ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL ARTICLE J Pharm Clin 2005 ; 24 (1) : 23-9 Évaluation de suspensions orales pédiatriques de spironolactone, hydrochlorothiazide et captopril : stabilité microbiologique et revue d’utilisation clinique Oral suspensions of spironolactone, hydrochlorothiazide and captopril: microbiological stability study and clinical use review V. FAJOLLE1, C. DUJOLS1, J.-C. DARBORD2, F. BRION1, A. RIEUTORD1* Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. 1 2 Service pharmacie, Hôpital Robert-Debré, Paris <[email protected]> Laboratoire de développement analytique, AGEPS, Paris Résumé. Par manque de spécialités ayant l’AMM en pédiatrie, les pharmacies hospitalières réalisent des préparations dont les dosages et les formes galéniques tentent de répondre aux demandes des pédiatres. À l’hôpital pédiatrique Robert Debré, nous avons proposé à certains services d’évaluer des suspensions buvables prêtes à l’emploi préparées à la pharmacie pour la spironolactone, l’hydrochlorothiazide et le captopril, utilisant les excipients Ora Sweet® et Ora Plus®. Les objectifs de ce travail ont été d’une part, de déterminer la stabilité microbiologique de cette suspension et, d’autre part, d’évaluer la faisabilité pratique de l’administration et l’acceptabilité par le patient. Une revue d’utilisation pratique (indications et doses prescrites) a été également réalisée concernant les deux diurétiques. Les suspensions sont restées stériles 60 jours en accord avec la Pharmacopée européenne. Durant les 7 mois d’étude, 66 administrations ont été rapportées. Plus de 90 % des infirmières ont jugé l’utilisation de ces suspensions facile à très facile et 75 % ont jugé son utilisation plus facile que les gélules. Seulement 9 % des infirmières ont remarqué une gêne vis-à-vis du goût chez l’enfant. Les diurétiques ont été prescrits dans la rétention hydrique induite par une bronchodysplasie dans les services de néonatologie et de réanimation, et dans l’insuffisance cardiaque dans le service de cardiologie. Les suspensions orales d’hydrochlorothiazide et de spironolactone préparées avec Ora Plus® et Ora Sweet® ont été adoptées à l’hôpital Robert Debré pour tous les enfants. Cependant, la suspension de captopril préparée à une concentration plus faible (0,75 mg/mL), voit son utilisation limitée aux unités de soins intensifs pédiatriques lors de la période de titration. Mots clés : suspension orale, pédiatrie, hydrochlorothiazide, spironolactone, Ora Plus®, Ora Sweet® Abstract. Due to the lack of medicines licensed for children, the hospital pharmacists make magistrals to satisfy the physicians’ requests for use in pediatrics. At Robert Debré Children Hospital, oral suspensions were made for spironolactone, hydrochlorothiazide and captopril using excipients, Ora Sweet® and Ora Plus®. The aims of this study were to assess the microbiological stability of these suspensions as well as the satisfactory level of their administrations by patients and nurses. A clinical use review has been also made for the two diuretics. The suspensions remained sterile according to the European Pharmacopeia after 60 days. During the 7 months assessment, 66 administrations of these suspensions were recorded. The survey showed that 90% of the nurses judged the oral suspension easy to administer and in 75 p. cents much easier than capsules. The palatability of these suspensions was considered as good by the patients. These drugs were prescribed for water retention due to bronchodysplasia in the neonatal and intensive care units and for heart failure in the cardiology unit. The oral suspensions of hydrochlorothiazide, spironolactone made with Ora Plus® and Ora Sweet® fully met pediatric needs at Robert Debré Hospital whereas captopril owing to its low strength (0.75 mg/mL) was only used for small PICU patients. Key words: oral suspensions, pediatrics, hydrochlorothiazide, spironolactone, Ora Plus®, Ora Sweet® * Correspondance et tirés à part : A. Rieutord J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005 23 V. Fajolle, et al. L Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. a pédiatrie est depuis des années « délaissée » par l’industrie pharmaceutique en raison des difficultés techniques (formulation galénique particulière, multiplicité des doses à préparer, difficulté de réalisation des essais cliniques chez l’enfant), et de la faible rentabilité du développement des médicaments en pédiatrie. Entre 1993 et 1996, sur 130 médicaments admis à l’AP-HP, 34 (26 %) étaient indiqués chez l’enfant, 22 (17 %) étaient contre-indiqués chez l’enfant ou réservés à l’adulte et 73 (57 %) ne comportaient aucune information pédiatrique [1]. Des études plus récentes, européennes ou internationales, ont rapporté des données similaires [2, 3]. Cette carence conduit les médecins à prescrire des médicaments hors AMM (utilisation off label) et des médicaments non autorisés (médicaments sans AMM, unlicensed). Cependant, de telles pratiques ne sont pas dénuées de risque. Une étude britannique de 1999, réalisée dans 5 services de soins d’un hôpital pédiatrique, chiffre à 11 % le nombre de prescriptions faisant l’objet d’effets secondaires chez les enfants, et plus précisément, 3,9 % pour des médicaments dont l’usage est conforme à leur AMM et 6 % pour des médicaments non autorisés chez l’enfant ou utilisés en dehors des recommandations de l’AMM [2]. De plus, les dosages, les formes galéniques, les voies d’administration de ces médicaments sont souvent inadaptés à l’administration chez l’enfant. Face à cette situation, les pharmacies hospitalières et certaines officines de ville réalisent des préparations dont les dosages et les formes galéniques tentent de répondre aux demandes des médecins. Une enquête de 1998 portant sur les préparations réalisées en 1997 dans 53 hôpitaux et cliniques en France montre bien cette carence en formes pharmaceutiques pédiatriques. Elle se traduit par la fabrication de nombreuses préparations magistrales dont 87 % sont des formes orales réparties en 97 % de gélules et 3 % de formes orales liquides [4]. Cependant, les gélules sont inadaptées à l’administration aux enfants âgés de moins de 6 ans incapables de les avaler. Des manipulations supplémentaires telles que l’ouverture des gélules ou la dissolution dans de l’eau de celles-ci sont alors nécessaires, mais sont potentiellement génératrices d’erreur de dosage et de problème de goût plus ou moins bien accepté par l’enfant. Afin de répondre à ce problème, la préparation de formes liquides buvables peut être envisagée. Cependant, les données sur la stabilité physicochimique et microbiologique sont plus rares que pour les formes sèches telles que les gélules. L’absence de formes liquides adaptées à l’enfant peut également amener à l’utilisation de formes injectables par voie orale. Cette pratique largement répandue présente des risques thérapeutiques dus à la non prise en compte du pH des solutions, de la présence d’éventuels excipients incompatibles avec la voie orale et de la biodisponibilité orale inconnue de ces solutions [5-7]. À l’hôpital Robert Debré, dans le cadre de l’amélioration des formes médicamenteuses mises à disposition des enfants, nous avons proposé à certains services d’évaluer des suspensions buvables prêtes à l’emploi préparées à la pharmacie pour trois principes actifs : la spironolactone, l’hydrochlorothiazide et le captopril. La formulation étant incertaine et chronophage, nous avons recherché un excipient universel pour réaliser des formes liquides pédiatriques. De nombreux principes actifs étant peu ou pas 24 solubles dans l’eau, la mise en suspension est une bonne alternative car elle permet une bonne dispersion des principes actifs avec une sédimentation lente. Ces formes buvables étant destinées aux enfants, l’édulcoration et l’aromatisation étaient un paramètre particulièrement important. Pour ces raisons, nous avons choisi deux excipients, Ora Sweet® et Ora Plus®, commercialisés par les laboratoires Paddock, largement utilisés aux États-Unis et plus rarement en Europe, afin de permettre la mise en suspension de ces principes actifs. Ces excipients sont prêts à l’emploi, aromatisés et faciles à mettre en œuvre. Des études sur la stabilité physicochimique de ces formulations pédiatriques ont été rapportées dans la littérature [8, 9], garantissant la stabilité de ces formulations pédiatriques pendant 60 jours. Cependant, aucune donnée sur la stabilité microbiologique n’est disponible ainsi qu’aucune donnée qualitative (observance et efficacité). Les objectifs de ce travail ont été d’une part, de déterminer la stabilité microbiologique de ces suspensions et, d’autre part, de réaliser une évaluation de la faisabilité pratique de l’administration, ainsi que celle de l’acceptabilité par le patient. Une revue sur l’utilisation pratique des deux diurétiques (spironolactone et hydrochlorothiazide) a été également réalisée dans les services participant à l’étude concernant les indications et les doses utilisées. Matériels et méthodes Matériels Ora-Plus® et Ora-Sweet® sont deux excipients produits par le laboratoire pharmaceutique Paddock (Minneapolis, États-Unis), importés et distribués en France par le laboratoire Instel Chimios (Issy-les Moulineaux, France). Ora-Plus® est l’agent de suspension. Il est sans goût, sans saveur. Il peut être mélangé à des agents de mouillage, de l’alcool, des surfactants et d’autres ingrédients couramment utilisés dans les suspensions. Il est composé d’eau à 97 %, de phosphate de sodium monobasique, de carboxyméthylcellulose de sodium, de cellulose microcristalline et de carragénanes à moins de 1 %. D’autres ingrédients sont présents à moins de 0,1 % mais ne sont pas donnés par le laboratoire. Ora-Sweet® est un sirop utilisable comme alternative au sirop simple. Il contient des arômes (cerise) pour aider à masquer le goût de certains principes actifs. Il est composé de saccharose à 70 % (m/v), de glycérine à 6% (m/v) et de sorbitol à 5 % (m/v). D’autres ingrédients sont présents à moins de 1 % (non toxiques) mais leur nature n’est pas communiquée par le laboratoire. La spironolactone et l’hydrochlorothiazide sont fournies par la Cooper (Melun, France). Le captopril est produit par le laboratoire pharmaceutique Bufa (Hollande) et distribué en France par le laboratoire Inresa (Bartenheim, France). Mise en place et fabrication Des réunions d’informations ont été faites auprès des principaux prescripteurs des diurétiques et du captopril que sont la cardiologie, la réanimation, la néonatologie et la néphrologie afin de leur proposer d’évaluer ces formes liquides pédiatriques. Une présentation orale a été réalisée dans chaque service aux personnels médical et paramédical, exposant la nature des excipients, la concentraJ Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005 Évaluation de suspensions orales pédiatriques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. tion des principes actifs, le mode et la durée de conservation et une démonstration sur le mode d’emploi du bouchon adaptateur. Des feuilles de fabrication ont été élaborées pour ces trois préparations selon les recommandations des laboratoires Paddock. La concentration finale des suspensions est de 5 mg/mL pour la spironolactone et l’hydrochlorothiazide et de 0,75 mg/mL pour le captopril. Des suspensions de 50 mL ont été préparées en mélangeant à volume égal les deux excipients à température ambiante. La préparation est conditionnée dans un flacon brun de 60 mL et dispensée avec une seringue orale et un bouchon adaptateur Baxa (Aguettant, Lyon, France) afin de faciliter l’administration. Évaluation de la faisabilité pratique de l'administration et de l'acceptabilité par le patient L’évaluation de l’administration a été réalisée sur une période de 7 mois, du mois de février au mois d’août 2002. Une fiche d’évaluation devant être remplie par l’infirmière lors de l’administration au patient a été élaborée. Cette fiche se présente sous la forme d’une grille d’évaluation composée de plusieurs questions permettant d’évaluer pour plusieurs administrations faites par plusieurs infirmières, le conditionnement, les difficultés rencontrées pendant l’administration ainsi qu’une comparaison par rapport à la forme gélule précédemment utilisée. Ces fiches ont été récupérées soit à la sortie de l’enfant, soit quand l’évaluation pour un enfant donné a été jugée suffisante, c’est-à-dire quand toutes les infirmières s’occupant de l’enfant ont rempli la fiche. Revue sur l'utilisation pratique des principes actifs De mai à septembre 2002, diverses informations concernant le produit prescrit, spironolactone et/ou hydrochlorothiazide ont été relevées (posologie initiale et évolution des doses, traitements concomitants), les caractéristiques des patients (âge, poids, pathologie principale, indication du traitement diurétique, évolution clinique). Cette évaluation n’a pas concerné le captopril qui n’a été que très peu prescrit. Stabilité microbiologique Selon la Pharmacopée européenne [10], la qualité microbiologique des préparations pour administration par voie orale doit satisfaire aux essais suivants : dénombrement des germes aérobies viables totaux avec un maximum de 103 bactéries et 102 moisissures et levures par grammes ou par millilitre et absence d’Escherichia coli. Ces essais ont été réalisés en collaboration avec le laboratoire de contrôle biologique de l’agence générale en produits de santé (Ageps) du professeur Darbord. L’étude est décomposée en 6 jours d’analyse : j0, j7, j15, j30, j45 et j60 et a porté sur une suspension de spironolactone à 5 mg/mL. À j0, deux types de conditionnement ont été préparés selon le mode opératoire décrit par Paddock [8] : – 20 flacons de 20 mL de suspension de spironolactone afin de déterminer la stabilité microbiologique de la suspension ; – 1 flacon de 500 mL de spironolactone afin de déterminer la qualité microbiologique de la suspension dans des J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005 conditions d’utilisation. Les flacons ont été envoyés au laboratoire d’analyse de l’Ageps pour analyse et ont été conservés au réfrigérateur à + 4 °C. Chaque jour d’analyse, l’étude a porté sur un volume de 4 flacons de 20 mL de spironolactone, et de 20 mL d’échantillons prélevés dans le flacon de 500 mL. Le choix de la méthode de dénombrement des germes aérobies viables totaux a porté en première intention sur une méthode de filtration sur membrane, mais cette méthode n’a pu être finalement retenue, le produit n’ayant pas pu être filtré (filtre de 0,45 lm). La méthode du dénombrement sur plaque a donc été réalisée et a été préalablement validée par l’essai dit de fertilité, afin de s’assurer qu’un des produits présent dans la suspension n’inhibait pas la pousse des germes. Cette méthode a porté sur le produit à une concentration de 5 mg/mL et sur le produit dilué au 1/10e et au 1/100e dans de l’eau peptonée. Un volume de 0,5 mL de chaque échantillon a été prélevé et déposé au fond d’une boîte de Pétri dans laquelle a été ensuite coulée une gélose trypticase-soja. Le tout a été mis à l’étuve à 32 °C. La lecture a été faite au bout de 48 heures. L’échantillon est considéré comme conforme s’il contient moins de 500 unités formant colonies par millilitre (UFC/mL). La recherche d’Escherichia coli est une recherche qualitative. Elle s’est déroulée en deux phases : – la première a été la phase d’enrichissement qui a consisté à placer 10 mL de l’échantillon à analyser dans un flacon de bouillon trypticase-soja et à l’incuber 24 heures à 37 °C ; – la seconde phase a été la phase de sélection avec la recherche d’Escherichia coli qui a consisté à ensemencer un tube de bouillon lactosé bilié au vert brillant (BLBVB) avec 1 mL de l’échantillon enrichi et un tube de BLBVB avec 1 mL de bouillon trypticase-soja neuf servant de témoin. Le tout a été placé à 44 °C à l’étuve pendant 48 heures. La lecture s’est faite à 24 heures et 48 heures et a consisté à mettre ou non en évidence la production de gaz dans le tube (la présence de gaz affirmant la présence d’ Escherichia coli). Les suspensions sont considérées comme stables sur le plan microbiologique si le dénombrement des germes aérobies viables totaux est inférieur à 500 UFC/mL et si elles ne contiennent pas d’Escherichia coli. Résultats et discussion Évaluation pharmaceutique microbiologique Les résultats présentés dans le tableau 1 montrent que le produit est stable 60 jours après sa fabrication d’un point de vue microbiologique avant ouverture. Les résultats présentés dans le tableau 2, montrent que la qualité microbiologique des suspensions n’est pas altérée lors de l’ouverture répétée du flacon sur une période de 60 jours, autorisant la fabrication d’un flacon multidose. Évaluation de la faisabilité pratique de l'administration et de l'acceptabilité par le patient Sur la période de février à août 2002, l’évaluation a porté sur 14 patients correspondant à 66 administrations. Quarante infirmières ont participé à cette étude. 25 V. Fajolle, et al. Tableau 1. Résultats de l’analyse microbiologique de 4 flacons de 20 mL d’une suspension de spironolactone sur une période de 60 jours. Temps d’analyse (jours) J0 J7 J15 J30 J45 J60 Dénombrement des germes aérobies viables totaux (UFC/mL) < 500 < 500 < 500 < 500 < 500 < 500 Présence d’Escherichia coli Non Non Non Non Non Non Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Tableau 2. Résultats de l’analyse microbiologique de 60 mL pris au hasard dans un flacon de 500 mL d’une suspension de spironolactone sur une période de 60 jours. Temps d’analyse (jours) J0 J7 J15 J30 J45 J60 Dénombrement des germes aérobies viables totaux (UFC/mL) < 500 < 500 < 500 < 500 < 500 < 500 Présence d’Escherichia coli Non Non Non Non Non Non Tableau 3. Résultats des feuilles d’évaluation infirmière sur une période allant de février à septembre 2002. Questions 1-Comment trouvez-vous l’utilisation du conditionnement multidose ? Très facile Facile Moyennement facile Difficile Ne se prononce pas 2-Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de la préparation de la dose à administrer ? Changement d’aspect de la préparation Viscosité gênant l’agitation Viscosité gênant le prélèvement de la dose Prélèvement difficile avec le bouchon adaptateur Concentration inadaptée à la dose à administrer Aucune difficulté Autres Ne se prononce pas 3-Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de l’administration du médicament ? Difficulté d’administration par la seringue orale Enfant gêné par le goût Aucune difficulté Autres Ne se prononce pas Résultats (%) 60,6 30,3 9,1 0 0 0 4,3 2,9 8,7 29,0 43,5 8,7 2,9 4,5 9,1 84,9 0 1,5 Les services prescripteurs ont été : la cardiologie dans 33,3 % des cas, la réanimation dans 33,3 % des cas, la néphrologie dans 4,8 % des cas et la néonatologie dans 28,6 % des cas. Les principes actifs testés ont été la spironolactone dans 23,8 % des cas l’hydrochlorothiazide dans 19,0 % des cas et le captopril dans 23,8 % des cas. 26 Les résultats (en pourcentage) des réponses aux différentes questions posées sont reportées dans le tableau 3. L’appréciation générale du produit est très positive : – dans plus de 90 % des cas l’utilisation de cette nouvelle forme est jugée facile à très facile quant à la préparation de la dose et de son administration ; – dans 75 % des cas l’utilisation est jugée plus facile que les gélules ; – dans 43,5 % des cas, aucune difficulté n’a été rencontrée concernant la préparation de la dose à administrer ; – dans 85 % des cas, aucune difficulté n’a été rencontrée concernant l’administration du médicament. Cependant, certains problèmes ont été évoqués. Lors de la préparation, une difficulté du prélèvement de la dose due à la viscosité de la suspension ou au bouchon adaptateur (11,6 %) a été soulignée. Une inadéquation de la concentration des principes actifs à la dose à administrer (29 %) a également été relevée. Cela est particulièrement vrai pour le captopril. En effet, la concentration de la suspension étant relativement faible (0,75 mg/mL), le volume administré est important pour des nouveau-nés ou des nourrissons (par exemple pour une posologie de 2 mg/kg/j chez un enfant pesant 10 kg, la dose à administrer est de 20 mg correspondant à un volume de la suspension de captopril de 27 mL). L’utilisation de la suspension de captopril a donc été très limitée par la suite, d’autant plus que sa stabilité physicochimique est de 15 jours seulement, ce qui paraît être un paramètre limitant lorsque le patient doit poursuivre son traitement en ville. Elle apparaît cependant très utile lors de la phase de titration sur les grands prématurés hospitalisés en réanimation néonatale. La conservation au froid apparaît aussi comme un facteur contraignant dans 11 % de cas, notamment lorsque le poste de soins se trouve éloigné des chambres des enfants (service de réanimation). En ce qui concerne l’aromatisation, seulement 9 % des infirmières remarquent une gêne vis-à-vis du goût chez les enfants. L’aromatisation des formes orales buvables est un point à ne pas négliger. En effet le goût du médicament peut être une cause de rejet par l’enfant et amener à une mauvaise observance [11]. Revue d'utilisation clinique des diurétiques Sur une période de 5 mois allant de mai à septembre 2002, 19 patients ont reçu la spironolactone, 8 l’hydrochlorothiazide. Les données recueillies ont permis de recenser les principales indications des diurétiques en pédiatrie qui diffèrent selon les services prescripteurs. Dans le service de néonatologie et de réanimation, la rétention hydrique chez des enfants bronchodysplasiques est la principale indication. La dysplasie bronchopulmonaire est une maladie chronique, touchant l’appareil pulmonaire, la plus fréquente de la petite enfance. Elle atteint le plus souvent les nouveau-nés présentant la maladie des membranes hyalines et ceux qui ont nécessité une assistance ventilatoire durant leur premier mois de vie. Ces enfants doivent recevoir chaque jour un nombre de calories nécessaires à leur croissance. Ces calories sont apportées dans un certain volume de liquide qui, du fait de leur insuffisance respiratoire, est retenu dans les tissus. L’administration de diurétiques permet de compenser cette rétention hydrique. J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Évaluation de suspensions orales pédiatriques Dans le service de cardiologie, l’indication principale est l’insuffisance cardiaque. Les principales causes chez l’enfant sont les malformations cardiaques et vasculaires (valvulopathies et shunts artérioveineux). Le traitement de première intention est la chirurgie lorsqu’elle est techniquement possible. La prise en charge médicamenteuse fait appel à l’association digoxine/diurétique. La spironolactone est un diurétique antagoniste de l’aldostérone, et l’hydrochlorothiazide, un diurétique thiazidique. La spironolactone est employée aussi bien dans les bronchodysplasies que dans l’insuffisance cardiaque, contrairement à l’hydrochlorothiazide qui n’est utilisé que dans les bronchodysplasies. En cardiologie, l’hydrochlorothiazide est très peu utilisé, jugé trop peu efficace par les cardiologues du service. Le furosémide (Lasilix®) est alors employé en association avec la spironolactone. Contrairement à la cardiologie, le furosémide n’est pas employé en première intention en néonatologie, l’utilisation prolongée de ce principe actif pouvant amener à l’apparition d’effets indésirables chez l’enfant à type de calciurie et de calculs rénaux [12]. Concernant l’autorisation de mise sur le marché de ces trois molécules, seules la spironolactone et le furosémide ont une indication en pédiatrie. La spironolactone a été employée en pratique clinique à une dose moyenne de 2,7 mg/kg/j (posologie minimale de 1,0 mg/kg/j – posologie maximale de 9 mg/kg/j) en 1 à 3 prises par jour. Concernant l’hydrochlorothiazide, la dose moyenne a été de 1,3 mg/kg/j (posologie minimale de 1mg/kg/j – posologie maximale de 2 mg/kg/j) en 1 à 2 prises par jour. Ces posologies sont en accord avec les posologies des protocoles des différents services : les doses de spironolactone préconisées sont de 2 à 10 mg/kg/jour en 1 à 2 prises et celles de l’hydrochlorothiazide de 2 à 5 mg/kg/j en 1 à 2 prises. Elles sont également en accord avec les posologies recommandées dans les principaux ouvrages de référence [13-16]. Du point de vue clinique, l’efficacité de ces molécules n’a pu être évaluée réellement, mais aucun effet indésirable ou inattendu n’a été rapporté par le personnel médical aux doses utilisées. En néonatologie, le traitement a été jugé efficace par les médecins, la durée du traitement diurétique a été en moyenne de 21 jours (3 jours à 2 mois). En cardiologie, la complexité des pathologies fait que le traitement diurétique est à poursuivre au long terme, l’évaluation clinique est donc beaucoup plus subjective. Cette étude est la première étude utilisant les excipients Ora Plus® et Ora Sweet® réalisée en France dans un hôpital pédiatrique. Elle a permis de montrer une excellente acceptabilité du traitement par le patient quant au goût et par l’infirmière qui considère l’administration facilitée par rapport à la forme gélule. Les suspensions fabriquées sont des préparations prêtes à l’emploi. Un des avantages de ces suspensions est le fait qu’il existe des données de stabilité physicochimique. Cependant, le problème microbiologique n’est pas à négliger pour des préparations notamment destinées à une population à risque que sont les prématurés. Ces suspensions, contenant une quantité certaine de sucre, sont potentiellement des réservoirs de développement de germes. Dans ce travail nous avons montré que la stabilité microbiologique de ces préparations est garantie 60 jours dans les conditions d’utilisation. J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005 Cependant, un des problèmes soulevés par les infirmières est la présentation des principes actifs sous forme liquide qui oblige à calculer le volume à administrer lors de chaque administration. Cette étape peut être à l’origine d’erreurs de posologie, tant par les infirmières que pour les parents des patients ambulatoires. Un pictogramme illustrant le calcul de la dose à administrer en millilitre ainsi que les modalités d’administration a été élaboré avec les services prescripteurs afin de simplifier ce point. Il est remis lors de chaque dispensation (Annexe 1). D’un point de vue économique, le coût d’un traitement par suspension buvable est inférieur à celui d’un traitement par gélule. Par exemple, le coût d’un traitement par hydrochlorothiazide calculé sur la base d’une posologie de 2 mg deux fois par jour pendant un mois est de 6,61 euros concernant la suspension buvable et de 5,98 euros pour les gélules. Il faut rajouter à ceci le coût du contrôle à réaliser : le contrôle d’une prise unitaire comme les gélules (uniformité de teneur sur 10 gélules) revient plus cher que le contrôle d’une forme multidose qu’est la suspension buvable. Une revue sur l’utilisation clinique des deux principes actifs, spironolactone et hydrochlorothiazide, a pu être réalisée lors de ce travail. Deux grandes indications sont observées suivant les services prescripteurs : la rétention hydrique lors de bronchodysplasie et l’insuffisance cardiaque. Comme pour les autres préparations magistrales et hospitalières, aucune donnée de pharmacocinétique (e. g biodisponibilité) n’est établie et l’évaluation clinique est difficile à réaliser du fait des traitements adjuvants associés. Un autre inconvénient est l’absence de réel dossier toxicologique sur les excipients Ora Plus® et Ora Sweet®, même si aucun effet indésirable n’a été rapporté dans notre étude. Cependant, les excipients à effets notoires que contient ce mélange sont en quantité compatible avec la prise unitaire quotidienne de l’enfant. La ration journalière de saccharose à ne pas dépasser est de 5 g/jour soit 7 mL d’Ora Sweet®/jour ou 14 mL de la solution de captopril à 0,75 mg/mL ; celle de glycérol de 1 g/prise ou 3 g/24 heures soit 50 mL d’Ora Sweet®/jour ou 100 mL de la solution de captopril à 0,75 mg/mL ; celle de sorbitol de 1 g/prise ou 3 g/24 heures soit 60 mL d’Ora Sweet®/jour ou 120 mL de la solution de captopril à 0,75 mg/mL. Le saccharose étant une source de glucose et fructose, il est contre-indiqué chez les personnes souffrant d’une intélorance au fructose, d’un syndrome de malabsorption glucose/galactose ou d’un déficit en sucrase-isomaltase. Le sorbitol étant lui-même métabolisé en fructose, il est contre-indiqué également en cas d’intolérance au fructose. Conclusion Il est nécessaire de garder à l’esprit pour le pharmacien hospitalier que cette possibilité de fabriquer des suspensions plus adaptées à l’enfant n’est qu’un compromis et que, lorsque cela est possible, il est toujours préférable d’utiliser un médicament avec une forme et une autorisation de mise sur le marché pédiatrique, en l’important si nécessaire. Par exemple, il est à noter qu’il existe une forme buvable de captopril (Capoten®) à 5 mg/mL com- 27 V. Fajolle, et al. mercialisée en Australie. L’Afssaps, depuis 2004, a fait preuve d’ouverture et a autorisé l’importation de médicaments pédiatriques. Nous encourageons les pharmaciens à le faire dès qu’il existe une forme pharmaceutique adaptée à l’enfant [17]. En attendant le futur texte européen visant à promouvoir le développement de formes pédiatriques, l’utilisation de ces formes orales buvables est une bonne alternative dans des conditions strictes et définies de fabrication, de contrôle et d’utilisation à l’hôpital Robert Debré. ■ Nom : Prénom : Âge : Poids : Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Hôpital Robert Debré 48, Boulevard Sérurier 75019 PARIS Tél : 01 40 03 20 00 solution ou supension buvable prête à l'emploi X mL 1 4 2 5 3 6 Conservation après ouverture : xx/xx/xxxx 28 J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005 Évaluation de suspensions orales pédiatriques Références 1. Brion F, Pelletier V. La Commission du médicament et l’enfant malade à l’AP-HP. Le bulletin du médicament 1996 ; 2 : 1. 2. Turner S, Nunn AJ, Fielding K, Choonara I. 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Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. 9. Allen LV Jr, Erickson MA 3rd. Stability of baclofen, captopril, diltiazem hydrochloride, dipyridamole, and flecainide acetate in extemporaneously compounded oral liquids. Am J Health Syst Pharm 1996 ; 53 : 2179-84. 6. Woods DJ. Extemporaneous formulations. Problems and solutions. Peadiatr Perin Drug Ther 1997 ; 1 : 25-8. 7. Nahata M. Pediatric drug formulations : challenges and solutions. Ann Pharmacother 1999 ; 33 : 247-9. 8. Allen LV, Erickson MA. Stability of labetolol hydrochloride, metoprolol tartrate, verapamil hydrochloride, and spironolactone with hydrochlorothiazide in extemporaneously compounded oral liquids. Am J Health Syst Pharm 1996 ; 53 : 2304-9. J Pharm Clin, vol. 24, n° 1, mars 2005 12. Alon US, Scagliotti D, Garola RE. Nephrocalcinosis and nephrolithiasis in infants with congestive heart failure treated with furosemide. J Pediatr 1994 ; 125 : 149-51. 13. Takemoto CK, Hodding JH, Kraus DM. 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