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PR
– TRAITEMENTS
Tolérance des anti-TNF
Anti-TNF safety
● B. Fautrel
P o i n t s
f o r t s
■ L’efficacité des anti-TNF au cours de la PR est associée à
une réduction de la mortalité des patients.
■ Plusieurs études concluent à une absence d’augmentation
majeure du risque de cancers solides ou de lymphomes sous
anti-TNF. Cependant, une méta-analyse reprenant les données
de 7 essais cliniques évoque une possible multiplication par
deux de ce risque (avec les fortes doses d’anti-TNF).
■ In vitro, les anticorps monoclonaux anti-TNF inhibent l’ac-
tivation des lymphocytes T et leur production d’IFNγ, ce qui
n’est pas observé avec l’etanercept.
■ Le risque de légionellose est augmenté sous anti-TNF. Il
convient d’y penser et d’adapter l’antibiothérapie en fonction.
Figure 1. Réduction de la mortalité sous anti-TNF (Michaud, 296).
Ainsi, malgré leurs effets indésirables potentiellement graves à
l’échelon individuel, le bénéfice global que l’on peut espérer des
anti-TNF reste substantiel.
DONNÉES RÉCENTES SUR LE RISQUE
DE NÉOPLASIES SOUS ANTI-TNF
Une étude conduite sur la même base de données nord-américaine n’a identifié aucune augmentation du risque de cancer du sein
ou du poumon sous anti-TNF (Wolfe, 534, 535). En complément,
un autre travail réalisé sur les bases de données médico-administratives de trois États nord-américains, comparant 1 591 PR traitées
par anti-TNF et 11 934 PR sous méthotrexate, n’a pas non plus
montré d’augmentation du risque de cancer ou de lymphome
(Setoguchi, 1919). La conclusion des auteurs était que, si l’on ne
pouvait exclure un excès de risque faible, cette étude éliminait tout
sur-risque majeur.
●
■ Des données complémentaires sont rassurantes quant à
l’utilisation des anti-TNF au cours de la grossesse.
AMÉLIORATION DE L’ESPÉRANCE DE VIE
DES PATIENTS ATTEINTS DE POLYARTHRITE
RHUMATOÏDE SOUS ANTI-TNF
Les premiers résultats de l’étude RATIO ont été présentés.
RATIO est un observatoire national français colligeant toutes les
infections graves et les lymphomes sous anti-TNF à partir de données de 486 services hospitaliers et de l’ensemble des centres
régionaux de pharmacovigilance. Sur une période de 18 mois,
13 lymphomes ont été déclarés, représentant une incidence estimée
entre 30 et 37,5 cas pour 100 000 habitants. Dans ces cas, les antiTNF étaient utilisés en moyenne depuis 27 mois ; ils étaient associés au méthotrexate dans 10 cas. Élément rassurant, il n’existait
qu’un seul cas de lymphome Epstein-Barr virus (EBV)-positif (en
l’occurrence une maladie de Hodgkin) ; cette précision est importante à retenir dans la mesure où l’un des mécanismes évoqués pour
l’augmentation des lymphomes sous immunomodulateur était la
réactivation d’une infection virale, notamment à EBV, conduisant
à une lymphoprolifération monoclonale (Mariette, 864).
●
L’efficacité symptomatique et structurale des anti-TNF n’est plus
à démontrer. En revanche, on ne connaissait pas encore leur
capacité à réduire la surmortalité cardiovasculaire associée à l’inflammation chronique. Durant les derniers congrès de l’ACR, nous
vous avions parlé de la base de données nationale américaine pour
les maladies rhumatologiques (National Data Base for Rheumatic
Diseases), qui collige des informations sur plus de 22 0000 polyarthrites rhumatoïdes (PR) suivies de façon semestrielle aux ÉtatsUnis. Après ajustement sur différents paramètres tels que l’âge, le
sexe, le niveau d’études, le niveau socio-économique, le handicap
et les pathologies associées, une réduction de la mortalité a été
mise en évidence d’environ 16 % sous méthotrexate et de 38 % sous
anti-TNF (de 33 à 40 % selon la molécule et l’association au
méthotrexate) (figure 1) (Michaud, 296).
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La Lettre du Rhumatologue - n° 318 - janvier 2006
PR
Une première alerte
À côté de ces données plutôt rassurantes, une méta-analyse a repris
les données de 7 des essais contrôlés conduits sur les anticorps
monoclonaux anti-TNF (aucun essai avec l’etanercept n’a été inclus)
au cours de la PR (Bongartz, F10). Outre les données publiées,
les auteurs ont contacté la FDA (Food and Drug Administration)
et les firmes pharmaceutiques de manière à disposer de toutes les
informations utiles, même non publiées. Au total, 29 néoplasies,
dont 8 lymphomes, ont pu être recensées chez 3 493 patients
inclus dans les groupes recevant un anti-TNF, et 3 néoplasies (mais
aucun lymphome) chez les 1 514 patients inclus dans les groupes
placebo. Cela permettait d’identifier une augmentation du risque
de néoplasie de 3,29 (IC95 : 1,3-9,1) (figure 2). Cette augmentation
du risque était surtout nette dans les groupes traités à “fortes” doses,
c’est-à-dire 20 mg d’adalimumab hebdomadaire ou infliximab à
des doses supérieures à 5 mg/kg : dans ces cas, l’odds-ratio était
de 7,7 (IC95 : 2,15-34) contre seulement 1,8 (IC95 : 0,4-9,8) (non
significatif) dans les groupes recevant les doses usuelles.
Figure 2. Méta-analyse sur le risque de néoplasie chez les patients traités
par anticorps anti-TNF (Bongartz, F10).
Ces données sont encore très partielles et imprécises, comme en
témoignent les intervalles de confiance assez larges. Cependant,
la force de cette méta-analyse est de comparer des patients qui
étaient tous candidats à un traitement anti-TNF, c’est-à-dire ayant
un niveau d’activité de la PR comparable, ce qui n’est pas le cas
des études observationnelles pharmacoépidémiologiques.
– TRAITEMENTS
Y a-t-il une différence entre PR et spondylarthrite
ankylosante vis-à-vis du risque de cancer sous anti-TNF ?
Jusqu’à présent, les principales données concernant le risque de
néoplasie sous anti-TNF concernaient la PR. On était encore dans
l’attente d’informations concernant la spondylarthrite ankylosante
(SA), autre maladie inflammatoire au cours de laquelle on pourrait
potentiellement observer une augmentation du risque de lymphome. Une étude cas-témoins a été menée à partir de deux registres
suédois. Le premier registre recense les lymphomes, avec plus de
50 000 cas. Le second rassemble des informations sur les hospitalisations. Au total, 23 patients ayant eu un diagnostic de lymphome
ont également été hospitalisés à une autre période avec un diagnostic de SA. Ces sujets ont été comparés à des témoins appariés, sans
lymphome, mais hospitalisés avec un même diagnostic de SA.
Aucune augmentation du risque de lymphome, hodgkinien ou non
hodgkinien, n’a été mise en évidence (Askling, 506).
INFECTIONS SOUS ANTI-TNF
Le risque de tuberculose sous anti-TNF a déjà largement été rapporté. Néanmoins, l’observatoire RATIO a permis de rapporter
16 nouveaux cas déclarés en France sur une période de 18 mois
(Tubach, 851). Cela correspond à une incidence estimée de 53 à
67 cas pour 100 000. Les principales informations à retenir de cette
communication sont la grande fréquence des formes extrapulmonaires (4 cas sur 16) et disséminées (5 cas sur 16). Dans 6 cas, il
existait une notion de vaccination par le BCG, et, dans 4 cas, un
contage parfois ancien. À noter également que 4 des 16 patients
avaient une intradermoréaction (IDR) à 5 unités de tuberculine entre
5 et 10 mm ; de ce fait, on peut estimer que la décision récente de
l’AFSSAPS d’abaisser le seuil de positivité de l’IDR de 10 à 5 mm
pourrait permettre une réduction d’environ 25 à 30 % des cas de
tuberculose grâce au traitement prophylactique.
En parallèle de cette présentation, deux études permettaient de
disposer d’explications pathogéniques complémentaires sur le
risque de tuberculose sous les trois anti-TNF (Mariette, 853). Alors
que les trois agents semblent avoir un effet identique sur la production d’interféron γ par les lymphocytes T mémoire effecteurs,
l’adalimumab et l’infliximab semblent en outre avoir la capacité
d’inhiber la prolifération des lymphocytes T activés. Cela pourrait
rendre compte des fluctuations du risque de tuberculose sous chacun des trois anti-TNF (figure 3).
Figure 3. Action des anti-TNF sur les lymphocytes T mémoire et T activés (Mariette, 853).
La Lettre du Rhumatologue - n° 318 - janvier 2006
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PR
– TRAITEMENTS
Légionellose : une nouvelle complication infectieuse
des anti-TNF ?
Pour la première fois, une augmentation du risque de légionellose
est rapportée par l’observatoire RATIO (Tubach, 863). Dix cas
ont été déclarés sur 18 mois, correspondant à une incidence de
30 à 42 pour 100 000, à rapporter à une incidence nationale de
2 pour 100 000 en France. Tous les anti-TNF étaient concernés
par ce risque. Cinq des 10 patients étaient diabétiques, et 5 étaient
fumeurs. Dans tous les cas, l’évolution a été favorable, nécessitant
cependant une hospitalisation en soins intensifs dans 3 cas.
Anti-TNF chez des sujets infectés par le VIH
Sept cas de patients infectés par le VIH et traités par anti-TNF pour
une PR, une spondylarthropathie ou une arthrite indifférenciée ont
été rapportés (Cepeda, 601). L’infection par le VIH durait depuis en
moyenne 53 mois ; 4 des 7 patients étaient sous traitement antirétroviral alors que 3 n’avaient aucun traitement. Sous anti-TNF (etanercept chez tous les patients, et infliximab chez 2 patients avec réponse
insuffisante à l’etanercept), 5 réponses étaient observées, avec un
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recul de 9,4 mois ; aucune modification du nombre de CD4 ou de la
charge virale n’a été observée. Chez l’un des 2 patients ayant ensuite
reçu de l’infliximab, une augmentation de la charge virale a été notée.
Grossesse sous anti-TNF :
des données rassurantes sur de larges effectifs
Une enquête réalisée aux États-Unis et au Canada auprès de plus
de 3 000 rhumatologues a permis de recenser 463 grossesses
menées après exposition à un anti-TNF, avec, dans 93 % des cas,
une naissance à terme, dans 6 % des cas une fausse couche, et, dans
1 % des cas, un avortement. Aucune malformation n’a été observée durant cette première enquête (Orozco, F12).
Dans un second temps, des informations exhaustives ont été données sur 61 grossesses sous anti-TNF, lequel a été maintenu durant
toute la grossesse dans 18 cas (29 %). Il n’existait pas de différence
significative par rapport à ce qui est observé chez des femmes américaines sans PR ; tout au plus relevait-on une fréquence légèrement
supérieure de fausses couches. Par ailleurs, deux malformations
■
étaient rapportées (non significatif).
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