prolapsus rectal extériorisé est rare. Présente chez plus d’un tiers des femmes asymptomatiques, une intussusception rectale interne est donc forcément retrouvée chez beaucoup de patientes dyschésiques. On distingue les prolapsus internes de bas grade (physiologiques) et le prolapsus interne rectoanal qui s’invagine dans le canal anal (de haut grade). C’est seulement dans ce dernier cas que l’on peut s’expliquer le blocage des selles par ­l ’engagement de l’invagination de la paroi rectale dans le canal anal au moment de la tentative d’exonération. Comme les autres troubles fonctionnels et anatomiques, le prolapsus rectal interne est souvent associé à un anisme, une rectocèle ou un périnée descendant. Anisme L’anisme est défini par un défaut de relaxation ou une contraction paradoxale du sphincter strié de l’anus et du muscle puborectal lors de la défécation. La physiopathologie reste discutée, ­associant probablement des habitudes comportementales à des facteurs psychologiques, liés à des abus sexuels dans un tiers des cas. L’anisme entraîne une dyschésie par l’obstacle fonctionnel que crée la contraction de l’anus lors de l’exonération, entraînant des efforts de poussée intenses et répétés. Troubles de la statique pelvienne : rectocèle et prolapsus rectal Rectocèle La rectocèle est une hernie du rectum provoquant une protrusion de la paroi vaginale postérieure vers l’avant (appelée colpocèle postérieure). Elle est favorisée par les efforts de poussée lors de l’exonération, les chirurgies pelviennes (l’hystérectomie et les colpofixations antérieures type Burch). Lorsque la rectocèle est symptomatique, la dyschésie est quasiment toujours le premier signe fonctionnel présent. La dyschésie s’accompagne alors de l’accumulation de matières dans la rectocèle, obligeant à des efforts de poussée qui aggravent progressivement rectocèle et dyschésie. La constatation d’un séquestre rectal (présence de selles dans la rectocèle après la défécation) accroît la certitude que la dyschésie est liée à la rectocèle. La rectocèle peut aussi être associée à un affaiblissement du périnée au niveau du noyau fibreux central, une béance vulvaire et un périnée descendant. Dans ce cas, il est très difficile de dire quelle anomalie anatomique est « la plus » responsable de la dyschésie. Une élytrocèle, en revanche n’est pas censée pouvoir causer une dyschésie. Ulcère solitaire du rectum Ce syndrome est classiquement associé au prolapsus rectal (lésion par hyperpression répétée sur la paroi rectale). Il s’agit d’un processus chronique ischémique et traumatique, localisé sur le front d’invagination du prolapsus. La rectoscopie peut montrer un érythème, des ulcérations, voire des lésions polypoïdes pseudotumorales. La dyschésie est fréquente, associée à des évacuations de glaires et de sang. Un ulcère sévère peut induire un ténesme douloureux et des faux besoins. Périnée descendant C’est une mobilité anormalement importante du plancher périnéal lors des efforts de poussée. Cet affaissement du plancher majore la dyschésie en dispersant les forces d’expulsion lors des efforts défécatoires. L’existence d’un périnée descendant est associé à une diminution de l’efficacité globale des traitements de la dyschésie. Le système du périnée descendant est souvent à l’origine d’un étirement des terminaisons nerveuses aboutissant à une dénervation pélvipérinéale. Prolapsus rectal Le prolapsus rectal extériorisé est défini par une invagination complète de la paroi rectale à travers l’anus. Il peut être intermittent lors des efforts de poussée ou d’exonération, ou permanent. Il survient plus fréquemment chez la femme âgée car il est favorisé par l’altération des tissus périnéaux après la ménopause. Un périnée descendant s’y associe fréquemment, de même qu’un prolapsus 85 Manuel pratique d’urogynécologie gie par palier doit être connue et expliquée à la malade pour entraîner son adhésion et une motivation suffisante à chaque étape du traitement. Le praticien doit ainsi proposer une sorte de plan de soins, des outils d’évaluation simples (calendrier des selles et de leur consistance, échelle de consistance des selles) ainsi que des rendez-vous de suivi et d’évaluation. Diagnostic d’une dyschésie Il convient en premier lieu de rechercher une pathologie organique, essentiellement proctologique ou un trouble de la statique pelvienne, puis d’évaluer l’importance de la plainte fonctionnelle et de la corréler avec le diagnostic anatomique et la nature de la demande de la patiente. Examen physique Examen clinique L’inspection (au repos et en poussée) et le toucher anorectal permettent d’objectiver les principales anomalies anatomiques (rectocèle et prolapsus rectal) et fonctionnelles (anisme), même si la valeur diagnostique du toucher rectal pour le diagnostic d’anisme reste discutée. En revanche, cet examen est insuffisant pour le diagnostic des recto­cèles postérieures, des entérocèles et des troubles de la sensibilité ou de la compliance rectale [7]. L’utilisation d’une hémi-valve de spéculum refoulant la paroi vaginale antérieure permet de mieux examiner les colpocèles postérieures (rectocèle et élytrocèle). Un prolapsus rectal ne s’extériorise quelquefois que lors de la poussée accroupie ou assis. Le toucher rectal permet aussi de préciser la présence de selles dans le rectum ou d’un fécalome. Il permettra également l’évaluation du tonus anal au repos et lors d’une contraction volontaire. Interrogatoire Les manœuvres digitales d’aide à l’exonération, présentes dans un tiers des cas, doivent être systématiquement recherchées à l’interrogatoire car les patientes en parlent rarement spontanément. On recherche en premier lieu des manœuvres endovaginales de maintien de la face postérieure du vagin lors de l’exonération, qui sont assez spécifiques du diagnostic de rectocèle. Elles permettent à la femme d’éviter la séquestration des selles dans la rectocèle en les déplaçant dans l’axe du canal anal. Les manœuvres de maintien du périnée dans la région périnéale sont moins spécifiques de telle ou telle étiologie. Les manœuvres endorectales d’extraction des selles (digitoclasie) ne sont pas non plus spécifiques d’une étiologie. L’extériorisation d’un prolapsus par l’anus lors de l’exonération ou d’efforts, avec nécessité de réintroduction manuelle, doit être précisément recherchée à l’interrogatoire décrit car un véritable prolapsus rectal peut être confondu avec des hémorroïdes. L’association à un suintement glaireux est alors assez évocatrice. Il faut d’emblée chercher à savoir ce que veut la patiente : une simple réassurance vis-à-vis de manœuvres endovaginales défécatoires efficaces mais jugées anormales ou une réelle prise en charge thérapeutique. Si plusieurs symptômes cohabitent, il faut bien faire préciser à la patiente quel est le symptôme le plus gênant pour ne pas que l’objectif du médecin soit différent de celui de la patiente. Une disparition complète des symptômes est rarement possible et ceci doit être dit à la patiente. En dehors du cas précis des prolapsus rectaux ou génitaux, l’approche chirurgicale d’emblée des troubles fonctionnels anorectaux est le plus souvent graduée et multimodale. Le recours à des explorations complémentaires ne sera le plus souvent entrepris que lorsqu’une approche chirurgicale est envisagée. Cette straté- Explorations complémentaires dans la dyschésie Les recommandations françaises invitent à la réalisation d’une coloscopie quand les symptômes sont apparus après 50 ans et en présence de signes d’alarme. Les recommandations américaines incitent à la réalisation d’une numération globulaire, du dosage des hormones thyroïdiennes, de la glycémie, de la créatininémie et de la calcémie. La coloscopie est proposée chez les malades de plus de 50 ans [8]. Les recommandations françaises mettent la manométrie anorectale au cœur des explorations à prescrire parce qu’elle permet le diagnostic d’anomalies responsables de troubles de l’évacuation : anisme, mégarectum, hypertonie instable et maladie de Hirschsprung. Elles recommandent de fait la réalisation d’une manométrie anorectale et d’un temps de transit colique par marqueurs radio-opaques pour apprécier le caractère distal d’une constipation, évoquer une 86 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement nées quantifiées. Sa réalisation technique a été simplifiée par l’ingestion de douze marqueurs radio-opaques pendant six jours consécutifs et une simple radiographie de l’abdomen au septième jour. Son intérêt se limite en pratique à mesurer l’importance d’une constipation de transit associée grâce à des paramètres objectifs, afin d’ajuster le traitement médical par un traitement laxatif classique. Toutefois, cette méthode est peu sensible avec une mauvaise reproductibilité intraindividuelle chez les femmes ayant une dyschésie. inertie colique et à des fins diagnostiques lorsqu’il existe une discordance entre le calendrier de selles et les allégations symptomatiques. Elles ne recommandent pas la réalisation d’une exploration radiologique de type défécographie en cas de constipation chronique isolée mais uniquement dans les situations où les explorations précédentes sont normales, s’il existe des signes évocateurs d’un trouble de la statique pelvienne ou lorsque qu’une chirurgie pelvipérinéale est recommandée (accord professionnel). Une stratégie empirique de prise en charge thérapeutique de première ligne est proposée à l’issue des deux explorations. Le recours systématique aux explorations complémentaires dans la stratégie diagnostique d’une constipation potentiellement de cause organique est pourtant discutable. Les revues systématiques de la littérature ne recommandent pas le recours à des explorations systématiques morphologiques et hormonales dont le rendement diagnostique est faible [7]. Dans la situation précise d’une dyschésie prédomi­ nante, l’examen endoscopique de la cavité rectale et du canal anal (anuscopie et rectoscopie) peut sembler suffisant. Défécographie et déféco-IRM Les principales mesures chiffrées acquises lors de l’exploration radiologique de la défécographie sont de peu d’aide à la prise en charge de la dyschésie. Le degré de descente périnéale observé au repos ou lors de l’effort de poussée par rapport aux structures fixes du pelvis et l’angle que forme le canal anal avec l’ampoule rectale sont des données classiquement mesurées mais peu reproductibles et peu spécifiques. Par contre, le diagnostic de rectocèle bénéficie d’une excellente reproductibilité inter- et intra-observateurs, au même titre que celui de prolapsus rectal interne ou extériorisé, d’entérocèle ou de sigmoïdocèle. L’évaluation de la qualité de l’évacuation rectale est bonne quand elle concerne la partie basse du rectum. Toutefois, les données de l’examen clinique offrent une excellente valeur prédictive négative dans le diagnostic des troubles de la statique rectale avec une bonne concordance avec des données défécographiques lorsque l’évaluation est faite avant et après chirurgie [10]. L’IRM apporte des informations anatomiques mais qui sont aujourd’hui peu utiles à la prise de décision thérapeutique dans le champ des troubles de la statique pelvienne. Par ailleurs, comme cette exploration est réalisée dans des conditions non physiologiques (déféco-IRM en position semiassise ou allongée dans l’IRM), la reproductibilité interobservateurs est souvent mauvaise [11]. Tests d’expulsion Ils cherchent à objectiver un trouble de l’évacuation rectale lors d’une défécation simulée. Il peut s’agir d’un produit de contraste baryté lors d’un examen défécographique ou plus simplement d’un ballonnet rempli d’eau (50 mL à expulser en position physiologique en moins d’une minute). Le test d’expulsion représente un test simple ayant une valeur prédictive négative et une spécificité de 97 et 89 %. Un ballonnet rempli d’eau tiède (50 mL) doit pouvoir être évacué sans effort majeur et dans un délai moyen d’une minute. Cette méthode simple et peu coûteuse permet de dépister un anisme chez les malades constipés [9]. Manométrie anorectale Temps de transit colique par marqueurs radio-opaques La manométrie anorectale permet l’étude des pressions anales au repos et lors d’une contraction, des troubles de la perception rectale et de la coordination anorectale comme l’anisme. C’est un examen simple et facile d’accès, mais son intérêt reste limité par un manque de standardisation, de reproductibilité et des difficultés d’interprétation. Test simple reposant sur l’ingestion répétée de particules radio-opaques et sur l’analyse de leur projection géographique abdominale par un ou plusieurs clichés d’abdomen sans préparation. L’accumulation de marqueurs au niveau de l’aire rectosigmoïdienne permet de fournir des don- 87 Manuel pratique d’urogynécologie La ­manométrie anorectale n’est pas utile au diagnostic d’anisme quand aucune contraction anale n’a été retrouvée à l’examen clinique au moment d’un effort de poussée [12]. La manométrie anorectale n’est pas utile pour apprécier le tonus de repos anal et la contraction volontaire car le testing au doigt est aussi performant. La manométrie est en revanche nécessaire pour le diagnostic d’ondes ultralentes et pour celui d’hyposensibilité rectale. tal extériorisé). Dans ces situations, le recours à des méthodes rééducatives est habituellement peu efficace, un travail prospectif randomisé a montré que le niveau de satisfaction des patients restait faible, la consommation de laxatifs était stable et l’allongement du temps de transit colique demeurait inchangé au cours des 24 mois de suivi [16]. Chez les malades ayant des troubles de l’évacuation et des anomalies de la statique pelvienne telles que la présence d’une rectocèle de grande taille ou une procidence interne de haut grade, la cure chirurgicale améliore à la fois les anomalies anatomiques et les symptômes d’évacuation y compris lorsque ceux-ci sont quantifiés par des scores validés. L’évaluation de la consistance des selles n’est pas prise en compte dans les algorithmes diagnostiques et thérapeutiques des recommandations nationales. Des travaux anciens de physiologie anorectale montrent pourtant que la qualité de l’évacuation dépend de la texture du contenu intrarectal. Ce constat a une réalité clinique vérifiée par l’amélioration habituelle des symptômes dyschésiques chez les malades constipés chroniques traités par laxatifs. Au total, en cas de dyschésie avec selles dures, un traitement d’épreuve par laxatifs émollients, osmotiques ou de lest peut être tenté. Dans les autres situations, il n’y a pas de logique à proposer un traitement par laxatifs. Les données de l’examen clinique sont alors fondamentales : elles doivent s’attacher à rechercher une inversion de commande sphinctérienne, une hypertonie anale ou des troubles de la statique pelvienne. Les explorations ne seront effectuées que lorsque l’anomalie est présente, qu’elle mérite confirmation et orientation de prise en charge (rééducation par biofeedback, chirurgie de troubles de la statique pelvienne). Lorsque ces anomalies ne sont pas présentes, l’excellente valeur prédictive négative de la clinique dispense du recours à des explorations complémentaires. Traitement de la dyschésie Les recommandations françaises recommandent le recours à des laxatifs osmotiques (Duphalac ou Movicol), les mucilages (polysaccharides végétaux devenant gélatineux en gonflant au contact de l’eau) et des laxatifs émollients (ramollissent les selles, par exemple, le docusate sodique). Une ­rééducation par biofeedback lorsque la manométrie est anormale et une évaluation psychiatrique l’est lorsque la manométrie et le temps de transit colique sont normaux [5]. Un rehaussement des pieds est souvent bénéfique pour faciliter l’exonération, de même que des suppositoires exonérateurs (Eductyl qui est un suppositoire effervescent) ou des microlavements. La rééducation par biofeedback a prouvé son efficacité concernant les scores et index de la constipation ainsi que sur la qualité de l’évacuation rectale [13]. La rééducation périnéale par biofeedback est une technique de conditionnement permettant à un patient de prendre conscience de la fonction d’exonération est d’apprendre à pousser tout en relâchant les muscles du plancher pelvien. L’alternative à la rééducation est l’injection de toxine botulique. Dans un travail prospectif récent, Farid et al. ont comparé le bénéfice de ces deux approches après randomisation chez 48 patients. Le bénéfice à court terme était supérieur chez les malades traités par toxine botulique (70 % versus 50 %) mais comparable à moyen terme (33 % versus 25 %) au biofeedback [14]. En cas d’anisme prouvé, un essai randomisé a montré que le biofeedback était plus efficace que le traitement laxatif [15]. En cas de test d’expulsion satisfaisant, les troubles fonctionnels décrits peuvent être le reflet d’un trouble de la motricité colique, de la consistance des selles ou encore d’un trouble de la statique rectale (procidence interne du rectum, prolapsus rec- Incontinence anale Définition Touchant 5 % des adultes de plus de 45 ans, elle est définie par l’impossibilité de retarder ­volontaire- 88 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement ment le passage du contenu intestinal (selles, gaz) à travers l’anus, jusqu’à la possibilité de le faire quand et où cela est socialement possible. Toutefois, seulement 2 % de la population présente des fuites fécales plus d’une fois par semaine ou plus. Une incontinence anale active est définie par des fuites de gaz ou de selles alors que le rectum est vide ; la fuite est alors précédée d’un besoin impérieux. Elle est liée à une déficience du sphincter externe ou à des pressions rectales trop élevées. L’incontinence anale passive correspond à des fuites survenant sur un rectum plein et non précédées d’un besoin. Il s’agit alors soit d’une incompétence du sphincter interne, soit d’un problème de vidange rectale incomplète. La sévérité de l’incontinence anale est évaluée par le score de Wexner (tableau 8.1). Manométrie anorectale En cas d’incontinence anale active, une manométrie anorectale permettra de distinguer une cause sphinctérienne d’une cause rectale (défaut de compliance, trouble de sensibilité). La manométrie anorectale permet de préciser le mécanisme physiopathologique responsable de l’incontinence : incompétence sphinctérienne (pressions anales au repos et au cours de la contraction volontaire) et/ou anomalie du réservoir rectal (volume maximum tolérable et compliance rectale). Elle ne permet pas de déterminer la cause de l’incompétence sphinctérienne (par exemple rupture sphinctérienne ou neuropathie) mais peut parfois orienter vers une pathologie neurologique : modification des réflexes rectoanaux excitateurs, sensibilité rectale altérée en l’absence de mégarectum, anomalie des réflexes rectoanaux inhibiteurs, absence de contraction volontaire du sphincter anal externe en l’absence de lésion anatomique, dyssynergie rectosphinctérienne. La manométrie anorectale, en déterminant la valeur de la pression anale de base ainsi que l’amplitude et la durée de la contraction volontaire du sphincter anal externe, permet de savoir s’il existe une incompétence du sphincter anal interne (pression basale) et/ou du sphincter anal externe (contraction volontaire). Examen clinique d’une patiente présentant une incontinence anale Après l’interrogatoire qui se focalisera sur le recueil de l’historique des symptômes, on réalisera un toucher anorectal au repos, en retenue et en poussée pour rechercher une éversion du canal anal, une rectocèle, un séquestre, un fécalome, une hypertonie au repos, une contracture de la sangle du puborectal. Exploration d’une incontinence anale Écho-endoscopie anale Il existe deux origines possibles à l’incompétence sphinctérienne : une lésion anatomique sphinctérienne et/ou une atteinte neurologique. L’échographie endoanale permet de diagnostiquer la présence d’une lésion du sphincter anal interne et/ou externe ainsi que son étendue. Cet examen visualise correctement l’anatomie de l’appareil sphinctérien anal en distinguant les sphincters interne, externe et le puborectal. Toutefois, il faut savoir qu’il existe beaucoup de ruptures sphinctériennes asymptomatiques chez les femmes ayant accouché. Aussi, la simple constatation échographique d’un défect sphinctérien n’est pas synonyme de lien de causalité entre le défect et l’incontinence. Il faudra discuter au cas par cas de l’intérêt d’une myorraphie chirurgicale. Une échographie endoanale doit être demandée devant une incontinence anale dont l’origine Trois examens sont à discuter : la manométrie anorectale, l’échographie du sphincter anal et la défécographie. L’exploration neurophysiologique du périnée n’apporte pas d’information modifiant la prise en charge de l’incontinence anale. Elle démontrera l’existence d’une neuropathie (quasi constante chez la multipare) et donnera des ­éléments pronostiques avant chirurgie. Tableau 8.1. Score de Jorge et Wexner (maximum sur 20 points). Perte de selles solides 0 1 2 3 4 Perte de selles liquides 0 1 2 3 4 Perte de gaz 0 1 2 3 4 Protections 0 1 2 3 4 Gêne vie courante 0 1 2 3 4 89 Manuel pratique d’urogynécologie sphinctérienne est suspectée (hypotonie anale et/ou faiblesse de la contraction volontaire du sphincter anal externe déterminés cliniquement ou manométriquement) et si une intervention chirurgicale est envisagée. L’échographie endo­ anale permet de rechercher une lésion du sphincter anal externe et/ou interne, et d’en d’apprécier l’étendue ce qui conditionne les possibilités de sphinctéro-plastie. L’échographie endoanale n’est pas indispensable si on envisage une rééducation périnéale de premiére intention car la présence d’un défect sphinctérien n’est pas un facteur de mauvais pronostic de la rééducation. La rééducation devrait systématiquement être proposée à une patiente motivée dès lors que la perception rectale existe et qu’une contraction volontaire existe. Une électrostimulation des ­racines sacrées ou une neuromodulation du SPI peut être proposée bien que les résultats publiés semblent modestes. La mise en place d’un sphincter artificiel sera discutée dans de rares cas. Les principales contre-indications sont l’existence de lésions cicatricielles sévères, de lésions radiques, l’existence d’une diarrhée et l’absence de réservoir rectal (volume inférieur à 150 mL). Prise en charge chirurgicale Défécographie (ou déféco-IRM) des troubles anorectaux Elle n’est pas recommandée en cas d’incontinence anale isolée. Si l’incontinence anale est associée à une dyschésie, la défécographie permettra de rechercher un trouble de la statique anorectale. Importance des traitements chirurgicaux par rapport aux autres thérapeutiques Traitement de l’incontinence anale Au cours de l’année 2006, le traitement chirurgical des troubles de la statique rectale en France a été réalisé par rectopexie dans 3 097 cas (dont 2 389 par cœlioscopie) et dans 5 795 cas par voie transanale (dont 2 543 cas pour prolapsus rectal). Le traitement d’une procidence rectale interne ou d’une rectocèle par plicature hémicironférentielle antérieure a été effectué 3 342 fois. Durant la même période, il était effectué un geste périnéovaginal de colpopérinéorraphie postérieure dans 10 894 cas. Une réparation sphinctérienne était réalisée pour traitement de l’incontinence fécale dans 280 cas, la mise en place d’un sphincter anal artificiel dans 22 cas, une reconstruction par transposition musculaire dans 32 cas et l’implantation d’un électrostimulateur dans 375 cas (données ATIH 2006, secteurs publics et privés). On peut estimer qu’environ 20 000 actes chirurgicaux sont réalisés annuellement en France pour le traitement des troubles fonctionnels ou de la statique anorectale. Ce chiffre peut apparaître important mais il est faible comparé à la prévalence des symptômes rapportés dans le cadre des questionnaires auto-administrés. On conçoit que le recours à la chirurgie soit un événement rare dans la prise en charge d’une pathologie donnée ou dans le cadre de la réponse thérapeutique à des plaintes d’ordre fonctionnel. Plusieurs raisons peuvent être avancées : le L’incontinence anale passive est souvent associée à un encombrement de selles dans le rectum (fécalome parfois) et/ou colique, surtout chez la personne âgée institutionnalisée. La réalisation d’une radiographie de l’abdomen sans préparation et la mesure d’un temps de transit des marqueurs coliques permettent de choisir le type de laxatifs (osmotiques et/ou rectaux) à utiliser. Cependant, il a été montré, dans une série de malades ayant une incontinence anale associée à une dyschésie avec séquestre, que le traitement par des laxatifs osmotiques est aussi efficace que l’association laxatifs osmotiques + suppositoires et lavements. Des conseils hygiénodiététiques peuvent être prescrits : alimentation riche en fibres, exclusion de certains aliments favorisant la diarrhée, hydratation suffisante, transit régulier. L’adjonction de mucilages peut être efficace chez des femmes se plaignant d’incontinence anale uniquement pour les selles liquides. Les ralentisseurs du transit sont également efficaces : des études randomisées ont prouvé que les antidiarrhéiques comme le lopéramide (Imodium) étaient plus efficaces que le placebo pour le ­nombre d’épisodes d’incontinence fécale chez des sujets ayant une diarrhée. 90 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement recours aux soins limités dans ce champ symptomatique (comme cela a été évoqué plus haut), l’efficacité des thérapeutiques non chirurgicales, les réticences des praticiens et des malades à une prise en charge chirurgicale d’un trouble fonctionnel pelvien, l’inconstance des résultats et la morbidité des gestes chirurgicaux. ­approche ­mini-invasive (suintement post-défécatoire chez une personne âgée). De fait, il est important que le clinicien consulté fasse clairement préciser les plaintes dans leur diversité, leur retentissement, qu’il priorise la plainte à prendre en charge et qu’il définisse les approches thérapeutiques acceptables par la malade. Finalement, l’objectif fixé par la malade et celui du praticien consulté sont parfois différents. Une disparition complète est souvent une option trop ambitieuse et c’est une source d’insatisfaction de la personne soignée (tableaux 8.3 et 8.4). Ce constat est particulièrement vrai dans le champ du traitement de l’incontinence où l’amélioration symptomatique est fréquente, y compris après prise en charge non chirurgicale [17, 18] mais la disparition complète des plaintes exceptionnelle, y compris avec les thérapeutiques les plus efficientes (neuromodulation des racines sacrées) [19]. En dehors du cas précis des prolapsus rectaux ou génitaux, l’approche chirurgicale d’emblée des troubles fonctionnels anorectaux est le plus souvent graduée et multimodale. De fait, les troubles de la continence fécale imposent-ils, en première intention, une analyse rigoureuse et un traitement des troubles du transit. En cas d’efficacité insuffisante, les conseils d’hygiène défécatoire et le cas échéant des procédures de rééducation sont proposés [17, 18]. Le recours à des explorations complémentaires ne sera envisagé que lorsqu’une Quand envisager l’option chirurgicale ? La prise en charge des troubles fonctionnels anorectaux comme la dyschésie, les troubles de la continence ou les algies pelviennes repose implicitement sur la recherche d’une solution thérapeutique non chirurgicale lorsqu’elle est envisageable. Le constat d’un échec ou d’une insuffisance de bénéfice thérapeutique après une approche de première ou de seconde ligne ne saurait être à lui seul une indication opératoire. Plusieurs conditions doivent être remplies avant d’envisager l’heure de la chirurgie (tableau 8.2). La demande de prise en charge des plaintes s’exprime lors de la première consultation mais sa formulation et l’attente de la malade ne sont parfois pas clairement précisées. La demande peut être celle d’une réassurance diagnostique simple (manœuvres endovaginales défécatoires efficaces mais jugées anormales) ou d’une Tableau 8.2. Questions à poser à la patiente avant une chirurgie pour troubles anorectaux. Quelle question ? Exemples Quelles sont chacune des plaintes présentes à l’étage pelvien ? Recherche exhaustive des troubles de la continence et des manifestations dyschésiques Procidence décrite isolée ou associée à une procidence génitale Quelle est la plainte la plus importante ? Les troubles de la continence représentent souvent mais non toujours la plainte la plus importante chez des personnes qui souffrent d’incontinence et de difficultés d’évacuation En quoi cette plainte est gênante ? Retentissement sur les faits de la vie de tous les jours Perte de l’estime de soi, dépression, vie sociale et maritale Êtes-vous prêt(e) à un traitement chirurgical éventuel ? Le recours à un geste chirurgical pour une incontinence ou une constipation est parfois exclu d’emblée par la malade Le terrain et l’âge de survenue peuvent également représenter un frein à la prise en charge Quel niveau d’amélioration attendez-vous du traitement ? La prise en charge de troubles de la continence, quelle qu’elle soit, ne saurait faire disparaître la plainte mais vise surtout à en réduire l’intensité et la fréquence 91 Manuel pratique d’urogynécologie Tableau 8.3. Bénéfices à attendre d’une chirurgie pour troubles anorectaux associés à une anomalie de la statique pelvienne. Anomalie anatomique dominante Plainte recueillie à l’interrogatoire Bénéfices et limites que la malade doit connaître Bénéfice attendu après chirurgie (– à +++) Dyschésie Disparition des troubles de l’évacuation dans un peu plus de la moitié des cas et disparition des manœuvres digitales défécatoires ++ Procidence génitale Correction anatomique plus de 8 fois sur 10 Algies pelviennes Bénéfice thérapeutique inconstant et mal évalué 0 Dyspareunie Pas de bénéfice thérapeutique évalué – Rectocèle +++ Apparition de dyspareunies de novo après chirurgie périnéovaginale Incontinence Bénéfice thérapeutique modeste et inconstant 0 Apparition ou persistance d’impériosités après certaines interventions (résection rectale transanale) Entérocèle Dyschésie Ce trouble anatomique n’induit pas d’obstacle à l’évacuation 0 Les symptômes de constipation persistent habituellement après chirurgie Procidence génitale Correction anatomique plus de 8 fois sur 10 +++ Algies pelviennes Le bénéfice thérapeutique de la correction de l’entérocèle sur les plaintes douloureuses pelviennes reste aléatoire 0 Dyschésie Il existe rarement des troubles objectifs de l’évacuation en rapport avec le prolapsus rectal mais plus souvent des fausses envies corrigées par le geste chirurgical ++ Syndrome rectal Disparition habituelle des plaintes après chirurgie +++ Procidence anale Correction anatomique plus de 9 fois sur 10 +++ Incontinence fécale Régression importante et/ou disparition dans plus de deux tiers des cas après promontofixation +++ Algies pelviennes Disparition habituelle lorsque les douleurs préopératoires sont des douleurs hypogastriques ou pelviennes à irradiation postérieure lors de l’exonération ++ Dyschésie Cette entité anatomique peut être responsable de troubles de l’évacuation mais cette donnée est contestée et les résultats de la chirurgie sont décevants ou inconstants 0 Incontinence Certaines données récentes suggèrent que la correction anatomique de la procidence améliore de façon importante les troubles de la continence ++ Algies et syndrome rectal La correction chirurgicale n’améliore ces plaintes que dans la moitié des cas lorsqu’il existe des lésions muqueuses macroscopiques associées (syndrome de l’ulcère solitaire du rectum) Prolapsus rectal extériorisé Procidence interne du rectum 92 0 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement Tableau 8.4. Bénéfices à attendre d’une chirurgie pour troubles anorectaux sans trouble de la statique pelvienne associé. Anomalie anatomique dominante Plainte recueillie à l’interrogatoire Bénéfices et limites que la malade doit connaître Quel que soit le mécanisme lésionnel Incontinence fécale L’objectif thérapeutique d’un contrôle parfait des troubles de la continence est finalement trop ambitieux ++ Lésions sphinctériennes très étendues (plus qu’hémicirconférentielles) Incontinence fécale Les stratégies reposent habituellement sur la substitution sphinctérienne avec un bénéfice symptomatique franc dans deux tiers des cas ++ Bénéfice attendu après chirurgie (– à +++) Morbidité et suivi lourds Lésions sphinctériennes assez étendues Incontinence fécale Bénéfice thérapeutique important immédiat mais épuisement d’effet marqué avec le suivi (un quart à la moitié des malades seulement gardent un bon résultat fonctionnel après 5 ans) Pas de lésion ou lésions peu étendues Incontinence fécale Neuromodulation des racines sacrées + ++ Pas de facteur prédictif autre que le test diagnostique Deux tiers des malades tirent un bénéfice important et durable Anisme, hypertonie anale Dyschésie Pas d’indication chirurgicale actuelle en l’absence de troubles de la statique rectale – dans la prise en charge d’un trouble de la statique pelvienne comme le prolapsus rectal extériorisé. La modification des habitudes défécatoires (réduire les efforts de poussées) et de la consistance des selles peut diminuer les plaintes associées (algies hypogastriques, faux besoins) et modifier les objectifs du traitement chirurgical. À l’inverse, la persistance d’une dyschésie après la correction chirurgicale d’une rectocèle est un facteur d’insatisfaction des malades alors que des mucilages ou des laxatifs osmotiques auraient pu permettre de contrôler ce symptôme avant chirurgie [20]. Le constat d’échec est souvent rapporté par les malades elles-mêmes ou leurs praticiens référents parce que les propositions initiales ont été jugées insuffisantes. Il est utile de faire préciser dans quelles conditions les traitements ont été employés et pour quelle période temps. La prescription d’une rééducation visant à améliorer la qualité de la contraction volontaire en amplitude et durée est parfois substituée par une méthode d’électro­stimulation simple qui ne constitue pas à proprement parler la rééducation prescrite. Les approche chirurgicale est envisagée. Cette stratégie par palier doit être connue et expliquée à la malade pour entraîner son adhésion et une motivation suffisante à chaque étape du traitement. Le praticien doit ainsi proposer une sorte de plan de soins, des outils d’évaluation simples (calendrier des selles et des accidents d’incontinence) ainsi que des rendez-vous de suivi et d’évaluation. Lors des demandes de prise en charge chirurgicale, il est parfois surprenant de constater que les stratégies thérapeutiques non invasives n’ont été ni testées, ni évaluées dans leurs résultats. Il n’est pas rare que soit proposé un test de neuromodulation des racines sacrées alors que le contrôle des troubles du transit et des habitudes défécatoires n’est pas acquis. De même, des troubles de l’évacuation sont-ils parfois régressifs en modifiant la consistance des selles chez une personne ayant une rectocèle importante. Cette démarche est souvent négligée par les praticiens et les malades elles-mêmes dans la quête d’une chirurgie salvatrice et radicale d’emblée. Il est indispensable que les options non chirurgicales soient proposées très tôt et proposées systématiquement, même 93 Manuel pratique d’urogynécologie méthodes dites physiques ou kinésithérapiques sont utilisées indifféremment ou en association. La qualité des résultats dépend du type de prise en charge. Malgré un recours fréquent en pratique de soins, certaines méthodes comme l’électrostimulation anale directe n’ont pas fait aujourd’hui preuve d’efficacité dans le traitement de l’incontinence fécale [21]. Les mucilages proposés ou les freinateurs du transit ont été administrés à la demande ou de façon occasionnelle lorsqu’on les souhaitait en continu. Finalement la malade estelle insatisfaite par l’efficacité insuffisante ou par la lourdeur du traitement proposé ? Ainsi les modifications d’hygiène défécatoires peuventelles être vécues comme contraignantes par les malades souffrant de dyschésie (rehaussement du plan des pieds, suppositoires exonérateurs) alors mêmes qu’elles sont efficaces. Le plus souvent, l’insatisfaction est inscrite dans l’objectif attendu par la malade. Il poursuit la quête d’une solution immédiate aux suites brèves et au recouvrement de son état de santé avant le début des troubles. Cet enjeu est difficile à atteindre aujourd’hui lorsqu’il existe des troubles fonctionnels anorectaux et c’est au praticien de poser avec la malade un objectif thérapeutique plus réaliste. Le praticien confronté à la prise en charge de troubles fonctionnels anorectaux peut à juste titre se poser la question de la pertinence d’explorations supplémentaires à son examen clinique avant d’orienter la prise en charge thérapeutique chirurgicale. Son objectif premier est de tenter de ­corréler symptômes et troubles fonctionnels ou anatomiques objectifs d’une part, en rechercher les associations, identifier le mécanisme dominant susceptible d’une prise en charge chirurgicale d’autre part. Les données de l’examen clinique suffisent le plus souvent à l’identification des principales anomalies tant anatomiques (rectocèle, prolapsus rectal) que fonctionnelles (hypotonie anale, anisme). Si ses meilleurs atouts sont représentés par son excellente valeur prédictive négative, il est insuffisant au diagnostic d’entérocèle, de lésion sphinctérienne, de troubles de la sensibilité ou de la compliance rectale. Il ne quantifie pas toujours correctement la taille et la position d’une rectocèle [7]. Il ne permet pas enfin de préciser le trouble dominant en cas d’association (anisme et rectocèle). Finalement, il ne permet pas de quantifier objectivement un trouble de l’évacuation. Dans ces situations, le recours à des exa- mens complémentaires est utile à l’orientation et à la prise en charge chirurgicale. Les principales explorations sont aujourd’hui représentées par les données de la pelvigraphie dynamique (défécographie avec opacification des différentes filières pelviennes) et l’endosonographie anale. Les explorations d’imagerie récentes comme l’IRM apportent des sources incomparables dans le champ des concepts pathogéniques et l’exploration musculoaponévrotique du pelvis. Elles confortent la curiosité des anatomistes et des chirurgiens mais elles sont aujourd’hui peu utiles à la prise de décision thérapeutique dans le champ des troubles de la statique pelvienne. La quantification des troubles de la statique pelvienne est imparfaite avec ces méthodes et il existe de nombreuses sources d’erreurs de mesure. La reproductibilité interobservateur y est souvent mauvaise. Finalement, cette exploration n’est pas effectuée dans des conditions très physiologiques et la dynamique pelvienne y est très artificielle. Il est donc des situations anatomofonctionnelles où le recours à des explorations complémentaires est nécessaire avant chirurgie. Cependant, le recours est finalement limité : on peut analyser la stratégie de recours à des examens en fonction de la présence ou non de troubles de la statique pelvi­rectale sur les données de l’examen clinique initial (figures 8.1 et 8.2). On peut schématiquement retenir l’utilité d’une exploration radiologique dynamique avant cure chirurgicale d’un trouble de la statique rectale : on attend de cette exploration la quantification du trouble, la recherche d’associations morbides à corriger dans le même temps opératoire et l’objectivation d’une ­évacuation incomplète. Cette stratégie est recommandée dans la prise en charge chirurgicale d’une rectocèle. À l’inverse, elle est inutile si on envisage une approche chirurgicale du traitement d’un prolapsus rectal par promontofixation. Dans cette situation, les troubles objectifs de l’évacuation sont rares : les troubles fonctionnels (incontinence, fausses envies) et les associations lésionnelles sont traités dans le même temps opératoire par cette seule méthode (rectocèle, entérocèle) [22]. À l’inverse, on peut s’interroger sur la nécessité d’explorations complémentaires dans la prise en charge chirurgicale d’une incontinence fécale chez une malade n’ayant pas de trouble de la 94 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement Examen clinique ? Troubles de la statique pelvirectale présents Peut expliquer la plainte dominante Lien anatornoclinique ? Dyschésie et/ou syndrome rectal Symptômes ? Explorations ? Rectocèle ou entérocèle (1) : défécographie N’explique probablement pas la plainte principale Incontinence Prolapsus rectal extériorisé (2) : pas d’exploration Nouvelle évaluation de la plainte et quantification du symptôme Procidence interne (3) : défécographie Figure 8.1. Stratégie de recours minimal aux explorations complémentaires en cas de symptômes fonctionnels pelviens avec présence de troubles de la statique pelvienne lors de l’examen clinique. (1). Le recours à une exploration radiologique complémentaire est justifié pour quantifier sa taille, rechercher des troubles intriqués de la statique (procidence interne…) et vérifier si cette anomalie s’accompagne d’un trouble objectif de l’évacuation rectale. (2). La constatation d’un prolapsus extériorisé devrait dispenser d’une exploration complémentaire radiologique si on envisage une promontofixation mais elle est nécessaire si un traitement par voie transanale est planifié (recherche d’une entérocèle). (3). La défécographie peut être justifiée pour préciser s’il s’agit ou non d’une procidence de haut grade. Dans cette dernière situation, le recours à une chirurgie de la procidence peut être justifié pour traiter l’incontinence. Pas de trouble de la statique pelvienne Examen clinique ? Symptômes dominant ? Incontinence Dyschésie Fonction anale (1) ? Hypotonie anale Pas d’hypotonie anale Anisme suspecté Pas d’anisme Explorations ? Défect sphinctérien : échographie (2) Adaptation rectale (3) : manométrie Confirmation (4) : manométrie Réévaluer le symptômes dominant Figure 8.2. Stratégie de recours minimal aux explorations complémentaires en cas de symptômes fonctionnels pelviens lorsqu’il n’existe pas de trouble de la statique pelvienne à l’examen clinique. (1). La fonction anale est évaluée par les données de l’examen clinique en fonction du tonus de repos du canal anal, sa longueur fonctionnelle, sa capacité de contraction en amplitude et en durée ainsi que la présence éventuelle d’une cicatrice ou d’une disparition des plis radiés en secteur. (2). La recherche d’un défect sphinctérien en endosonographie n’a de justification thérapeutique que lorsqu’une réparation sphinctérienne est envisagée. (3). L’absence d’anomalie fonctionnelle anale doit faire envisager un trouble adaptatif du rectum mais les options thérapeutiques dans ce domaine sont minces. (4). L’examen clinique a une excellente valeur prédictive négative au diagnostic d’anisme mais on lui connaît des faux positifs. La confirmation diagnostique peut être acquise par la manométrie et/ou la défécographie. Le diagnostic de cette anomalie a un intérêt thérapeutique et pronostique. statique pelvienne. Dans une approche traditionnelle aujourd’hui ancienne, une exploration endosonographique aurait été privilégiée à la recherche d’un défect sphinctérien parce que l’examen clinique a une sensibilité insuffisante. Le développement de stratégies mini-invasives comme la neuromodulation des racines sacrées, y compris chez les malades ayant des défects 95 Manuel pratique d’urogynécologie sphinctériens peu étendus, remet en cause cette démarche parce qu’on ne connaît pas d’explorations ayant, dans ce champ thérapeutique, de valeur prédictive de succès. La demande de la malade concerne la correction durable d’un ou plusieurs symptôme(s) dans un rapport bénéfice/risque favorable. L’objectif chirurgical repose sur la correction d’une ou plusieurs anomalie(s) anatomique(s) et/ou fonc­ tionnelle(s) anorectale(s). Ces deux approches ne sont pas strictement superposables : ces données doivent être évoquées avec la malade et son chirurgien. Les enjeux thérapeutiques ne sont pas les mêmes lorsque la plainte principale d’une malade est une procidence anatomique mécaniquement gênante ou celui d’un trouble de l’évacuation rectale. De fait, il est important de décomposer les plaintes et savoir ce qu’on doit attendre de la stratégie chirurgicale en fonction du contexte anatomique à corriger et non l’inverse. En abordant la prise en charge sous l’angle de l’anatomie à corriger, les thérapeutes prennent le risque de ne pas poursuivre le même objectif que les malades soignées et de générer un important niveau d’insatisfaction. Dans l’approche chirurgicale, le discours anatomique est inhérent à la démarche thérapeutique. L’objectif à fixer avec la malade soignée doit néanmoins se baser sur le symptôme dominant et les symptômes associés. Les bénéfices thérapeutiques attendus par symptôme doivent être clairement exprimés à la malade de la même façon qu’on lui délivre les informations concernant les aléas thérapeutiques et complications. La prise en charge des troubles anorectaux La prise en charge des troubles ­anorectaux est complexe du fait de la fréquence des ­associations de symptômes. Il est important de décomposer les plaintes. L’approche thérapeutique est multimodale et la chirurgie n’en représente qu’une étape. La correction anatomique ne corrige pas toujours la fonction. Le bénéfice symptomatique est rarement la guérison. Les résultats peuvent se dégrader au cours du suivi. Références [1] Damon H, Dumas P, Mion F. Impact of anal incontinence and chronic constipation on quality of life. Gastroenterol Clin Biol 2004 ; 28 : 16-20. [2] Sailer M, Bussen D, Debus ES, Fuchs KH, Thiede A. 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Conclusion La prise en charge des troubles de la statique pelvienne est complexe parce qu’elle se heurte à la diversité des symptômes et à la fréquence de leur association. L’approche thérapeutique est multimodale et la chirurgie n’en représente qu’un des maillons. Lorsqu’une malade se voit proposer une approche chirurgicale, elle doit garder à l’esprit trois notions essentielles : la correction anatomique ne corrige pas toujours la fonction, le bénéfice symptomatique n’est souvent que partiel et les résultats peuvent se dégrader au cours du temps. [7] Burrows LJ, Sewell C, Leffler KS, Cundiff GW. The accuracy of clinical evaluation of posterior vaginal wall defects. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2003 ; 14 : 160-3. [8] American gastroenterological Association Medical Position Statement : guidelines on constipation. Gastroenterology 2000 ; 119 : 1761-78. [9] Minguez M, Herreros B, Sanchiz V, Hernandez V, Almela P, Añon R et al. Predictive value of the balloon expulsion test for excluding the diagno- 96 Chapitre 8. Troubles anorectaux de la femme : diagnostic et traitement sis of pelvic floor dyssynergia in constipation. Gastroenterology 2004 ; 126 : 57-62. normal transit constipation due to pelvic floor dyssynergia. Gastroenterology 2006 ; 130 : 657-64. [10] Finco C, Savastano S, Luongo B, Sarzo G, Vecchiato M, Gasparini G, et al. Colpocystodefecography in obstructed defecation : is it really useful to the surgeon? Correlating clinical and radiological findings in surgery for obstructed defecation. Colorectal Dis 2008 ; 10 : 446-52. [16] Chiarioni G, Salandini L, Whitehead WE. Biofeedback benefits only patients with outlet dysfunction, not patients with isolated slow transit constipation. Gastroenterology 2005 ; 129 : 86-97. [17] Demirci S, Gallas S, Bertot-Sassigneux P, Michot F, Denis P, Leroi AM. Anal incontinence : the role of medical management. Gastroenterol Clin Biol 2006 ; 30 : 954-60. 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Biofeedback is superior to laxatives for 97 Douleurs périnéales : diagnostic et traitement Chapitre 9 Jean-Jacques Labat Les douleurs pelvipérinéales chroniques ne peuvent être abordées qu’à travers un démembrement clinique. Après avoir éliminé toutes les étiologies lésionnelles régionales (douleurs nociceptives lésionnelles d’origine gynécologique, urologique, proctologique ou dermatologique), une pathologie musculo-ligamentaire ou neurologique (somatique ou végétative) pourra être évoquée. Une bonne connaissance des territoires d’innervation sensitive du périnée est indispensable (fig. 9.1). Les douleurs médiées par le système végétatif et notamment sympathique sont beaucoup plus diffuses que les douleurs neuropathiques somatiques. Les douleurs à composantes musculo-squelettiques incluent les douleurs projetées d’origine thoraco-lombaire et des douleurs à composante myofasciales parfois intégrées dans un contexte plus global de fibromyalgie. Les névralgies pudendales sont habituellement en rapport avec un syndrome canalaire pelvien par conflits d’origine ligamentaire ou aponévrotique et elles s’expriment par des douleurs périnéales, positionnelles (aggravées en station assise) qui ne réveillent pas la nuit de façon habituelle et qui ne s’accompagnent pas de troubles sensitifs objectifs. Les blocs anesthésiques tronculaires permettent de confirmer le diagnostic (critères de Nantes). Le traitement fait appel aux médicaments de la douleur neuropathique, aux infiltrations et à la chirurgie de libération chirurgicale. Les atteintes des nerfs ilio-inguinal ou génitofémoral ou du nerf obturateur, plus rares, sont en général secondaires à des interventions de chirurgie pelvienne. Certaines douleurs pelviennes complexes, associant douleurs pelviennes, vésicales, périnéales, troubles fonctionnels intestinaux… sont difficilement intégrées à un contexte précis, mais l’ana- lyse des différentes dimensions de ces douleurs peut faire apparaître des composantes neuro­ pathiques, de syndrome douloureux régional complexe, d’hypersensibilisation régionale ou générale, de syndrome de stress post-traumatique. La complexité et l’aspect multidimentionnel de ces douleurs périnéales chroniques justifient une approche pluridisciplinaire. Névralgie pudendale La névralgie du nerf pudendal (anciennement appelé nerf honteux interne) est une pathologie fréquente qui a longtemps été méconnue. Six fois sur dix, le tableau concerne une femme. La symptomatologie est remarquablement constante d’un patient à l’autre avec une histoire clinique évocatrice. Les douleurs réalisent un tableau très A B C Figure 9.1. Territoires d’innervation sensitive du périnée. (a). Nerf ílio-inguinal et génitofémoral. (b). Nerf pudendal. (c). Nerf cutané postérieur de la cuisse. 99 s­ pécifique et évocateur par ses irradiations, son type et ses caractères de survenue. L’âge habituel de survenue de cette douleur est 50–70 ans, mais il est possible de voir apparaître de telles douleurs chez des jeunes patients faisant éventuellement soupçonner une prédisposition anatomique. Les succès de la prise en charge thérapeutique (infiltrations ou chirurgie) sont en relation directe avec l’âge : les personnes les plus âgées sont celles dont la compression est la plus ancienne et dont les capacités de régénérescence nerveuse sont les plus mauvaises. Le nerf pudendal est un nerf dont le degré de mobilité est extrêmement réduit. La compression du nerf par une fibrose peut certes être une source locale de douleur mais ne peut expliquer à elle seule la symptomatologie quand elle n’apparaît qu’en position assise. C’est donc probablement la perte de mobilité induite qui va faire que le nerf ne peut échapper à l’hyperpression en station assise au niveau du processus falciforme du ligament sacrotubéral et qui va générer une souffrance locale posturale et plus ou moins temporaire. Il est par ailleurs impossible de différencier ce qui pourrait revenir à l’excès de compression (facteur nociceptif) et à la déafférentation (facteur neuropathique). Le diagnostic de névralgie pudendale est avant tout un diagnostic clinique que viendront confirmer les blocs diagnostiques et les effets éventuels des infiltrations corticoïdes. Des critères diagnostiques de syndrome canalaire du nerf pudendal (critères de Nantes) ont été validés par un groupe d’experts [1]. Il existe cinq critères indispensables, huit critères complémentaires et quatre critères d’exclusion (encadré 9.1). Mode d’installation de la douleur Le plus souvent la douleur s’est installée insidieusement, parfois précédée d’une phase de paresthésies dans le même territoire. Un tiers des patients rattachent le début de leur douleur à un événement aigu (chute sur les fesses, intervention chirurgicale, geste endoscopique, infection locorégionale). Si le travail assis, les déplacements automobiles répétés semblent des situations favorisantes, c’est essentiellement la pratique du cyclisme qui est le facteur de risque le plus classique. 100 Encadré 9.1 Manuel pratique d’urogynécologie Critères diagnostiques de névralgie pudendale par syndrome canalaire (Critères de Nantes selon Labat JJ et al. Pelv-Perineol, 2007 ; 2 : 65–70) Critères indispensables au ­diagnostic de névralgie pudendale } 1/ Douleur située dans le territoire du nerf pudendal (de l’anus à la verge ou au clitoris) } 2/ Douleur prédominant en position assise } 3/ Douleur ne réveillant habituellement pas la nuit } 4/ Absence de déficit sensitif objectif } 5/ Bloc diagnostique du nerf pudendal positif (sous réserve d’une technique irréprochable) Critères complémentaires au diagnostic } 1/ Sensations de brûlures, décharges électriques, tiraillement, engourdissement } 2/ Sensation de corps étranger endocavitaire (« sympathalgie » rectale ou vaginale) } 3/ Aggravation de la douleur au cours de la journée } 4/ Douleur à prédominance unilatérale } 5/ Douleurs apparaissant après la défécation } 6/ Présence d’une douleur exquise à la palpation de l’épine sciatique } 7/ Données de l’électroneuromyogramme chez l’homme et la femme nullipare Critères d’exclusion } 1/ Douleurs uniquement coccygienne, fessière, pubienne ou hypogastrique } 2/ Prurit } 3/ Douleurs uniquement paroxystiques } 4/ Anomalies d’imagerie pouvant expliquer la douleur Signes associés n’excluant pas le diagnostic } 1/ Irradiation fessière ou au membre inférieur, notamment en position assise } 2/ Douleur sus-pubienne } 3/ Pollakiurie et/ou douleurs au remplissage vésical } 4/ Douleurs apparaissant après l’éjaculation } 5/ Dyspareunie et /ou douleurs après les rapports sexuels } 6/ Troubles de l’érection } 7/ Normalité de l’ENMG Topographie de la douleur Cette douleur prédomine au niveau du périnée (de l’anus au clitoris). Elle peut avoir des irradia- Chapitre 9. Douleurs périnéales : diagnostic et traitement tance molle (la station assise sur un siège de WC est bien mieux tolérée). Les patientes s’assoient alors d’une fesse sur l’autre, ou utilisent des bouées… La position debout les soulage dans 80 % des cas et elles sont beaucoup moins gênées à la marche. Les patientes souffrent aussi beaucoup moins en décubitus. Même si la douleur ne disparaît pas immédiatement avec le coucher, elle cède avec l’endormissement, elle ne réveille jamais la patiente et elle est en général absente le matin au réveil avant le lever. La douleur est souvent absente ou modérée le matin et s’aggrave à partir de la mi-journée pour être maximum le soir. Il n’y a habituellement pas d’influence par la miction ou par la défécation. Cependant, dans les douleurs à prédominance anorectale, les douleurs sont souvent aggravées après la défécation, la douleur n’apparaissant qu’à partir de ce moment pour durer toute la journée. Il n’y a jamais de douleur pendant la défécation elle-même. tions antérieures au niveau de la région vulvaire. La douleur peut être unilatérale et alors encore plus évocatrice mais comme dans les autres syndromes canalaires, elle est souvent bilatérale, médiane avec parfois un côté prépondérant. Parfois les irradiations postérieures se font vers la région anorectale. Dans d’autres circonstances, il s’agit de douleurs strictement anales ou plus souvent anorectales avec parfois une impression de corps étranger intrarectal. Des irradiations plus trompeuses peuvent se retrouver au niveau du pubis, de la face interne des cuisses, au niveau du pli fessier, des ischions et de la fesse. Cette topographie correspond au territoire d’innervation sensitive du nerf pudendal et de ses branches (génitale, périnéale et anale). Dans certains cas, la douleur peut s’installer d’emblée de façon permanente et sans rémission, dans d’autres cas, elle évolue avec des périodes et, lors de la consultation initiale, l’interrogatoire retrouvera souvent une ou plusieurs périodes douloureuses de quelques mois, régressives spontanément avant que la douleur ne prenne un caractère régulier, quotidien. Signes associés Type de la douleur Il s’agit d’une douleur à type de brûlure, de torsion, de striction, de pincement avec parfois des élancements, très mal soulagée par les antalgiques habituels. Cette sensation de cuisson incite souvent aux bains de siège ou à l’application de glaçons, qui ne sont que brièvement efficaces. Parfois la douleur a un caractère algique moins marqué et les patientes parleront plus volontiers d’une gêne, d’un engourdissement, de fourmillements. Il ne s’agit jamais d’une sensation de prurit. Il peut exister une intolérance au contact superficiel faisant remplacer les vêtements, collants et sousvêtements serrés par d’autres plus amples. Cette douleur est minante par son caractère continu et, si l’intensité de la douleur peut être très variable d’un jour à l’autre, il faut surtout retenir qu’elle n’a pas de caractère véritablement paroxystique. L’existence de décharges douloureuses brutales, en éclair, doit faire évoquer un mécanisme différent (neurinome sacré, douleurs d’origine centrale, cordonales). Certains facteurs déclenchant la survenue de la douleur peuvent être évocateurs comme la station assise. Ainsi les longs déplacements en voiture seront évités, surtout si les sièges ont une consis- 101 La survenue de douleurs fessières voire sciatiques plus ou moins tronquées est assez fréquente. Des phénomènes d’hypersensibilisation cutanée, muqueuse, sous-cutanée, musculaire ou viscérale (douleurs au remplissage vésical par exemple) sont souvent présents. L’existence de troubles sexuels est difficile à interpréter dans le contexte d’algies périnéales chroniques. Dans tous les cas, l’activité sexuelle est diminuée. Chez la femme, il n’y a pas de véritable dyspareunie mais la douleur est souvent aggravée après les rapports. La constipation est un symptôme banal, mais souvent associé, avec dyschésie anorectale. Un lien de causalité peut être évoqué si la survenue des symptômes douleur et constipation a été concomitante. Il n’y a habituellement pas de trouble urinaire associé à cette névralgie, certaines patientes cependant présentent une pollakiurie ou une dysurie évoluant parallèlement à la douleur. Il ne s’agit pas d’une complication urologique à proprement parler puisque les symptômes urinaires régressent avec la douleur, mais plutôt d’une pathologie fonctionnelle réactionnelle (dysurie par difficulté de relaxation liée à la douleur, pollakiurie liée à une gêne locorégionale). Manuel pratique d’urogynécologie lombosacré ainsi qu’à la recherche de points douloureux de fibromyalgie (témoins d’une hypersensibilisation à la douleur). Les bilans gynécologiques, urologiques et proctologiques sont normaux, ainsi que les examens radiographiques et tomodensitométriques. On sera intrigué de façon exceptionnelle par une calcification proche de l’épine sciatique, correspondant à une calcification de l’insertion du ligament sacro-épineux, argument pour une entésopathie (pathologie d’insertion ligamentaire). Pauvreté de l’examen clinique L’examen clinique est particulièrement pauvre. Il n’y a pas de trouble sensitif au niveau du périnée, les réflexes bulbocaverneux et anal sont présents. Parfois on pourra être intrigué par l’existence de phénomènes vasomoteurs au niveau des fesses, par l’existence d’une sensibilité osseuse particulière de la ceinture pelvienne. L’élément le plus constant est le déclenchement, lors du toucher rectal, d’une douleur exquise au niveau de la région de l’épine ischiatique (= épine sciatique). Celle-ci est perçue en bout de doigt sur la paroi postérolatérale du rectum. On appréciera également l’état de tension des ligaments sacro-épineux (en dedans de l’épine sciatique) et du ligament falciforme prolongement du ligament sacrotubéral (un peu en dessous et en avant et latéralement à l’épine sciatique). La palpation musculaire peut retrouver des points gâchettes sur le sphincter anal, sur les muscles élévateurs de l’anus (puborectal ou ischiococcygiens) ou sur le muscle obturateur interne. Il faut cependant rester prudent dans l’interprétation de ces points douloureux dont la diffusion peut rendre difficile l’interprétation et dont la spécificité n’est pas prouvée. L’examen clinique sera complété par la recherche de points douloureux myofasciaux, au niveau de la région fessière (muscles piriformes, muscle obturateur interne) et à la palpation profonde la région endo-ischiatique (portion pelvienne de l’obturateur interne). Il faudra également élargir l’examen clinique au rachis thoraco-lombaire et Bloc anesthésique et libération chirurgicale La positivité des blocs anesthésiques locaux réalisés au contact du nerf pudendal dans le canal d’Alcock (fig. 9.2) ou au voisinage de l’épine sciatique par exemple dans le ligament sacro-épineux (fig. 9.3), pratiqués uni- ou bilatéralement, permet de confirmer la participation neurologique, éventuellement évoquée par l’efficacité thérapeutique des infiltrations corticoïdes dans environ 50 % des cas [2-4]. Le guidage est souvent réalisé par scanner. Une autre approche thérapeutique, en général discutée après échec des autres thérapeutiques médicamenteuses et infiltratives, consiste à libérer chirurgicalement le nerf pudendal. Les constatations opératoires sont souvent très évocatrices avec visualisation d’une part de compressions nerveuses au niveau des structures anatomiques Figure 9.2. Infiltration du canal d’Alcock gauche. 102 Chapitre 9. Douleurs périnéales : diagnostic et traitement Figure 9.3. Infiltration bilatérale des ligaments sacro-épineux. mes physiopathologiques évoqués et l’hypothèse initiale de névralgie pudendale par syndrome canalaire à l’origine de nombreuses douleurs périnéales chroniques. précitées, d’autre part de modifications de l’aspect anatomique du nerf, flaccide, laminé, prenant un aspect de « spaghettis trop cuits ». D’assez nombreuses variations anatomiques ont été notées : épine particulièrement acérée et déjetée vers l’arrière, trajet transligamentraire du nerf dans le ligament sacro-épineux ou dans un dédoublement du ligament sacrotubéral alors pluristratifié et réalisant un hamac périneural, conflit vasculonerveux avec l’artère pudendale, développement énorme du processus falciforme plaquant le nerf à son entrée dans le canal d’Alcock, épaississement du fascia du muscle obturateur interne. A contrario, la constatation d’un nerf sain est un facteur de mauvais résultat opératoire, faisant a posteriori douter d’un mécanisme compressif à l’origine de la douleur. Le bénéfice éventuel des interventions de libération-transposition du nerf pudendal, dans deux tiers des cas, apporte a posteriori la confirmation des mécanismes possibles de la douleur. C’est la perte de mobilité du nerf qui l’expose à la compression lors de la station assise. De façon récente, un protocole chirurgical, réalisé chez les patients de moins de 70 ans, a comparé l’évolution de patients opérés et non opérés qui à l’inclusion étaient tous des candidats à la chirurgie. Cette étude randomisée valide la libération-transposition du nerf pudendal dans les névralgies pudendales d’évolution chronique, sévères et rebelles aux thérapeutiques habituelles avec un taux d’amélioration de 71,4 % à un an (versus 13,3 % dans le groupe non opéré) et de 57,1 % à 4 ans [5]. De ce fait, cette efficacité confirme les mécanis- Névralgie pudendale après chirurgie gynécologique Nombre de patientes attribuent la survenue de leur douleur à une intervention chirurgicale. La spinofixation peut effectivement traumatiser directement le nerf ou indirectement par le biais d’un écrasement éventuel par un écarteur ou par celui d’un hématome source de fibrose compressive ultérieure, justifiant la réalisation d’une IRM postopératoire. Certaines interventions peuvent traumatiser des fibres distales du nerf pudendales pouvant expliquer des douleurs après exérèse des glandes de Bartholin (branche périnéale), après bandelettes sous-urétrales rétropubiennes (nerf dorsal du clitoris) ou après certaines chirurgies proctologiques (branche hémorroïdale). La responsabilité d’un traumatisme opératoire impose une symptomatologie concordante avec une expression clinique localisée à la branche concernée. Les autres interventions impliquées ne peuvent pas être considérées comme des événements lésionnels car elles ne peuvent menacer le nerf pudendal d’un traumatisme direct. Ces douleurs ne sont pas accompagnées des signes de lésions neurologiques observés habituellement dans les traumatismes nerveux (ni déficit moteur, sphinctérien, ni déficit sensitif objectif). Enfin, elles s’aggravent souvent à distance de l’­intervention au lieu 103 Manuel pratique d’urogynécologie de s’améliorer avec le temps puisque les lésions nerveuses traumatiques, axonales ont un potentiel de récupération. Tout type de chirurgie peut être incriminé : coloproctologique, urologique, gynécologique. Ces éléments semblent donc intervenir comme des révélateurs d’un conflit préexistant et asymptomatique (position peropératoire ? contractures réflexes musculaires postopératoires déstabilisantes ? équivalent d’algodystrophie réflexe ?…). En effet, nombre de syndromes canalaires sont asymptomatiques et de découverte fortuite (exemple d’un syndrome du canal carpien bilatéral chez une patiente symptomatique d’un seul côté) permettant de penser que le conflit neurologique est en règle bien antérieur à l’apparition de la douleur. La survenue d’une douleur périnéale après une intervention peut poser des problèmes médicolégaux. L’hypothèse d’une faute médicale ne peut en général pas être retenue. Le lien de causalité avec l’intervention est analogue à la survenue d’un syndrome douloureux régional complexe (algodystrophie) après une chirurgie de canal carpien par exemple. Le défaut d’information ne peut être évoqué étant donné la rareté de ces événements eu égard à la banalité et la fréquence des interventions en cause. les mois suivants l’accouchement, la douleur devrait donc évoluer dans le même sens. Les troubles de la continence urinaire ou même fécale secondaire à une neuropathie d’étirement sont fréquents, les douleurs ne le sont pas et quand elles existent, elles ne sont pas spécialement associées à une incontinence. L’existence de séquelles de neuropathie d’étirement susceptibles de laisser persister des anomalies rend alors difficilement interprétable l’exploration électrophysiologique du nerf pudendal. Toujours est-il que l’existence d’une neuropathie occulte secondaire à un accouchement peut être un élément favorisant l’apparition de la névralgie expliquant la prépondérance féminine. Atteinte du nerf clunial (ou clunéal) inférieur Le nerf clunial inférieur est une collatérale du nerf cutané postérieur de la cuisse (nerf petit sciatique). Il s’en détache à la partie inférieure de la fesse et se dirige sous l’ischion pour aller prendre en charge la région latéro-anale mais pas l’anus lui-même et la région latérale de la grande lèvre, mais ni la vulve ni le vagin. Il ne prend pas en charge le clitoris. Une atteinte du nerf cutané postérieur de la cuisse unilatérale au niveau de la fesse dans le cadre d’un syndrome du piriforme par exemple peut donc s’exprimer par des projections douloureuses au niveau de la fesse, de la partie postérieure de la cuisse mais aussi de la région périnéale en position assise. En effet en position assise, le nerf peut être en hyperpression soit au niveau de la fesse quand l’atteinte est située en amont de la branche clunéale inférieure, soit sous l’ischion quand elle est localisée en aval (possibilité d’un syndrome canalaire sous-ischiatique au contact de l’insertion des ischojambiers) ou si le nerf est fragilisé par une atteinte plus proximale. Les patientes seraient plus gênées sur les sièges durs que sur les sièges mous, et la douleur provoquée à l’examen clinique en endo-ischiatique serait plus superficielle que lors des syndromes du canal d’Alcock (au niveau du chef pelvien de l’obturateur interne). Un bloc diagnostic positif en exoischiatique associé à un bloc anesthésique du nerf pudendal au canal d’Alcock négatif permet Neuropathie pudendale et accouchement Cette pathologie a une prépondérance féminine importante. L’accouchement comme les efforts répétés de poussée abdominale (du fait de la constipation terminale chronique) favorisent la distension et la descente du périnée. Cette descente périnéale entraîne un étirement du nerf pudendal. La dénervation ainsi créée entraîne une amyotrophie périnéale et majore la descente périnéale, l’étirement, la dénervation, etc., ces phénomènes sont donc générateurs d’un cercle vicieux qui se pérennisera tant que persisteront les efforts de poussée abdominale. C’est le concept de neuropathie d’étirement. Si le concept de neuropathie périnéale est documenté, sa sémiologie clinique l’est beaucoup moins. Le lien entre neuropathie d’étirement et douleur est loin d’être prouvé. La survenue d’une douleur périnéale au décours d’un accouchement est certes en faveur d’un lien de causalité mais il a été montré que la neuropathie du post-partum avait tendance à récupérer dans 104 Chapitre 9. Douleurs périnéales : diagnostic et traitement lation, c’est l’hyperpathie. Les troubles moteurs sont très discrets, le nerf génitofémoral intervenant uniquement dans la contraction des crémasters et le nerf iliohypogastrique prenant en charge les obliques. L’exploration électromyographique est peu contributive. C’est finalement la pratique d’un bloc avec un anesthésique local, réalisé sur le trajet nerveux, au niveau d’un point gâchette, en général sur une cicatrice, dans l’épaisseur de la paroi abdominale qui est le plus contributif au diagnostic. Il s’agit d’un geste extrêmement simple pour les nerfs ilioinguinal, iliohypogastrique et génitofémoral même si à ce niveau les blocs sont peu sélectifs et il sera difficile de savoir lequel de ces trois nerfs est en cause. L’important est d’avoir affirmé le mécanisme de la douleur, de proposer dans le même temps un geste thérapeutique par une infiltration locale de corticoïdes et surtout d’avoir évité toute exploration inutile au niveau pelvien (imagerie ou cœlioscopie) puisque la positivité du bloc permet d’affirmer qu’il s’agit d’une atteinte pariétale. Dans certains cas, si le bloc est positif mais que la douleur perdure malgré l’infiltration de corticoïdes, ce sera une indication de libération chirurgicale du nerf au sein de la cicatrice. Les étiologies sont avant tout iatrogènes. Les laparotomies latérales, comme pour les néphrectomies, peuvent léser les nerfs ilio-inguinal et iliohypogastrique. La chirurgie des hernies inguinales est pourvoyeuse de complications neurologiques. Les abords inguinaux peuvent conduire à des douleurs sur cicatrices avec signe de Tinel. Les appendicectomies peuvent ainsi entraîner une atteinte ilio-inguinale ou génitofémorale. Les cicatrices de hernie inguinale peuvent être des gâchettes de douleurs ilio-inguinales, iliohypogastriques ou génitofémorales. Dans les abords antérieurs des cures de hernies de l’aine, l’incision de l’aponévrose du grand oblique, située sous les plans cutanés et sous-cutanés, ouvre le canal inguinal. Les atteintes iliohypogastriques à l’extrémité d’une cicatrice de Pfannenstiel se voient dans toute chirurgie, notamment lors des césariennes, mais également sur les cicatrices d’abdominoplasties réalisées pour chirurgie plastique. L’abord cœlioscopique peut également être pourvoyeur d’atteintes nerveuses, en particulier la chirurgie de la hernie inguinale et, dès que les abords croisent la ligne joignant omblilic-épine ­d ’envisager une atteinte à ce niveau. Le bloc anesthésique du nerf pudendal réalisé au niveau de l’épine sciatique ne peut être discriminatif car le produit anesthésique est susceptible de diffuser vers le tronc sciatique. Le bloc anesthésique du nerf pudendal au canal d’Alcock peut être partiellement positif si le produit diffuse vers le bas. Douleurs neuropathiques d’origine thoraco-lombaire Les nerf ilio-inguinal, iliohypogastrique et génitofémoral sont issus de la région thoraco-lombaire ou lombaire haute. Les atteintes des nerfs ilioinguinal, iliohypogastrique, génitofémoral sont en général liées à un traumatisme opératoire ou plus à distance à une fibrose postchirurgicale, plus rarement à un véritable névrome. Ces douleurs ont trois caractéristiques : elles sont localisées à la région anatomique attendue, elles ont des caractères à la fois neurogènes et mécaniques, elles surviennent chez des patientes qui ont des anté-cédents chirurgicaux. C’est la topographie de la douleur et des troubles sensitifs qui vont permettre de rattacher les symptômes à un tronc nerveux. Cette topographie est directement liée aux données neuro-anatomiques. L’atteinte des nerfs ilio-inguinal et iliohypogastrique entraînera des troubles sensitifs retrouvés dans la région inguinale et pouvant irradier vers le pubis pour le nerf iliohypogastrique et vers une grande lèvre pouvant entraîner une dyspareunie d’intromission. Celle du nerf génitofémoral donnera des troubles sensitifs irradiant vers le pubis, la face interne de la racine de la cuisse et la région génitale au niveau de la grande lèvre. Les troubles sensitifs subjectifs sont souvent le motif d’alerte de la patiente, leur tonalité est très particulière. Les douleurs peuvent prendre une tonalité de paresthésies (à type de picotements, d’engourdissements, de pelote d’aiguilles), de décharges électriques ou de brûlures. La patiente peut signaler une allodynie avec une intolérance au contact cutané, au port d’un vêtement par exemple. L’examen clinique prend toute sa valeur quand il retrouve des dysesthésies au contact, une hypoesthésie au piquer-toucher ou au chaud-froid. Une stimulation mécanique locale peut provoquer une douleur qui persiste bien après l’arrêt de la stimu- 105 Manuel pratique d’urogynécologie iliaque antérosupérieure, il existe un risque de traumatisme à l’émergence du nerf ilio-inguinal. dynie provoquée ». Cette brûlure vulvaire a pour caractéristique d’être tout à fait localisée au niveau du vestibule, sans côté préférentiel. Celui-ci est particulièrement sensible avec une intolérance locale au moindre contact, entraînant souvent une dyspareunie sévère et l’impossibilité d’appliquer un tampon hygiénique. L’introduction du spéculum est alors impossible. La douleur n’est pas spontanée mais provoquée (d’où le terme de vulvodynie provoquée) par le frottement lors de la marche ou au contact du slip ou des pantalons serrés. Localement, on peut retrouver un érythème localisé visible macroscopiquement ou une simple hyperémie visible en vulvoscopie, mais cela n’est ni spécifique, ni constant. L’examen histologique n’est pas spécifique, retrouvant parfois une réaction érythémateuse locale, non spécifique d’aspect inflammatoire. On retrouve parfois des épisodes antérieurs d’infection ou inflammatoires locaux, d’utilisation du laser. L’évolution est variable parfois relativement courte, parfois désespérément traînante. Le retentissement psychologique de la douleur et de la dyspareunie est souvent important. Certaines sont primaires apparaissant dès les premiers rapports sexuels et pouvant être à l’origine d’un vaginisme secondaire (éventuellement anticipatoire) ou secondaires chez des femmes plus âgées. La cause de la vulvodynie provoquée est inconnue. Elle peut être en rapport avec des altérations des fibres afférentes nociceptives, démasquées par une épine irritative non spécifique ; elles ont les caractéristiques de douleurs médiées par le sympathique. Il pourrait s’agir d’une réaction locale à une agression variable (infectieuse ou toxique), qui mettrait en route un dysfonctionnement végétatif local à la manière d’une algodystrophie. Les traitements demeurent très empiriques : régime pauvre en oxalate (épinards, betteraves, cacahuètes, chocolat, thé), citrate de calcium, N-acétyl-glucosamine, médicaments uricosuriques, tous traitements visant à diminuer le pH urinaire, l’émission d’urine étant suspectée d’être irritante sur la vulve. L’application d’œstrogènes locaux semble apporter une amélioration partielle aux femmes ménopausées non substituées d’un point de vue hormonal. Il est souhaitable d’éviter les désinfectants, les antibiotiques locaux. L’application de topiques locaux y compris corticoïdes donne des résultats très aléatoires. La Atteinte du nerf obturateur Le nerf obturateur (issu des racines L2 à L4) peut être en situation conflictuelle au niveau du canal obturateur. Cette pathologie mérite d’être connue car de plus en plus souvent observée après les passages de bandelettes transobturatrices, la symptomatologie s’installe dès l’intervention, elle peut être le témoin d’un trajet aberrant de la bandelette mais plus souvent de la mise en tension du nerf dans un canal obturateur étroit secondairement aux tensions musculaires secondaires au passage à travers le muscle obturateur interne. La sémiologie douloureuse concerne la région inguinale et la face interne de la cuisse jusqu’au niveau du genou. L’existence d’une douleur à l’appui sur le membre inférieur perturbant de façon importante la marche nous semble être un signe d’accompagnement évocateur. L’absence de tout trouble moteur est en faveur d’une atteinte élective de la branche antérieure destinée à l’innervation cutanée de la face interne de la cuisse. Il est possible de réaliser un bloc anesthésique du nerf obturateur de façon relativement spécifique avec un repérage par scanner soit par en avant soit surtout par voie postérieure permettant une approche plus proximale au niveau du canal obturateur. L’élargissement du canal obturé avec libération du nerf obturateur peut se faire par une approche cœlioscopique. Dans les situations postopératoires, il est préférable de proposer une ablation rapide et facile de la bandelette dans la semaine qui suit car second­a i­ re­ment la libération chirurgicale sera extrêmement plus compliquée [6]. Vulvodynies provoquées Le terme de syndrome de brûlure vulvaire ou vulvodynie a été introduit par Freidrich en 1987. La vulvodynie peut être une névralgie pudendale avec une douleur positionnelle qui tend à déborder de la vulve, mais il existe un contexte d’hyperpathie vulvaire localisée très particulier et cliniquement assez bien défini et dénommé « vestibulite vulvaire » ou plus récemment « vestibulo- 106 Chapitre 9. Douleurs périnéales : diagnostic et traitement r­ ééducation par relaxation périnéale, les thérapies psychocomportementales [7], les médicaments de la douleur neuropathique (antidépresseurs ou antiépileptiques), la toxine botulique [8] ont fait l’objet de travaux montrant une efficacité partielle. La vestibulectomie a quasiment disparu dans cette indication. antérieures sont situées dans les métamères T12, L1. Il s’agit rarement de douleurs radiculaires vraies, le tableau habituel est celui de douleurs référées d’origine articulaire évoluant dans le cadre d’un dysfonctionnement intervertébral mineur. Par ailleurs, c’est également de cette région qu’émergent les efférents sympathiques destinés au pelvis et au périnée, expliquant probablement la composante sympathique de nombre de douleurs. Douleurs musculo-squelettiques projetées d’origine thoracolombaire Douleurs myofasciales Le syndrome de la charnière thoraco-lombaire a été décrit il y a quelques années par Maigne. Les patientes consultent pour des douleurs projetées parfois pseudoviscérales (inguinales, pubis, grandes lèvres, urètre) sans que l’on puisse retrouver de cause organique locale. Elles ne se plaignent pas spontanément de leur rachis et quand cela est le cas, leur plainte concerne paradoxalement plus souvent le rachis lombosacré que le rachis thoraco-lombaire. Une autre projection douloureuse plus inconstante se situe au niveau de la face externe de la hanche, dans la région trochantérienne. L’examen clinique systématique retrouve les ­é léments du syndrome « segmentaire cellulopériosto-myalgique » avec des douleurs de la charnière thoraco-lombaire au niveau des articulaires postérieures qui ont d’autant plus de valeur ­qu’elles sont unilatérales et du même côté que celui de la projection douloureuse. On note également, au palper-rouler ou au pincement des zones de cellulalgie paravertébrale suspendues (s’étendant latéralement vers la région sous-costale), une zone douloureuse myalgique dans toute la région souscostale (s’étendant vers le flanc et la région inguinale) et parfois une douleur de crête iliaque. Cette hypersensibilité métamérique peut être retrouvée lors de la palpation des grandes lèvres ou lors de la pression du cadre osseux pelvien (pubis et branche ischiopubienne essentiellement) faisant évoquer une réaction sympathique régionale. Dans ce contexte, les douleurs lombosacrées sont en fait également des douleurs projetées issues de la charnière thoraco-lombaire. Ces projections douloureuses sont parfaitement compréhensibles car toutes les irradiations Certaines patientes ont des douleurs assez mal définies mais centrées sur la région périnéale et fessière. La terminologie utilisée mériterait d’être mieux définie : on parlera de tensions musculaires du plancher pelvien, d’hypertonie périnéale, de douleurs myofasciales, de contractures musculaires… L’examen clinique retrouve souvent des points gâchettes [9]. Ces points douloureux sont en général retrouvés lors de l’examen des muscles piriformes du bassin, obturateurs internes, droits fémoraux, psoas et élévateurs de l’anus. Le muscle obturateur interne est palpé au milieu de la fesse, au centre d’une ligne passant par la pointe du coccyx et le grand trochanter. Le chef pelvien du muscle obturateur interne est palpé lors des touchers pelviens latéralement, sa contraction peut être perçue en demandant à la patiente de réaliser une rotation externe contrariée sur le membre inférieur fléchi, en abduction. Le muscle piriforme est situé 5 cm plus haut. Ces muscles ont des rapports avec le nerf cutané postérieur de la cuisse, le sciatique et le muscle obturateur interne sont en contact avec le nerf pudendal et le nerf obturateur, expliquant des projections douloureuses dans le membre inférieur et dans le périnée. L’interprétation de ces douleurs reste assez obscure. S’agit-il de phénomènes réflexes souvent associés à une douleur pelvienne chronique, participant à l’aggravation et à la pérennisation du syndrome douloureux chronique ? S’agit-il de phénomènes périphériques ou centraux dans le cadre d’une hypersensibilisation régionale ? S’agit-il d’une pathologie primaire favorisant l’apparition de douleurs projetées au niveau pelvien mais sans pathologie d’organe ? 107 Manuel pratique d’urogynécologie Les douleurs myofasciales peuvent s’intégrer dans le cadre de douleurs plus diffuses, avec des points gâchettes diffus, une asthénie, des troubles du sommeil, évoquant un syndrome d’hypersensibilisation type fibromyalgique. La recherche de ces points douloureux doit faire partie de l’examen de toute patiente présentant des douleurs de la région pelvienne car cela incitera à proposer des traitements kinésithérapeutiques ou ostéopathiques adaptés dont l’objectif est bien sûr la relaxation de toute cette musculature, le rééquilibrage du complexe lombo-pelvipérinéal. En aucun cas il ne s’agit de rééducation périnéale « classique » visant à renforcer le périnée. que est au premier plan et surtout quand il entraîne des réveils nocturnes. Psychisme et douleurs périnéales Dépression et difficultés sexuelles sont souvent associées aux douleurs pelvipérinéales chroniques. Par exemple, dans les vulvodynies, à la dyspareunie provoquée par la douleur s’associe une anticipation négative avec la peur de réactiver la douleur par les rapports. Cette anticipation négative peut altérer la libido et la phase d’excitation. Aucune étude n’a étudié les facteurs psychologiques dans les névralgies pudendales. Une anxiété voire une humeur dépressive sont souvent mises en évidence lors de l’évaluation systématique. Elles paraissent davantage conséquences que cause du syndrome algique. En effet, leur correction est relativement rapide, sans prise en charge spécifique, lorsqu’une amélioration significative de la douleur a pu être obtenue par le traitement. Le stress génère à la fois des contractures musculaires et une hypertonie sympathique qui peuvent participer à l’amplification de la douleur périnéale. Ce peut être une façon d’inciter la patiente à une prise en charge type relaxation, prélude des thérapies comportementales ou psy­chothérapeutiques. Dans toutes les pathologies douloureuses pelviennes chroniques, on évoque un dysfonctionnement central, notamment du système limbique, pouvant être favorisé par une hyperstimulation des afférences d’origine périphérique à l’origine d’une hypersensibilisation centrale, une exagération des modifications des perceptions douloureuses issues de la sphère viscérale, hors de proportion avec le stimulus douloureux, des phénomènes d’hypervigilance. Ce dysfonctionnement pourrait induire des hyperstimulations des efférents expliquant la diffusion des symptômes à l’ensemble du pelvis et des modifications s’exprimant au niveau des fibres motrices somatiques d’origine musculaire avec des tensions musculaires du plancher pelvien. Ce dysfonctionnement pourrait être favorisé par des antécédents d’abus physiques et sexuels dont on connaît la fréquence dans les douleurs pelviennes. Les conséquences algiques tardives d’un abus Douleurs paroxystiques Deux cadres pathologiques sont à évoquer : les proctalgies fugaces et les tumeurs nerveuses. Les proctalgies fugaces sont manifestement très à part dans ce cadre. Il s’agit de douleurs fréquentes puisqu’elles touchent 3 % de la population générale [10]. Il n’y a aucun problème diagnostique tant elles sont évocatrices : il s’agit de douleurs à début extrêmement brutal, aussi souvent nocturnes que diurnes, pénétrantes, à type de striction, de crampe, de spasme de la région anorectale. Il n’y a aucune irradiation. Le soulagement apparaît après quelques secondes ou quelques minutes (15 minutes en moyenne), dans de rares cas quelques heures, parfois après une défécation. Elles peuvent se répéter, toujours de façon sporadique et imprévisible, en moyenne une fois par mois. Elles n’ont aucun caractère de gravité et ne justifient aucun examen complémentaire. Leur étiologie reste mystérieuse. Les hypothèses vont de la contracture de la musculature anorectale ou du rectosigmoïde aux phénomènes vasculaires avec vasospasme sans oublier l’inévitable théorie psychosomatique. Des traitements visant à relâcher la musculature lisse et d’action rapide (tocolytiques) sont proposés : nifépidine, trinitrine, salbutamol. Les tumeurs nerveuses (schwannome, neuro­ fibrome, méningiome…), où qu’elles soient situées (intrarachidiennes, racines sacrées, nerf pudendal), peuvent se révéler par des douleurs paroxystiques prépondérantes avec des décharges électriques, des éclairs douloureux dans le périnée. Il faut y penser quand ce caractère paroxysti- 108 Chapitre 9. Douleurs périnéales : diagnostic et traitement sexuel semblent d’autant plus importantes que l’abus sexuel a généré un PTSD (Post-traumatic stress syndrome). L’état de stress post-traumatique est un trouble anxieux majeur débutant par une exposition à une situation traumatique. Les symptômes du PTSD associent : un syndrome de reviviscence (pensées récurrentes sur le traumatisme, souvenirs intrusifs [douleurs, bruits], flash-back, cauchemars…), un syndrome d’évitement (le sujet fait des efforts importants pour éviter toute pensée, conversation ou situations associées au traumatisme) et un syndrome d’hypervigilance (le sujet reste en état d’alerte permanent). Ce syndrome comporte également une asthénie, des troubles de la concentration et du sommeil, une réduction des activités, un repli sur soi et des altérations du fonctionnement socioprofessionnel ou familial. Selon certaines études, 8 à 10 % de la population souffrirait à un moment ou à un autre de leur vie d’un PTSD. Il existe des facteurs de susceptibilité au syndrome de stress post-traumatique : antécédent d’abus sexuels, négligence parentale, faible niveau socio-économique, réaction initiale importante à l’événement traumatique. Il y aurait de 48 à 56 % de prévalence d’abus sexuels chez les femmes qui consultent pour des douleurs pelviennes chroniques, avec une augmentation des examens invasifs, une augmentation des visites médicales, une altération globale de l’état de santé et la notion de chirurgies pelviennes itératives. On ne retrouve pas de lésion organique dans 30 à 40 % des douleurs pelviennes chroniques. L’existence d’un syndrome dépressif, associé ou consécutif aux douleurs chroniques à l’asthénie et aux troubles du sommeil, va exacerber et pérenniser le PTSD et la symptomatologie douloureuse pelvienne chronique. Du fait de cette convergence, la prise en charge de ces patientes n’est pas l’affaire de tel ou tel spécialiste, mais relève d’une approche pluridisciplinaire avec une alliance thérapeutique psychiatre-somaticien. La patiente ayant des antécédents de traumatismes sexuels vient consulter pour sa douleur et son traitement. Cette plainte douloureuse peut être le début d’un dialogue et d’une prise en charge plus spécifique. Il faut savoir reconnaître cette notion d’antécédent d’agression et prendre en considération la souffrance de la patiente en la protégeant afin d’éviter des situations qui pourraient être des facteurs déclenchants ou de récidive. Dans les douleurs périnéales, ce lien avec les antécédents d’abus est plus discuté. Contrairement à ce qui était jusqu’à présent rapporté, une étude récente a observé une prévalence accrue des antécédents d’abus sexuels dans une population de femmes affectées de vulvodynies par rapport à la population générale [11]. Toutefois, il est important de laisser à la dimension psychoaffective de la douleur sa juste place. Trop de patientes sont considérées comme ayant des douleurs psychogènes uniquement parce que le médecin n’a pas identifié d’anomalie objective par la clinique ou les examens complémentaires. Le retentissement émotionnel de la douleur périnéale chronique est tel qu’il porte à confusion sur les causes et conséquences de cette douleur. Certaines douleurs sont actuellement bien authentifiées par des tableaux cliniques très stéréotypés (névralgies pudendales, vestibulites vulvaires, coccygodynies). L’absence de cause anatomique évidente permet simplement de la considérer comme sine materia mais pas comme psychogène. Il est souhaitable que la patiente puisse se reconnaître dans un groupe symptomatique, ce qui favorisera la relation et la démarche thérapeutique. Cela permettra également de préciser les objectifs thérapeutiques qui se doivent d’être réalistes, c’est-à-dire en essayant d’obtenir une diminution des douleurs (en fréquence et/ou en intensité) plutôt que de promettre une guérison complète. Syndrome douloureux pelvien complexe On assiste à une évolution des concepts, qui au cours de ces derniers temps, s’est faite d’une analyse uniquement en termes de pathologie d’organes vers une approche donnant de l’importance à une dysrégulation des messages douloureux venant du pelvis et du périnée. Le terme de syndrome douloureux pelvien complexe, même s’il est critiquable, permet de refléter la complexité de la diffusion de ces douleurs et constitue le point commun avec le syndrome douloureux régional complexe. On pourrait également envisager la terminologie de « douleurs pelviennes dysfonctionnelles ». Les pathologies douloureuses retrouvées dans chacune des différentes spécialités (gynécologie, 109 Manuel pratique d’urogynécologie Conclusion gastroentérologie, sexologie, urologie…) sont souvent intriquées, ont des dénominateurs communs, et ne sont pas à prendre en charge indépendamment les unes des autres. La douleur est interprétée par la patiente comme provenant de l’organe. En fait, elle ne provient pas forcément de l’organe mais s’exprime dans l’organe. L’exemple de la vessie montre que l’on est passé d’un concept de maladie provenant de la vessie (cystite interstitielle) à la terminologie de syndrome douloureux vésical témoignant d’une douleur à expression vésicale. Dans l’analyse de ce syndrome douloureux pelvien complexe, on retrouve des comorbidités communes (fibromyalgie, douleurs pelviennes chroniques, vestibulodynies, cystite interstitielle) et il existe des facteurs déclenchants communs (infectieux, postopératoires, posttraumatiques, immuno-allergiques), un phénomène d’hypersensibilisation (diminution du seuil de perception de la douleur, douleurs myofasciales, allodynie), des altérations cognitives, un terrain dépressif, des facteurs génotypiques (plus souvent des femmes de race blanche) et on retrouve parfois des antécédents d’abus sexuels. On peut ainsi proposer un schéma physiopathologique avec un élément déclenchant (notamment infectieux ou opératoire) qui entraîne une inflammation neurogène, avec des phénomènes d’hypersensibilisation périphérique, une altération des barrières épithéliales, un bombardement d’influx afférents aux cornes dorsales, une hypersensibilisation centrale débutant au niveau des cornes dorsales, des réactions de diffusion réflexe dans les métamères somatiques et végétatifs adjacents, une perturbation de l’intégration corticale de l’information périphérique. Les phénomènes se pérenniseraient avec un fonctionnement en boucle alors que le facteur déclenchant initial aurait disparu depuis longtemps. Certains terrains seraient favorisants à l’éclosion de ces réactions en chaîne. Ces douleurs pelviennes complexes peuvent être décryptées en fonction de leur composante neuropathique, émotionnelle, hypersensibilisante ou de dysfonctionnement sympathique [12]. Cette approche pragmatique permet de rechercher des solutions dans des champs connus, dans le cadre d’une approche transdisciplinaire. Après avoir éliminé une cause organique viscérale ou dermatologique, un interrogatoire et un examen clinique minutieux seront indispensables pour caractériser, diagnostiquer et appréhender le ou les mécanisme(s) physiopathologique(s) (neurologique, douleur projetée…) d’une douleur périnéale. La prise en charge thérapeutique est multidisciplinaire, faisant appel à des thérapeutiques pharmacologiques, rééducatives, infiltratives, psychocomportementales ou chirurgicales adaptées. Étiologies des douleurs périnéales Le diagnostic de la neuropathie pudendale (syndrome canalaire) est maintenant parfaitement codifié : antécédents évocateurs et symptomatologie de topographie typique, critères de Nantes avec test diagnostique spécifique (bloc anesthésique). n L’interrogatoire est l’examen clinique permettent d’éliminer des douleurs neuropathiques ou musculo-squelettiques projetées d’origine thoraco-lombaire. n n L’impact du psychisme (abus sexuel, stress post-traumatique) sur les douleurs périnéales est parfois indéniable mais ne doit pas occulter d’emblée la recherche d’autres étiologies de la douleur. Références [1] Labat JJ, Riant T, Robert R, Amarenco G, Lefaucheur JP, Rigaud J. Diagnostic criteria for pudendal neuralgia by pudendal nerve entrapment (Nantes criteria). Neurourol Urodyn 2008 ; 27 : 306-10. [2] Robert R, Labat JJ, Lehur PA, Glemain P, Armstrong O, Le Borgne J, Barbin JY. Réflexions cliniques, neurophysiologiques et thérapeutiques à partir de données anatomiques sur le nerf pudendal (honteux interne) lors de certaines algies périnéales. Chirurgie 1989 ; 115 : 515-20. [3] Amarenco G, Savatovsky I, Budet C, Perrigot M. Névralgies périnéales et syndrome du canal d’Alcock. Ann Urol (Paris) 1989 ; 23 : 488-92. [4] McDonald JS, Spigos DG. Computed tomographyguided pudendal block for treatment of pelvic pain due to pudendal neuropathy. Obstet Gynecol 2000 ; 95 : 306-09. 110 Chapitre 9. Douleurs périnéales : diagnostic et traitement [5] Robert R, Labat JJ, Bensignor M, Glemain P, Deschamps C, Raoul S, Hamel O. Decompression and transposition of the pudendal nerve in pudendal neuralgia : a randomized controlled trial and longterm evaluation. Eur Urol 2005 ; 47 : 403-8. [6] Rigaud J, Labat JJ, Riant T, Guerineau M, Bouchot O, Robert R. Névralgies obturatrices : prise en charge et résultats préliminaires de la neurolyse laparoscopique. Prog Urol 2009 ; 19 : 420-6. [7] Masheb RM, Kerns RD, Lozano C, Minkin MJ, Richman S.A randomized clinical trial for women with vulvodynia : Cognitive-behavioral therapy vs. supportive psychotherapy. Pain 2009 ; 141 : 31-40. [8] Yoon H, Chung WS, Shim BS. Botulinum toxin A for the management of vulvodynia. Int J Impot Res 2007 ; 19 : 84-7. [9] Weiss JM. Pelvic floor myofascial trigger points : manual therapy for interstitial cystitis and the urgency-frequency syndrome. J Urol 2001 ; 166 : 2226-31. [10] de Parades V, Etienney I, Bauer P, Taouk M, Atienza P. Proctalgia fugax : demographic and clinical characteristics. What every doctor should know from a prospective study of 54 patients. Dis Colon Rectum 2007 ; 50 : 893-8. [11] Harlow BL, Stewart EG. Adult-onset vulvodynia in relation to childhood violence victimization. Am J Epidemiol 2005 ; 161 : 871-80. [12] Labat JJ. La mathématique des douleurs pelvipérinéales chroniques : comment transformer un problème complexe en une somme de problèmes simples ? Pelv Perineol. 2009 ; 4 : 1-3. 111 Troubles de la sexualité féminine : diagnostic et traitement Chapitre 10 Brigitte Fatton, Xavier Deffieux L’évaluation des troubles de la sexualité se doit d’être multidimensionnelle : anatomique, neurophysiologique, psychologique et culturelle. Une sexualité « normale » est difficile à définir (absence de plainte ou satisfaction avérée) tant sur le plan de la physiologie que des pratiques. La sexualité dépend de plusieurs facteurs interconnectés : l’identité sexuelle, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, la réponse sexuelle. La réponse sexuelle est définie comme une séquence d’événements physiologiques et émotionnels qui impliquent le désir sexuel, l’excitation centrale et périphérique ainsi que les réponses génitales. Les troubles de la sexualité féminine peuvent se rencontrer de façon isolée, associés à une pathologie ou à un trouble sexuel masculin. La prise en charge est multimodale faisant appel à divers thérapeutes (rarement chirurgiens) et parfois à des médicaments. Après la phase désir, l’excitation (phase de plaisir) est déclenchée par des stimulations physiques et/ou psychologiques. Cette stimulation s’accompagne d’une apparition de la lubrification vaginale, d’une érection des mamelons, d’une augmentation du volume des seins, d’une tuméfaction des organes génitaux externes (tumescence du clitoris, engorgement veineux des lèvres) et d’une tachycardie et d’une tachypnée. La phase de l’orgasme correspond au pic du plaisir sexuel avec déclenchement de la tension sexuelle (ressentie physiquement et émotionnellement) et de quelques contractions rythmiques des muscles périnéaux (levator ani autour du vagin, sphincter anal et urétral) et de l’utérus [1]. Diverses recherches (en particulier chez des femmes paraplégiques) ont expérimentalement objectivé le fait qu’il existe une zone vaginale (non réduite à un point particulier) et donc distincte du clitoris, capable de déclencher l’orgasme. Si les stimulations cessent, la phase d’orgasme est suivie d’une phase de détumescence génitale faisant retrouver au corps un état de repos. Les femmes n’ont pas de période réfractaire et peuvent avoir des orgasmes multiples et successifs. Physiologie et pratiques sexuelles Physiologie de la réponse sexuelle La réponse sexuelle est une expérience psychique et physiologique pour laquelle diverses modélisations ont été proposées comme celle de Masters et Johnson (phases d’excitation, plateau, orgasme, résolution) ou celle de Kaplan qui fait précéder l’excitation par une phase de désir et qui ne reprend pas celle de plateau. Dans le DSM-IV (Diagnostic and statistical manual – revision 4), qui est une approche clinique psychiatrique, le cycle de la réponse sexuelle de la femme et de l’homme sont décrits en quatre phases successives : le désir, l’excitation, l’orgasme et la résolution. Évolution des pratiques sexuelles en France La « norme » en termes de pratiques sexuelles est difficile à établir et les enquêtes historiques successives ont montré que ces pratiques évoluent perpétuellement. Parmi ces enquêtes, relevons celle de l’Institut IPSOS Santé menée pour le compte du laboratoire pharmaceutique Lilly-iCOS 113 Manuel pratique d’urogynécologie France en (« Les points cardinaux de la sexualité des Français après l’âge de 35 ans »). Cette enquête a été réalisée en 2003 sur 1 000 Français âgés de plus de 35 ans, interrogés par téléphone. Sur ces 1 000 personnes, 8 sur 10 avaient un partenaire sexuel et 75 % vivaient en couple. Les Français de plus de 35 ans déclaraient avoir des relations sexuelles 1,8 fois par semaine en moyenne (2 fois pour les hommes et 1,6 fois pour les femmes). La fréquence des rapports hebdomadaires diminue avec l’âge (1,1 pour les 65 et plus). Les relations sexuelles sont victimes du stress, en particulier chez les femmes, qui affirment ne pas conserver le même désir lorsqu’elles traversent une période professionnelle difficile. La fatigue et le manque de temps sont aussi deux des principaux motifs d’abstinence sexuelle. Une autre grande enquête a été menée sur plus de 10 000 femmes et hommes âgés de 18 à 69 ans en 2006 par Bajos et Bozon de l’Agence nationale de recherche sur le sida [2]. Cette enquête téléphonique faisait suite à deux précédentes menées en 1972 et 1992. L’un des principaux changements observés est la convergence des « pratiques » des hommes et des femmes. La part des femmes déclarant n’avoir eu qu’un seul partenaire au cours de leur vie a considérablement diminué passant de 68 % en 1972 à 34 % en 2006. L’écart entre hommes et femmes sur l’âge du premier rapport sexuel passe de deux ans à quelques mois. L’homosexualité féminine déclarée passe de 2 % en 1992 à 4 % en 2006. Concernant l’utilisation du préservatif, 30 % des femmes ayant plusieurs partenaires dans l’année n’utilisent pas de préservatif. Les violences sexuelles rapportées par les femmes sont en augmentation, passant de 3 % en 1992 à plus de 15 % en 2006. bles sexuels avec douleur (vaginisme ou dyspareunies), la dysfonction sexuelle due à une affection médicale, celles induites par une substance et enfin les dysfonctions sexuelles non spécifiées. Les étiologies possibles sont multiples : organiques ­(malformation ou pathologie gynécologique, pathologie endocrinienne, cardiovasculaire, neuro­logique ou infectieuse), toxiques (drogues, alcool, médicaments), psychiques, relationnelles. Ces dysfonctions peuvent être primaires ou secondaires. Si elles sont définies séparément, elles sont fréquemment associées et interdépendantes. Troubles du désir sexuel On en distingue trois types : la baisse ou l’absence du désir sexuel, l’aversion sexuelle et l’exacerbation du désir sexuel (sexual addiction). Ces troubles du désir touchent plus fréquemment les femmes que les hommes (environ 30 % des femmes se plaignent d’une baisse du désir sexuel). Les étiologies à rechercher comportent les dysfonctions, des expériences sexuelles passées traumatisantes, un partenaire non approprié et ou non attractif, un syndrome anxiodépressif, un stress professionnel ou familial. Troubles de l’excitation Ils sont définis chez la femme par une incapacité d’atteindre ou de maintenir une vasocongestion suffisante, ce qui se traduit par une absence ou une insuffisance de lubrification vaginale en réponse à une stimulation sexuelle. Un trouble du désir entraîne fréquemment un trouble de l’excitation. Les causes potentielles sont multiples, psychologiques (anxiété, peur de dyspareunies) ou organiques et en particulier médicamenteuses (anticholinergiques et antihistaminiques). Classification des différentes dysfonctions sexuelles Troubles de l’orgasme Les dysfonctions sexuelles (troubles du cycle de la réponse sexuelle ou douleurs pendant les activités sexuelles) sont traitées dans l’axe 1 de la classification du DSM-IV. Elles peuvent également être définies comme des troubles ne permettant pas d’avoir des relations sexuelles satisfaisantes. On distingue ainsi les troubles du désir sexuel (baisse du désir sexuel ou aversion sexuelle), les troubles de l’excitation, les troubles de l’orgasme, les trou- L’incapacité à atteindre l’orgasme (après masturbation ou coït) est une absence d’orgasme après une phase d’excitation sexuelle « adéquate » en intensité et en durée. Les médicaments inhibant l’orgasme chez la femme sont les suivants : antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs de la mono-amine oxydase, antagonistes des récepteurs de la dopamine, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. 114 Chapitre 10. Troubles de la sexualité féminine : diagnostic et traitement Des troubles du comportement sexuel (diminution du désir, dyspareunies, vaginisme, hypersexualité) ont été décrits avec tous les agonistes dopaminergiques (antiparkinsoniens), parfois avec la L-DOPA, mais aussi avec la sélégiline. Concernant les antihypertenseurs, les effets secondaires délétères sur la libido des bêtabloquants sur l’homme sont bien connus. Il y a moins d’études chez la femme. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II semblent entraîner une amélioration du désir sexuel de la femme alors que les bêtabloquants semblent exercer un effet délétère. Il se pourrait que les taux plasmatiques de testostérone soient à l’origine de cette ­différence, les bêtabloquants réduisant son taux au contraire des inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II. Troubles sexuels avec douleurs (dyspareunies et vaginisme) Les dyspareunies sont des douleurs génitales (périnéales, pelviennes ou abdominales) associées au coït. Il peut s’agir de vraies douleurs ou de brûlures, de démangeaisons ou d’irritations pendant les rapports. Ces dyspareunies s’accompagnent fréquemment d’une altération de l’excitation avec sécheresse vaginale et d’une baisse du désir. Les causes sont multiples : endométriose, synéchie vaginale, infection, causes psychologiques… On distingue les dyspareunies d’intromission, de présence et profondes. Les dyspareunies superficielles ou d’intromission doivent faire rechercher un rétrécissement introïtal par hypoplasie vaginale, atrophie vaginale avec au maximum lichen scléro-atrophique, myorraphie trop serrée des élévateurs de l’anus après une cure de prolapsus, des lésions cicatricielles scléreuses du périnée après épisiotomie ou déchirure obstétricale, un herpès, un eczéma vulvaire, une fissure anale, une mycose, une bartholinite, des condylomes. Les dyspareunies de présence sont liées à une vaginite avec un état inflammatoire important, à une mycose souvent associée à un prurit vulvaire, à une atrophie ménopausique ou post-radique, à une sécheresse pathologique des muqueuses génitales, à une bride hyménéale ou vaginale, à un raccourcissement vaginal postopératoire. Enfin, les dyspareunies profondes (balistiques ou de choc) sont souvent liées à une pathologie organique pelvienne (endométriose, rétroversion, pathologie annexielle, fibrome utérin compliqué). Le vaginisme est une contraction involontaire des muscles vulvopérinéaux (faisceaux pubococcygiens du levator ani et muscles transverses du périnée) s’opposant à toute tentative de pénétration vaginale. Troubles sexuels des femmes diabétiques Une femme diabétique a deux fois plus de risque de présenter des troubles sexuels qu’une femme non diabétique. Le diabète s’accompagne souvent d’une baisse de la libido liée à la neuropathie diabétique, ou à des troubles psychologiques liés au stress de la maladie, ou à un vrai syndrome anxiodépressif. La neuropathie, qui au niveau vaginal va donner une perte de sensibilité et une sécheresse vaginale, peut s’accompagner de dyspareunies. Les femmes diabétiques mal équilibrée sont aussi plus sensibles aux infections vaginales de type mycoses. Impossibilité ou difficulté du rapport par agénésie ou hypoplasie vaginale Les difficultés ou impossibilités de pénétration peuvent être liées à des synéchies vaginales, une agénésie vaginale (partielle ou totale) ou à un diaphragme vaginal (sténose primaire congénitale, postchirurgicale, post-traumatique, postménopausique, post-radique ou inflammatoire). Une étiologie spécifique donnant une sténose post-inflammatoire est la post-Graft-versus-Host disease des patientes allogreffées. Dans ces pathologies malformatives ou cicatricielles, la prescription de mandrins vaginaux de dilatation est Quelques étiologies particulières Troubles sexuels et médicaments Les contraceptions œstroprogestatives s’accompagnent parfois de sécheresse vaginale et de diminution de la libido. Des essais randomisés ont montré que la compliance à la prise régulière d’un type de pilule est directement dépendante de ses effets secondaires sur la sexualité [3]. 115 Manuel pratique d’urogynécologie de gonades souvent en situation ectopique (testicules féminisants). Cette pathologie est liée à une insensibilité complète aux androgènes (une maladie héréditaire récessive liée au chromosome X). Le génotype est XY, les gonades sont mâles. Le phénotype est féminin à la naissance et le reste à la puberté, avec développement des seins et d’une morphologie féminine parfaite, hormis l’appareil génital. Il existe en général une cupule vaginale qui est susceptible de se distendre par méthode non opératoire de Franke. Si le résultat est insuffisant, un clivage intervésicorectal chirurgical (Davydov cœlioscopique) permettra de créer un néovagin. Dans le cas d’insensibilité aux andro­ gènes par mutation du gène du récepteur, le risque de dégénérescence maligne des gonades impose, après la puberté, une castration complétée par un traitement œstrogénique substitutif à vie. souvent suffisante dès lors que la patiente est motivée. Une intervention préalable avec levée des synéchies vaginales est souvent nécessaire. Le syndrome de Mayer-Rokitansky-Kuster-Hauser (agénésie müllerienne) se définit par une absence vaginale congénitale associée à un utérus rudimentaire avec des trompes et des ovaires normaux. Il touche une femme sur 4 000 à 8 000. Le diagnostic se fait le plus souvent à la puberté avec principalement une aménorrhée primaire chez une jeune fille ayant des caractères sexuels secondaires normaux. Il existe diverses possibilités de vaginoplastie pour les femmes atteintes d’une aplasie vaginale (ou hypoplasie sévère dans le cadre d’un syndrome de Mayer-Rokitansky-Kuster-Hauser). La moins invasive est la méthode non chirurgicale de Franke (dilatation progressive). Cette technique consiste en une dilatation instrumentale de la cupule vaginale à l’aide de bougies de Hegar de calibre croissant pratiquée par la patiente elle-même : elle introduit la bougie lubrifiée une à trois fois par jour pendant 20 minutes. Elle est revue en consultation tous les 15 jours puis tous les mois pour permettre de vérifier le bon usage du procédé, mesurer le résultat anatomique et passer à une bougie de calibre supérieur. L’objectif est d’obtenir une longueur de 8 cm tout en sachant qu’à 6 cm les rapports sexuels sont possibles. Cette méthode met 6 à 12 mois pour obtenir une cavité épithélialisée de longueur suffisante. On parle de résultat satisfaisant quand les rapports sexuels sont possibles, non douloureux et satisfaisants pour les deux partenaires. Les complications sont rares : infection urinaire, fausse route urétrale, fissures cutanéomuqueuses, fistules recto- ou vésicovaginales (exceptionnelles). Cette méthode est initiée quand le profil psychologique de la patiente le permet, quand la cupule est dépressible et surtout quand la longueur de la cupule initiale le permet (au moins 2 cm). Quand il n’y a aucune cupule, la méthode est contre-­indiquée. Dans ce cas, une technique chirurgicale de clivage interrectovésical (Davydov cœlioscopique par exemple) peut être réalisée ou une colpoplastie par un greffon sigmoïdien peut être discutée (les transplantations de l’intestin grêle et du rectum ont été abandonnées en raison de l’importance des sécrétions intestinales nauséabondes et des risques de fistule ou de séquelles fonctionnelles rectales). Le pseudo-hermaphrodisme masculin se traduit par une absence de vagin, d’utérus et la présence Troubles sexuels après chirurgie du prolapsus À l’heure où la réparation prothétique du prolapsus par voie vaginale est en pleine expansion, avec un engouement qui peut parfois sembler déraisonnable, la question des conséquences fonctionnelles de nos interventions est plus que jamais d’actualité. Des troubles sexuels sont fréquemment associés à l’existence d’un prolapsus génital sans qu’il soit souvent possible d’en prouver le lien de causalité. On considère que globalement 10 à 20 % des patientes seront améliorées sur le plan de la sexualité après cure de prolapsus et que 10 % présenteront des dyspareunies de novo après l’intervention. Un des principaux écueils à l’évaluation des résultats de la cure de prolapsus sur le plan de la sexualité tient à la difficulté de l’évaluation de cette dimension. Nous disposons depuis 2007 des versions françaises validées du PFDI-20 et du PFIQ-7 qui sont respectivement un questionnaire sur les symptômes de prolapsus et un questionnaire sur le retentissement social du prolapsus. Cependant, le retentissement du prolapsus sur la sexualité n’est que très succinctement abordé dans ces questionnaires. La version française du PISQ-12 est le premier outil de mesure de la sexualité, validé linguistiquement en français et spécifiquement développé pour l’évaluation des femmes présentant un prolapsus génital et/ou une incontinence urinaire [4]. Cet outil est indispensable pour une 116 Chapitre 10. Troubles de la sexualité féminine : diagnostic et traitement évaluation de l’impact des troubles de la statique pelvienne sur la sexualité et une meilleure compréhension du retentissement sexuel de leurs traitements. La mise en place par voie vaginale de larges treillis synthétiques, susceptibles de générer des phénomènes de rétraction difficilement maîtrisables et d’induire des conséquences délétères comme des douleurs vaginales ou des dyspareunies, rend indispensable une évaluation rigoureuse sur le plan des résultats de la sexualité. La chirurgie prothétique, notamment par voie vaginale, n’est cependant pas la seule à pouvoir perturber la sexualité post­ opératoire et toute chirurgie réparatrice pelvienne devrait pouvoir justifier d’un label d’innocuité en termes de sexualité, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Cela est d’autant plus vrai que les demandes émanent aujourd’hui de femmes de plus en plus jeunes, sexuellement actives et qui ne vivent plus le prolapsus comme une « fatalité », mais qui revendiquent une chirurgie adaptée, efficace et sûre. Beaucoup d’exigences donc, qui, si elles ne peuvent jamais être totalement « garanties », peuvent au moins être approchées en respectant notamment un processus d’évaluation rigoureux auquel peut prétendre toute chirurgie fonctionnelle. Le PISQ-12 est aujourd’hui largement utilisé dans les essais cliniques et s’avère difficilement contournable lorsqu’on veut analyser les conséquences sexuelles d’une stratégie thérapeutique, qu’elle soit médicale (pessaire, abstention), chirurgicale, médicamenteuse, rééducative ou mixte. Le PISQ-12 a cependant quelques limites notamment dans l’évaluation postopératoire où il renseigne peu ou pas sur des domaines pourtant essentiels comme le type de dyspareunie, la notion d’obstacle ou de butée, la sensation de bride ou de distorsion vaginale, autant d’éléments pertinents lorsqu’on cherche à évaluer notamment la chirurgie du prolapsus avec renforcement prothétique. Les études comparant les résultats en termes de sexualité après chirurgie du prolapsus par voie abdominale et par voie vaginale ne semblent pas montrer beaucoup de différences, sous réserve du respect de règles élémentaires (économie dans les colpectomies, limitation des indications de myorraphies postérieures, limiter les périnéorraphies, éviter les tractions excessives). On retiendra de ces travaux des résultats comparables en termes de sexualité postopératoire pour les deux voies d’abord même si certains donnent un petit avan- tage à la chirurgie par voie abdominale. Néanmoins, ces études comparent une chirurgie par voie vaginale traditionnelle sans renforcement prothétique avec une réparation prothétique par voie abdominale, ce qui ne donne qu’un reflet partiel des pratiques actuelles. De larges cohortes et des essais comparatifs à grande échelle utilisant des questionnaires validés comme le PISQ-12 seront nécessaires pour comparer les différentes techniques entre elles. Prise en charge médicale des troubles sexuels de la femme La prise en charge des dysfonctions sexuelles fait appel à une approche multimodale. Le traitement pharmacologique peut être utile dans certains cas précis mais ne peut en aucun cas se substituer aux thérapies sexologiques traditionnelles. Une étroite collaboration entre gynécologue, médecin traitant, endocrinologue et sexologue permet un traitement efficace et apprécié par les patientes. Comment aborder les problèmes de sexualité en consultation L’interrogatoire est difficile, du fait de l’expérience limitée en sexologie de la plupart des praticiens. Une cause organique locale ou générale devra être recherchée. L’interrogatoire devra détailler les circonstances dans lesquelles le trouble survient et rechercher un facteur causal (prise médicamenteuse ou addiction). L’interrogatoire devra également explorer l’existence de troubles de la sexualité du partenaire (trouble du désir, de l’excitation, de l’éjaculation, impuissance…) car ceuxci ont bien entendu un impact direct sur la sexualité de la femme qui consulte. Les a priori du médecin consulté influenceront souvent son interrogatoire, surtout s’il n’est pas formé à la prise en charge des troubles de la sexualité. Une anamnèse sexologique détaillée et complète est très importante mais obligatoirement intrusive. Plusieurs consultations successives sont parfois nécessaires pour que la patiente soit en confiance et aborde les vraies raisons de sa consultation. Il est important de préciser les circonstances dans lesquelles le trouble survient (contexte, activité sexuelle, type de rencontre, généralisation du 117 Manuel pratique d’urogynécologie tions à base d’œstrogènes équins (non distribuées en France) ont montré un risque combiné d’hyper­ trophie endométriale [5]. La prescription de tibolone pourrait être une alternative car elle semble avoir prouvé son efficacité sur le traitement des troubles sexuels des femmes ménopausées mais les études demeurent peu nombreuses. trouble à tous les partenaires rencontrés). Les conditions de vie sont également importantes à connaître de façon à ne pas méconnaître une situation particulière de promiscuité, en particulier familiale, qui peut inhiber le comportement. Sexothérapie Pratiquée par un médecin ou un psychothérapeute, cette thérapie repose sur un bilan approfondi, destiné à écarter l’hypothèse d’une pathologie, et sur une psychothérapie. La plupart des problèmes d’ordre sexuel présentent une composante psychologique. Évoquer la sexualité n’est pas toujours facile, c’est pourquoi le praticien propose un entretien verbal et de nombreuses autres techniques comme la relaxation ou la respiration. Le nombre de séances et la durée du traitement dépendent de la nature du trouble. Une évaluation sexologique détaillée (pratiques et troubles sexuels, analyse du fonctionnement psychique de la patiente, relations de couple, éducation et histoire familiale) permet un diagnostic précis du trouble dans une perspective globale. Par ailleurs, cette évaluation spécialisée aide à verbaliser le symptôme et la plainte. Une prescription pharmacologique ou une intervention chirurgicale ayant pour objectif de traiter un trouble sexuel ne devrait s’envisager qu’après une prise en charge sexologique. Testostérone Bien que les essais randomisés sur la question n’aillent pas tous dans le même sens, l’administration de testostérone est une option à retenir pour des femmes ménopausées ainsi que pour les femmes non ménopausées ayant un taux plasmatique bas de testostérone. Il a été montré que l’ajout d’un traitement testostéronique à un traitement œstrogénique améliore les troubles sexuels des femmes ménopausées [6, 7]. Ce traitement testostéronique doit être encadré médicalement car un surdosage peut avoir des effets secondaires à type de masculinisation avec changement de la voix, hirsutisme, acné et trouble du métabolisme hépatique. Il existe soit des patchs transdermiques, soit des préparations magistrales sous forme de crème en pharmacie (un essai randomisé a montré l’efficacité de ce type de crème pour les femmes ménopausées). DHEA Concernant la DHEA (déhydroépiandrostérone), le rapport de l’AFFSAPS de 2001 concluait à une absence de preuve d’efficacité et à des effets secondaires potentiels mal connus. La DHEA est un stéroïde, précurseur androgénique et œstrogénique dont les fonctions propres ne sont pas clairement établies. Les études cliniques contrôlées sont peu nombreuses et leurs résultats sont contradictoires. La DHEA est disponible en France en préparation magistrale en pharmacie. Traitements pharmacologiques des troubles sexuels féminins Des traitements hormonaux et certaines molécules ont été décrites comme pouvant agir sur la fonction sexuelle mais les études publiées portent sur des effectifs limités, avec souvent un défaut d’évaluation standardisée (pas de questionnaire « validé ») et des populations hétérogènes. Ainsi, il faut plutôt considérer ces thérapeutiques comme des adjuvants à une sexothérapie. Bupropion Œstrogènes Le bupropion (Zyban), inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine, a été utilisé comme antidépresseur et est généralement indiqué dans le sevrage tabagique. Certaines études auraient montré une efficacité du bupropion pour le traitement des dysfonctions sexuelles apparaissant sous inhibiteurs de la recapture de la séroto- La prescription d’œstrogènes par voie générale améliore les troubles sexuels des femmes ménopausées (libido, excitation, orgasme, satisfaction). La prescription d’œstrogènes par voie locale améliore les troubles sexuels des femmes ménopausées ayant une atrophie vaginale ; seules les prépara- 118 Chapitre 10. Troubles de la sexualité féminine : diagnostic et traitement nine (amélioration du désir, de l’excitation, de l’orgasme et de la fréquence des rapports). Ce médicament n’a pas l’AMM pour les troubles sexuels. Références [1] Bianchi-Demicheli F, Ortigue S. Toward an ­u nderstanding of the cerebral substrates of woman’s orgasm. Neuropsychologia 2007 ; 45 (12) : 2645-59. Inhibiteurs de la phosphodiestérase Les IPD5 (inhibiteurs de la phosphodiestérase 5) comme le sildénafil (Viagra), tadalafil et vardénafil (ainsi que les plus récents udenafil et avanafil) sont généralement utilisés pour traiter les troubles de l’érection chez l’homme. L’homologie fonctionnelle entre les corps caverneux et le clitoris a donné l’idée d’explorer l’effet de ces inhibiteurs de la phosphodiestérase dans les troubles de l’excitation chez la femme. Le sildénafil est censé entraîner une relaxation de la musculature lisse et induire une tumescence clitoridienne, pouvant se traduire par une excitation sexuelle. Des essais randomisés ont montré que le sildénafil (Viagra) est efficace pour traiter les troubles sexuels des femmes sous inhibiteurs de la recapture de la sérotonine [8], des femmes non ménopausées atteintes d’un diabète type 1 [9] et des femmes ménopausées sans ou avec traitement œstrogénique substitutif [10]. [2] Bajos N, Bozon M, Beltzer N, Laborde C, Andro A, Ferrand M, et al. Changes in sexual behaviours : from secular trends to public health policies. AIDS 2010 ; 24 (8) : 1185-91. [3] Sabatini R, Cagiano R. Comparison profiles of cycle control, side effects and sexual satisfaction of three hormonal contraceptives. Contraception 2006 ; 74 (3) : 220-3. [4] Fatton B, Letouzey V, Lagrange E, Mares P, Jacquetin B, de Tayrac R. Validation of a French version of the short form of the Pelvic Organ Prolapse/ Urinary Incontinence Sexual Questionnaire (PISQ12). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2009 ; 38 (8) : 662-7. [5] Suckling J, Lethaby A, Kennedy R. Local oestrogen for vaginal atrophy in postmenopausal women. Cochrane Database Syst Rev 2006 ; (4) CD001500. [6] Somboonporn W, Davis S, Seif MW, Bell R. Testosterone for peri- and postmenopausal women. Cochrane Database Syst Rev 2005 ; (4) CD004509. [7] Kingsberg S. Testosterone treatment for hypoactive sexual desire disorder in postmenopausal women. J Sex Med 2007 ; 4 (Suppl 3) : 227-34. Troubles de la sexualité féminine La prise en charge des troubles sexuels nécessite une bonne connaissance de la physiologie. [8] Nurnberg HG, Hensley PL, Heiman JR, Croft HA, Debattista C, Paine S. Sildenafil treatment of women with antidepressant-associated sexual dysfunction : a randomized controlled trial. JAMA 2008 ; 300 (4) : 395-404. La thérapeutique sera multimodale comportant souvent une sexothérapie (nécessité d’implication forte de la femme et du couple) et parfois des traitements médicamenteux (œstrogènes, testostérone, bupropion, sildénafil). [9] Caruso S, Rugolo S, Agnello C, Intelisano G, Di Mari L, Cianci A. Sildenafil improves sexual functioning in premenopausal women with type 1 diabetes who are affected by sexual arousal disorder : a double-blind, crossover, placebo-controlled pilot study. Fertil Steril 2006 ; 85 (5) : 1496-15501. [10] Berman JR, Berman LA, Toler SM, Gill J, Haughie S. Sildenafil Study Group. Safety and efficacy of sildenafil citrate for the treatment of female sexual arousal disorder : a double-blind, placebo controlled study. J Urol 2003 ; 170(6 Pt 1) : 2333-8. Vis-à-vis des dyspareunies de novo après chirurgie du prolapsus, les traitements étant décevants, il faut mettre l’accent sur la prévention en respectant des règles chirurgicales, comme par exemple l’absence de colpectomie en cas d’implantation prothétique et la limitation des myorraphies lévatoriennes. 119 Rééducation, médicaments et neuromodulation Chapitre 11 Pierre Denys, Jacques Kerdraon L’incontinence urinaire féminine peut être amélio­ rée par des traitements non chirurgicaux comme des mesures visant à améliorer l’hygiène de vie, la rééducation périnéale, les thérapies comportemen­ tales de type bladder training et des thérapeutiques médicamenteuses. L’avantage théorique de ces thé­ rapeutiques est leur simplicité, n’empêchant pas le recours à des thérapeutiques plus agressives de type chirurgie. Leur efficacité est diversement évaluée dans la littérature. Les règles hygiénodiététiques sont applicables à tous les types d’incontinence. La rééducation périnéale est le traitement de pre­ mière intention de l’incontinence urinaire à l’ef­ fort (fig. 11.1). Il est désormais établi que le syndrome clinique d’hyperactivité vésicale est en rapport avec un désordre du traitement périphérique et central des messages sensoriels émanant du système vésico­ sphinctérien, à la fois par l’intermédiaire d’une communication chimique locale autonome au sein de l’urothélium et du sous-urothélium, mais également par un traitement central inapproprié du message sensoriel. Les anticholinergiques sont le traitement de première intention de l’inconti­ nence sur urgenturies associée à l’hyperactivité vésicale. Toutefois, toutes les molécules suscepti­ bles de modifier cette communication chimique locale sont en mesure d’être des candidats pour réduire les signes sensoriels, mais également les autres traitements non pharmacologiques comme la neuromodulation périphérique ou les métho­ des réeducatives fondées sur le rétrocontrôle. Les autres méthodes empruntent aux techniques cognitivocomportementales à l’instar de celles mises en œuvre dans la prise en charge de la dou­ leur et dont on sait les mécanismes centraux très similaires. Règles hygiénodiététiques Traitement du surpoids L’obésité est un facteur de risque indépendant ­d ’incontinence urinaire. Par ailleurs, la réduction de poids est efficace chez les patientes en surpoids ou obèses pour diminuer la sévérité de l’inconti­ nence urinaire (diminution du nombre et du volume des fuites) [1]. De plus, il semble que ce fac­ teur de risque soit particulièrement sensible dans la période périménopausique. Chez les patientes diabétiques, une perte importante de poids asso­ ciée à une reprise de l’exercice physique permet une diminution encore plus importante des symptô­ mes d’incontinence urinaire. Il paraît alors logique de proposer à la fois une évaluation du poids à toute patiente incontinente et une prise en charge asso­ ciant les mesures classiques diététiques et d’exer­ cice physique en cas de surpoids ou d’obésité. Sevrage tabagique La consommation de tabac semble augmenter le risque d’avoir une incontinence urinaire plus sévère. Il paraît donc logique, en dehors de toute considération justifiant l’arrêt, de le recomman­ der dans l’optique de réduire l’importance des fuites même si à ce jour aucune étude n’a permis de faire la preuve de l’efficacité de cette mesure. 121 Manuel pratique d’urogynécologie Incontinence urinaire Réduction pondérale, sevrage tabagique, modération consommation caféine Échec Succès Échec Incontinence urinaire à l’effort Incontinence urinaire sur urgenturies Rééducation par renforcement musculaire Anti-cholibergique pendant 6 semaines Poursuite du traitement Succès Échec Échec Options : Chirurgie (bandelette sous urétrale) ou Duloxetine Options : Autre anti-cholinergique, estrogènes locaux ou Associations médicamenteuses ou Electrostimulation périnéale (si chirurgie contre-indiquée ou en attente Succès Poursuite du traitement Succès Poursuite du traitement Échec Options : Neuromodulation sacrée (NS3) ou Neuromodulation transdermique (TENS) ou Injections (détrosor) de toxine botulinique Figure 11.1. Arbre décisionnel thérapeutique de l’incontinence urinaire de la femme. Consommation de caféine (café et thé) Thérapie comportementale Il s’agit ici de programmes dont l’objectif est de permettre un meilleur contrôle de la fonction de continence comme par exemple uriner à des heu­ res fixes dont on espace progressivement les délais intermictionnels, apprendre à contrôler ses bois­ sons, tenir un calendrier mictionnel et enfin, en cas de besoin impérieux, se relaxer, distraire son attention ou effectuer une contraction périnéale (rétrocontrôle inhibiteur). Ces différents pro­ grammes peuvent être plus ou moins standardi­ sés, ou bien être associés à la rééducation périnéale ou au traitement pharmacologique de l’hyperacti­ vité vésicale. La rééducation comportementale est efficace pour les femmes présentant une hyperac­ tivité vésicale ou une incontinence urinaire mixte et elle apporte un bénéfice sur la qualité de vie, bien que son effet à long terme soit peu étudié. La caféine est un alcaloïde de la famille desméthyl­ xanthines, présent dans de nombreux aliments, qui agit comme stimulant psychotrope et comme léger diurétique. La caféine, qui est la substance psychoactive la plus consommée au monde, peut favoriser le syndrome d’hyperactivité vésicale. Par ailleurs, la réduction de l’absorption de café amé­ liore la pollakiurie et la fréquence des épisodes d’incontinence. Réduire la consommation quoti­ dienne de café est un élément pouvant améliorer les symptômes d’hyperactivité vésicale [2] et doit donc être conseillé aux patientes. Il semblerait que la consommation de thé (qui contient de la caféine) soit un facteur de risque d’incontinence urinaire mais aucune étude n’a jusqu’à présent évalué l’effet de la diminution de consommation de thé. 122 Chapitre 11. Rééducation, médicaments et neuromodulation Rééducation périnéale la sévérité de l’incontinence qui diminue signifi­ cativement chez les personnes ayant été traitées par cette technique. L’effet sur la qualité de vie est rapporté par certains auteurs. Il semble par ailleurs qu’un effet lié à l’âge soit net et que l’effet soit maximum entre 40 et 50 ans. Enfin, plus la procédure de rééducation est intense et prolongée meilleur sera le résultat. L’observance et l’effica­ cité à long terme restent discutées car la majorité des études ont un suivi limité. Le renforcement musculaire périnéal a été com­ paré dans plusieurs études randomisées à l’utilisa­ tion de cônes ou de boules vaginales. Au total le renforcement musculaire périnéal fait mieux que l’absence de traitement pour l’incontinence uri­ naire de la femme, en revanche sa supériorité par rapport aux autres techniques de rééducation n’est pas définitivement établie dans cette indication. Son efficacité et l’absence d’effets secondaires rap­ portés en font un traitement de première ligne avant toute autre intervention. Depuis la popularisation par Kegel de la rééduca­ tion périnéale, de nombreuses hypothèses physio­ pathologiques ont été avancées pour expliquer le mécanisme d’action de cette rééducation dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort chez la femme. La contraction périnéale pourrait per­ mettre une meilleure clôture de l’urètre par une élévation et un meilleur positionnement de l’urè­ tre. La rééducation pourrait également faire retrouver le réflexe automatique de la précontrac­ tion périnéale au cours de l’effort. Plusieurs tech­ niques peuvent être utilisées : les exercices de contraction musculaire volontaire (« renforce­ ment » musculaire périnéal), le biofeedback, la sti­ mulation électrique périnéale, la stimulation magnétique et les cônes vaginaux. L’analyse de la littérature se heurte à une mauvaise standardisa­ tion des prises en charge, des critères de succès qui ne correspondent pas aux standards des recom­ mandations, des durées de suivi et des populations non comparables. Stimulation magnétique Renforcement musculaire Le principe thérapeutique consiste en une stimu­ lation électrique magnétique des muscles péri­ néaux grâce à une bobine de métal conducteur entraînant à distance de celle-ci un courant élec­ trique induit qui peut, selon les paramètres utili­ sés, entraîner une stimulation musculaire directe. C’est ce principe de stimulation qui est utilisé pour stimuler directement les muscles du plan­ cher pelvien. Cette stimulation peut être réalisée par une bobine qui peut être intégrée à une chaise spécifique sur laquelle le patient s’assoit pour ses séances de rééducation. Cette technique a fait l’objet de plusieurs publications pour des indica­ tions très variables comme l’incontinence uri­ naire d’effort chez la femme ou chez l’homme, l’incontinence urinaire par urgences et les trou­ bles anorectaux. Cette technique semble apporter un bénéfice aux patientes souffrant d’inconti­ nence urinaire mais les études portent sur de petits effectifs. Le bénéfice de cette technique semble temporaire et n’a pas été comparé aux techniques de rééducation de référence. Enfin, le protocole de stimulation est très variable d’une étude à l’autre. Cette méthode ne peut pas actuel­ lement être recommandée en première intention dans l’état actuel des connaissances. La rééducation périnéale en cours de grossesse est traitée dans le chapitre correspondant aux trou­ bles pelvipérinéaux de la grossesse (chapitre 6). Il faut retenir que la rééducation par renforcement musculaire (exercices de contraction volontaire) est efficace pour traiter les symptômes d’inconti­ nence apparaissant en cours de grossesse ou per­ sistant dans le post-partum. En revanche, cet effet est uniquement observé à court terme : il persiste dans l’année qui suit l’accouchement puis il dispa­ raît à long terme. Cette rééducation prénatale ou du post-partum ne semble avoir aucun effet pré­ ventif à long terme chez les patientes symptomati­ ques ou asymptomatiques. En ce qui concerne l’effet du renforcement mus­ culaire dans le traitement de l’incontinence uri­ naire de la femme (en dehors de la période de la grossesse et du post-partum), cette question a fait l’objet récemment d’une revue de la Cochrane [3]. La conclusion est que le renforcement musculaire devrait être la première ligne de traitement de l’incontinence urinaire d’effort ou mixte du fait de son efficacité sur les fuites et l’amélioration de la qualité de vie. L’effet principal rapporté concerne 123 Manuel pratique d’urogynécologie Électrostimulation périnéale L’efficacité de l’électrostimulation périnéale semble établie pour l’hyperactivité vésicale. Dans le cadre de l’incontinence urinaire d’ef­ fort ou mixte de la femme il n’y a que peu d’étu­ des randomisées cherchant à valider l’intérêt de protocoles d’électrostimulation. Au total, l’électrostimulation vaginale semble supérieure au placebo pour l’incontinence urinaire à l’ef­ fort, mais inférieure à la rééducation périnéale classique [4, 5]. Traitements médicamenteux (tableau 11.1) Thérapies hormonales Les traitements œstrogéniques améliorent les symptômes d’hyperactivité vésicale (fréquence mictionnelle diurne et nocturne, urgenturie, nombre d’épisodes de fuites) avec un bénéfice supérieur des thérapies locales par rapport aux thérapies systémiques [6]. Les bénéfices de l’œstrogénothérapie per os (seule ou associée à de la progestérone) ne sont pas établis dans la prévention ou le traitement de l’incontinence urinaire chez la femme ménopausée. Il se pour­ rait même que les traitements œstrogéniques per os aient un effet délétère sur la continence. Les traitements œstrogéniques par voie vagi­ nale (et uniquement par voie vaginale) amélio­ rent l’urgenturie et la pollakiurie et semblent augmenter le bénéfice de la rééducation péri­ néale dans les formes d’incontinence légère à modérée. Molécules adrénergiques Plusieurs molécules présentant des effets alpha-agonistes ont été testées dans le cadre d’essais randomisés pour le traitement de l’in­ continence urinaire à l’effort. Le bénéfice des drogues adrénergiques (clenbutérol, norépi­ néphrine, phénylpropalamine) n’est pas établi dans la réduction du nombre de protections et du nombre de fuites, de même que dans l’amé­ lioration ressentie des symptômes d’inconti­ nence [7, 8]. Inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline La duloxétine (Yentreve) est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN). Il agit en empêchant les neurotransmetteurs de la 5-hydroxytryptamine (également appelée séroto­ nine) et de la noradrénaline d’être « recapturés » dans les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière. En bloquant leur recapture, la duloxétine augmente la quantité de ces neuro­ transmetteurs dans les espaces séparant ces cellu­ les nerveuses. Il semble qu’en augmentant les taux de 5-hydroxytryptamine et de noradrénaline au niveau des nerfs qui contrôlent le sphincter uré­ tral, la duloxétine favorise sa contraction et donc la continence. La duloxétine (Yentreve) (20 à 40 mg deux fois par jour) est significativement supérieure au placebo dans l’amélioration de la qualité de vie et dans la perception d’une amélio­ ration [9, 10]. En revanche, les études ne montrent pas de réduction des fuites (évaluées par pad-test) par rapport au placebo. L’impression subjective de guérison est toutefois en faveur de la duloxétine avec un effet faible. Sur ces éléments, les patientes ne relevant pas (ou en attente) d’une chirurgie peuvent, en l’état des données actuelles, relever d’un traitement par duloxétine. Le maintien du bénéfice sur un traitement prolongé n’est pas déterminé, de même que le maintien de l’effica­ cité à l’arrêt du traitement. Anticholinergiques Les anticholinergiques demeurent le traitement pharmacologique de première intention des ­différentes formes cliniques d’hyperactivité vési­ cale. L’oxybutynine (Ditropan), la toltérodine (Detrusitol) ou le chlorure de trospium (Ceris) sont recommandés (ANAES – Prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme en médecine générale, mai 2003). Leur efficacité est supérieure à celle du placebo, mais modérée sur la réduction de l’incontinence urinaire par urgenturies (dimi­ nution moyenne d’environ un épisode d’inconti­ nence urinaire par période de 48 heures). Classiquement, ils doivent être prescrits 6 semai­ nes pour juger de leur efficacité et de leurs effets secondaires. Les contre-indications sont le glau­ 124 Chapitre 11. Rééducation, médicaments et neuromodulation Tableau 11.1. Médicaments et incontinence urinaire. Mécanisme d’action Effet sur les fuites aux efforts Effet sur les fuites sur les urgenturies Contreindication Effets secondaires Œstrogènes par voie générale Compense la carence œstrogénique Pas d’effet bénéfique ou effet délétère Pas d’effet bénéfique ou effet délétère Néoplasie mammaire, hypertension artérielle, thrombophlébite Nausées, céphalées, désordres métaboliques, hypertension artérielle, thrombophlébite Œstrogènes par voie vaginale Améliore la trophicité urétrovaginale Pas d’effet Diminue les urgenturies et les fuites sur urgenturies Hypersensibilité aux composants Prurit, irritation locale Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (duloxetine) Stimule la contraction du sphincter urétral Améliore la qualité de vie mais diminue peu ou pas les fuites Pas d’effet Allergie à la duloxétine, glaucome à angle fermé Nausées, sécheresse, constipation, céphalées, hypersudation, somnolence Anticholinergiques (oxybutynine, toltérodine, chlorure de trospium, solifénacine) Inhibe la contraction détrusorienne Pas d’effet Diminue les urgenturies et fuites sur urgenturies Troubles cognitifs Sécheresse des muqueuses, constipation, troubles oculaires, troubles cognitifs Traitement par anticholinestérasiques (antiAlzheimer) Glaucome à angle fermé, hypertension artérielle non équilibrée Molécules adrénergiques (clenbutérol, norépinéphrine, phénylpropalamine) Alpha-agonistes prédominants, sympathomimétique destiné à stimuler la contraction du système sphinctérien cervico-urétral Pas d’effet Pas d’effet come, l’existence de troubles cognitifs et un trai­ tement par anticholinestérasiques (anti-Alzheimer). Le traitement le plus prescrit dans cette indica­ tion est l’oxybutinine (Ditropan) à dose progres­ sive croissante de 2,5 mg 3 fois par jour à 5 mg 3 fois par jour. Après 60 ans, on préfère un anti­ cholinergique qui est censé moins passer la bar­ rière hémato-encéphaloique comme le chlorure de trospium (Ceris) à la posologie de 10 mg 2 fois par jour, ce traitement devant être pris à jeun ou Extrasystoles ventriculaires, glaucome à angle fermé, grossesse Tachycardie, arythmie cardiaque, tremblements, hypertension artérielle, céphalées, agitation, vertiges à distance des repas. L’effet de la solifénacine (Vesicare) sur les symptômes de l’hyperactivité vésicale est modeste et du même ordre de gran­ deur que celui des autres anticholinergiques dis­ ponibles dans cette indication. Les données disponibles et l’expérience clinique suggèrent que la solifénacine a une meilleure tolérance que l’oxybutynine. En octobre 2009, la commission de transparence de l’HAS a reconnu que la soli­ fénacine (Vesicare) apporte une amélioration du 125 Manuel pratique d’urogynécologie service médical rendu mineure en termes de tolérance par rapport à l’oxybutinine chez les patients ayant une hyperactivité vésicale. Un avis favorable au remboursement en ville et à la prise en charge à l’hôpital a été rendu. L’inconvénient principal des anticholinergiques concerne leurs effets indésirables qui limitent considérablement leur intérêt en termes de qua­ lité de vie. Il ne semble pas que le développe­ ment des dernières molécules, notamment sélectives des récepteurs M3 (solifénacine), apporte un bénéfice supplémentaire sur ce point. Pour cette raison, les recherches sont ciblées sur des modes d’administration limitant le métabolisme hépatique tout en permettant la meilleure biodisponibilité : administration transdermique ou instillation endovésicale. Il a ainsi été démontré que les produits de dégrada­ tion dans le milieu urinaire étaient à l’origine d’au moins une partie de l’action thérapeutique par l’intermédiaire de leur action sur des récep­ teurs au sein de l’urothélium. Les dispositifs transdermiques par patch ou gel présentent le même intérêt de réduire les concentrations séri­ ques des métabolites du premier passage hépa­ tobiliaire à l’origine des effets systémiques, comme par exemple le N-déséthyloxybutynine sous micropatch d’oxybutinine. La mise au point d’implants sous-dermiques est également étudiée, laissant espérer une meilleure cinéti­ que et une meilleure observance de ces traite­ ments au long cours. L’urosélectivité des anticholinergiques est déjà pressentie en pratique clinique. En effet, il est toujours recommandé l’essai de différents anti­ cholinergiques chez un même patient avant d’en­ gager les traitements de deuxième intention. On ne sait ainsi toujours pas pourquoi certains anticholinergiques sont efficaces chez certains patients ou certaines formes d’hyperactivité vésicale et pas chez d’autres. L’importance des effets indésirables muscariniques y est également différente suivant le principe actif. Les mécanis­ mes précis qui sous-tendent cette urosélectivité restent toujours incomplètement élucidés. Les données récentes montrent que l’effet thérapeu­ tique des antimuscariniques s’exerce sur des mécanismes distincts à l’origine des symptômes, telles que le blocage de l’activité contractile uni­ quement mictionnelle, soit le blocage de l’activité 126 non mictionnelle par l’intermédiaire de l’activité noradrénergique, soit dans l’antagonisme d’acé­ tylcholine d’origine non neuronale qui pourrait moduler l’intensité du signal afférent. Par ailleurs, à l’effet systémique sur les symptômes moteurs et sensoriels de l’hyperactivité vésicale est associée une action locale variable de diffé­ rents métabolites urinaires excrétés dans l’urine sur des cibles situées au sein de l’urothélium. Ainsi, l’instillation endovésicale d’urine humaine de sujets sous traitement anticholinergique per­ met de bloquer l’hyperactivité détrusorienne induite par stimulation cholinergique chez l’ani­ mal, uniquement pour certaines molécules comme par exemple la solifénacine et pas pour d’autres. L’efficacité incomplète des anticholinergiques ainsi que leurs effets indésirables dose-dépen­ dants ont conduit à s’intéresser au bénéfice potentiel de traitements combinés. Les traite­ ments combinés les plus testés sont l’association antimuscariniques/alphabloquants, mais d’autres associations sont en cours d’évaluation telles que antimuscariniques/inhibiteurs de la phospho­ diestérase, inhibiteurs de la 5-alpha-réductase ou inhibiteurs de la COX2. Les résultats discordants ne permettent pas de conclure sur ces associa­ tions thérapeutiques. Neuromodulation Neuromodulation directe des racines sacrées Il s’agit d’une stimulation directe d’une racine sacrée. On parle de neuromodulation S3 (NS3) pour décrire la technique de stimulation directe de la 3e racine sacrée. Cette technique s’est considérablement développée depuis les années quatre-vingt, avec l’apparition d’une solu­t ion ­technologique à la fois de stimulation transi­ toire pour valider l’efficacité de la stimulation chez un malade donné et d’un stimulateur implantable pour la stimulation chronique. Emmanuel Chartier-Kastler a prouvé l’effica­ cité urodynamique de cette stimulation directe en réalisant une exploration urodynamique pendant une neuromodulation test. Il a observé la disparition de l’hyperactivité détrusorienne Chapitre 11. Rééducation, médicaments et neuromodulation et la restauration de la capacité vésicale fonction­ nelle. La neuromodulation S3 représente une alternative thérapeutique dans les hyperactivités vésicales neurologiques après l’échec des théra­ peutiques usuelles. Le mécanisme d’action de cette neuromodulation demeure discuté : effet direct sur les efférences motrices et effet indirect sur les afférences. La meilleure indication d’une neuromodulation S3 est un syndrome d’hyper­ activité vésicale avec échappement aux thérapeu­ tiques usuelles. La première étape chirurgicale consiste en la mise en place d’une électrode test reliée à un boîtier extérieur. Le boîtier stimula­ teur définitif (sorte de pacemaker) ne sera implanté définitivement qu’en cas d’efficacité de la neuromodulation jugée sur les scores de symp­ tômes, de qualité de vie, le calendrier mictionnel (réduction significative du nombre d’épisodes de fuites, de la fréquence des mictions et des épiso­ des d’urgenturies, amélioration de la qualité de vie), le pad-test et l’urodynamique (disparition de l’hyperactivité détrusorienne). La réappari­ tion des symptômes à l’arrêt du test est égale­ ment un très bon critère pour la décision d’implantation. Cette neuromodulation directe des racines sacrées est donc une alternative à proposer aux femmes ayant une hyperactivité vésicale d’origine neurologique ou idiopathique, résistante aux autres thérapeutiques. appliqué au niveau du nerf tibial postérieur, dans le traitement de l’incontinence urinaire due à une hyperactivité détrusorienne neuro­ gène (37 patients) et non neurogène (7 patients) [11]. Cette neuromodulation (Tens Eco), qui peut donc être discutée en cas d’échec des autres thé­ rapeutiques, est prescrite pour 20 minutes deux fois par jour pendant un mois. La prise en charge par l’assurance maladie n’est que partielle, la patiente devant faire l’avance auprès du reven­ deur. On prescrit une location pendant un mois et si le traitement est efficace, la patiente peut ensuite acquérir la machine. Injections intradétrusoriennes de toxine botulinique Les injections de toxine botulinique dans le détrusor (muscle lisse vésical) font maintenant partie de l’arsenal thérapeutique de base pour traiter avec efficacité l’hyperactivité vésicale avec hyperactivité détrusorienne des patientes affectées d’une pathologie neurologique centrale (blessée médullaire, sclérose en plaques…). Il s’agit d’injections intradétrusoriennes de toxine botulique (Clostridium botulinum) (Vesitox) sous cystoscopie (30 points d’injection le plus sou­ vent). Les principaux risques sont le pseudobo­ tulisme et la rétention urinaire. La durée d’efficacité de ces injections peut aller jusqu’à 9 mois. L’inconvénient majeur (mais aussi le mécanisme d’action…) de ce traitement est qu’il entraîne une paralysie détrusorienne. Des autosondages sont donc quasiment systématiquement associés à ce traitement chez les femmes ayant une patho­ logie neurologique. Il faut dire que cela est sou­ vent bien accepté car elles sont déjà en autosondage en cas de dyssynergie vésicosphinc­ térienne (fréquemment associée à l’hyperactivité détrusorienne en cas de pathologie neurologique centrale). Compte tenu de cet effet secondaire majeur, il est difficile de trouver la dose minimale efficace et non « paralysante » pour les femmes présen­ tant une hyperactivité vésicale idiopathique non neurologique. Actuellement, ces injections de toxine botulinique n’ont pas d’AMM dans cette indication. Neuromodulation du sciatique poplité interne ou du tibial postérieur Intuitivement, la région pelvienne semble la plus appropriée pour l’application de la neuromodu­ lation. Mais des mécanismes physiologiques per­ mettent l’inhibition de l’hyperactivité vésicale depuis une plus longue distance. Le site de sti­ mulation sur le nerf tibial postérieur est situé 5 cm au-dessus de la malléole interne juste der­ rière le bord interne du tibia. La neuromodula­ tion peut être appliquée par voie transcutanée (TENS) ou percutanée (SANS). Cette forme de neuromodulation est bien évidemment non invasive comparativement à la neuromodulation sacrée. Plusieurs équipes ont observé une effica­ cité sur l’hyperactivité vésicale d’origine neuro­ logique ou non neurologique. Amarenco et al. ont observé un taux réponse de 50 % du TENS 127 Manuel pratique d’urogynécologie Techniques de rééducation pour traiter l’incontinence urinaire Thérapie comportementale Apprentissage de l’espacement progressif des mictions. Contrôle des boissons. Tenue d’un calendrier mictionnel. Self-control (techniques de relaxation) en cas de besoin impérieux. Rétrocontrôle inhibiteur (réaliser une contraction périnéale pour inhiber le besoin). Rééducation périnéale Renforcement musculaire (exercices de contraction volontaire des muscles périnéaux). Biofeedback (la patiente visualise l’intensité de sa contraction sur un écran). Électrostimulation, stimulation magnétique (exercices de contraction périnéale provoqués). Références [1] Subak LL, Wing R, West DS, Franklin F, Vittinghoff E, Creasman JM et al. Weight loss to treat urinary incontinence in overweight and obese women. N Engl J Med 2009 ; 360 (5) : 481-90. [2] Bryant CM, Dowell CJ, Fairbrother G. Caffeine reduction education to improve urinary symptoms. Br J Nurs 2002 ; 11 (8) : 560-5. [3] Hay-Smith EJ, Dumoulin C. Pelvic floor muscle trai­ ning versus no treatment, or inactive control treat­ ments, for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2006 ; 1 : CD005654. 128 [4] Spruijt J, Vierhout M, Verstraeten R, Janssens J, Burger C. Vaginal electrical stimulation of the pel­ vic floor : a randomized feasibility study in urinary incontinent elderly women. Acta Obstet Gynecol Scand 2003 ; 82 (11) : 1043-8. [5] Goode P, Burgio KL, Locher JL, Roth DL, Umlauf MG, Richter HE et al. 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La capacité de la rééducation périnéale à corriger anatomiquement reste discutée [4] mais certaines études récentes semblent montrer des modifications des volumes musculaires et de l’ouverture du hiatus après rééducation [5]. Dans les prolapsus de stade 1 ou 2, là où la gêne principale n’est pas l’extériorisation du prolapsus, la rééducation périnéo-sphinctérienne peut apporter une amélioration des symptômes à type de pesanteur, troubles urinaires ou anorectaux [4]. Un essai randomisé récent montre même une correction anatomique de un stade dans 20 % des cas pour le groupe traité par rééducation versus 8 % dans le groupe témoin (p = 0,03) [6]. Dans certains cas, cette rééducation peut aussi corriger des efforts de poussée chronique. En cas de dyschésie, la mise en évidence d’un asynchronisme abdomino-pelvien relève d’une rééducation avec biofeedback pour obtenir une meilleure coordination de la relaxation sphinctérienne au cours de l’effort de poussée. Par ailleurs, est souvent utile une rééducation des propriétés de sensibilité et de compliance du rectum à l’aide d’un travail intracavitaire avec des ballonnets progressivement gonflés et dégonflés. Enfin, en cas de dyschésie résistant à un traitement médical bien conduit, il est intéressant, en pré- et post­ opératoire, de prendre en charge un éventuel anisme authentifié par manométrie et/ou électromyographie, afin d’éviter une récidive des troubles de la statique à moyen ou long terme par des efforts chroniques inappropriés. Le prolapsus génital de la femme est un problème de santé publique, avec une prévalence estimée entre 20 et 70 % [1, 2] selon la définition retenue. Malgré cette prévalence importante, le prolapsus ne semble pas être considéré comme une priorité par les médecins, probablement en raison de son caractère purement fonctionnel. Dans une revue de la littérature, Davis [3] montre la méconnaissance du sujet ainsi que la mésestimation de l’incidence de cette pathologie. La prise en charge du prolapsus repose sur la chirurgie, l’utilisation de pessaires, voire l’abstention thérapeutique ou la prise en charge de facteurs de risque comme la constipation ou une toux chronique. Il existe rarement une urgence médicale à la prise en charge du prolapsus. Traitements médicamenteux et rééducation périnéo-sphinctérienne Il n’existe pas de traitement spécifique pouvant corriger un prolapsus mais les symptômes associés comme une dyschésie ou un syndrome d’hyperactivité vésicale peuvent être pris en charge médicalement (cf. chapitres 8 et 11). Les mesures préventives sont la lutte contre l’obésité, la constipation, le port de charges lourdes, la toux et les sports à haute sollicitation périnéale. Chez la femme ménopausée, l’œstrogénothérapie substitutive ne prévient pas la survenue d’un prolapsus génital et elle ne permet pas une correction 129 Manuel pratique d’urogynécologie Pessaires ne veulent pas être opérées ou qui sont en attente de l’être. Pour d’autres, la mise en place d’un pessaire en préopératoire peut être indiquée pour améliorer la trophicité des muqueuses ou pour démasquer une incontinence urinaire d’effort avant chirurgie du prolapsus. Certains proposent l’utilisation du pessaire en première intention pour toute patiente symptomatique. Une étude menée auprès de gynécologues américains montre que 77 % d’entre eux considèrent le pessaire comme un traitement de première ligne. Quatrevingt douze pour cent reconnaissent que le pessaire débarrasse la patiente des symptômes liés au prolapsus et 48 % qu’il a même un effet thérapeutique. Il n’y a aucun consensus quant au type de pessaire à utiliser ni même s’il y a intérêt à en utiliser plusieurs différents [15]. Une autre étude révèle que 86 % des gynécologues prescrivent des pessaires pour tous les types de prolapsus mais reconnaissent être mal formés à leur utilisation au cours de leurs études [15]. La plupart de ses effets secondaires sont mineurs et locaux en dehors de quelques cas exceptionnels [16, 17] dus essentiellement à l’absence de suivi. La chirurgie en revanche pose le problème d’une mortalité faible mais non nulle, d’une morbidité non négligeable et aussi de nombreux échecs [18, 19]. En France il n’y a pas de données ni de publications relatives à l’utilisation des pessaires, témoignant d’une certaine désaffection pour ce traitement au profit du traitement chirurgical. Globalement, le pessaire apporte de 50 à 80 % de satisfaction chez des patientes motivées avec une amélioration du prolapsus et des anomalies anatomiques en quelques mois [19] à quelques années [20], surtout si associé à un lubrifiant local. Le pessaire cube serait actuellement celui qui est le mieux toléré. Définition et historique Du grec pessos (jeton), il consiste en un dispositif introduit dans le vagin pour maintenir un prolapsus génital [7]. Les pessaires sont utilisés dans le traitement des affections de l’appareil génital féminin depuis l’antiquité [8]. Il est signalé chez les Égyptiens au quinzième siècle avant JC [9, 10] puis dans les civilisations indiennes [11], grecques et romaines. Hippocrate utilisa de la laine, des fruits comme la grenade [12]. Le plus souvent, il était utilisé comme vecteur de médications les imprégnant. À partir du Moyen Âge, ils sont utilisés comme dispositifs de contention et confectionnés de bronze [13], d’étoffes imprégnées de produits variés, de liège, puis d’anneaux en or, en argent, en cuivre. Le caoutchouc est introduit au XVIIIe siècle [14]. L’introduction du caoutchouc dans la fabrication des pessaires remonte à 1783 après la découverte du processus de vulcanisation par Goodyear. Dans les années cinquante, il est remplacé par le plastique, le latex et plus récemment par le silicone. À la fin du XIXe siècle, le pessaire était à son apogée avec une centaine de modèles différents. Son utilisation a diminué ensuite parallèlement à l’amélioration des procédures chirurgicales et anesthésiques. La désaffection a été telle que ce traitement du prolapsus n’est plus considéré, en tout cas en France, que comme un traitement réservé aux femmes âgées, présentant une contre-indication chirurgicale formelle. Il n’en est pas de même dans les pays anglo-saxons oùù le pessaire est considéré comme une option thérapeutique valable au même titre que la chirurgie. Les Nurse pessary clinic, sont dans le système nord-américain, des centres de prise en charge et d’information autour du prolapsus par des infirmières. Les patientes y sont principalement adressées par des gynécologues ou urologues. Ces centres permettent l’apprentissage et le suivi. Types de pessaires Plus de deux cents pessaires différents ont été inventés, dont approximativement une vingtaine est toujours utilisée actuellement, toutefois tous les pessaires ne sont pas disponibles dans tous les pays. Il existe grossièrement deux familles de pessaires, communément appelées en anglais supportive et space filling, correspondant pour les premiers à des dispositifs de soutènement laissant la lumière vaginale libre et pour les seconds à des pessaires agissant par remplissage de la lumière vaginale, obstructifs ou non. Cette distinction Indications L’indication actuelle du pessaire dans le prolapsus n’est pas clairement établie. Elle se situe entre la chirurgie et l’abstention thérapeutique. Pour certains, il est réservé aux femmes qui ne peuvent ou 130 Chapitre 12. Prise en charge non chirurgicale des prolapsus génitaux semble toutefois un peu artificielle, les mécanismes d’action se chevauchant. Une des formes le plus couramment répendue est l’anneau. Il peut présenter différentes épaisseurs et entrer dans la catégorie des space filling pour les grosses sections du tore, il est alors appelé donut en raison de sa ressemblance avec le biscuit. D’une épaisseur moindre, il entre dans la catégorie des pessaires de soutènement. Le pessaire en cube se maintient en position grâce à un phénomène de ventouse entre sa paroi, concave, et celle du vagin (fig. 12.1). Il existe des modèles à trous adaptés pour les femmes non ménopausées, les menstruations pouvant alors s’écouler pessaire en place. Des pessaires gonflables et ajustables ont été développés pour une adaptation optimale de la contention par les patientes en fonction des circonstances. Le pessaire Hodge est utilisé spécifiquement pour soutenir le col de la vessie en cas d’incontinence urinaire d’effort. Des formes modifiées des cas précédents existent sur le marché, avec des fonctions spécifiques. À noter la possibilité dans certains prolapsus notamment de stade 4 d’utiliser deux pessaires l’un sur l’autre [20, 21]. Facteurs influençant la prescription d’un pessaire L’indication varie en fonction du type anatomique de prolapsus. L’ensemble de la littérature montre clairement que les prolapsus de l’étage antérieur ainsi que les prolapsus utérins sont les plus à même de bénéficier du pessaire. Le taux d’abandon est plus élevé en cas de rectocèle probablement en raison de l’élargissement du hiatus urogénital rencontré dans ce type de pathologie. En ce qui concerne le stade anatomique de prolapsus, même si la contention est moins bonne en cas de prolapsus de haut grade, l’adaptation de la taille et l’utilisation de pessaires à effet volume (cube) est possible ; là encore, l’existence d’une béance vaginale importante sera de plus mauvais pronostic. Un antécédent d’hystérectomie est également de pronostic plus défavorable. L’indication en fonction de l’âge montre un moindre recours au pessaire chez les femmes « jeunes ». Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela : l’existence d’une activité sexuelle qui s’avère difficile si le pessaire n’est pas retiré facilement par la patiente ; une activité physique plus importante source d’expulsion du pessaire et surtout une diminution de l’estime de soi liée au prolapsus, quasi constamment évoquée par ces patientes ; le pessaire avec son image de « traitement pour les vieilles » n’améliore pas ce problème. Malgré cela, le pessaire est nettement sous-utilisé dans cette population et rend de grands services aux femmes désirant programmer leur chirurgie dans un délai plus ou moins long en raison de contraintes familiales ou professionnelles ou chez les patientes ne présentant une gêne fonctionnelle qu’occasionnelle lors d’efforts entraînant une importante augmentation de pression abdominale (sportifs ou professionnels). Dans cette population, il faut privilégier l’utilisation de pessaires cube pouvant facilement être retirés ; un cube perforé est nécessaire chez les femmes non ménopausées afin de permettre l’écoulement des sécrétions vaginales et des menstruations. Le recours à un test au pessaire est justifié dans toutes les situations où il n’y a pas de relation claire entre la symptomatologie alléguée par la patiente et le prolapsus ; il permet alors de prédire avec une certaine pertinence un pronostic chirurgical. Figure 12.1. Pessaire cube avec trous. La « ficelle » reliée au cube ne doit pas servir à tirer sur le pessaire mais simplement à guider les doigts de la patiente pour retrouver le cube et le retirer. Si elle tire sur la ficelle, celle-ci se rompt car les faces du cube sont « ventousées » aux parois vaginales. Il faut donc que la patiente passe ses doigts entre le cube et la paroi vaginale pour pouvoir lever cet effet ventouse et retirer le pessaire. 131 Manuel pratique d’urogynécologie En cas de trouble de l’évacuation vésicale associé au prolapsus (en particulier s’il existe un résidu post-mictionnel), il peut être très intéressant de réaliser un test au pessaire qui permettra de porter un pronostic sur le résultat de la chirurgie [22]. En effet, bon nombre de patientes présentant une obstruction ancienne sur prolapsus ont une vessie hypocontractile dont la vidange ne s’améliorera pas forcément rapidement et qui sont même à risque de rétention postopératoire. En cas d’incontinence urinaire ou d’urgenturie associée au prolapsus, son devenir sera différent en fonction du mécanisme de l’incontinence urinaire. La mise en place d’un pessaire peut améliorer l’incontinence liée à une hyperactivité détrusorienne sur l’obstacle créé par le prolapsus, ou l’aggraver s’il s’agit d’une incontinence urinaire liée à une insuffisance sphinctérienne ou à une hypermobilité urétrale masquée par ce même effet pelote. Enfin, dans certains cas, la mise en place du pessaire ne changera rien à l’incontinence urinaire. La présence de douleurs abdomino-pelviennes ou lombaires basses est fréquemment rapportée à l’existence d’un trouble de la statique pelvienne parfois anatomiquement très modéré. La relation directe avec le prolapsus n’est pas toujours évidente et l’utilisation du test au pessaire est alors indispensable avant de porter une indication chirurgicale. Pour les patientes indécises avant une chirurgie, l’attitude logique est de proposer un test au pessaire pendant quelques mois en attendant leur éventuelle décision de chirurgie. plus tard en mettant ce délai à profit pour utiliser un traitement hormonal local. L’apprentissage de la pose et du retrait, ainsi que le choix de la taille se font lors de la consultation. Cela nécessite un jeu de pessaire dans la salle de consultation afin de pouvoir essayer différents modèles. La patiente est mise debout et fait quelques pas afin de valider le support du pessaire. Dans les jours suivants, la patiente évaluera elle-même sa capacité à retirer et laver le pessaire quotidiennement ainsi que l’éventuelle apparition d’une incontinence urinaire démasquée ou à l’inverse d’un trouble de la vidange vésicale. La pose du pessaire est un geste simple réalisable par 95 % des patientes sans limitations liées à l’âge ou à l’habileté manuelle, en tout cas avec les pessaires cube. L’utilisation d’un support vidéo est utile car bon nombre de patientes méconnaissent l’anatomie de leurs organes génitaux. Le pessaire cube lui, se retire, se lave et se repose chaque jour par la patiente. Dans les rares cas où le retrait par la patiente n’est pas possible (démence, appréhension, incapacité physique), on choisit alors un pessaire en anneau. Pour ces pessaires en anneau, les tailles le plus couramment utilisées sont les tailles médianes, environ 65 mm à 76 mm. Le choix de la bonne taille nécessite une certaine expérience. Pour prendre la mesure, il faut faire un toucher vaginal en introduisant le bout de l’index dans le cul-de-sac postérieur du vagin et sentir en avant le point précis où la symphyse pubienne repose sur cet index. La taille du pessaire est la distance entre ces deux points. En cas de doute, il vaut mieux commencer par une taille légèrement inférieure. La pose s’effectue après avoir fait tremper préalablement le pessaire dans une solution antiseptique savonneuse. Après miction naturelle ou sondage évacuateur, il faut réintégrer le prolapsus, serrer le pessaire (le plier) pour l’introduire dans l’axe du vagin en le poussant à l’arrière dans le cul-de-sac vaginal postérieur, puis le faire basculer en haut pour bloquer la partie antérieure derrière la symphyse pubienne. Le pessaire est ainsi centré autour du col utérin repositionné. Après la pose, il convient de vérifier que la taille correspond bien : la patiente ne doit ressentir aucune gêne, ni en position assise, ni en position debout. Après lui avoir demandé de tousser et marcher quelques minutes (si possible, monter et descendre quelques marches), le pessaire doit être resté bien en position. Si le pessaire n’est pas resté en place, il Prescription d’un pessaire La prescription du pessaire intervient lors de la consultation de statique pelvienne. Outre un interrogatoire et un examen clinique complet, une information complète sur le traitement chirurgical et l’utilisation du pessaire est délivrée. L’essai d’un pessaire doit faire partie de l’examen clinique. Le but est de trouver le pessaire le plus large possible ne causant pas d’inconfort. Un vagin court (< 6 cm) et un introïtus vaginal béant (> 4 cm) sont associés à un taux d’échec plus élevé. Des formulaires d’information sur la chirurgie (Fiches CNGOF) et le ou les pessaires sont remis à la patiente. Si la patiente est indécise, un délai de réflexion est proposé avec une consultation quelques semaines 132 Chapitre 12. Prise en charge non chirurgicale des prolapsus génitaux faut choisir une taille plus grande. Si la patiente ressent une gêne, il faut choisir une taille plus petite. La consultation de suivi peut être programmée à 2 semaines pour un retour d’expérience de la patiente, puis à 3 mois, la patiente pouvant à tout moment interrompre le traitement. ­d’œstrogènes conjugués pendant deux à trois semaines. Si l’ulcère persiste, une biopsie de la lésion doit être réalisée. Une complication sérieuse est l’incarcération du pessaire. Il s’agit d’un pessaire que l’on ne peut plus retirer, car celui-ci est fixé, sclérosé dans des tissus sténotiques, atrophiques et même nécrotiques. Il peut alors migrer et s’exposer dans la vessie ou le rectum. Cette situation est exceptionnelle et survient chez des patientes qui ont négligé leur suivi pendant une longue période. Un traitement chirurgical est parfois nécessaire. Prévention et traitement des complications liées à l’emploi des pessaires Les complications ne sont pas rares et doivent être connues afin d’être prévenues. Si la patiente a une allergie au latex, c’est un pessaire synthétique qui devra être prescrit. En cas de prescription d’un pessaire en latex, les excipients à base de corps gras (vaseline, glycérine, huile de coprah…) sont fortement déconseillés, car leur présence entraîne une altération du caoutchouc. Un suivi clinique régulier permet d’évaluer l’état de confort de la patiente. On doit rechercher aussi la notion de pertes sanguines ou de leucorrhées pouvant témoigner de lésions trophiques (ulcérations vaginales). L’utilisation de pessaire nécessite une imprégnation hormonale du vagin et l’élimination d’une infection vaginale. La prescription de pessaire chez la femme ménopausée est associée à la prescription d’œstrogènes par voie vaginale, en crème souvent à appliquer sur le pessaire lorsque celui-ci est replacé chaque jour. Il est préférable d’utiliser des crèmes plutôt que des ovules qui risquent d’altérer le pessaire. Cela permet la lubrification et donc la plus facile mise en place de celui-ci. La réussite de l’essai du pessaire est statistiquement liée à l’utilisation d’un traitement hormonal local. L’explication en est probablement une diminution des effets secondaires grâce à une meilleure trophicité de la muqueuse vaginale. L’application du pessaire sur une muqueuse fragilisée par l’atrophie pose un problème en termes d’effets secondaires et donc d’abandon. Il est donc conseillé de prescrire un traitement hormonal local systématiquement avec un pessaire, en tout cas chez les femmes ménopausées. Des sécrétions vaginales malodorantes sont souvent constatées. Les infections vaginales peuvent facilement se traiter avec des ovules antiseptiques pendant une semaine. Des érosions et des ulcères peuvent se présenter. Il est alors plus prudent de retirer le pessaire et de traiter avec une crème Conclusion La prise en charge non chirurgicale du prolapsus en dehors de l’abstention thérapeutique et de la prévention de facteurs aggravants semble promouvoir l’emploi du pessaire. Notre expérience mais aussi les données de la littérature montrent que la désaffection de l’utilisation du pessaire n’est pas justifiée. Son faible coût, son innocuité et sa relative efficacité permettent que son utilisation soit envisagée et proposée (si elle est possible) devant tout type de prolapsus et à toutes les patientes, avant toute prise en charge chirurgicale. Traitement non chirurgical des prolapsus génitaux Pour les prolapsus stade 1 ou 2, la rééducation périnéale peut apporter une amélioration des symptômes. Pour les prolapsus extériorisés, seul un pessaire peut être proposé en alternative à la chirurgie. Il est recommandé de prescrire un traitement œstrogénique local systématiquement avec un pessaire, au moins pour les femmes ménopausées, afin de limiter les troubles trophiques vaginaux. Références [1] Tuladhar H. An overview of reproductive health of women in Bajhang district. Nepal Med Coll J 2005 ; 7 : 107-11. 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Pessary reduction and postoperative cure of retention in women with anterior vaginal wall prolapse. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2004 ; 15 (3) : 175-8. 134 Chirurgie de l’incontinence urinaire à l’effort Chapitre 13 Philippe Debodinance Depuis la première publication du tension-free vaginal tape (TVT) en 1996 par Ulf Umsten [1], la mise en place d’une bandelette sous-urétrale est devenue la technique de référence de cure de l’incontinence urinaire féminine, supplantant la colposuspension de type Burch, en assurant une efficacité identique mais des suites opératoires plus simples. Pourtant cette technique présentée comme mini-invasive et miraculeuse est parfois à l’origine d’échecs ou de complications sérieuses. suspension rétropubienne par laparotomie (91/313, 29 % d’échec versus 47/297, 16 %) [4]. Colposuspension rétropubienne par laparotomie (fig. 13.1) Cette intervention consiste à soutenir le col vésical, à l’aide de trois fils non résorbables, tendus de la face antérieure du vagin aux ligaments de Cooper homolatéraux. L’intervention de Burch est parfois de réalisation difficile, à fort potentiel hémorragique du fait d’un riche réseau veineux rétropubien. Actuellement supplantée par l’avènement des bandelettes sous-urétrales, elle reste une alternative fiable à moyen et long termes dans les cas d’incontinence urinaires d’effort associés à une mobilité du col vésical. Dans la revue de la Cochrane Database de Lapitan, Cody et Grant, le taux global de guérison était compris entre 69 et 88 % [5]. Colposuspension Avant 1996, de multiples techniques avaient été décrites : urétroplasties type opération de Berkow, colporraphies antérieures (cervicoplasties type points de Marion et Kelly, technique d’Ingelman Sundberg ou pubococcygéoplastie), les frondes sous-cervicales autologues ou synthétiques (interventions de Goebell, Stoeckel, Aldridge, Bologna), les colposuspensions rétropubiennes (MarshallMarchetti-Krantz, colposuspension pectinéale ou opération de Burch) et les colposuspensions ventrales à l’aiguille (techniques de Raz, Pereyra, Gittes et Stamey). Hormis les colposuspensions, toutes les autres techniques ont été quasiment abandonnées compte tenu d’une mauvaise reproductibilité opératoire et d’une efficacité qui se dégrade rapidement avec le temps [2, 3]. La suspension à l’aiguille du col vésical donne de moins bons résultats que la colposuspension type Burch en première ou deuxième intention. Aucun argument ne plaide en faveur de cette technique. Le taux d’échec à un an des suspensions à l’aiguille est supérieur à la colpo- Colposuspension laparoscopique Reproduisant point par point l’intervention conventionnelle de Burch, l’intervention consiste à aborder par voie rétropéritonéale ou transpéritonéale l’espace prévésical de Retzius et à suspendre les ailerons vaginaux aux ligaments de Cooper homolatéraux. Dans la revue de la Cochrane Database, le taux de guérison variait de 58 à 96 % pour la voie abdominale et de 62 à 100 % pour la voie laparoscopique (RR 0,95 ; 95 % CI 0,90–1,00) [6]. La voie laparoscopique semble apporter un bénéfice à court terme par rapport à la laparotomie (reprise rapide des activités, moins de douleurs et 135 Manuel pratique d’urogynécologie en ­termes d’efficacité et son caractère mini-invasif et reproductible. Le TVT a maintenant supplanté la colposuspension de type Burch. Actuellement considérée comme gold standard, la chirurgie des bandelettes sous-urétrales consiste à stabiliser l’urètre en le soutenant dans sa partie moyenne avec une bandelette de polypropylène non fixée. Il ne faut toutefois pas occulter son caractère obstructif montré par les débitmétries postopératoires. Cette fronde permet en théorie de reconstituer les ligaments pubo-urétraux de Zacharin (dont l’existence est toutefois contredite par de nombreux anatomistes) et de préserver la zone de souplesse et de mobilité de l’urètre moyen. Nous disposons maintenant de résultats publiés à plus de 10 ans de l’étude scandinave, montrant 90 % de patientes guéries objectivement avec un test à la toux et un pad-test négatifs [8]. Subjectivement, les patientes sont guéries pour 77 % d’entre elles, 20 % sont améliorées et 3 % considèrent que l’intervention est un échec. Aucune complication tardive n’est signalée et aucune exposition prothétique vaginale à long terme n’est retrouvée. L’essai de Ward a montré que les techniques de BSU et de colposuspension de type Burch par laparotomie donnent des résultats comparables sur la continence (80 % de succès à 2 ans) [9]. Les suites opératoires sont plus simples et plus courtes et le coût inférieur de 25 % avec les BSU par rapport à l’intervention de type Burch. Une méta-analyse de la Cochrane a montré que les résultats objectifs obtenus sur la continence par la technique de BSU sont légèrement meilleurs que ceux obtenus avec la colposuspension rétropubienne laparoscopique [6]. L’utilisation de bandelettes constituées exclusivement de polypropylène monofilament tricoté est recommandée à l’exclusion de tout autre matériau. Il revient aux utilisateurs de matériaux implantables d’exiger du fabriquant le critère de la norme AFNOR, garant de la réalisation d’études précliniques et cliniques avant commercialisation (Recommandation CNGOF 2009). Figure 13.1. Colposuspension rétropubienne (Burch) par voie abdominale. Cette figure est extraite de l’ouvrage Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, collection Techniques chirurgicales en gynécologie, Paris, Masson, 2008. de complications périopératoires). Toutefois, sa réalisation est plus longue, elle nécessite une courbe d’apprentissage et est plus coûteuse. Les résultats en matière de continence semblent identiques. Technique des bandelettes sous-urétrales Techniques de pose En 1996, l’apparition de la bandelette sous-uré­trale (BSU) (fig. 13.2) appelée « tension-free vaginal tape (TVT) » a bouleversé les dogmes et les données du ­traitement chirurgical de l’incontinence urinaire ­d’effort de la femme. S’appuyant sur une « théorie ­intégrale » proposée par Petros et Ulmsten [7], le TVT a surtout séduit les chirurgiens par ses résultats Voie rétropubienne La voie d’abord proposée par Ulmsten pour l’implantation de la bandelette sous-urétrale est la voie rétropubienne ascendante (fig. 13.2). La bandelette doit être posée sans tension (fig. 13.3) sous peine d’observer un taux de rétention postopératoire 136 Chapitre 13. Chirurgie de l’incontinence urinaire à l’effort important. Il était initialement conseillé de réaliser un test à la toux peropératoire (sous anesthésie locale ou rachi-anesthésie) mais ce test peropératoire a une faible reproductibilité. Une perforation vésicale s’observe avec une fréquence de 2 à 23 % dans les séries publiées. Elle est liée à l’embrochage de la face antérieure de la vessie ou du col vésical par l’alène. Elle serait favorisée par des antécédents chirurgicaux avec abord de l’espace de Retzius, par un trajet de l’alène trop latéral, un passage de l’alène sur une vessie incomplètement vidée et une expérience chirurgicale limitée. Elle n’a aucune conséquence si elle est reconnue pendant l’intervention grâce à la cystoscopie qui doit être systématique (recommandation CNGOF 2009). Elle nécessite simplement de retirer l’alène, d’effectuer un nouveau passage, en général plus médian et de maintenir, pour certains, la sonde vésicale deux à trois jours supplémentaires. Une alternative de cette voie d’abord est la voie rétropubienne descendante dérivée des techniques de cervicocystopexies simplifiées populaires aux États-Unis dans les années quatre-vingt-dix. Cette voie d’abord descendante est actuellement peu pratiquée. La voie prépubienne est abandonnée car associée à de moins bons résultats. Voie transobturatrice Figure 13.2. Bandelette sous-urétrale par voie rétropubienne (TVT). Cette voie décrite en 2001 par Emmanuel Delorme a pour objectif principal d’éviter tout passage dans la cavité abdominale, supprimant ainsi les risques de plaies digestive et vasculaire rencontrés avec le TVT rétropubien. Le risque de complication Cette figure est extraite de l’ouvrage Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, collection Techniques chirurgicales en gynécologie, Paris, Masson, 2008. Figure 13.3. Réglage de la tension de la bandelette sous-urétrale. Cette figure est extraite de l’ouvrage Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, collection Techniques chirurgicales en gynécologie, Paris, Masson, 2008. 137 Manuel pratique d’urogynécologie nence que la voie transobturatrice mais les données contradictoires disponibles ne permettent pas de dire si cette différence est réellement significative. Pour le TVT rétropubien, les études à plus de dix ans montrent que 75 à 80 % des patientes sont toujours guéries concernant les fuites à l’effort. En revanche, seulement 30 à 40 % des femmes opérées pour une incontinence mixte seront encore « guéries ». p­ eropératoire est faible. Le risque le plus important est la plaie vaginale. Ce risque de plaie vaginale est accru en cas de culs-de-sac vaginaux s’étendant très en avant, de dissection vaginale insuffisante, ou si l’opérateur n’a pas mis un doigt intravaginal guidant le cheminement de l’alène à la sortie du trou obturateur. En 2003, de Leval a proposé une voie transobturatrice de dedans en dehors (TVT-O pour transvaginal tape-obturator) [10] (fig. 13.4) avec les objectifs suivants : conserver les avantages de la voie transobturatrice, éviter les inconvénients supposés de la voie transobturatrice de dehors en dedans (risque exceptionnel de plaie vésicale, risque de plaie de l’urètre par l’introducteur passé de l’extérieur vers l’intérieur, éviter une incision et une dissection vaginale étendue afin d’introduire un doigt jusqu’au relief osseux guidant la sortie de l’alène pour éviter tout traumatisme vésico-urétral). Facteurs de risque de récidive L’incontinence urinaire d’effort isolée est l’indication de première intention donnant les meilleurs résultats à court et surtout à moyen et long termes. De nombreux facteurs de mauvais pronostic ont été relevés : incontinence urinaire mixte (c’est-à-dire IUE associée à un syndrome d’hyperactivité vésicale), absence d’hypermobilité urétrale (urètre fixe), insuffisance sphinctérienne, obésité. De nombreuses études évaluent les résultats de la BSU pour traiter une incontinence urinaire mixte. Il est classique de dire que plus d’une patiente sur deux voit ses urgenturies améliorées par la mise en place d’une BSU. Certains auteurs rapportent une dégradation très significative des résultats fonctionnels avec le temps essentiellement, du fait de l’aggravation ou de l’apparition de signes d’hyper­ activité vésicale. Holmgren, dans une série portant sur 112 femmes ayant une incontinence urinaire mixte, rapporte un taux de guérison subjective à Résultats Résultats selon la technique de pose À court terme, les voies rétropubiennes de bas en haut et de haut en bas et les voies transobturatrices (de dedans en dehors ou de dehors en dedans) donnent des résultats similaires compris entre 75 % et 92 %. À long terme, la voie rétropubienne ascendante semble donner de meilleurs résultats sur la conti- Figure 13.4. Bandelette sous-urétrale par voie transobturatrice de dedans en dehors (TVT-O). Cette figure est extraite de l’ouvrage Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, collection Techniques chirurgicales en gynécologie, Paris, Masson, 2008. 138 Chapitre 13. Chirurgie de l’incontinence urinaire à l’effort 4 ans après TVT de 60 % diminuant à 30 % à 8 ans du fait de la réapparition d’urgenturies [11]. Concernant l’insuffisance sphinctérienne, les techniques d’évaluation du sphincter urétral par le bilan urodynamique et les valeurs « seuil » retenues pour la définir sont sources de nombreuses polémiques. Une pression de clôture maximale de l’urètre (PCMU) inférieure à 30 voire 20 cm d’eau est souvent retenue. Pour le Valsalva leak point pressure (VLPP) une valeur inférieure à 60 cm d’eau est habituellement prise en compte. Un essai randomisé et une étude rétrospective semblent démontrer que la pose d’une BSU par voie rétropubienne (TVT) est plus efficace que la voie transobturatrice lorsqu’il existe une insuffisance sphinctérienne [12, 13]. L’obésité est un facteur de risque de récidive (qu’il s’agisse d’une IUE pure ou d’une IUE mixte) mais la pose d’une BSU entraîne toutefois une très importante amélioration de la qualité de vie particulièrement altérée dans cette population. L’étude de Hellberg montre qu’au-delà d’un IMC à 35, le taux d’échec de pose de BSU chute à 52 % à la fois par échec de correction de l’incontinence urinaire d’effort et par des urgenturies de novo [14]. Parallèlement, la perte de poids a un effet positif sur la continence urinaire. Ainsi, une perte de 5 à 10 % du poids conduit à une réduction de 60 % du nombre de fuites. tains opérateurs à traverser à l’aveugle la voie obturatrice, la pose des « mini-bandelettes » a été décrite. Elle ne nécessite qu’une seule incision vaginale. L’extrémité de la mini-bandelette reste posée au niveau du muscle obturateur avant ou sur la membrane obturatrice. Deux mini-bandelettes (dont le TVT Secur représenté en figure 13.5 et le Mini-Arc) ont fait l’objet d’études cliniques qui montrent que les résultats à court terme sont déjà inférieurs à ceux observés avec les bandelettes sous-urétrales, de l’ordre de 75 % [15, 16]. Une courbe d’apprentissage plus longue est également décrite. Place des injections péri-urétrales Le principe des injections péri-urétrales (fig. 13.6) est de créer un obstacle au niveau du col vésical et d’augmenter la résistance urétrale à l’aide d’agents « bloquants » (bulking agents). Ceux-ci sont injectés sous la muqueuse urétrale, par voie trans- ou para-urétrale. Différents produits ont été proposés, et certains ont été abandonnés du fait d’importantes complications (polytétrafluoroéthylène, graisse autologue). Une seule étude a été menée pour évaluer l’injection de graisse autologue à une injection de sérum physiologique (placebo) [17]. L’efficacité du ­collagène s’atténuant avec le temps, il est nécessaire de répéter les injections. Une étude randomisée a montré, chez des patientes ayant une IUE avec insuffisance sphinctérienne prédominante, que le taux de guérison (absence de fuite) à un an est Mini-bandelettes Afin de diminuer les risques vésicaux et vasculaires de la voie rétropubienne et la crainte de cer- Figure 13.5. Mini-bandelette sous-urétrale ( TVT Secur). Cette figure est extraite de l’ouvrage Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, collection Techniques chirurgicales en gynécologie, Paris, Masson, 2008. 139 Manuel pratique d’urogynécologie 2 1 Figure 13.7. Sphincter urinaire artificiel péricervical. Cette figure est extraite de l’ouvrage Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, collection Techniques chirurgicales en gynécologie, Paris, Masson, 2008. Figure 13.6. Injections péri-urétrales sous guidage endoscopique. Cette figure est extraite de l’ouvrage Chirurgie de l’incontinence urinaire et du prolapsus par M. Cosson, F. Haab, B. Deval, collection Techniques chirurgicales en gynécologie, Paris, Masson, 2008. à l’insuffisance de données à long terme et à l’existence d’alternatives plus efficaces, et la demande d’inscription comme indication a été rejetée. Plus récemment, l’utilisation de polyacrylamide hydrogel (Bulkamid) (97 % d’eau) avec contrôle direct de l’injection au moyen d’un mini-urétroscope montre une amélioration des résultats sur la continence sans complications rapportées [20]. significativement supérieur pour les injections de silicone par rapport aux injections de collagène. Les deux essais randomisés ayant comparé les injections péri-urétrales avec les traitements chirurgicaux ont montré que les résultats à 6 et 12 mois sont meilleurs après chirurgie (bandelette sous-urétrale ou fronde) [18, 19]. La Commission d’évaluation des produits et prestations de la Haute autorité de santé a publié le 13 juillet 2005 un avis sur l’évaluation d’un gel de copolymère de dextran avec acide hyaluronique (Zuidex) pour traitement de l’IUE. Il a été conclu Sphincter artificiel Le sphincter urinaire artificiel (fig. 13.7) est une prothèse hydraulique totalement implantable visant à restaurer la continence pour des femmes jeunes ayant une incontinence urinaire sévère avec insuffisance sphinctérienne. Il est constitué 140 Chapitre 13. Chirurgie de l’incontinence urinaire à l’effort de trois éléments en élastomère de silicone : une manchette péricervicale, un ballon réservoir régulateur de pression mis dans l’espace de Retzius, une pompe placée au niveau de la grande lèvre. La pression sur la pompe permet le passage du liquide de la manchette vers le ballon et autorise la miction. Au bout de 3 à 4 minutes, de façon automatique, le liquide est transféré du ballon vers la manchette pour restaurer la continence. Le sphincter artificiel est actuellement une solution thérapeutique très efficace dans les incontinences urinaires graves. Le taux de succès global varie de 80 à 90 %, selon le sexe et l’étiologie de l’incontinence, chez les malades ayant leur sphincter en place. Il existe, en effet, un risque d’explantation dû à l’érosion des tissus par la manchette ou à l’infection. À 10 ans, 40 % des patientes auront été réopérées pour retirer ou changer un ou plusieurs des éléments du sphincter. [4] Glazener C, Cooper K. Bladder neck needle suspension for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2004 ; (2) : CD003636. [5] Lapitan M, Cody D, Grant A. Open retropubic colposuspension for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2005 Jul 20 ; (3) : CD002912 . [6] Dean N, Herbison P, Ellis G, Wilson D. Laparoscopic colposuspension and tension-free vaginal tape : a systematic review. BJOG 2006 ; 113 : 1345-53. [7] Petros P, Ulmsten U. An integral theory of female urinary incontinence. Experimental and clinical considerations. Acta Obstet Gynecol Scand Suppl 1990 ; 143 : 7-31. 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Obstet Gynecol 2005 ; 106 : 38-43. Les autres alternatives sont la colposuspension de type Burch (technique aussi efficace mais plus lourde), les injections péri-urétrales (peu invasives mais beaucoup moins efficaces) et le sphincter artificiel (réservé aux cas d’insuffisance sphinctérienne sévère après échec de bandelette sous-urétrale). [12] Schierlitz L, Dwyer PL, Rosamilia A, Murray C, Thomas E, De Souza A et al. Effectiveness of tension-free vaginal tape compared with ­t ransobturator tape in women with stress urinary incontinence and intrinsic sphincter deficiency : a randomized controlled trial. Obstet Gynecol 2008 ; 112 : 1253-61. [13] Jeon MJ, Jung HJ, Chung SM, Kim SK, Bai SW. Comparison of the treatment outcome of pubovaginal sling, tension-free vaginal tape, and transobturator tape for stress urinary incontinence with intrinsic sphincter deficiency. Am J Obstet Gynecol 2008 ; 199 : 76. Références [1] Ulmsten U, Henriksson L, Johnson P, Varhos G. 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La prise de risque est donc injustifiée dans ce cas. Il n’y a pas de raison d’opérer une patiente au seul motif de lui éviter une potentielle aggravation quelques années plus tard. En effet, il est établi que beaucoup de prolapsus génitaux ne s’aggravent pas, seulement 2 % s’extériorisent et une proportion de 5 à 10 % régresse après quelques années. De plus, l’âge avancé n’est pas une contre-indication chirurgicale en soi. Même si un essai randomisé récent montre une possibilité de réduire anatomiquement un prolapsus génital par la rééducation [1], la seule vraie alternative du traitement chirurgical est représentée par les pessaires. Une méta-analyse de la Cochrane Database a pourtant montré qu’il n’existait aucun essai randomisé comparant le traitement chirurgical et les pessaires. Leur conclusion est qu’il n’existe pas de consensus concernant le type de pessaire à utiliser, les indications de chaque type de pessaire, les modalités de surveillance et de remplacement des pessaires [2]. Une étude longitudinale réalisée sur 322 patientes (âge moyen de 70 ans) ayant accepté le pessaire montre un taux d’échec précoce de l’ordre de 30 % (expulsion ou complication trophique). Une amélioration de certains symptômes urinaires, comme la nécessité de réintroduire le prolapsus pour Une description systématique de la chirurgie du prolapsus se heurte à deux écueils importants, d’une part la complexité de l’évaluation préopératoire dont l’objectif est de déterminer quelles sont les bonnes candidates à la chirurgie et d’autre part la multitude des techniques opératoires à disposition (promontofixation pour la voie haute et nombreuses techniques avec ou sans matériaux prothétiques pour la voie basse). Évaluation préopératoire La stratégie thérapeutique du prolapsus découle de l’évaluation clinique permettant d’évaluer les motifs de consultation et la gêne réelle dont se plaint la patiente. Nous ne reviendrons pas ici sur les symptômes amenant à consulter (cf. chapitre 2) mais nous tenterons de dresser un tableau des indications. Bonnes et mauvaises indications de la chirurgie du prolapsus, information des patientes Les patientes consultant pour une gêne liée à l’extériorisation du prolapsus représentent la population de choix pour la chirurgie du prolapsus. Dès qu’il s’agit de symptômes urinaires, anorectaux ou sexuels et que la constatation du prolapsus est le fait du médecin, les résultats à attendre de la chirurgie sont beaucoup plus aléatoires. Une évaluation préopératoire des symptômes, de la gêne ressentie et de la qualité de vie par des questionnaires spécifiques devrait être systématique (cf. chapitre 2). Les décisions concernant les prolapsus récidivés doivent faire l’objet d’une évalua- 143 Manuel pratique d’urogynécologie uriner, était observée chez certaines patientes. En revanche, ils ont montré que l’utilisation du pessaire n’était pas associée à une amélioration des symptômes d’urgenturies, de pollakiurie, d’incontinence, ni des symptômes anorectaux (urgences, incontinence, dyschésie). Seulement 47 % des femmes utilisaient encore le pessaire au bout d’un an [3]. Il n’existe pas de recommandation pour limiter les indications chirurgicales aux seuls échecs de la rééducation et du pessaire. Toutefois, une patiente sera d’autant plus convaincue de la nécessité de la chirurgie si elle a fait l’expérience d’une thérapie conservatrice bien menée mais qui s’est avérée inefficace. Par exemple, pour une patiente présentant une dyschésie et une rectocèle, il nous semble indispensable, avant d’envisager une chirurgie, de faire un bilan complet de la dyschésie pour s’assurer de l’absence d’une autre étiologie et d’essayer des traitements médicamenteux (cf. chapitre 8). Il n’y a pas non plus de recommandation concernant une période de réflexion avant la chirurgie mais deux consultations préopératoires sont d’autant plus d’occasions d’expliquer à la patiente à la fois les objectifs et les risques de l’intervention. Compte tenu de l’absence de consensus concernant le type d’intervention à réaliser, il convient de lui expliquer les différentes voies d’abord et les raisons du choix pratiqué dans son cas (fig. 14.1). Toutes ces réflexions et explications doivent, tant que faire se peut, être reprises par écrit dans la lettre qui sera adressée à son médecin traitant et dont elle se verra remettre un exemplaire. sée en mode dynamique pour l’exploration du prolapsus) pourrait apporter une amélioration de la sensibilité de l’exploration préopératoire des patientes concernant ce point précis. Une biopsie d’endomètre peut aussi faire partie du bilan préchirurgical pour juger si une conservation utérine est légitime ou pas, même si sa sensibilité pour la détection des lésions infracliniques est médiocre. Si une conservation du col utérin est envisagée, un contrôle de frottis cervico-vaginal est nécessaire, et une recherche des HPV oncogènes doit être réalisée chez les femmes à risque (antécédent d’infection à HPV ou de dysplasie, tabagisme, infection au VIH, conduites sexuelles à risque). Discussions relatives aux prolapsus récidivés Il n’existe pas de recommandation précise sur le type de chirurgie à réaliser en cas de récidive après tel ou tel type de chirurgie initiale. La voie d’abord dépendra donc de l’âge de la patiente, de ses antécédents chirurgicaux (risque d’adhérences intra-abdominales) et du type de récidive. L’utilisation de renforts prothétiques synthétiques fait l’objet d’un quasi-consensus en matière de prise en charge des prolapsus récidivés. L’hystérectomie n’est pas systématique même si l’utérus participe à la récidive car sa réalisation augmente le risque d’exposition prothétique, surtout si un abord vaginal est choisi. Toutefois, si l’utérus est de volume important, une hystérectomie sera souvent judicieuse ; dans ce cas, une conservation du col devra être privilégiée (sauf en cas de risque important de pathologie cervicale) toujours dans l’optique de limiter le risque d’exposition prothétique. Discussion concernant une éventuelle conservation utéro-annexielle Principes généraux Sur le plan des explorations complémentaires, il semble licite de réaliser au moins une échographie pelvienne à la recherche d’une anomalie endométriale (hyperplasie, polype, processus endocavitaire quel qu’il soit) ou annexielle afin de l’explorer avant de décider d’une éventuelle conservation utéro-annexielle. On sait toutefois que la sensibilité de l’échographie est médiocre concernant le dépistage des lésions cancéreuses endométriales asymptomatiques, en particulier par son caractère opérateur dépendant. L’IRM pelvienne (utili- de la chirurgie du prolapsus Différents étages à traiter Quand un prolapsus génital concerne les trois étages associant une cystocèle, une hystéroptose (ou ptose du fond vaginal) et une rectocèle (ou élytrocèle), le traitement de ces trois étages s’impose. En revanche, quand un ou deux étages ne sont pas concernés par le prolapsus, il n’y a pas de 144 Chapitre 14. Chirurgie des prolapsus génitaux Prolapsus génital entraînant une gêne et une altération de la qualité de vie + Echec pessaire / rééducation Activité sexuelle présente ou désirée Oui * Non Contre indication à la cœlioscopie ? − Pelvis adhérentiel − Obésité − Insuffisance respiratoire − Contre indication à l’anesthésie générale Non Oui Chirurgie par voie vaginale Haut risque de récidive ? − Prolapsus récidivé − Obésité Promontofixation cœlioscopique Non Oui Haut risque de complication prothétique ? − Antécédent de radiothérapie − Diabète non équilibré − Tabagisme important − Atrophie vaginale sévère − Traitement par corticoïde − Immunosuppresseurs Chirurgie par voie vaginale sans prothèse * Cas particulier : Désir de grossesse et hystéroptose isolée ou prédominante Oui Non Chirurgie par voie vaginale avec prothèse Chirurgie par voie vaginale Richter-Richardson Figure 14.1. Arbre décisionnel pour le choix de la voie d’abord et de la technique de traitement du prolapsus génital. 145 Manuel pratique d’urogynécologie r­ ecommandation ni de consensus concernant le caractère systématique du traitement de l’ensemble des étages. Certains opérateurs traitent systématiquement les trois étages même si le prolapsus génital ne concerne qu’un de ces trois étages, leur argument principal étant de dire que le renforcement d’un étage favorise le développement d’un prolapsus sur les autres étages. D’autres opérateurs considèrent qu’il n’est pas licite de prendre un risque opératoire sur un étage non atteint puisque le développement d’un prolapsus sur un étage non traité n’est pas systématique. Ces considérations doivent également prendre en compte le risque de récidive propre de la patiente (obésité par exemple). cutées. La première est de traiter préventivement l’incontinence urinaire démasquée. Cette attitude limite le risque d’incontinence urinaire postopératoire, motif majeur de mécontentement des patientes, mais les expose à un risque de rétention urinaire pour une incontinence qui n’était pas patente. L’autre option est d’expliquer à la patiente qu’il existe un risque d’incontinence urinaire après la correction du prolapsus et que si celle-ci se révèle, une réintervention sera réalisée quelques semaines après la chirurgie du prolapsus. Cette attitude expose donc à un risque de réintervention mais celle-ci est mini-invasive si c’est une bandelette sous-urétrale qui est posée, ce qui est actuellement presque toujours le cas. Il a été prouvé que cette attitude en deux temps ne fait pas perdre de chances de continence à la patiente. Les deux attitudes sont donc acceptables selon les recommandations du CNGOF en 2009 [4]. Quelle que soit l’attitude choisie, elle devra être expliquée à la patiente en lui exposant les deux alternatives et en lui laissant le choix après lui avoir expliqué ce qui, dans son cas, nous a fait plutôt opter pour l’une ou l’autre de ces attitudes. Ce peut être parfois la constatation d’une insuffisance sphinctérienne majeure qui va conduire à conseiller le traitement concomitant de l’incontinence masquée ou, dans d’autres cas, l’objectivation de troubles mictionnels (débitmétrie altérée avec résidu post-mictionnel) associés à l’incontinence masquée qui vont faire préférer une option plus sage en deux temps. Évaluation du risque de récidive Plusieurs facteurs sont à prendre en compte : l’étage du prolapsus, les facteurs liés à l’état général de la patiente et la technique opératoire. L’étage antérieur (cystocèle) est le plus à risque de récidive, puis vient l’étage moyen (fond vaginal, utérus), puis l’étage postérieur (cul-de-sac de Douglas et rectocèle). Certaines pratiques sont à haut risque de récidive comme par exemple une promontofixation antérieure isolée associée à une colposuspension de type Burch qui expose à un risque important de récidive de l’étage postérieur (élytrocèle et/ou rectocèle). Certaines patientes sont à haut risque de récidive, en particulier les patientes obèses et celles présentant une anomalie de structure des tissus conjonctifs (Ehler-Danlos par exemple). Chirurgie par voie haute : promontofixation Évaluation du risque d’incontinence urinaire postopératoire Cette intervention, actuellement quasiment exclusivement réalisée par cœlioscopie, consiste à traiter les trois étages d’un prolapsus génital. Une prothèse synthétique est placée entre la vessie et le vagin en avant et fixée à l’isthme utérin. Cette prothèse « antérieure » sera fixée sur le ligament vertébral antérieur commun en avant du promontoire (en regard de L5-S1). Une autre prothèse synthétique est placée entre le vagin et le rectum pour traiter ou prévenir une rectocèle et une élytrocèle. Cette prothèse « postérieure » est fixée sur l’isthme postérieur mais il n’est pas recommandé de la fixer directement sur le promontoire, sauf cas particulier. Une douglassectomie (résection du Si une patiente présente une incontinence urinaire à l’effort associée au prolapsus génital, la quasi-totalité des chirurgiens proposeront un traitement concomitant du prolapsus et de l’incontinence urinaire à l’effort. La discussion concerne les patientes qui présentent une incontinence urinaire « masquée » (ou potentielle), c’est-à-dire pour lesquelles c’est l’examen clinique vessie pleine prolapsus réduit qui a mis en évidence des fuites urinaires à la toux (cf. chapitres 2 et 3). Dans ce cas, deux attitudes peuvent être dis- 146 Chapitre 14. Chirurgie des prolapsus génitaux péritoine du cul-de-sac de Douglas) peut être associée en cas d’élytrocèle importante. Une péritonisation complète des prothèses est indispensable à la fin de l’intervention. En effet, sur cinq cas d’occlusions postopératoires dans la série de Lefranc, quatre ont été observées sur un défaut de péritonisation. Si une hystérectomie est associée (en cas d’utérus volumineux ou pathologique), il faudra réaliser une hystérectomie subtotale (avec conservation du col) afin de limiter le risque d’exposition vaginale des prothèses. face postérieure du vagin. Les points ne doivent pas transfixier le vagin (il faudra donc vérifier par un examen sous spéculum). La prothèse postérieure ne doit pas être tendue au-dessus du rectum sinon elle risque d’occasionner une dyschésie importante. Le temps suivant est la dissection vésicovaginale qui débute après placement de la valve vaginale dans le cul-de-sac vaginal antérieur. Après repérage de la vessie, celle-ci est tractée par l’aide ce qui facilite l’ouverture du plan, là encore souvent avasculaire (fig. 14.2). La dissection entre la paroi vaginale antérieure et la vessie est poursuivie jusqu’à quelques centimètres du trigone (visualisé par le ballonnet de la sonde vésicale). La prothèse antérieure est étalée et fixée à la paroi vaginale antérieure par 5 à 7 points au fil non résorbable (fig. 14.3). Un ou deux points Promontofixation laparoscopique La patiente est placée en décubitus dorsal, les deux bras le long du corps, avec une sonde urinaire à demeure. Les membres inférieurs sont écartés afin de pouvoir introduire une valve dans le vagin. Aucune préparation digestive n’est nécessaire. Cette intervention nécessite trois orifices de trocart. Un Trendelenburg important est nécessaire. Une protection par des gélatines préviendra les risques d’escarres au niveau des membres et du vertex. Le premier temps de l’intervention consiste à exposer la région pararectale droite en suspendant l’utérus, le sigmoïde et l’annexe droite. Après incision du péritoine postérieur, la région du promontoire est exposée. On repère les éléments potentiellement à risque : uretère droit, pédicule sacré moyen et veine iliaque primitive gauche qui croise la ligne médiane en dessous de la bifurcation aortique. L’hyperpression nécessaire à la cœlioscopie peut « écraser » cette veine iliaque et la rendre moins visible. Une fois la dissection réalisée, le chirurgien aiguille le ligament vertébral antérieur commun par un fil non résorbable (Mersuture 0 par exemple) et laisse le fil en attente. Ce temps de l’intervention est un des plus « délicats » (risque de plaie de la veine iliaque primitive gauche), voila pourquoi il est réalisé au début de l’intervention. Ensuite le péritoine postérieur est incisé jusqu’à la racine de l’utéro-sacré droit et cette incision est poursuivie dans le Douglas. Pour exposer le vagin, une valve malléable y est introduite. Le péritoine étant ouvert, le plan avasculaire entre la face postérieure du vagin et le rectum est ouvert. La dissection rectovaginale est poursuivie jusqu’au cap anal au milieu, en prenant contact avec le muscle levator ani latéralement. La prothèse « postérieure » (interrectovaginale) est étalée et fixée aux élévateurs de l’anus et/ou à la Figure 14.2. Promontofixation laparoscopique : dissection vésicovaginale. Figure 14.3. Promontofixation laparoscopique : mise en place de la prothèse antérieure amarrée à la face antérieure du vagin par des points au fil non résorbable. 147 Manuel pratique d’urogynécologie f­ ixeront solidement la prothèse antérieure à la face antérieure de l’isthme utérin. La prothèse antérieure est ensuite glissée à travers la pars flacida du ligament large pour rejoindre le promontoire où elle sera amarrée grâce au fil laissé en attente (fig. 14.4). Une péritonisation complète et soigneuse est indispensable pour limiter au maximum le risque d’occlusion sur bride ou d’incarcération d’anse intestinale (fig. 14.5 à 14.7). En cas d’hystérectomie subtotale associée, celle-ci devra être subtotale (conservation du col) pour limiter le risque d’exposition prothétique. Les prothèses sont alors fixées sur le col en avant et en arrière, après avoir placé les prothèses intervésicovaginale et interrectovaginale. C’est ainsi le col qui est fixé au promontoire par l’intermédiaire de la prothèse antérieure dans ces cas d’hystérectomie subtotale associée. La durée opératoire moyenne est de 180 minutes. La courbe d’apprentissage montre qu’il faut 20 à 30 procédures avant de réduire significativement sa durée opératoire et 60 procédures avant d’atteindre une durée opératoire optimale [5, 6]. Une pose de bandelette sous-urétrale est associée en fin d’intervention en cas d’incontinence urinaire à l’effort associée. Une colpopexie de type Burch doit être évitée lors d’une promontofixation cœlioscopique car elle augmente le risque de récidive postérieure, surtout si l’on ne met pas de prothèse postérieure. En cas de prolapsus rectal associé, une rectopexie antérieure laparoscopique sera associée. Il s’agit d’un traitement chirurgical simple et efficace du prolapsus rectal extériorisé : dissection de la face Figure 14.4. Promontofixation laparoscopique : la prothèse est amarrée au ligament vertébral antérieur commun. Figure 14.6. Promontofixation laparoscopique : péritonisation postérieure. Figure 14.5. Promontofixation laparoscopique : suture péritonéale antérieure. Figure 14.7. Promontofixation laparoscopique : aspect final de la péritonisation. 148 Chapitre 14. Chirurgie des prolapsus génitaux Chirurgie vaginale antérieure du rectum, une prothèse synthétique non résorbable est suturée au rectum (rectopexie antérieure) par des points non transfixiants et la prothèse est amarrée sur le ligament vertébral antérieur commun au niveau du promontoire. Cette rectopexie antérieure comporte un risque de récidive faible (< 5 %) et un risque limité de dénervation du rectum (risque de constipation postopératoire < 15 %). Chirurgie vaginale avec tissus autologues La technique classique par voie vaginale consiste à faire un traitement des différents étages du prolapsus. Là encore, certains chirurgiens traitent uniquement les étages prolabés et d’autres traitent préventivement les étages non atteints. La littérature n’est pas contributive sur ce point. Beaucoup de techniques sont décrites [10, 11], ayant toutes en commun l’utilisation des tissus de la patiente (tissus « autologues ») et un taux de récidive important (de 15 à 30 % en fonction de la durée de suivi et de l’étage considéré) [12, 13]. Promontofixation par laparotomie La promontofixation par laparotomie a montré son efficacité à long terme avec moins de 10 % de récidive à 10 ans. Toutefois, la nécessité d’une laparotomie alourdit beaucoup les suites opératoires et expose les patientes à des complications spécifiques. Actuellement, depuis le développement de la promontofixation par cœlioscopie qui est associée à des résultats identiques à moyen terme, les indications de la laparotomie sont devenues exceptionnelles. Par ailleurs, la cœlioscopie permet une dissection rectovaginale plus poussée alors que la laparotomie butait sur cet espace avec un recours fréquent aux voies mixtes (complément périnéal et vaginal pour les rectocèle basses). Traitement de l’étage antérieur Le principe est de réaliser une incision vaginale antérieure (colpotomie sagittale ou en T inversé) puis de disséquer la vessie du vagin. La dissection de la cystocèle est poursuivie jusqu’à ouverture des fosses paravésicales. Ensuite, on réalise soit un renforcement sous-vésical par une plicature du fascia pelvien viscéral (fascia de Halban), soit une bourse par plicature de la vessie sur elle-même (points non transfixiants). Une colpectomie limitée est systématiquement associée avant suture vaginale. Traitement de l’étage postérieur Études comparatives entre la promontofixation et la voie vaginale Le traitement de la rectocèle (se traduisant par une colpocèle postérieure basse) comporte une colpotomie, une dissection de la rectocèle avec ouverture des fosses pararectales et une plicature du fascia pre-recti (équivalent postérieur de la plicature antérieure). Le traitement d’une élytrocèle (se traduisant par une colpocèle postérieure haute) comporte une dissection de l’élytrocèle, une douglassectomie et une plicature du fond du cul-de-sac péritonéal restant par des points de Richter (à ne pas confondre avec la sacrospinofixation de Richter). Les taux de récidive après promontofixation laparoscopique sont inférieurs à 5 % [6-9]. La réalisation d’une promontofixation par voie abdominale, que cela soit par laparotomie ou cœlioscopie, est significativement associée à un plus faible taux de récidive de prolapsus, et moins de dyspareunie que la colpopexie par sacrospinofixation réalisée par voie vaginale. Cependant, la voie abdominale est associée à un temps d’intervention plus long, une durée d’hospitalisation prolongée par rapport à la voie vaginale. Toutefois, l’abord cœlioscopique permet de diminuer la durée d’hospitalisation par rapport à la laparotomie avec cependant une durée d’intervention plus longue que la voie vaginale. Traitement de l’étage moyen En cas d’utérus en place, le traitement de l’étage moyen passera soit par une hystérectomie associée à une sacrospinofixation du fond vaginal (intervention de Richter), soit par une ­sacrospinofixation 149 Manuel pratique d’urogynécologie de l’isthme utérin avec conservation utérine (intervention de Richter-Richardson) en cas de désir de grossesse ultérieure. Pour les patientes ayant un antécédent d’hystérectomie, le prolapsus du fond vaginal est traité par une sacrospinofixation de Richter. Cette sacrospinofixation vaginale peut être uniou bilatérale, les résultats étant similaires. L’avantage d’une sacrospinofixation bilatérale est qu’elle permet d’éviter une déviation de l’axe du vagin chez les femmes sexuellement actives bien que ce point n’ait pas été exploré sur le plan fonctionnel. Il est parfois possible de fixer directement la face postérieure du fond vaginal par l’intermédiaire d’une bandelette vaginale découpée et d’exécuter cette suture par du fil résorbable. S’il n’est pas possible d’adosser directement les tissus vaginaux au ligament sacrosciatique, on utilisera un fil non résorbable de type multifilament (Mersuture) ou monofilament (Prolene) mais dans ce cas, il est possible qu’une exposition vaginale du fil soit observée à distance, parfois associée à un abcès de la fosse ischiorectale. périnéorraphie sera associée avec myorraphie des élévateurs de l’anus en prenant garde de ne pas faire de myorraphies trop hautes et trop serrées, celles-ci étant associées à des dyspareunies d’intromission plus fréquentes. Temps périnéal Chirurgie vaginale avec prothèse En cas de béance vulvaire associée et symptomatique ou de rectocèle très superficielle, une colpo- Le fort risque de récidive observé avec la chirurgie par voie vaginale a amené au développement Tableau 14.1. Complications spécifiques Les principales complications de la chirurgie du prolapsus sont répertoriées dans le tableau 14.1. Hormis le risque d’échec immédiat (faute technique) et de récidive, il existe bien entendu un risque de plaies vésicale et rectale lié à la dissection. Ce risque est de l’ordre de 1 à 2 %, dépendant des antécédents chirurgicaux de la patiente. Des dyspareunies de novo sont rapportées dans 10 à 15 % des cas, conséquences des cicatrices vaginales, des colpectomies et des myorraphies. La sacrospinofixation peut se compliquer de douleurs pelviennes mais également d’une lésion du nerf pudendal si le passage du fil à travers le ligament sacro-épineux est réalisé trop proche de l’épine sciatique (cf. chapitre 9). Complications des différentes voies d’abord pour la chirurgie du prolapsus. Promontofixation par laparotomie Plaie vésicale ou rectale 0,5–1 % Spondylodiscite 0,1 % Exposition prothétique vaginale 1–4 % Abcès et hématome de paroi 3–5 % Laparoconversion Abcès pelvien Éventration sur orifice de trocart Promontofixation par cœlioscopie 1–3 % 0,1 % 3% – 0,1 % – Voie vaginale sans prothèse 1–5 % – 2–5 %** Voie vaginale avec prothèse 2–4 % – 6–15 % 0,1 % – – 0,5–5% – – 0,1 % 0,5 % 0,5–1 % 0,1–0,2% – Fistule vésicovaginale ou rectovaginale 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % Péritonite, septicémie 0,1–0,5 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % Occlusion, volvulus sur bride 0,5 à 1 % 0,1–0,5 % 0,1 % 0,1 % Dyspareunies 5–10 % 5–16 % 10–20 % 12 à 36 % Récidive 6 %* 3–5 % 15–30 % 5–15 % * À 10 ans. ** Exposition vaginale d’un fil de sacrospinofixation (Richter) si le fil utilisé est synthétique non résorbable. 150 – Chapitre 14. Chirurgie des prolapsus génitaux de techniques de renfort utilisant des matériaux prothétiques synthétiques [14]. Le principe de ces prothèses est qu’elles vont induire une rétraction des tissus autour d’elles, corrigeant ainsi le prolapsus. fection de la prothèse est très faible dès lors que c’est du polypropylène monofilament macro­ poreux qui a été mis en place. La prise en charge de ces expositions prothétiques nécessite en général une résection de la partie exposée de la prothèse et une suture vaginale. Si l’exposition est très petite (< 2 cm 2), un traitement médical peut être tenté par des œstrogènes et des antiseptiques locaux. Si l’exposition est complètement asymptomatique et s’il s’agit d’une patiente âgée n’ayant plus de rapports, on peut laisser l’exposition en l’état dès lors qu’il s’agit de polypropylène monofilament et qu’une surveillance de la patiente est possible. L’autre complication potentiellement sévère est la rétraction prothétique exagérée. Il est entendu que la rétraction prothétique et périprothétique des tissus avoisinants est le mode d’action de ces prothèses. Toutefois, dans 0,5 à 2 % des cas, le phénomène de rétraction est amplifié faisant apparaître des douleurs et dyspareunies. Dans les cas sévères, une reprise chirurgicale avec section des bras et/ou explantation prothétique peut être discutée en sachant que les prothèses non infectées sont très difficiles à retirer car elles sont complètement intégrées aux tissus de la patiente. Particularités techniques de la chirurgie vaginale avec prothèses Traitement prothétique de la cystocèle et de la rectocèle Les prothèses sont placées en intervésicovaginal (prothèse sous-vésicale) pour traiter une cystocèle et en interrectovaginal pour traiter une rectocèle. Ces prothèses ne doivent pas être fixées car elles vont se rétracter dans des proportions importantes et tout point de fixation pourrait être à l’origine de douleurs. Dans cette chirurgie vaginale avec mise en place de prothèses, toute colpectomie doit être évitée. L’hystérectomie doit être évitée car elle est suspecte d’augmenter le risque d’exposition prothétique. Les prothèses sont maintenant disponibles sous forme de kit permettant un passage transobturateur et trans-sacrosciatique des bras prothétiques. Certains kits permettent un passage transglutéal-­t ransacro-sciatique des bras de la prothèse ­postérieure [15]. Études comparatives avec la voie vaginale sans prothèse Traitement prothétique du prolapsus du fond vaginal Les recommandations du NICE anglais (National institute for health and clincal excellence) de juin 2008 apportent des informations importantes. Dans 10 essais randomisés, le taux d’échec objectif est de 9 % pour la chirurgie prothétique quand du matériel synthétique non résorbable est utilisé, versus 18 % quand du matériel biologique résorbable est utilisé et 30 % pour la chirurgie sans renfort prothétique (OR 0,5 IC95 % : 0,3–0,7). Les matériaux de type Pelvicol (prothèse biologique résorbable) sont donc associés à un risque de récidive objective supérieur par rapport aux prothèses synthétiques. L’utilisation des prothèses biologiques n’est donc pas actuellement justifiée dans cette indication. En revanche, les résultats sont beaucoup moins tranchés dès lors que l’on raisonne en termes de résultats subjectifs, c’est-à-dire en résultats fonctionnels. Dans cette méta-analyse, pour la cure de Il est possible, à la place d’une sacrospinofixation de type Richter de réaliser une sacropexie infracoccygienne grâce à une prothèse en polypropylène placée par voie transglutéale. Dans ce cas, la dissection est la même que pour une sacrospinofixation bilatérale, voire parfois plus limitée, le passage de la bandelette se faisant sous contrôle digital plutôt que visuel. Complications spécifiques La principale complication de la mise en place des prothèses synthétiques par voie vaginale est leur « exposition » dans le vagin, jusqu’à 20 % dans certaines séries [16]. Cette exposition prothétique vaginale peut être asymptomatique mais elle entraîne fréquemment des leucorrhées sales et des dyspareunies, voire une gêne sexuelle pour le partenaire. En revanche, le risque d’in- 151 Manuel pratique d’urogynécologie cystocèle, le taux d’échec subjectif est de 10 % quel que soit le type de chirurgie (avec ou sans prothèse, biologique ou synthétique). Quand on considère le taux de réintervention à 18 mois, celui-ci est statistiquement supérieur pour la chirurgie utilisant des prothèses résorbables (9 %) par rapport aux interventions utilisant des matériaux biologiques (3 %) et par rapport aux interventions utilisant des prothèses synthétiques (1 %). Ce résultat de « réintervention » ne tient pas compte des réinterventions pour complication. En effet, on connaît le taux d’exposition prothétique des prothèses synthétiques mises en place par voie vaginale, proche de 10 à 20 % dans la plupart des séries publiées. L’intérêt des prothèses n’est pas le même pour les différents étages du prolapsus. S’il a bien été montré par plusieurs essais randomisés que la mise en place d’une prothèse synthétique non résorbable diminue significativement le risque de récidive des cures de cystocèle, ceci n’est pas vrai pour la cure de rectocèle. Ainsi, si l’on suit au pied de la lettre les données de la littérature, la mise en place d’une prothèse pour la chirurgie de la rectocèle n’est pas justifiée. De la même manière, la sacropexie infracoccygienne ne diminue pas le risque de récidive du prolapsus du fond vaginal par rapport à la sacrocolpopexie de type Richter [17]. Seules les douleurs périnéales postopératoires immédiates sont diminuées. Pour la chirurgie vaginale de la cystocèle, seules les prothèses synthétiques non résorbables (type polypropylène) ont montré un intérêt dans la réduction de la prévalence des récidives. Il existe maintenant des recommandations précises pour la fabrication des prothèses. La norme AFNOR NF S94-801 demandée pour le marquage CE recommande l’utilisation de polypropylène monofilament tricoté de faible grammage et macroporeux. Certaines contre-indications se dégagent pour cette chirurgie prothétique : antécédent de radiothérapie pelvienne, atrophie vulvovaginale sévère, immunodépression, infection vaginale ou pelvienne active, corticothérapie systémique, diabète non équilibré, tabagisme important, obésité morbide. Dans la méta-analyse réalisée pour le NICE, les taux de complications opératoires (hématomes, pertes sanguines, abcès) n’apparaissent pas significativement différents entre la chirurgie voie basse avec ou sans prothèse. Ce n’est pas étonnant puisque les temps opératoires de dissection sont les mêmes. Par ailleurs, le fait de mettre en place du matériel prothétique expose au moins en théorie à un risque accru de complications infectieuses mais ce type de chirurgie prothétique s’accompagne de durées opératoires plus courtes, surtout depuis l’avènement des kits prothétiques. Conclusion Dans l’état actuel des connaissances, chaque équipe d’urogynécologie se doit de pouvoir proposer l’ensemble des techniques chirurgicales (promontofixation laparoscopique, chirurgie vaginale avec tissus autologues et chirurgie vaginale avec prothèses synthétiques) de façon à pouvoir adapter au plus juste la prise en charge à chaque patiente et à pouvoir traiter les récidives. Traitement chirurgical des prolapsus génitaux La promontofixation par cœlioscopie est le traitement de référence pour les femmes jeunes qui ne désirent plus de grossesse. Chez une femme ayant un risque important de récidive (obésité, prolapsus stade 3 ou 4), une chirurgie par voie vaginale devra comporter une interposition de prothèse synthétique pour limiter ce risque. Indications et contre-indications reconnues de l’utilisation des prothèses synthétiques Une conservation utérine est recommandée dès lors qu’une mise en place de prothèse synthétique est réalisée, qu’il s’agisse d’une chirurgie par voie abdominale ou vaginale. Il faudra simplement s’assurer de l’absence de pathologie utéro-annexielle. Les indications reconnues par la plupart des auteurs sont les prolapsus récidivés et la chirurgie de première intention chez des patientes à très haut risque de récidive (obésité, anomalie du collagène, stade 3 ou 4). 152 Chapitre 14. Chirurgie des prolapsus génitaux Références [1] Braekken I, Majida M, Engh M, Bø K. Can pelvic floor muscle training reverse pelvic organ prolapse and reduce prolapse symptoms ? An assessor-blinded, randomized, controlled trial. Am J Obstet Gynecol 2010 ; 203 (2) : 170. [2] Hagen S, Stark D, Maher C, Adams E. Conservative management of pelvic organ prolapse in women. Cochrane Database Syst Rev 2006 ; CD003882. 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Index A Cystite interstitielle, 78 Cystocèle chirurgie, 144 ––IRM, 46 Cystomanométrie, 27 Abus sexuel, 109 Agénésie ––müllerienne, 116 ––vaginale, 115 Anisme, 85 Anticholinergiques, 124 D Débitmétrie, 25 Défécographie, 87 Déféco-IRM, 38, 87 Délire, 55 Dépendance, 53 Dépression, 56 Detrusitol, 124 DHEA, 118 Diagnostic ––incontinence urinaire, 13 ––prolapsus génital, 18, 19 Ditropan, 124 Douglassectomie, 149 Douleurs ––myofasciales, 107 ––périnéales, 99 ––– psychisme, 108 ––– topographie de la douleur, 100 ––vésicales, 78 Duloxétine, 124 Dyschésie, 84 ––défécographie et déféco-IRM, 87 ––diagnostic, 86 ––étiologie, 84 ––manométrie anorectale, 87 ––temps de transit colique, 87 ––tests d’expulsion, 87 ––traitement, 88 Dysfonctions sexuelles, 114 Dyspareunies, 115 Dyssynergie vésicosphinctérienne, 26, 31, 77 Dysurie, 73 ––bilan urodynamique, 31 B Bandelette sous-urétrale, 136 ––chirurgie, 50 ––échographie, 50 ––IRM, 50 Béance vulvaire, 150 Biofeedback, 123 Bloc anesthésique, 102 Burch, 135 C Calendrier mictionnel, 71 Calibration de l’urètre, 77 Capacité vésicale, 28 Carence hormonale, 55 Catalogue mictionnel, 15, 71 Caveolae, 53 Ceris, 124 Chirurgie ––incontinence urinaire à l’effort, 135 Chlorure de trospium, 124 Colposuspension, 135 Compliance vésicale, 28 Conservation utéro-annexielle, 144 Constipation, 82 ––coloscopie, 83 ––défécographie, 84 ––examen clinique, 83 ––manométrie anorectale, 84 ––temps de transit colique, 84 ––traitement, 84 Critères de Nantes, 100 Cystalgie, 78 155 Index E Hyperactivité ––détrusorienne, 28 ––vésicale, 14, 72 Hypercompliance, 28 Hypocompliance, 28 Hystéroptose ––chirurgie, 144 ––IRM, 47 Échographie ––endoanale, 46 ––pelvipérinéale, 40 Électrostimulation périnéale, 124 Elmiron, 79 Élytrocèle, 47 ––IRM, 47 Épidémiologie ––âge, 1 Exposition prothétique vaginale, 151 Extériorisation du prolapsus, 18 I ICIQ, 16 Immaturité vésicale, 14 Incontinence ––anale, 88 ––– écho-endoscopie anale, 89 ––– échographie endoanale, 49 ––– IRM, 49 ––– manométrie anorectale, 89 ––– traitement, 90 ––urinaire à l’effort ––– bilan urodynamique, 30 ––– chirurgie, 135 ––– diagnostic, 13 ––– échographie, 48 ––– IRM, 49 ––– test à la toux, 14 ––– traitement, 123, 136 ––urinaire masquée, 21 ––urinaire mixte ––– bilan urodynamique, 31 ––– diagnostic, 13 ––urinaire sur urgenturies ––– bilan urodynamique, 31 ––– diagnostic, 13 ––– traitement, 124, 127 ––urinaire transitoire réversible, 55 Indications de la chirurgie du prolapsus, 143 Infections urinaires à répétition ––bilan urodynamique, 32 Information des patientes, 143 Inhibiteurs de recapture de la sérotonine, 124 Instillations intravésicales, 79 Institutionalisation, 55 IRM pelvienne dynamique, 37 F Facteurs de risque, 5 ––césarienne, 9 ––collagène, 6 ––diabète, 8 ––Ehlers-Danlos, 7 ––grossesse, 8 ––hormonothérapie, 8 ––hyperlaxité, 7 ––hyperpression abdominale, 9 ––hystérectomie, 9, 10 ––ménopause, 8 ––nullipare, 7 ––obésité, 8 ––raciaux, 8 Femme âgée ––bilan urodynamique, 58 ––catalogue mictionnel, 58 ––dysurie et rétention, 61 ––incontinence urinaire à l’effort, 60 ––physiologie, 53 ––rééducation comportementale, 59 ––rééducation périnéale, 59 ––sémiologie, 54 Fragilité, 57 G Gériatre, 55 Grossesse ––dysurie, 63 ––incontinence anale, 64 ––incontinence urinaire, 63 ––prévention des troubles urinaires, 65 ––rapports sexuels, 64 ––troubles anorectaux, 64 K Kegel, 123 L Laxatifs émollients, 88 M H Manœuvre, 15 ––de Bonney, 15 ––d’Ulmsten, 15 Manométrie anorectale, 87 Halban, 149 Hiatus urogénital IRM, 42 Hydrodistension, 79 156 Index Promontofixation, 146 ––laparoscopique, 147 ––par laparotomie, 149 Prothèse ––biologique résorbable, 151 ––sous-vésicale ––– chirurgie, 51, 151 ––– échographie, 51 ––– IRM, 51 Mini-bandelettes, 139 Mobilité cervico-urétrale ––échographie, 45 ––Q-Tip test, 14 Muscle élévateur de l’anus, 42 ––IRM, 42 Myorraphie des élévateurs de l’anus, 150 N NANC, 54 Nerf ––clunial inférieur, 104 ––génitofémoral, 105 ––ilio-inguinal, 105 ––obturateur, 106 ––pudendal, 100 Neuromodulation, 126 ––S3, 127 Névralgie pudendale, 99 Nycturie, 71 Q Q-Tip test, 14 Qualité de vie, 16, 22 Questionnaire ––de qualité de vie, 17 ––de symptômes, 17, 23 R Rectocèle, 85 ––chirurgie, 144 ––IRM, 47 Rééducation périnéale, 123 ––prénatale, 67 Renforcement musculaire, 123 Renforts prothétiques synthétiques, 144 Résidu post-mictionnel, 25 Rétraction prothétique ––échographie, 51 Richter, 149 Richter-Richardson, 150 O Obésité, 121 Œstrogénothérapie, 124 Oxybutynine, 124 P Pad-test, 16 Périnée ––complet, 67 ––descendant, 85 Perte d’autonomie, 57 Pessaires, 130, 143 Plicature du fascia ––pelvien viscéral ––pre-recti, 149 Pollakiurie, 71 Polymédication, 56, 57 Polyurie, 71 POP-Q-ICS, 20 Positions d’accouchement, 65 Prévalence ––incontinence urinaire, 1 ––prolapsus génital, 3 Proctalgies fugaces, 108 Profilométrie urétrale, 29 Prolapsus ––génital ––– bilan urodynamique, 32 ––– chirurgie, 143 ––– examen, 19 ––– IRM dynamique, 46 ––– récidivé, 144 ––– rééducation, 129 ––– troubles sexuels après chirurgie, 116 ––rectal, 85 S Sacrospinofixation de Richter, 150 Sensibilité détrusorienne, 28 Sexothérapie, 118 Sexualité ––physiologie, 113 ––pratiques, 113 Solifénacine, 125 Sphincter ––anal, 40 ––– échographie endorectale, 40 ––urinaire artificiel, 140 Sphinctérométrie, 29 Stimulation ––électrique périnéale, 123 ––magnétique, 123 Stress post-traumatique, 109 Surpoids, 121 Syndrome ––d’hyperactivité vésicale, 14, 72 ––– bilan urodynamique, 31 ––de la charnière thoraco-lombaire, 107 ––de Mayer-Rokitansky-Kuster-Hauser, 116 ––douloureux pelvien complexe, 109 ––douloureux vésical, 78 157 Index T Urgenturies, 13, 60, 72 Urodynamique, 25 Temps de transit colique, 87 TENS, 127 Tension-free vaginal tape, 136 Test à la toux, 14 Tests d’expulsion, 87 Thérapie comportementale, 122 Toltérodine, 124 Troubles anorectaux, 81 TVT, 136 TVT-O, 138 V Vaginisme, 115 Vasalva leak point pressure, 29 Vesicare,, 125 Vidéo-urodynamique, 30 Vieillissement, 53 VLPP, 29 Voie ––rétropubienne, 136 ––transobturatrice, 137 Vulvodynies, 106 U Ulcère ––de Hunner, 79 ––solitaire du rectum, 85 Ulmsten, 136 Urètre ––échographie, 44 ––IRM, 42 Y Yentreve, 124 158