Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
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Infection chez le toxicomane
Association des Professeurs de Pathologie Infectieuse et Tropicale
Juin 2003
Pré-Requis :
Cours de bactériologie et virologie du PCEM
Résumé :
Les toxicomanes, à l’exception de ceux qui sont atteints par le VIH, ont des mécanismes
de défense normaux jusqu’à la survenue de la malnutrition.
Le spectre des infections du toxicomane est très étendu, allant des atteintes focalisées
aux infections systémiques et des infections bénignes à celles mettant sa vie en jeu.
Mots-clés :
Toxicomanie, infection
1. Les sources de l’infection
1.1. La toxicomanie
1.1.1. La drogue
La "poudre" en elle-même est exceptionnellement en cause. L'examen bactériologique de
cette dernière est habituellement négatif ; cependant quelques bactéries ont des affinités pour
certaines drogues (Eikenella corrodens et méthylphénidate, Pseudomonas aeruginosa sérotype
0 :11 et mélange de tripélennamine et pentazocine).
1.1.2. Les solvants
L'eau utilisée peut être prélevée n'importe où (y compris dans les cuvettes de cabinet).
On y retrouve surtout Enterococcus faecalis et Pseudomonas aeruginosa.
Le jus de citron peut contenir des levures telle Candida albicans.
1.1.3. Les seringues et aiguilles
Utilisées sans stérilisation, elles sont le véhicule et le mode de pénétration de nombreuses
espèces bactériennes (notamment S. aureus).
Des cas de tétanos après injection sous-cutanée (« skin poppers ») ont été rapportés.
L'usage de salive pour l'injection est responsable d'inoculation de germes de l'oropharynx
(Streptococcus oralis).
La seringue échangée peut aussi être le véhicule de divers virus (hépatites, notamment B et C,
VIH, EBV, CMV) et rarement de parasites (Plasmodium, Toxoplasma).
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1.1.4. Pneumopathies d'inhalation
Les troubles de conscience et la dépression du réflexe tussigène accompagnés de
vomissements peuvent entraîner des syndromes d'inhalation responsables de pneumopathies.
1.2. La dé-socialisation
Des toxicomanes sont encore en situation de précarité malgré l’amélioration de la prise en
charge.
1.2.1. MST
Le toxicomane utilisant rarement le préservatif, il risque des urétrites à Chlamydia et N.
gonorrhoeae et d'être contaminé par le VIH, le VHB, l'agent delta, le CMV, l'EBV….
1.2.2. Promiscuité, dénutrition
Leur mode de vie majore le risque de tuberculose. Les épisodes de diarrhée aiguë à
Salmonella sont fréquents.
L'alcoolisme et le tabagisme favorisent les infections bronchopulmonaires. Les sinusites sont
fréquentes.
1.2.3. L'hygiène bucco-dentaire
Elle est souvent défectueuse et majore le nombre de bactéries, particulièrement anaérobies,
dans l’oropharynx occasionnant des abcès dentaires et un risque augmenté d'endocardite.
2. Infections
2.1. Cellulites et abcès aux points d’injection
Tout débute le plus fréquemment par un placard érythémateux, provoqué par une injection
septique.
Il peut évoluer vers la formation d'un abcès sous-cutané ou muqueux, compliqué de fasciite
nécrosante et de myosite, de thrombose septique.
Plus rarement des infections superficielles apparaissent isolées et sont le résultat d’une
contamination hématogène, qui doit faire rechercher une endocardite infectieuse.
Les germes responsables sont Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes.
Les solvants jouent un rôle facilitant et aggravant par la réaction inflammatoire.
2.2. Folliculites
Le plus souvent à Candida sp., elles peuvent s'accompagner de lésions profondes (oculaires,
ostéo-articulaires) et de lésions nodulaires cutanées.
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2.3. Bactériémies et endocardites
Les injections peuvent provoquer des réactions fébriles dues à l'action pyrogène des diverses
substances injectées (poussières) sans qu'elles soient systématiquement septiques.
Dans ce cas, la fièvre se présente sous la forme d'un pic de courte durée (< 24 h).
Par contre les injections peuvent occasionner une thrombophlébite septique au point
d'injection provoquant des bactériémies, à l'origine d'endocardites.
Leur siège est dans 60% des cas la tricuspide et dans 40% des cas les valves aortiques ou
mitrales.
L’endocardite tricuspidienne se complique souvent d'embolies pulmonaires septiques
multiples responsables d’images radiographiques arrondies à limites floues, périphériques.
Elles peuvent secondairement s’abcéder. Il est fréquent que le point d'appel soit pulmonaire et
que l'endocardite soit diagnostiquée a posteriori.
Il est donc important d'ausculter régulièrement ces patients et de ne pas hésiter à demander
une nouvelle échographie cardiaque transoesophagienne environ 10 jours après le diagnostic
de la bactériémie.
Les bactéries en cause sont S. aureus dans 60 % des cas, Enterococcus sp et Streptococcus
viridans. Pseudomonas, entérobactéries, levures sont responsables de 10 à 15 % des cas.
Un traitement probabiliste peut être proposé dans l'attente du résultat des hémocultures
(glycopeptide + aminoside).
Une fois l’antibiothérapie adaptée à l’antibiogramme, la durée du traitement est :
en cas de bactériémie sans localisation secondaire : 10 à 15 jours,
en cas d'endocardite : 4 à 6 semaines,
en cas de localisation ostéo-articulaire : 6 à 8 semaines.
Les dents doivent être traitées ou enlevées pour prévenir les endocardites secondaires.
2.4. Infections ostéo-articulaires
Dues principalement aux Stapphylococcus aureus, aux bacilles à Gram négatif et à Candida.
Elles se localisent avec prédilection au rachis cervical et lombo-sacré, à l’articulation
sternoclaviculaire, au pubis.
2.5. Infections bronchopulmonaires et ORL
En dehors des localisations pulmonaires lors des bactériémies et endocardites, l'usage de
drogue peut se compliquer de troubles de la vigilance responsables de pneumonies de
déglutition, volontiers anaérobies ou mixtes dont le traitement de choix est actuellement
l’association amoxicilline et acide clavulanique..
Les sinusites chroniques, fréquentes, sont un facteur d'infections bronchopulmonaires, en
particulier la pneumonie à pneumocoque.
Le traitement de ces pneumopathies n'est pas différent de celui utilisé chez le non toxicomane.
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2.6. Infections du système nerveux
Des troubles de conscience et/ou des convulsions fébriles peuvent être en relation avec la
drogue, mais il faut rechercher des signes de localisation ou un syndrome méningé.
Scanner cérébral, fond d'œil et PL sont à réaliser d'urgence à la recherche de méningite aiguës
bactérienne ou mycotique, d‘abcès cérébral ou d’empyème sous-dural.
2.7. Hépatites
La plupart des toxicomanes ont une augmentation des enzymes hépatiques par atteinte virale
(VHB et surtout VHC). L'agent delta surinfectant une hépatite B peut être responsable
d'hépatite fulminante.
D'autres virus peuvent être en cause : VHA, EBV, CMV, Herpès.
D'autres agents, au cours de l'infection à VIH, provoquent une cholestase par cholangite :
cryptosporidies, microsporidies, CMV, Bartonella et Mycobacterium avium intracelullare.
Ces diverses atteintes peuvent être majorées par les drogues, l'alcool et les médicaments.
3. Conduite à tenir face à un toxicomane fébrile
3.1. Quelque soit le statut VIH
3.1.1. Fièvre de moins de 24 heures
inflammation locale par une substance irritante,
« poussière »,
surdosage par un hallucinogène, un stimulant du système nerveux central, par un
anticholinergique.
3.1.2. Fièvre de plus de 24 heures
Existence probable d’un foyer local nécessitant la réalisation de prélèvements
microbiologiques et hémoculture.
3.1.3. Fièvre « nue »
Elle nécessite un bilan complet :
sanguin (hémoculture, hémogramme, VS, CRP, transaminases …)
urinaire (ECBU)
imagerie (radiographie du thorax, échocardiographie …).
Si l’état du sujet l’impose, il faut commencer une antibiothérapie comportant un glycopeptide.
3.2. Sujet séropositif pour le VIH
En plus des causes précédentes, il faut rechercher les infections des satdes B et C de la
classification CDC.
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4. Prévention
Il est utile de profiter de la demande médicale pour :
expliquer l'intérêt des seringues à usage unique ou à défaut décontaminées
(programmes d'échange de seringues usagées contre des neuves),
inciter le toxicomane à consulter l'intersecteur de toxicomanie en cas de demande de
sevrage, ou de traitement de substitution,
informer du risque de transmission sexuelle du VIH, des hépatites (préservatifs,
vaccination éventuelle) et inciter le patient à accepter le dépistage de ces infections,
aborder les problèmes sociaux afin de proposer une insertion sociale (précarité).
Références :
E. Pilly 2002 18° édition
GénEtPi 2001 3° édition
Popi 2001 7° édition
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