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Cours Droit des sociétés

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DROIT DE L’ENTREPRISE
I.- Qu’est-ce qu’une société ?
A.- Quels éléments faut-il pour qu’il y ait société ?
L’article 1832 du Code civil donne la définition de la société : « La société est instituée par deux
ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des
biens ou leur industrie en vue d’en partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra
en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne.
Les associés s’engagent à contribuer aux pertes ».
Quatre éléments doivent être réunis pour que l’on soit en présence d’une société. Trois de ces
éléments sont visés par l’article 1832 du Code civil : il s’agit d’une part de l’existence d’apports
de la part des associés ( affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie ), d’autre
part de l’objectif que doivent poursuivre les parties, à savoir le partage de bénéfices ou la
réalisation d’une économie. Une société peut ainsi être valablement constituée même si elle a
vocation à être chroniquement déficitaire, ce qui est souvent le cas des sociétés civiles
professionnelles de moyens. En troisième lieu, les associés s’engagent à contribuer aux pertes.
Etant précisé que par « pertes » il ne faut pas entendre les éventuels déficits constatés en fin
d’exercice. Les « pertes » seront constituées du solde négatif constaté après la liquidation de la
société. Dans les sociétés dites à « risque limité », les associés y contribueront à concurrence du
montant de leurs apports. Par contre, dans les sociétés dites à « risque illimité », l’engagement de
l’associé pourra dépasser le montant de ses apports. Précisions encore que dans les sociétés à
risque illimité, l’associé, outre sa contribution aux pertes, est aussi obligé à la dette sociale, cette
obligation s’exécutant quant à elle en cours de vie sociale. Le quatrième élément indispensable
pour qu’il y ait société est l’ « affectio societatis ». Par cette notion est désignée la volonté des
associés de collaborer ensemble, sur un pied d’égalité, au succès de l’entreprise commune. Le
rôle de cette notion apparaît en période de crise : par exemple si est invoqué le vice de fictivité de
la société, c’est-à-dire le fait d’être en présence d’une mascarade de société, dont la qualification
sera remise en cause. Afin de constater la fictivité de la société, l’absence d’affectio societatis des
« hommes de paille », des simples comparses du maître de l’affaire, fournira un critère souvent
déterminant. En sens inverse, l’ affectio societatis permettra de caractériser la société créée de
fait, en la distinguant de formes voisines de collaboration, comme le prêt ou le contrat de travail.
B.- En quoi la société se distingue t-elle de groupements et
mécanismes voisins ?
1°) Société et association
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2°) Société et fondation
3°) Société et GIE
4°) Société et indivision
C.-Quelles sont les différentes sortes de sociétés ?
La question du choix d’une structure sociétaire suppose naturellement que soient connues les
différentes sortes de sociétés. Cela est d’autant plus important à savoir que, dans certains cas, en
fonction de l’activité projetée ou des objectifs poursuivis par les fondateurs, une forme
particulière de société pourra s’imposer. En effet, il existe à côté des sociétés à vocation générale,
des sociétés réservées à des situations particulières (1°). Mise à part cette distinction de base, une
distinction doit être faite entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux (2°), mais
aussi entre les sociétés à risqué limité et les sociétés à risqué illimité (3°), les sociétés à capital
fixe et les sociétés à capital variable (4°).
1°) Sociétés à vocation générale et sociétés réservées à des situations
particulières
Les sociétés à vocation générale, que l’on appelle aussi sociétés types, sont celles qui a priori
peuvent être choisies, sinon pour toute activité, du moins pour un large éventail d’activités. Ces
sociétés doivent être présentées en premier lieu (a), avant qu’un mot soit dit ensuite des sociétés
réservées à des situations particulières (b).
a)Sociétés à vocation générale. Une nouvelle distinction s’impose ici entre sociétés dotées
de la personnalité morale, et celles qui n’en sont pas dotées.
-Sociétés dotées de la personne morale, étant précisé que par personnalité morale de la société,
on entend sa faculté à disposer d’une personnalité juridique propre, c’est-à-dire avoir les attributs
traditionnellement attachés à la personnalité juridique, notamment un patrimoine composé d’un
actif et d’un passif propres.
* Les sociétés civiles, indique l’article 1845, sont celles auxquelles la loi n’accorde pas un autre
caractère, à raison de leur forme, de leur nature ou de leur objet. Ainsi, dans notre Droit, la
société civile est le principe. Mais ce principe s’avère bien réduit, en raison de la place occupée
par les sociétés commerciales.
* Les sociétés sont en effet commerciales, soit parce qu’elles ont pour objet l’accomplissement
d’actes de commerce, soit parcequ’elles revêtent une forme qui leur confère de plein droit le
caractère de société commerciale, quelque soit leur objet : SNC, sociétés en commandite simple,
Sarl et sociétés par actions.
La ligne de partage entre sociétés civiles et sociétés commerciales se situe ainsi dans l’activité
exercée, les sociétés civiles accomplissant des activités de nature civile, mais aussi à travers la
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forme de la société. Cependant, cette ligne de partage se brouille parfois pour deux raisons. Tout
d’abord, il arrive que des sociétés commerciales acccomplissent des activités de nature civile. De
plus, le régime juridique des sociétés civiles s’est grandement rapproché du régime applicable
aux sociétés commerciales. Par exemple, le droit des entreprises en difficultés, traditionnellement
reserve aux sociétés commerciales, s’applique à present à toutes les sociétés, du moins si elles
sont pourvues de la personnalité morale. Le rapprochement est tel que l’on estime généralement
que la société civile immatriculée a un régime juridique fort proche de celui de la SNC.
-Sociétés dépourvues de personnalité morale
*La société en participation : la société en participation est une société créée en connaissance de
cause par des partenaires, mais qui n’est pas immatriculée. Selon l’image parlante d’auteurs, la
société en participation est à la société immatriculée ce que le concubinage est au mariage, avec
ses deux variantes. La société en participation peut ainsi être occulte, non révélée aux tiers, mais
aussi ostensible. N’étant pas immatriculée, la société en participation ne possède aucun des
attributs attachés à la personnalité juridique : pas de patrimoine propre, pas de siège social, pas de
nationalité, pas de responsabilité pénale, ne souscrit aucun engagement personnel, ne peut exercer
une action en justice…..En réalité, les apports en numéraire seront réunis dans le patrimoine
d’une seule personne. Si des biens sont mis à disposition de la société, les apporteurs en restent
propriétaires.
*La société créée de fait : la société créée de fait est celle qui ne ressort pas de la volonté
délibérée de créer une société, mais dont l’existence sera constatée a posteriori par un juge, dans
le contexte d’un conflit où sera invoquée l’existence où sera invoquée l’existence d’une société,
resultant du comportement de plusieurs personnes, qui se seront comportées comme s’il y avait
une société. Mais par qui va être invoquée l’existence d’une société créée de fait ? Là encore un
double contexte peut d’observer.
Dans le premier, une personne participe à un groupement bénéficiaire et va revendiquer le statut
d’associé dans le but d’obtenir les droits financiers reconnus à celui-ci. Par exemple, deux époux
mariés sous le régime de la séparation de biens ont exploité un fonds de commerce appartenant
en propre à l’un d’entre eux. S’il n’existe pas de société entre les époux, les biens acquis pour
l’exploitation du fonds seront propres, et le conjoint non propriétaire du fonds n’aura en principe
pas de droit sur le partage des biens acquis en cours d’union. Ce qui va le conduire à invoquer
l’existence d’une société créée de fait dans le but d’obtenir en tant qu’associé sa part suite à la
dissolution de cette société prétendue.
Dans le second, c’est un tiers, un créancier qui invoquera l’existence d’une telle société créée de
fait, dans le but d’élargir sa garantie en poursuivant le conjoint ou le concubin qui s’est immiscé
dans la gestion, ou afin d’étendre à lui la procédure collective ouverte à l’encontre de l’autre
conjoint ou de l’autre concubin.
Observons que, pour que soit constatée l’existence d’une société créée de fait, il sera necessaire
que puissent être constatés les différents éléments constitutifs du contrat de société, à savoir des
apports, la volonté de réaliser des bénéfices ou une économie, une volonté de participer aux
résultats de l’exploitation, et notamment aux pertes, ainsi qu’un affectio societatis. La
qualification de “société créée de fait” est rarement retenue par les juges, qui se montrent
exigeants quant à la prevue des éléments constitutifs. Indiquons enfin que la “société créée de
fait” ne doit pas être confondue avec la “société de fait”, appellation qui traduit une réalité, celle
de la survie de la personnalité morale de la société pour le temps de sa liquidation.
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b)Sociétés réservées à des situations particulières : ici le choix de la société
se voit imposé en fonction soit de la philosophie recherchée à travers la constitution du
groupement, qui va se traduire par un statut juridique particulier, soit en raison de ce que sera
l’objet de l’activité de la société, c’est-à-dire ce que l’on appelle son “objet social”.
-Les sociétés particularisées par leur statut juridique particulier. L’exemple pouvant être donné ici
est celui des sociétés cooperatives. Une coopérative est la combinaison d'un regroupement de
personnes et d'une entreprise fondée sur la participation économique des membres, en capital et
en opérations. Son organisation et son fonctionnement sont caractérisés par des principes et des
valeurs qui confèrent à chaque coopérative un caractère universel, quel que soit son objet ou son
secteur d'activité. Les principes coopératifs sont au nombre de 7 : Démocratie : « Les dirigeants
sont élus démocratiquement par et parmi les membres. Tous les membres, sans discrimination,
votent selon le principe : une personne, une voix. ». Solidarité : « La coopérative et ses membres
sont solidaires entre eux et envers la communauté. ». Responsabilité : « Tous les membres, en
tant qu’associés ou en tant qu’élus, sont responsables de la coopérative. » « Pérennité : « La
coopérative est un outil au service des générations présentes et futures. » « Transparence : « La
coopérative a une pratique de transparence à l’égard de ses membres et de la
communauté. » « Proximité : « La coopérative contribue au développement régional et à
l’ancrage local. »Service : « La coopérative fournit des services et produits dans l’intérêt de
l’ensemble de ses membres en vue de satisfaire leurs besoins économiques et sociaux ». Une
partie de ces principes et valeurs, comme la démocratie à travers l'égalité de voix entre les
membres, est traduite en norme juridique. Les coopératives font partie de l’économie sociale et
solidaire au même titre que les associations, les mutuelles, les fondations et les entreprises sous
statut commercial ayant la qualité d' "entreprise de l'ESSS. Le concept d'économie sociale et
solidaire (ESS) désigne un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives,
mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés
sur un principe de solidarité et d'utilité sociale. Ces entreprises adoptent des modes de gestion
démocratiques et participatifs. Elles encadrent strictement l'utilisation des bénéfices qu'elles
réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis. Leurs ressources
financières sont généralement en partie publiques. Elles bénéficient d'un cadre juridique renforcé
par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
Sociétés particulières en raison de leur objet : sociétés d’exercice libéral, sociétés dans le
domaine agricole : société civile d’exploitation agricole, groupement agricole d’exploitation en
commun, exploitation agricole à responsabilité limitée.
2°) Sociétés de personnes et sociétés de capitaux
-Les sociétés de personnes sont celles où les associés s’unissent en consideration de leur
personnalité, parce qu’ils se font mutuellement confiance. L’intuitus personae est ainsi
predominant, ce qui va influencer le régime juridique de la société. Par exemple, les cessions de
titres sont extrêmement contrôlées, de façon à ne pas permettre l’entrée inopinée d’un tiers dans
la société. De même, les évènements affectant la personne d’un associé pourront entraîner la
disparition de la société. Relèvent de cette catégorie de société la SNC, la société civile.
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- Les sociétés de capitaux, à l’opposé, sont celles où, au contraire, la personne de l’associé est
indifférente. Les associés, généralement, ne se connaissent pas, et par consequent peuvent céder
librement leurs titres. Contrairement à ce qui se passe dans une société de personnes, les
évènements affectant les associés n’auront pas d’impact sur la vie de la société. Relève de cette
catégorie de société la SA.
- La distinction entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux n’est pas simple à mettre en
oeuvre, ne serait-ce que parceque la forme de société la plus répandue, à savoir la Sarl, se
présente comme une société hybride qui, par certains côtés rappelle la société de personnes ( par
exemple le régime juridique de la cession des parts sociuales ), mais par d’autres rappelle la
société de capitaux ( par exemple son mode de fonctionnement qui emprunte beaucoup au régime
de la SA ). En outre, la SAS, qui normalement devrait figurer dans la catégorie des sociétés de
capitaux, se présentera souvent comme teintée d’intuitus personae, les statuts prévoyant le moyen
de controller les mouvements de l’actionnariat.
3°) Sociétés à risque limité et sociétés à risque illimité
- Obligation aux dettes sociales et contribution aux pertes sociales :
l’obligation aux dettes sociales concerne la période de fonctionnement de la vie sociale, et traduit
la capacité d’action des créanciers de la société Durant le fonctionnement de celle-ci. Dans les
sociétés à risqué limité, seule la société est en principe obligée aux dettes, et peut donc faire
l’objet de poursuites de la part des créanciers sociaux. En revanche, dans les sociétés à risqué
illimité, la personnalité morale de la société ne fait pas écran entre les créanciers sociaux et les
associés, qui peuvent ainsi être indéfiniment poursuivis par les créanciers sociaux. La
contribution aux dettes sociales est quant à elle contemporaine de la phase de disparition de la
société, qui comme on le sait donne lieu à sa liquidation. L’hypothèse est ici celle d’une
liquidation laissant subsister un passif de la société à l’égard de créanciers sociaux. Si la société
est à risque limité, le principe de la contribution aux pertes se traduira par le fait que, puisque le
passif est supérieur à l’actif, aucun des associés ne pourra récupérer l’apport qu’il avait effectué
lors de l’entrée dans la société. Si la société est à risque illimité, la contribution aux pertes se
traduira non seulement par l’impossibilité des associés de récupérer leur mise, mais encore par la
faculté pour les créanciers sociaux de les poursuivre indéfiniment sur leurs biens personnels.
-Identification des sociétés à risque limité et des sociétés à risque illimité : tandis que la SNC, la
société civile, la société en participation et la société créée de fait sont des sociétés à risqué
illimité, la Sarl, la SA et la SAS se présentent comme des sociétés à risdque limité. Mais, entre
les deux, une forme hybride existe, celle des sociétés en commandite, où certaines categories
d’associés, les commandités, supporteront une obligation ainsi qu’une contribution aux dettes
sociales indéfinie, tandis que la responsabilité des associés commanditaires sera quant à elle
limitée.
4°) Société à capital fixe et société à capital variable : toute société dotée de la
personnalité morale a un capital social. Le capital social peut se définir comme la somme des
valeurs apportées par les associés à la société. Mais seuls y entrent les apports effectués en
numéraire ou en nature. Les apports en industrie ne concourrent pas à sa formation. N’y rentrent
pas non plus ce qu’on appelle les quasi-fonds propres, qui sont de véritables dettes envers les
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tiers, que la société devra rembourser, mais qui sont néanmoins des ressources stables pour elle
dans la mesure où elle ne sera généralement tenue de les payer qu’à sa liquidation, et après toutes
les autres dettes. Par exemple, les titres et prêts participatifs. Les prêts participatifs ont été créés
en 1978, mais c’est en 2008 que ce produit a connu un regain significatif. Cette année là, l’Etat
avait chargé OSEO (actuellement BPI France) de mobiliser 1 milliard d’euros sous forme de
prêts participatifs dans le cadre d’un plan de relance.
Les prêts participatifs ont pour caractéristiques deux principaux aspects : la subordination de la
dette; et/ou la majoration du taux d’intérêt d’une participation aux bénéfices.Les prêts
participatifs ont donc une clause de dernier rang, les rendant exigibles une fois toutes les dettes de
l’entreprise éteintes. Cependant le remboursement de ces prêts reste prioritaire sur le
remboursement des actionnaires.Enfin les prêts participatifs peuvent avoir la possibilité d’avoir
un taux d’intérêt indexé sur une évolution du CA ou d’un autre ratio d’activité de l’entreprise.
Néanmoins cette majoration de taux a toujours été utilisée de manière exceptionnelle. Les biens
apportés à la personne personne morale sont répertoriés à l’actif du bilan. Toutefois, le chiffre
global du capital social apparaît, lui aussi, au passif du bilan. Cela s’explique par le fait que le
capital social représente les apports que la société a l’obligation de rembourser après sa
dissolution.
Le rôle premier du capital social, comme nous le verrons plus loin, est de protéger les créanciers
de la société : en effet, en vertu du principe de fixité du capital social, le chiffre du capital inscrit
au passif du bilan bloque à l’actif des valeurs d’un montant correspondant. Ce principe interdit
aux dirigeants, sous peine de commettre un délit pénal, de distribuer des bénéfices aux associés
s’il n’y a pas à l’actif des valeurs suffisantes pour garantir le poste « capital social ». Ce principe
de fixité du capital social a pour corrolaire que, pour modifier le montant du capital social, qu’il
s’agisse de l’augmenter ou de le réduire, une procédure longue, formaliste et coûteuse doit être
suivie. D’où l’utilité de constituer une société à capital variable. Une société à capital variable est
une société dont le capital peut, en vertu d’une disposition statutaire, augmenter ou diminuer à
tout moment, en raison soit de l’accroissement de la participation de certains associés, soit de
l’augmentation de leur nombre, soit encore du retrait ou de l’exclusion d’un ou plusieurs
associés, et cela sans qu’il y ait lieu de procéder aux formalités sociétaires habituelles
d’augmentation ou de réduction du capital social. En effet, l’augmentation ou la réduction du
capital social ne nécessitera pas une modification des statuts, et ainsi la réunion d’une AGE. Dans
ce type de société, le capital social pourra évoluer sans formalités particulières dans le cadre
d’une fourchette allant d’un capital social minimum à un capital social maximum.
L’adoption d’une clause de variabilité du capital est possible dans les Sarl, les SAS, les SCA, les
SNC, ainsi que dans les SA, si du moins il s’agit d’une SA coopérative. Elle présente le gros
avantage de simplifier considérablement les opérations sur le capital, et apparaît donc
particulièrement adaptée aux sociétés dans lesquelles les associés sont amenés à changer
fréquemment, par exemple lorsque le capital social est détenu en partie, voire en totalité, par les
salariés. De même, la variabilité du capital social peut être opportune pour des des PME sous
capitalisées, et qui souhaitent faire entrer dans leur capital social une ou plusieurs sociétés de
capital-risque. Le caractère variable du capital social confère à l’investissement que feraient ces
dernières une liquidité qu’il n’aurait pas si la société était à capital fixe. En effet, les statuts des
sociétés à capital variable comprennent le plus souvent une clause de retrait, permettant aux
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associés de quitter librement la société, de même qu’ils comportent également le plus souvent une
clause d’exclusion.
II.- Pourquoi préférer la forme sociétaire à une entreprise
individuelle ?
Se trouve ici posée la question du choix du statut juridique de l’entreprise. A cet égard, il est
classique d’opposer l’entreprise individuelle à l’entreprise sociétaire, et de se demander s’il est
préférable d’opter pour la forme individuelle ou la forme sociétaire (B). Pour le déterminer,
encore convient-il de bien déterminer à la lumière de quels paramètres ce choix s’opèrera (A).
A.- Les paramètres dictant le choix de l’entreprise.
Avant d’aborder ces différentes formes possibles d’entreprises, il convient d’examiner de plus
près les problématiques liées au choix du statut juridique de l’entreprise par le ou les
entrepreneurs. A cet égard, on déclare souvent que le choix du statut juridique constitue l’étape la
plus compliquée d’un projet de création d’entreprise, car il doit être effectué en tenant compte de
plusieurs paramètres :
En premier lieu, le choix de la forme juridique la mieux adaptée en termes d’organisation ou de
responsabilité;
En second lieu, la compatibilité du projet avec le régime fiscal le plus approprié ;
En troisième lieu, le choix du statut social le plus approprié pour le dirigeant ;
En quatrième lieu, la compatibilité avec les caractéristiques inhérentes au projet, en
contemplation du nombre d’associés, de la nature de l’activité, etc. ;
En cinquième et dernier lieu, la compatibilité avec les perspectives d’avenir de ce projet, en
termes de développement, ou d’élargissement du cercle des participants. Par exemple, une
donnée très importante s’attachera au fait que l’entreprise projetée sera une entreprise de
subsistance, n’ayant aucune vocation à se développer, ou au contraire une entreprise de
croissance. Dans le premier cas, l’entreprise individuelle s’imposera, tandis que l’entreprise
sociétaire sera recommandée dans le second. Et si l’entrepreneur ne sait par avance si son
entreprise se cantonnera à une entreprise de subsistance ou est susceptible de croître, il lui sera
utile de se demander s’il est aisé de passer d’une entreprise individuelle à une entreprise
sociétaire. Dans la négative, mieux vaudra d’emblée constituer une société unipersonnelle, facile
à transformer en entreprise pluripersonnelle. Le choix est ainsi très important, en même temps
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que redoutable, car conditionné par toute une série d’éléments. Sans prétendre être ici exhaustif,
le choix de la forme juridique va ainsi s’opérer en considération de toute une série
d’interrogations :
1°) Combien de personnes souhaitent se lancer dans la création de
l’entreprise ? Si plusieurs personnes prennent part au projet de création d’entreprise, il semble
assez difficile de mettre à l’écart le modèle sociétaire. En effet, et nous aurons l’occasion de
revenir sur ce point, la forme de l’entreprise individuelle, inorganisée par hypothèse pour
gouverner les relations entre co entreprenants, n’offrira qu’un cadre inapproprié, le Droit
considérant en pareil cas qu’il y a juxtaposition d’entrepreneurs individuels. S’ensuit
l’application de règles peu aisées à mettre en œuvre, et fort inappropriées au contexte de
l’entreprise. Par exemple, en présence de deux entrepreneurs individuels oeuvrant au sein d’une
même entreprise, surgiront des problématiques relatives par exemple à la propriété et à
l’utilisation des moyens mis en œuvre au sein de l’entreprise commune, de même que ne sera pas
simple à résoudre la question de la conclusion des actes juridiques nécessaires à l’exploitation de
l’entreprise, ou bien encore la question des rémunérations perçues par chacun des entrepreneurs.
Par la création d’une personne nouvelle qu’elle permet, dotée d’un patrimoine propre, d’une
capacité à agir, et disposant d’une organisation propre et achevée réglant de nombreux aspects de
la vie de l’entreprise, la société ou le groupement d’intérêt économique offrira un modèle
considérablement plus approprié. Ainsi, en fonction de la nature des activités exercées, pourra
être mise en place une société civile ou une société commerciale. Mieux encore, au sein d’un
large éventail, les parties pourront choisir la structure sociétaire paraissant la mieux adaptée à leur
projet.
2°) Y a-t-il un patrimoine privé à protéger des aléas de l’exploitation
de l’entreprise ? Si tel est le cas, le ou les porteurs du projet privilégieront une structure
plaçant ce patrimoine à l’abri des poursuites des différents créanciers que peut faire surgir
l’exploitation, qu’il s’agisse de partenaires ou de tiers, dont les droits pourraient venir à être lésés
du fait de l’exploitation de l’entreprise. Le ou les promoteurs feront ainsi le choix d’une
structure, qu’elle soit individuelle ou sociétaire, à responsabilité limitée.
3°) L’activité projetée limite t-elle, du fait de sa nature, le choix du
statut juridique ? Il est devenu banal de constater qu’en dépit des efforts affichés en vue
d’une grande simplicité, l’activité entrepreneuriale se complexifie, notamment du fait de la
multiplication des règles spéciales, qui viennent se surajouter aux règles générales. Il conviendra
donc de vérifier si, en fonction de l’activité projetée, une réglementation spécifique ne vient pas
imposer ou au contraire interdire telle ou telle forme juridique. Par exemple, l’activité bar-tabac
ne peut être exercée qu’en entreprise individuelle, ou en SNC.
4°) Convient-il d’adopter un montage juridique bien précis ?
Par
exemple, voici un groupe d’entrepreneurs exerçant d’ores et déjà une activité économique au sein
d’une structure sociétaire où ils sont associés, mais qui sont désireux de diversifier leurs activités
en constituant une ou plusieurs autres sociétés, de façon à cloisonner les activités. Existe-t-il un
montage possible, fiscalement avantageux, et permettant de maintenir l’équilibre entre les
associés, tout en protégeant chacune des entreprises des aléas des activités des autres ? Comme
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on le verra une forme juridique spécifique, la société holding, offre une structure juridique
permettant de répondre à ces différents objectifs
5°) Comment organiser la sortie ainsi que la perception des
revenus ? Pour réfléchir au choix du statut juridique de l’entreprise, il convient de définir le
schéma de sortie des revenus de l’entreprise. L’entrepreneur va-t-il prendre une rémunération via
l’entreprise, ou va-t-il plutôt opter pour une sortie de revenus via des dividendes ? La sortie des
revenus sous forme de dividendes est une solution notamment utilisée par les entrepreneurs qui
disposent déjà d’un revenu régulier et d’une protection sociale. Par exemple, quelqu’un qui est
déjà chef d’entreprise rémunéré, ou salarié d’une entreprise. Dans un schéma orienté sur la sortie
de revenus sous forme de dividendes, il faut privilégier un statut juridique qui non seulement
permette la distribution de dividendes, mais qui de plus évitera de devoir payer des charges
sociales sur les dividendes. Par exemple, les dividendes distribués par une Sarl donneront lieu à
perception de la CSG et de la CRDS, non les dividendes distribués par une SAS. En réalité, le
choix entre revenus directement perçus à titre de rémunération et versement de dividendes
dépendra de l’importance des revenus concernés. Effectivement, la distribution de dividendes se
traduit par une double imposition de l’entreprise sociétaire (imposition du résultat de la société au
titre de l’IS, puis imposition de l’associé sur le revenu que représente le dividende). Mais le taux
d’imposition au titre de l’IR, si l’on est dans le cadre d’une entreprise individuelle, peut atteindre
un niveau supérieur au taux de l’IS.
6°) Comment fonctionnera la future entreprise ?
Les modalités de direction
et de contrôle de la future entreprise sont importantes au niveau du choix du statut juridique. Si
l’on crée une entreprise seul, tout en pensant le rester, le choix aura pour alternative une
entreprise individuelle classique ou une société unipersonnelle. Les modalités de fonctionnement,
nous le verrons, divergent entre les deux, le fonctionnement d’une entreprise individuelle étant
plus simple et plus rudimentaire que celui d’une société, même ne comportant qu’un seul associé.
En présence de plusieurs personnes au sein de l’entreprise, et puisque le choix se portera alors
nécessairement sur une société, il conviendra de distinguer entre deux catégories de sociétés.
Tout d’abord celles dont le fonctionnement est réglementé, et donc d’une certaine façon
verrouillé, comme les Sarl et les SNC. Celles ensuite qui permettent un choix entre plusieurs
formes de fonctionnement. Ainsi les SAS, où l’on peut organiser pratiquement tout, et les SA, où
deux modes d’organisation sont prévus par la loi. Pour les PME, le choix oppose en pratique la
Sarl et la SAS, dont nous verrons plus loin les avantages et les inconvénients respectifs.
7°) Quel sera l’impact du choix sur le statut social du dirigeant
d’entreprise ? Le choix du statut juridique de l’entreprise a un impact sur le statut social du
dirigeant d’entreprise. En fonction du statut juridique adopté, mais aussi en fonction du
pourcentage de détention du capital social, le statut social de l’entrepreneur sera soit celui de
dirigeant assimilé salarié, soit celui de travailleur non salarié (TNS). Chacun des statuts présente
des avantages propres. Par exemple, pour les TNS, les cotisations des deux premières années sont
calculées sur un minimum forfaitaire qui est relativement faible, ce qui permet de bénéficier d’un
décalage de trésorerie au démarrage. Le régime des travailleurs indépendants (RSI) pratique en
effet un système de cotisation forfaitaire pour les deux premières années d’activité. Puis, une
régularisation de ces cotisations a lieu, chaque fin d’année, sur les revenus définitifs qui ont été
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perçus par le chef d’entreprise lors de l’année précédente. De plus, le statut TNS permet
globalement d’avoir des charges sociales qui sont moins élevées que celles payées par un
dirigeant assimilé salarié. D’une manière générale, les cotisations sociales payées par un dirigeant
TNS sont moins élevées que celles payées par un dirigeant assimilé salarié, et l’écart se creuse à
mesure que croît la rémunération. Enfin, le statut TNS permet de mettre en place une couverture
complémentaire « à la carte », dans la mesure où il lui sera possible de souscrire divers contrats
d’assurance, notamment pour la retraite complémentaire ou la prévoyance complémentaire.
Quant au statut salarié, il permet au dirigeant assimilé salarié de bénéficier de la même protection
sociale que celle des salariés, qui est plus complète que celle des TNS. Le régime TNS est en
effet moins avantageux, surtout en ce qui concerne les retraites. Ensuite, certains dirigeants
assimilés salariés peuvent cumuler leur poste de dirigeant avec un contrat de travail, pour autant
du moins que sont remplies certaines conditions. Cela leur permet de cotiser au régime
d’assurance-chômage des salariés, ce qui est en principe exclu pour tout dirigeant d’entreprise.
En effet, un dirigeant de société, même salarié, est un mandataire social, qui en tant que tel ne
bénéficie pas des règles du Code du travail, notamment celles relatives au licenciement, et des
indemnités liées à une perte d’emploi. Ce cumul ne sera en revanche pas possible pour les
dirigeants égalitaires ou majoritaires, faute en cette hypothèse d’une possibilité de lien de
subordination. Indiquons enfin que, depuis le 1er janvier 2013, il y a un nouvel avantage pour les
dirigeants assimilés salariés, qui sont par ailleurs associés ou actionnaires : les dividendes, peu
importe leur montant, ne sont pas soumis aux cotisations sociales, contrairement à ceux perçus
par les TNS associés, qui le sont à un taux de 15,5%.
Le dirigeant d’entreprise, avant de choisir la forme juridique de son entreprise, devra ainsi se
demander à quel statut social il correspond. Il est ainsi important de savoir que les chefs
d’entreprise assimilés salariés sont : les gérants non associés d’Eurl, les gérants minoritaires ou
égalitaires de Sarl, les présidents et les directeurs généraux de SAS ; les présidents de conseil
d’administration, PDG, président du conseil de surveillance et directeurs généraux de SA. Les
chefs d’entreprise qui sont TNS sont : les entrepreneurs individuels, les associés gérants d’Eurl,
les gérants majoritaires de Sarl.
8°) Quel sera l’impact du choix sur le régime fiscal de
l’entrepreneur ? Lors de la création de son entreprise, l’entrepreneur doit réfléchir au
régime d’imposition qui sera le sien, et peut choisir la structure juridique de son entreprise en
fonction du régime fiscal qui sera le sien. En effet, le choix du statut juridique de l’entreprise a un
impact sur le régime fiscal de cette entreprise. Dans certaines hypothèses, le choix de la structure
juridique impose l’adoption d’un régime fiscal déterminé. Dans d’autres hypothèses, le créateur
d’entreprise dispose d’une option entre l’imposition directe à titre personnel (IR), et l’imposition
à l’impôt sur les sociétés (IS). Ainsi relèvent par défaut de l’IR les entreprises individuelles, les
EIRL, les EURL avec un associé unique personne physique, les SNC, les sociétés civiles, sauf
exceptions. En outre, peuvent être soumises sur option à l’IR, les SARL de famille, sans
limitation de durée, les SARL, les SAS et les SA pour une durée de 5 exercices maximum. Les
statuts juridiques soumis par défaut à l’IS sont les Eurl avec un associé unique personne morale,
les SARL, les SAS, les SASU, les SA, les SCA. Les statuts juridiques suivants peuvent, sur
option, être soumis à l’IS : les EURL, avec un associé unique personne physique, les EIRL, les
SNC, les sociétés civiles.
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Il existe donc deux modes possibles d’imposition des bénéfices envisageables pour une
entreprise : l’IR et l’IS. L’imposition à l’IR se traduit par une imposition directe des bénéfices au
nom de l’entrepreneur, ou au nom de chaque associé pour la quote-part de bénéfice qui lui
revient, en cas d’exercice en société. Les bénéfices réalisés par l’intermédiaire de l’entreprise
sont imposés dans la catégorie dont relève l’activité exercée : BIC, BNC, ou BA. Sous ce régime
d’imposition, il n’y a aucune fiscalité au niveau de l’entreprise, car la transparence fiscale fait
remonter directement le bénéfice ou les pertes dans l’imposition de l’entrepreneur ou des
associés. En revanche, le choix de l’IS fait supporter l’imposition des bénéfices sur l’entreprise
directement. L’IS est calculé au taux fixe de 33,1/3 %, mais un taux réduit de 15% sur les 38 120
premiers euros de bénéfices est possible sous conditions. Dans cette configuration fiscale,
l’entrepreneur et les associés ne sont quant à eux imposés personnellement que sur les
rémunérations et les dividendes qu’ils perçoivent.
Se pose alors la question de déterminer le régime fiscal qu’il est préférable de choisir, et ainsi
d’adopter le régime juridique permettant d’y mener, à moins qu’une option soit permise par le
statut juridique choisi. Le choix du régime fiscal dans le cadre d’une création d’entreprise
nécessite d’établir un prévisionnel et de comparer les 2 schémas d’imposition. Plusieurs
paramètres doivent alors entrer en ligne de compte. Sans prétendre à l’exhaustivité, quelques-uns
de ces paramètres doivent être présentés ici.
En premier lieu, il faudra tenir compte de la stratégie financière du projet : veut-on qu’il y
ait remontée des dividendes vers une autre entreprise ? Veut-on réinvestir les bénéfices et les
affecter à l’auto financement de l’entreprise, en les faisant échapper à l’impôt ? Y aura-t-il
rémunération de l’entrepreneur, et de quelle façon, par exemple un mix de rémunération et de
dividendes ? De plus, il conviendra d’avoir égard à la situation fiscale du dirigeant,
particulièrement en termes de taux d’imposition. Son taux marginal d’imposition à l’IR sera-t-il
plus intéressant que le taux de l’IS avec les hypothèses de résultat prévisionnel ? Etant précisé
que le taux marginal d'imposition est le taux d'imposition qui s'applique à la dernière unité
gagnée. Dans un système d'imposition progressif, il s'agit du taux auquel est imposée la dernière
tranche du revenu d'un contribuable. Indiquons encore que, lorsque l’activité est exercée par
l’intermédiaire d’une société soumise à l’IR, la rémunération éventuellement perçue par le
créateur d’entreprise n’est pas déductible de sa quote-part de bénéfice imposable. En revanche, si
a été adopté le régime de l’IS, les rémunérations prises par le créateur d’entreprise sont
déductibles du bénéfice imposable de l’entreprise. Comme on l’a dit, l’entrepreneur ne sera
imposé personnellement que sur ses rémunérations, ainsi que sur sa quote-part éventuelle de
dividendes.
En second lieu, il se peut que l’activité entreprise ne soit pas rentable au démarrage, ce
qui se traduira par des pertes ou des résultats faibles lors des premiers exercices. Le choix du
régime fiscal aura alors son importance au niveau du traitement des éventuels déficits générés par
l’activité. En cas d’imposition à l’IS, des déficits peuvent être reportés sans limitation de durée
sur les bénéfices imposables ultérieurs. En cas d’imposition sur le revenu, les déficits peuvent
être imputés directement sur le revenu fiscal du créateur d’entreprise, ce qui est intéressant
fiscalement.
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En troisième lieu, indiquons la corrélation entre le choix du régime fiscal et le calcul des
cotisations sociales lorsque le créateur d’entreprise est affilié au régime des travailleurs
indépendants. En effet, les cotisations sociales des travailleurs indépendants qui exercent en nom
propre, et sont donc imposés à l’IR sont calculés sur le bénéfice réalisé, sans que les
rémunérations que s’octroie l’entrepreneur soient déductibles du bénéfice. En revanche, les
cotisations sociales des travailleurs indépendants qui exercent en société soumise à l’IR sont
calculées sur leur quote-part de bénéfice. Quant aux cotisations sociales des travailleurs
indépendants qui exercent en société soumise à l’IS, elles sont calculées sur le montant de leurs
rémunérations, et éventuellement d’une partie de leurs dividendes.
En quatrième et dernier lieu, il conviendra de se souvenir du lien pouvant être établi entre
le choix du régime fiscal et l’obtention de certains avantages fiscaux ou sociaux. Par exemple,
lorsque l’entreprise bénéficie d’une exonération d’impôt sur les bénéfices pour implantation en
Zone Franche Urbaine, ou du statut de Jeune Entreprise Innovante, le choix de l’IR peut être
judicieux, dès lors que l’entrepreneur ou les associés bénéficient ainsi directement de
l’exonération d’impôt. A l’inverse, le choix de l’IS pourra s’avérer plus avantageux dans la
perspective du maintien au profit du créateur d’entreprise en cours d’indemnisation à Pôle
Emploi, de ses allocations en vue du retour à l’emploi. En effet, le maintien des allocations
s’apprécie par rapport au bénéfice pour les entrepreneurs individuels, ou les créateurs de société à
l’IR, alors que si la société créée est soumise à l’IS, il sera tenu compte de la rémunération versée
à l’entrepreneur.
B.- Pourquoi
individuelle ?
préférer
l’entreprise
sociétaire
à
l’entreprise
Le choix de l’entreprise individuelle présente certainement des avantages, dont il convient de
parler ici, et ce d’autant plus qu’un statut particulier a été mis en place en 2008, le statut d’auto
entrepreneur, devenu aujourd’hui statut du “microentrepreneur” (1°). Cependant, le choix de
l’entreprise individuelle n’est pas sans dangers. Du fait du principe d’unité du patrimoine, « une
personne-un patrimoine », la confusion entre les activités personnelles et professionnelles de
l’entrepreneur est alors la règle. Cette confusion est bien évidemment dangereuse pour
l’entrepreneur, ce qui explique que, dans le souci de stimuler la création d’entreprises, le
législateur ait œuvré afin de séparer le patrimoine personnel de l’entrepreneur de son patrimoine
professionnel (2°).
1°) Pourquoi préférer créer une société, alors que l’entreprise individuelle
présente des avantages ?
Ces avantages sont au nombre de deux: d’une part la simplicité du fonctionnement de l’entreprise
individuelle, d’autre part la modicité de ses coûts.
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En premier lieu, l’entrepreneur qui choisit d’exercer en entreprise individuelle aura la
faculté de prendre seul toutes les decisions nécessaires au fonctionnement de son entreprise, à la
différence de ce qui se passe dans les sociétés, du moins pluripersonnelles, où le pouvoir se
partage entre les associés et les dirigeants. L’entrepreneur individuel n’aura pas de comptes à
rendre, pas d’assemblée générale à réunir chaque année. De manière plus générale, l’entrepreneur
individuel n’aura pas à se plier à l’ensemble des règles gouvernant le fonctionnement des
sociétés. De plus, l’entrepreneur individuel n’aura pas à scinder son patrimoine professionnel de
son patrimoine privé, ce qui exclut l’abus de biens sociaux. A la difference de ce qui se passe
avec les comptes courants d’associés, le compte de l’exploitant pourra être positif ou négatif,
l’entreprise et l’entrepreneur ne formant qu’une seule et même personne. Enfin, bien entendu,
aucun capital social ne sera necessaire. Il y aura certes une mise de fonds de l’entrepreneur, mais
les fonds affectés à l’entreprise pourront être repris à tout moment.
En second lieu, pour constituer son entreprise, l’entrepreneur n’aura pas besoin d’effectuer
toutes les formalités nécessaires à la constitution d’une société: pas de redaction des statuts, pas
de formalités d’immatriculation au RCS. Un simple dossier est à deposer au CFE. En cours de vie
sociale, aucun formalisme viendra encadrer l’action de l’entrepreneur, si ce n’est l’élaboration de
comptes annuels, dont sera même dispensé l’entrepreneur bénéficiant du régime de la micro
entreprise. Comme on l’a vu, ce régime aura des implications en matière fiscale, mais aussi en
matière sociale. A ces avantages peiuvent être ajoutés ceux liés au choix du statut d’auto
entrepreneur, appelé depuis 2015 “microentrepreneur”.
Le régime de l’auto-entrepreneur a été proposé par la loi LME du 4 août 2008, et récemment
modifié par la loi n°2014-262 du 18 juin 2014, relative à l’artisanat, au commerce et aux très
petites entreprises. La loi Macron du 6 août 2015 a elle aussi apporté quelques petits
aménagements, notamment l’extension aux autoentrepreneurs du credit d’impôt famille. Ce
régime de l’autoentrepreneur a été créé afin de susciter encore davantage la creation d’entreprise,
mais aussi afin d’inciter les petits entrepreneurs oeuvrant de manière informelle à se déclarer. Il
s'applique depuis le 1er janvier 2009 aux personnes physiques qui créent ou possèdent déjà une
entreprise individuelle pour exercer une activité commerciale, artisanale ou libérale (hormis
certaines activités), à titre principal ou complémentaire. Ainsi, toute personne peut devenir autoentrepreneur, que ce soit à titre principal ou à titre complémentaire pour un salarié du secteur
privé, un fonctionnaire ou un retraité qui souhaite développer une activité annexe en complément
de son salaire, de son traitement ou de sa retraite. Cette activité doit être exercée sous la forme
individuelle. L’auto-entrepreneur peut d’ailleurs bénéficier du statut de l’EIRL en affectant à son
activité professionnelle un patrimoine spécifique séparé de son patrimoine personnel. Il conserve
cependant en pareil cas le régime fiscal et social lié au régime de l’auto-entreprise. L’entreprise
individuelle doit relever du régime fiscal de la micro-entreprise, c’est-à-dire réaliser un chiffre
d’affaires qui ne doit pas dépasser pour une année civile certains plafonds ( pour 2018 170.000 €
pour les activités de commerce et de fourniture de logement, 70.000 € pour les prestations de
services et les professioçns libérales relevant de la catégorie des BIC ou des BNC ). De plus,
l’entreprise ne paie pas en principe la Cotisation sur la Valeur Ajoutée, mais est en revanche
assjettie à la Cotisation Foncière des Entreprises.
Le statut du microentrepreneur se caractérise par le fait que les formalités liées à la création
d’entreprise sont simplifiées : pas d’immatriculation au RCS ou au Registre des Métiers, sauf si
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l’activité est artisanale à titre principal, et sauf si l’artisan ou le commerçant souhaitant devenir
micro entrepreneur est déjà en activité. Cependant, la loi du 18 juin 2014 a imposé une
immatriculation obligatoire pour tous les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale ou
une activité commerciale. Cette loi impose également à tous les entrepreneurs exerçant une
activité artisanale un stage de préparation à l’installation, et exige d’eux qu’ils justifient d’une
qualification professionnelle. Le régime auto-entrepreneur permet en outre le paiement des
charges fiscales, sur option, et sociales à partir d’un taux forfaitaire sur le chiffre d’affaires.
Ainsi, l’auto-entrepreneur peut opter pour le versement libératoire de l’impôt sur le revenu, à
condition que le revenu de son foyer fiscal ne dépasse pas certains plafonds. ( 1% du chiffre d
‘affaires dans le secteur des ventes, et 1,7% dans le secteur des prestations de services. Lui est
également applicable le régime du micro-social simplifié : ses cotisations et contributions
sociales sont déclarées et calculées par lui-même en appliquant un taux forfaitaire au chiffre
d’affaires ou aux recettes réalisées. En outre, il n’y a pas ici de cotisations sociales minimales:
pas de chiffre d’affaires, pas de cotisations sociales.
L’auto-entrepreneur peut choisir de sortir du dispositif. Mais la sortie est automatique en cas de
dépassement, l’année de la création, des seuils applicables au régime fiscal de la microentreprise, en cas d’absence de chiffre d’affaires pendant une certaine durée ( 24 mois civils ou 8
trimestres civils consécutifs ), ou en cas de dépassement pendant deux années consécutives des
seuils applicables au régime fiscal de la micro-entreprise. Lorsque l’auto-entrepreneur sort du
dispositif, mais souhaite poursuivre son activité, il devra s’immatriculer si besoin au RCS ou au
Répertoire des Métiers. Il ne bénéficiera plus alors du régime micro-social simplifié, et ses
cotisations sociales seront calculées selon les règles de droit commun.
Le régime de l’autoentrepreneur a été remplacé à compter de 2016 par le régime dit du “micro
entrepreneur”.
2°) La société permet de remédier aux inconvénients de
l’entreprise individuelle
a) L’entreprise individuelle est plus dangereuse que l’entreprise sociétaire.
L’un des principaux inconvénients de l’entreprise individuelle réside dans le risque encouru en
cas de difficultés: en principe, la responsabilité de l’entrepreneur est illimitée sur l’ensemble de
ses biens, ceci du fait du principe d’unicité du patrimoine, et d’absence de creation d’une autre
personne juridique, comme une société. Bien évidemment, une telle situation s’avère
extrêmement risqué, dès lors qu’en cas de défaillance de l’entreprise, l’ensemble des biens de
l’entrepreneur, voire de la famille, se trouvera engagé. Diverses mesures ponctuelles ont été
prises afin de pallier à ce risque.
Tout d’abord, citons la possibilité reconnue à l’entrepreneur individuel par la loi du 1er août
2003 sur l’initiative économique de déclarer insaisissables par ses créanciers professionnels ses
biens immobiliers non affectés à son activité professionnelle. Par patrimoine immobilier, il faut
entendre l’habitation principale de l’entrepreneur, mais aussi tous les autres biens fonciers bâtis et
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non bâtis qui ne sont pas affectés à son activité professionnelle. Une fois effectuée la declaration
d’insaisissabilité, l’entrepreneur individual ne pourra pas être poursuivi sur ces biens pour les
dettes nées de son activité professionnelle. En revanche, pour les dettes nées antérieurement au
dépôt de la declaration d’insaisissabilité, la protection des biens immobiliers ne pourra pas
s’appliquer. Certaines conditions sont requises de la déclaration d’insaisissabilité, pour qu’elle
puisse produire effet.
Ensuite, et de manière plus fondamentale, le législateur a reconnu explicitement la possibilité
pour l’entrepreneur de dresser une cloison entre ses patrimoines personnel et professionnel. Tel a
été l’objet de la loi du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur à responsabilité limitée ( EIRL ). Les
articles L.522-6 et s. C.com. permettent désormais à tout entrepreneur individuel d’affecter à son
activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, et cela sans création
d’une personne morale. De ce point de vue, on le voit, la création d’une société à risque limité ne
représente plus le seul moyen de protéger le patrimoine privé de l’entrepreneur.
Enfin, la loi Macron du 6 août 2015 a organisé l’insaisissabilité de la residence principale de
l’entrepreneur. La résidence principale d'un entrepreneur individuel ne peut pas faire l'objet d'une
saisie immobilière par ses créanciers pour ses dettes professionnelles. Si la créance n'est pas
d'ordre professionnel, le bien reste saisissable.
Cette insaisissabilité de droit bénéficie à toutes les personnes physiques immatriculées au RCS,
au répertoire des métiers ou au registre de la batellerie artisanale ainsi qu'aux personnes exerçant
une activité professionnelle agricole ou indépendante : commerçant, artisan, micro-entrepreneur,
professionnel libéral, exploitant agricole. Si l'immeuble où se trouve l'habitation principale a un
usage mixte (c'est le cas du professionnel qui exerce son activité à domicile), la partie non utilisée
pour un usage professionnel, affectée à l'habitation, est également insaisissable, sans déclaration
préalable et sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. Le prix obtenu de la vente de la
résidence principale demeure insaisissable si, dans l'année qui suit, les sommes sont réemployées
à l'achat d'une nouvelle résidence principale.
Pour en revenir à l’EIRL, le patrimoine est composé de l’ensemble des biens, droits et
obligations ou sûretés dont l’entrepreneur est titulaire, nécessaires à son activité professionnelle.
La constitution du patrimoine résulte d’une déclaration d’affectation. Celle-ci est opposable aux
créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt, ainsi qu’aux créanciers antérieurs,
à la condition que ceux-ci soient régulièrement informés.
Grâce à l’EIRL, on obtient une limitation de responsabilité du même type que celle que réalise
une Sarl unipersonnelle, sans les contraintes de fonctionnement de ce type de société. Comme les
sociétés, l’EIRL doit tenir une comptabilité de type commercial pour son activité professionnelle,
et doit publier ses comptes annuels chaque année. Sur le plan fiscal, l’EIRL est assimilé à
l’EURL ou à l’EARL, l’entrepreneur individuel tenant lieu d’associé unique, du moins lorsque
l’EIRL relève du régime réel d’imposition.
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Deux situations doivent donc être distinguées selon le régime d’imposition de l’EIRL, qui
dépend lui-même du montant de son chiffre d’affaires.
Soit, si l’EIRL relève d’un régime forfaitaire d’imposition, comme par exemple le régime de la
micro-entreprise, la création d’une EIRL ne modifie en rien la situation fiscale de l’entrepreneur,
qui continue à être traité comme s’il n’avait pas créé d’EIRL.
Soit, si l’EIRL est soumis à un régime réel d’imposition, normal ou simplifié, l’EIRL se voit
soumis au régime applicable à une EURL ou à une EARL. En principe, l’EIRL relève de l’IR : le
bénéfice fiscal réalisé par l’EIRL sera imposable selon les règles applicables à la catégorie des
revenus correspondant à la nature de l’activité exercée ( commerciale, non commerciale ou
agricole ).
L’EIRL est ici également traité comme un entrepreneur individuel classique. Mais l’EIRL peut
opter pour l’IS, comme le peut d’ailleurs l’EURL, ce qui sera un atout par rapport à l’entreprise
individuelle classique lorsque l’entreprise commence à réaliser d’importants bénéfices. Cette
faculté d’opter pour l’impôt sur les sociétés permet d’éviter le barème progressif de l’IR. L’EIRL
sera alors taxé à hauteur de 15% jusqu’à 38.120 €, et 33 1/3 % au-delà.
A noter que si l’EIRL est en même temps auto-entrepreneur (aujourd’hui microentrepreneur), il
ne peut pas opter pour l’IS car il relève du régime fiscal de la micro-entreprise.
Indiquons enfin que le choix de l’IS dans le cadre d’un EIRL permettra de mieux façonner son
revenu imposable, qui sera constitué des rémunérations prises et de la partie des dividendes
éventuels dont le montant excède 10% de la valeur du patrimoine affecté.
Quant aux cotisations sociales, elles auront pour assiette les rémunérations prises ainsi que la
partie des dividendes éventuels dont le montant excède 10% de la valeur du patrimoine affecté.
En bref, l’EIRL ayant opté pour l’IS acquittera moins d’impôts et de cotisations sociales que s’il
était en entreprise individuelle classique. En revanche, sa situation ressemblera grandement à
celle qui serait la sienne s’il avait opté pour une EURL.
Les principaux avantages de l’EIRL sont certainement la limitation du patrimoine servant de gage
aux créanciers, l’option pour l’IS sous les conditions qui ont été vues. Option pour l’IS qui
permet de faire échapper à l’impôt et aux charges sociales les sommes affectées à
l’autofinancement de l’entreprise, mais qui a un caractère irrévocable.
Mais l’EIRL a aussi ses inconvénients : formalisme plus important qu’une entreprise
individuelle lors de la création notamment, coûts de constitution du patrimoine affecté, afin de
l’évaluer ou d’en informer les créanciers, pas de réduction d’impôts au titre des apports de fonds
à l’EIRL, contrairement à ce qui se passe en matière d’apports au capital social d’une société,
coûts de fonctionnement de l’EIRL, comme par exemple les frais de tenue de comptabilité. En
outre, si l’activité se développe et nécessite le passage en société, les contraintes sont aussi fortes
que s’il s’agissait d’une entreprise individuelle classique. Précisons encore que l’EIRL, à la
différence de l’EURL, devra demeurer une structure personnelle, qui offre sans doute moins de
crédibilité vis-à-vis des partenaires qu’une structure sociétaire. Enfin, indiquons que la protection
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resultant de l’affectation aux risques professionnels s’avèrera vaine si l’EIRL n’a pas respecté les
règles d’évaluation des biens affectés, ou ne respecte pas la frontière entre les deux patrimoines,
ou bien encore si, lors de l’obtention du financement, l’établissement financier obtient des
garanties personnelles de l’entrepreneur.
Néanmoins, en dépit de ces inconvénients, le choix de l’EIRL s’avère sans
doute preferable à celui de l’entreprise individuelle classique. Ceci d’autant que la
loi n°2014-262 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises,
dite loi « Pinel », a entendu faciliter l’accès de l’auto entrepreneur au régime de l’EIRL. Par
exemple, la loi nouvelle a facilité les formalités comptables, l’entrepreneur pouvant reprendre son
bilan de cloture pour declarer le patrimoine de son entreprise. De plus, la loi nouvelle a allégé les
obligations de publication des comptes annuels, seul le bilan devant désormais être publié.
La question qui se pose est alors celle de savoir s’il est preferable d’opter pour l’EIRL ou pour
l’EURL. Cette question sera rencontrée plus loin à propos du choix entre entreprise individuelle
et entreprise sociétaire.
Pour en terminer avec l’entreprise individuelle et ses inconvénients, rappelons le faible attrait
fiscal et social pour cette forme d’entreprise, l’entrepreneur individuel payant des impôts et des
cotisations sociales sur l’ensemble de de ses revenus. Constat assorti de deux tempéraments:
d’une part la possibilité de régimes simplifiés et allégés dans le contexte de la micro entreprise,
d’autre part la possibilité d’opter pour l’IS dans le context de l’EIRL.
b) L’entreprise individuelle est moins organisée que l’entreprise sociétaire.
Les outils du droit commun, qui régissent pour l’essentiel l’entreprise individuelle, ne fournissent
pas toujours un cadre suffisamment adapté à ceux qui souhaitent œuvrer en commun.
L’inadaptation viendra de plusieurs raisons. Surtout sans doute le manque de prévisibilité et de
souplesse de ces mécanismes de droit commun. La simple coexistence de plusieurs entrepreneurs
posera la question de la détermination des pouvoirs, chacun des entrepreneurs n’engageant que
lui-même dans le contexte d’une simple juxtaposition entre plusieurs individualités. Avec le
risque on l’a vu de voir l’individualité remise en cause à travers le recours à des notions comme
celle de société créée de fait ou de société en participation. Mais, de plus, cette simple
coexistence posera la question du sort des profits : les bénéfices seront pour celui qui aura perçu
les encaissements des clients. Celui qui verra ainsi passer les profits, et qui revendique sa quotepart ne disposera à cette fin que d’instruments peu sûrs et difficiles à manier. Que l’on songe à
l’action de in rem verso, dont les conditions d’application restrictives donnent lieu à une
jurisprudence parfois incertaine.
A l’opposé, la société présente à l’inverse le grand avantage de fournir un régime prévisible, qu’il
s’agisse de déterminer les pouvoirs, les responsabilités, la répartition des bénéfices ou le statut
social ou fiscal des entrepreneurs. Les rôles sont en quelque sorte prédéterminés. Tandis que
certains, les associés, auront un rôle en quelque sorte « législatif », consistant à voter dans des
assemblées générales sur les résolutions qui leur seront proposées, d’autres auront un rôle
d’exécutif, de gestion quotidienne. La société permettra même de réunir des personnes dont la
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motivation sera différente : motivation purement financière, d’investissement pour les uns, de
développement d’une entreprise économique pour les autres.
3°) L’entreprise sociétaire présente beaucoup d’avantages
a) La société offre une technique d’organisation de l’entreprise
présentant un intérêt juridique
Cet intérêt juridique se manifeste à un triple point de vue:
En premier lieu, la société, avec la personnalité morale, offre un vêtement juridique approprié en
fournissant à l’entreprise une indispensable structure de management, en organisant notamment
l’exercice du pouvoir. Un vêtement juridique d’autant plus approprié que, comme il sera vu,
l’éventail des formes sociétaires n’a cessé de s’élargir, permettant dans bien des cas d’offrit un
costume « sur mesure ».
En second lieu, la société est un instrument de protection des associés en ce qu’elle est une
technique de séparation des patrimoines.
La protection est double.
Tout d’abord, la protection est obtenue grâce à la division des risques entre les associés. Même
dans les cas où la responsabilité des associés est indéfinie et solidaire à l’égard des tiers en ce qui
concerne l’obligation à la dette, les risques sont divisibles s’agissant de la contribution à la dette.
Divisibles et modulables, puisque, sous réserve de la prohibition des clauses léonines, les
associés peuvent régler librement entre eux leur contribution aux pertes.
Ensuite, la protection résulte de l’écran fourni par la personnalité morale entre les associés et
leurs partenaires extérieurs. Protection pour les associés qui ne seront pas responsables à l’égard
des tiers qui ne sont juridiquement en relation qu’avec la société. Mais protection également pour
les dirigeants dont la responsabilité notamment civile ne pourra qu’exceptionnellement être mise
en œuvre par les tiers. La jurisprudence de la Cour de cassation impose en effet pour cela que soit
rapportée la preuve d’une faute du dirigeant détachable de ses fonctions. Depuis un arrêt de
principe en date du 20 mai 2003, la Chambre commerciale considère que tel est le cas « lorsque
le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une gravité particulière incompatible avec
l’exercice normal des fonctions sociales ».
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Cependant, cet écran de la personnalité morale peut de manière exceptionnellement être percé. Il
en ira ainsi en présence d’une procédure collective. L’article L.621-2 du Code de commerce
permet ainsi d’étendre une procédure collective à une ou plusieurs personnes, dont les associés,
en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur, ou de fictivité de la personne
morale. Par ailleurs, la responsabilité des dirigeants de droit ou de fait pourra être engagée pour
insuffisance d’actif en cas de liquidation judiciaire. Sans parler des sanctions professionnelles
comme la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer, ou bien encore des sanctions pénales
comme la banqueroute.
Enfin, toujours au titre de l’intérêt juridique, la société offre une technique qui facilite la
transmission de l’entreprise entre vifs: il est plus facile juridiquement de transférer des titres
sociaux que céder une entreprise individuelle. La mise en société facilite de même la transmission
de l’entreprise pour cause de mort, tandis que le décès de l’entrepreneur individuel sonne souvent
le glas de l’entreprise individuelle: l’entreprise tombe en indivision et sa gestion devient difficile.
Au contraire si l’entreprise est exploitée sous forme sociale, ce sont les titres et non l’entreprise
qui appartiendront aux co-indivisaires. La gestion sera lors simplifiée. En effet, en cas
d’indivision des titres sociaux, chacun des indivisaires a la qualité d’associé en sa qualité de
cotitulaire du titre social. En outre, les héritiers mineurs pourront être associés, là où ils
n’auraient pu exercer par eux-mêmes l’activité commerciale. Cependant l’unité du titre implique
l’indivisibilité des prérogatives.
b) Ensuite, la constitution d’une société présente un intérêt
financier
Cet intérêt financier se manifeste à un double point de vue :
Tout d’abord, la société se voit dotée d’une structure de financement qui lui permet
d’ouvrir son capital à d’autres partenaires, d’obtenir des crédits bancaires, voire de faire appel au
marché financier si elle est constituée avec public à l’épargne. La société permet ainsi de
dépasser un certain stade de développement, lorsque la fortune d’une personne ou d’une famille
ne suffit plus, et qu’il faut faire appel à des investisseurs extérieurs. A cet égard, et si l’on laisse
de côté la remarquable diversité aujourd’hui des valeurs mobilières permettant aux sociétés de
disposer de précieuses possibilités de financement, quelques mots doivent être dits ici de
ces deux modes de financements de la société que sont le capital social, d’une
part, et le compte-courant d’associé, d’autre part.
*Le capital social représente la dotation initiale de la société, fournie par les associés.
Au jour de la constitution de la société, le capital social est égal au montant des apports des
associés, à l’exclusion des apports en industrie. Le capital social est une notion qui relève du droit
des sociétés, du droit comptable et de la gestion financière.
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Le capital est une représentation abstraite dont le montant est inscrit au passif du bilan, en haut de
bilan, alors que les éléments apportés par les associés, qui ont une existence concrète, sont
répertoriés à l’actif du bilan.
Il faut en effet distinguer actif social et capital social. L’actif, placé à
gauche du bilan, renseigne sur la composition du patrimoine de la société : fonds de commerce,
immeubles, matériels, titres de participation, créances, trésorerie…..Le passif, à droite du bilan,
renseigne sur l’origine des ressources de la société. Si le capital social figure au passif, au même
titre que les dettes, c’est qu’il correspond à une dette de la société envers les associés.
Simplement son exigibilité se voit reportée à la liquidation de la société puisque, tant que la
société est en vie, les associés ne peuvent réclamer le montant de la créance. Le bas de bilan, audessous des capitaux propres, détaille le passif externe de la société : dettes envers les banques,
les fournisseurs, le fisc, voire les associés qui ont consenti des avances en compte courant, dont
on va parler ensuite.
Traditionnellement, le capital social n’a pas la même signification dans les sociétés de capitaux et
dans les sociétés de personnes. Il est un des éléments essentiels des premières, ce qui explique
que la loi impose un montant minimum, par exemple dans les SA et les SCA.
En revanche, dans les secondes, aucun minimum n’est exigé. A la limite, une société pourrait être
créée sans capital, ce qui serait le cas d’une SNC ou d’une SCP professionnelle dont les associés
ne feraient que des apports en industrie.
Il n’y a là rien que de très normal, puisque on est ici en présence de sociétés de personnes, où ce
qui compte n’est pas le poids des capitaux mais le talent et le crédit des associés. Sans oublier
l’obligation indéfinie des associés aux dettes sociales.
En revanche, il est singulier que la Sarl et la SAS, sociétés à risque limité,
puissent se constituer avec un capital social dont les réformes récentes du droit
des sociétés ont permis qu’il n’ait pas un montant minimum. Cette libéralisation
peut surprendre, tant il est vrai que le capital social présente un intérêt pour la société elle-même.
Faute d’un capital suffisant, celle-ci ne se développera que difficilement car, dans la mesure où
l’argent appelle l’argent, pour reprendre les mots du professeur Guyon, « des apports minimum
étant nécessaires lors de la constitution, pour amorcer la pompe qui alimentera l’entreprise en
fonds propres ». En cours de vie sociale, un capital social, par les fonds propres qu’il procure, et
qui seront en rapport avec le montant des activités sociales, peut également être une utile
protection permettant d’amortir les risques et de surmonter les pertes temporaires qui auraient
conduit une autre société à la cessation des paiements.
En l’absence d’un capital social suffisant, le recours à l’endettement s’impose, ce qui un temps a
été perçu comme une solution intéressante, l’inflation allégeant sensiblement la charge du
remboursement, tandis que les frais financiers liés à l’emprunt entrainaient une économie d’IS,
alors que les dividendes ne sont pas des charges déductibles. Mais la maîtrise de l’inflation a
inversé la tendance.
20
Le droit fiscal et le droit des sociétés, en simplifiant les augmentations de capital, et en les
dotant d’une fiscalité favorable, ont incité les entreprises à rechercher l’injection d’argent
frais par le haut de bilan. La structure financière de la société en est renforcée, les charges
d’intérêts sont diminuées. Certes, si le capital s’ouvre à de nouveaux partenaires, ceux-ci
comptent sur une distribution de dividendes. Mais le coût en est réduit les premières années par
leur possible déductibilité. En outre, si le résultat est déficitaire, leur service se verra suspendu,
tandis que s’il y avait emprunt, le service des intérêts continuerait. Enfin, en cas d’apports de
fonds propres par le haut de bilan, il n’y a pas à rembourser le capital, comme en matière
d’emprunt. Aussi n’est-il pas inconcevable que soit recherchée en cas de liquidation judiciaire la
responsabilité des dirigeants ayant constitué une société au capital jugé insuffisant.
Par ailleurs, il est comme on l’a vu possible de constituer une société à capital
variable. La société à capital variable est une société dont le capital peut, en vertu d’une
disposition statutaire, augmenter ou diminuer à tout moment, en raison soit de l’accroissement de
la participation de certains associés, soit de l’augmentation de leur nombre, soit encore du retrait
ou de l’exclusion d’un ou plusieurs associés, et cela sans qu’il y ait lieu de procéder aux
formalités sociétaires habituelles d’augmentation ou de réduction de capital. Pour qu’il y ait
société à capital variable, il faut donc que les statuts prévoient une double possibilité de variation
du capital souscrit au moment de la constitution: variation à la baisse comme à la hausse.
L’adoption d’une clause de variabilité du capital présente le gros avantage de
simplifier considérablement les opérations sur le capital, et apparaît donc
particulièrement adaptée aux sociétés dans lesquelles les associés sont amenés
à changer fréquemment. Par exemple, la variabilité du capital sera conseillée lorsque se
constitue une PME sous-capitalisée, faute de fonds suffisants chez les fondateurs, et qu’est
envisagée l’entrée par la suite dans le capital d’investisseurs, comme par exemple des sociétés de
capital-risque.
La variabilité du capital confère à l’investissement opéré une liquidité qu’il n’aurait pas si la
société d’accueil avait un capital fixe, ce qui sera de nature à attirer davantage les investisseurs.
Dans les sociétés à capital variable existe en effet un droit légal de retrait. De la même façon
d’ailleurs qu’existera souvent une faculté d’exclusion prévue et organisée par les statuts. De la
sorte, l’investisseur ne se sentira pas prisonnier de la société, et la durée de sa présence au sein de
la société pourra être librement modulée entre partenaires. Ainsi, concrètement, dans la société à
capital variable, doivent être distingués le capital souscrit, le capital minimum, qui ne peut être
inférieur au capital minimum prévu par la loi pour la forme sociétaire considérée, et enfin le
capital maximum théorique.
La clause de variabilité peut être introduite dans la plupart des
formes sociétaires : société civile, Sarl, sociétés en commandite
simple ou par actions, SAS. En revanche, les SA ne peuvent pas être
21
dotées d’un capital variable, sauf s’il s’agit comme on l’a vu d’une
société coopérative.
Les sociétés à capital variable sont soumises à 3 catégories de règles : tout d’abord les
dispositions propres aux sociétés à caractère variable ( art.L.231-1 à L.231-8 C.com., art. L.225259, L.242-31 et L.247-10 C.com. ) ; ensuite les règles propres à telle ou telle forme sociétaire, et
enfin les règles de droit commun des sociétés.
** Les comptes-courants d’associés Plutôt que d’assurer le financement de la
société en jouant sur le capital social, il est possible de recourir à cette autre technique de
financement que sont les comptes-courants d’associés. Ici, au lieu de fournir à la société des
apports complémentaires, les associés vont contribuer à l’augmentation de la marge de manœuvre
financière de la société en consentant à celle-ci des avances, en sus de leur part de capital, en
mettant des fonds à la disposition de la société.
Cette pratique, connue sous l’appellation de « compte-courant d’associés »,
représente une source de financement extra bancaire, de pratique fort
répandue dans les PME, mais aussi dans les groupes de sociétés.
Outre l’amélioration de leur trésorerie, les sociétés y trouvent l’avantage de verser des intérêts
moindres que ceux exigés par les banques. En outre, les compte-courants d’associés accroissent
les possibilités de financement externe de la société en renforçant son fonds de roulement. Il
arrive d’ailleurs fréquemment qu’un banquier dispensateur de crédit érige en condition d’octroi
du prêt le blocage d’avances en comptes-courants d’associés.
Du côté des associés, avancer à la société des fonds en comptes-courants accroît sans nul doute
leur poids dans la société et leur confère un pouvoir de fait sur la prise de décision sociale. Face à
un besoin ponctuel de financement, dans le contexte d’une Sarl créée avec un capital social
réduit, le recours à un financement par compte-courant est recommandé, plutôt qu’une
augmentation de capital social, ceci afin de limiter les formalités de modification des statuts et les
coûts y afférents.
L’usage du compte-courant se conçoit également lors de la
constitution de la société : bien souvent, une avance en compte-courant va compléter
l’apport des associés, ce qui présente plusieurs avantages.
Tout d’abord, l’apport en compte-courant sera rémunéré à l’aide d’un intérêt, qui sera versé
même si la société ne dégage pas de bénéfices.
Ensuite, contrairement à ce qui se passe avec les apports, du moins si la société a un capital fixe,
le remboursement de l’apport en compte-courant d’associé peut être demandé à tout moment, du
moins en principe.
22
En revanche, le remboursement des apports n’intervient normalement qu’à la fin de la vie de la
société, c’est-à-dire à l’issue de sa liquidation. De même, l’apport en compte-courant peut-être
augmenté, sans qu’il y ait lieu de passer par une opération d’augmentation du capital social.
Enfin, aucun droit d’apport ne devra être acquitté en présence d’un apport en compte-courant,
tandis que les intérêts servis à l’associé par la société pourront être dans une certaine mesure
déduits des résultats.
Plusieurs intérêts militent on le voit en faveur des apports en compte-courant
d’associés.
Cependant, ces intérêts ne doivent pas faire oublier qu’existent aussi des
inconvénients attachés à ce type d’opération.
Tout d’abord, le remboursement de l’apport en compte-courant d’associé pourra poser
problème si la société est en difficultés financières, et plus encore si le remboursement a lieu
durant la période suspecte, en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective d’apurement
du passif.
Ensuite, l’associé souhaitant voir son apport en compte-courant d’associé rémunéré devra
veiller à ce que sa rémunération ait fait l’objet d’une décision de la société, prise conformément
aux statuts, et respectant notamment la procédure des conventions réglementées.
Enfin, la fiscalité des comptes-courants d’associés se révèle assez contrastée en termes
d’optimisation fiscale. Du côté de la société, si les intérêts payés par la société au titre de la mise
à disposition des fonds en compte-courant sont déductibles, cette déductibilité est cependant
étroitement encadrée, les intérêts servis aux associés ne devant pas, par exemple, dépasser un
certain plafond. En outre, le capital de la société doit être intégralement libéré. De plus, pour les
sociétés passibles de l’IS, d’autres limitations existent encore : par exemple, les sommes portées
en compte-courant ne doivent pas globalement excéder 1,5 fois le montant du capital social
entièrement libéré. Du côté de l’associé, la fiscalité des revenus tirés de la rémunération du
compte-courant d’associé ne saurait être négligée, et ce d’autant qu’a été supprimé le régime de
faveur dont jouissaient les titulaires de comptes-courants bloqués.
Pour terminer sur les compte-courants d’associés, observons que si leur licéité
de principe est aujourd’hui admise, elle n’en impose pas moins le respect des
dispositions du droit bancaire et du droit des sociétés. En particulier, l’article L.3122 du Code monétaire et financier ne permet pas à n’importe quel associé de consentir des avances
en compte-courant à moins de 2 ans. Certains associés, ainsi que certains dirigeants peuvent ainsi
consentir des avances aussi bien à moins qu’à plus de 2 ans ( associés en nom, commanditaires,
associés de Sarl ou actionnaires détenant au moins 5% du capital, etc…. ), tandis que d’autres
associés ne le pourront que si les fonds déposés en compte-courant sont bloqués à plus de 2 ans.
23
Concrètement, la mise de fonds en compte-courant prendra la forme soit du
versement effectif par l’associé de ces fonds dans la caisse sociale, soit par la
mise à disposition à la société de sommes qui auraient dû normalement être
versées à l’associé, sous forme de rémunérations ou de dividendes.
c) La société est un remarquable instrument de
concentration, et d’optimisation fiscale: l’exemple des groups
de sociétés
Cet avantage de la technique sociétaire se manifeste à travers la constitution de puissants groupes
de sociétés. Par opposition aux sociétés de partenaires qui sont des sociétés de personnes, on est
en présence cette fois de sociétés de capitaux, dont la vocation est de drainer les énormes fonds
qu’exige la croissance des entreprises. La constitution du groupe va se révéler être un précieux
outil d’optimisation financière et fiscale.
L’optimisation financière dans les groupes de sociétés se manifeste à travers le
régime des prêts et avances entre sociétés du même groupe.
Dans les groupes, il est ainsi fréquent de mettre en commun la trésorerie des différentes sociétés,
et donc de réduire le recours aux prêts bancaires. Le groupe permet une centralisation de
trésorerie, qui peut tout d’abord s’effectuer en France. Dans ce cas, tous les flux et notamment les
prêts et avances intergroupe ont une destination française, selon deux modalités.
Soit ces flux convergent vers l’une des sociétés du groupe, généralement la société-mère holding
sur la base d’une convention dite d’ « omnium », par laquelle les sociétés mettent en commun
leurs disponibilités financières afin de les répartir en fonction des besoins de chacune, et donnent
mandat à la société-mère d’encaisser les créances et de régler les dettes des autres sociétés.
Soit ces flux convergent vers une société spécialement organisée à cet effet, la société financière
de groupe, qui permet des interventions plus rapides et une optimisation des flux. Cette société
financière permettra également l’accès au marché monétaire, et confère donc au groupe une
grande indépendance à l’égard des banques. Le plus souvent, il s’agira d’une holding, dont on
reparlera plus loin, qui pourra lever des capitaux en émettant des valeurs mobilières.
La centralisation de trésorerie peut aussi s’effectuer à l’étranger,
selon différentes modalités.
L’objectif sera de délocaliser une part substantielle du profit vers une centrale de trésorerie, dont
les résultats pourront être pas ou peu imposés en fonction de la localisation géographique. Mais il
est à craindre que cette pratique ne suscite une réaction de l’administration fiscale sur le
fondement de la théorie de l’acte anormal de gestion, permettant de réintégrer des recettes non
24
comptabilisées, ou sur le fondement de l’abus de droit, visant les transferts de fonds ou de
bénéfices qui seraient destinés à éluder l’impôt.
La validité des prêts et avances intergroupe au regard de la réglementation bancaire est
admise ( art. L.511-5 C. mon. et fin.), dès lors du moins que sont remplies certaines
conditions.
Sans entrer dans le détail, indiquons simplement que ces conditions, au nombre de deux, sont
fixées à l’article L.511-7,I,3 du Code monétaire et financier.
Tout d’abord, il faut que l’on soit véritablement en présence d’un groupe.
Ensuite, il est nécessaire qu’il s’agisse d’une « opération de trésorerie », c’est-à-dire d’une
opération de crédit, quelle que soit sa nature ( prêt, avance en compte-courant, cautionnement ) et
quelle que soit semble t-il sa durée ( court, moyen ou long terme ).
Cette validité des prêts et avances intergroupe doit également être appréciée à
l’aune du droit des sociétés, et ce à plusieurs points de vue.
Tout d’abord, l’opération se présente comme un contrat, un acte de gestion, qui doit se combiner
avec le principe de spécialité qui limite la capacité des sociétés commerciales. L’opération doit
ainsi respecter tout d’abord l’objet légal de la société, ce qui se traduit par l’exigence que la
société prêteuse retire de l’opération une contrepartie effective, un « avantage notable »., ce sera
généralement le cas dans le contexte par exemple d’un prêt consenti par une société-mère à sa
société filiale.
Mais il faudra également que l’opération respecte l’objet statutaire de la société prêteuse, c’est-àdire qu’elle soit en rapport direct avec l’activité de la société prêteuse. Condition qui, dans le
contexte des groupes de sociétés, ne devrait pas poser problème, sans que l’on sache cependant
s’il faut exiger que l’objet social décrit dans les statuts ait prévu la faculté d’octroyer un prêt. La
jurisprudence ne l’a semble t-il jamais exigé.
Mais, pour que le droit des sociétés se satisfasse de l’opération, encore faudra t-il qu’ait été
respectée la procédure des conventions réglementées, et que le prêt ou l’avance ne soit pas
consenti au profit d’associés ou administrateurs personnes physiques ( art. L. 223-21 et L.225-43
C.com.).
Enfin, bien sûr, l’opération ne devra pas mériter la qualification d’abus de majorité, qualification
qui supposera une appréciation dans le contexte des groupes de sociétés, ce qui a permis à la
Cour de cassation de dégager la notion d’ « intérêt de groupe » pour juger de la licéité ou de
l’illicéité de l’opération ».
L’optimisation fiscale dans les groupes de sociétés peut être approchée à travers
différentes illustrations. Comme un auteur a pu le dire, « dans les groupes de
sociétés, l’imagination des fiscalistes est particulièrement féconde ».
25
Il a été souvent remarqué en effet qu’aucun groupe de sociétés ne pourrait survivre avec un
système d’impositions multiples des dividendes. Pour le comprendre, prenons l’exemple d’un
groupe comprenant une sous-filiale, une filiale et une holding en haut de l’organigramme. Avec
l’application des règles classiques d’imposition, les bénéfices réalisés par la sous-filiale seront
imposés à son niveau, puis au niveau de la filiale sous forme de dividendes, puis à celui de la
holding si elle distribuait des dividendes à ses propres actionnaires.
Afin de permettre une circulation de la trésorerie sans obstacle fiscal, et donc pour éviter une
double imposition des bénéfices, tous les Etats admettent un mécanisme d’exonération des
dividendes distribués par les filiales. Le régime français est réputé figurer parmi les plus
favorables ( art. 145 et 216 CGI ). Il s’applique dès que la participation de la mère dans le capital
de la filiale est égale ou supérieure à 5%. Dans ce cas, les dividendes perçus par la société-mère
sont exonérés, à l’exception d’une quote-part de 5%, qui reste imposable. Ainsi, en présence
d’une cascade de filiales, les bénéfices ne sont imposés au taux normal qu’au niveau de la filiale
de base. Les dividendes remontent ensuite en totale exonération fiscale à travers les différentes
sociétés superposées jusqu’à la société-mère tête du groupe. On a pu dire qu’à cet égard, les
holdings françaises font figure de vrais paradis fiscaux.
Mais les attraits fiscaux du groupe ne s’arrêtent pas là.
Parmi les mécanismes les plus usités, il est en effet également possible d’imaginer l’interposition
dans l’organigramme de sociétés dites « transparentes » et de sociétés de capitaux dans le but
d’utiliser les déficits d’une filiale en difficulté pour éponger les résultats de la société mère,
largement bénéficiaire.
Dans un groupe, certaines filiales peuvent dégager des bénéfices, tandis que d’autres accusent des
pertes. Ne serait-il pas logique en même temps qu’équitable de compenser entre eux les bénéfices
et les déficits, de façon à ne taxer que le bénéfice global réel correspondant au résultat
consolidé ?
Comme chacun sait, la consolidation des comptes existe en droit français.
La règle est simple : outre l’établissement des comptes sociaux à l’échelon de chacune des
sociétés du groupe, le groupe doit établir des comptes traduisant la réalité économique et
financière de l’ensemble. Cela équivaut à reconnaître la personnalité comptable au
groupe de sociétés, au-delà de la pluralité de personnalités juridiques des
différents membres du groupe. Les comptes consolidés, qui comprennent un bilan, un
compte de résultat et une annexe, appréhendent les comptes de toutes les sociétés placées sous le
contrôle direct ou indirect de la société dominante : on dit que toutes ces sociétés entrent dans le
périmètre de consolidation.
Les comptes sont accompagnés d’un rapport des organes de direction sur la gestion du groupe.
Ils donnent lieu à une certification par les commissaires aux comptes. L’assemblée des
actionnaires délibère et statue sur toutes les questions relatives aux comptes consolidés.
L’effectivité du dispositif est garantie par des dispositions pénales : l’absence d’établissement de
comptes consolidés peut entraîner la condamnation des dirigeants du groupe.
26
Cette consolidation comptable n’existe pas en matière fiscale : les filiales
conservent leur autonomie fiscale, et le résultat est calculé au niveau de
chacune d’elles.
Dans la mesure où les filiales relèvent de l’IS, et donc du système dit de l’ « opacité fiscale »,
leurs éventuels déficits ne peuvent remonter jusqu’aux associés. Le déficit d’une filiale ne peut
donc s’imputer sur les résultats de la société-mère.
Cette absence de consolidation fiscale représente assurément un handicap pénalisant pour les
groupes.
Afin de le contourner, le groupe va choisir le manteau des sociétés de personnes
pour revêtir leurs filiales, ou du moins certaines d’entre elles. De la sorte est
opérée ce que certains auteurs appellent une « consolidation sauvage ».
En effet, la société de personnes, comme par exemple la SNC, relève de l’IR, ce qui autorise la
remontée directe du déficit jusqu’aux associés. De cette façon, le déficit de la filiale s’impute sur
les résultats de la société-mère. Ceci explique la fréquence des SNC au sein des groupes.
Cependant, la pratique n’est pas sans risques si l’on se souvient que les associés de la SNC sont
indéfiniment et solidairement responsables. Mieux vaudrait une véritable consolidation ou
intégration fiscale.
Cette intégration fiscale existe, mais de façon limitée : depuis 1988, les
groupes français peuvent consolider les résultats de leurs filiales, relevant de l’IS, dont elles
possèdent au moins 95% du capital social ( art. 209 sexies ). Chaque filiale fait une déclaration
séparée de ses résultats, mais ne paie pas l’impôt correspondant. La société mère fait de son côté
une déclaration de l’ensemble des résultats du groupe en compensant les bénéfices et les déficits :
l’impôt à payer est calculé sur le résultat net ainsi dégagé.
Le régime de l’intégration fiscale s’applique même si le groupe ne compte que deux sociétés,
l’une étant la mère de l’autre. Cela explique le recours de plus en plus fréquent à la société
holding comme technique de rachat d’une société. En effet, le régime de l’intégration fiscale va
permettre d’imputer les frais financiers supportés par la holding avec les bénéfices dégagés par la
société rachetée.
Les autres exemples d’optimisation fiscale permise grâce au recours
à la forme sociétaire.
La société présente nombre d’avantages fiscaux.
Tout d’abord l’exploitant individuel est taxé au taux progressif de l’impôt sur le revenu en
fonction de la nature de son activité. Dans la tranche la plus haute, contributions sociales incluses
27
( CSG, CRDS ), le prélèvement fiscal avoisinera les 50%. En revanche, s’il choisit une structure
sociétaire, il peut décider de son mode de taxation : rester dans le régime de l’IR ou se soumettre
au régime de l’IS. Dans cette dernière hypothèse, ses bénéfices étaient jusqu’à une période
récente taxés à 33% 1/3 ( art. 219I CGI, sous réserve du taux réduit pour les PME visé à l’article
219-I b), quel que soit leur montant et non en fonction des tranches de l’impôt sur le revenu. Mais
le taux de l’IS est amené à baisser en France. La loi de finances 2017 avait déjà amorcé une
baisse du taux de l’IS à 28% pour la tranche de résultat fiscal inférieure à 75.000 €, l’excédent
demurant imposable au taux de 33,33 %. Cette règle valait pour les PME, au sens communautaire
du terme. En outre, pour les entreprises ayant un CA ne dépassant pas 7,63 millions d’euros, le
taux de l’IS est de 15% jusqu’à 38120 €. A partir de 2018, le taux d’IS de 28% vaut pour les
bénéfices inférieurs à 500.000 €, le taux de 33,33% valant toujours au-delà. En 2019, le taux pour
cette partie excédentaire ne sera plus que de 31%. En 2020, le taux de 28% vaudra pour
l’ensemble des benefices, et descendra à 26,5% en 202, avant d’atteindre un taux de 25% en
2022.
Le choix d’une structure sociétaire peut aussi permettre à l’exploitant
d’aménager la taxation de ses revenus : il peut moduler les montants perçus au titre des
salaires, de la distribution de dividendes voire au titre d’intérêts de comptes courants. La structure
sociétaire facilite également la rémunération du conjoint de l’exploitant puisque, dans les sociétés
soumises à l’IS, le salaire du conjoint est librement déductible des résultats de l’entreprise.
La création d’une société soumise à l’IS permet à l’associé de n’être taxé qu’en cas de
distribution de résultats. En l’absence de société, l’exploitant est taxé sur la totalité des bénéfices,
même s’il n’a pas prélevé ces sommes et les a laissées à la disposition de l’entreprise.
L’exemple de l’optimisation fiscale recherchée à travers le couple
SCI-Société d’exploitation.
Dans un montage assez répandu, des personnes apportent des immeubles à une SCI qui les leur
donnent en location moyennant un loyer modique tout en supportant des dépenses importantes.
L’objectif vise à imputer le déficit foncier structurel de la société sur les bénéfices des associés de
la société civile. Dans le meme temps, la société d’exploitation déduira de son résultat fiscal les
loyers payés à la SCI, ce qui allègera d’autant l’impôt payé par la société d’exploitation, mais
aussi par ses Associés.
Cependant, il est toujours à craindre que la sanction de l’abus de droit menace ce montage, et que
la loi limite le montant du déficit foncier imputable sur le revenu global de l’associé…..
L’exemple du recours à la société holding
La société holding est avant tout conçue comme un instrument de gestion des titres de
participation. C’est une société de portefeuille, c’est-à-dire une société placée au haut ou à un
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échelon intermédiaire du groupe de sociétés, et dont l’actif se compose uniquement de titres
d’une ou plusieurs sociétés du groupe.
Cela dit, la société holding n’est pas qu’une société de placement. Elle a en effet de par sa
position vocation à intervenir dans la gestion des sociétés dont elle détient des actions, en ne se
contentant pas d’effectuer un placement : on parle alors de holding animatrice.
Mais la société holding peut devenir également un instrument de rachat d’entreprises, par le biais
de ce que l’on appelle l’ « effet de levier ». Pour racheter une société, on va créer une autre
société. Le repreneur ici peut être une personne morale soucieuse de développement externe
grâce par exemple à une politique de rachat des concurrents. Mais il peut également s’agir
d’investisseurs souhaitant se lancer dans les affaires en se constituant un patrimoine professionnel
par le biais d’emprunts massifs. Ceci en escomptant un placement à court terme à travers la
rétrocession de l’entreprise achetée dans l’espoir de réaliser une substantielle plus-value. Par
exemple, un fonds d’investissement va acquérir une société, la restructurer et la revendre 3 à 5
ans après, délai nécessaire pour obtenir un taux de retour sur investissement, c’est-à-dire une
plus-value satisfaisante.
Le mécanisme est le suivant : des repreneurs vont s’intéresser à une « société-cible »,
en principe une société riche en actifs non stratégiques, comme des immeubles sans utilité directe
pour la société, ou une société riche en potentialités mais qui ne sont pas exploitées, ou encore
une société dans un secteur très en expansion.
Les repreneurs créent alors une holding de reprise. Peu importe de quel type de société il s’agit,
l’essentiel étant cependant qu’elle relève de l’IS, cet élément étant important dans la stratégie
fiscale mise en place.
Sur le plan financier, le mécanisme va consister à faire assumer le coût du
rachat par les ressources de la société achetée. Le financement de la holding de reprise
n’est que très faiblement constitué par des apports des repreneurs, ce qui se traduit par la faiblesse
du montant du capital social. La source essentielle du financement va ainsi provenir d’emprunts
contractés auprès d’établissements financiers. La structure du bilan de la holding se présente ainsi
de façon très particulière : l’actif est constitué des seuls titres de la société cible. Quant au passif,
il est constitué d’un capital social d’un montant minimal et d’un endettement massif.
Le remboursement des emprunts s’effectue grâce aux ressources dégagées par le société-cible,
qui remontent jusqu’à la holding par une distribution de dividendes. La vente de certains actifs de
la société-cible dégage une précieuse trésorerie, qui permet de solder les avances à court terme
consenties à la holding de reprise. Quant aux emprunts à long terme, ils seront remboursés grâce
aux dividendes versés à l’avenir par la société-cible. En fait, c’est la société-cible qui finance son
propre rachat.
Ce mécanisme repose sur l’effet de levier. Que faut-il entendre par là ?L’effet
de levier peut être juridique, financier et fiscal.
29
Tout d’abord juridique : pour contrôler une société, il n’est pas nécessaire de racheter la totalité
du capital social. Ainsi qu’il sera vu plus loin, avec 51% du capital social, on est seul maître à
bord, en ayant le pouvoir de désigner les dirigeants, de décider des dividendes à mettre en
distribution, etc….. Il est possible de s’emparer du pouvoir au sein de la société en
n’empruntant que la moitié de la valeur de la société.
Ensuite financier : l’effet de levier réside dans la différence entre la rentabilité du bien acheté et
le taux des emprunts contractés en vue de l’acquisition du bien. Par exemple, si un investisseur
emprunte au taux de 5% en vue d’acquérir un immeuble dont la rentabilité est de 10% en raison
du montant des loyers perçus, la rentabilité nette est de 5% hors fiscalité. Le même objectif
d’enrichissement anime les holdings de reprise, assurées de s’enrichir dès lors que le taux de
retour sur investissement, c’est-à-dire la plus-values qu’elles réaliseront lors de la revente de la
société cible, se révèlera supérieur au taux du loyer de l’argent.
Enfin fiscal : l’effet de levier doit bien entendu intégrer la dimension fiscale. Dans l’exemple qui
précède, l’investisseur devra tenir compte de son taux global d’imposition aux fins de déterminer
si les loyers seront suffisants afin de rembourser les charges issues de l’emprunt. Il faut ainsi que
l’effet de levier financier soit en phase avec l’effet de levier fiscal. Tel est le cas en présence
d’une holding de reprise, dès lors du moins qu’elle relève de l’IS. Deux situations doivent être
distinguées :
*Si le rachat porte sur moins de 95% du capital de la société cible, le régime fiscal des sociétés
mères et filiales s’applique, ce qui permet d’exonérer au niveau de la holding les dividendes que
lui verse la filiale rachetée par la holding ;
**Si le rachat porte sur 95% au moins du capital de la société cible, la société holding et sa cible
peuvent comme opter pour le régime de l’intégration fiscale. Aux yeux du fisc, elles seront
traitées comme un contribuable unique, ce qui permettra d’imputer les charges de la holding sur
les bénéfices de la cible. Il en résultera une diminution de l’IS à payer, donc une augmentation
des dividendes à distribuer, et par conséquent une meilleure capacité de remboursement des
emprunts contractés.
Une variante de ce montage est le LBO ( Leverage Buy Out ).
Ici un fonds d’investissement va détecter des sociétés à racheter, ayant fort potentiel de
développement, puis de mettre sur pied une holding de reprise. Le financement est assuré par le
fonds d’investissement ainsi que par des emprunts souscrits auprès d’établissements financiers.
Le rachat porte sur au moins 95% du capital de la société cible, de façon à bénéficier du régime
de l’intégration fiscale.
Dans ce montage, les dirigeants de la société cible vont être associés à l’opération : ils
souscrivent au capital de la holding de reprise, et participeront ainsi aux plus-values que les
investisseurs espèrent réaliser. Va même leur est offerte la possibilité d’accroître leur
participation au sein de la holding par l’attribution de bons de souscription d’actions, à des
conditions financières favorables, en fonction des performances réalisées.
30
Etant directement intéressés au succès de l’opération d’investissement, les dirigeants vont
prendre l’engagement de demeurer en place au sein de la société cible durant la période prévue de
l’investissement, avec pour objectif l’amélioration de la rentabilité de la société cible, et ce à
court terme. Ainsi, ils vont céder les actifs non stratégiques, vont comprimer les frais de la société
( frais de personnel, frais de recherche, etc…. ) et d’une manière générale vont gérer de façon
draconienne la société. Le but est en effet de dégager un maximum de liquidités pour rembourser
le plus rapidement possible les emprunts et revendre le tout avec profit. En effet, le destin de la
société cible, une fois les emprunts remboursés est d’être revendue au bout de quelques années,
moyennant une confortable plus-value. La vente pourra même avoir lieu au profit d’un autre
fonds d’investissement, et les dirigeants, toujours en place, recommenceront l’opération avec les
nouveaux maîtres de la société. Ce mécanisme de rachat par effet de levier peut être utilisé par
les salariés afin de racheter la société dont ils sont employés ( LMBO ).
III.- Pourquoi choisir telle forme sociétaire plutôt que telle
autre ?
A.- Quand choisir une société civile ?
Ainsi qu’il a été dit plus haut, une société est civile lorsqu’elle a une activité civile, et lorsqu’elle
ne correspond pas à une société à laquelle la loi confère le caractère commercial à raison de sa
forme ou de son objet.
Les activités civiles peuvent être classes en 6 catégories : les activités agricoles, les activités
d’extraction, les activités intellectuelles, les professions libérales, les activités immobilières et les
activités des groupements coopératifs et mutualistes.
La société civile est susceptible de très nombreuses applications, puisque toutes les activités qui
n’ont pas un caractère commercial peuvent être exercées sous cette forme. Cependant, et puisque
toutes les activités civiles peuvent être exercées sous forme de société commerciale, il est loisible
de s’interroger sur le choix d’une société commerciale, en lieu et place d’une société civile.
En réalité, le choix d’une société commerciale pour exercer une activité civile
est la plupart du temps assez rare.
31
Par exemple, le choix d’une SNC offre peu d’intérêt. La société civile et la SNC sont soumises à
un régime fiscal analogue, c’est-à-dire le régime de transparence fiscale, ainsi qu’à des règles de
fonctionnement assez similaires, en raison de l’intuitus personae qui caractérise les deux formes
sociétaires. La difference entre les deux formes sociétaires réside dans le statut des associés, qui
est plus rigoureux dans la SNC, puisque les associés de la SNC ont la qualité de commerçants, et
sont ainsi tenus solidairement des dettes sociales, alors que dans la société civile, ils ne sont tenus
qu’au prorata de leur detention du capital social.
Le plus souvent, le choix de la SNC sera motivé par l’incertitude des fondateurs, qui souhaitent
être soumis au régime des sociétés, sur le caractère civil ou commercial des activités de la
société. En effet, si l’activité exercée par la société tombe dans le secteur commercial, la société
civile risque de basculer dans le régime des sociétés de capitaux, et de se voir soumise à l’IS.
En outre, le choix d’une société par actions ou d’une Sarl au lieu d’une société
civile sera peu fréquent, dans la mesure où le fonctionnement de la société
civile est plus souple et moins onéreux que celui de la SA ou de la Sarl.
Seul pourrait le cas échéant être intéressant le choix de la SAS, en raison de sa souplesse de
fonctionnement.
En fait, le choix d’une société par actions ou de la Sarl ne présentera d’intérêt que si l’activité
nécessite des capitaux importants, ou peut déboucher sur une exploitation commerciale que les
fondateurs ne peuvent pas ou ne veulent pas isoler de l’activité civile.
Il peut aussi se justifier par le désir des associés d’échapper à la responsabilité indéfinie des
dettes sociales, ou par celui des dirigeants sociaux d’être soumis au régime fiscal et social des
salariés. Cependant, le régime fiscal des salariés peut toutefois être obtenu, même si la société
conserve sa forme civile, dès lors qu’elle se place volontairement sous le régime des sociétés de
capitaux en choisissant son assujettissement à l’IS.
Le seul domaine où interviendra le choix d’une société
commerciale pour exercer une activité civile est celui des
professions liberales.
Normalement, la société civile constitue le cadre traditionnel de l’exercice en commun d’une
profession libérale, et prend alors la forme d’une Société Civile Professionnelle (SCP). Cette
forme sociétaire est régie par une loi du 29 novembre 1966, complétée par plusieurs décrets et
modifiée par la loi du 28 mars 2011, qui a voulu la rendre plus attractive. Le domaine des
professions liberales n’est a priori pas fait pour les sociétés commerciales, et égard à la nature
civile de l’activité. Cependant les sociétés commerciales ont progressivemet pénétré ce champ
d’activité. Dans un premier temps, les sociétés à forme commerciale type SA ou SARL ont été
réservées à certaines professions libérales, comme les experts-comptables, les commissaires aux
comptes, les conseils juridiques, les géomètres ou les architectes. La loi du 31 décembre 1990 a
bouleversé cette règle en permettant aux membres des professions libérales d’exercer leur activité
dans des sociétés commerciales spécifiques, les sociétés d’exercice libéral.
32
La SEL a été introduite pour donner aux professions libérales les
moyens de lutter contre la concurrence internationale en facilitant le
regroupement de capitaux, la constitution de réseaux et la mobilité
des professionnels.
L’assujettissement des SEL à l’IS, comme on va le voir, permet au surplus une amélioration de
leur capacité d’autofinancement. Pour renforcer le poids des SEL sur le marché du droit face à la
concurrence des grosses structures anglo-saxonnes, la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 a
libéralisé les règles de détention du capital des SEL en vue de favoriser la constitution de
véritables groupes interprofessionnels.
Les professions libérales peuvent ainsi exercer leur activité dans le cadre de SA, SARL, SCA ou
SAS, qui sont des formes sociales puisées dans le Code de commerce, auquel il est fait renvoi,
sauf dispositions expresses de la loi nouvelle.
On utilise alors les dénominations de SELAFA, SELARL,SELCA ou SELAS.
La SEL est dans ces quatre hypothèses une société à forme commerciale et à objet civil.
Elle peut, dans le cas de la SELARL et de la SELAS être unipersonnelle.
Mais il est également possible d’utiliser la forme de la société en participation.
Comme toute société, la SEL obéit à des règles de constitution, se déclinant en des conditions de
fond et de forme. De même, son fonctionnement se voit gouverné par tout un corps de règles,
qu’il s’agisse de ses dirigeants, de ses associés.
Sans entrer dans le détail, indiquons que ces règles proviennent de trois sources : d’une part les
règles du droit commun des sociétés, d’autre part les règles propres à la forme de société
commerciale concernée, enfin des règles dérogatoires eu égard à la spécificité de l’objet de ces
sociétés, qui est une activité de nature civile.
Est-il intéressant de constituer une SEL ? La réponse est affirmative, et ce
d’un point de vue social mais aussi fiscal.
D’un point de vue social, les associés exerçant une profession libérale sont assujettis au
régime des travailleurs non salariés. Dès lors que la SEL relève de l’IS, les associés paient des
cotisations qui sont calculées sur la base des seules rémunérations perçues, par exemple en
qualité de dirigeant, à l’exclusion des dividendes, ce qui est avantageux. Ainsi, lorsque l’associé
de la SEL n’exerce pas de fonction de dirigeant, mais perçoit uniquement des dividendes, il
échappe à toutes cotisations sociales alors même qu’il exerce une activité professionnelle. S’ils
exerçaient la profession libérale à titre individuel, les cotisations seraient calculées sur le résultat
fiscal.
L’avantage est certain dans la SEL.
33
L’avantage existe également par rapport à ce qui se passerait si la profession libérale était
exercée dans le cadre d’une société relevant de l’impôt sur le revenu, puisque dans celle-ci, les
cotisations sont calculées sur la part revenant à l’associé dans le résultat fiscal.
Cependant, un contentieux a opposé certains professionnels libéraux, tels les avocats et les
chirurgiens-dentistes, à leurs caisses de prestations sociales, ces caisses estimant que l’associé, en
dépit de la constitution de la SEL, restait un professionnel libéral devant payer des cotisations sur
l’ensemble des dividendes perçus.
Une divergence de jurisprudence a opposé le Conseil d’Etat à la Cour de cassation.
Mais le législateur est intervenu dans la loi de financement de la sécurité sociale du 17 décembre
2008. Désormais les associés de SEL sont assujettis aux cotisations et contributions sociales
applicables aux revenus d’activité des travailleurs indépendants à raison des dividendes et intérêts
de comptes-courants qui leur sont alloués, pour la fraction qui excède 10% du capital social, des
primes d’émission et des sommes versées en compte-courant.
D’un point de vue fiscal, la SEL, lorsqu’elle emprunte la forme d’une société commerciale,
relève de l’IS, alors que dans une société civile professionnelle, les bénéfices sont imposés entre
les mains des associés au titre de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BNC. Lorsque la
société atteint une certaine taille, l’assujettissement à l’IS présente certains avantages : le taux de
l’IS est plafonné à 33,33%, voire 15% dans certains cas, alors que dans le cadre de l’impôt sur le
revenu, le taux marginal du prélèvement fiscal est de 41%.
Outre cet avantage de taux, l’assujettissement de la SEL à l’IS permet de favoriser
l’autofinancement. En effet, comme nous le savons, les bénéfices dégagés par une société
relevant de l’IR sont imposables chez les associés, proportionnellement à leur part dans le capital
social, et indépendamment du fait qu’ils aient été ou non distribués. Ainsi, les bénéfices mis
en réserve sont imposés, de la même façon que s’ils avaient été distribués. En revanche, si la
société relève de l’IS, les bénéfices mis en réserve ne sont pas imposés, ce qui améliore la
capacité d’autofinancement de la société.
Les sommes non distribuées dans le cadre de la SEL serviront ainsi à financer
le développement du cabinet, ou seront placées de façon fructueuse. On le voit,
le recours à la SEL présente un intérêt fiscal certains, spécialement si les
bénéfices dégagés sont importants.
Pour en terminer avec les sociétés civiles, indiquons les multiples intérêts qu’il
y a à créer une Société Civile Immobilière (SCI).
La SCI permet d’organiser l’acquisition et la gestion collective d’un bien immobilier.
L’utilité de la SCI se manifeste dans plusieurs domaines.
34
Tout d’abord la SCI est un outil de gestion d’une succession ou de
transmission du patrimoine.
Par exemple, lorsque la succession comporte un bien immobilier d’importance qui n’est pas
aisément partageable, la seule solution est la vente ou la mise en SCI de l’immeuble.
La mise en SCI de l’immeuble permettra de la maintenir dans la famille, tout en offrant aux
héritiers, qui seront détenteurs de parts sociales de la SCI, de trouver si besoin des liquidités en
vendant leurs parts sociales. Le capital social sera divisé entre les héritiers en fonction de leurs
droits dans la succession. Un ou plusieurs gérants seront désignés, qui devront chaque année
rendre des comptes aux associés. Ainsi chacun pourra t-il plus ou moins directement donner son
avis sur l’avenir de ce bien familial. Ensuite, la constitution d’une SCI permet de mettre le bien à
l’abri de la poursuite des créanciers des associés de la SCI : ce n’est pas l’immeuble qui pourra
être saisi, mais les parts sociales. Or des créanciers peuvent légitimement hésiter avant de saisir
des parts de SCI. Ceci pour plusieurs raisons. D’une part, la valeur des parts sociales est
inférieure à la quote-part correspondante du capital social en raison de la mise en société de
l’immeuble. Personne juridique autonome, la SCI est titulaire d’un passif propre qui pourra
diminuer la valorisation des parts. D’autre part, il est toujours plus délicat, le cas échéant, de
vendre aux enchères des titres sociaux plutôt qu’un immeuble, notamment en raison de l’intuitus
personae qui domine la SCI.
La SCI peut permettre d’acquérir ou de construire un immeuble pour
constituer le patrimoine familial.
Divers montages sont possibles : par exemple, les parents achètent ou construisent un immeuble
en SCI en étant seuls associés, et font donation de leurs parts à leurs enfants au gré de leur
volonté, et en tenant compte des abattements spécifiques en matière fiscale. Mais les parents
peuvent aussi acheter ou construire un immeuble en SCI en associant leurs enfants dès la
création, et en leur donnant au fur et à mesure leurs parts. Ou bien encore les parents constituent
la SCI uniquement entre les enfants, et occupent l’immeuble en qualité de locataires. Le loyer va
permettre le remboursement du crédit octroyé à la SCI, crédit cautionné bien souvent par les
parents A la fin du remboursement, un patrimoine hors succession aura été constitué au profit des
enfants.
La SCI familiale présente ainsi d’incontestables avantages : elle permet
notamment aux parents de donner à leurs enfants une fraction des parts sans payer de droits de
donation, dans la limite de l’article 779 CGI. Pour que l’opération soit plus avantageuse, il suffit
d’organiser des donations tous les 6 ans, le donataire bénéficiant alors d’un nouvel abattement
(art. 784 CGI).
Dans le même ordre d’idées, on peut envisager un montage dans lequel les titres sociaux sont
démembrés avant d’être donnés: les parents transfèrent aux enfants la nue-propriété des parts
sociales, mais en conservent l’usufruit.
35
Le montant des droits de mutation à titre gratuit est ainsi réduit, car ne
s’appliquant qu’à la valeur de la nue-propriété des titres. En outre, le
donateur-usufruitier peut pour sa part jouir des parts jusqu’à son décès.
Un autre montage est proche: les parents vont apporter en nue-propriété les immeubles
dont ils sont propriétaires à une SCI. L’usufruit qu’ils se sont réservés leur garantit la perception
de loyers ou l’usage de l’immeuble, en tant que résidence principale ou secondaire. Puis, par
donation-partage, ils répartissent les parts sociales entre leurs enfants, qui deviennent associés de
la SCI. Avec ce montage, on le voit, la SCI n’est que l’enveloppe d’une nue-propriété, destinée,
au décès des parents, à se muer en pleine propriété. L’économie fiscale est certaine, dans la
mesure où les droits de donation sont calculés sur la valeur des parts sociales, laquelle dépend de
l’actif net de la société. Or, la SCI n’ayant à son actif que la seule nue-propriété de l’immeuble, la
valeur des parts est déterminée en fonction de la valeur économique de celle-ci.
Ainsi, le recours direct à la technique sociétaire à la place d’une donation directe de la nuepropriété de l’immeuble permet d’éviter l’application du barème fiscal applicable en
matière de droits de mutation à titre gratuit.
Barème fiscal qui n’est guère avantageux dans la mesure où il surévalue la valeur de la nuepropriété par rapport à la valeur économique réelle.
Au décès des usufruitiers, la pleine propriété des parts se voit reconstituée sur la tête de la SCI
sans suppléments de droits. En outre, le montage évite toute indivision entre les donataires, ce qui
se serait passé s’il y avait eu donation directe de la nue-propriété aux enfants.
Même si l’Administration fiscale a cru pouvoir discerner un abus de droit à travers ce montage,
la jurisprudence des juges du fond et de la Cour de cassation l’a validé, estimant précisément que
ce montage place le bien dans un cadre juridique précis et organisé, en évitant les inconvénients
résultant des aléas de l’indivision.
Mais le recours à la SCI peut aussi permettre d’avantager une personne du
cercle familial, ou à laquelle on porte un intérêt particulier.
Par exemple un des époux.
Le recours à la SCI va ici permettre d’associer deux objectifs: permettre le maintien dans les
lieux de l’époux, ou le mettre à l’abri des conséquences de l’activité à risques de son époux.
Permettre le maintien dans les lieux tout d’abord.
Le régime matrimonial légal, sans donation entre époux, ou de séparation de biens, peut imposer
à l’un des conjoints de quitter le domicile appartenant à l’autre époux en propre, en cas de rupture
pour quelque cause que ce soit du mariage, mais aussi en cas de mésentente avec les héritiers du
conjoint décédé. L’achat de ce bien en SCI, ou l’apport de ce bien à une SCI en cas de possession
avant le mariage permettra de pallier à cet inconvénient. Le conjoint sera associé, ce qui lui
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permettra d’être majoritaire, situation idéale, ou de racheter tout ou partie des parts pour le
devenir.
Mettre le bien à l’abri d’une activité à risques.
Dans le cadre d’une activité à risques de l’un des époux, les époux vont opter pour un régime de
séparation de biens afin de protéger le patrimoine familial. L’achat d’un immeuble en SCI va
permettre de constituer un patrimoine commun sur un bien particulier. En outre, la répartition
inégale des parts, en attribuant le plus grand nombre de parts sociales à l’époux qui n’exerce pas
l’activité à risques, évitera aux époux de retomber dans la situation que la séparation de biens
voulait éviter. De plus, et comme on le sait, la saisie des parts sociales par les créanciers de
l’époux exerçant l’activité à risque se révèlera plus lourde, et surtout beaucoup plus aléatoire que
la saisie de l’immeuble lui-même si l’époux qui exerce l’activité est minoritaire au sein de la SCI.
Enfin, dans le contexte familial, indiquons l’utilité du recours à la SCI en
présence d’un concubinage. Comme on le sait, la loi ne fixe aucun régime particulier quant
à la situation des biens meubles ou immeubles que les concubins sont susceptibles d’acquérir
pendant leur vie commune.
Si les concubins achètent un immeuble destiné à leur habitation commune, et sauf dispositions
particulières dans l’acte d’achat, cet immeuble sera réputé acquis par moitié, dans le cadre d’une
indivision avec les inconvénients associés à ce régime. La difficulté de cette situation juridique
peut surgir en cas de rupture du concubinage, où le règlement de comptes entre concubins pourra
poser problème, ou en cas de décès de l’un des concubins. Les relations du survivant pourront
être difficiles avec la famille du concubin décédé, voire avec d’éventuels enfants.
Le recours à la SCI sera judicieux, dans la mesure où il réduira grandement les difficultés de
partage ou de gestion du bien après la rupture. En cas de décès du concubin, la SCI mettra le
concubin survivant à l’abri d’une éviction du bien immobilier par les héritiers du concubin
prédécédé. En effet, l’apport de la résidence principale à une SCI verra les concubins organiser
selon leurs désirs la jouissance de leur logement. Le concubin survivant pourra notamment
occuper librement le logement, et fixer tout aussi librement le loyer dû. Et s’ils ne souhaitent pas
poursuivre la société avec d’autres personnes, les statuts pourront contenir une clause de
continuation excluant les héritiers. Dans ce cas, ces derniers se verront rembourser la valeur des
droits sociaux de leur auteur.
Mais le choix de la SCI peut aussi s’opérer dans le domaine de l’activité
professionnelle. Bien souvent, comme on l’a vu, lorsqu’une société va être créée, deux
structures sociétaires vont être mises en place. L’immeuble devant abriter l’exploitation de la
société va être logé dans une SCI, tandis que les actifs professionnels sont quant à eux confiés à
une société d’exploitation ( Sarl, SA etc….). Généralement on retrouve dans les mêmes structures
les mêmes associés et les mêmes dirigeants. La SCI va jouer le rôle de bailleur, les locaux étant
loués à la société d’exploitation. Lorsqu’ils sont correctement calculés, les loyers doivent
permettre de couvrir les annuités de remboursement de l’emprunt contracté par la SCI pour
acquérir l’immeuble.
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Ce montage présente de multiples avantages.
En effet, les loyers seront versés par la société d’exploitation à la SCI, qui ainsi se sera constituée
un patrimoine immobilier financé par la société d’exploitation. Une fois l’emprunt remboursé, les
loyers fourniront les résultats de la SCI, qui les redistribuera sous forme de bénéfices aux
associés. Dans le même temps, la société d’exploitation déduire en charges les loyers ainsi versés,
et diminuera ainsi l’assiette de l’impôt. L’immeuble, enfin, se verra soustrait à l’action des
créanciers de la société d’exploitation dans le cas où celle-ci viendrait à rencontrer des difficultés.
Cependant, n’est-il pas à craindre qu’en cas de procédure collective ouverte à l’encontre de la
société d’exploitation, les créanciers ne cherchent à solliciter une extension de la procédure
collective à la SCI en arguant de sa fictivité ou d’une confusion des patrimoines?
Tout dépend des circonstances, et notamment de la prudence avec laquelle auront agi les
associés des deux sociétés.
Si, par recherche excessive de profits ou imprudence, les associés ont fixé des loyers exorbitants,
ou si le bail a prévu que la société d’exploitation prenne à sa charge tous les travaux réalisés sur
l’immeuble, y compris des travaux de rénovation et d’aménagement, devant revenir en fin de bail
à la SCI sans aucun dédommagement, la sanction menace en cas de procédure collective frappant
la société d’exploitation.
En revanche, si les associés ont joué le jeu juridique mais aussi financier, en évitant tous
mouvements de fonds douteux, ou toute fantaisie comptable dans l’inscription des recettes et des
dépenses, le montage paraît à l’abri. En effet, la Cour de cassation entend ne pas sanctionner en
elle-même la dissociation entre l’immeuble et son exploitation. De même qu’elle ne condamne
pas le fait que les associés des deux sociétés soient les mêmes, ou que la SCI se trouve dans la
dépendance financière de la société d’exploitation, puisque n’ayant d’autres ressources que les
loyers qu’elle perçoit de celle-ci.
B.- Quant choisir une société commerciale?
Le choix d’une société commerciale peut se justifier pour plusieurs raisons.
1°) Choisir une société sans personnalité morale: la société en participation
La société en participation est une société créée en connaissance de cause par des partenaires,
mais qui n’est pas immatriculée.
Selon l’image parlante d’auteurs, la société en participation est à la société immatriculée ce que
le concubinage est au mariage, avec ses deux variantes: la société en participation peut ainsi
être occulte, non révélée aux tiers, mais aussi ostensible.
N’étant pas immatriculée, la société en participation ne possède aucun des attributs attachés à la
personnalité juridique: pas de patrimoine propre, pas de siège social, pas de nationalité, pas de
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responsabilité pénale, ne souscrit aucun engagement personnel, ne peut exercer une action en
justice…..En réalité, les apports en numéraire seront réunis dans le patrimoine d’une seule
personne. Si des biens sont mis à disposition de la société, les apporteurs en restent propriétaires.
a) Les avantages de la société en participation sont évidents: simplicité,
discrétion, souplesse. Son utilité principale est de permettre que soient de manière occulte
apportés des capitaux à un gérant qui, dans les rapports avec les tiers, paraîtra agir seul,
mais, dans ses rapports avec les apporteurs, leur rendra compte comme à des associés et
partagera avec eux les bénéfices et les pertes. Mais la société en participation présente
également le grand avantage de relever de la liberté contractuelle, qui gouverne son
fonctionnement. Les associés peuvent librement organiser le fonctionnement de la société,
à défaut de quoi seront appliquées les règles de la société civile, si l’activité est civile, ou
de la SNC, si l’activité est commerciale.
b) La société en participation est utilisée dans différents contextes.
Tout d’abord dans le cadre de la coopération interentreprises.
La société en participation unira des personnes physiques ou des personnes morales qui pourront
ainsi structurer leur collaboration, dans le cadre par exemple d’un accord de filiale commune.
Par exemple dans les fournitures d’usines clés en main, la coproduction cinématographique ou la
coédition d’un ouvrage: deux ou plusieurs personnes financent la réalisation d’un film ou
l’édition d’un ouvrage, et se partageront les bénéfices et les pertes résultant de l’exploitation.
Dans le même ordre d’idées, la société en participation permettra la gestion en commun de droits
sociaux, et jouera alors le rôle d’une société holding.
Mais la société en participation peut aussi fournir un outil adéquat pour l’exécution d’un pacte
d’actionnaires.
La société en participation peut aussi être utilisée en vue de stabiliser une indivision composée
d’équipements lourds acquis par des entreprises en vue d’une utilisation commune. Elle
s’apparentera alors grandement à une forme d’indivision conventionnelle. En effet, plutôt que de
constituer une société immatriculée ayant pour objet social l’exploitation de ces équipements, les
entreprises partenaires chercheront à lutter contre la précarité de l’indivision légale en concluant
une indivision conventionnelle ou en constituant une société en participation.
La société en participation, ensuite, connaît des utilisations dans le contexte des opérations de
« portage ».
La société en participation unit alors le donneur d’ordre et le porteur: le donneur d’ordre apporte
à la société en participation les titres, et le porteur assure la qualité de gérant en apparaissant à
l’égard des tiers comme le seul propriétaire des titres. Les décisions relatives à la gestion des
titres seront prises en commun par les deux associés de la société en participation.
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La société en participation, dans un domaine voisin, pourra résulter d’une « convention de
croupier », que nous allons retrouver un peu plus loin.
Enfin, cette sorte de société est utilisée dans le contexte des opérations « à risque ».
Ainsi lorsque plusieurs établissements financiers s’associent pour financer une opération
particulièrement importante, ils créeront une société en participation, à travers ce que l’on nomme
un « pool bancaire ».
c) Le régime de la société en participation
Faute de personnalité morale, la société en participation
n’est pas opposable aux tiers.
Le principe est ainsi que chaque associé contracte en son nom personnel et se voit seul engagé à
l’égard des tiers. La règle vaut également pour le gérant qui, à la différence de ce qui se passe
habituellement, n’engagera pas la société lorsqu’il agit: il est réputé agir en nom propre et
n’engager que lui-même. Les créanciers, lorsqu’un acte a été passé par le gérant, ne peuvent donc
pas réclamer paiement aux autres associés, et ce quand bien même le gérant aurait révélé leur
identité sans leur accord aux créanciers.
Cependant, si les associés d’une société en participation, lorsqu’ils n’ont pas participé
personnellement à un acte, ne sont jamais obligés aux dettes sociales en raison de leur qualité,
alors même qu’elle a été révélée aux tiers sans leur consentement, ils peuvent néanmoins être
engagés à l’égard des tiers en raison de leur comportement.
Tel sera le cas tout d’abord le cas lorsque les participants agissent en qualité d’associés au vu et
au su des tiers. Si cette preuve est rapportée, chacun des participants sera tenu à l’égard des
créanciers, des actes accomplis par les autres. Avec solidarité si la société est commerciale, et
sans solidarité si l’objet de l’activité est civil.
Tel sera ensuite le cas si l’un des participants, par son immixtion dans l’opération, a laissé croire
au cocontractant qu’il entendait s’engager à son égard.
La jurisprudence se montre très exigeante quant à la preuve qui doit être rapportée par les tiers.
Le régime fiscal de la société en participation se caractérise par son extrême
flexibilité, les participants disposant d’une grande latitude pour modeler le régime d’imposition
des bénéfices réalisés par le groupement:
Tout d’abord, ils pourront choisir pour le régime fiscal des sociétés de personnes: le résultat
sera calculé au niveau de la société, mais imposé directement entre les mains des associés au titre
de l’impôt sur le revenu, proportionnellement à leurs droits dans le groupement. Cependant, pour
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qu’il en aille ainsi, les associés doivent être indéfiniment responsables, et leur nom et adresse
doivent avoir été communiqués à l’Administration.
Ensuite, la société en participation, comme toute société de personnes, peut choisir
de relever de l’impôt sur les sociétés. Simplement, puisque la société n’a pas de
personnalité morale, la qualité de contribuable ne peut lui être reconnue. Par conséquent, l’impôt
sera établi au nom du gérant connu des tiers. Ce dernier pourra ensuite réclamer à chacun la part
qui lui incombe dans la dette.
Enfin, troisième possibilité, même à défaut d’option, l’IS s’appliquera obligatoirement à la
part des bénéfices correspondant aux droits des associés autres que ceux indéfiniment
responsables, ou dont les noms et adresses n’ont pas été indiqués à l’Administration.
A noter que lorsque les participants ont opté pour la transparence fiscale, ils pourront faire
remonter les pertes de la société sur leurs revenus personnels.
2°) Choisir une société avec personnalité morale
Pourquoi créer une société de capitaux ?
a) Pourquoi créer une société anonyme? (SA)
Les caractéristiques actuelles de la SA constituent un facteur déterminant du choix de cette forme
sociale.
Le choix de cette forme sociétaire convient aux grandes entreprises,
qui sont à la recherche de capitaux.
Cette forme sociale permet en effet d’offrir au public des titres financiers facilement négociables,
dès lors qu’ils sont admis aux négociations sur un marché. A cette fin, un capital social minimum
de 37000 euros a été institué pour toutes les SA, et ce dans l’objectif de faciliter, pour toutes les
SA, l’offre au public de titres financiers. Cependant, les formalités constitutives et les mesures de
publicité sont plus lourdes lorsque la SA offre au public des titres financiers. C’est pourquoi il
arrive le plus souvent que la SA se constitue à l’origine sans offre de titres financiers au public,
cette offre n’intervenant qu’ultérieurement, en cours de vie sociale.
La SA ne convient que moyennement aux PME, où elle est en concurrence
avec la Sarl et la SAS, laquelle a bénéficié ces dernières années
d’aménagements, la rapprochant de la Sarl, mais tout enn la laissant
demeurer une société par actions.
La SA présente traditionnellement des avantages, surtout liés au fait que l’évolution de la
législation s’est faite dans le sens d’une plus grande liberté, d’une plus grande simplicité, et d’une
plus grande souplesse: par exemple, simplification de la constitution et de l’augmentation de
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capital social, choix de la formule classique avec conseil d’administration, ou de la formule
moderne avec directoire et conseil de surveillance. Mais aussi possibilité de dissociation entre la
fonction de Président du conseil d’administration et celle de Directeur général.
D’autres avantages peuvent encore être cites: tout d’abord, l’aptitude des personnes morales à
être membres du Conseil d’administration, ou du Conseil de surveillance.
Ensuite, l’amélioration par le législateur de la situation des associés minoritaires, et du contrôle
des dirigeants par les associés, la facilitation du rachat de la société par ses associés, et enfin, la
représentation au Conseil d’administration et au Conseil de surveillance des salariés actionnaires.
c) Pourquoi créer une société par actions simplifiée (SAS)?
La société par actions simplifiée est une société par actions, comme la SA, mais qui s’en sépare
par la liberté laissée aux fondateurs d’en organiser le fonctionnement, ainsi que, par la simplicité
de son régime juridique, qui lui permet de se montrer adaptée dans toute une série de contextes et
d’opérations.
A l’origine, lors de sa création en 1994, la SAS a été conçue comme une société
de sociétés, c’est-à-dire comme un outil devant servir de structures
d’association, de regroupement entre entreprises, et devant permettre une
gestion libre de filiales communes.
En effet, la SAS offre la possibilité d’aménager librement, sous réserve du respect de quelques
dispositions impératives, l’organisation et le fonctionnement de l’administration et de la
direction. Elle permet également un contrôle de l’actionnariat par la faculté qui lui est ouverte
d’insérer directement dans ses statuts des clauses d’inaliénabilité ou d’agrément (y compris dans
les rapports entre associés) et d’exclusion.
Cette plasticité de la SAS est particulièrement appréciée lorsque les partenaires ne sont pas de
même poids, ce qui ne permet pas a priori une gestion paritaire de la filiale. Grâce à la
dissociation capital-pouvoir, qui permet d’écarter ici la règle de proportionnalité du droit de vote
au capital détenu, il sera possible de rééquilibrer les pouvoirs entre les deux partenaires, par
exemple en prévoyant un droit de vote multiple au profit du partenaire minoritaire.
La SAS est un outil également intéressant dans le contexte des
entreprises innovantes.
Elle permet en effet à celui qui souhaite ouvrir largement le capital de son entreprise, afin d’en
assurer le développement, de render la structure attractive, sans toutefois en perdre le contrôle, et
de pouvoir à cette fin négocier librement les modalités de direction et de fonctionnement de la
société.
La SAS est ainsi souvent utilisée par les start-up dans leur phase de démarrage, notamment pour
assouplir leur fonctionnement, tout en équilibrant les droits des fondateurs et des investisseurs.
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En outre, comme a été assoupli en 2001 le régime de la transformation d’une SAS en une société
d’une autre forme, la start-up en pleine croissance pourra de manière simple se transformer en
SA, ce qui lui permettra d’offrir au public des titres financiers.
Ensuite, la SAS s’avère tout-à-fait adaptée dans le contexte de la transmission
d’entreprise : là encore, la dissociation capital-pouvoir va permettre au chef d’entreprise de
transmettre le capital à ses héritiers, tout en conservant le pouvoir. Ainsi, la SAS offre au chef
d’entreprise la possibilité de désigner son successeur, indépendamment de la répartition du
capital. En outre, puisque ne sont pas applicables les règles de la SA, relatives au statut des
dirigeants et administrateurs, il est possible de stipuler l’irrévocabilité du président, une
présidence à vie, voire héréditaire, avec son successeur statutairement désigné dans la SAS
holding familiale.
Enfin, il peut être observé que la SAS est appropriée lorsque des
investisseurs en capital-risque veulent s’associer avec des
entrepreneurs : sera ainsi constituée une SAS holding qui offrira aux investisseurs un droit
de veto sur toute décision stratégique, et leur donnera le pouvoir de décision sur certains points,
comme la distribution de bénéfices. Des possibilités de vote différencié selon le type de décision
pourront également être mises en place. Sans parler de la défense anti-OPA que permet la SAS,
grâce au verrouillage du capital qu’elle offre.
La SAS peut être constituée d’un seul associé, et devenir ainsi une SASU, qui
présente de nombreux avantages.
Tout d’abord, l’interdiction faite à l’Eurl d’être l’associé unique d’une autre Eurl n’existe
pas pour la SASU, ce qui permet d’utiliser en cascade ce type de société. En outre, la sociétémère de la SASU peut déléguer la direction de la filiale à un dirigeant, cadre du groupe, tout en
renforçant les procédures de contrôle, ce qui est un avantage par rapport à l’Eurl. La SASU a
ainsi été imaginée pour servir de cadre à la filiale exclusive, détenue à 100% par la mère, et, de la
sorte, à l’organisation du groupe de sociétés.
Ensuite, la SASU offre également une alternative à l’entreprise individuelle, et ceci pour
plusieurs raisons, qui la rendent plus attractive que l’Eurl : par exemple, le droit pour le
conjoint commun en biens de revendiquer la qualité d’associé ne s’applique pas à la SASU, dont
les titres sont négociables.
De plus, alors que dans l’Eurl où l’associé unique est une personne morale, une personne
physique doit être nommée gérante, le président de la SASU peut être une personne morale. Cela
permet ainsi dans la SASU le cumul de la qualité d’associé unique et de président pour une
personne morale. Ensuite, le régime fiscal et social des rémunérations d’une personne physique
présidente de la SASU est identique à celui du président de la SA, et s’avère plus intéressant que
le régime applicable à l’associé unique gérant une Eurl. Le régime fiscal de la transmission
d’actions est plus avantageux que celui applicable aux parts d’Eurl. Ajoutons enfin que la loi
LME du 4 août 2008 a encore renforcé l’attractivité de la SASU pour les entrepreneurs
individuels, en rapprochant son régime juridique de celui de l’Eurl : possibilité d’un capital
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librement déterminé par l’associé unique, possibilité de recevoir des actions en contrepartie d’un
apport en industrie, possibilité de fonctionner sans contrôle légal au-dessous d’un certain seuil.
c) Pourquoi créer une société à responsabilité limitée?
La Sarl est une forme hybride de société, qui s’apparente à la fois aux sociétés
de personnes et aux sociétés de capitaux, du fait de ses caractéristiques essentielles: bien
que la Sarl soit toujours commerciale, ses associés ne sont pas commerçants, et leur
responsabilité se voit sauf exceptions limitée au montant de leurs apports. Les évènements
pouvant les affecter (décès, faillite, incapacité), n’entraîne pas la dissolution de la société. D’un
autre côté, le capital social est divisé en parts sociales non négociables.
Ce schéma originel est aujourd’hui encore valable. Par certaines réformes, en France, la Sarl s’est
rapprochée des sociétés de personnes (généralisation des apports en industrie, pas de capital
social minimum), ce qui oriente les Sarl vers les très petites entreprises. Mais, par d’autres
réformes, le droit de la Sarl s’est enrichi de dispositions inspirées du droit des sociétés par
actions, par exemple l’émission d’obligations, ou un formalisme plus accentué des règles
relatives à la constitution des Sarl, ce qui permet à des entreprises plus importantes d’adopter
cette forme sociale.
Comparée à la SA, la Sarl présente des avantages non négligeables, par exemple le fait de
pouvoir être unipersonnelle. Cependant, la Sarl est marquée par un intuitus personae, propre à
assurer une bonne protection des intérêts familiaux : procédure d’agrément en cas de cession des
titres sociaux à un tiers étranger, et possibilité de l’instaurer en cas de transfert des titres suite à
une dévolution successorale ou liquidation de communauté conjugale, limitation à 100 du nombre
des associés.
La Sarl a un mode de gestion plus souple que celui de la SA, et qui est mieux adapté aux besoins
des PME à caractère familial : direction de la Sarl par un ou plusieurs gérants nécessairement
personnes physiques. Les associés non gérants, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires, peuvent
en outre bénéficier d’un contrat de travail salarié avec la société dès sa constitution, pourvu que
ce trvail corresponde à une fonction effective, nettement distincte de celle de la gérance, et que
l’associé salarié ne s’immisce à aucun moment dans la gestion de la société.
En revanche, le gérant associé n’est admis à cumuler ses fonctions avec un contrat de travail
qu’en cas de gérance minoritaire ou égalitaire. Autre avantage par rapport à la SA, le régime des
décisions collectives est sensiblement moins lourd que dans la SA. Enfin, la Sarl, normalement
passible de l’impôt sur les sociétés, peut dans le contexte des sociétés de famille opter sous
certaines conditions pour le régime fiscal des sociétés de personnes.
On l’aura compris, la Sarl est une forme sociale très adaptée aux PME, du fait que nombre de ses
règles permettent de prendre en considération les intérêts patrimoniaux ou familiaux de ses
associés dirigeants. La mise en Sarl d’une PME à caractère familial semble notamment s’imposer
en présence d’un ou plusieurs futurs associés ne pouvant ou ne voulant pas prendre la qualité de
commerçant. Mais aussi en présence d’un entrepreneur individuel entendant préparer et faciliter
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la transmission de son entreprise, tout en lui conservant un caractère familial. Mais aussi pour
démarrer une activité sociale avec un capital social minimum, et dont on peut prévoir qu’elle ne
nécessitera pas un besoin de financement par apport de capitaux extérieurs à court ou moyen
terme. Enfin, la forme de la Sarl conviendra en présence d’une entreprise en pleine croissance, et
pratiquant une politique d’autofinancement importante.
Comme on le sait, la Sarl peut être unipersonnelle, et prend alors le nom
d’Eurl ou de Sarl à associé unique.
On lui applique les règles relatives aux Sarl pluripersonnelles, sauf dérogations imposées par la
présence d’un associé unique. En créant l’Eurl en 1985, le législateur a poursuivi 4 objectifs:
limiter la responsabilité de l’entrepreneur, assurer une meilleure gestion des entreprises
artisanales et commerciales, faciliter les cessions et transmissions d’entreprises, et enfin diminuer
le recours aux sociétés fictives.
L’Eurl présente des avantages et des inconvénients.
Parmi les avantages figurent la limitation de responsabilité de l’associé unique, la possibilité, en
cas de décès de l’entrepreneur, d’organiser librement la répartition des parts sociales entre les
seuls héritiers et d’éviter l’indivision successorale, tout en permettant la continuité de
l’exploitation. D’autres avantages résultent de la possibilité dans ce cadre d’augmenter les fonds
propres par augmentation du capital social, mais aussi de la facilité du passage de l’Eurl à la
société pluripersonnelle. Enfin, l’amélioration de la gestion comptable et financière de
l’entreprise, imposée par le principe du respect de la séparation des patrimoines.
Mais l’Eurl présente aussi des inconvénients, qui peuvent rendre plus attractive
la SASU, et dont il a été déjà été parlé plus haut. De plus, mais cela vaut aussi pour la SASU, la
limitation de responsabilité peut s’avérer totalement illusoire, les créanciers souhaitant obtenir la
garantie personnelle de l’associé unique. En outre, les règles applicables au fonctionnement de
l’Eurl sont plus contraignantes que celles relatives à l’entreprise individuelle: tenue d’un registre
des décisions, dépôt des comptes annuels au RCS. Mais peut être également mentionné
l’impossibilité pour l’associé unique de bénéficier du régime social des salariés, l’Eurl étant sur
ce point assimilée à l’entreprise individuelle. Il en va d’ailleurs de même en matière fiscale, sauf
lorsque l’Eurl a opté pour l’impôt sur les sociétés. Enfin, en cas de dissolution de l’Eurl, l’associé
unique, personne morale, reçoit le patrimoine de la société, sans possibilité d’effectuer une
liquidation, ce qui l’expose au risque de prendre en charge l’excédent de passif.
d)Pourquoi créer une société à forme coopérative?
Les sociétés coopératives correspondent à un type d’organisation économique répandu dans le
monde entier selon des principes identiques. Le BIT en a donné la définition suivante : « Une
association de personnes qui se sont volontairement groupées pour atteindre un but
commun par la constitution d’une entreprise dirigée démocratiquement, en fournissant une
quote-part du capital nécessaire et en acceptant une juste participation aux risques et aux
fruits de cette entreprise au fonctionnement de laquelle les membres participent
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activement ». Ainsi, les coopératives sont caractérisées par la qualité des personnes qui se lient
entre elles dans un double engagement de sociétariat et d’activité, en vue de profiter des résultats
de l’action commune au prorata de leur engagement d’activité.
La loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 modifiée, qui porte statut de la coopération en droit
français, a défini les coopératives comme des sociétés qui exercent leur activité dans toutes les
branches de l’activité humaine.
Son article 1er prévoit que « les coopératives sont des sociétés dont les objets essentiels sont : 1°)
de réduire, au bénéfice de leurs membres et par l’effort commun de ceux-ci, le prix de revient et,
le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services, en assumant les
fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient ;
2°) d’améliorer la qualité marchande des produits fournis à leurs membres ou de ceux produits
par ces derniers et livrés aux consommateurs ; 3°) et plus généralement de contribuer à la
satisfaction des besoins et à la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres
ainsi qu’à leur formation ».
Les sociétés coopératives représentent incontestablement une
technique d’organisation d’un partenariat: le principe est, dans la société
coopérative, que les adhérents cumulent un double statut: d’un côté ils sont des associés ayant
participé à la constitution du capital social et, d’autre part, ils sont des coopérateurs, c’est-à-dire
des fournisseurs ou clients, se trouvant à travers un contrat de coopération soumis à un
engagement d’activité envers la personne morale.
En outre, le statut coopératif se caractérise d’abord et avant tout par l’originalité de la
relation qui unit les associés.
La société coopérative se fonde sur une expérience commune entre les coopérateurs et,
corrélativement sur un principe d’égalité, souvent exprimé dans la formule « un homme, une
voix ».
Cette égalité, reflet d’un affectio societatis accentué, constitue un atout stratégique en ce qu’elle
homogénéise les situations entre associés coopérateurs et évite ainsi certains conflits d’intérêts
qui découleraient d’une disparité trop grande au niveau du capital social détenu.
Ainsi, la règle de la répartition des excédents au prorata des opérations effectuées avec chacun
des associés ou du travail fourni par lui peut apparaître comme un mode de rémunération plus
juste que celui résultant de la fraction des sommes apportées à la société.
Comme on l’a dit, le principe est, dans la société coopérative, que les adhérents cumulent un
double statut : d’un côté, ils sont des associés ayant participé à la constitution du capital social et,
d’autre part ils sont des coopérateurs, c’est-à-dire des fournisseurs ou des clients, se trouvant
soumis à un engagement d’activité envers la personne morale.
Cependant, la coopérative peut accueillir des coopérateurs non associés, en ce sens que des tiers
non sociétaires, dans certains types de coopératives, pourront accéder aux prestations fournies par
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la coopérative, ceci jusqu’à hauteur d’une certaine hauteur du chiffre d’affaires. Ces tiers auront
ensuite la faculté de devenir associés. En sens inverse, le droit applicable aux coopératives admet
depuis 1992 que des coopératives puissent admettre comme associés, dans les conditions fixées
par les statuts, des personnes physiques ou morales qui n’ont pas vocation à recourir à leurs
services, ou dont elles n’utilisent pas le travail, mais qui entendent contribuer par l’apport de
capitaux à la réalisation des objectifs de la coopérative.
Les avantages reconnus aux coopératives résident dans la possibilité de gérer les exclusions
d’associés, dans la mise à l’écart du formalisme lié aux conventions réglementées, dans
l’homogénéité des situations entre associés coopérateurs, qui facilite la gouvernance en évitant
certains conflits d’intérêts qui proviendraient d’une disparité découlant du volume de capital
détenu.
Peuvent être également ajoutés la variabilité du capital social, l’expérience commune partagée
des coopérateurs, la faculté de fixer un plafond en cas de rémunération proportionnelle des
dirigeants.
Cette forme sociétaire connaît une grande faveur auprès des autorités tant
nationales que communautaires. Récemment, la loi du 31 juillet 2014 relative à
l’Economie Sociale et Solidaire a voulu créer un « choc coopératif ». A ce titre, la loi nouvelle a
prévu de remettre les principes coopératifs au cœur de la gouvernance des coopératives.
Désormais, pour toutes les coopératives, est organisé un contrôle par un réviseur indépendant du
respect des principes coopératifs. En cas de constatation d’un dysfonctionnement, des sanctions
pourront être prises, pouvant aller jusqu’au retrait de l’agrément de la coopérative. Par ailleurs, la
loi nouvelle a modernisé le régime des SCIC, dont il sera parlé plus loin, afin de favoriser le
développement de projets économiques locaux, notamment dans le domaine agricole, culturel,
médico-social ou médical. Projets associant différentes catégories d’acteurs, y compris les
producteurs de biens et de services non-salariés de la coopérative, mais aussi les collectivités
locales, pouvant désormais détenir jusqu’à 50% du capital social de la SCIC.
IV.- Pourquoi créer un GIE ?
Le Groupement d’intérêt Economique ( GIE ), a été instauré par une ordonnance du 23
septembre 1967. Doté de la personnalité juridique, le GIE n’est ni une société, ni une association.
Il est présenté comme un cadre juridique intermédiaire entre la société et
l’association. C’est un instrument de collaboration entre des entreprises préexistantes, plus
simple que la société et plus efficace que l’association, qui au surplus voit sa capacité juridique
limitée. Le GIE permet également une solution alternative à la constitution par les entreprises
voulant collaborer d’une filiale commune, qu’elles ne souhaitent pas constituer, car susceptible
de susciter des questions d’équilibre des pouvoirs, et qui reste avant tout tournée vers la
recherche et le partage de bénéfices.
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Néanmoins, le GIE est pour l’essentiel soumis aux mêmes règles que la
société. La différence essentielle entre les deux types de groupements, outre le fait que le GIE
peut être constitué sans capital social, réside dans le caractère auxiliaire du GIE. Ainsi que
l’exprime en effet l’article L. 251-1 du Code de commerce, « le but du groupement est de faciliter
ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats
de cette activité; il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même. Son activité doit se
rattacher à l’activité économique de ses membres, et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par
rapport à celle-ci ».
En un mot, l’objet du GIE est moins de faire des bénéfices que d’en faire faire à ses membres. Ce
caractère auxiliaire du GIE s’exprime à travers son régime fiscal: les GIE relèvent de la catégorie
des sociétés de personnes, ce qui n’est pas étonnant tant le régime juridique des GIE, à certains
égards, rappelle celui des sociétés de personnes. Cela signifie que les GIE calculent leur propre
résultat, mais ne sont pas considérés comme des contribuables. Chaque membre du GIE est ainsi
passible, pour la part de bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l’impôt
sur le revenu, soit de l’IS s’il s’agit d’une personne morale relevant de cet impôt.
Le recours à un GIE présente des avantages et des inconvénients.
Au titre des avantages, peut être citée principalement la souplesse du régime juridique du GIE,
ses fondateurs disposant d’une très grande liberté dans son organisation et son fonctionnement.
Mais aussi le fait que l’objet du GIE peut être civil ou commercial, ses membres pouvant être
civils ou commerçants. Ces divers avantages, joints au fait que le régime fiscal du GIE, dont il
vient d’être question, s’avère globalement favorable, expliquent le succès grandissant des GIE.
Parmi les 16.493 GIE existant en France, peuvent être cités le PMU, créé en 1983 par les sociétés
de course, qui sont des associations, ou bien la Carte bancaire, créé en 1984 et rassemblant plus
de 200 institutions financières et établissements de crédit implantés en France. GIE qui gère un
système interbancaire unique de paiement et de retrait par carte. Mais la forme du GIE est
également utilisée dans le contexte de PME souhaitant s’associer dans le but de se développer à
l’exportation, et de se livrer dans ce cas à des actes de prospection sur des marchés étrangers. Des
salariés du groupement, connaissant parfaitement chaque entreprise membre et ses productions,
seront envoyés à l’étranger. Le groupement bénéficiera de conditions préférentielles en matière
d’assurance prospection, très adaptées à cette situation de démarrage dans l’exportation.
Mais le GIE présente aussi des inconvénients, à commencer par une sévère obligation
solidaire et indéfinie de ses membres aux dettes du GIE.
En outre, lorsque le GIE se transforme en société, il y a perte de la personnalité morale, ce qui
d’un point de vue fiscal entraînera une lourde imposition, la transformation étant assimilée à une
cessation d’entreprise. Cependant, la loi n°89-377 du 13 juin 1989 a gommé une partie de ces
inconvénients dans le but de favoriser l’emploi de ce type de groupement. Par exemple, le GIE
peut depuis cette loi être titulaire d’un bail commercial, et a le droit d’émettre des obligations. En
outre, le GIE peut exonérer un nouveau membre des dettes antérieures à son entrée dans le
groupement. De plus, lorsqu’un GIE se transforme en SNC, il n’est pas nécessaire de dissoudre le
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groupement, ni de créer une nouvelle personne morale. Enfin, a été admise la participation de
membres de professions libérales à un GIE. Ceci étant, les sociétés d’exercice libéral (SEL), font
en ce domaine une redoutable concurrence au GIE. De manière plus générale, la SAS, par sa
grande souplesse et la liberté qu’elle confère aux fondateurs, se voit souvent préférée au GIE.
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