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Comment prévenir la morbidité chirurgicale de la thyroïdectomie totale pour goitre multinodulaire euthyroïdien

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Ann Chir 2002 ; 127 : 449-55
© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S0003394402008039/FLA
Article original
Comment prévenir la morbidité chirurgicale de la thyroïdectomie totale
pour goitre multinodulaire euthyroïdien ?
S. Montagne*, L. Brunaud, L. Bresler, A. Ayav, J.M. Tortuyaux, P. Boissel
Service de chirurgie C, CHU de Nancy-Brabois, Allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-les-Nancy cedex, France
RÉSUMÉ
But de l’étude : La thyroïdectomie totale a été proposée
comme traitement initial des goitres multinodulaires euthyroïdiens bénins. Le but de cette étude est de déterminer, à
partir de notre expérience, les moyens permettant de
prévenir la morbidité liée à cette intervention.
Matériel et méthode : Nous analysons rétrospectivement
une série de patients opérés d’une thyroïdectomie totale
pour goitre multinodulaire bilatéral euthyroïdien entre janvier 1996 et septembre 2000 dans le service de chirurgie
C (chirurgie générale et digestive) du CHU de Nancy.
Nous avons recherché la morbidité spécifique liée à ce
geste, au moyen de contrôles cliniques et biologiques
systématiques.
Résultats : Notre série comprend 64 patients, dont 51
femmes (79,7 %) et 13 hommes (20,3 %). L’âge moyen
était de 47 ans (22–76 ans). La morbidité récurrentielle a
concerné deux patients, sous forme d’une atteinte unilatérale provisoire (1,6 %) et d’une atteinte unilatérale définitive (1,6 %). Deux atteintes provisoires (3,2 %) et une
atteinte définitive (1,6 %) de la branche externe du nerf
laryngé supérieur ont été suspectées cliniquement. Huit
patients (12,5 %) ont présenté une hypoparathyroïdie transitoire. Une patiente (1,6 %) présente une hypoparathyroïdie définitive.
Conclusion : La morbidité après thyroïdectomie totale
pour goitre multinodulaire euthyroïdien bénin dans notre
étude est comparable aux données fournies par la littérature après thyroïdectomie totale ou subtotale. La morbidité
peut être prévenue par l’identification systématique du nerf
récurrent, et par une stratégie opératoire ayant pour but le
respect de la vascularisation parathyroïdienne. © 2002
Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
Thyroïde / Goitre multinodulaire / Chirurgie / Morbidité
Reçu le 23 novembre 2001 ; accepté le 8 avril 2002.
*Auteur correspondant. Serge Montagne, 22, rue Pierre-Ronsard, 54630
Richardmenil, France ; Tél. : +06-18-95-01-62 ; fax : +03-83-25-64-97.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Montagne).
ABSTRACT
How to prevent surgical morbidity of thyroidectomy
for nontoxic and multiglandular goiter?
Aim of the study: Total thyroidectomy has been advocated for the treatment of multinodular nontoxic and benign
goiter. The aim of this study, based on our experience, was
to define the surgical factors which permit to decrease
morbidity related to total thyroidectomy for multinodular
euthyroid benign goiter.
Methods and materials: In a retrospective study performed between January 1996 and September 2000, all
records of total thyroidectomy for initial treatment of multinodular euthyroid benign goiter were reviewed. This
study allowed to specify recurrent and parathyroid morbidity after surgery.
Results: There were 51 women and 13 men with a mean
age of 47 years. Recurrent laryngeal nerve injury occured
in 2 patients. It resolved in 1 patient but was permanent in
another (1.6%). Transient hypocalcemia was found in 8
patients (12.5%). One patient had permanent hypocalcemia (1.6%).
Conclusion: The results of our serie are comparable to
previous reports. Systematic identification of the recurrent
laryngeal nerve, and preservation of the parathyroid blood
supply permit to decrease the surgical morbidity. © 2002
Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
Thyroid diseases / Goiter, nodular / Surgery / Morbidity
La thyroïdectomie totale (TT) a été proposée comme
traitement chirurgical initial des goitres multinodulaires euthyroïdiens [1-6]. Cette attitude radicale
présente l’avantage d’éliminer le risque de récidive
du goitre inhérent à toute chirurgie partielle, et par
conséquent d’éviter les complications liées aux
réinterventions sur la loge thyroïdienne [1-6]. De
plus, la morbidité récurrentielle et parathyroïdienne
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S. Montagne et al.
définitive après thyroïdectomie totale semble similaire à celle observée après thyroïdectomie subtotale
(TST) [1-6]. Ayant adopté cette attitude depuis
1996, il nous a paru utile de revoir les dossiers des
patients opérés d’une thyroïdectomie totale depuis
cette période, afin de déterminer la morbidité de
cette intervention dans notre institution, puis de
définir les modalités techniques permettant de prévenir cette morbidité.
PATIENTS ET MÉTHODES
Nous avons revu rétrospectivement les dossiers des
patients opérés d’une thyroïdectomie totale pour
goitre multinodulaire bilatéral euthyroïdien entre
janvier 1996 et septembre 2000 dans le service de
chirurgie C (chirurgie générale et digestive) du CHU
de Nancy. Les patients opérés pour récidive d’un
goitre étaient exclus de l’étude. L’euthyroïdie était
définie par un taux de TSH compris entre 0,20 et
4,25 mUI/l associé à un taux de T4 normal. En
raison du « hungry bone syndrom » et de ses conséquences biologiques, les patients non en euthyroïdie
stricte ont été exclus de principe de cette étude, afin
de rendre la série plus homogène vis-à-vis du risque
d’hypocalcémie postopératoire [7,8]. Nous avons
revu les compte rendus opératoires en recherchant le
caractère bilatéral de l’exérèse, la notion de repérage
du récurrent, le nombre et la localisation des parathyroïdes repérées. La calcémie et la phosphorémie
étaient contrôlées la veille de l’intervention, puis
quotidiennement pendant les trois jours suivant le
geste chirurgical. Une laryngoscopie postopératoire
n’était réalisée qu’en cas de dysphonie, ou de doute
peropératoire sur l’intégrité d’un nerf récurrent. Une
consultation systématique avec dosage phosphocalcique était réalisée six semaines après l’intervention.
Lors de celle-ci, l’interrogatoire et l’examen clinique recherchaient systématiquement des arguments
en faveur d’une lésion du nerf récurrent (dysphonie)
ou de la branche externe du nerf laryngé supérieur
(fatigabilité vocale, irrégularité dans le timbre de la
voix, impossibilité de chanter). L’hypoparathyroïdie
postopératoire précoce était définie soit par une
calcémie inférieure à 75 mg/l sans hyperphosphorémie, soit par l’association d’une calcémie inférieure
à 80 mg/l et d’une phosphorémie supérieure à
40 mg/l [9]. L’hypoparathyroïdie était considérée
définitive lorsque la poursuite d’un traitement
vitamino-calcique était nécessaire plus de 12 mois
après l’intervention [9]. Les lésions récurrentielles
ou du nerf laryngé externe étaient considérées définitives en l’absence de récupération complète au 12e
mois postopératoire [2]. Un interrogatoire téléphonique a été réalisé auprès des patients ayant présenté
une complication récurrentielle, laryngée externe ou
une hypoparathyroïdie. Les résultats biologiques ou
d’examen ORL postopératoires non en notre disposition ont été récupérés. La durée, le type et la
posologie d’un éventuel traitement substitutif normocalcémiant étaient précisés.
L’indication de TT était retenue sur les données de
l’examen clinique et de l’échographie thyroïdienne
préopératoire. Dans quelques cas, la décision de TT
était prise devant la constatation peropératoire d’un
lobe controlatéral pathologique, alors qu’il était
supposé indemne d’après les données du bilan
préopératoire. La dissection du pôle supérieur droit
était réalisée dans un premier temps. Les branches
terminales de l’artère thyroïdienne supérieure (branche interne ou antérieure, branche postérieure et
branche externe) étaient liées électivement. Lorsque
cela était possible, la branche postérieure de l’artère
thyroïdienne supérieure n’était pas liée avant d’avoir
identifié le mode de vascularisation de la parathyroïde supérieure. La dissection se faisait à distance
du muscle crico-thyroïdien afin d’éviter de léser la
branche externe du nerf laryngé supérieur. Le nerf
récurrent était systématiquement recherché au voisinage de l’artère thyroïdienne inférieure, et disséqué jusqu’à son point de pénétration dans la région
crico-thyroïdienne. En cas de dissection difficile,
quelques mm3 de parenchyme thyroïdien étaient
éventuellement laissées à ce niveau, afin d’éviter
toute lésion nerveuse. Les parathyroïdes étaient
toujours recherchées dans leur aire normale de
dispersion. Lorsqu’elles n’étaient pas identifiées en
position habituelle, la dissection n’était pas poussée
plus avant. Les branches de l’artère thyroïdienne
inférieure étaient liées au contact du parenchyme
thyroïdien afin de préserver la vascularisation parathyroïdienne. Les parathyroïdes identifiées mais de
vitalité compromise ou douteuse étaient autotransplantées dans le muscle sterno-cléidomastoïdien.
RÉSULTATS
Notre série comprenait 64 patients, dont 51 femmes
(79,7 %) et 13 hommes (20,3 %). L’âge moyen était
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Thyroïdectomie totale pour goitre euthyroïdien
de 47 ans (22–76 ans). La notion d’antécédents
familiaux de thyréopathie était retrouvée dans 50 %
des cas. La durée d’évolution moyenne du goitre
était de 8 ans. Aucun des malades ne présentait de
dysphonie ni de trouble métabolique phosphocalcique préopératoire. Un bilan morphologique ultrasonographique a été systématiquement réalisé. Une
cytoponction a été indiquée chez 15 patients
(23,4 %). Le bilan préopératoire montrait un goitre
nodulaire bilatéral dans 78,1 % des cas. L’exploration peropératoire a affirmé le caractère bilatéral du
goitre dans 100 % des cas de la série. L’existence de
signes compressifs locaux a motivé l’intervention
dans 49 cas (76,6 %). Onze de ces patients présentaient un goitre plongeant (17,2 %). L’indication
opératoire a été portée dans 13 cas (20,3 %) pour
suspicion de néoplasme associé au goitre. Enfin,
deux interventions (3,1 %) ont concerné des patients
cancérophobes très demandeurs d’une exérèse totale.
Le nombre moyen de parathyroïdes retrouvées lors
d’une intervention était de 2,8. Quatre parathyroïdes
étaient retrouvées dans 34,3 % des cas (22 interventions), trois parathyroïdes dans 26,6 % (17 interventions), deux parathyroïdes dans 29,7 % (19 interventions), un parathyroïde dans 4,7 % (3 interventions),
et aucune dans 4,7 % (3 interventions). L’autotransplantation d’une parathyroïde a été réalisée lors
de quatre interventions (6,3 %). Les compte rendus
d’examen anatomopathologique font état de quatre
parathyroïdes intracapsulaires réséquées lors de quatre interventions différentes (6,3 %). Les deux nerfs
récurrents ont toujours été identifiés. Une section
récurrentielle gauche a été identifiée lors d’une
intervention pour un goitre plongeant jusqu’à la
crosse aortique. La morbidité récurrentielle a
concerné deux patients, sous forme d’une atteinte
unilatérale provisoire (1,6 %) et d’une atteinte unilatérale définitive (1,6 %) correspondant à la section
nerveuse identifiée en peropératoire. Deux atteintes
provisoires (3,2 %) et une atteinte définitive (1,6 %)
de la branche externe du nerf laryngé supérieur ont
été suspectées cliniquement. Huit patients (12,5 %)
ont présenté une hypoparathyroïdie transitoire. Un
traitement calcique d’une posologie moyenne de
2,89 grammes et d’une durée moyenne de sept
semaines était alors prescrit. Une patiente (1,6 %)
présente une hypoparathyroïdie définitive nécessitant un traitement vitaminocalcique depuis plus de 2
ans. Nous n’avons pas constaté de corrélation
évidente entre la survenue d’une hypocalcémie et le
nombre de parathyroïdes reconnues pendant l’intervention. Une hypoparathyroïdie a été observée dans
chacun des groupes « 0 » et « une parathyroïde
repérée » (33 %, mais groupes à faibles effectifs),
deux hypoparathyroïdies dans le groupe « deux
parathyroïdes repérées » (10,5 %), trois hypoparathyroïdies dont une définitive dans le groupe « trois
parathyroïdes repérées » (17,7 %), et deux hypoparathyroïdies dans le groupe « quatre parathyroïdes
repérées » (9,1 %). Les complications non spécifiques comprenaient un hématome compressif (1,6 %)
et un abcès de la loge thyroïdienne (1,6 %). Une
réintervention était nécessaire dans ces deux cas. La
mortalité était nulle. L’examen anatomopathologique permettait la découverte d’un foyer de microcarcinome papillaire dans 7 cas (10,9 %).
DISCUSSION
Dès 1976, Perzik constatait une morbidité équivalente après TT ou TST pour goitre multi-nodulaire
euthyroïdien bénin [1]. Après TT, des séries récentes
retrouvent un taux d’hypoparathyroïdie définitive
compris entre 0 et 2,6 %, et un taux de paralysie
récurrentielle définitive compris entre 0 et 1,6 %
(Tableau 1) [1,2,4-6]. Après TST, le risque parathyroïdien définitif est évalué entre 0,15 et 5,4 %. Le
risque récurrentiel définitif est compris entre 0 et
1,4 % (Tableau 2) [1,4,9-11]. La morbidité après TT
pour goitre multinodulaire euthyroïdien bénin dans
notre étude est comparable aux données fournies par
la littérature après TT ou TST.
Une hypocalcémie survient après intervention
pour goitre euthyroïdien lorsque les parathyroïdes
ont été dévascularisées, traumatisées ou réséquées
[7,12]. L’hypothèse d’une augmentation de la calcitoninémie liée aux manipulations de la thyroïde lors
du geste a été évoquée, mais aussi réfutée [8]. Il est
essentiel d’identifier et de respecter la vascularisation parathyroïdienne, assurée dans environ 80 %
des cas par l’artère thyroïdienne inférieure [13].
Dans 20 % des cas environ, la vascularisation parathyroïdienne supérieure s’établit au dépend de
l’artère thyroïdienne supérieure, en particulier de sa
branche de division postérieure [13]. Ceci impose
théoriquement de ne pas lier cette branche avant
d’avoir identifié la vascularisation parathyroïdienne
supérieure [9]. Cette identification nécessite une
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S. Montagne et al.
Tableau 1. Morbidité spécifique après thyroïdectomie totale pour goitre multinodulaire
Auteur/Année
n
Perzik/1976 [1]
Reeve/1987 [2]
Carditello/1990 [4]
Rodier/1991 [5]
Peix/1996 [6]
250
115
525
75
124*
Hypoparathyroïdie
transitoire
Lésion récurrentielle
transitoire
8,7 %
1,7 %
5,4 %
7,2 %
1,3 %
5,6 %
Hypoparathyroïdie
définitive
Lésion récurrentielle
définitive
0%
0%
0,3 %
2,6 %
0,8 %
0,4 %
0%
1,5 %
0%
1,6 %
* série mixte GMN + Basedow
dissection synchrone de la dissection de la parathyroïde supérieure, de sa vascularisation, et des derniers millimètres du nerf récurrent avant sa pénétration dans la membrane crico-thyroïdienne [9]. Ce
geste, que nous réalisons lorsque les conditions
locales permettent sa réalisation avec sécurité, nous
semble néanmoins difficile lorsque le pôle supérieur
est hypertrophié et nodulaire. Il nous paraît préférable dans ce cas de lier délibérément la branche
postérieure de l’artère thyroïdienne supérieure, plutôt que de prendre un risque sur la dissection
récurrentielle. De plus, ce mode de vascularisation
est rarement bilatéral [13]. Classiquement, la parathyroïde inférieure est toujours vascularisée par
l’artère thyroïdienne inférieure. Cependant, Delattre
et coll. ne retrouvent cette disposition que dans 90 %
des cas [13]. Ceci est souvent lié à une agénésie de
l’artère thyroïdienne inférieure. La vascularisation
de la parathyroïde inférieure est alors le plus souvent
assurée par la branche antérieure de l’artère thyroïdienne supérieure, qui se termine à la face profonde
du muscle sterno-thyroïdien après avoir abandonné
son rameau parathyroïdien [13]. Cette disposition
paraît dangereuse puisque cette branche artérielle est
toujours liée lors de la libération du pôle supérieur.
Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature de
précaution technique particulière liée à une éventuelle vascularisation atypique de la parathyroïde
inférieure. Les avis divergent quant à la meilleure
façon de préserver la fonction parathyroïdienne.
Certains auteurs recherchent systématiquement les
quatre parathyroïdes et leur vascularisation [14].
D’autres ne le font jamais devant le risque de
blessure intempestive de ces glandes lors de la
dissection [1,2]. Pour notre part, nous ne recherchons les parathyroïdes que dans leur aire habituelle
de dispersion. La corrélation entre le nombre de
parathyroïdes repérées et l’incidence de l’hypocalcémie postopératoire n’est pas certaine, comme
nous avons pu le constater dans notre étude. La
dissection et les ligatures vasculaires sont systématiquement effectuées au ras de la capsule thyroïdienne, afin de préserver les rameaux artériels parathyroïdiens. Afin de diminuer la morbidité
parathyroïdienne, nous préconisons donc :
– de respecter l’artère thyroïdienne inférieure ;
Tableau 2. Morbidité spécifique après thyroïdectomie subtotale pour goitre multinodulaire
Auteur/Année
n
Carditello/1990 [4]
Demard/1988 [10]
La Gamma/1993
[11]
Perzik/1976 [1]
Proye/1982 [9]
132*
223
68
664*
150
Hypoparathyroïdie
transitoire
Définition
hypoparathyroïdie
transitoire
Lésion
récurrentielle
transitoire
33 %
22 %
Ca < 85 mg/l
Ca < 2,20 mmol/l
2,7 %
16 %
3,3 %
Ca < 75 mg/l ou
Ca < 80 associé à
P > 40 mg/l
* séries mixtes GMN+Basedow
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Hypoparathyroïdie
définitive
Lésion
récurrentielle
définitive
0,7 %
5,4 %
3%
0,7 %
0%
1,4 %
0,15 %
1,3 %
0,3 %
Thyroïdectomie totale pour goitre euthyroïdien
– de rechercher lorsque les conditions locales le
permettent une éventuelle vascularisation de la parathyroïde supérieure par la branche postérieure de
l’artère thyroïdienne supérieure, qui est dans ce cas
conservée de rechercher les parathyroïdes uniquement dans leur aire normale de dispersion ;
– de réaliser des ultraligatures au contact du parenchyme thyroïdien ;
– d’autotransplanter les parathyroïdes dévascularisées dans le muscle sterno-cléido-mastoïdien.
Chonkich souligne que la TST n’offre aucune
protection supplémentaire par rapport à la TT vis-àvis du risque récurrentiel, si l’on décide de disséquer
et de repérer systématiquement le nerf récurrent [3].
Certains auteurs ne cherchent à l’identifier que dans
les deux derniers centimètres avant sa pénétration
dans la membrane crico-thyroïdienne, estimant
qu’une dissection plus étendue peut être à l’origine
de traumatismes [1,2,12]. Si l’identification du nerf
est difficile à ce niveau, Harness préconise de le
rechercher dans la région de l’artère thyroïdienne
inférieure, ce que nous réalisons systématiquement
[12]. La dissection du récurrent peut être difficile à
proximité de son point de pénétration dans le larynx.
Un « mini-mur » postérieur peut alors être réalisé à
ce niveau, comprenant la capsule thyroïdienne postérieure et une fine lame de parenchyme thyroïdien
[10]. Chez 0,3 à 1 % des patients, il existe un nerf
récurrent non-récurrent à droite [15]. Le nerf vient
alors directement du nerf vague jusqu’au larynx,
sans passer par le médiastin supérieur. Cette anomalie doit être suspectée et identifiée si le nerf récurrent
n’est pas retrouvé dans son trajet habituel. L’incidence du volume du goitre plongeant sur le risque
récurrentiel est controversé. Dans notre série, la
seule paralysie récurrentielle définitive était observée chez un patient présentant un goitre plongeant.
Goudet et coll. retrouvaient 3 % d’atteintes définitives contre 0 % dans un groupe apparié de goitres
cervicaux [16]. Cette différence était cependant non
statistiquement significative. Makeieff ne constatait
que 1,2 % d’atteintes récurrentielles définitives dans
une série de 210 interventions pour goitre plongeant,
dont 40 % de lobectomies [17]. Afin de diminuer la
morbidité récurrentielle, nous recommandons :
– de rechercher systématiquement le nerf récurrent
à proximité de l’artère thyroïdienne inférieure ;
– de le disséquer jusqu’à son point de pénétration
laryngé ;
453
– de laisser un « mini-mur » postérieur de parenchyme thyroïdien au contact de sa portion terminale
lorsque la dissection est difficile à ce niveau.
Le nerf laryngé externe est une branche du nerf
laryngé supérieur, qui innerve principalement le
muscle crico-thyroïdien (tenseur des cordes vocales), les muscles sous-glottiques, la glande thyroïde.
Les séquelles secondaires à une lésion de ce nerf
sont la perte de l’étendue vocale avec gravité
anormale de la voix, une fatigabilité anormale de la
voix, et l’impossibilité de chanter. Ceci peut constituer un réel handicap dans certaines professions
[18]. Les examens complémentaires à visée diagnostique sont complexes et ne sont pas de pratique
courante (électromyographie, stromboscopie). C’est
à cause du manque de critères objectifs simples que
la fréquence de cette paralysie reste difficile à
déterminer. L’incidence de cette complication est
évaluée entre 0 % et 58 % des patients [19,20]. Pour
notre part, nous avons systématiquement recherché
lors des consultations postopératoire une fatigabilité
vocale, une irrégularité dans le timbre de la voix, ou
l’impossibilité de chanter. La morbidité laryngée
externe constatée dans notre série est uniquement
basée sur la plainte fonctionnelle. Il est donc probable que nous sous-évaluons le taux réel d’atteintes
de ce nerf, ainsi que le taux de lésions récurrentielles. Les particularités anatomiques du nerf laryngé
externe expliquent qu’il est difficile, voire illusoire
de chercher à l’individualiser [18]. De plus, il est
impossible de différencier le rameau moteur d’un
rameau sympathique si on ne dispose pas d’un
stimulateur [18]. L’existence de branches collatérales destinées à la thyroïde rend ce nerf vulnérable
lors de la mobilisation du pôle supérieur. Par
ailleurs, le nerf laryngé externe s’insinue souvent au
niveau de la bifurcation de l’artère thyroïdienne
supérieure [3]. Pour éviter toute lésion nerveuse à ce
niveau, nous disséquons et réalisons des ligatures
séparées des branches de division de l’artère thyroïdienne supérieure sans mobiliser le pole supérieur
de la thyroïde. Les hémostases au bistouri électrique
sont proscrites au niveau du muscle constricteur du
pharynx ou du muscle crico-thyroïdien, afin d’éviter
une lésion du nerf à ce niveau.
A morbidité égale, la TT est supérieure aux
exérèses non totales puisqu’elle élimine tout risque
de récidive du goitre [1-6]. L’incidence exacte des
récidives est mal connue, évaluée entre 6 et 15 %
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454
S. Montagne et al.
Tableau 3. Morbidité spécifique après totalisation de thyroïdectomie pour première récidive de goitre multinodulaire.
Auteur/Année
n
Beahrs/1963 [24]
Kraimps/1993 [25]
Peix/1997 [26]
Reeve/1988 [27]
377
30
47
71
Hypoparathyroïdie
transitoire
Paralysie récurrentielle
transitoire
Hypoparathyroïdie
définitive
Paralysie récurrentielle
définitive
4,5 %
6,1 %
15,2 %
5,6 %
4,4 %
3,7 %
3,3 %
0%
1,4 %
7,9 %
6,6 %
0%
1,4 %
[21-23]. Elle est sous-estimée en raison de l’absence
de suivi à long terme des malades dans la plupart des
séries et du caractère souvent infraclinique de la
récidive nécessitant un dépistage échographique
dans les premières années d’évolution [23]. Les
interventions pour récidives de goitre multinodulaire sont classiquement associées à une morbidité
importante [24,25]. Cependant, certaines séries ont
retrouvé un taux minime voire nul de complications
définitives après totalisation de l’exérèse pour première récidive (Tableau 3) [26,27]. La morbidité est
en outre accrue en cas de totalisation après TST, où
la fibrose cicatricielle entraîne une modification des
rapports anatomiques et des difficultés de dissection
[26]. D’autres arguments plaident en défaveur de la
réalisation de TST : la constatation d’hypothyroïdies
chez 40 à 84 % des patients ayant bénéficié de ce
geste [28] ; l’inefficacité du traitement thyrotoxinique dans la prévention des récidives [29] ; la possibilité de méconnaître un prolongement rétro pharyngien droit ou intertrachéo-œsophagien gauche liée à
l’absence de mobilisation complète du lobe thyroïdien, source de phénomènes compressifs ressentis
par le patient, et facteur de récidive [2].
Les connaissances pathogéniques actuelles font
état d’une autonomie de croissance du goitre liée à
des facteurs non contrôlés par la TSH et indépendants des taux de thyroxine [30]. Cette autonomie de
croissance du parenchyme thyroïdien expose à la
récidive, et constitue pour certains un argument
supplémentaire en faveur d’une exérèse totale
d’emblée [4].
L’inconvénient majeur de la TT est l’hypothyroïdie postopératoire systématique, qui nécessite
l’adhésion à un traitement thyrotoxinique à vie et à
la surveillance qui en résulte. La récidive d’un goitre
est effectivement moins préjudiciable pour le patient
qu’une hypothyroïdie non compensée. Une exérèse
non totale doit être discutée en cas de risque de non
observance du traitement, ou devant des antécédents
particuliers, notamment psychiatriques.
CONCLUSION
La morbidité constatée dans notre série après thyroïdectomie totale pour goitre multinodulaire euthyroïdien est faible et conforme aux données de la
littérature. La thyroïdectomie totale constitue pour
nous l’intervention de choix en cas de goitre multinodulaire euthyroïdien bilatéral bénin, en dehors de
conditions particulières. La morbidité chirurgicale
peut être prévenue par l’identification systématique
du nerf récurrent à partir de son croisement avec
l’artère thyroïdienne inférieure, par une stratégie
opératoire visant à respecter de la vascularisation
parathyroïdienne, et par la réalisation de ligatures
électives au niveau des branches de l’artère thyroïdienne supérieure avant toute mobilisation du pôle
supérieur de la thyroïde.
RÉFÉRENCES
1
2
3
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Thyroïdectomie totale pour goitre euthyroïdien
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