L Insuffisance cardiaque Horizon 2000 I

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N F O R M A T I O N S
Insuffisance cardiaque
Horizon 2000
● Ph. Duc*
L
es 5es Journées nationales du groupe de travail Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies de la Société Française de Cardiologie se sont tenues à Toulouse les 28 et
29 octobre 1999. Elles ont également été l’occasion du jubilé du
Pr J.P. Bounhoure.
LA SPIRONOLACTONE DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Un symposium a permis de faire le point sur le rôle de la spironolactone dans l’insuffisance cardiaque. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ne permettant qu’un blocage partiel du système rénine-angiotensine, l’association de la spironolactone
permet un meilleur blocage de ce système (figure 1). L’étude
RALES, récemment publiée, a déterminé les effets de la spironolactone sur la morbi-mortalité chez les insuffisants cardiaques
en classe III ou IV de la NYHA. Les caractéristiques des patients
sont présentées dans le tableau I.
Angiotensinogène
Angiotensine I
IEC
Angiotensine II
Spironolactone
Vasoconstriction
Aldostérone
Figure 1. Points d’impact d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion et de
la spironolactone.
* Service de cardiologie, CHU Bichat-Claude Bernard, Paris.
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Tableau I. Caractéristiques des patients dans l’étude RALES.
Groupe placebo Groupe spironolactone
(n = 841)
(n = 822)
Âge (ans)
Femmes (%)
Classe NYHA II/III/IV (%)
FE (%)
Étiologie ischémique (%)
Traitements associés
diurétiques de l’anse
IEC
digitaliques
aspirine
supplémentation potassique
65 ± 12
27
0,4/69/31
25,2 ± 6,8
54
65 ± 12
27
0,5/72/27
25,6 ± 6,7
55
100
94
72
37
27
100
95
75
36
29
Lorsque la spironolactone est ajoutée au traitement associant IEC
et diurétique de l’anse, on observe une réduction de la mortalité
globale de 30 % (p < 0,001), une diminution du risque relatif de
0,70, avec un intervalle de confiance à 95 % de 0,60 à 0,82, une
réduction significative des décès cardiaques et des hospitalisations
cardiovasculaires. Cette association fait craindre la survenue d’effets indésirables graves comme l’hyperkaliémie, mais celle-ci n’a
été observée que chez 2 % des patients dans le groupe spironolactone et chez 1 % de ceux du groupe placebo (différence non
significative). En revanche, les gynécomasties ont été plus fréquentes dans le groupe spironolactone (9 versus 1 %, p < 0,001).
La faible fréquence des hyperkaliémies s’explique par l’inclusion des patients ayant une créatininémie ne dépassant pas
221 µmol/l, par une posologie initiale de spironolactone à 25 mg/j
et par une surveillance de la kaliémie régulière permettant d’adapter le traitement. La spironolactone devient un médicament clé
dans le traitement de l’insuffisance cardiaque en classe III ou IV
de la NYHA. La spironolactone était considérée ces dernières
années comme un traitement diurétique, mais ses propriétés sont
multiples : diminution de l’activité sympathique, diminution de
la fibrose myocardique...
CARDIOMYOPATHIES DILATÉES
Les formes familiales représentent 25 % des cardiomyopathies
dilatées (CMD). On retient le diagnostic lorsque le diamètre ventriculaire gauche est > 27 mm/m2 avec une fraction d’éjection
< 45 % et lorsque plus de deux membres de la même famille sont
atteints, ou quand l’un des parents au premier degré est mort subitement. Les critères d’exclusion sont ceux habituellement reconLa Lettre du Cardiologue - n° 326 - mars 2000
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nus pour le diagnostic de CMD : hypertension artérielle, atteinte
coronaire, alcoolisme, troubles du rythme rapides, maladie systémique, cœur pulmonaire chronique. Une étude française a permis de montrer que, chez 118 patients provenant de 13 familles,
31 % d’entre eux étaient atteints, 21 % étaient douteux et 48 %
étaient considérés comme sains. On note ainsi le caractère autosomique dominant des gènes habituellement incriminés dans cette
pathologie.
Les cardiomyopathies virales sont rares, mais de nombreux virus
ont été incriminés. Les virus le plus souvent retrouvés sont les
Coxsackies. L’évolution de l’atteinte virale est variable selon les
virus et le terrain ; elle est schématisée sur la figure 2. Après une
myocardite, seulement 15 % des patients évoluent vers une CMD.
Les meilleurs éléments en faveur d’une atteinte virale sont l’existence d’ARN viral d’un virus pathogène dans le myocarde et celle
d’infiltrats inflammatoires sur les biopsies myocardiques. Le traitement spécifique est actuellement décevant. L’association prednisone-ciclosporine n’a pas montré d’amélioration dans une étude
randomisée, et l’interféron est en cours d’évaluation.
Guérison
Myocardite chronique - Persistance virale
Cardiomyopathie dilatée
Figure 2. Atteinte virale et cardiomyopathie dilatée.
INSUFFISANCE CARDIAQUE : LES ANNÉES 2000
Un symposium a été consacré à l’insuffisance cardiaque à l’horizon 2000. Le coût de l’insuffisance cardiaque est considérable. Il atteint actuellement 6 à 7 milliards de francs, dont une
majorité due aux hospitalisations. Celles-ci représentent 1,5 million de journées d’hospitalisation en 1992-1993, avec un coût
moyen de 30 kF hors AP-HP et de 42 kF à l’AP-HP. Les soins
ambulatoires représentent 1 117 MF (460 MF de consultations,
657 MF de médicaments).
Ces chiffres révèlent la charge médicale et économique considérable que représente l’insuffisance cardiaque. La situation est
comparable dans les autres pays industrialisés. On a pu constater, pendant les dernières années, que les médicaments améliorant le pronostic étaient les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les bêtabloquants et la spironolactone. L’étude ATLAS a
montré que les fortes doses de lisinopril amélioraient la morbimortalité par rapport aux faibles doses d’IEC. Le traitement de
La Lettre du Cardiologue - n° 326 - mars 2000
1 000 patients pendant trois ans permet d’éviter 39 décès et 394
hospitalisations. La mise en route des traitements peut être schématisée selon le tableau II.
Tableau II. Traitement en fonction des classes NYHA.
Classe NYHA
I
II
III
IV
IEC
X
X
X
X
X
X
*
X
X
X
X
X
X
X
X
Bêtabloquant
Spironolactone
Diurétique
Digoxine
X
* Pas d’AMM en France.
ALIMENTATION DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Atteinte virale
Myocardite aiguë
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Les conseils de nutrition sont encore trop peu utilisés dans les
recommandations aux insuffisants cardiaques. Ils constituent souvent un compromis entre les nécessités médicales et l’adhésion
à long terme, et supposent un changement des habitudes concernant les repas et de la vision de l’alimentation par l’ensemble de
la famille. En effet, il est difficile en pratique quotidienne d’avoir
une alimentation séparée pour une seule personne, surtout lorsqu’il s’agit de l’homme. L’insuffisant cardiaque a un hypercatabolisme de repos et une lipolyse accrue, ce qui peut entraîner une
dénutrition. Celle-ci est un facteur de mauvais pronostic, avec
une mortalité deux fois plus importante chez les dénutris. Il
importe donc, chez des sujets dénutris ou cachectiques, de fournir les informations ad hoc afin d’y remédier.
Le modèle suédois de la prise en charge des insuffisants cardiaques repose sur un réseau de soignants (médecins généralistes,
kinésithérapeutes...) ; il suppose une définition des responsabilités entre les intervenants, un système d’assurance qualité et surtout une infirmière pouvant informer et éduquer les patients. Dans
une étude qui a porté sur 190 patients, cette prise en charge a permis une réduction de la durée d’hospitalisation de 8,1 à 4,3 jours
et une augmentation des délais de réhospitalisation de 106 à 141
jours. L’ensemble a favorisé une réduction globale des coûts de
1 300 $ US en moyenne par patient (le coût par patient est passé
de 3 594 à 2 294 $ US). Plusieurs études ont montré des résultats similaires. Ce système suppose un changement de la prise en
charge traditionnelle et une augmentation des responsabilités de
l’infirmière.
ACTUALITÉ DANS LE TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE
CARDIAQUE
Les médicaments sont nombreux dans l’insuffisance cardiaque,
mais on espère l’arrivée de nouveaux médicaments dans les prochaines années (tableau III). Certaines de ces molécules ont déjà
fait l’objet d’études de morbi-mortalité (antagonistes de l’angio7
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tensine II...), alors que d’autres en sont encore à leur début (inhibiteurs des protéases).
Tableau III. Classes médicamenteuses en cours d’étude dans l’insuffisance cardiaque.
Antagonistes de l’angiotensine II
Antagonistes de l’endothéline
Peptides natriurétiques
Inhibiteurs de l’endopeptidase neutre
Agonistes de l’imidazoline
Antagonistes du TNFα
Inhibiteurs des protéases
Hormone de croissance
Calcium sensibilisateur (sensitizer) (levosimendan)
Thérapie génique
STIMULATION MULTISITE
Les anomalies électrocardiographiques sont fréquentes chez les
patients ayant une cardiomyopathie dilatée. Les troubles de la
conduction sont observés chez 82 % des patients, avec notamment un allongement du QRS à plus de 150 ms chez 27 % des
patients. Les conséquences mécaniques de ces anomalies électrocardiographiques sont nombreuses. La désynchronisation auriculoventriculaire diminue le temps de remplissage ventriculaire,
la contribution auriculaire et peut même entraîner une fuite mitrale
diastolique. La désynchronisation ventriculaire ou interventriculaire est la principale cause de dysfonctionnement mécanique. Il
a été montré que plus le QRS est large, moins la fonction pompe
est bonne et plus le temps de remplissage ventriculaire gauche
est court. La correction de ces anomalies par une stimulation multisite permet une amélioration de la fonction pompe, une augmentation du remplissage ventriculaire et une diminution de la
fuite mitrale. La stimulation multisite n’est pas encore validée
comme traitement. Il faudra attendre les résultats de plusieurs
études qui viennent de commencer ou qui débuteront prochainement pour déterminer sa place dans l’arsenal thérapeutique. Les
études préliminaires ont montré que la stimulation multisite permet une amélioration de la classe NYHA, de la fraction d’éjection, du pic de VO2 et de la durée de l’épreuve d’effort.
INSUFFISANCE CARDIAQUE EN PRATIQUE QUOTIDIENNE
Transplantation myocytaire. Les myocytes sont des cellules différenciées qui ne peuvent pas se multiplier après une agression
comme l’infarctus du myocarde. Dans un modèle d’infarctus du
myocarde chez le rat, il a été montré que l’injection de cardiomyocytes fœtaux améliorait la fraction d’éjection et le débit cardiaque. Dans un modèle de souris ayant une insuffisance cardiaque après injection de doxorubicine, la greffe de
cardiomyocytes fœtaux permet une réduction significative du diamètre télédiastolique avec une amélioration significative du pourcentage de raccourcissement. Les résultats ont été comparables
avec des greffes de myoblastes squelettiques, notamment lors des
greffes autologues. Ces greffes cellulaires ont montré qu’elles
pouvaient améliorer la fraction d’éjection et diminuer le remodelage ventriculaire.
L’épuration extrarénale peut être indiquée chez les patients en
classe IV de la NYHA malgré un traitement médical bien conduit
ou chez les patients en classe III/IV de la NYHA ayant une insuffisance rénale organique. L’épuration extrarénale permet une amélioration rapide de la dyspnée en 2 à 4 semaines chez 75 % des
patients, permettant en moyenne une réduction d’une à deux
classes de la NYHA. La qualité de vie est améliorée, avec une
réduction des hospitalisations. Les complications sont rares ; elles
peuvent être mécaniques (problèmes liés au cathéter de dialysat)
ou infectieuses.
L’assistance circulatoire mécanique en cas d’insuffisance cardiaque grave peut aider à passer un cap et/ou permettre d’attendre
une transplantation cardiaque. L’étude INNOVAT, qui est en cours
de réalisation, va permettre d’étudier l’apport de cette technique
chez les patients en choc cardiogénique, candidats à une transplantation cardiaque.
8
Les études cliniques sont assez éloignées de la pratique quotidienne. Le registre français des hospitalisations pour insuffisance
cardiaque a permis de déterminer les principales caractéristiques
chez 1 061 patients provenant de services de cardiologie universitaire, de médecine interne à orientation cardiologique et de services de gériatrie. La moyenne d’âge était de 76 ± 13 ans, avec 55
% d’hommes. La dyspnée était le principal motif d’hospitalisation. Le ventricule gauche était nettement dilaté, avec en moyenne
un diamètre à 33 ± 6 mm/m2 de surface corporelle. La durée
moyenne de séjour a été de 12 ± 13 jours, avec un retour au domicile dans 71 % des cas. Les diurétiques étaient utilisés à la sortie
chez 91 % des patients, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion
chez 65 % des patients, les nitrés chez 45 % des patients. L’analyse en fonction de la fraction d’éjection est détaillée dans le
tableau IV. On constate que l’âge est supérieur d’une décennie
environ à la moyenne des essais cliniques, que la très grande majorité des patients avec dysfonction systolique ont un traitement par
IEC (78 %) et que la fibrillation auriculaire est fréquente.
Tableau IV. Registre français des hospitalisations pour insuffisance
cardiaque.
Nombre de patients
Âge (ans)
Hommes (%)
Fibrillation auriculaire (%)
Traitement (%)
IEC
diurétique
digoxine
FE < 40 %
FE > 40 %
345
71 ± 14
71
34
395
76 ± 15
49
42
78
97
44
63
86
32
La Lettre du Cardiologue - n° 326 - mars 2000
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L’étude PREDICT étudie la morbi-mortalité dans l’insuffisance
cardiaque ischémique avec un traitement soit par perindopril
2 mg/j, soit adapté à la tension artérielle pour obtenir une baisse
de 10 mmHg. Cette étude a inclus 1 501 patients, dont 82 %
d’hommes, avec 75 % de patients de plus de 60 ans, la fraction
d’éjection étant en moyenne de 33 %. Elle sera terminée à la fin
de l’année 2000, avec une participation des cardiologues libéraux, et permettra de montrer qu’il est possible de conduire des
essais en médecine libérale avec des informations de bonne
qualité.
Classe NYHA
II VG < 70 et FAN ≤ 200 pg/ml
III VG < 70 et/ou FAN ≤ 200 pg/ml
VG > 70 et/ou FAN > 200 pg/ml
N
N
E
Mortalité élevée
IV
VG : diamètre du ventricule gauche en mm.
FAN : facteur natriurétique.
Figure 3. Stratification pronostique des patients.
Goldmann et au questionnaire Minnesota living with heart failure. De plus, ce test est bien corrélé aux hospitalisations. La
valeur pronostique n’est pas retrouvée dans toutes les publications. L’équipe de Strasbourg a constaté qu’un test montrant une
distance de moins de 300 m était de mauvais pronostic et orientait vers une transplantation cardiaque.
■
Le test de marche de 6 minutes est un test simple, reproductible
et bien corrélé à la classe NYHA, à l’échelle de qualité de vie de
O
Mortalité
intermédiaire
VG > 70 et/ou FAN > 200 pg/ml
Les marqueurs neurohormonaux sont des marqueurs pronostiques. Les équipes de la Pitié-Salpêtrière et de Nantes ont étudié la noradrénaline, la “big endothéline”, l’endothéline, le BNP
et l’adrénomédulline chez 331 patients ayant une dysfonction systolique (FE < 45 %). Par une analyse multivariée, les éléments
suivants étaient prédictifs de mortalité : le facteur natriurétique,
le diamètre ventriculaire gauche en diastole et la classe NYHA.
Ces trois éléments permettent de classer les patients en trois
groupes de mortalité croissante à un an : mortalité basse de 10 %,
mortalité intermédiaire de 35 % et mortalité élevée de 50 %
(figure 3).
B
Mortalité basse
I
NOUVEAUX MARQUEURS PRONOSTIQUES
A
N F O R M A T I O N S
Z
-
V
O
U
S
✁
!
À découper ou à photocopier
Tarif 2000
Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules
❏ Collectivité .................................................................................
à l’attention de ..............................................................................
❏ Particulier ou étudiant
Dr, M., Mme, Mlle ...........................................................................
Prénom ..........................................................................................
Pratique : ❏ hospitalière
❏ libérale
FRANCE / DOM-TOM / Europe
ÉTRANGER (autre qu’Europe)
❐ 580 F collectivités (88,42 €)
❐ 700 F collectivités
(127 $)
❐ 460 F particuliers
(70,12 €)
❐ 580 F particuliers
(105 $)
❐ 290 F étudiants
(44,21 €)
❐ 410 F étudiants
(75 $)
joindre la photocopie de la carte
❏ autre..........................
POUR RECEVOIR LA RELIURE
❐ 70 F avec un abonnement ou un réabonnement
❐ 140 F par reliure supplémentaire (franco de port et d’emballage)
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Pays................................................................................................
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