I N F O R M A T I O N S ● J.P. Batisse* igh Tech 2000 confirme une fois de plus sa qualité et son intérêt pour tous les “praticiens” de l’angioplastie, mais aussi pour tous ceux qui s’intéressent à la maladie coronaire et à la maladie vasculaire. Les thèmes principaux de la réunion ont porté sur les problèmes d’économie de santé et les recommandations actuelles formulées par la SFC et par l’ACC, sur l’amélioration du matériel radiologique et les méthodes d’enregistrement des coronarographies, sur le traitement de l’infarctus à la phase aiguë, de la resténose, et sur des problèmes plus techniques concernant les indications des différents types de stent, stenting direct, bifurcations, pontages, diabète... sur lesquels nous reviendrons. Rappel historique Le Pr M. Bertrand a ouvert la séance avec un exposé enthousiaste sur l’histoire de l’angioplastie, télescopant quelque cinquante ans de cathétérisme en quelques minutes. Ce voyage à travers le temps a permis de montrer que la technique était devenue sûre, passant de 67 % à 99 % de succès primaire, de 5,5 % d’infarctus à 0,5 %, de 0,9 % de mortalité à 0,6 %. Les stents marquent un tournant essentiel au début des années 90. La méthode rivalise avec la chirurgie. Il reste deux problèmes à résoudre : – les dommages mineurs dus à l’occlusion d’une petite collatérale ou d’un no reflow avec mouvement enzymatique modéré mais entraînant une surmortalité dans plusieurs séries ; – la resténose intrastent, quand le processus devient diffus et prolifératif, avec les solutions du futur que sont la brachythérapie et la génétique, dont nous reparlerons plus loin. Coronarographie et angioplastie L’activité en coronarographie et en angioplastie entre, comme on pouvait le pressentir au cours des années précédentes, dans sa phase adulte, avec un ralentissement de la croissance. Le nombre de coronarographies est passé de 200 000 à 212 000 et celui des angioplasties de 75 000 à 79 000. On remarque que cette augmentation se fait principalement par le biais des petits centres, les centres à haut volume voyant plutôt leur activité baisser. Le taux de mise en place des stents atteint 87 %, sans différence notable en fonction des centres, avec 32 % de stenting direct et 1,4 stent par procédure. L’angioplastie primaire dans l’infarctus augmente progressivement : 8 % en 1997, 10 % en 1998, 12 % en 1999, avec une prédilection pour les petits centres. Enfin la * Paris. La Lettre du Cardiologue - n° 331 - mai 2000 redilatation ne représente que 10 % de l’activité, ce qui peut s’expliquer par un “effet stent”. La vente des stents entre 1997 et 1999 montre une franche augmentation des petits stents de moins de 3 mm (de 2 à 21 %), pendant que ceux de plus de 3 mm passent de 56 à 40 %. Leur longueur évolue également avec une tendance à des stents plus courts : les moins de 10 mm passent de 6 à 18 % et les plus de 20 mm de 22 à 39 %, au détriment des stents moyens qui passent de 72 à 55 %. Des disparités importantes sont à noter, tant au niveau de l’activité que de la concentration géographique. Un centre sur deux fait moins de 1 000 coronarographies et moins de 400 angioplasties par an ; nous reviendrons sur l’importance de ces chiffres. La répartition géographique de la densité des examens montre une moyenne de 3 500 par million d’habitants ; elle correspond à la région parisienne, avec une densité plus importante pour les régions PACA et Midi-Pyrénées, nettement moins importante pour les régions Picardie et Pays-de-Loire. Il n’y a pas d’argument lié à l’âge, à la mortalité ou à des flux de population, le mécanisme semblant plutôt lié à “un effet d’offre”. Problèmes économiques et offre de santé Cette constatation débouche sur l’implication des problèmes économiques dans la régulation de l’offre de santé. L’équation “efficacité ↔ équité” sous-entend des soins de qualité, accessibles pour tout citoyen sur tout le territoire, et supportables par la collectivité en termes de budget... Ph. Meyer rappelle que “les publications réalisées ces trois dernières années démontrent formellement que le risque encouru par un patient est inversement proportionnel au niveau d’activité du centre dans lequel il est traité, jusqu’à un seuil de 600 angioplasties par an. Le premier seuil est à 400, mais ce n’est qu’à 600 que l’on atteint un niveau de sécurité stable dans la réalisation du geste. Il n’y a qu’un quart des centres en France qui sont à ce niveau optimal d’activité. Le seuil pour l’activité du praticien est entre 225 et 270 ; un médecin qui ferait moins de 70 procédures expose son patient à 9,3 % de complications cumulées, ce chiffre baisse à 2,9 % pour un praticien réalisant 270 procédures, soit un gain de 69 % : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Mais d’autre facteurs interviennent : l’expérience du groupe dans lequel travaille le cardiologue, l’importance de l’équipe, son expérience personnelle ; en revanche, l’ancienneté de l’activité, si elle reste faible, n’est pas un élément favorable”... Ces constatations seraient applicables à toutes les spécialités médicales. Le Pr Guermonprez souligne les difficultés importantes qui existent pour mettre ces conclusions en application. 9 I N F O R M A T I O N S Les limites de l’angioplastie Une session entière était consacrée aux limites de l’angioplastie. P. Baragan a présenté le résultat de plusieurs centaines de troncs communs non protégés traités par angioplastie. Il est intéressant de comparer ses résultats à ceux du traitement chirurgical dans l’étude CASS, où la survie est de 88 % à 4 ans. Il distingue : 1. les patients “inopérables”, mortalité immédiate 10 %, survie 69 % à 4 ans ; 2. les patients “bons candidats” pour le stenting (sténose ostiale), 93 % de survie à 4 ans ; 3. les patients présentants une sténose distale, 4,3 % de décès immédiat, soit 6 % dans les 6 premiers mois, Target Lesion Revascularisation (TLR) 17 %, 92 % de survie à 4 ans. Cette dernière situation justifiera des études randomisées. Les résultats des études CABRI et CAPRI avaient démontré l’échec de l’angioplastie, mais c’était en 1995, et l’usage du stent était encore restreint. Quarante-quatre pour cent des patients avaient dû être revascularisés dans l’année. J. Fajadet a exposé le traitement des lésions complexes de l’IVA. La réponse s’articule sur un double risque, immédiat et tardif. Le risque immédiat dépend de la longueur et du diamètre de l’artère sténosée, de l’existence de bifurcations et de l’angle formé avec la circonflexe en cas de sténose ostiale, qui constituent des éléments de difficulté. Le risque tardif est lié à la resténose, dont les facteurs de risque restent le diabète, le diamètre < 3 mm, la complexité et la longueur de la lésion. Il faut retenir qu’on ne doit pas éliminer pour nos patients une possibilité chirurgicale en limitant les sites d’implantation par des stents étagés, “the full metal jacket”... J. Marco nous a présenté une très intéressante étude à propos des conséquences de l’angioplastie sur la vasomotricité et la physiopathologie du no reflow. Le réseau coronaire et l’artère constituent un organe, la fantastique agression que provoque l’angioplastie entraîne d’importantes modifications de la vasomotricité. L’étude, basée sur l’évolution de la réserve coronarienne après mise en place de stent, montre que la réserve reste basse après angioplastie et augmente après administration de bloqueurs alpha2 spécifiques des petits vaisseaux. STENTING DIRECT Le stenting sans prédilatation ou stenting direct pose des problèmes aussi bien philosophiques que techniques. Il représente près de 30 % des procédures globales, et atteint 70 % dans certains centres. Il constitue un gain de temps, donc d’exposition aux rayons X, et un gain financier, mais il comporte un risque d’échec (il n’y a que 94 % de succès), et surtout une perte de chance pour le patient, en exposant systématiquement celui-ci à un risque de resténose intrastent, en particulier dans les lésions longues. Il semble donc logique de le réserver à des indications bien particulières : lésion courte, non calcifiée, de diamètre > 2,5 mm, sans bifurcation, de type A, B1, B2, en évitant les lésions sur artères sinueuses, occluses, quand il est impossible d’affirmer le diamètre du vaisseau et la longueur de la sténose, ou quand le franchissement est incertain. Le stenting direct est 10 discutable chez le sujet âgé, sur les lésions ostiales, et en particulier dans les greffons veineux où une dilatation incomplète suivie de la pose d’un stent pourrait diminuer le risque d’embolie distale. A. Pichard apporte son expérience sur le stenting des artères natives. Le stenting direct est guidé par l’exploration échographique de l’artère : cette méthode, dans une étude sur 438 lésions comparant provisional stenting et stent direct, est en faveur du stenting direct. Faut-il stenter les petites artères ? Les résultats complets de l’étude BESMART ont été présentés à l’ACC par R. Koening. Sur une série de 381 patients (avec un MAjor Cardiac Event [MACE] identique), il y a 52 % de resténose dans le groupe sans stent et 23 % dans le groupe stenté. C’est le premier travail qui va dans ce sens ; encore un French paradox... Bifurcations Les tenants de la voie radiale s’opposent à B. Chevalier, qui nous a convaincus des avantages du matériel 5F pour les angioplasties par voie fémorale, sans introducteur : il permet la mise en place des stents, 75 % des patients sortent sans compression avec un simple pansement et peuvent se lever à la troisième heure. Il semble ainsi possible de diminuer encore les complications locales, qui avaient nettement régressé avec le 6F. M.C. Morice reste dans le traitement des bifurcations, favorable au double stenting, avec des prothèses tubulaires, en débutant par la branche principale et en complétant par un kissing1. Le TVR est de 13 %, ce qui est à peine plus élevé que celui des lésions simples. Traitements des pontages Enfin A. Pichard, fidèle à cette réunion, a exposé ses réflexions et propositions sur le traitement des pontages. D’abord, il vaut mieux dilater l’artère native lorsque cela est possible ; en effet, il existe un risque important d’embolisation distale (5 à 15 % selon les travaux), et 38 % des patients augmentent leur CPK. On peut proposer une protection avec le Percu-Surge qui met en place un ballon occlusif dans la distalité du greffon pendant la dilatation proximale ou la pose d’un stent. Il permet ensuite l’aspiration des débris athéromateux. Une étude préliminaire sur 18 lésions a permis d’éliminer les no reflow et les infarctus. A. Pichard propose une intervention en deux temps : d’abord dilatation avec un petit ballon, puis, après un mois de traitement anticoagulant et antiplaquettaire, mise en place d’un stent. L’utilisation des inhibiteurs GP2b3a reste à évaluer. Que dire des radiations ? Génétique La thérapie génique reste totalement expérimentale. Elle peut intervenir à plusieurs niveaux : – sur l’inhibition de la prolifération de la cellule musculaire lisse dans la resténose, par le biais de vecteurs viraux qui induisent une protéine inhibitrice, – sur la multiplication de capillaires et de néovaisseaux. 1. Kissing : jolie expression pour désigner la mise en place de deux ballons, un dans chaque branche, avec des inflations successives. La Lettre du Cardiologue - n° 331 - mai 2000 I Ces découvertes sont passionnantes, mais leur application est encore en évaluation, avec des questions cruciales sur le développement de tumeurs et sur la prolifération de vaisseaux dans des territoires non souhaités, comme la rétine. New devices Le laser transmyocardique percutané guidé a été expérimenté en France par J. Fajadet et D. Blanchard, dans une étude ouverte, chez 16 patients non revascularisables, symptomatiques malgré une trithérapie. La technique n’a pas entraîné de complication ; on observe un gain de deux classes dans la NYHA, une amélioration à l’effort, mais pas de changement sur les résultats de la scintigraphie. On peut se demander s’il s’agit d’une réelle revascularisation, ou si la multitude de points n’est pas responsable d’une dénervation cardiaque, expliquant l’amélioration du patient. On parle toujours de la brachythérapie. C’est le traitement logique de la resténose dans les longs stents. Elle n’est toujours pas réalisable en France, mais cela ne saurait tarder. Enfin les stents évoluent : leur architecture reste tubulaire, mais l’évolution des profils aboutit à une souplesse de plus en plus grande ; ils peuvent être enduits, recouverts d’un film biologique (héparine ou phosphorylcholine) ou d’une protection chimique, carbone ou polymère. N F O R M A T I O N S Infarctus Mais c’est sur le thème de l’infarctus que cette journée a été marquante. L’angioplastie a en effet, dans des mains expertes, démontré sa supériorité sur la fibrinolyse, dans un certain nombre de situations devenues classiques : contre-indication ou échec de la thrombolyse ; choc cardiogénique ; récidive ischémique après thrombolyse. Dans plusieurs études, le nombre de vies sauvées est significatif : 15-20 vies supplémentaires dans l’APC par rapport à la fibrinolyse pour 1 000 patients traités. Cet acquis est stable dans le temps (sur 70 mois). L’angioplastie devient de ce fait, comme le dit J.P. Monassier, un enjeu de santé publique. Le problème se complique lorsque l’on sait que la mortalité est encore deux fois plus importante dans les petits centres (MITI). Ce qui compte avant tout (GUSTO IIb), c’est la rapidité d’action, la mortalité passant de 1 à 6 % entre 60 et 90 minutes et à 14 % au-delà. Le problème n’est donc pas tant de déterminer la technique à employer, car elles sont toutes deux complémentaires, que de créer sur la totalité du territoire national un système permettant de raccourcir la période diagnostique, le délai de transport, l’arrivée directe dans un centre expérimenté. On rêve d’une thrombolyse préhospitalière assurée au lit du patient, suivie d’une angioplastie primaire ; c’est l’étude PACT. Cette année encore, High Tech a su rester une réunion passionnante ; les techniques atteignent bien sûr leur majorité, en particulier par le nombre, mais elles restent encore en pleine évolution. ■ La Fédération Française de Cardiologie soutient la recherche cardiologique Appel à candidature pour 11 bourses Pour 2001, la Fédération Française de Cardiologie attribue 11 bourses d’une durée d’un an : ✔ 7 bourses d’études à l’étranger d’un montant de 140 000 F chacune, attribuées à des candidats internes DES de cardiologie, anciens assistants chefs de clinique en poste en cardiologie ou anciens assistants chefs de clinique attachés à un service de cardiologie. ✔ 2 bourses destinées à des cardiologues préparant un doctorat en sciences d’un montant de 120 000 F chacune, attribuées à des candidats anciens internes DES de cardiologie, anciens assistants chefs de clinique de cardiologie, titulaires d’un DEA. ✔ 2 bourses “Épidémiologie-Prévention” de 100 000 F chacune, destinées à des candidats internes DES de cardiologie, ou assistants chefs de clinique en poste dans un service de cardiologie. Les dossiers de candidature devront parvenir à la Fédération Française de Cardiologie avant le 1er octobre 2000, en 15 exemplaires. Pour connaître le règlement et les documents à nous fournir, veuillez contacter la Fédération Française de Cardiologie au 01 44 90 83 83 La Lettre du Cardiologue - n° 331 - mai 2000 11