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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 23
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Immunologie de la transplantation :
rejets et infections en transplantation
d’organes solides
Marie-Nathalie Kolopp-Sardaa,*, Christophe Malcusa, Chantal Kohlerb
a Service d’immunologie biologique
Pavillon E
Groupe hospitalier Edouard-Herriot
Faculté de médecine Lyon-Nord
5, place d’Arsonval
69437 Lyon cedex 03
b Département d’histologie
Faculté de médecine de Nancy
B.P. 184 – 54500 Vandœuvre-lès-Nancy cedex
Laboratoire d’immunologie
Centre hospitalier universitaire de Nancy-Brabois
* Correspondance
1. Introduction
La transplantation est aujourd’hui largement acceptée et
utilisée lors de défaillance d’organes (insufsance rénale ter-
minale, insufsance cardiaque, insufsance hépatique,…),
et quand tout autre thérapeutique conventionnelle n’est
plus possible. L’évolution des techniques de conservation
article reçu le 13 mars, accepté le 31 mars 2008.
© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
RÉSUMÉ
La transplantation d’organe est aujourd’hui largement utilisée dans les
cas de défaillance terminale d’organe solide. Les nombreuses avancées
techniques concernant la conservation des organes, la chirurgie et les
suites opératoires, le développement de la prévention, du diagnostic et
du traitement des rejets et des infections ont contribué à l’augmentation
de la survie du greffon et des patients. La transplantation a pris un essor
très important depuis l’instauration de traitements immunosuppresseurs
de plus en plus efcaces et ayant des effets ciblés sur les mécanismes
immunitaires d’activation lymphocytaire mis en jeu lors des réactions de
rejet de greffon. Mais l’utilisation de ces traitements limitant les rejets
favorise le développement d’infections et de cancers.
Les réactions de rejets de greffon mettent en jeu des alloantigènes du don-
neur, contre lesquels le receveur développera des réponses immunitaires
humorales et cellulaires délétères. Ces réactions vont entraîner des lésions
au sein du tissu greffé ayant des conséquences à court et long terme pour
la fonction de l’organe. Les infections virales, et le cytomégalovirus (CMV)
tout particulièrement, vont également générer des réponses inammatoi-
res et cytotoxiques in situ, également délétères et favorisant les réactions
allogéniques. Les interactions entre réactions immunologiques de rejet et
réactions antivirales sont complexes et font intervenir différents acteurs et
mécanismes de la réponse immunitaire. De plus, les infections virales, de
par la mémoire immunitaire spécique, interfèrent également dans la mise
en place d’une tolérance du greffon. Dans cet article, nous décrirons les
différents mécanismes et intervenants des réactions de rejets de greffon
et aborderons leur interaction avec les infections virales.
Transplantation – alloantigènes – rejets – tolérance immunitaire –
infections virales.
L
t
l
t
ti
d
t
j
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h
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SUMMARY
Transplantation immunology : solid organ
transplant rejections and infections
Solid organ transplantation has become a widely
utilized and successful modality for treatment of
end-stage organ diseases. Improved techniques
for organ preservation, surgical procedures and
post-surgical monitoring, rejection management,
posttransplant infection prophylaxis, diagnostic
and treatment have contributed to this success.
Most identiable of the advances in solid organ
transplantation is the development of potent im-
munosuppressive agents, with increasingly precise
targets as lymphocyte activation mechanisms.
However, the use of these agents in the prevention
and management of rejection is closely interrelated
to the development of infection and tumour.
Graft rejection reactions involved donor allo-an-
tigens, recipients developed deleterious humoral
and cellular immune reactions. These reactions will
be responsible for tissular damages and had short
and long term consequences on organ functions.
Inflammatory and cytotoxic reactions against
viral infections, particularly CMV infections, are
also deleterious for graft tissue and favourable to
allogenic immune reactions. Relations between
graft rejection and anti-viral reactions are complex
and involved immune actors and mechanisms.
Viral infections and their specic immune memory
also interfere with graft tolerance set up. In this
article, graft rejection actors and mechanisms,
and their interaction with viral infections will be
described.
Transplantation – alloantigens – rejection – immune
tolerance – viral infections.
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des organes entre le prélèvement et la transplantation,
des procédés chirurgicaux, de la gestion thérapeutique
des rejets (traitements immunosuppresseurs) et des trai-
tements préventifs et curatifs des infections a largement
contribué à son succès [46].
La transplantation d’organe reste cependant un traitement
lourd pour les patients qui sont soumis à des thérapeu-
tiques immunosuppressives à vie, dont les posologies
sont adaptées à chacun, variant au cours du temps et des
événements intercurrents tels que les infections virales, les
cancers et les rejets. La surveillance clinique, biologique
et immunologique est constante et essentielle pour une
meilleure survie du greffon et du patient. Malgré cela, ces
traitements n’empêchent pas à long terme le développe-
ment d’un rejet chronique, inévitable et non réversible, et
que l’on ne sait encore ni prévenir ni traiter.
Des relations étroites ont été mises en évidence entre ces
différents événements : infections virales et rejets aigus,
rejets aigus répétés et rejets chroniques, infections vira-
les et rejets chroniques. Une meilleure connaissance des
mécanismes immunologiques des rejets et des réponses
immunitaires antivirales permettra de conrmer ces rela-
tions et de mieux appréhender la problématique de tolé-
rance des greffons allogéniques à long terme, tolérance
induite par des traitements immunosuppresseurs sufsant
pour éviter le rejet mais sans favoriser le développement
d’infections.
Dans un premier temps, nous rappellerons les conditions
favorisant une tolérance de greffe et les mécanismes
immunologiques impliqués dans les rejets, en décrivant
les différents intervenants cellulaires et humoraux, cibles
des traitements immunosuppresseurs au cours des trans-
plantations d’organes. Puis dans un deuxième temps,
nous analyserons la chronologie des infections les plus
fréquemment rencontrées et leurs éventuelles relations
avec les réactions de rejets du greffon et l’induction
de la tolérance. Les infections et les agents infectieux
compliquant les transplantations sont développés dans
les différents articles de ce dossier scientique.
2. Histocompatibilité
et transplantation
L’histocompatibilité est dénie comme la mesure du compor-
tement de deux tissus non apparentés entre eux quand
ils sont confrontés. Les premiers « transplanteurs » ont
découvert cette notion bien avant la connaissance des
gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), des
antigènes d’histocompatibilité (Ag HLA, human leukocyte
antigen) et de leur rôle dans la survie d’un greffon d’un
donneur chez un receveur non apparenté.
Le principal obstacle physiologique de la transplantation
est le rejet de l’organe greffé qui résulte d’une réaction
immunitaire protectrice normale du sujet receveur, recon-
naissant l’organe greffé comme « non soi ».
La mise en évidence de l’histocompatibilité ou incompa-
tibilité entre donneur et receveur permet une réduction du
risque de réactions immunitaires délétères pour le greffon,
pouvant conduire à son rejet. Le type de tests réalisés pour
en faire le diagnostic va dépendre de l’organe transplanté
et du délai dont on dispose pour les réaliser. En effet, tous
les organes ou tissus n’ont pas la même immunogénicité
et le même délai de conservation entre le prélèvement
de l’organe et sa transplantation. La peau et la moelle
osseuse sont les tissus les plus immunogènes, le foie le
moins immunogène. Le délai de transplantation d’un cœur
est de 4 h, celui du rein peut atteindre 24 h.
Les antigènes des systèmes ABO et HLA ont été identiés
comme les antigènes majeurs de la transplantation, présents
dans la plupart des tissus de l’organisme. Le groupage
ABO est réalisé systématiquement, la présence d’anticorps
naturels étant impliquée dans les rejets hyperaigus.
Deux types de tests d’histocompatibilité peuvent être réali-
sés en fonction du délai disponible : le « cross match » entre
donneur et receveur est réalisable rapidement, le typage
HLA du donneur est plus long à mettre en œuvre.
Le cross-match permet la détection rapide d’anticorps
cytotoxiques préexistants circulants, par une technique
de micro-lymphocytotoxicité complément dépendante
(technique de référence), en faisant interagir in vitro des
cellules du donneur avec le sérum du receveur. Des tech-
niques sont actuellement développées pour augmenter la
sensibilité de ces dosages (test à l’anti-globuline humaine,
en cytométrie en ux (CMF), en ELISA) [5]. Un cross match
positif est le plus fréquemment une contre indication à la
transplantation, il est fortement corrélé avec le dévelop-
pement d’un rejet hyperaigu.
Le typage HLA identie les antigènes responsables d’une
incompatibilité entre les tissus du donneur et du receveur.
En pratique, pour le donneur un typage HLA minimum est
réalisé (HLA-A, -B, -DQ, -DR), pour rechercher un rece-
veur HLA-identique pour ces antigènes. La technique de
référence en sérologie est la micro-lymphocytotoxicité
complément dépendante permettant de déterminer la pré-
sence d’antigène à la surface des cellules grâce à un panel
d’anticorps anti-HLA connus [25]. Des techniques de bio-
logie moléculaire sont maintenant développées avec deux
niveaux de résolution : soit un typage de niveau générique
(équivalent à la sérologie), soit de niveau allélique [9].
De nombreux patients ont pu développer des réactions
immunitaires dirigées contre des Ag HLA, en particulier
suite à des transfusions répétées, des grossesses mul-
tiples même non menées à terme ou des rejets d’une
première greffe. La présence de ces anticorps constitue
un risque accru de rejet de greffe mais n’est pas une
contre-indication à la transplantation. Cela complique
le suivi et la survie du greffon [17]. La dénition de cette
immunisation est essentielle et est réalisée lors de l’ins-
cription sur la liste d’attente de greffe du patient et après
tous les événements pouvant stimuler la production de
ces anticorps. En période post-transplantation, le suivi
régulier du taux et de la spécicité de ces anticorps est
un marqueur intéressant de l’immunisation du receveur
vis-à-vis des antigènes du donneur, en relation avec les
épisodes de rejet [26, 16]. Pour la recherche et le dosage
des Acs anti-HLA, la technique de microlymphocytotoxicité
complément dépendante est également la technique de
référence. Les taux d’Acs anti-HLA sont exprimés en %
de cytotoxicité d’un panel équilibré de cellules portant
des Ag HLA représentatifs de la population (PRA : panel
reactive antigens) [32]. De nouvelles techniques sont
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actuellement développées pour augmenter la sensibilité
de ces dosages (en CMF, ELISA ou technique Luminex®)
[8]. Un sujet ayant des taux d’Acs anti-HLA > 80 % est dit
« hyperimmunisé ». An de diminuer les risques de rejet, ces
patients en attente de transplantation sont inscrits dans
un programme « antigène permis » qui les rend prioritaires
pour des organes aux Ag HLA permis. Ce programme a
très fortement amélioré l’accès à la transplantation de ces
receveurs difciles à greffer.
Une histocompatibilité maximale (aucun antigène HLA-
A, -B, -DR commun au minimum, soit aucun mismatch)
entre donneur et receveur est recherchée an de diminuer
les risques de réactions allogéniques, et constitue un des
critères d’attribution des organes par l’Agence de biomé-
decine. Cette condition est difcile à réaliser en particulier
dans l’urgence de cette situation.
Malgré ces précautions d’histocompatibilité, des réactions
immunitaires dirigées contre les allo-antigènes du donneur
sont activées chez le receveur, selon des mécanismes que
nous allons décrire ci-après.
3. Transplantation et rejet
3.1. Réactions allogéniques :
reconnaissance directe et indirecte
L’organe transplanté représente une source continue
d’Ag du non-soi chez le receveur. L’allogreffe active donc
continuellement des réactions immunitaires spéciques,
cellulaires et humorales, potentiellement délétères pour le
tissu greffé. An de limiter ces réactions immunitaires et
d’assurer la survie du greffon, les patients sont sous trai-
tements immunosuppresseurs tout au long de la vie.
Ces réactions immunitaires du receveur sont activées par
la présentation et la reconnaissance des antigènes du
donneur. Le greffon exprime les molécules HLA présentant
des peptides du donneur, qui vont être reconnus par les
lymphocytes T du receveur selon deux types de méca-
nismes : allo-reconnaissance directe et indirecte [figures
1a et 1b, d’après Jiang, 18].
L’allo-reconnaissance directe (figure 1a) implique une
présentation du complexe HLA-peptide du donneur par
les cellules présentatrices d’antigène du donneur (en par-
ticulier les cellules dendritiques), après leur migration dans
les ganglions de drainage, aux lymphocytes T du receveur.
Les mécanismes mis en jeu lors de cette reconnaissance
font intervenir des réactions croisées permettant aux TCR
(T cell receptor) des lymphocytes T du receveur de recon-
naître les molécules HLA allogéniques du donneur. Cette
reconnaissance semble plus impliquée dans les méca-
nismes de rejet aigu.
Progressivement, les cellules dendritiques du donneur vont
disparaître et seront remplacées par les cellules dendriti-
ques du receveur. Celles-ci capteront, au niveau du greffon,
les protéines du donneur et en particulier les molécules
HLA synthétisées par le greffon, pour les présenter aux
lymphocytes T du receveur. C’est la présentation indirecte
(figure 1b).
Figure 1b – Allo-reconnaissance indirecte.
Les cellules présentatrices d’antigène du receveur vont capter les allo-antigènes du donneur et les
présenteront aux lymphocytes T du receveur. Les cellules effectrices iront alors détruire les cellules
cibles ayant à leur surface les allo-antigènes du donneur [d’après Jiang et coll., 18].
Figure 1a – Allo-reconnaissance directe.
Les allo-antigènes du donneur sont présentés par les cellules
présentatrices du donneur, après leur migration des ganglions de
drainage, aux lymphocytes T CD4+ et CD8+ du receveur.
Les cellules effectrices iront alors détruire les cellules cibles ayant à
leur surface les allo-antigènes du donneur [d’après Jiang et coll., 18].
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La présentation indirecte remplace progressivement la
présentation directe. Elle peut être responsable des rejets
aigus mais semble surtout impliquée dans les mécanismes
immunologiques de rejet chronique.
3.2. Mécanismes de rejet d’allogreffe
La transplantation d’organe et la greffe de cellules sont
soumises à deux types de réactions de rejet : soit le rece-
veur développe des réactions immunitaires visant à éliminer
l’organe greffé considéré comme du non-soi, réactions
les plus fréquentes dans les transplantations d’organes
solides ; soit les cellules greffées vont agresser les cellules
et tissus du receveur, c’est la maladie du greffon contre
l’hôte (graft versus host disease, GVHD). La GVHD est peu
fréquente lors des transplantations d’organes solides, mais
est décrite et est très souvent fatale pour le patient [4, 44].
En revanche, c’est la principale complication dans les
greffes de cellules souches hématopoïétiques, à caractère
aigu ou chronique. Les mécanismes de ce rejet ne feront
pas l’objet de cette revue.
Trois types de rejets d’allogreffes sont décrits, classés par
leurs mécanismes et par leur chronologie d’apparition post-
transplantation : rejets de greffe hyper aigus (intervention
d’anticorps), aigus (réactions cellulaires) et chroniques
(mécanismes immunologiques et non-immunologiques).
3.2.1. Les rejets de greffe hyper aigus
Ils se manifestent après quelques minutes jusqu’à quel-
ques heures suivant le rétablissement de la continuité
vasculaire. Ils sont liés à une réponse immunitaire humo-
rale préexistante chez le receveur. Le rejet hyperaigu
est secondaire à la fixation sur l’endothélium vascu-
laire d’anticorps cytotoxiques préformés chez le rece-
veur contre les antigènes du donneur (ADCC, antibody
dependant cellular cytotoxicity, mécanisme de type II
selon la classication de Gell et Coombs). Ces anticorps,
ayant reconnu l’antigène, xent et activent le système du
complément, créant des lésions des cellules endothé-
liales du greffon, entraînant une réaction inammatoire,
l’extravasation de cellules et de plasma, l’agrégation et
l’activation plaquettaire conduisant à la thrombose des
micro vaisseaux et à l’arrêt de la circulation sanguine.
Le greffon se nécrose alors en quelques minutes, le plus
souvent en cours d’intervention, et il doit être « transplan-
tectomisé » immédiatement.
Les anticorps impliqués dans le rejet hyperaigu peuvent
être des anticorps naturels dirigés contre les antigènes
de groupe sanguin ABO, des anticorps dirigés contre des
antigènes d’histocompatibilité (Acs anti-HLA, en particulier
anti-classe I) ou des Ag de l’endothélium vasculaire [13].
Les rejets hyperaigus ne se rencontrent pratiquement plus
car, d’une part, la compatibilité ABO est une condition
essentielle à la transplantation, et d’autre part, la présence
d’anticorps anti-Ag du donneur préexistant dans le sérum
du receveur est recherchée par un cross match réalisé
avant l’intervention.
Initialement, les rejets hyperaigus étaient décrits en trans-
plantation rénale, mais tous les organes sont susceptibles
d’être rejetés ainsi. Néanmoins, dans des conditions très
particulières, les transplantations ABO-incompatibles peu-
vent être proposées avec un prétraitement des patients dans
des cas de transplantation avec donneurs vivants, de trans-
plantation hépatique ou chez des enfants [21, 40, 42].
3.2.2. Les rejets de greffe aigus
En l’absence d’immunosuppression, les rejets aigus se
manifestent après une à deux semaines en post-trans-
plantation car ils nécessitent une immunisation vis-à-vis
des antigènes du greffon. Dans les conditions normales
de traitements immunosuppresseurs, le rejet aigu survient
essentiellement dans un délai de 4 mois après la transplan-
tation, avec un pic de fréquence le 1er mois. Néanmoins,
il peut s’observer à tout moment en cas d’arrêt de ces
traitements [27]. Depuis le développement des immuno-
suppresseurs, la fréquence des épisodes de rejets aigus
a diminué en particulier en transplantation rénale et car-
diaque, et de façon moins importante en transplantation
pulmonaire [11].
Le mécanisme de rejet aigu met en jeu des réponses immu-
nitaires cellulaires et/ou humorales spéciques des alloanti-
gènes du donneur. Les antigènes majeurs déclenchant des
réactions allogéniques chez le receveur sont les antigè-
nes HLA. Des antigènes mineurs ont été décrits dans des
modèles murins ; chez l’homme, leur implication est plus
discutée [6, 15]. La mise en évidence des Acs anti-HLA de
classe I et II dans le sérum des patients est un argument
supplémentaire pour leur implication dans les rejets.
Les rejets aigus de mécanismes cellulaires impliquent des
lymphocytes T auxiliaires (CD3+CD4+) et cytotoxiques
(CD3+CD8+), des cytokines pro-inammatoires, respon-
sables de lésions tissulaires (apoptose cellulaire, brose)
et vasculaires (vasoconstriction) non réversibles.
Des mécanismes humoraux sont également décrits met-
tant en jeu des allo-anticorps spéciques des antigènes
du donneur dans les transplantations rénales, cardiaques,
hépatiques et pulmonaires mais ne sont pas rapportés dans
les transplantations de tissus composites (mains, face)
[2, 19, 20]. Les allo-anticorps agissent par des mécanismes
de cytotoxicité (ADCC), délétères pour les tissus greffés.
Ces rejets humoraux sont plus graves, de pronostic moins
bon et doivent être traités très agressivement pour éviter
la perte du greffon [10, 43].
Le diagnostic de rejet aigu est établi sur des signes clini-
ques et biologiques, dépendant de l’organe transplanté
et traduisant son dysfonctionnement. Mais ces signes
sont non spécifiques et le rejet doit être confirmé par
une biopsie du greffon pour une analyse histologique et
immunohistochimique, qui montre des inltrats lympho-
cytaires et des lésions tissulaires et vasculaires caracté-
ristiques. Les rejets humoraux sont mis en évidence par
la présence de dépôts de C4d, produit de dégradation
du complément, recherchés en immunouorescence sur
la biopsie [41, 36].
L’ensemble de ces éléments permet de classer les rejets en
grade de gravité selon des classications internationales,
comme la classication de Banff pour la transplantation
rénale, ou la classication de l’International society of
heart and lung transplantation (ISHLT) pour les transplan-
tations cardiaques.
Le diagnostic précoce de ces rejets est très important. Il
permet une prise en charge rapide du patient avec une
instauration immédiate de traitements immunosuppresseurs
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à forte dose (corticoïdes, Acs monoclonaux type OKT3)
an de limiter les lésions tissulaires au sein du greffon. Les
rejets humoraux sont traités très agressivement pour limiter
les atteintes tissulaires. Le traitement actuellement proposé
est une association de plasmaphérèse, immunoglobulines
intraveineuses et Acs anti-CD20 (molécule présente à la
surface des lymphocytes B) an de diminuer les réponses
humorales en diminuant le nombre de lymphocytes B et
la production d’allo-anticorps [10, 43].
La plupart des rejets aigus n’aboutissent pas à la perte du
greffon à court terme, car ils sont diagnostiqués rapidement
et traités immédiatement. En revanche, ces rejets ont des
conséquences à long terme. En effet, il a été observé que
la fréquence, le nombre, le type (cellulaire ou humoral) et
le délai d’apparition des rejets aigus sont des paramètres
directement liés au devenir du greffon [28]. Les épisodes
répétés et tardifs de rejets aigus sont plus particulièrement
prédictifs de rejets chroniques et de perte de greffon.
3.2.3. Les rejets chroniques
Le rejet chronique débute certainement au moment de la
transplantation pour se développer sur de nombreuses
années. Des causes immunologiques et non immunolo-
giques sont impliquées dans ce phénomène.
Les signes cliniques et biologiques sont différents selon
l’organe greffé, mais traduisent une détérioration de la
fonction de l’organe. Cette perte de fonctionnalité est liée
à des lésions de brose du parenchyme et à une arté-
riopathie étendue pour tous les organes solides. Il s’agit
de néphropathie chronique du greffon en transplantation
rénale, d’athérosclérose du greffon cardiaque. Ces attein-
tes aboutissent inexorablement à la perte des greffons. Au
cours de la dernière décennie, une diminution des rejets
aigus a pu être décrite, liée aux progrès des nouveaux
traitements immunosuppresseurs, mais ces progrès ne
se sont pas traduits par une diminution de l’incidence des
rejets chroniques [24].
Le rejet chronique est donc un processus continu de dimi-
nution de fonction de l’allogreffe. Les facteurs de dys-
fonction chronique sont d’ordre immunologique et non
immunologique [3].
Pour le rein, les facteurs non immunologiques incluent l’âge
du donneur, les lésions initiales de l’organe, le temps d’is-
chémie froide et les lésions de conservation, les infections
(ex : pyélonéphrites), les obstructions, la néphrotoxicité des
immunosuppresseurs, en particulier des inhibiteurs de la
calcineurine (cyclosporine), les désordres métaboliques
(diabète, dyslipidémie), l’hypertension artérielle, la récidive
de la néphropathie et les glomérulonéphrites de novo, les
infections à CMV [3, 23].
Des facteurs immunologiques sont également en cause,
mais leur implication n’est pas totalement éclaircie. Les
épisodes de rejets aigus répétés et tardifs, et en particu-
lier les rejets humoraux, sont incriminés dans les lésions
tissulaires retrouvées dans les rejets chroniques.
L’inltration tissulaire de lymphocytes et d’autres cellules
de l’inammation contribue aux dommages tissulaires
décrits. Une surproduction de cytokines telles que le TGF-C
(transforming growth factor-C) et le PDGF (platelet-derived
growth factor), favorise la brose tissulaire. Une production
continue d’allo-anticorps favorise l’artériopathie.
L’allogreffe est donc la cible de réponses immunitai-
res cellulaires et humorales spéciques, en particulier
d’allo-Acs dirigés contre divers antigènes du donneur (HLA,
cellules endothéliales). Il a été également montré, dans
un premier temps dans un modèle de rejet chronique de
greffe aortique chez le rat, le recrutement et la prolifération
de lymphocytes B dans le tissu rejeté, et leur organisation
en centres germinatifs, ressemblant à ceux d’organes lym-
phoïdes secondaires. L’observation de cette néogenèse
lymphoïde a été également faite chez l’homme au sein des
organes transplantectomisés pour rejet chronique (rein et
cœur). L’allogreffe n’est donc pas seulement la cible de
la réponse allo-immune mais également devient le site
de développement d’une réponse allo-immune humorale
délétère [38, 39].
Les dysfonctions chroniques du greffon décrites dans
les rejets chroniques ont des mécanismes multiples, se
développent sur une longue période, et aboutissent à la
perte du greffon. Actuellement, il n’existe pas de traitement
curatif de ces rejets. La prévention et le traitement de ces
différents facteurs, quand cela est possible, constituent la
meilleure stratégie pour les retarder.
Des facteurs immunologiques interviennent dans les rejets
chroniques, mais leur rôle reste difcile à interpréter. De
nombreuses études ont montré que les épisodes de rejet
aigu répétés constituent un risque important de rejet chro-
nique. Une meilleure connaissance des mécanismes et
des intervenants de ces réactions allogéniques a permis
de développer des traitements immunosuppresseurs ayant
moins d’effets secondaires délétères pour le greffon.
Les infections ou réactivations virales sont également
des événements favorisant les rejets chroniques et aigus
et sont favorisées par les traitements immunosuppres-
seurs. Leur prévention a permis de diminuer l’incidence
des rejets. Les relations immunologiques entre infections
et rejets sont complexes. Il ressort de la littérature et des
nombreux travaux chez l’animal et chez l’homme que la
mémoire immunitaire de ces infections perturbe la mise
en place de la tolérance vis-à-vis d’allogreffes.
4. Infections, rejets et tolérance
4.1. Chronologie des infections
post-transplantation
L’avancée la plus importante qui a autorisé l’essor des
transplantations a été le développement et l’utilisation
des traitements immunosuppresseurs. L’évolution de trai-
tements les plus drastiques (sérum anti-lymphocytaire,
molécules anti-mitotique) aux immunosuppressions plus
ciblées (action sur les mécanismes moléculaires d’activa-
tion des lymphocytes T) a permis de diminuer les effets
secondaires de ces thérapeutiques.
L’utilisation de ces traitements préventifs et curatifs des
rejets de greffe est en relation étroite avec le dévelop-
pement d’infections et de cancers, par la mise en place
d’un état d’immunodépression plus ou moins intense
chez le patient. Cet effet secondaire est donc impossible
à éviter. Certains traitements immunotoxiques peuvent
entraîner un décit immunitaire massif des réponses sys-
témiques mais également des réponses muqueuses et
cutanées, barrières essentielles entre l’organisme et son
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