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DES MOTS POUR LA MALADIE MENTALE DES PARENTS
Le travail auprès des enfants en accueil familial
Rafael Rojas
ERES | « Dialogue »
2012/1 n° 195 | pages 55 à 65
ISSN 0242-8962
ISBN 9782749216270
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-dialogue-2012-1-page-55.htm
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DIALOGUE - Recherches sur le couple et la famille - 2012, 1er trimestre
RÉSUMÉ
Les enfants de parent en souffrance psychique sont confrontés à la toxicité de la pathologie
parentale et ils peuvent d’autant moins s’en protéger qu’ils la comprennent peu ou mal. Ils
la subissent. Les professionnels de la santé ont une responsabilité d’aide et de protection des
enfants dans ces cas-là. Ils peuvent leur expliquer les troubles pathologiques et leurs effets
sur la parentalité, avec l’accord et la participation des parents malades. Cette démarche, qui
nécessite beaucoup de préparation, de prudence et de continuité, pourra permettre à ces enfants
de moins subir la pathologie parentale et d’être actifs dans la construction d’un environnement
suffisamment bon.
MOTS-CLÉS
Pathologie parentale, dysparentalité, pluriparentalité.
1
L’intérêt et le souci des professionnels relatifs aux effets sur les enfants
des troubles psychiques de leur(s) parent(s) sont toujours d’actualité. Nous
rappellerons que, depuis plusieurs décennies, des psys comme A. Freud,
D. Winnicott, J. Bowlby s’y sont impliqués directement (Huerre, Leblanc,
Nardot-Henn, 2007). En France, un exemple particulier de cette préoccupa-
tion est la création des premières unités mère-bébé et la mise en place des
soins à domicile dans les années 1980 et 1990. C’est dire qu’il a été reconnu
la nécessité d’une intervention particulière auprès des parents en souffrance
1. Psychologue clinicien, P.F. de Joinville-le-Pont (94) ; [email protected]
Des mots pour la maladie mentale
des parents
Le travail auprès des enfants
en accueil familial
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Dialogue 195
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psychique et de leurs enfants. Les intervenants ont été amenés à s’occuper
des parents tant dans une visée préventive que pour mettre en place des soins
pour leurs enfants.
L’intérêt pour cette problématique fut cependant à la source de débats impor-
tants entre ceux qui soutenaient la séparation parent/enfant comme unique
réponse protectrice de ce dernier et ceux qui préconisaient des réponses
substitutives et le maintien du lien parent/enfant. Avec le temps ces ardeurs
se sont apaisées et depuis des longues années les professionnels cherchent
plutôt à proposer des réponses au cas par cas pour ces situations.
Car cette problématique concerne tant les tout-petits que les adolescents
et tous les intervenants au-delà des soins psychiques. D’où la diversité des
approches. Ceci s’explique aussi selon que les parents soient déjà connus
comme porteurs d’une pathologie mentale ou que ce soient les troubles de
l’enfant qui mettent en valeur des difficultés parentales jusqu’alors mécon-
nues. Les problèmes sont encore différents selon que la pathologie affecte
la mère, le père ou les deux parents. Il faut aussi tenir compte de l’âge de
l’enfant lorsque ses parents deviennent malades. L’approche dépendra éga-
lement d’autres facteurs concrets, comme la disponibilité des professionnels
et la cohérence des actions des différents intervenants – psychiatrie adulte,
intersecteur infanto-juvénile, services sociaux, juge des enfants, etc.
Un autre facteur important dans l’approche de ce type de situation relève du
contexte de pluriparentalité comme réponse à la problématique traitée ici.
Pluriparentalité plutôt spontanée, comme dans les cas des familles recom-
posées, ou institutionnalisée, comme c’est le cas en accueil familial, il nous
intéresse de mieux comprendre ce que ces modalités de réponse peuvent
apporter (ou non) à la prise en charge de l’enfant de parents en souffrance
psychique.
Toutefois retenons que ce n’est pas parce qu’il a un parent malade que l’en-
fant est condamné à le devenir. Le repérage et l’identification d’une situation
parentale à risque pour l’enfant questionnent sur les limites des interven-
tions : les professionnels peuvent osciller entre l’intrusion abusive dans la vie
des familles et la non-assistance à personne en danger.
L’enfant face à la maladie parentale
Dans cette constellation de difficultés, comment non seulement expliquer à
l’enfant la maladie mentale du parent (dans la plupart des cas il s’agit de la
pathologie maternelle), mais aussi permettre au parent de participer directe-
ment à cette démarche ? Précisons qu’il s’agit ici de souffrance psychique
reconnue sur le plan psychiatrique. En effet la notion de « parents en souf-
france » se rapportant aux travaux notamment de René Clément (1993) est
plus large que celle qui sera retenue ici.
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Le contexte est complexe, car il peut s’agir de répondre à des questions
posées directement ou indirectement par l’enfant sur la maladie de sa mère.
Aussi et a contrario, c’est le parent qui peut solliciter le professionnel à pro-
pos de craintes personnelles soit de transmission « héréditaire ou génétique »
de la maladie à ses enfants, soit relatives aux effets négatifs de celle-ci sur
leur développement. En fait, le plus souvent, il s’agit de malaises de nature
différente auxquels se trouve confronté le parent ne pouvant plus cacher,
« interpréter » ou manipuler l’évidence de ses troubles auprès de l’enfant.
Cas clinique : Madame L. souffre d’une psychose maniaco-dépressive cyclo-
thymique depuis sa grande adolescence, d’après les dires de sa propre mère.
Elle a deux filles âgées, au début de notre intervention qui dure depuis trois
ans, de 10 et 4 ans. Elles sont placées en accueil familial depuis l’âge de 7 ans
et 21 mois respectivement, après des placements en pouponnière et en institu-
tion. La mère accueille les enfants chez sa propre mère pour des week-ends et
quelques jours de vacances scolaires. M., la fille aînée, nous demande pourquoi
sa mère dort presque tout le temps pendant les week-ends, pourquoi elle a des
comportements « bizarres », comme des éclats de rire quand elle se dispute
avec la grand-mère, ou encore de l’agitation et des menaces de partir ailleurs,
pourquoi parfois elle annule des week-ends ? Et pourtant M. réveille réguliè-
rement sa mère pour lui donner son traitement et s’occupe de sa petite sœur
depuis des années. Elle a une fonction thérapeutique et d’adulte maternante.
La mère demande des rendez-vous avec le psychologue en dehors de la pré-
sence des enfants. Elle n’en peut plus, les week-ends sont très difficiles pour
elle et les enfants. Elle reconnaît que, si dans la famille on a dit aux enfants
qu’elle était très « fatiguée », cela ne tient plus debout. Madame explique
qu’elle dort pour éviter les conflits avec sa mère devant ses enfants – en effet
sa mère la disqualifie en permanence dans sa fonction parentale –, elle pense
qu’il faut dire la vérité à ses filles en ce qui concerne la conflictualité intergé-
nérationnelle et son état de santé, sa dépression, sa fragilité. Elle ne s’avance
pas encore sur la question de ses tentatives de suicide et hospitalisations
répétitives – qui constituent la cause réelle d’annulations de week-ends –, ni
de ses épisodes délirants, où elle se sent menacée par des personnes de son
entourage, prenant parfois une coloration érotique.
H. Rottman (2001) rappelle que, pour mieux comprendre la « folie » adulte en
tant que fonctionnement parental et ce qu’elle induit dans la relation avec un
enfant, la nosographie n’est pas l’indicateur le plus pertinent. D’où l’intérêt
d’une approche selon les trois axes de la parentalité (la pratique, l’expérience
et l’exercice), dégagés par Houzel et ses collaborateurs (1999), permettant
de prendre en compte la notion de parentalité partielle et de reconnaître les
parties saines, préservées du parent malgré ses troubles psychiques. En effet,
les particularités psychiques parentales ne doivent pas nous faire oublier que
si la relation d’objet avec son enfant est infiltrée par sa pathologie, elle ne
peut y être réduite.
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Plus d’un an après le début de notre travail, madame L. a pu expliquer ses
tentatives de suicide à ses deux filles comme une manière pour elle de dispa-
raître de la relation avec sa mère pour pouvoir vivre pour ses enfants. Dans la
réalité de son évolution, elle avait pu alors se décider à s’éloigner de sa mère
et avait commencé à recevoir ses enfants dans son propre logement. Elle
faisait des cures de sommeil pendant la semaine pour pouvoir être mieux aux
côtés de ses filles durant le week-end, disait-elle. Entre-temps ses tentatives
de suicide avaient pratiquement disparu.
Nous orientons notre travail vers la compréhension par l’enfant du fonction-
nement limité ou étrange du parent malade, plutôt que de viser à la transmis-
sion d’un diagnostic, si explicatif soit-il. C’est une intervention qui se place,
en fait, entre des questions autour de la pathologie parentale et l’incapacité à
être parent comme l’enfant l’attend.
Ainsi, nous avons soutenu madame L. dans ses explications relatives à
son indisponibilité, sa discontinuité, son imprévisibilité parentales. Elle a
pu exprimer sa reconnaissance envers sa famille et les professionnels qui
l’aident à s’occuper de ses enfants. Nous avons privilégié ces explications
plutôt que celles, directes, des symptômes les plus forts de sa pathologie,
comme les tentatives de suicide, les épisodes délirants, son érotomanie, etc.
Cependant le parent peut rester « scotché », malgré notre travail préparatoire,
à la référence diagnostique et à sa difficulté à la comprendre ou à son refus de
dénommer toute maladie psychiatrique. Ainsi nous sommes-nous retrouvés
dans des situations où le parent ne souhaitait ou ne pouvait que transmet-
tre une pathologie tronquée du point de vue nosologique en la réduisant à
une certaine dépression « de l’existence », en référence à ces troubles de la
société moderne vulgarisés par les médias.
Lors du premier entretien dans le cadre de notre travail, madame M. s’ex-
clame : « Mais j’ai déjà tout dit à mes enfants ! Je suis toujours fatiguée,
déprimée et je souffre de ne pas les avoir avec moi. C’est la faute de ma
mère ! » Quelques entretiens plus tard elle dira : « Mais je ne vais pas leur
dire quand même que je suis folle ! »
Quatre questions incontournables
Les enfants ont-ils droit à une information sur la maladie de
leur parent ? (Van Leuven, 2007)
Le trouble psychiatrique reste un sujet que l’on n’aborde pas facilement et
que l’on préfère taire, voire cacher. Il est encore entaché de culpabilité de
jugement, même dans le monde médical. La déontologie interdit de parler de
la pathologie d’un patient à son entourage sans son accord. Mais cet accord
peut être suscité.
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