Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
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Rachialgies aux urgences
Docteur Carole PAQUIER
Juillet 2003
Pré-Requis :
Les différents syndromes rhumatologiques.
Résumé :
Objectifs du cours sur la prise en charge des rachialgies aux urgences :
1/ Savoir que les rachialgies peuvent être :
d’origine rachidienne ou intrarachidienne, avec ou sans atteinte de la moëlle et
des racines, d’horaire mécanique ou inflammatoire
ou sans rapport avec le rachis : il s’agit alors d’une douleur projetée d’un organe
de voisinage (diagnostic différenciel)
2/ En conséquence devant une rachialgie :
Pratiquer l’examen du rachis et l’examen neurologique.
Compléter l’examen clinique en fonction du niveau d’atteinte, si l’origine ne paraît
pas rachidienne.
Importance de l’interrogatoire autour de la douleur, de la connaissance du
contexte et du recueil des signes généraux.
3/ Savoir qu’au sein des rachialgies « vraies » les causes sont multiples, parfois graves
même si elles sont rares. Donc connaître les signes de gravité.
4/ Citer les principales étiologies des rachialgies, leur traitement et les examens
paracliniques nécessaires à leur diagnostic.
Mots-clés :
Examen du rachis, examen neurologique, syndrome rachidien, atteinte radiculaire,
horaire de la douleur, douleur aigüe ou chronique.
1. Introduction
1.1. Pourquoi parler de la prise en charge des rachialgies dans
le cadre de l’urgence ?
C’est tout d’abord un motif fréquent de consultation aux urgences : environ 70% de la
population a au cours de sa vie une lombalgie et 20%, une cervicalgie. C’est donc un véritable
problème de santé publique.
Les étiologies sont multiples, certaines sont graves même si elles sont rares. La douleur est de
type mécanique ou inflammatoire. La présence d’arthrose est banale et n’est pas forcément
en cause. La rachialgie peut être isolée ou s’accompagner d’une atteinte radiculaire (avec
radiculalgie +/- déficit sensitivo-moteur). Enfin, elle n’est pas toujours en rapport avec une
étiologie rachidienne (ou intrarachidienne), elle est parfois la douleur projetée d’un autre
organe.
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1.2. Le diagnostic passe donc par :
la recherche de signes généraux, de circonstances déclenchantes à cette douleur, de
précisions concernant son horaire, si il existe une augmentation par la toux, les
mouvements, la respiration, l’effort…
l’étude du rachis, la recherche de signes neurologiques
l’examen des organes de voisinage en vue d’établir un éventuel diagnostic différentiel.
2. Diagnostic
2.1. Rechercher des signes généraux, préciser le contexte
Préciser l’âge, s’il existe de la fièvre, une altération de l’état général, un horaire inflammatoire
ou mécanique à la douleur, les situations qui l’augmentent ou la calment, si il y a des frissons,
des signes de choc, des ATCD de pathologies inflammatoires, néoplasiques ou infectieuses.
Rechercher un effort, un traumatisme (parfois peu important), la prise de traitement
(corticoïdes, anticoagulant, traitement substitutif de la ménopause..).
Toujours mesurer : Pouls, pression artérielle aux 2 bras, température.
2.2. Faire l’examen du rachis
Il se fait en position couchée et debout si possible.
Faire d’abord l’étude de la statique : attitude antalgique, rectitude, « inversion » des
courbures. Apprécier les points douloureux osseux ou musculaires, la contracture, la mobilité
active et passive.
Rechercher un signe de la sonnette (déclenchement de la douleur +/- de l’irradiation à la
palpation), un signe de Lassègue (angle d’élèvation du MI par rapport à la table d’examen
déclenchant la sciatalgie), un Lassègue lombaire (idem déclenchant la lombalgie), un signe de
Léri (angle d’extension de la hanche par rapport au bassin entrainant la cruralgie), faire un test
de Schöber (étude de la flexion antérieure du rachis : repère d’une distance de 10 cm au
dessus de L5 le rachis en position de référence, on fait se fléchir le patient vers l’avant =>la
distance doit passer à 15 cm), évaluation de la distance doigts-sol, signe de Spürling (pression
de la tête dans l’axe du rachis cervical déclenchant la névralgie cervico-brachiale), signe du
lanceur de javelot (douleur entrainée par la rétropulsion du MS lors des NCB)
2.3. Faire l’examen neurologique
Rechercher une irradiation douloureuse, qui peut être intercostale, brachiale, crurale, ou
sciatique, signe d’une atteinte radiculaire.
Evaluer la motricité des membres (échelle de cotation de 0 à 5), la sensibilité (normale,
diminuée, absente, présence de paresthésies), et les réflexes (normaux, diminués, absents)
sans oublier la région périnéale (sensibilité et tonicité des sphincters par le toucher rectal),
éliminer une rétention d’urines ou au contraire une incontinence urinaire ou fécale.
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Rappel : pour une cotation fine de la motricité :
0 : aucune contraction
1 : ébauche de contraction sans déplacement
2 : mouvement actif sans la pesanteur
3 : idem contre la pesanteur
4 : idem contre résistance
5 : motricité normale
2.4. Explorer les organes de voisinage
Lorsque l’examen du rachis est normal (diagnostic différentiel).
Selon le niveau de la douleur :
le cou et les organes qui le traversent : vaisseaux, thyroide, trachée, œsophage.
le thorax : poumons, cœur et gros vaisseaux, l’abdomen et les viscères.
le bassin et les organes pelviens.
Chercher des signes fonctionnels d’accompagnement en rapport avec les organes explorés
(par exemple une dysphagie, une toux dans une dorsalgie…).
2.5. A l’issue de l’examen il semble que ce soit une douleur
rachidienne : y-a-t-il des signes de gravité ?
Les critères de gravité des rachialgies sont :
l’existence d’une douleur de type inflammatoire à recrudescence nocturne, de fièvre,
de signes infectieux,
la présence de signes neurologiques lésionnels (c’est à dire radiculaires), sensitifs ou
moteurs dans le territoire concerné, ou d’un syndrome sous-lésionnel moteur (score
supérieur à 3) et/ ou sensitif +/- troubles sphinctériens (atteinte des voies longues par
compression médulaire ce qui entraine des signes qui dépassent le métamère).
l’existence d’une douleur que les antalgiques courants ne font pas céder.
premier épisode chez un patient de plus de 55 ans et de moins de 18 ans.
rachialgie avec irradiation à bascule ou une radiculagie sans rachialgie ou bilatérale.
3. Prise en charge des rachialgies
3.1. Rachialgies rachidiennes sans signes de gravité
il s’agit d’une douleur mécanique avec un contexte déclenchant évident (faux
mouvement, effort de soulèvement, douleur au réveil avec « cou bloqué » du fait d’un
attitude vicieuse pendant le sommeil), d’apparition récente
il n’y a pas de signes généraux, pas d’ATCD médicaux particuliers, pas de
traumatisme, pas d’AEG
le patient a moins de 60 ans et plus de 18 ans.
il n’existe pas de signes neurologiques ou une radiculalgie isolée sans déficit et non
hyperalgique
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Dans ce cas on ne pratique pas de bilan complémentaire. Il n’y pas de nécessité
d’hospitalisation (sauf contexte social particulier : personne vivant seule au quatrième étage
sans ascenseur avec une lombosciatique...)
Traiter (après avoir évaluer l’EVA) par :
des antalgiques de niveau 1 ou 2 d’emblée (paracétamol/ paracétamol-codeine ,
paracétamol-dextropropoxyphéne, chlorydrate de tramadol ..) préférer le paracétamol
aux AINS (iatrogénie), mais parfois il est nécessaire d’associer les deux
(lombosciatique).
adjoindre un décontracturant de type benzodiazépines (valium, myolastant) ou non si
trop d’effet de somnolence (coltramyl).
attelles parfois utiles : collier cervical souvent, lombostat souple rarement en première
intention. Kiné : jamais en première intention, à envisager si passage à la chronicité.
Evolution : revoir le malade dans la semaine, une amélioration doit apparaitre sinon réévaluer
le diagnostic et/ou le traitement
3.2. Rachialgies rachidiennes avec signes de gravité
NFS, CRP, VS, ionogramme, créatinine, hémostase, hémocultures, en fontion de
l’orientation
Clichés rachidiens face profil et ¾ qui peuvent ne pas être très informatifs (normaux
au début, ou signes non spécifiques), et/ou IRM-TDM pour affiner les images
radiologiques et en cas d’atteinte neurologique
Soulager (EVA), hospitaliser, appeler les confrères spécialistes (neurochirurgiens,
rhumatologues, infectiologues)
Traitements étiologiques en fonction de l’étiologie : antibiotiques, anti-inflamatoires,
oter une compression.
3.3. Ce n’est pas une rachialgie d’origine rachidienne
L’examen du rachis est normal il existe des signes en faveur d’une autre origine =>
bilan selon l’orientation : ECG, ECBU, labstix, Rx thoacique, échographie abdominale,
cardiaque, TDM…
4. Cervicalgies
On procéde à l’examen clinique, on recherche des ATCD similaires, de traumatismes du
rachis cervical, de pathologies régionales (thyroide, sphère ORL…) on précise l’horaire de la
douleur, si elle est augmentée par les mouvements ou la déglutition….A l’issue de l’examen :
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4.1. C’est une douleur rachidienne aigüe
4.1.1. Le patient est fébrile, il existe une raideur cervicale
prononcée
évoquer une spondylodiscite bactériennes à pyogènes :
o VS augmentée/ hyperleucocytose/ faire des hémocultures
o Antibiothérapie empirique puis adaptée aux germes en cause.
o A la radiographie du rachis : rien ou aspect pincé du disque, et érosion et
remaniement des plateaux vertébraux. Les images sont précisées par la TDM
ou l’IRM.
plus rarement il s’agit d’une épidurite ou d’une arthrite septique des articulaires
postérieures.
méningo-radiculite infectieuse (zona, herpès, lyme), pas de syndrome rachidien dans
ce cas.
4.1.2. Le patient n’est pas fébrile
tassement sur myélome ou métastase. Jamais sur ostéoporose dans cette localisation
isolée
chondrocalcinose : douleur aigue plutôt inflammatoire par dépots de cristaux de
pyrophosphates de calcium sur les cartilages (genre de goutte)
la cervicalgie commune : posturale chez le sujet jeune, favorisée par une attitude
vicieuse pendant le sommeil souvent, ou un geste brusque. Elle est en rapport avec un
déséquilibre musculaire chez la personne âgée. Souvent découverte concommitente
d’arthrose qui peut compliquer la cervicalgie quand elle est importante. Il existe une
limitation des mouvements de rotation et de latéroflexion alors que la flexion
antérieure est normale, une attitude antalgique. La douleur est augmentée au moindre
mouvement.
la névralgie cervico-brachiale commune par hernie discale et processus arthrosique :
cervicalgie aigue ou plus lente d’apparition, mais doublée d’une irradiation brachiale
avec des signes sensitivo-moteurs plus ou moins marqués. Il existe très fréquemment
des ATCD de douleurs cervicales.
A noter que la névralgie cervico-brachiale peut être en rapport avec une cause
tumorale locale ou métastatique, un syndrome de Pancoast-Tobias (association
d’une cervicalgie, d’un syndrome de Claude Bernard Horner, d’un cancer de l’apex
pulmonaire).
4.2. C’est une douleur rachidienne subaigüe
4.2.1. Le patient est fébrile
Spondylodiscite à BK ou brucellose: fièvre peu élévée mais AEG importante, contexte
particulier (migrant, conditions sociales défavorisées, agriculteur ou contact avec un
troupeau). On complète le bilan par : IDR, Rx thoracique, BK crachats, sérologie de Wright
(brucellose), hémocultures, leucocytose (normale ou basse). Parfois trompeur patient très peu
fébrile
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