lymphocytes B du tissu lymphoïde local sont infectés. La
réplication dans ces cellules est à l’origine de l’excrétion des
virions infectieux. Ce site initial de réplication explique la
richesse de la salive en particules virales infectantes lors de la
primo-infection. Cette infection productive aiguë nécessite
l’expression de la plupart des gènes de l’EBV. L’infection des
lymphocytes B aboutit à la persistance virale : le génome viral,
sous la forme d’un épisome autoréplicatif présent dans le noyau
cellulaire, met en route différents programmes de transcription.
Ces cellules, qui commencent à proliférer, suivent le pro-
gramme de croissance (ou latence de type 3), c’est-à-dire qu’elles
expriment toutes les protéines de latence. Récemment, certaines
protéines du cycle lytique sont apparues comme importantes
pour l’établissement de la persistance virale
[21]
.
La réponse immunitaire de type cellulaire apparaît pour
contrer l’infection. Les cellules natural killer (NK) synthétisent,
entre autres, des médiateurs à activité antivirale comme l’inter-
féron gamma. Les lymphocytes T cytotoxiques sont stimulés en
réponse à certains antigènes de latence, notamment LMP1, et
détruisent les lymphocytes B infectés. Les anticorps contre les
antigènes du cycle productif apparaissent également très tôt lors
de cette primo-infection aiguë mais ne servent sans doute pas à
contrôler l’infection dès ce stade
[22]
.
Le virus a cependant développé des stratégies pour échapper
à ces destructions
[23]
. Il contrecarre les nombreuses cellules T
cytotoxiques anti-EBV en détournant à son profit certaines voies
cellulaires nécessaires à la prolifération et en « piratant » des
gènes cellulaires qu’il insère dans son génome afin de moduler
le système immunitaire. Par exemple, une tactique du virus
consiste à posséder un gène homologue de l’interleukine 10
(IL10) cellulaire qui inhibe l’interféron gamma. Il a été trouvé
un second phénotype de latence, ou latence de type 1, dans
lequel la protéine EBNA1 est exprimée, en l’absence des autres
protéines de latence. La séquence peptidique de l’EBNA1 n’étant
pas reconnue par les défenses immunitaires, les lymphocytes B
contenant le génome EBV ne peuvent pas être détruits par les
cellules T cytotoxiques.
Persistance du virus dans l’organisme
Après la primo-infection, il s’établit un équilibre remarquable
entre la réplication du virus dans l’organisme et l’élimination
des cellules infectées par les défenses immunitaires. Les lym-
phocytes B IgA-positifs seraient les plus riches en génome EBV.
Malgré la présence constante de cellules T cytotoxiques dirigées
contre plusieurs protéines de latence, certaines cellules B
infectées échappent à l’immunité cellulaire et sont protégées
contre l’apoptose par des mécanismes viraux. Certains lympho-
cytes B contenant le génome EBV restreignent considérablement
l’expression des gènes viraux. Les cellules B-mémoires sont
considérées comme le principal site de persistance de l’EBV
[24]
.
Le sujet immunocompétent maintient une délicate balance
entre la prolifération des lymphocytes B infectés de façon
latente et la réponse immunitaire. L’équilibre se rompt en cas
d’altération de cette réponse immunitaire cellulaire. Au cours de
l’immunodépression, les modifications des réponses T cyto-
toxiques laissent libre l’expansion des cellules exprimant le
programme de croissance. Ces dernières, immortalisées, consti-
tuent une cible importante pour des altérations génétiques
secondaires : la cellule ainsi transformée, à croissance non
contrôlée, peut se développer et donner naissance à une
lymphoprolifération et à un lymphome
[15, 22]
.
Réactivation virale
L’infection virale latente des cellules B est remarquablement
stable in vivo. Chez le sujet EBV-positif immunocompétent,
l’EBV est réactivé périodiquement au niveau de l’oropharynx, et
de petites quantités de virus infectieux doivent être produites
régulièrement par des cellules épithéliales ou des lymphocytes B
(tissus lymphoïdes profonds ? sang circulant ?). Cependant, cette
réplication virale n’entraîne pas d’altérations tissulaires suffisan-
tes pour provoquer des signes cliniques. La réponse anticorps,
chez l’immunocompétent, demeure stable au cours de la vie et
n’empêche pas les épisodes de réactivation virale.
Chez le malade immunodéprimé, après transplantation ou au
cours du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), cette
réactivation, plus abondante en quantité de virions, survient
plus fréquemment. On voit ainsi que l’immunodéprimé subit à
la fois une réactivation virale (production augmentée de virions)
et une prolifération lymphocytaire B (cellules infectées non
contrôlées par la réponse immunitaire). Ces deux phénomènes
peuvent évoluer en synergie.
■Épidémiologie
Le virus dans le monde
Les études de séroprévalence (détection des anticorps anti-
viral capsid antigen [VCA]) montrent que le virus infecte au
moins 95 % de la population mondiale. Si aucune région ni
aucun pays ne sont épargnés, l’âge moyen auquel survient la
primo-infection varie selon les conditions socioéconomiques. En
effet, dans les pays en voie de développement, presque tous les
enfants ont rencontré le virus très précocement, entre 1 et
4 ans. Au contraire, dans les classes privilégiées à bon niveau
d’hygiène des pays industrialisés, moins de la moitié des enfants
entre 5 et 10 ans ont des anticorps : l’infection primaire ne
survient souvent qu’au moment de l’adolescence ou chez le
jeune adulte. La primo-infection au cours de la petite enfance
est le plus souvent asymptomatique. Mais plus l’enfant rencon-
tre tardivement le virus, plus il risque de développer les signes
cliniques caractérisant la mononucléose infectieuse (MNI).
L’infection d’un individu sain en Amérique du Nord et en
Europe relève en général du seul sous-type 1 mais lors de la
primo-infection, probablement plusieurs variants peuvent être
transmis en même temps ou successivement. Toute la vie
durant, ces différents variants persistent de manière plus ou
moins dominante les uns par rapport aux autres dans le sang et
la salive. La surinfection par un autre variant est possible mais
semble le plus souvent asymptomatique. L’analyse par polyme-
rase chain reaction (PCR) du sang circulant ou de la salive a
montré que seuls5%à8%despersonnes étaient infectés par
le virus Epstein-Barr-2 (EBV-2) dans les pays occidentaux. En
Afrique, et surtout dans les zones de lymphome de Burkitt
endémique, plus de 20 % de la population saine sont porteurs
d’EBV-2. Les situations d’immunodépression et notamment
l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) se
caractérisent souvent par une augmentation de la prévalence de
l’EBV-2 et par la fréquence des co-infections EBV-1/EBV-2
[25]
.
Actuellement, il n’est pas définitivement établi que des
variants au niveau des gènes de latence ou des gènes du cycle
lytique soient associés à une pathogénicité particulière. Le plus
souvent, la mise en évidence d’un variant particulier dans une
tumeur associée à l’EBV semble en fait correspondre au variant
qui prédomine dans la population saine d’une même région
géographique
[26]
.
Excrétion et transmission
Le mode de transmission du virus est essentiellement sali-
vaire, ce qui explique la fréquence et la précocité de l’infection
à EBV. Chez le petit enfant, la transmission se fait à partir de la
mère ou d’autres enfants, par les gouttelettes de salive ou par les
objets contaminés ; plus tard, la transmission se fait par
l’échange direct de salive lors du baiser. Au cours de la primo-
infection, aussi bien silencieuse que symptomatique, de nom-
breux virions sont produits au niveau de la cavité oropharyngée
et excrétés dans la salive. Cette excrétion se poursuit épisodi-
quement toute la vie chez 15 % à 20 % des porteurs sains.
Beaucoup moins souvent, le virus peut être transmis par les
transfusions sanguines, en particulier par les culots cellulaires,
mais aussi lors de greffes de moelle osseuse ou d’organe. Il ne
paraît pas exister de transmission préférentielle chez le personnel
.
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Infections à virus Epstein-Barr
4Maladies infectieuses
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