QU`EST-CE QUE LA « COMMUNICATION ORGANISATIONNELLE

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Contributions
QU’EST-CE QUE
LA « COMMUNICATION ORGANISATIONNELLE »
DANS UN PAYS DE CONTACT ?*
Cleusa Maria ANDRADE SCROFERNEKER
Les différentes approches et perspectives récemment développées cherchent à
démontrer l’importance acquise par la communication organisationnelle face à
la nouvelle scène mondialisée. Le lien commun entre les auteurs est le souci de
définir et de caractériser la communication organisationnelle et l’étendue de son
champ, montrant par là la nécessité de lui attribuer une place importante dans
les organisations.
La communication organisationnelle englobe toutes les formes de communication utilisées par l’organisation afin de se mettre en rapport et d’interagir avec
ses publics. Selon Riel1, la communication organisationnelle comprend les relations publiques, les stratégies organisationnelles (public affairs), le marketing
corporatif, la publicité corporative, la communication interne et externe, en
d’autres termes, un groupe hétérogène d’activités de communication tournées
fondamentalement vers les publics ou segments auprès desquels l’organisation
se met en relation et dont elle dépend.
De son côté, Kreps2 perçoit la communication organisationnelle comme un
processus à travers lequel les membres de l’organisation obtiennent les informations pertinentes et les changements la concernant. Dans la perspective de cet
auteur, la communication organisationnelle accomplit une fonction de source
d’information (data-gathering) pour les membres de l’organisation. L’informa*
Traduction de Patrícia Chittoni Ramos Reuillard et Pascal Reuillard.
1. Voir RIEL, C., Principles of corporate communication, Hemel Hempstead, PrennticeHall, 1995.
2. Voir KREPS G., Organizational communication : theory and pratice, New York,
Longman, 1990.
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Qu’est-ce que la « communication organisationnelle » dans un pays de contact ?
tion se constitue dans la variable intermédiaire unissant la communication à l’organisation.
Partant du fait que la communication organisationnelle concerne les processus de communication caractérisant les organisations humaines, Daniels, Spiker
et Papa3 ont identifié trois modèles ou perspectives de communication organisationnelle : traditionnelle, interprétative et critique.
Le modèle traditionnel est ainsi appelé car il est le plus ancien des trois. Dans
ce contexte, la communication organisationnelle est vue comme une activité
dont le comportement peut être mesuré, standardisé et classifié. Il y a un rapport
entre processus communicationnel et efficacité organisationnelle. Avec ce modèle peuvent être identifiés deux moments : premièrement, alors que l’organisation est considérée comme une machine (vision mécaniciste), la communication
organisationnelle est perçue comme un engrenage, un processus mécanique
(machinelike) ; deuxièmement, dans une perspective plus récente, à savoir l’organisation prise comme système, la communication organisationnelle est un processus organique et dynamique. C’est ce modèle qui est prédominant et adopté
par l’Université au sens métaphorique d’organisme – un système vivant.
Le second modèle est le modèle interprétatif, qui voit les organisations comme
des cultures. Dans cette perspective, l’organisation est un phénomène subjectif
et l’action sociale n’est possible que lorsque les personnes peuvent partager des
signifiés subjectifs. La culture organisationnelle est considérée comme un réseau
de signifiés. Les recherches interprétatives essayent de révéler les réalités socialement construites dans les organisations. Elles étudient la communication comme
un processus à travers lequel cette construction sociale se produit, c’est-à-dire les
symboles et signifiés impliquant les différentes formes de comportement organisationnel. L’organisation est également vue comme un espace de négociation
(negociate order), produit de transactions et de discours collectifs.
Ainsi, la perspective interprétative se concentre sur le processus symbolique
qui construit socialement la réalité organisationnelle. Et cette réalité organisationnelle est socialement construite par l’intermédiaire de la communication ; en
d’autres termes, elle est créée et maintenue à travers l’interaction entre les individus.
Alors que la perspective traditionnelle perçoit le monde de l’action sociale,
de l’interaction comme un élément se constituant de comportements observables et tangibles, la perspective interprétative tente de montrer que la culture est
ce qui se trouve derrière ces comportements manifestes.
Quant au modèle critique, il aborde l’organisation comme un instrument
d’oppression. Son attention porte sur les classes organisationnelles opprimées :
travailleurs, femmes, minorités et autres groupes identifiés comme classes opprimées. Même en admettant le risque de simplification, il est possible d’affirmer
3. Voir DANIELS, T. D., SPIKER B. & PAPA, M., Perspectives on organizational
communication, Dubuque, Brown & Benchmark Publishers, 1997.
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que dans cette perspective, les chercheurs se préoccupent à la fois de la structure
sociale et du processus symbolique. Mais l’oppression organisationnelle ne porte
pas uniquement sur la structure sociale ou sur le processus symbolique, elle se
situe aussi dans la relation entre les deux. Dans ce modèle, la communication est
vue comme un instrument de domination. Il s’agit d’une distorsion systématique
de la communication, qui est une action délibérée et continue du processus symbolique visant à coopter les intérêts des employés. Qui a intérêt, par exemple, à
raconter des histoires sur les « héros » fondateurs de l’organisation ? Pour l’approche critique, les intéressés sont les dirigeants de l’organisation, qui utilisent
ces « histoires » pour impliquer les autres membres de l’organisation.
Goodall Jr. et Einsberg4 présentent de leur côté cinq théories de la communication organisationnelle : a) comme transfert d’information ; b) comme processus transactionnel ; c) comme stratégie de contrôle ; d) comme équilibre entre
créativité et contrainte (constraint) et e) comme espace de dialogue.
Lorsqu’ils parlent de la communication comme transfert d’information, les
auteurs utilisent la métaphore de la « canalisation », à travers laquelle l’information passe, « s’écoule » pour passer d’une personne (émetteur) à une autre (récepteur). C’est la communication asymétrique au sens le plus large.
La communication est généralement utilisée pour transmettre les buts et les
objectifs du sommet aux autres membres de l’organisation. On est en présence
d’un modèle linéaire, simplifié et incomplet, car il incombe à l’émetteur de définir le signifié des messages en le repassant aux autres.
À l’opposé du modèle précédent, dans lequel un émetteur transmet un message à un récepteur qui agit comme un être passif, le modèle transactionnel met
l’accent sur le feedback. Il s’intéresse à la manière dont le message est reçu et
compris, en particulier à travers la manifestation non verbale, qui peut remplacer
le feedback verbal. Autrement dit, il prend en compte le comportement manifeste, et pas seulement celui exprimé verbalement.
Le processus du modèle transactionnel diffère fondamentalement du modèle
de transfert d’information parce qu’il s’occupe du signifié du message, comment
il est reçu et compris, à savoir comment le récepteur va déconstruire/construire
le signifié du message reçu.
Dans le modèle de contrôle stratégique, la communication est un outil de
contrôle de l’environnement organisationnel. Ce modèle attribue aux
communicateurs des objectifs multiples en face de situations, c’est-à-dire qu’un
communicateur compétent est celui qui sélectionne adéquatement les stratégies
pour réaliser de multiples objectifs dans l’organisation. Cette approche identifie
comme stratégie d’ambiguïté (strategic ambiguity) le fait que les personnes puissent communiquer, de manière incertaine mais non dénuée de talent, leurs ob-
4. EINSBERG, E. M. & GOODALL Jr. H.L, Organizational communication :
balancing, creativity and constraint, New York, St Martin’s Press, 1997.
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jectifs. À la différence des autres modèles, le contrôle stratégique ignore l’idée
des signifiés partagés sur la base ou la motivation de la communication ; il est
perçu comme un modèle empirique non vérifiable, car le principal objectif de la
communication serait d’organiser l’action. Ce modèle suggère que le monde
organisationnel est composé de communicateurs indépendants, chacun travaillant
au contrôle de son propre environnement, et que les signifiés n’existent que
dans l’esprit des gens.
Par conséquent, dans cette perspective, la position et le pouvoir individuels
acquièrent un sens à travers la communication.
Le quatrième modèle envisage la communication du point de vue de l’équilibre entre la créativité et la contrainte. Cette conception se rapproche des théories sociologiques concernant la relation individu versus société. Ces relations
présentent des tensions entre la macro- et la microperspective. La macroperspective conçoit les actions individuelles comme des éléments conditionnés par
les impositions (règles, normes…) de la société et des institutions sociales. Quant
à la microperspective, elle les voit comme une création de la société et de son
système social. La dichotomie s’établit au moment où il est nécessaire à la fois de
maintenir ce qui est institué (et socialement accepté, telles les lois, règles, normes…) et de promouvoir des changements (vus dans cette perspective comme
une créativité). La communication se pose en médiatrice de ces tensions, elle est
la manifestation matérielle de la contrainte institutionnelle, du potentiel créatif et
du contexte d’interprétation. Dit d’une manière simplifiée, la communication est
l’aiguille de la balance entre la créativité – ce qui pourra être fait – et la contrainte
– ce qui devra être fait.
Dans le cinquième modèle suggéré par Goodall Jr. et Einsberg, les organisations sont vues comme un espace de dialogue. Par dialogue, les auteurs entendent la « communication équilibrée », c’est-à-dire la communication dans laquelle
chaque individu a l’opportunité de parler et d’être entendu.
Dans son ouvrage Cultura empresarial y comunicacíon interna : su
influencia en la gestión estratégica, Lite opère une brève révision de l’évolution conceptuelle de la communication organisationnelle en en analysant l’origine, les difficultés et les limites pour son implantation dans une organisation. Il
travaille avec des auteurs tels que W. Chester Redding, considéré comme l’un
des principaux analystes de la communication organisationnelle.
Il met en avant quelques théories ayant marqué les études de la communication organisationnelle, en prenant comme références deux grandes périodes : de
1900 à 1970 et de 1970 à aujourd’hui. Entre 1900 et 1970, les différents
concepts et théories développés se sont fondamentalement appuyés sur la Doctrine Rhétorique Traditionnelle, sur la Théorie des Relations Humaines et sur la
Théorie de la Gestion Organisationnelle. À partir de 1970, les approches théoriques se sont plutôt centrées sur la Théorie Moderne ou Empirique, la Théorie
Naturaliste et la Théorie Critique.
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Les objectifs de la théorie moderne ou empirique sont tournés vers le mesurage
et le contrôle, et l’accent est mis sur l’empirisme quantitatif. L’organisation est
prise comme une réalité objective, qui peut être « mesurée ». L’intérêt porte sur
l’efficacité de la communication dans les organisations du point de vue de la
direction (Redding). L’organisation est une machine, ses objectifs et ses finalités
concernent l’accomplissement des buts proposés. Et la communication est un
outil rendant viable l’accomplissement des objectifs et buts organisationnels. En
conséquence, dans cette perspective, la communication représente un modèle
linéaire et mécanique, au même titre que l’engrenage d’une machine.
Dans la théorie naturaliste, on rencontre des études de cas développées par
Redding (Université de Purdue), les théories « rhétoriques » de la communication
organisationnelle (Bormann, Tompkinns et Cheney) et la théorie culturelle de
Pacanowsky et O’Donnell-Turjillo.
Cette théorie s’attache à montrer l’organisation à partir d’une « vérité » qui
est en dehors d’elle, dans la mesure où la réalité organisationnelle est le fruit de
la construction sociale, c’est-à-dire qu’elle est construite historiquement. L’organisation s’apparente à un organisme ; elle est organique, vue comme idéographique, représentée à travers des images et perçue comme un être perméable à
son environnement. Elle est donc aussi une entité culturelle spécifique, conçue
comme une communauté unique de langage et d’autres formes d’action symbolique. La communication est partie intégrante de l’organisation dans la mesure
où elle fait l’organisation, c’est-à-dire qu’elle en est la condition nécessaire.
La théorie critique est plus récente. Certains de ses présupposés théoriques
peuvent se rencontrer dans le matérialisme dialectique. Ici, l’organisation est
toujours vue comme une arène de conflits, un champ de bataille – le lieu du
conflit de classes. La réalité organisationnelle est le réflexe de ces « heurts », elle
est perçue comme un « instrument de domination et d’oppression ». Ainsi, la
communication assume le rôle de mécanisme de masquage des réalités matérielles de l’organisation. Cette théorie met l’accent sur les aspects idéologiques de la
communication, en l’admettant comme cause d’une fausse conscience entre dirigeants et travailleurs.
Pour Restreppo5, la communication dans les organisations doit être comprise intégralement, traversant toutes les actions organisationnelles, rendant viable de manière permanente la construction de sa culture et de son identité, ayant
un style propre et des manières de se projeter extérieurement (la construction de
son image). L’auteur considère l’organisation comme des unités d’action collectives, constituées afin d’atteindre des buts spécifiques, et dirigées par un pouvoir
qui établit une forme d’autorité déterminant le statut et le rôle de ses membres.
5. RESTREPPO, J. M., « Comunicación para la dinâmica organizacional. Colombie »,
Signo y Pensamiento, n° 26 (XIV), Universidad Javeriana, Facultad de Comunicación
y Lenguage, 1995, pp. 91-96.
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Dans ce sens, l’organisation peut être vue comme une expression particulière et
concrète de système d’action historique et de rapports de classe, ainsi que comme
une activité régulée par des décisions émanant d’un système politique. Restreppo
met en avant le fait que l’organisation est un noyau de décisions dont les formes
de socialisation – résultat de l’interaction humaine – sont déterminantes pour sa
configuration, configuration dans laquelle la culture va être construite.
La communication peut alors être comprise comme un composé qui donne
forme à l’organisation, qui l’informe en la faisant être ce qu’elle est. Dans cette
perspective, Restreppo Jr. propose quatre dimensions du processus de communication organisationnelle :
– comme information (ce qui donne forme), configurant les opérations propres
à chaque organisation. Ces opérations sont les transactions stables devant
avoir lieu afin que l’affaire soit possible, le système normatif (mission, valeurs,
principes, politiques…) qui soutient la pratique de l’organisation, les formes
de contrôle ;
– comme diffusion, au sens de « donner à connaître », rendre public ;
– comme générateur de relations tournées vers la formation, la socialisation
et/ou le renforcement de processus culturels. Activités récréatives, rituels et
célébrations sont ici quelques-uns des processus de communication ;
– comme participation, comme action de communication de l’« autre ». Dans
ce contexte, le cycle de communication se complète, la parole est explicitement donnée à l’autre, qui est entendu et reconnu. Il s’agit là des travaux en
équipe, des programmes de suggestions, bref de toutes les pratiques organisationnelles qui permettent une participation effective en établissant des liens
de pertinence et un engagement avec l’organisation.
L’approche développée par Restreppo Jr. pose une question fondamentale du
point de vue du rapport entre communication et organisation. En d’autres termes, la façon d’être d’une organisation peut être interprétée par les formes de
communication qui y sont développées, ce qui implique de reconnaître les diverses organisations comme constructrices de sens.
Hall examine la communication dans les organisations en prenant en compte
les facteurs qui concernent l’envoi, la réception, la perception et les interprétations de ces communications. La communication est un processus relationnel,
c’est-à-dire que les relations sociales se produisent entre l’émetteur et le récepteur, les engagent, et leurs effets sont réciproques au fur et à mesure qu’ils communiquent.
Il affirme que les analystes organisationnels attribuent des degrés variables à
l’importance de la communication. Dans une théorie exhaustive de l’organisation, la communication tient un rôle prépondérant ; dans une vision plus raisonnable, le rôle de la communication est plus relatif, « son importance varie en
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fonction du lieu à partir duquel on regarde dans une organisation et en fonction
du type d’organisation qui est en train d’être étudié6 ».
Un autre point souligné se réfère au processus perceptif qui est la clé pour la
compréhension des communications. Il est sujet à nombre de facteurs, lesquels
« peuvent mener à des différences significatives sur la façon dont deux personnes
quelconques perçoivent une même personne ou une image7 ». Ainsi, les besoins,
les valeurs et les intérêts individuels doivent être pris en compte dans le processus perceptif et compris comme des conditions de base dans le processus communicatif. L’impression que le récepteur de la communication a de l’émetteur, le
rôle que l’individu occupe dans l’organisation, le phénomène de la « stéréotypie »
et les différences de « statut » sont quelques-unes des situations (facteurs) qui favorisent ou rendent plus difficile la communication.
L’auteur attire l’attention sur une série de facteurs qui gênent les communications dans les organisations, tout en signalant que « le processus de communication doit être envisagé comme un processus dynamique dans lequel de nouveaux
acteurs, de nouveaux moyens et de nouvelles définitions entrent constamment
en scène8 ».
Goldhaber se base sur le fait que l’organisation est un système vivant et
ouvert, lié à un flux d’informations entre les personnes occupant différentes positions et ayant des rôles distincts. Partant de là, il définit la communication
organisationnelle comme étant le flux de messages traités dans un réseau de
relations interdépendantes. Sa définition présente quatre concepts clés à prendre en compte dans le champ de la communication organisationnelle : messages, réseau, relations et interdépendance. Les messages concernent l’« information
significative » sur les personnes, les actions et les objets générés durant les interactions humaines. Il est question de l’information perçue et à laquelle les récepteurs attribuent un sens. Les messages, informations significatives, s’écoulent
par le biais de réseaux de communications qui, à leur tour, sont connectés aux
personnes, établissant entre elles différents degrés (intensité) de relations. Les
possibilités mentionnées par Goldhaber sont nombreuses pour l’étude de ces
relations : aussi bien à travers la conduite des personnes engagées dans ces relations, leurs effets dans des relations spécifiques, qu’à travers les habiletés, les
attitudes et la morale des employés lorsqu’ils sont affectés ou affectent les relations au sein de l’organisation. Dans cette conception, l’auteur montre l’importance de l’aspect d’interdépendance. En effet, alors qu’il considère l’organisation
comme un système ouvert, il admet la coexistence de sous-systèmes établissant
entre eux des niveaux d’interdépendance, ce qui revient à dire que ces soussystèmes affectent et sont affectés mutuellement, et donc qu’ils affectent le système comme un tout.
6. HALL, R. H., Organizações : estrutura e processos, Rio de Janeiro, Prenntice-Hall
do Brasil, 1984, p. 132.
7. Ibidem, p. 136.
8. Ibidem, p. 147.
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Kunsch et Torquato se distinguent parmi les auteurs brésiliens et constituent
des références en termes d’études sur la communication organisationnelle. Leurs
travaux sont autant marqués par un souci constant d’établir toute l’étendue de
son champ d’action que de lui attribuer une position stratégique dans l’espace
organisationnel. « La communication organisationnelle doit se constituer un secteur stratégique, réunissant des valeurs et facilitant les processus interactifs, au
moyen des relations publiques, de l’organisation avec ses différents publics, l’opinion publique et la société en général », écrit Kunsch. L’auteur soutient la thèse
de la Communication Intégrée, la considérant comme « une philosophie vers
laquelle convergent différents domaines, permettant une action synergique9 ».
Cette perspective « présuppose une union de la communication institutionnelle,
de la communication de marché, de la communication interne, de la communication administrative, qui forment un assemblage, le composé de la communication organisationnelle10 ».
Torquato affirme que la communication organisationnelle « est la possibilité
systémique qui, intégrée, réunit les modalités de communication culturelle, de
communication administrative, de communication sociale et des systèmes d’information11 ».
Les modalités présentées par ces deux auteurs, bien qu’ayant des dénominations différentes, cherchent à rendre compte de la complexité de la communication dans les (et des) organisations avec leurs différents segments de publics.
D’après Kunsch12, la communication institutionnelle permet à l’organisation
« d’avoir un concept et un positionnement favorable face à l’opinion publique »,
c’est-à-dire la construction de sa crédibilité, alors que la communication de marché se tourne vers la diffusion des produits et services, comprenant toute la
manifestation produite autour des objectifs de vente d’une organisation. Toutes
les deux, en dehors de leurs différences et spécificités, accomplissent des actions
destinées aux publics externes à l’organisation. Torquato met ensemble ces deux
modalités de communication et les appelle communication sociale, dans laquelle
apparaissent les domaines du journalisme, des relations publiques, de la publicité, de l’édition et du marketing. Selon lui, la communication sociale est « la plus
développée, aussi bien du point de vue conceptuel que des points de vue opérationnel et technologique13 ».
Au contraire des modalités précédentes, les communications administrative
et interne ont besoin de donner la priorité aux publics internes. La communica-
9. KUNSCH, M. M. K, Planejamento de Relações Públicas na Comunicação
Integrada, São Paulo, Summus, 2003, p. 150.
10. Ibidem, p. 150.
11. TORQUATO, G., Tratado de Comunicação Organizacional e Política, São Paulo,
Pioneira Thomson Learning, 2002, p. 35.
12. KUNSCH, M. M. K, op. cit., p. 92.
13. TORQUATO, G., op. cit., p. 34.
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tion administrative engage des procédés communicationnels se produisant dans
l’organisation, « réunissant des rôles, des lettres internes, des mémorandums14 ».
La communication interne se développe parallèlement à la communication administrative, elle « vise à proportionner des moyens pour promouvoir une plus
grande intégration dans l’organisation au moyen du dialogue, de l’échange d’informations et d’expériences et de la participation de tous les niveaux ». Pour
Kunsch, « la communication interne est planifiée autour d’objectifs clairement
définis, afin de rendre viable toute interaction possible entre l’organisation et ses
collaborateurs se servant de méthodologies et de techniques de communication
institutionnelle, et même de la communication de marché15 ». Dans les modalités, dimensions et/ou formes présentées par Torquato, la communication interne est insérée dans la communication culturelle qui concerne les climats
organisationnels internes. Par rapport à la communication administrative, les
deux auteurs utilisent la même dénomination. Cependant, Torquato inclut également le système d’information comme une quatrième forme de communication,
à laquelle sont ajoutées « les informations stockées en banques de données16 ».
En dépit des différentes terminologies utilisées, les deux auteurs mettent l’accent sur la nécessité de penser la communication de manière intégrale et comme
un outil stratégique pour les organisations.
Nous pensons que les modèles, les théories, les conceptions et les modalités
présentés matérialisent le souci des auteurs à (re)dimensionner la communication organisationnelle, en cherchant à mettre en évidence ses innombrables possibilités d’interprétation, ce qui implique nécessairement la compréhension de
son rôle dans et pour l’organisation.
D’une manière générale, les organisations règlent leurs actions
communicationnelles en utilisant le modèle traditionnel de caractéristiques
informationnelles, de transfert d’informations. Un tel choix montre d’une certaine manière la méconnaissance du pouvoir de la communication en tant qu’outil
stratégique. En conséquence, il est fondamental d’étendre les débats sur le thème,
en vue de (re)positionner la communication organisationnelle dans l’espace des
organisations.
14. Ibidem, p. 34.
15. KUNSCH, M. M. K, op. cit., p. 77.
16. TORQUATO, G., op. cit., p. 34.
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