47e congrès SFSCMF Disponible en ligne 27 juillet 2011 Ingénierie du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux, cellules souches, thérapie génique Oro-maxillofacial bone tissue engineering combining biomaterials, stem cells, and gene therapy L. Myona,b,c, J. Ferria,b,c,d, F. Chaia,b, N. Blanchemaina,b, G. Raoula,b,c,*,d Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com a Université Lille Nord de France, UDSL, 59000 Lille, France Unité Inserm U1008, médicaments et biomatériaux à libération contrôlée, 59000 Lille, France c Département universitaire de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hôpital RogerSalengro, rue du Professeur-Emile-Laine, CHU de Lille, 59000 Lille, France d Association internationale de médecine orale et maxillofaciale (AIMOM), 59000 Lille, France b Summary Résumé Improvements have been made in regenerative medicine, due to the development of tissue engineering and cellular therapy. Bone regeneration is an ambitious project, leading to many applications involving skull, maxillofacial, and orthopaedic surgery. Scaffolds, stem cells, and signals support bone tissue engineering. The scaffold physical and chemical properties promote cell invasion, guide their differentiation, and enable signal transmission. Scaffold may be inorganic or organic. Their conception was improved by the use of new techniques: self-assembled nanofibres, electrospinning, solutionphase separation, micropatterned hydrogels, bioprinting, and rapid prototyping. Cellular biology processes allow us to choose between embryonic stem cells or adult stem cells for regenerative medicine. Finally, communication between cells and their environment is essential; they use various signals to do so. The study of signals and their transmission led to the discovery and the use of Bone Morphogenetic Protein (BMP). The development of cellular therapy led to the emergence of a specific field: gene therapy. It relies on viral vectors, which include: retroviruses, adenoviruses and adeno-associated vectors (AAV). Non-viral vectors include plasmids and lipoplex. Some BMP genes have successfully been transfected. The ability to control transfected cells and the capacity to combine and transfect many genes involved in osseous healing will improve gene therapy. ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. La médecine régénérative a progressé grâce à l’essor de l’ingénierie tissulaire et de la thérapie cellulaire. La régénération du tissu osseux est un projet ambitieux, aux applications multiples dans les sphères oro-maxillofaciale et orthopédique. L’ingénierie tissulaire osseuse (ITO) repose sur la combinaison de trois éléments : un support, des cellules et des signaux. Le support possède des propriétés physicochimiques qui favorisent sa colonisation par les cellules, guident leur différenciation, et autorisent la transmission de signaux. Ces supports peuvent être de type inorganique ou organique. Leur conception a progressé grâce à de nouvelles technologies (nanofibres auto-assemblées, électrospinning, séparation de phase, hydrogels, bioprinting et prototypage rapide). Associées au support, les cellules ont bénéficié du génie cellulaire avec le choix entre cellules souches (embryonnaires ou adultes) et matures. Les signaux et leurs transmissions entre les cellules et leur environnement sont essentiels ; leur étude a permis la découverte et l’utilisation des Bone Morphogenetic Protein (BMP). Le développement de la thérapie cellulaire a conduit à l’émergence d’une discipline particulière, la thérapie génique. Elle fait appel à des vecteurs viraux qui comprennent les rétrovirus, les adénovirus et les adeno-associated vectors (AAV). Les vecteurs non viraux comprennent les plasmides, les lipoplex. Des essais impliquant la transfection de séquences codantes pour une BMP ont été effectués. Les perspectives d’amélioration de ces techniques passent par la maı̂trise accrue des cellules transfectées et par la combinaison de plusieurs séquences impliquées dans la cicatrisation osseuse. ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Tissue engineering, Gene therapy, Bone substitutes, Tissue scaffolds Mots clés : Ingénierie tissulaire, Thérapie génique, Substituts osseux, Supports tissulaires * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (G. Raoul). 0035-1768/$ - see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 10.1016/j.stomax.2011.06.002 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211 201 L. Myon et al. Introduction En 2011, les pertes de substances osseuses représentent toujours un défi technique, matériel et économique. Les techniques actuelles de réparation privilégient l’apport de tissu osseux autologue, sous forme de greffes osseuses non vascularisées [1,2] ou de lambeaux libres micro-anastomosés [3], car l’utilisation de ces greffons autologues permet de réduire les phénomènes de rejet immunitaire. Ces techniques permettent ainsi l’apport conjoint d’un support (ou matrice) et de cellules osseuses, fonctionnelles et actives, ainsi qu’une éventuelle suppléance vasculaire en fonction de la technique chirurgicale et du volume greffé. Il existe, cependant, plusieurs restrictions à l’utilisation de ces techniques : les réserves osseuses mobilisables sont limitées et leur prélèvement n’est pas dénué d’une certaine morbidité [4]. C’est pourquoi l’allogreffe osseuse a été proposée, mais elle est soumise au risque inhérent de transmission de pathologies infectieuses. Concernant les besoins en os de nos patients, les implications économiques ne sont pas négligeables puisqu’aux États-Unis, le coût des procédures chirurgicales liées à la perte de tissu osseux au niveau de la cavité buccale a été estimé à presque six milliards de dollars par an [5]. Le nombre de 600 000 greffes osseuses annuelles aux États-Unis est rapporté [6], ce qui est tout à fait considérable. L’ingénierie tissulaire osseuse apporte donc un espoir rationnel de simplification des techniques de greffe ainsi que leur démocratisation. Définitions La médecine régénérative (fig. 1) est une spécialité qui permet d’envisager de nombreuses perspectives et méthodes de reconstruction du tissu osseux. Elle offre des alternatives aux greffes osseuses. Plan du chapitre I. Introduction II. Définitions III. L’ingénierie tissulaire osseuse III.1. Le support ou matrice (scaffold) III.1.1. Généralités sur les supports III.1.2. Les supports inorganiques III.1.3. Les supports organiques III.1.4. Perspectives d’amélioration des supports III.2. Les cellules III.3. Les signaux III.3.1. Généralités sur les signaux III.3.2. Les biomolécules III.3.2.1. Utilisation des biomolécules III.3.2.2. Indications et applications des biomolécules 202 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211 IV. La thérapie génique IV.1. Les vecteurs viraux IV.2. Les vecteurs non viraux IV.3. Applications V. Conclusions On lui distingue deux composantes : l’ingénierie tissulaire et la thérapie cellulaire. L’ingénierie tissulaire utilise les principes des sciences de la vie et de l’ingénierie afin de développer des substituts biologiques pour restaurer, maintenir ou améliorer la fonction des tissus. Langer et Vacanti [7] ont ainsi défini l’ingénierie tissulaire en 1993. L’ingénierie tissulaire a été définie par Riha [8] en 2005 en considérant, d’une part, ses bases scientifiques et, d’autre part, ses applications. Les bases scientifiques de l’ingénierie tissulaire sont la coalescence de trois éléments : un support ou matrice ou scaffold (échafaudage), des cellules, et des signaux (par l’intermédiaire d’un bioréacteur1) dont le but est de créer un tissu biologiquement actif. Les applications de l’ingénierie tissulaire peuvent être considérées comme la fabrication d’un tissu néoformé et fonctionnel qui peut être utilisé in vivo à des fins thérapeutiques ou in vitro pour la recherche (fig. 2). La thérapie cellulaire peut être définie comme : « l’administration de cellules autologues, allogéniques, voire xénogéniques, à l’homme, dans le but de prévenir, de traiter ou d’atténuer une maladie » [9,10]. Ces cellules ont subi des modifications de leurs caractéristiques biologiques à l’issue de leur manipulation, dans le but d’obtenir par un effet métabolique, pharmacologique ou immunologique, un effet thérapeutique, diagnostique ou préventif. Ces manipulations peuvent être menées ex vivo ou in vivo. La thérapie cellulaire couvre également les cellules génétiquement modifiées, exprimant des propriétés fonctionnelles, non antérieurement exprimées. Au sein de la thérapie cellulaire, nous trouvons donc la thérapie génique. Les produits de thérapie génique sont définis comme des produits obtenus à l’issue d’un procédé de fabrication, dans le but de réaliser le transfert in vivo ou ex vivo d’un gène, dans des cellules humaines ou animales, et son expression in vivo dans un but prophylactique, thérapeutique ou diagnostique. La thérapie cellulaire repose sur le principe d’ensemencement de cellules (souches ou non, transformées ou non par thérapie génique), encapsulées ou non, dans un organe lésé afin de restaurer ses fonctions ou de prévenir l’apparition d’une 1 Un bioréacteur (dans le domaine du Tissu Engineering) est un système qui permet de subvenir aux besoins des cellules et des tissus; de guider leur développement, dans un environnement tridimensionnel. Il s’agit d’une boite de pétri améliorée permettant la culture et la croissance des cellules dans sa chambre. [(Figure_1)TD$IG] Ingénierie [(Figure_2)TD$IG] du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux Figure 1. Schéma récapitulatif des différentes composantes d’ingénierie tissulaire osseuse et dentaire. pathologie. La thérapie génique est donc une des branches de la thérapie cellulaire. Nous allons donc voir l’ingénerie tissulaire, d’une part, et la thérapie génique, d’autre part, qui est la branche de la thérapie cellulaire qui nous intéresse. L’ingénierie tissulaire osseuse L’ingénierie tissulaire repose sur le biomimétisme pour aboutir à la régénération tissulaire. Cette discipline tire parti des avancées technologiques des domaines qui la composent. Ainsi, l’essor des biomatériaux, les progrès de la biologie cellulaire, l’amélioration du génie des procédés contribuent aux progrès récemment réalisés. On distingue trois composantes nécessaires aux procédés d’ingénierie tissulaire : le scaffold, les cellules et les signaux. Le support ou matrice (scaffold) Généralités sur les supports Le support est un support physique, colonisable par des cellules. Il doit permettre de diriger la croissance, la différenciation et l’organisation des cellules qui y adhèrent. Il autorise la transmission de signaux chimiques et physiques. Il doit interagir avec les systèmes biologiques. Ainsi, le scaffold doit guider l’adhésion, puis permettre la différenciation des cellules qui le colonisent. Le support idéal en ingénierie tissulaire osseuse doit posséder les propriétés suivantes : ostéoconductivité, ostéo-intégration et ostéogenèse, sans oublier ses propriétés biomécaniques. L’intégration de molécules solubles ou insolubles [11–13] aux supports (ou scaffold) permet d’améliorer la fonctionnalisation Figure 2. L’étape 1 comprend la culture des cellules souches et la réalisation d’une matrice séparément. L’étape 2 permet la mise en culture de ces deux composants dans un bioréacteur. Ce dernier permet la transmission de signaux biologiques et physiques au système précédemment créé. Enfin, l’étape 3 représente un des objectifs d’application concrète de l’ingénierie tissulaire osseuse dans le traitement des fractures. de ces derniers et de favoriser la croissance cellulaire. Toute la problématique d’intégration de molécules bioactives au scaffold est de ne pas dénaturer ou modifier les propriétés biomécaniques (résistance) et biochimiques (ostéo-induction ; résorption) du scaffold lors de l’addition ou de l’intégration de ces molécules bioactives. Le scaffold doit mimer les propriétés (physiques et biologiques) du tissu remplacé. C’est un matériel résorbable, dans l’idéal, adapté au rythme de réparation tissulaire. La maı̂trise des propriétés du support au cours du temps (vitesse de résorption, les substances libérées lors de sa dégradation, leurs influences sur le milieu environnant) sont à prendre en compte. Son architecture tridimensionnelle permet aux cellules de secréter la matrice extracellulaire, une fois colonisée, dans l’espoir d’aboutir à la régénération d’un tissu ou d’un organe. La nature des biomatériaux sélectionnés dépend de leur utilisation et a fait l’objet d’un exposé spécifique dans ce numéro de la Revue de Stomatologie [14]. Les supports osseux doivent présenter une certaine porosité afin de permettre leur colonisation, le transport des nutriments et des signaux. Leurs propriétés de résistance physique doivent être élevées malgré cette structure poreuse, en 203 L. Myon et al. particulier lorsque l’on projette de remplacer une interruption mandibulaire. Les supports étudiés et utilisés en ingénierie tissulaire osseuse sont organiques ou inorganiques. Les supports inorganiques Les supports inorganiques les plus fréquemment utilisés sont exposés ci-après : biocéramique phosphocalcique et les bio-verres : les phosphates tricalciques (b-TCP), hydroxyapatite synthétique. Ils possèdent d’excellentes propriétés ostéoconductives et d’adhésion avec les tissus périphériques. Leurs propriétés mécaniques et leurs faibles résistances aux fractures limitent leur utilisation en charge [6]. Les phosphates tricalciques possèdent une vitesse de résorption supérieure à l’hydroxyapatite ; polymères organiques ou synthétiques : organique : collagène, synthétique : polyester, poly (lactic acid) (PLA), poly (glycolic acid) (PLGA), polycaprolactone (PCL). Leur utilisation permet la réalisation de supports tridimensionnels réfléchis et variés. Des réactions d’hypersensibilité aux polymères organiques ont été rapportées [15]. Les produits de dégradation des polymères synthétiques peuvent engendrer des modifications physicochimiques de l’environnement (acidification). Les supports organiques Les supports organiques sont représentés par : matrice osseuse déminéralisée. Il s’agit d’une allogreffe osseuse dont seules les protéines non collagéniques et collagéniques de type I ont été conservées. On retrouve de nombreux facteurs de croissance parmi les protéines non collagéniques dont les Bone Morphogenetic Protein (BMP) [6]. Le taux de BMP présent dans les préparations est variable, influençant les propriétés d’ostéo-induction et d’ostéoconduction [6]. Il existe un risque de transmission de pathologies infectieuses inhérent aux allogreffes. Perspectives d’amélioration des supports Les perspectives d’amélioration des supports passent, entre autres par l’utilisation des micro- ou nanotechnologies. Le biomimétisme micro- ou nanostructural de l’environnement extracellulaire permet d’améliorer les supports. Elles autorisent la réalisation de supports « bioactifs » qui favorisent l’adhésion et la différenciation cellulaire [11]. Ces techniques permettent d’agencer la répartition cellulaire sur le support, d’intégrer de nouveaux traitements de surface, d’augmenter l’adhésion des cellules au support par le biais des molécules de liaison intercellulaire (intégrines) [11]. On peut aussi envisager la libération de molécules (signaux, facteurs de croissance) au sein du support, de manière plus ou moins prolongée. 204 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211 Plusieurs procédés sont ainsi envisagés : nanofibres auto-assemblées. Le principe est celui de l’assemblage de particules composant initialement un système désordonné en une structure organisée, du simple fait des interactions des composants entre eux, sans intervention extérieure. Cela est permis par l’utilisation de séquences peptidiques. Ces séquences possèdent des propriétés hydrophobes ou hydrophiles, définies par des séquences d’acides aminés. Leurs interactions permettent la création de structures mycéliennes de formes variées, mais aussi des structures tridimensionnelles. La connaissance des propriétés des séquences peptidiques et de leurs interactions permet la réalisation de structures géométriques [16]. Certaines séquences peptidiques, (RAD16I) réalisent des assemblages biomimétiques et reproduisent des réseaux de nanofibres similaires à du collagène de type I [6] et possèdent alors des propriétés ostéogéniques vis-à-vis de BMSCs (in vitro), telles que les nanofibres natives de collagène. Il est, de plus, possible d’intégrer des séquences peptidiques connues pour favoriser l’adhésion cellulaire et la différenciation [16]. Conjuguées à des hydrogels, ces nanofibres autoassemblées sont facilement sculptables et admettent l’adjonction de cellules selon certains patrons ; l’électrospinning. On induit un potentiel électrostatique élevé entre une électrode d’électrospinning et une plaque de recueil. Ce potentiel induit une accumulation de charges à la surface de la solution de polymères (solvants + polymères) située sur l’électrode et engendre des forces de répulsion électrostatiques. Lorsque ces forces de répulsion sont assez élevées, elles engendrent le transfert de la solution sur la plaque de recueil. Une fois le solvant éliminé ou évaporé, on recueille les nanofibres formées sur la plaque. L’orientation de ces dernières est perfectible et l’utilisation de roues de recueil permet leur alignement. Cette technique permet la création de nanostructures organiques et synthétiques. L’utilisation de matériaux naturels a été réalisée avec succès (collagène, chitine, laminine) [16]. On peut aussi combiner la réalisation de nanofibrilles de collagène ou de soie et l’incorporation de cristaux phosphocalciques [6] ; la séparation de phase. Elle utilise les propriétés de séparation de phase, en faisant varier la température et la concentration de la solution (solvant + polymère). Après séparation des phases, extraction du solvant et refroidissement, il est possible d’obtenir des nanofibres. Plusieurs solutions comprenant des polymères de nature différente mais une même température de séparation de phase peuvent être utilisés simultanément. Cette technique autorise la réalisation de nanofibres organiques et synthétiques [16]. L’utilisation de nanocomposites synthétiques est envisagée afin de d’améliorer les propriétés mécaniques du support et sa tolérance. L’adjonction de PLA à un support nanocomposite organique augmente la résistance du support. Le remplace- Ingénierie [(Figure_3)TD$IG] du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux ment complet du collagène par du PCL aboutit au même effet [6] ; les hydrogels. Ils reproduisent les aspects chimiques et mécaniques de la matrice extracellulaire. Ils sont extrêmement maniables et permettent l’élaboration de véritables patrons cellulaires. Ils autorisent ainsi une reproduction plus fidèle de la distribution cellulaire dans le tissu cible. Des constructions plus élaborées mêlant différents types cellulaires au sein d’un même support sont réalisables. Il est possible d’y intégrer des signaux d’adhésion et des facteurs de croissance ou de différenciation. On peut ainsi envisager l’intégration d’une population de cellules souches et les signaux nécessaires à leur différenciation au sein du gel [17]. Ils peuvent être réalisés à partir de polymères synthétiques ou naturelles. L’utilisation d’hydrogels photopolymérisables permet d’établir des structures tridimensionnelles intéressantes, par le biais de photomasques. Le principe consiste à placer un photomasque conçu selon un plan précis au dessus d’une solution initiale non polymérisée, puis de l’exposer aux UV. Le photomasque est opaque, des zones fenêtrées sont aménagées pour laisser passer les UV. Le motif réalisé correspond aux dessins des fenêtres [11,18] ; le bioprinting. Il s’agit de l’application médicale des procédés de rapid-prototyping (RP). Le RP consiste en la réalisation de structures ; par dépose de couches successives ou feuillets, selon un schéma pré-déterminé et assisté par ordinateur. On envisage la réalisation d’organes selon ce principe (reins, vaisseaux) (fig. 3). Ce procédé requiert l’utilisation d’une bio-imprimante, machine capable d’imprimer des motifs au moyen d’une « encre » contenant des cellules vivantes. L’encre est créée à partir de cellules ayant subi des traitements physiques (centrifugation), qui s’organisent sous forme de « balles ». Cette encre biologique est composée de « balles » au contenu cellulaire. Cette encre passe au sein d’une canule dans la bio-imprimante qui la projette sur un support. On réalise alors un schéma géométrique de base sur le support, à chaque couche. Un gel de matrice extracellulaire est appliqué entre chaque couche. La répétition de cette étape aboutit à la constitution de figures géométriques tridimensionnelles. Ainsi, l’impression d’une structure annulaire permet d’obtenir un cylindre et, à une autre échelle, un vaisseau. On peut combiner l’utilisation de différentes encres et donc de cellules de différente nature (pour reproduire les différentes tuniques d’un vaisseau) [19,20] ; le prototypage des matrices. La modernisation et la réduction des coûts et délais permettent désormais d’obtenir des biomatériaux sur mesure. Cette étape permet de répondre directement à la forme tridimensionnelle du défect osseux et de déterminer sa microstructure, gardant en arrière pensée la colonisation par les cellules ostéoprogénitrices, mais aussi la néovascularisation [21]. De plus, la forme adaptée permet une fixation Figure 3. Le bioprinting envisage la création d’organes fonctionnels par dépose de couches successives. Ainsi, on débute par l’application d’encre biologique sur chaque feuillet de la structure. Le dessin des motifs est assisté par ordinateur. Les différents feuillets sont empilés. Les gouttes forment une structure continue par coalescence. Cette succession d’empilement permet la réalisation de structures tridimensionnelles, telles que des structures vasculaires. simplifiée et un rendu cosmétique inégalable (fig. 4). Le dernier avantage étant de pouvoir restaurer la biomécanique de l’organe remplacé et d’ajouter le signal biomécanique aux cellules en contact et favoriser d’un point de vue théorique l’ostéo-intégration et l’ostéo-induction. Une autre voie de recherche est la réalisation de supports prévascularisés, améliorant ainsi la diffusion des nutriments et qui permettraient d’envisager des régénérations en terrain irradié. Pour ce faire, des techniques de construction de support en plusieurs couches ont été démontrées, permettant d’incorporer différents types cellulaires (endothéliales et osseuses) [11,18]. L’amélioration des propriétés physiques des matériaux utilisés, se rapprochant ainsi des conditions in vivo et permettant la restitution des fonctions. L’étude des propriétés de résorption des matériaux (temps de résorption, modifications des propriétés physicochimiques du milieu) est un des objectifs. Les cellules Le procédé standard d’ingénierie tissulaire comprend l’élaboration d’un tissu tridimensionnel biologiquement actif in vitro avant sa réimplantation in vivo. 205 L. [(Figure_4)TD$IG] Myon et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211 Figure 4. Remplacement du volet frontal perdu dans un contexte d’ostéite post-traumatique. Le volet réalisé en bêta-TCP, d’une épaisseur de 6 mm et de dimensions 8 cm 12 cm a été prototypé afin de remplacer exactement le défect frontal, prévenir tout mouvement secondaire et réduire le temps d’intervention sans nécessiter un prélèvement osseux autologue. En haut, de gauche à droite ; le défect en reconstruction tridimensionnelle vue de face, de profil et en coupe sagittale, en bas, de gauche à droite, l’implant mis en place en reconstruction tridimensionnelle vue de face, de profil et en coupe sagittale,. Le recul est de 13 mois avec un parfait résultat esthétique et l’absence de doléance clinique. Plusieurs étapes rythment ce travail qui est axé sur la culture cellulaire. On rencontre ainsi : le choix et la constitution du support tridimensionnel, vierge de cellules ; le prélèvement et l’isolement de cellules souches/ progénitrices ; l’amplification cellulaire ; la différenciation cellulaire ; le transfert des cellules au support ; l’implantation du tissu tridimensionnel biologiquement actif in vivo. Les cellules peuvent être maintenues indifférenciées avant le transfert vers le support. La différenciation et la culture s’effectuent alors sur le support. L’alternative à cette technique passe par la différenciation et la culture des cellules, suivie de leur transfert sur le support. Le choix des cellules est dépendant des objectifs. Il peut s’agir de cellules matures, différenciées, de cellules souches/progénitrices adultes, de cellules embryonnaires, des cellules souches de cordon. Les cellules souches/progénitrices adultes possèdent des propriétés d’auto-régénération et de prolifération élevées et sont pluripotentes. Il existe plusieurs sites accessibles, donneurs de cellules souches ou progénitrices chez l’adulte. Certains sites sont facilement accessibles. Grâce au génie cellulaire, il est possible de recueillir, cultiver, induire et guider la différenciation de ces cellules en un type donné. 206 L’utilisation de cellules différenciées autologues est envisageable. Cependant, leur recueil et leur prolifération peuvent se révéler difficiles. L’utilisation de cellules différenciées allogènes rencontre inévitablement des problèmes de compatibilité immunologique. On peut différencier les cellules souches embryonnaires et les cellules souches germinales embryonnaires. Les cellules souches embryonnaires proviennent de la masse cellulaire interne du blastocyste préimplantatoire, aussi appelée bouton embryonnaire [22]. Elles sont totipotentes. Une cellule totipotente est une cellule indifférenciée qui a la possibilité de générer un individu entier en se divisant. Elles peuvent donc donner tous les types cellulaires de l’organisme, mais aussi les types cellulaires des annexes embryonnaires. Les cellules souches germinales embryonnaires apparaissent durant le développement embryonnaire précoce. Elles sont pluripotentes. Elles peuvent être à l’origine de toutes les cellules de l’organisme sauf celles des annexes embryonnaires. Les cellules souches fœtales qui peuvent être issues du placenta et du cordon ombilical sont pluripotentes ou multipotentes. Une cellule multipotente est une cellule indifférenciée, déjà engagée dans un des trois feuillets embryonnaires. Ses possibilités de différenciation sont limitées aux organes appartenant à un même feuillet. Les cellules souches adultes sont multipotentes ou unipotentes. Les principales sources de cellules souches ou progénitrices adultes sont représentées par les cellules issues de la moelle Ingénierie du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux osseuse (human mesenchymal stem cells [hMSc]), du tissu adipeux (human multipotent adipose derived stem cells [hMADSc]) et des germes dentaires [23]. L’utilisation de cellules souches soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques. Pour tâcher d’encadrer et éviter les dérives, la loi française s’est enrichie de textes de loi de bioéthique (Loi no 2004-800 du 6 août 2004). Cette loi a débouché sur la création de l’Agence de la biomédecine. Tout projet de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires et les embryons est soumis à un examen et doit se voir accorder une autorisation. La recherche sur les cellules souches embryonnaires et l’embryon était interdite en France, sauf à titre dérogatoire (Loi no 2004-800 du 6 août 2004). Le maintien de ce régime a été discuté lors de la révision des lois de bioéthiques, en vue de la nouvelle édition de 2011. Il a été préconisé d’évoluer vers un régime permanent d’autorisation, enserré dans des conditions strictes. Ainsi, on a préconisé une modification de l’article L. 2151-5 du code de la Santé Publique. Les recherches ne peuvent être effectuées que sur des embryons surnuméraires et des cellules qui en sont issues. Le seul cadre légal de création d’embryons en France s’applique lors des procédures d’assistance médicale à la procréation. La création d’embryons, le clonage à des fins thérapeutiques, commerciale ou industrielle, sont interdits. Le code de Santé Publique définit et régit ces pratiques. Une révision des lois de bioéthiques a été apportée en 2009 par le Conseil d’état. La législation est différente à travers les pays d’Europe. La création de cellules souches embryonnaires et d’embryons est autorisée dans certains états (Grande-Bretagne, Belgique, Espagne, Suède) et interdite dans d’autres (Allemagne, Pologne). Les disparités entre les pays européens restent très marquées. Les signaux Généralités sur les signaux Ce sont des signaux spatiotemporels. L’identification, la compréhension de la nature et de leurs séquences, doivent permettre d’améliorer et d’optimiser le développement des tissus et organes. L’identification des signaux biochimiques permet d’améliorer les phases d’expansions cellulaires mais aussi de différenciations [24]. Les signaux biochimiques regroupent : des cytokines, des chemokines ; des facteurs de croissance. On retrouve parmi la superfamille TGF-b, différents facteurs de croissance tels que : le BMP ; l’insulin-like growth Factor (IGFs) ; les platelet-derived growth factors (PDGFs). Par ailleurs, elle permet aussi de repérer certains signaux liés aux modifications des propriétés physicochimiques de certains biomatériaux en conditions in situ. Il existe des signaux biomécaniques : les forces et contraintes osseuses [25] ; l’architecture tridimensionnelle du support (biomimétisme et biomatériaux [14]. L’étude de la réponse physiologique des biomatériaux, aux conditions biomécaniques, biochimiques auxquelles ils seront confrontés après leur implantation est possible via l’utilisation de bioréacteurs. Ces derniers permettent aussi d’étudier le développement tridimensionnel du modèle tissulaire. L’utilisation des bioréacteurs (culture dynamique) a, de plus, permis un gain de temps lors de l’expansion cellulaire, par rapport à la culture statique [26]. Les biomolécules2 Utilisation des biomolécules L’utilisation de certaines biomolécules permet d’induire la formation de tissu osseux. Les facteurs de croissance représentent l’essentiel de ces molécules. Urist, en 1965, a découvert les BMP [27]. Elles représentent un des sous-groupes de la superfamille transforming growth factor b (TGF-b). Cette superfamille regroupe les BMP et d’autres facteurs de croissance [24]. De nombreux sous-types des BMP ont été identifiés [28]. Plus de 30 sous-types ont été décrits [5]. Le potentiel thérapeutique des rhBMP-2, -4 et -7 a été démontré [29]. Plusieurs étapes se sont succédées dans leur utilisation et mode d’administration. La stratégie initiale envisagée par Urist consistait en l’extraction et la purification de ces facteurs. Puis, l’utilisation de protéines recombinantes est devenue possible par séquençage et clonage, brisant le verrou technique de la disponibilité et du coût [29,30]. La faible durée de vie de ces facteurs rend difficile leur administration par voie systémique [31]. L’élaboration de supports contenants des rhBMP et capables de les délivrer sur le site constitue une des voies de recherche. Les matrices à base de collagène et de polymères synthétiques représentent les hypothèses les plus intéressantes [29]. Il persiste cependant des problèmes de concentration et de durée, susceptibles d’induire une ostéogenèse, ainsi que des problèmes de toxicité [31,32]. Les progrès du génie cellulaire ont permis l’accès à la thérapie génique. Des vecteurs viraux et non viraux ont été utilisés avec succès pour la transduction du gène de BMP-2 et la régénération d’un défect osseux chez le rat [33]. 2 Les biomolécules sont une des formes de signaux. Une autre forme de signaux sont les signaux physiques, tels que les forces et contraintes appliquées au support et aux cellules (par l’intermédiaire des flux liquidiens par exemple). 207 L. Myon et al. Indications et applications des biomolécules Elles dépassent le simple cadre de la chirurgie maxillofaciale et s’appliquent à toutes les chirurgies s’intéressant aux pertes osseuses. Des applications cliniques ont été rapportées en pré-implantologie (sinus lift), ainsi que dans le traitement de certains des défects osseux alvéolaires post-avulsion [34]. Les BMP peuvent aussi être employés lors des fermetures des fentes labiopalatines. Elles peuvent être employées seules ou en association avec la distraction osseuse. Elles permettent certaines fois de se passer de greffes osseuses autologues [35,36]. La molécule majoritairement employée est la rhBMP-2/ACS, dont l’utilisation a été validée par la FDA. Spagnoli [34] rapporte un cas de reconstruction, en terrain irradié, d’un déficit segmentaire mandibulaire de grande taille par l’utilisation combinée d’une attelle, d’os spongieux iliaque autologue et de rh-BMP-2. Les concentrations de rh-BMP2 variant selon que l’on se trouve au centre de la greffe ou en périphérie, afin d’optimiser l’ostéo-induction. Enfin, plusieurs études utilisant la thérapie génique ont été réalisées chez l’animal. Elles seront développées dans le chapitre ci-après « La thérapie génique ». La thérapie génique C’est une des branches de la thérapie cellulaire. Son utilisation thérapeutique a été proposée afin de pallier et corriger certaines mutations génétiques. Ainsi, la capacité de créer des mutations génétiques pour induire le codage de protéines ou de fonctions spécifiques s’est développée. Le principe repose sur le transfert d’une séquence d’ADN (gène) dans des cellules cibles. Cette séquence est incorporée ou non à l’ADN des cellules cibles. La séquence transférée permet de suppléer à la séquence native déficiente (mutée, délétée. . .) ou d’introduire une nouvelle séquence codante. On peut ainsi produire des molécules intervenant dans la régénération du tissu sélectionné. Sa réussite est tributaire de trois étapes [37] : transduction ou transfection : introduction du vecteur et du génome dans la cellule cible ; transcription : transcription de l’ADN en ARN messager ; traduction : traduction de l’ARN messager en une protéine. Son utilisation a été proposée dans la régénération osseuse. Plusieurs gènes ayant un intérêt potentiel ont été retenus. On retrouve les gènes codant pour les facteurs de croissance et de différenciation osseuse tels que les BMP, FGF, IGF et ceux des facteurs de transcription qui leurs sont associés. La transfection des gènes utilise des vecteurs non viraux (plasmides), viraux (rétrovirus, adénovirus, Lentivirus) ou des méthodes physiques (balistique, hydrodynamique). Cette technique est envisageable selon une approche in vivo ou ex vivo. Ces deux approches ont été réalisées avec succès chez l’animal et ont permis une régénération osseuse [5] : 208 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2011;112:201-211 in vivo, le gène est délivré sur site directement dans la zone d’intérêt. Puis, l’ADN est transfecté dans les cellules du tissu cible. Dans ce cas, les cellules transfectées sont localisées au site d’injection [38,39]. Une des limites de cette technique est le contrôle du type de cellules transfectées ; ex vivo, des cellules sélectionnées, issues du patient, sont prélevées, cultivées, transfectées puis réimplantées chez le donneur. Ce procédé est plus long que l’approche in vivo. Il autorise cependant un contrôle rigoureux des cellules cibles sélectionnées et limite au minimum la diffusion des particules virales aux tissus environnants [40]. De nombreux types cellulaires ont été transfectés avec succès. Le vecteur idéal est immunocompatible ; possède un taux élevé de transduction, quel que soit le turn-over de la population cellulaire cible ; se lie spécifiquement aux cellules cibles ; ne perturbe pas le fonctionnement cellulaire ; permet un contrôle externe du taux de protéine qu’il code et possède un coût de production raisonnable. Nous étudierons successivement les vecteurs viraux, les vecteurs non viraux et les applications de la thérapie génique. Les vecteurs viraux On recense parmi eux : les rétrovirus, les adénovirus, les Adeno-associated vectors (AAVs), les Herpesvirus et les Lentivirus. Les vecteurs viraux sont considérés comme les vecteurs, les plus efficaces. Les gènes codant pour la réplication virale ont été supprimés de ces vecteurs ; rétrovirus : vecteurs encapsulés, contenant l’ARN du ou des gènes sélectionnés et une ARN transcriptase inverse. Une fois transfectée, l’ARN transcriptase inverse, transcrit la séquence en ADN. Ce dernier est incorporé au génome de la cellule cible permettant une transcription prolongée dans le temps [41]. Ils engendrent une faible réponse immunitaire de l’hôte [5]. Une des limites de ce vecteur est son incapacité à transfecter des cellules à faible taux de renouvellement et donc de division [42]. Leur incorporation au voisinage d’un oncogène peut entraı̂ner sa transcription (insertional mutagenesis) et déclencher des effets secondaires graves [43] ; adénovirus : vecteur à ADN non encapsulé. L’ADN qu’il contient est acheminé jusqu’au noyau où il n’est pas intégré au génome de la cellule hôte. Le ou les gènes introduits sont alors transcrits puis traduits. Ils peuvent transfecter des populations cellulaires à haut et à faible taux de renouvellement. L’expression du gène transfecté est limitée dans le temps. L’utilisation de ce vecteur est limitée par la réponse immunologique qu’il engendre [44] ; adeno-associated vectors : ils n’engendrent pas de réaction immunitaire et peuvent transfecter des cellules capables de division ou non. De plus, la transfection d’un gène au vecteur, à activation lumineuse, permet de contrôler et de limiter l’expression des autres gènes transfectés, géographiquement et quantitativement [45]. Les limites de ce vecteur sont Ingénierie du tissu osseux oro-maxillofacial par combinaison de biomatériaux représentées par les difficultés à y incorporer de l’ADN et les difficultés de production du vecteur en quantité suffisante. Les vecteurs non viraux Ils comprennent les plasmides, les lipoplexes [46]. Ces procédés induisent moins de réactions immunitaires, mais malheureusement le taux de transfection est assez bas. On retrouve aussi les méthodes physiques telles que l’électroporation, la sonoporation, les méthodes balistiques hydrodynamiques, ou de magnétofection (transfection utilisant les forces magnétiques). Applications De nombreux essais de transduction de gène codant pour des protéines et facteurs intervenants dans la régénération osseuse ont été envisagés. Rundle et al. [47] ont transfecté un vecteur viral (rétrovirus) contenant un gène hybride codant pour un hétérodimère BMP 2-4, aux cellules intervenant dans la phase initiale de cicatrisation osseuse lors d’une fracture. Il a été observé une quantité plus importante d’os formé, mais pas de diminution du temps de cicatrisation. Plusieurs essais ont montré in vitro et in vivo la formation de calcifications ectopiques et orthotopiques après utilisation d’un vecteur viral (adénovirus), contenant l’ADN codant pour une BMP [48,49]. Bonadio et al. [50] ont rapporté l’utilisation de plasmides contenant les gènes codant pour des BMP. L’avantage de cette technique est mis en avant par les auteurs, en ce sens que de délivrer des BMP sur site est une tâche souvent difficile et qu’il leur semble plus simple de faire produire les biomolécules par les cellules in situ afin qu’elles délivrent la BMP7, dans cet exemple. Qu et al. [51] ont démontré une amélioration de l’ostéogenèse et de l’angiogénèse lors de la tranfection du gène de bFGF dans des BMSC, elles-mêmes cultivées sur un support de nano-hydroxyapatite et de polyamide. Cette étude portait sur la reconstruction in vivo de défect segmentaire calvarial chez le rat. Les perspectives d’amélioration futures passent par la combinaison de gènes codant pour des facteurs de croissance, protéines impliquées dans les étapes de cicatrisation osseuse (BMP + VEGF) et facteurs de transcription [5]. La recherche de vecteurs permettant des taux élevés de transfection et une faible réponse immunitaire est une des voies de recherche. La grande difficulté étant de permettre un taux de transfection élevé sans induire de réponse immunitaire exagérée. Il faut, de plus, prévoir en fonction de la technique de transfection une exclusion du gène transfecté pour ne pas produire la protéine en permanence. Enfin, l’idéal serait de pouvoir transfecter plusieurs gènes induisant la production de différentes protéines et à des séquences temporelles adaptées à l’ostéogenèse, ce qui est difficile à modéliser actuellement. Pour obtenir une réponse fiable des cellules transfectées, il faut qu’elles soient de bonne qualité et qu’elles bénéficient en particulier d’une bonne vascularisation. Des résultats prometteurs ont été obtenus chez l’animal. Cependant, aucun essai thérapeutique de régénération osseuse par thérapie génique n’a été rapporté chez l’humain [5]. Quel que soit le vecteur ou la méthode de transfection, le tissu receveur doit avoir une trophicité suffisante afin de réagir activement, nous ramenant à la problématique de la vascularisation. Plusieurs applications concrètes et cliniques sont espérées. On envisage ainsi le traitement de pseudarthrose, la création d’os pour corriger des défects d’origine chirurgicale ou autre. On envisage aussi son utilisation pour augmenter focalement le volume osseux et permettre la pose d’implants. Conclusions Les méthodes d’ingénierie tissulaire osseuse sont désormais très variées, et les associations des différentes techniques sont de plus en plus employées, en particulier pour le tissu osseux qui présente la particularité d’être résistant, vivant et bien vascularisé. En effet, suite aux cultures cellulaires monocouches dans un bioréacteur statique et un milieu nutritif simple, on voit se développer des bioréacteurs en flux parfois pulsé, dans un scaffold macroporeux interconnecté, avec des co-cultures cellulaires et des facteurs de croissance délivrés in situ ou par thérapie génique. Les signaux biomécaniques commencent aussi à se développer ainsi que les « cocktails » de biomolécules. Les raffinements biologiques obtenus in vitro ne cessent de s’accroı̂tre, sans pour autant atteindre ceux de l’endocultivation, dans la mesure où la culture in vivo induit une néovascularisation ainsi qu’une néo-angiogénèse tout en bénéficiant de biomolécules que nous ne connaissons peut-être encore pas. La thérapie génique est le domaine qui souffre du moins d’applications cliniques par rapport à l’application de biomolécules et la greffe de cellule souches. Le bioprinting est une technique de plus en plus prometteuse, mais qui se heurte à la création d’un scaffold rigide en ce qui concerne l’ingénierie tissulaire osseuse. Le bioprinting sans scaffold devient une nouvelle technique qui se développe de plus en plus et pose le problème de sa dénomination : scaffold-less ou scaffold-free qui semble le terme retenu [20]. La production de la matrice extracellulaire, entre autre la trame phosphocalcique, devient le nouveau défi pour répondre aux besoins d’ingénierie tissulaire osseuse. Au final, nous voyons l’ensemble de ces techniques élargir leur socle de connaissance et d’applications au point de venir se 209 L. Myon et al. fusionner avec les autres et permettre de gravir les échelons de la connaissance fondamentale. C’est définitivement sur le plan des applications cliniques et d’un certain recul que nous jugerons de la fiabilité des reconstructions issues de l’ingénierie tissulaire osseuse, par comparaison avec les techniques traditionnelles ou plutôt anciennes désormais. . . Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Dr Mohamed Allaoui, Dr Marc Baroncini, clinique de neurochirurgie, pôle des neurosciences et de l’appareil locomoteur, CHRU de Lille pour la prise en charge commune du patient présenté en (fig. 4). Références [1] Ferri J, Dujoncquoy JP, Carneiro JM, Raoul G. Maxillary reconstruction to enable implant insertion: a retrospective study of 181 patients. Head Face Med 2008;4:31. [2] Ferri J, Lauwers L, Jeblaoui Y, Genay A, Raoul G. Le Fort I osteotomy and calvarial bone grafting for dental implants. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2010;111:63–7. 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