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La gangrène de Fournier
I. Introduction :
Fasciite nécrosante génitale, périnéale et périanale résultant d’une infection polymicrobienne d’origine
génito-urinaire, colorectale, cutanée ou idiopathique.
Cause la plus fréquente de perte de substance de peau génitale.
Evolution foudroyante et mortelle dans 25 à 50% des cas.
Mode de présentation parfois atypique entraînant souvent un retard dans le diagnostic et le
traitement.
Sa gravité nécessite un traitement agressif urgent médical et chirurgical.
Incidence :
âge varie entre 30 et 60 ans avec des cas pédiatriques décrits.
sexe ratio de 10H/F du fait d’un meilleur drainage de la région périnéale chez la femme à travers les
secrétions vaginales.
Physiopathologie :
Point d’entrée : bactéries aérobies et anaérobies diffusent dans les tissus sous-cutanés favorise
l’infection avec une extension rapide le long des fascias périnéaux.
Il en résulte une oblitération aigue des artérioles qui engendre une ischémie aigue aggravant la
multiplication et la diffusion des germes.
Ces germes produisent des protéines et des enzymes qui contribuent au processus nécrotique et à la
thrombose intravasculaire.
II. Etiologies :
Etiologies colorectales :
o Abcès de la marge anale
o Fissures anales
o Hémorroïdes
o Cancers du rectum
o Perforations rectales
Etiologies génito-urinaires :
o Infections du bas appareil urinaire
o Causes iatrogènes : sondage, chirurgie endoscopique, biopsies prostatiques.
Autres causes : infections cutanées et traumatismes locaux.
Gangrènes idiopathiques : 5-25% des cas.
III. Facteurs de risque :
Pathologie quasi exclusivement masculine.
Terrain immunodéprimé dans 90% des cas.
Facteurs de risque reconnus :
o Diabète
o Alcoolisme chronique.
o Chimiothérapie, corticothérapie, sida, âges extrêmes, malnutrition…
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IV. Clinique :
4 phases cliniques.
1. 1ère phase : 24-48h
Aspécifique et insidieuse
Malaise, irritabilité, troubles digestifs parfois lombalgies.
2. 2ème phase : phase d’invasion
Manifestations inflammatoires locorégionales : gêne périnéale, érythème scrotale ou de la verge,
œdème ou douleur scrotale
Signes généraux inconstants : fièvre, hypothermie, frissons.
3. 3ème phase : phase de nécrose
Syndrome infectieux grave choc septique
En moins de 48h : tension douloureuse, dure et exsudative du scrotum, avec des phlyctènes
hémorragiques puis des marbrures cutanées.
En quelques heures : plaques noirâtres, fétides et extensives de nécrose cutanée sur le pénis et le
scrotum.
Crépitation neigeuse sous-cutanée.
Risque d’extension des lésions à la paroi abdominale, au thorax, au creux axillaire, aux lombes, aux
cuisses et aux membres.
Rapidité d’extension expliquée par les liens anatomiques étroits qui existent entre les fascias du
périnée.
La nécrose épargne la vessie, le rectum et les testicules car ils ont un réseau vasculaire différent.
Evolution marquée par la diminution des douleurs du faut de l’atteinte des terminaisons sensitives.
4. 4ème phase : phase de restauration spontanée.
Les signes généraux s’amendent.
Cicatrisation lente sur plusieurs mois : bourgeonnement du fond puis épidermisation centripète.
V. Paraclinique :
A. Biologie :
Anomalies non spécifiques de la NFS : hyperleucocytose à PNN, anémie, CIVD.
↗ CRP
Troubles hydroélectrolytiques : ↘Na+, ↗K+, ↘protidémie, ↗glycémie, acidose, IR.
Hémocultures : indispensables, positives dans 20% des cas.
ECBU : contributif en cas d’origine urologique.
Prélèvements locaux avec mise en culture des collections purulentes et des tissus excisés sur milieu
aérobie et anaérobie pour permettre une adaptation de l’antibiothérapie.
B. Bactériologie :
Infection polymicrobienne associant germes aérobies et anaérobies qui agissent en synergie.
La flore bactérienne dépend du site d’origine.
Les germes lus plus fréquents sont : l’Escherichia coli, le bactéroïdès, le protéus, le staphylocoque et le
streptocoque, le Pseudomonas et l’entérocoque.
le streptocoque C, les levures et le clostridium peuvent être également responsables.
Les anaérobies Gram - prédominent dans les étiologies rectales et les aérobies Gram + dans les
étiologies urétrales.
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C. Imagerie :
Permet de faire le diagnostic à un stade où la clinique n’est pas spécifique.
1. Radiographie standard centrée sur les bourses :
Permet de dépister la présence d’air dans les tissus avant l’apparition de la crépitation sous-cutanée.
Renseigne sur la diffusion intra-scrotale de l’infection.
2. Echographie :
Montre précocement l’air.
Fait un bilan précis de l’extension de la nécrose le long des fascias.
3. TDM - IRM :
Permettent:
Le diagnostic précoce de la cellulite et la surveillance des lésions.
préciser les limites de l’infection et donc du débridement nécessaire.
Éliminer la présence d’abcès profonds.
4. Couple Echo doppler + IRM :
Indiqué pour la surveillance de la vitalité des testicules lorsqu’ils sont transitoirement transposés dans
la région inguinale.
5. UCR :
permet de montrer une éventuelle extravasation dont l’importance peut imposer un drainage urinaire
sus-pubien.
6. Rectoscopie :
peut révéler une éventuelle source rectale de l’infection et juger de son étendue et de la nécessité
d’une colostomie.
NB :
La gangrène de Fournier est une urgence chirurgicale
Les investigations poussées sont rarement pratiquées et le diagnostic repose essentiellement sur un
index de suspicion élevé.
VI. Diagnostic différentiel :
poser le diagnostic en urgence à cause du risque de progression très rapide de la nécrose.
Evoquer une gangrène de Fournier devant :
o toute infection des tissus mous des organes génitaux.
o une douleur et une toxicité systémique marquées et disproportionnées par rapport à
l’extension visible de l’infection
o un aspect grisâtre de la peau et une odeur fétide
o une ischémie cutanée = signe clé.
La différentiation clinique entre la fasciite nécrosante et la cellulite est parfois difficile surtout au stade
initial.
La gangrène gazeuse :
o forme de myosite nécrosante d’installation rapide avec :
o myonécrose, production de gaz et état septique.
o due aux clostridia ou à une association d’aérobies et d’anaérobies.
VII. Risques évolutifs :
Complications précoces : choc septique et décès par défaillance multiviscérale.
L’évolution impose des débridements itératifs et la dérivation des urines et/ou des selles.
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Les complications sont :
o A moyen terme : un séjour prolongé en USI.
o A long terme :
- Les séquelles esthétiques, fonctionnelles et psychologiques.
- Complications propres des interventions annexes.
VIII. Facteurs pronostiques :
Liés au terrain, à la maladie et au traitement.
Le taux de mortalité augmente avec l’âge, actuellement la mortalité est plus élevée entre 21 et 30 ans.
Le diabète et l’immunodépression sont des facteurs de mauvais pronostic et pas l’infection
asymptomatique par le VIH.
Le facteur pronostique le plus important est l’extension en surface de la nécrose évaluée par le % en
surface de la nécrose.
3 groupes : diffusion faible (≤3%), moyenne (3-5%) et majeur (>5%).
Autres facteurs de mauvais pronostique sont :
o La diffusion au-delà du périnée.
o L’extension en profondeur.
o L’origine anorectale.
Corrélation entre le taux de mortalité avec le retard diagnostique et le délai avant la chirurgie.
L’oxygénothérapie hyperbare améliorerait la survie.
Un score de sévérité est calculé, en tenant compte de l’état physique et métabolique du patient.
La mortalité est élevée et survient dans 16 à 40 %.
IX. Traitement :
Divisé en 2 phases :
1ère : un débridement extensif associé à une antibiothérapie parentérale et une rééquilibration
hydroélectrolytique.
2ème : une reconstruction plus ou moins complexe une fois le processus infectieux jugulé.
A. Traitement médical :
1. Antibiothérapie :
intraveineuse immédiate et empirique sans attendre les résultats des prélèvements.
Triple association :
o Une bétalactamine pour les aérobies Gram+ et le Clostridium : C3G et uréidopénicillines.
o Un aminoside pour les bactéries Gram
o Métronidazole ou clindamycine pour les anaérobies.
Adaptation ensuite à l’antibiogramme qui reste discutable du fait de la difficulté d’isolement de
certains anaérobies.
Relais per os après amendement des signes infectieux.
Durée : 2 à 6 semaines.
2. correction des troubles hémodynamiques éventuels : expansion volémique et drogue
vasoconstrictrices en cas de choc.
3. prévention de la décompensation ou correction d’une affection associée notamment une DAC.
4. Nutrition parentérale hyper protidique et hypercalorique.
5. Prévention des complications thromboemboliques par les HBP.
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B. Traitement chirurgical :
L’exérèse précoce des tissus nécrosés est fondamentale.
L’exploration permet une appréciation correcte de l’étendue profonde de l’infection car La nécrose
cutanée ne constitue que le « tip de l’iceberg ».
Le débridement:
o doit se faire le plus tôt possible
o et doit être maximal et intéresser la totalité des tissus macroscopiquement atteints et douteux:
peau, tissu sous-cutané et fascia, jusqu’à retrouver un fascia d’aspect normal.
Nombre moyen d’interventions : 2-4.
La cystostomie est préférée au sondage urétral.
La colostomie est indiquée devant :
o une atteinte rectale et sphinctérienne étendue
o et en cas d’incontinence fécale qui peut souiller la plaie débridée.
o Elle doit être haut située dans hypochondre plutôt que fosse iliaque gauche.
Les testicules peuvent être enfuis dans des poches sous-cutanées de la cuisse ou recouverts par des
pansements mouillés pendant plusieurs semaines pour éviter leur dessiccation et éviter une rétraction
secondaire du cordon.
L’orchidectomie et la pénectomie sont rarement nécessaires.
Les zones débridées et dénudées sont recouvertes par des compresses mouillées et essorées.
Les plaies doivent être inspectées tous les jours par l’équipe chirurgicale.
Un second look, 24 à 48 heures après, est nécessaire pour éliminer une progression de la maladie.
Les soins locaux quotidiens sont indispensables par des antiseptiques.
Des irrigations d’eau oxygénée ou l’application de miel sont également préconisées.
A distance, les pertes de substance sont recouvertes par des lambeaux cutanés de peau semi épaisse
ou épaisse ainsi que des lambeaux msculocutanés prélevés au niveau de la face interne de la cuisse
avec réalisation de mailles de filet dans la greffe utilisée.
C. Place de l’oxygénothérapie hyperbare :
En complément du traitement chirurgical.
Plusieurs mécanismes d’action :
o Activité directe antianaérobie par hyperoxygénation tissulaire.
o Augmentation de la diffusion intracellulaire des antibiotiques.
o Potentialisation de la fonction phagocytaire
o Régénération tissulaire par néoangiogenèse et prolifération fibroblastique.
o Protocole : plusieurs séances de 90min entre 2 et 3 atmosphères.
X. Conclusion :
La gangrène de fournier est une urgence chirurgicale majeure.
L’usage d’antibiotiques et les progrès en réanimation ont permis de réduire le taux des complications
graves.
La reconstruction plastique après les excisions périnéales améliorent la qualité de vie des patients.
Cependant, les taux de mortalité et de morbidité restent élevés à cause d’une pec chirurgicale parfois
mutilante et du terrain fragile des patients.
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