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ingénierie du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux, cellules souches, thérapie génique

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47e congrès SFSCMF
Disponible en ligne
27 juillet 2011
Ingénierie du tissu osseux oro-maxillofacial
par combinaison de biomatériaux,
cellules souches, thérapie génique
Oro-maxillofacial bone tissue engineering combining
biomaterials, stem cells, and gene therapy
L. Myona,b,c, J. Ferria,b,c,d, F. Chaia,b, N. Blanchemaina,b, G. Raoula,b,c,*,d
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
a
Université Lille Nord de France, UDSL, 59000 Lille, France
Unité Inserm U1008, médicaments et biomatériaux à libération contrôlée, 59000 Lille, France
c
Département universitaire de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hôpital RogerSalengro, rue du Professeur-Emile-Laine, CHU de Lille, 59000 Lille, France
d
Association internationale de médecine orale et maxillofaciale (AIMOM), 59000 Lille, France
b
Summary
Résumé
Improvements have been made in regenerative medicine, due to the
development of tissue engineering and cellular therapy. Bone regeneration is an ambitious project, leading to many applications involving skull, maxillofacial, and orthopaedic surgery. Scaffolds, stem
cells, and signals support bone tissue engineering. The scaffold
physical and chemical properties promote cell invasion, guide their
differentiation, and enable signal transmission. Scaffold may be
inorganic or organic. Their conception was improved by the use of
new techniques: self-assembled nanofibres, electrospinning, solutionphase separation, micropatterned hydrogels, bioprinting, and rapid
prototyping. Cellular biology processes allow us to choose between
embryonic stem cells or adult stem cells for regenerative medicine.
Finally, communication between cells and their environment is essential; they use various signals to do so. The study of signals and their
transmission led to the discovery and the use of Bone Morphogenetic
Protein (BMP). The development of cellular therapy led to the emergence of a specific field: gene therapy. It relies on viral vectors, which
include: retroviruses, adenoviruses and adeno-associated vectors
(AAV). Non-viral vectors include plasmids and lipoplex. Some
BMP genes have successfully been transfected. The ability to control
transfected cells and the capacity to combine and transfect many genes
involved in osseous healing will improve gene therapy.
ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
La médecine régénérative a progressé grâce à l’essor de l’ingénierie
tissulaire et de la thérapie cellulaire. La régénération du tissu osseux
est un projet ambitieux, aux applications multiples dans les sphères
oro-maxillofaciale et orthopédique. L’ingénierie tissulaire osseuse
(ITO) repose sur la combinaison de trois éléments : un support, des
cellules et des signaux. Le support possède des propriétés physicochimiques qui favorisent sa colonisation par les cellules, guident leur
différenciation, et autorisent la transmission de signaux. Ces supports
peuvent être de type inorganique ou organique. Leur conception a
progressé grâce à de nouvelles technologies (nanofibres auto-assemblées, électrospinning, séparation de phase, hydrogels, bioprinting et
prototypage rapide). Associées au support, les cellules ont bénéficié du
génie cellulaire avec le choix entre cellules souches (embryonnaires ou
adultes) et matures. Les signaux et leurs transmissions entre les
cellules et leur environnement sont essentiels ; leur étude a permis
la découverte et l’utilisation des Bone Morphogenetic Protein (BMP).
Le développement de la thérapie cellulaire a conduit à l’émergence
d’une discipline particulière, la thérapie génique. Elle fait appel à des
vecteurs viraux qui comprennent les rétrovirus, les adénovirus et les
adeno-associated vectors (AAV). Les vecteurs non viraux comprennent
les plasmides, les lipoplex. Des essais impliquant la transfection de
séquences codantes pour une BMP ont été effectués. Les perspectives
d’amélioration de ces techniques passent par la maı̂trise accrue des
cellules transfectées et par la combinaison de plusieurs séquences
impliquées dans la cicatrisation osseuse.
ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Keywords: Tissue engineering, Gene therapy, Bone substitutes,
Tissue scaffolds
Mots clés : Ingénierie tissulaire, Thérapie génique, Substituts osseux,
Supports tissulaires
* Auteur correspondant.
e-mail : [email protected] (G. Raoul).
0035-1768/$ - see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
10.1016/j.stomax.2011.06.002 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211
201
L. Myon et al.
Introduction
En 2011, les pertes de substances osseuses représentent toujours un défi technique, matériel et économique. Les techniques actuelles de réparation privilégient l’apport de tissu
osseux autologue, sous forme de greffes osseuses non vascularisées [1,2] ou de lambeaux libres micro-anastomosés [3],
car l’utilisation de ces greffons autologues permet de réduire
les phénomènes de rejet immunitaire.
Ces techniques permettent ainsi l’apport conjoint d’un support (ou matrice) et de cellules osseuses, fonctionnelles et
actives, ainsi qu’une éventuelle suppléance vasculaire en
fonction de la technique chirurgicale et du volume greffé.
Il existe, cependant, plusieurs restrictions à l’utilisation de ces
techniques : les réserves osseuses mobilisables sont limitées
et leur prélèvement n’est pas dénué d’une certaine morbidité
[4]. C’est pourquoi l’allogreffe osseuse a été proposée, mais
elle est soumise au risque inhérent de transmission de pathologies infectieuses.
Concernant les besoins en os de nos patients, les implications
économiques ne sont pas négligeables puisqu’aux États-Unis,
le coût des procédures chirurgicales liées à la perte de tissu
osseux au niveau de la cavité buccale a été estimé à presque
six milliards de dollars par an [5]. Le nombre de 600 000 greffes osseuses annuelles aux États-Unis est rapporté [6], ce qui
est tout à fait considérable. L’ingénierie tissulaire osseuse
apporte donc un espoir rationnel de simplification des techniques de greffe ainsi que leur démocratisation.
Définitions
La médecine régénérative (fig. 1) est une spécialité qui permet
d’envisager de nombreuses perspectives et méthodes de
reconstruction du tissu osseux. Elle offre des alternatives
aux greffes osseuses.
Plan du chapitre
I. Introduction
II. Définitions
III. L’ingénierie tissulaire osseuse
III.1. Le support ou matrice (scaffold)
III.1.1. Généralités sur les supports
III.1.2. Les supports inorganiques
III.1.3. Les supports organiques
III.1.4. Perspectives d’amélioration des supports
III.2. Les cellules
III.3. Les signaux
III.3.1. Généralités sur les signaux
III.3.2. Les biomolécules
III.3.2.1. Utilisation des biomolécules
III.3.2.2. Indications et applications des
biomolécules
202
Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211
IV. La thérapie génique
IV.1. Les vecteurs viraux
IV.2. Les vecteurs non viraux
IV.3. Applications
V. Conclusions
On lui distingue deux composantes : l’ingénierie tissulaire et la
thérapie cellulaire.
L’ingénierie tissulaire utilise les principes des sciences de la vie
et de l’ingénierie afin de développer des substituts biologiques pour restaurer, maintenir ou améliorer la fonction des
tissus. Langer et Vacanti [7] ont ainsi défini l’ingénierie tissulaire en 1993. L’ingénierie tissulaire a été définie par Riha [8]
en 2005 en considérant, d’une part, ses bases scientifiques et,
d’autre part, ses applications.
Les bases scientifiques de l’ingénierie tissulaire sont la coalescence de trois éléments : un support ou matrice ou scaffold
(échafaudage), des cellules, et des signaux (par l’intermédiaire
d’un bioréacteur1) dont le but est de créer un tissu biologiquement actif.
Les applications de l’ingénierie tissulaire peuvent être considérées comme la fabrication d’un tissu néoformé et fonctionnel qui peut être utilisé in vivo à des fins thérapeutiques ou in
vitro pour la recherche (fig. 2).
La thérapie cellulaire peut être définie comme : « l’administration de cellules autologues, allogéniques, voire xénogéniques, à l’homme, dans le but de prévenir, de traiter ou
d’atténuer une maladie » [9,10]. Ces cellules ont subi des
modifications de leurs caractéristiques biologiques à l’issue de
leur manipulation, dans le but d’obtenir par un effet métabolique, pharmacologique ou immunologique, un effet thérapeutique, diagnostique ou préventif. Ces manipulations
peuvent être menées ex vivo ou in vivo.
La thérapie cellulaire couvre également les cellules génétiquement modifiées, exprimant des propriétés fonctionnelles,
non antérieurement exprimées.
Au sein de la thérapie cellulaire, nous trouvons donc la thérapie
génique. Les produits de thérapie génique sont définis comme
des produits obtenus à l’issue d’un procédé de fabrication, dans
le but de réaliser le transfert in vivo ou ex vivo d’un gène, dans
des cellules humaines ou animales, et son expression in vivo
dans un but prophylactique, thérapeutique ou diagnostique.
La thérapie cellulaire repose sur le principe d’ensemencement
de cellules (souches ou non, transformées ou non par thérapie
génique), encapsulées ou non, dans un organe lésé afin de
restaurer ses fonctions ou de prévenir l’apparition d’une
1
Un bioréacteur (dans le domaine du Tissu Engineering) est un
système qui permet de subvenir aux besoins des cellules et des tissus;
de guider leur développement, dans un environnement tridimensionnel. Il s’agit d’une boite de pétri améliorée permettant la culture
et la croissance des cellules dans sa chambre.
[(Figure_1)TD$IG]
Ingénierie [(Figure_2)TD$IG] du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux
Figure 1. Schéma récapitulatif des différentes composantes d’ingénierie
tissulaire osseuse et dentaire.
pathologie. La thérapie génique est donc une des branches de
la thérapie cellulaire.
Nous allons donc voir l’ingénerie tissulaire, d’une part, et la
thérapie génique, d’autre part, qui est la branche de la thérapie cellulaire qui nous intéresse.
L’ingénierie tissulaire osseuse
L’ingénierie tissulaire repose sur le biomimétisme pour aboutir à la régénération tissulaire.
Cette discipline tire parti des avancées technologiques des
domaines qui la composent. Ainsi, l’essor des biomatériaux,
les progrès de la biologie cellulaire, l’amélioration du génie
des procédés contribuent aux progrès récemment réalisés.
On distingue trois composantes nécessaires aux procédés
d’ingénierie tissulaire : le scaffold, les cellules et les signaux.
Le support ou matrice (scaffold)
Généralités sur les supports
Le support est un support physique, colonisable par des
cellules. Il doit permettre de diriger la croissance, la différenciation et l’organisation des cellules qui y adhèrent. Il autorise
la transmission de signaux chimiques et physiques. Il doit
interagir avec les systèmes biologiques. Ainsi, le scaffold doit
guider l’adhésion, puis permettre la différenciation des cellules qui le colonisent. Le support idéal en ingénierie tissulaire
osseuse doit posséder les propriétés suivantes : ostéoconductivité, ostéo-intégration et ostéogenèse, sans oublier ses
propriétés biomécaniques.
L’intégration de molécules solubles ou insolubles [11–13] aux
supports (ou scaffold) permet d’améliorer la fonctionnalisation
Figure 2. L’étape 1 comprend la culture des cellules souches et la
réalisation d’une matrice séparément. L’étape 2 permet la mise en
culture de ces deux composants dans un bioréacteur. Ce dernier permet
la transmission de signaux biologiques et physiques au système
précédemment créé. Enfin, l’étape 3 représente un des objectifs
d’application concrète de l’ingénierie tissulaire osseuse dans le
traitement des fractures.
de ces derniers et de favoriser la croissance cellulaire. Toute la
problématique d’intégration de molécules bioactives au scaffold est de ne pas dénaturer ou modifier les propriétés biomécaniques (résistance) et biochimiques (ostéo-induction ;
résorption) du scaffold lors de l’addition ou de l’intégration
de ces molécules bioactives.
Le scaffold doit mimer les propriétés (physiques et biologiques) du tissu remplacé. C’est un matériel résorbable, dans
l’idéal, adapté au rythme de réparation tissulaire. La maı̂trise
des propriétés du support au cours du temps (vitesse de
résorption, les substances libérées lors de sa dégradation,
leurs influences sur le milieu environnant) sont à prendre
en compte. Son architecture tridimensionnelle permet aux
cellules de secréter la matrice extracellulaire, une fois colonisée, dans l’espoir d’aboutir à la régénération d’un tissu ou
d’un organe.
La nature des biomatériaux sélectionnés dépend de leur
utilisation et a fait l’objet d’un exposé spécifique dans ce
numéro de la Revue de Stomatologie [14].
Les supports osseux doivent présenter une certaine porosité
afin de permettre leur colonisation, le transport des nutriments et des signaux. Leurs propriétés de résistance physique
doivent être élevées malgré cette structure poreuse, en
203
L. Myon et al.
particulier lorsque l’on projette de remplacer une interruption
mandibulaire.
Les supports étudiés et utilisés en ingénierie tissulaire osseuse
sont organiques ou inorganiques.
Les supports inorganiques
Les supports inorganiques les plus fréquemment utilisés sont
exposés ci-après :
biocéramique phosphocalcique et les bio-verres : les
phosphates tricalciques (b-TCP), hydroxyapatite synthétique.
Ils possèdent d’excellentes propriétés ostéoconductives et
d’adhésion avec les tissus périphériques. Leurs propriétés
mécaniques et leurs faibles résistances aux fractures limitent
leur utilisation en charge [6]. Les phosphates tricalciques
possèdent une vitesse de résorption supérieure à
l’hydroxyapatite ;
polymères organiques ou synthétiques :
organique : collagène,
synthétique : polyester, poly (lactic acid) (PLA), poly
(glycolic acid) (PLGA), polycaprolactone (PCL).
Leur utilisation permet la réalisation de supports tridimensionnels réfléchis et variés. Des réactions d’hypersensibilité
aux polymères organiques ont été rapportées [15]. Les produits de dégradation des polymères synthétiques peuvent
engendrer des modifications physicochimiques de l’environnement (acidification).
Les supports organiques
Les supports organiques sont représentés par :
matrice osseuse déminéralisée. Il s’agit d’une allogreffe
osseuse dont seules les protéines non collagéniques et
collagéniques de type I ont été conservées. On retrouve de
nombreux facteurs de croissance parmi les protéines non
collagéniques dont les Bone Morphogenetic Protein (BMP) [6].
Le taux de BMP présent dans les préparations est variable,
influençant les propriétés d’ostéo-induction et d’ostéoconduction [6]. Il existe un risque de transmission de pathologies
infectieuses inhérent aux allogreffes.
Perspectives d’amélioration des supports
Les perspectives d’amélioration des supports passent, entre
autres par l’utilisation des micro- ou nanotechnologies. Le
biomimétisme micro- ou nanostructural de l’environnement
extracellulaire permet d’améliorer les supports. Elles autorisent la réalisation de supports « bioactifs » qui favorisent
l’adhésion et la différenciation cellulaire [11].
Ces techniques permettent d’agencer la répartition cellulaire
sur le support, d’intégrer de nouveaux traitements de surface,
d’augmenter l’adhésion des cellules au support par le biais des
molécules de liaison intercellulaire (intégrines) [11]. On peut
aussi envisager la libération de molécules (signaux, facteurs de
croissance) au sein du support, de manière plus ou moins
prolongée.
204
Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211
Plusieurs procédés sont ainsi envisagés :
nanofibres auto-assemblées. Le principe est celui de
l’assemblage de particules composant initialement un
système désordonné en une structure organisée, du simple
fait des interactions des composants entre eux, sans
intervention extérieure. Cela est permis par l’utilisation de
séquences peptidiques. Ces séquences possèdent des propriétés hydrophobes ou hydrophiles, définies par des
séquences d’acides aminés. Leurs interactions permettent
la création de structures mycéliennes de formes variées, mais
aussi des structures tridimensionnelles.
La connaissance des propriétés des séquences peptidiques et
de leurs interactions permet la réalisation de structures
géométriques [16]. Certaines séquences peptidiques, (RAD16I) réalisent des assemblages biomimétiques et reproduisent
des réseaux de nanofibres similaires à du collagène de type I
[6] et possèdent alors des propriétés ostéogéniques vis-à-vis
de BMSCs (in vitro), telles que les nanofibres natives de
collagène.
Il est, de plus, possible d’intégrer des séquences peptidiques
connues pour favoriser l’adhésion cellulaire et la différenciation [16]. Conjuguées à des hydrogels, ces nanofibres autoassemblées sont facilement sculptables et admettent
l’adjonction de cellules selon certains patrons ;
l’électrospinning. On induit un potentiel électrostatique
élevé entre une électrode d’électrospinning et une plaque de
recueil. Ce potentiel induit une accumulation de charges à la
surface de la solution de polymères (solvants + polymères)
située sur l’électrode et engendre des forces de répulsion
électrostatiques. Lorsque ces forces de répulsion sont assez
élevées, elles engendrent le transfert de la solution sur la
plaque de recueil. Une fois le solvant éliminé ou évaporé, on
recueille les nanofibres formées sur la plaque.
L’orientation de ces dernières est perfectible et l’utilisation de
roues de recueil permet leur alignement.
Cette technique permet la création de nanostructures
organiques et synthétiques. L’utilisation de matériaux
naturels a été réalisée avec succès (collagène, chitine,
laminine) [16]. On peut aussi combiner la réalisation de
nanofibrilles de collagène ou de soie et l’incorporation de
cristaux phosphocalciques [6] ;
la séparation de phase. Elle utilise les propriétés de
séparation de phase, en faisant varier la température et la
concentration de la solution (solvant + polymère). Après
séparation des phases, extraction du solvant et refroidissement, il est possible d’obtenir des nanofibres. Plusieurs
solutions comprenant des polymères de nature différente
mais une même température de séparation de phase peuvent
être utilisés simultanément. Cette technique autorise la
réalisation de nanofibres organiques et synthétiques [16].
L’utilisation de nanocomposites synthétiques est envisagée
afin de d’améliorer les propriétés mécaniques du support et sa
tolérance. L’adjonction de PLA à un support nanocomposite
organique augmente la résistance du support. Le remplace-
Ingénierie [(Figure_3)TD$IG] du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux
ment complet du collagène par du PCL aboutit au même
effet [6] ;
les hydrogels. Ils reproduisent les aspects chimiques et
mécaniques de la matrice extracellulaire.
Ils sont extrêmement maniables et permettent l’élaboration de
véritables patrons cellulaires. Ils autorisent ainsi une reproduction plus fidèle de la distribution cellulaire dans le tissu cible.
Des constructions plus élaborées mêlant différents types
cellulaires au sein d’un même support sont réalisables. Il est
possible d’y intégrer des signaux d’adhésion et des facteurs de
croissance ou de différenciation. On peut ainsi envisager
l’intégration d’une population de cellules souches et les signaux
nécessaires à leur différenciation au sein du gel [17]. Ils peuvent
être réalisés à partir de polymères synthétiques ou naturelles.
L’utilisation d’hydrogels photopolymérisables permet d’établir des structures tridimensionnelles intéressantes, par le
biais de photomasques. Le principe consiste à placer un
photomasque conçu selon un plan précis au dessus d’une
solution initiale non polymérisée, puis de l’exposer aux UV. Le
photomasque est opaque, des zones fenêtrées sont aménagées pour laisser passer les UV. Le motif réalisé correspond
aux dessins des fenêtres [11,18] ;
le bioprinting. Il s’agit de l’application médicale des
procédés de rapid-prototyping (RP). Le RP consiste en la
réalisation de structures ; par dépose de couches successives
ou feuillets, selon un schéma pré-déterminé et assisté par
ordinateur. On envisage la réalisation d’organes selon ce
principe (reins, vaisseaux) (fig. 3).
Ce procédé requiert l’utilisation d’une bio-imprimante,
machine capable d’imprimer des motifs au moyen d’une
« encre » contenant des cellules vivantes.
L’encre est créée à partir de cellules ayant subi des traitements
physiques (centrifugation), qui s’organisent sous forme de
« balles ». Cette encre biologique est composée de « balles »
au contenu cellulaire. Cette encre passe au sein d’une canule
dans la bio-imprimante qui la projette sur un support.
On réalise alors un schéma géométrique de base sur le
support, à chaque couche. Un gel de matrice extracellulaire
est appliqué entre chaque couche. La répétition de cette étape
aboutit à la constitution de figures géométriques tridimensionnelles.
Ainsi, l’impression d’une structure annulaire permet d’obtenir
un cylindre et, à une autre échelle, un vaisseau. On peut
combiner l’utilisation de différentes encres et donc de cellules
de différente nature (pour reproduire les différentes tuniques
d’un vaisseau) [19,20] ;
le prototypage des matrices. La modernisation et la
réduction des coûts et délais permettent désormais d’obtenir
des biomatériaux sur mesure.
Cette étape permet de répondre directement à la forme
tridimensionnelle du défect osseux et de déterminer sa
microstructure, gardant en arrière pensée la colonisation par
les cellules ostéoprogénitrices, mais aussi la néovascularisation [21]. De plus, la forme adaptée permet une fixation
Figure 3. Le bioprinting envisage la création d’organes fonctionnels par
dépose de couches successives. Ainsi, on débute par l’application d’encre
biologique sur chaque feuillet de la structure. Le dessin des motifs est
assisté par ordinateur. Les différents feuillets sont empilés. Les gouttes
forment une structure continue par coalescence. Cette succession
d’empilement permet la réalisation de structures tridimensionnelles,
telles que des structures vasculaires.
simplifiée et un rendu cosmétique inégalable (fig. 4). Le
dernier avantage étant de pouvoir restaurer la biomécanique
de l’organe remplacé et d’ajouter le signal biomécanique aux
cellules en contact et favoriser d’un point de vue théorique
l’ostéo-intégration et l’ostéo-induction.
Une autre voie de recherche est la réalisation de supports prévascularisés, améliorant ainsi la diffusion des nutriments et qui
permettraient d’envisager des régénérations en terrain irradié.
Pour ce faire, des techniques de construction de support en
plusieurs couches ont été démontrées, permettant d’incorporer
différents types cellulaires (endothéliales et osseuses) [11,18].
L’amélioration des propriétés physiques des matériaux
utilisés, se rapprochant ainsi des conditions in vivo et
permettant la restitution des fonctions.
L’étude des propriétés de résorption des matériaux (temps de
résorption, modifications des propriétés physicochimiques du
milieu) est un des objectifs.
Les cellules
Le procédé standard d’ingénierie tissulaire comprend l’élaboration d’un tissu tridimensionnel biologiquement actif in vitro
avant sa réimplantation in vivo.
205
L.
[(Figure_4)TD$IG] Myon et al.
Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211
Figure 4. Remplacement du volet frontal perdu dans un contexte d’ostéite post-traumatique. Le volet réalisé en bêta-TCP, d’une épaisseur de 6 mm et de
dimensions 8 cm 12 cm a été prototypé afin de remplacer exactement le défect frontal, prévenir tout mouvement secondaire et réduire le temps
d’intervention sans nécessiter un prélèvement osseux autologue. En haut, de gauche à droite ; le défect en reconstruction tridimensionnelle vue de face,
de profil et en coupe sagittale, en bas, de gauche à droite, l’implant mis en place en reconstruction tridimensionnelle vue de face, de profil et en coupe
sagittale,. Le recul est de 13 mois avec un parfait résultat esthétique et l’absence de doléance clinique.
Plusieurs étapes rythment ce travail qui est axé sur la culture
cellulaire. On rencontre ainsi :
le choix et la constitution du support tridimensionnel,
vierge de cellules ;
le prélèvement et l’isolement de cellules souches/
progénitrices ;
l’amplification cellulaire ;
la différenciation cellulaire ;
le transfert des cellules au support ;
l’implantation du tissu tridimensionnel biologiquement
actif in vivo.
Les cellules peuvent être maintenues indifférenciées avant le
transfert vers le support. La différenciation et la culture
s’effectuent alors sur le support. L’alternative à cette technique passe par la différenciation et la culture des cellules,
suivie de leur transfert sur le support.
Le choix des cellules est dépendant des objectifs. Il peut s’agir
de cellules matures, différenciées, de cellules souches/progénitrices adultes, de cellules embryonnaires, des cellules
souches de cordon.
Les cellules souches/progénitrices adultes possèdent des propriétés d’auto-régénération et de prolifération élevées et sont
pluripotentes. Il existe plusieurs sites accessibles, donneurs de
cellules souches ou progénitrices chez l’adulte. Certains sites
sont facilement accessibles. Grâce au génie cellulaire, il est
possible de recueillir, cultiver, induire et guider la différenciation de ces cellules en un type donné.
206
L’utilisation de cellules différenciées autologues est envisageable. Cependant, leur recueil et leur prolifération peuvent
se révéler difficiles.
L’utilisation de cellules différenciées allogènes rencontre inévitablement des problèmes de compatibilité immunologique.
On peut différencier les cellules souches embryonnaires et les
cellules souches germinales embryonnaires.
Les cellules souches embryonnaires proviennent de la masse
cellulaire interne du blastocyste préimplantatoire, aussi appelée bouton embryonnaire [22]. Elles sont totipotentes. Une
cellule totipotente est une cellule indifférenciée qui a la
possibilité de générer un individu entier en se divisant. Elles
peuvent donc donner tous les types cellulaires de l’organisme,
mais aussi les types cellulaires des annexes embryonnaires.
Les cellules souches germinales embryonnaires apparaissent
durant le développement embryonnaire précoce. Elles sont
pluripotentes. Elles peuvent être à l’origine de toutes les cellules de l’organisme sauf celles des annexes embryonnaires.
Les cellules souches fœtales qui peuvent être issues du placenta et du cordon ombilical sont pluripotentes ou multipotentes. Une cellule multipotente est une cellule indifférenciée,
déjà engagée dans un des trois feuillets embryonnaires. Ses
possibilités de différenciation sont limitées aux organes
appartenant à un même feuillet.
Les cellules souches adultes sont multipotentes ou unipotentes.
Les principales sources de cellules souches ou progénitrices
adultes sont représentées par les cellules issues de la moelle
Ingénierie du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux
osseuse (human mesenchymal stem cells [hMSc]), du tissu
adipeux (human multipotent adipose derived stem cells
[hMADSc]) et des germes dentaires [23].
L’utilisation de cellules souches soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques. Pour tâcher d’encadrer et éviter
les dérives, la loi française s’est enrichie de textes de loi de
bioéthique (Loi no 2004-800 du 6 août 2004). Cette loi a
débouché sur la création de l’Agence de la biomédecine.
Tout projet de recherche portant sur les cellules souches
embryonnaires et les embryons est soumis à un examen et
doit se voir accorder une autorisation. La recherche sur les
cellules souches embryonnaires et l’embryon était interdite
en France, sauf à titre dérogatoire (Loi no 2004-800 du 6 août
2004). Le maintien de ce régime a été discuté lors de la
révision des lois de bioéthiques, en vue de la nouvelle édition
de 2011. Il a été préconisé d’évoluer vers un régime permanent
d’autorisation, enserré dans des conditions strictes. Ainsi, on a
préconisé une modification de l’article L. 2151-5 du code de la
Santé Publique.
Les recherches ne peuvent être effectuées que sur des
embryons surnuméraires et des cellules qui en sont issues.
Le seul cadre légal de création d’embryons en France
s’applique lors des procédures d’assistance médicale à la
procréation. La création d’embryons, le clonage à des fins
thérapeutiques, commerciale ou industrielle, sont interdits. Le
code de Santé Publique définit et régit ces pratiques. Une
révision des lois de bioéthiques a été apportée en 2009 par le
Conseil d’état.
La législation est différente à travers les pays d’Europe. La
création de cellules souches embryonnaires et d’embryons est
autorisée dans certains états (Grande-Bretagne, Belgique,
Espagne, Suède) et interdite dans d’autres (Allemagne, Pologne). Les disparités entre les pays européens restent très
marquées.
Les signaux
Généralités sur les signaux
Ce sont des signaux spatiotemporels. L’identification, la
compréhension de la nature et de leurs séquences, doivent
permettre d’améliorer et d’optimiser le développement des
tissus et organes.
L’identification des signaux biochimiques permet d’améliorer
les phases d’expansions cellulaires mais aussi de différenciations [24].
Les signaux biochimiques regroupent :
des cytokines, des chemokines ;
des facteurs de croissance.
On retrouve parmi la superfamille TGF-b, différents facteurs
de croissance tels que :
le BMP ;
l’insulin-like growth Factor (IGFs) ;
les platelet-derived growth factors (PDGFs).
Par ailleurs, elle permet aussi de repérer certains signaux liés
aux modifications des propriétés physicochimiques de certains biomatériaux en conditions in situ.
Il existe des signaux biomécaniques :
les forces et contraintes osseuses [25] ;
l’architecture tridimensionnelle du support (biomimétisme
et biomatériaux [14].
L’étude de la réponse physiologique des biomatériaux, aux
conditions biomécaniques, biochimiques auxquelles ils seront
confrontés après leur implantation est possible via l’utilisation de bioréacteurs. Ces derniers permettent aussi d’étudier
le développement tridimensionnel du modèle tissulaire.
L’utilisation des bioréacteurs (culture dynamique) a, de plus,
permis un gain de temps lors de l’expansion cellulaire, par
rapport à la culture statique [26].
Les biomolécules2
Utilisation des biomolécules
L’utilisation de certaines biomolécules permet d’induire la
formation de tissu osseux. Les facteurs de croissance
représentent l’essentiel de ces molécules.
Urist, en 1965, a découvert les BMP [27]. Elles représentent un
des sous-groupes de la superfamille transforming growth
factor b (TGF-b). Cette superfamille regroupe les BMP et
d’autres facteurs de croissance [24].
De nombreux sous-types des BMP ont été identifiés [28]. Plus
de 30 sous-types ont été décrits [5]. Le potentiel thérapeutique des rhBMP-2, -4 et -7 a été démontré [29]. Plusieurs
étapes se sont succédées dans leur utilisation et mode d’administration. La stratégie initiale envisagée par Urist consistait
en l’extraction et la purification de ces facteurs. Puis, l’utilisation de protéines recombinantes est devenue possible par
séquençage et clonage, brisant le verrou technique de la
disponibilité et du coût [29,30]. La faible durée de vie de
ces facteurs rend difficile leur administration par voie systémique [31].
L’élaboration de supports contenants des rhBMP et capables
de les délivrer sur le site constitue une des voies de recherche.
Les matrices à base de collagène et de polymères synthétiques
représentent les hypothèses les plus intéressantes [29]. Il
persiste cependant des problèmes de concentration et de
durée, susceptibles d’induire une ostéogenèse, ainsi que
des problèmes de toxicité [31,32].
Les progrès du génie cellulaire ont permis l’accès à la thérapie
génique. Des vecteurs viraux et non viraux ont été utilisés
avec succès pour la transduction du gène de BMP-2 et la
régénération d’un défect osseux chez le rat [33].
2
Les biomolécules sont une des formes de signaux. Une autre forme
de signaux sont les signaux physiques, tels que les forces et contraintes appliquées au support et aux cellules (par l’intermédiaire des
flux liquidiens par exemple).
207
L. Myon et al.
Indications et applications des biomolécules
Elles dépassent le simple cadre de la chirurgie maxillofaciale
et s’appliquent à toutes les chirurgies s’intéressant aux pertes
osseuses.
Des applications cliniques ont été rapportées en pré-implantologie (sinus lift), ainsi que dans le traitement de certains des
défects osseux alvéolaires post-avulsion [34]. Les BMP peuvent aussi être employés lors des fermetures des fentes labiopalatines. Elles peuvent être employées seules ou en association avec la distraction osseuse. Elles permettent certaines
fois de se passer de greffes osseuses autologues [35,36]. La
molécule majoritairement employée est la rhBMP-2/ACS, dont
l’utilisation a été validée par la FDA.
Spagnoli [34] rapporte un cas de reconstruction, en terrain
irradié, d’un déficit segmentaire mandibulaire de grande taille
par l’utilisation combinée d’une attelle, d’os spongieux iliaque
autologue et de rh-BMP-2. Les concentrations de rh-BMP2 variant selon que l’on se trouve au centre de la greffe ou
en périphérie, afin d’optimiser l’ostéo-induction.
Enfin, plusieurs études utilisant la thérapie génique ont été
réalisées chez l’animal. Elles seront développées dans le
chapitre ci-après « La thérapie génique ».
La thérapie génique
C’est une des branches de la thérapie cellulaire. Son utilisation
thérapeutique a été proposée afin de pallier et corriger certaines mutations génétiques. Ainsi, la capacité de créer des
mutations génétiques pour induire le codage de protéines ou
de fonctions spécifiques s’est développée.
Le principe repose sur le transfert d’une séquence d’ADN
(gène) dans des cellules cibles. Cette séquence est incorporée
ou non à l’ADN des cellules cibles. La séquence transférée
permet de suppléer à la séquence native déficiente (mutée,
délétée. . .) ou d’introduire une nouvelle séquence codante.
On peut ainsi produire des molécules intervenant dans la
régénération du tissu sélectionné.
Sa réussite est tributaire de trois étapes [37] :
transduction ou transfection : introduction du vecteur et
du génome dans la cellule cible ;
transcription : transcription de l’ADN en ARN messager ;
traduction : traduction de l’ARN messager en une protéine.
Son utilisation a été proposée dans la régénération osseuse.
Plusieurs gènes ayant un intérêt potentiel ont été retenus. On
retrouve les gènes codant pour les facteurs de croissance et de
différenciation osseuse tels que les BMP, FGF, IGF et ceux des
facteurs de transcription qui leurs sont associés.
La transfection des gènes utilise des vecteurs non viraux
(plasmides), viraux (rétrovirus, adénovirus, Lentivirus) ou
des méthodes physiques (balistique, hydrodynamique). Cette
technique est envisageable selon une approche in vivo ou ex
vivo. Ces deux approches ont été réalisées avec succès chez
l’animal et ont permis une régénération osseuse [5] :
208
Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211
in vivo, le gène est délivré sur site directement dans la zone
d’intérêt. Puis, l’ADN est transfecté dans les cellules du tissu
cible. Dans ce cas, les cellules transfectées sont localisées au
site d’injection [38,39]. Une des limites de cette technique est
le contrôle du type de cellules transfectées ;
ex vivo, des cellules sélectionnées, issues du patient, sont
prélevées, cultivées, transfectées puis réimplantées chez le
donneur. Ce procédé est plus long que l’approche in vivo. Il
autorise cependant un contrôle rigoureux des cellules cibles
sélectionnées et limite au minimum la diffusion des particules
virales aux tissus environnants [40].
De nombreux types cellulaires ont été transfectés avec succès.
Le vecteur idéal est immunocompatible ; possède un taux
élevé de transduction, quel que soit le turn-over de la population cellulaire cible ; se lie spécifiquement aux cellules cibles ;
ne perturbe pas le fonctionnement cellulaire ; permet un
contrôle externe du taux de protéine qu’il code et possède
un coût de production raisonnable.
Nous étudierons successivement les vecteurs viraux, les vecteurs non viraux et les applications de la thérapie génique.
Les vecteurs viraux
On recense parmi eux : les rétrovirus, les adénovirus, les
Adeno-associated vectors (AAVs), les Herpesvirus et les Lentivirus. Les vecteurs viraux sont considérés comme les vecteurs,
les plus efficaces. Les gènes codant pour la réplication virale
ont été supprimés de ces vecteurs ;
rétrovirus : vecteurs encapsulés, contenant l’ARN du ou
des gènes sélectionnés et une ARN transcriptase inverse.
Une fois transfectée, l’ARN transcriptase inverse, transcrit la
séquence en ADN. Ce dernier est incorporé au génome de la
cellule cible permettant une transcription prolongée dans le
temps [41]. Ils engendrent une faible réponse immunitaire
de l’hôte [5]. Une des limites de ce vecteur est son incapacité
à transfecter des cellules à faible taux de renouvellement et
donc de division [42]. Leur incorporation au voisinage d’un
oncogène peut entraı̂ner sa transcription (insertional
mutagenesis) et déclencher des effets secondaires graves
[43] ;
adénovirus : vecteur à ADN non encapsulé. L’ADN qu’il
contient est acheminé jusqu’au noyau où il n’est pas intégré
au génome de la cellule hôte. Le ou les gènes introduits sont
alors transcrits puis traduits. Ils peuvent transfecter des
populations cellulaires à haut et à faible taux de renouvellement. L’expression du gène transfecté est limitée dans le
temps. L’utilisation de ce vecteur est limitée par la réponse
immunologique qu’il engendre [44] ;
adeno-associated vectors : ils n’engendrent pas de réaction
immunitaire et peuvent transfecter des cellules capables de
division ou non. De plus, la transfection d’un gène au vecteur,
à activation lumineuse, permet de contrôler et de limiter
l’expression des autres gènes transfectés, géographiquement
et quantitativement [45]. Les limites de ce vecteur sont
Ingénierie du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux
représentées par les difficultés à y incorporer de l’ADN et les
difficultés de production du vecteur en quantité suffisante.
Les vecteurs non viraux
Ils comprennent les plasmides, les lipoplexes [46].
Ces procédés induisent moins de réactions immunitaires,
mais malheureusement le taux de transfection est assez bas.
On retrouve aussi les méthodes physiques telles que l’électroporation, la sonoporation, les méthodes balistiques hydrodynamiques, ou de magnétofection (transfection utilisant les
forces magnétiques).
Applications
De nombreux essais de transduction de gène codant pour des
protéines et facteurs intervenants dans la régénération
osseuse ont été envisagés.
Rundle et al. [47] ont transfecté un vecteur viral (rétrovirus)
contenant un gène hybride codant pour un hétérodimère BMP
2-4, aux cellules intervenant dans la phase initiale de cicatrisation osseuse lors d’une fracture. Il a été observé une
quantité plus importante d’os formé, mais pas de diminution
du temps de cicatrisation.
Plusieurs essais ont montré in vitro et in vivo la formation de
calcifications ectopiques et orthotopiques après utilisation
d’un vecteur viral (adénovirus), contenant l’ADN codant pour
une BMP [48,49].
Bonadio et al. [50] ont rapporté l’utilisation de plasmides
contenant les gènes codant pour des BMP. L’avantage de
cette technique est mis en avant par les auteurs, en ce sens
que de délivrer des BMP sur site est une tâche souvent difficile
et qu’il leur semble plus simple de faire produire les biomolécules par les cellules in situ afin qu’elles délivrent la BMP7,
dans cet exemple.
Qu et al. [51] ont démontré une amélioration de l’ostéogenèse
et de l’angiogénèse lors de la tranfection du gène de bFGF
dans des BMSC, elles-mêmes cultivées sur un support de
nano-hydroxyapatite et de polyamide. Cette étude portait
sur la reconstruction in vivo de défect segmentaire calvarial
chez le rat.
Les perspectives d’amélioration futures passent par la combinaison de gènes codant pour des facteurs de croissance,
protéines impliquées dans les étapes de cicatrisation osseuse
(BMP + VEGF) et facteurs de transcription [5].
La recherche de vecteurs permettant des taux élevés de
transfection et une faible réponse immunitaire est une des
voies de recherche. La grande difficulté étant de permettre un
taux de transfection élevé sans induire de réponse immunitaire exagérée.
Il faut, de plus, prévoir en fonction de la technique de transfection une exclusion du gène transfecté pour ne pas produire la protéine en permanence. Enfin, l’idéal serait de
pouvoir transfecter plusieurs gènes induisant la production
de différentes protéines et à des séquences temporelles
adaptées à l’ostéogenèse, ce qui est difficile à modéliser
actuellement.
Pour obtenir une réponse fiable des cellules transfectées, il
faut qu’elles soient de bonne qualité et qu’elles bénéficient en
particulier d’une bonne vascularisation.
Des résultats prometteurs ont été obtenus chez l’animal.
Cependant, aucun essai thérapeutique de régénération
osseuse par thérapie génique n’a été rapporté chez l’humain
[5]. Quel que soit le vecteur ou la méthode de transfection, le
tissu receveur doit avoir une trophicité suffisante afin de
réagir activement, nous ramenant à la problématique de la
vascularisation.
Plusieurs applications concrètes et cliniques sont espérées. On
envisage ainsi le traitement de pseudarthrose, la création d’os
pour corriger des défects d’origine chirurgicale ou autre. On
envisage aussi son utilisation pour augmenter focalement le
volume osseux et permettre la pose d’implants.
Conclusions
Les méthodes d’ingénierie tissulaire osseuse sont désormais
très variées, et les associations des différentes techniques
sont de plus en plus employées, en particulier pour le tissu
osseux qui présente la particularité d’être résistant, vivant et
bien vascularisé.
En effet, suite aux cultures cellulaires monocouches dans un
bioréacteur statique et un milieu nutritif simple, on voit se
développer des bioréacteurs en flux parfois pulsé, dans un
scaffold macroporeux interconnecté, avec des co-cultures
cellulaires et des facteurs de croissance délivrés in situ ou
par thérapie génique. Les signaux biomécaniques commencent aussi à se développer ainsi que les « cocktails » de
biomolécules.
Les raffinements biologiques obtenus in vitro ne cessent de
s’accroı̂tre, sans pour autant atteindre ceux de l’endocultivation, dans la mesure où la culture in vivo induit une néovascularisation ainsi qu’une néo-angiogénèse tout en bénéficiant
de biomolécules que nous ne connaissons peut-être encore
pas.
La thérapie génique est le domaine qui souffre du moins
d’applications cliniques par rapport à l’application de biomolécules et la greffe de cellule souches.
Le bioprinting est une technique de plus en plus prometteuse,
mais qui se heurte à la création d’un scaffold rigide en ce qui
concerne l’ingénierie tissulaire osseuse. Le bioprinting sans
scaffold devient une nouvelle technique qui se développe de
plus en plus et pose le problème de sa dénomination :
scaffold-less ou scaffold-free qui semble le terme retenu
[20]. La production de la matrice extracellulaire, entre autre
la trame phosphocalcique, devient le nouveau défi pour
répondre aux besoins d’ingénierie tissulaire osseuse.
Au final, nous voyons l’ensemble de ces techniques élargir leur
socle de connaissance et d’applications au point de venir se
209
L. Myon et al.
fusionner avec les autres et permettre de gravir les échelons
de la connaissance fondamentale. C’est définitivement sur le
plan des applications cliniques et d’un certain recul que nous
jugerons de la fiabilité des reconstructions issues de l’ingénierie tissulaire osseuse, par comparaison avec les techniques
traditionnelles ou plutôt anciennes désormais. . .
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Remerciements
Dr Mohamed Allaoui, Dr Marc Baroncini, clinique de neurochirurgie,
pôle des neurosciences et de l’appareil locomoteur, CHRU de Lille pour
la prise en charge commune du patient présenté en (fig. 4).
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