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DOSSIER ACR 2008
Polyarthrite rhumatoïde
Tolérance et
aspects médico-économiques
Rheumatoid arthritis: safety and medicoeconomic information
Bruno Fautrel*
Anti-TNF et grossesse
En 2007, une communication d’après les données de
la Food and Drug Administration (FDA) en session
plénière à l’ACR avait émis la possibilité d’un
risque malformatif spécifique, appelé “syndrome
de VACTERL”, avec les anti-TNF. Cette année,
différents registres (base de données SCEPTRE des
patients traités par IFX, registre OTIS et registre de
la BSR) apportent des informations complémentaires (Snoeckx, 702 ; King, 1011 ; Johnson, 1387 et
1388). Globalement, ces données ne montrent pas
de signal inquiétant, si ce n’est un taux important de
fausses couches dans le registre de la BSRBR, alors
que près de la moitié des femmes recevaient du MTX
de façon concomitante à l’anti-TNF. En tout état de
cause, aucun syndrome de VACTERL (complet ou
incomplet) n’a été observé, ce qui laisse à penser
que la communication lors de l’ACR 2007 relevait
d’un principe de précaution probablement un peu
excessif, ou tout au moins hâtif.
Anti-TNF et cancers
* Service de rhumatologie, GH PitiéSalpêtrière, Paris.
Plusieurs communications ou posters ont apporté
des éléments complémentaires sur le risque de
cancer sous biothérapie, sans globalement d’éléments spécifiquement inquiétants. On peut, par
exemple, citer les résultats du registre allemand
RABBIT (Strangfeld, 1010) qui ne retrouve qu’un excès
de lymphomes par rapport à la population générale,
ce qui est globalement en accord avec les résultats
rapportés par d’autres registres (et avec les données
générales dans la PR).
Une attention particulière doit être portée à une
étude explorant le risque de cancer (récidive ou
nouveau cas) chez des patients ayant des antécé-
26 | La Lettre du Rhumatologue • N° 348 - janvier 2009
dents néoplasiques anciens (plus de 5 ans avant
l’intro­d uction de l’anti-TNF) [Dixon, 1264]. Les
patients avec antécédents néoplasiques du registre
des biothérapies de la BSR ont été comparés à des
patients ayant également des antécédents de cancers
soignés par traitement de fond conventionnel.
Aucune augmentation du risque n’est observée sous
biothérapie. Au contraire, le risque est moindre que
dans la population témoin, avec un rapport de taux
d’incidence de 0,53 (IC95 : 0,22-1,26). Ces résultats
montrent à tout le moins que la façon prudente
avec laquelle les anti-TNF sont prescrits chez ces
patients porte ses fruits.
Il y a 2 ans, une méta-analyse publiée dans le JAMA
révélait une augmentation du risque de tumeurs
(principalement cancers cutanés hors mélanomes
et lymphomes) chez les patients traités par anticorps anti-TNF (Bongartz, JAMA 2006;296:2205).
On attendait depuis lors une étude similaire sur
l’etanercept (ETN), ce qui est désormais chose
faite (Bongartz, 1664). À partir des données des
essais d’ETN, randomisés versus placebo et d’une
durée de plus de 12 semaines, il a été possible de
trouver 26 cas de néoplasie chez 2 244 patients
(2 484 patients-années [p-a]) traités par ETN et 7 cas
chez 1 072 témoins (1 051 p-a) ayant reçu le placebo.
Selon deux modèles d’analyse (HR dans un modèle
de COX ou OR poolés), le risque de cancer sous ETN
par rapport au placebo n’est pas significativement
augmenté (tableau).
En parallèle, les données définitives de l’observatoire
français RATIO étaient rapportées (Mariette, 1665).
Ce dernier a colligé l’ensemble des cas de lymphomes
observés sous anti-TNF à partir des données de pharmacovigilance, de celles des industriels et des déclarations directes à RATIO. Tous les cas ont été validés
par une relecture centralisée des lames histologiques.
Au total, 31 lymphomes non hodgkiniens (B dans
Points forts
»» Les registres colligeant des grossesses exposées aux anti-TNF (pendant des durées variables) ne confirment
pas le “warning” relatif au risque de syndrome de VACTERL émis par la Food and Drug Administration en 2007.
»» Les données sur le risque de cancer sous biothérapie ne mettent pas en évidence de nouveau signal inquiétant
de l’etanercept.
»» Une méta-analyse ne met pas en évidence d’augmentation significative du risque de néoplasie sous etanercept.
»» Il y a un risque accru de lymphome (hodgkinien et non hodgkinien) dans les PR traitées par anti-TNF (lié à la
maladie ou aux thérapeutiques) par rapport à la population générale. Il existe une possible différence de risque
entre les anticorps et le récepteur soluble.
»» Le risque de cancer et de lymphome pourrait être supérieur dans les 6 premiers mois de traitement par antiTNF, avec un plateau au-delà.
26 cas, T dans 5 cas) et 7 maladies de Hodgkin ont
été répertoriés, le plus souvent chez des patients
souffrant de PR (27 cas sur 38). Le dernier anti-TNF
reçu était l’ETN dans 7 cas, l’adalimumab (ADA) dans
12 cas et l’infliximab (IFX) dans 19 cas. Tous anti-TNF
confondus, le risque de lymphome non hodgkinien
sous anti-TNF par rapport à la population générale
était de 2,1 (IC95 : 1,5-3,0] et le risque de maladie de
Hodgkin de 4,9 (IC95 : 2,3-10,2) [figure 1].
Tableau. Méta-analyse sur le risque de néoplasie sous ETN.
Patients n (p-a)
Cancers (n)
Cutanés hors mélanome
Mélanome
Poumon
Sein
Prostate
Lymphomes
Autres
Risque relatif
HR
OR
ETN
Placebo
2 244 (2 484)
1 072 (1 051)
26
9
1
4
4
1
1 (Hodgkin)
6
7
–
3
1
1
–
–
2
1,84 (0,79-4,28)
1,93 (0,85-4,38)
Figure 1. Augmentation du risque de lymphome
chez les patients traités par anti-TNF par rapport à
la population générale dans l’observatoire RATIO.
Chaque cas de lymphome a été apparié sur l’âge,
le sexe et la maladie sous-jacente à deux témoins
dans le cadre d’une étude cas-témoins. Dans cette
analyse, le fait d’être traité par ADA ou IFX était
associé à un risque significativement plus important
de lymphome, avec un OR de 3,18 (IC95 : 1,22-8,28,
p = 0,02), par rapport à l’ETN. Il existait également
une relation inverse entre la durée d’exposition aux
anti-TNF et le risque de survenue de lymphome. En
revanche, aucun lien n’était objectivé avec l’activité
de la maladie.
Cette étude est la première à rapporter une différence entre les 3 anti-TNF vis-à-vis du risque de
lymphomes. Ces résultats sont donc à confirmer.
La relation inverse entre la durée d’exposition aux
anti-TNF et l’apparition de lymphomes qui est
observée dans RATIO est mise en évidence dans
deux autres travaux.
Dans le registre des biothérapies espagnol (BIOBADASER), colligeant des données sur plus de
4 500 patients traités par biothérapie, l’incidence
moyenne des cancers était de 59,5/­1 0 000 p-a
(Abasolo, 1661). Cette incidence est plus importante dans les 6 premiers mois suivant l’instauration de la biothérapie, avant d’atteindre un plateau
(figure 2). Cette constatation plaide en faveur d’un
mécanisme de révélation de néoplasies existantes,
ce qui expliquerait une partie du risque néoplasique
sous biothérapie. Une revue systématique des cas de
la littérature combinés avec les cas de pharmacovigilance répertoriés en France aboutit à des conclusions
similaires (Kahn, 1666).
Mots-clés
Tolérance
Risque
cardio-vasculaire
Grossesse
Cancer
Lymphome
Keywords
Safety
Cardiovascular risk
Pregnancy
Cancer
Lymphoma
Figure 2. Cinétique de diagnostic des cancers après introduction d’un anti-TNF.
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DOSSIER ACR 2008
Polyarthrite rhumatoïde
Impact économique
des stratégies modernes
Les biothérapies ont un coût élevé, mais une partie
de celui-ci pourrait être compensée par la réduction de la consommation de soins des patients et
de l’absentéisme au travail. D’ores et déjà, plusieurs
études ont montré que les biothérapies permettaient
de réduire les coûts directs (coûts de la prise en
charge médicale) d’environ 30 %. En ce qui concerne
le travail, une réduction du nombre de journées de
travail perdues a déjà été rapportée, principalement à
partir des données d’essais thérapeutiques, lesquelles
ne reflètent pas complètement la “vraie vie”.
Pour la première fois, une étude observationnelle
confirme le bénéfice des stratégies thérapeutiques
modernes sur la productivité au travail des patients
(Huscher, 787). À partir de la base de données nationale allemande, une réduction du pourcentage de
patients ayant eu au moins un arrêt de travail a été
observée : 16 % en 2007 versus 27 % en 2001. En
outre, une réduction du nombre moyen de journées
de travail perdues annuellement – 44 jours en 2007
versus 77 jours en 2001 – était mise en évidence, et
surtout une augmentation du taux d’emploi, passé
de 36 à 45 %, alors que le taux national était stable
(figure 3).
Coûts comparés de différentes
maladies rhumatologiques
La base de données américaine sur les maladies
rhumatologiques (National Databank for Rheumatic
Diseases) a permis de comparer la consommation
médicale de patients souffrant de trois maladies
rhumatologiques : la PR, le lupus érythémateux
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Figure 3. Amélioration de la présence au travail des
patients souffrant de PR en ­Allemagne.
disséminé et la fibromyalgie (Wolfe, 104 et 725).
Dans cette étude, si l’on voit l’impact important
des biothérapies sur les coûts médicaux de la PR,
on note que les patients souffrant de fibromyalgie
sont à l’origine de coûts ambulatoires ou hospitaliers importants, comparables à ceux des deux
rhumatismes inflammatoires. En parallèle, ils ont
des dépenses non remboursées (“out of the pocket”)
supérieures à celles des patients souffrant de rhumatismes inflammatoires. Cette étude confirme le
grand besoin de soins des patients souffrant de
fibromyalgie.
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