Facteurs de risque du retard en matière de diagnostic et de

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Int J Tuberc Lung Dis 12(4):392-396
© The Union 2008
Facteurs de risque du retard en matière de diagnostic et de traitement
de la tuberculose dans un hôpital de référence au Rwanda
N. Lorent,*† P. Mugwaneza,* J. Mugabekazi, † M. Ganasa, ‡ N. S. Van Bastelaere, † J. Clerinx, §
J. Van den Ende§ ¶
* Department of Internal Medicine and † Belgian Technical Cooperation, Kigali University Hospital Kigali, ‡ National Tuberculosis
and Leprosy Control Programme, Ministry of Health, Kigali, Rwanda ; § Department of Clinical Sciences, Institute of Tropical
Medicine, Antwerp, ¶ Tropical Diseases Ward, University Hospital Antwerp, Belgium.
Résumé
CONTEXTE : Centre Hospitalier Universitaire de Kigali, un des principaux centres de référence.
OBJECTIFS : Evaluer le délai du diagnostic et du traitement de la tuberculose (TB), ainsi que ses facteurs de risque.
SCHÉMA : Collecte de données prospectives des patients traités pour une TB pulmonaire (TBP) ou extrapulmonaire (TBEP)
entre juin et septembre 2006.
RÉSULTATS : Nous avons recruté 104 patients. L’âge moyen était 35 ans (17–84 ans). Soixante-deux pour cent étaient positifs
pour le virus de l’immunodéficience humaine. TBEP a été diagnostiquée dans 60 cas. Le délai médian total, le délai du
système de santé et du patient ont été respectivement de 57, 28 et 25 jours. Le délai du système de santé avant transfert était
significativement plus long que le délai au niveau de notre institution (18 vs. 6 jours ; P = 0,0001). Les facteurs de risque pour le
délai du système de santé dans notre institution sont la TBP à microscopie négative ou la TBEP (OR 5,12) et une antibiothérapie
d’essai (OR 2,96). Cette dernière est également associée à un délai total plus long (OR 2,85). Il en est de même pour la résidence
rurale (OR 4,86). Il n’y a pas d’association entre le délai-patient et l’âge, le sexe, la profession ou l’assurance-santé.
CONCLUSION : La TBP à microscopie négative et la TBEP ont été associées à un délai plus long du système de santé. Une
antibiothérapie d’essai, elle aussi, a prolongé le délai du système de santé. Son utilisation, recommandée par l’Organisation
Mondiale de la Santé dans les cas de TB à microscopie négative et dans les TBEP dans les pays en voie de développement,
demande une validation au niveau des soins de santé tertiaires.
MOTS CLE : tuberculose ; antibiothérapie d’essai ; retard de diagnostic ; niveau de référence ; Rwanda.
Les retards du traitement de la tuberculose (TB)
peuvent entraîner un accroissement du risque de morbidité et de mortalité ainsi que de la transmission de la
maladie dans la collectivité. La rapidité du diagnostic et
l’efficience du traitement sont les deux facteurs-clé d’une
lutte efficiente contre la TB. Des retards du diagnostic et
du traitement ont été décrits aussi bien dans les pays à
basse prévalence que dans ceux à haute prévalence avec
des variations considérables de temps s’étalant de 8,1 semaines à New-York 1 à 12 semaines au Botswana2 et à
16 semaines au Ghana3. La plupart de ces études concernent uniquement la TB pulmonaire (TP) à bacilloscopie
positive. Nous n’avons trouvé que deux publications,
toutes deux en provenance de pays à haute prévalence
qui comportaient également des cas de TB à bacilloscopie négative et des cas de tuberculose extrapulmonaire
(TEP).1,4
En Afrique subsaharienne, l’incidence de la TB à bacilloscopie négative et de la TEP s’accroît régulièrement,
particulièrement à cause de la dispersion de la pandémie
du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).5 Le
manque d’outils de diagnostic rapides, simples et précis pour la TB à bacilloscopie négative et la TEP peut
constituer un facteur-clé pour le retard du diagnostic et
du traitement.5
Cette étude a été conçue pour étudier les facteurs de
risque pour les retards du diagnostic et du traitement de
tous les cas de TB, y compris les cas de TB à bacillos-
copie négative et les cas de TB extrapulmonaire dans le
principal hôpital de référence du Rwanda, un petit pays
d’Afrique de l’Est où en 2005, l’incidence de la TB était
de 89 pour 100 000 habitants6 et la prévalence du VIH
de 3%.7
PATIENTS ET MÉTHODES
Le protocole a reçu l’approbation écrite du Comité des
Recherches de l’Hôpital Universitaire de Kigali (Centre
Hospitalier Universitaire de Kigali, CHUK) et de la Faculté de Médecine de l’Université Nationale du Rwanda.
Contexte de l’étude
Notre étude a été menée au CHUK, un des trois hôpitaux
tertiaires du Rwanda. Situé au centre de la capitale. Le
CHUK est le principal hôpital de référence du Rwanda ;
il accueille aussi bien les patients des divers centres de
santé du district que des patients venant de l’ensemble du
pays. Au moment de notre étude le CHUK, bien qu’hôpital tertiaire, assurait également les soins de santé secondaires, ce niveau de soins n’étant pas disponible dans le
district.
Schéma de l’étude et sujets
Après obtention d’un consentement verbal, une enquête
par questionnaire a été conduite entre le 1er juillet et
le 1er septembre 2006 dans le département de Médecine
Auteur pour correspondance : Natalie Lorent, Department of Internal Medicine–Pulmonology, Centre Hospitalier Universitaire
de Kigali, P O Box 6089, Kigali, Rwanda. Tél. : (+250) 0858 9014. Fax : (+250) 57 6638. e-mail : [email protected]
[Traduction de l’article : « Risk factors for delay in the diagnosis and treatment of tuberculosis at a referral hospital in Rwanda »
Int J Tuberc Lung Dis 2008; 12(4): 392–396]
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Interne du CHUK, grâce à l’interview de patients atteints
de TP ou de TEP nouvellement diagnostiqués. Les critères
d’inclusion ont été un âge supérieur à 15 ans, un diagnostic de TB et/ou la mise en route d’un traitement antituberculeux au CHUK. Les patients qui n’ont pas été capables de donner des renseignements concernant leur retard
ont été exclus. Les patients éligibles ont été interviewés
dans le langage vernaculaire par le même agent médical
peu de temps après le diagnostic (jusqu’à 2 semaines).
On a étudié consécutivement un total de 82 patients
hospitalisés et de 22 patients ambulants. Le questionnaire
a comporté des caractéristiques socio-économiques, le
statut de l’assurance-santé, des renseignements cliniques
au sujet de la maladie actuelle et des recours au service
de santé pour symptômes suspects de TB. On a également revu les dossiers des cas et les lettres de référence
afin de confirmer les détails signalés par les patients.
Définitions
En se basant sur des études antérieures,1 le retard-patient a été défini comme la durée entre l’apparition des
premiers symptômes et le premier contact avec un pourvoyeur de soins. Le retard-système soins de santé a été
défini comme la durée entre le premier contact avec un
pourvoyeur de soins et le moment du diagnostic. Nous
avons fait la distinction entre le retard-système soins
de santé au centre de référence (durée entre le premier
contact avec un pourvoyeur de soins de santé et l’arrivée au CHUK) et le retard-système soins de santé au
CHUK (durée entre la première visite à notre institution
et le moment du diagnostic). Le retard-traitement a été
défini comme la durée séparant le diagnostic de la mise
en route du traitement. Le retard total est la somme des
différents retards mentionnés, c’est-à-dire la durée séparant les premiers symptômes signalés par le patient et la
mise en route du traitement antituberculeux.
La TB a été diagnostiquée en suivant les recommandations reprises dans les directives nationales concernant
la TB.6 Comme la culture des mycobactéries n’est pas
réalisée en routine au Rwanda, la majorité des diagnostics de TP à bacilloscopie négative et de TEP ont été basés sur des critères cliniques et radiologiques.
Les habitants urbains sont ceux qui vivent à Kigali et
dans les environs très proches (≤ 20 km), et les habitants
ruraux sont ceux qui vivent à plus de 20 km de Kigali.
Analyse des données
On a comparé le retard-système soins de santé dichotomisé et le retard total pour différents sous-groupes en utilisant les odds ratios (ORs) et les intervalles de confiance
à 95% (IC). Pour l’identification des facteurs associés de
façon indépendante au patient, au système soins de santé
et au retard total, on a réalisé une analyse de régression
logistique multivariée où la durée du retard a été dichotomisée en fonction des médianes. Quand c’était indiqué,
on a utilisé un test non-paramètrique (χ2) lorsqu’il n’y
avait pas de présomption de normalité. On a considéré
comme statistiquement significatif un P < 0,05.
RÉSULTATS
Au total, 104 patients ont répondu correctement au questionnaire. Neuf autres patients ont été exclus : six ont
été incapables de donner des informations concernant la
durée du retard avant leur transfert et trois sont décédés
avant la date de l’interview. Parmi les 104 patients inclus,
il y avait 57% d’hommes, âgés en moyenne de 35 ans
(extrêmes 17-84) ; la majorité (87%) vivait dans la ville
de Kigali ; 55% d’entre eux avaient un emploi et un revenu régulier et 65% bénéficiaient d’une assurance-santé.
Plus de trois quarts des patients avaient été référés : 64%
par des centres de santé publiques, 13% par des hôpitaux
de district, 7% par des centres privés et 4% par une prison. L’hospitalisation s’est avérée indispensable pour la
plupart des patients (79%).
Au moment de l’étude, l’accompagnement et le test
volontaires pour le VIH chez les patients TB faisaient
partie de la stratégie nationale et 95% des patients ont
bénéficié de ce service ; 62% d’entre eux ont été trouvés
séropositifs pour le VIH (Tableau 1).
A l’admission, la toux et la fièvre ont été les symptômes subjectifs et objectifs les plus fréquents (respectivement 87% et 86%), suivis par l’amaigrissement (61%),
les sueurs nocturnes (54%), les douleurs thoraciques
(39%) et l’hémoptysie (11%). Les symptômes éprouvés
aux stades les plus précoces de la maladie avaient été les
mêmes, mais tous sont devenus plus fréquents au moment de l’hospitalisation.
Sur les 104 patients, 44 étaient atteints d’une TP et
chez 16 d’entre eux, la bacilloscopie des crachats était négative. Parmi les 60 cas de TEP, la TB pleurale (n = 19),
la TB miliaire (n = 11) et la TB disséminée (n = 11) ont
constitué les diagnostics les plus fréquents. A leur admission au CHUK, un traitement empirique aux antibiotiques
a été administré à 72 des 104 patients pendant une durée moyenne de 7 jours. Quarante-neuf de ces 72 patients
(68%) étaient des cas de TP à bacilloscopie négative ou
des cas de TEP.
Le retard total médian a été de 57 jours (extrêmes
8-240 jours) et a concerné de manière égale le patient et
le système de soins de santé (Tableau 2). Le retard total a
été inférieur à 2 mois chez 56% des patients et inférieur
à 1 mois chez 18%.
Le retard-patient médian a été de 25 jours (moyenne 31, extrêmes 0-216). Un agent de santé a été consulté
Tableau 1 Caractéristiques des patients
Caractéristiques
Age, années, moyenne
Sexe
Masculin
Féminin
Résidence
Urbaine
Rurale
Profession
Salarié
Non salarié
Assurance-santé
Affilié
Non-affilié
Statut VIH
Positif
Négatif
Inconnu
Statut de l’admission à l’hôpital
Patient interne
Patient ambulant
VIH = virus de l’immunodéficience humaine.
Patients
n (%)
35
45 (43)
59 (57)
91 (88)
13 (12)
47 (45)
57 (55)
68 (65)
36 (35)
65 (62)
34 (33)
5 (5)
82 (79)
22 (21)
Retards de diagnostic de la TB au Rwanda
Tableau 2 Répartition des retards
Retard-patient
Retard-service de santé
Au niveau primaire
et/ou secondaire
A l’hôpital de référence (CHUK)
Retard-traitement
Retard total
Retard médian
Jours
Extrêmes
25
0-216
28
1-194
18
0-191
6
1
57
0-45
0-6
8-240
CHUK = Centre hospitalier Universitaire de Kigali.
par 59% des patients au cours du mois qui a suivi le début
des symptômes. On a noté un retard-patient médian plus
long chez les patients ruraux par comparaison avec les
habitants urbains (31 vs. 24 jours) et chez les patients séropositifs pour le VIH par comparaison avec les patients
séronégatifs (30 vs. 22 jours), sans atteindre toutefois une
signification statistique. L’âge, le sexe, la profession et
l’assurance-santé n’ont pas influencé le retard-patient.
Le retard-système soins de santé global médian a été
de 28 jours (moyenne 39, extrêmes 1-194), surtout en
raison de retards du centre référant. Le retard-système
soins de santé médian avant de référer a été de 18 jours
(extrêmes 0-191) par comparaison avec 6 jours (extrêmes 0-45) à l’hôpital de référence (Tableau 2). On n’a
pas trouvé de différences significatives de retard entre les
centres référents privés et publics.
Les facteurs de risque pour un retard-système de
soins de santé plus important au CHUK ont été la TP à
bacilloscopie négative ou la TEP (OR ajusté 5,12, P =
0,002) et le traitement antibiotique d’essai (OR ajusté
2,95, P = 0,022) (Tableau 3). Par une analyse non-ajustée, on a également trouvé que ce dernier prolongeait de
façon significative le délai total (OR non-ajusté 2,85, P =
0,020) tout comme une résidence rurale (OR non-ajusté
4,86, P = 0,014). Nous n’avons pas pu réaliser une analyse ajustée pour le délai total vu le petit nombre de résidents ruraux.
Le retard-traitement médian a été 1 jour (extrêmes 0-6).
Le traitement a été mis en route dans les 24 h du diagnostic chez 90% des patients.
DISCUSSION
Cette étude met en lumière le retard observé dans le principal hôpital de référence du Rwanda entre d’une part le
début des symptômes et d’autre part le diagnostic et le
traitement de la TP ou de la TEP.
Le retard du diagnostic de la TB, particulièrement
la TB à bacilloscopie positive a été signalé par de nombreux auteurs.2,3,8-11 Toutefois, nous n’avons trouvé que
deux travaux évaluant les retards du diagnostic de la TB
en incluant les formes à bacilloscopie négative et les formes extrapulmonaires de la maladie ; tous les deux proviennent de pays industrialisés.1,4
Le TEP a été plus fréquente dans notre étude (58%)
que dans les études antérieures de Farah et al. (31%)4 et
de Sherman et al (34%).1 Le taux de co-infection VIHTB (62%) et la sélection de cas gravement atteints et de
cas atypiques inhérente à un hôpital de référence peut expliquer partiellement ce résultat.5,12
Le retard total médian de 57 jours (8 semaines) peut
se comparer favorablement au retard total de 12 semaines ou davantage signalé dans quelques études en provenance de pays à ressources limitées comme l’Ouganda,9
la Tanzanie,13 le Botswana,2 le Ghana,3 la Malaisie,14 et
le Vietnam.15 Toutefois, des retards totaux importants
ont été signalés également dans des pays industrialisés
comme la Grande-Bretagne (78 jours)16 et les Etats-Unis
(89 jours).17
Il n’existe pas de retard universellement accepté entre le début des symptômes et le diagnostic de la TB.
Certains auteurs suggèrent 1 mois,18 alors que d’autres
acceptent 2 mois.19 Dans notre étude, 56% des patients
ont été mis sous traitement dans les deux mois et 18%
seulement dans le mois.
La résidence rurale est un facteur de risque courant
pour l’allongement des retards totaux8 aussi bien que
ceux du système des soins de santé2 ou du patient.3,13,20
Dans notre étude, les résidents ruraux ont enregistré des
retards totaux plus longs, toutefois sans atteindre une signification statistique. Le petit nombre de résidents ruraux dans la population étudiée peut constituer une des
raisons de cette observation.
Nous n’avons trouvé aucune association de facteurs
sociaux tels que l’âge, le sexe, la profession, le statut
d’assurance-santé et la résidence avec les retards-patient. Dans quelques séries, les personnes plus âgées ont
tendance à attendre plus longtemps avant de consulter
un professionnel de la santé.20,21 En Norvège, c’est le
contraire, ce sont les groupes d’âge plus jeunes qui tardent à consulter.4 Dans certaines études, le sexe fémi-
Tableau 3 Caractéristiques des patients comme facteurs de risque de retard à l’hôpital de référence, montrant les OR non-ajustés et
ajustés (n = 104)
Age > 35, années
Sexe masculin
Résidence rurale
Pas de salaire
Assurance-santé
Sérologie VIH négative
Patient ambulant
Essai d’antibiotiques
TEP/TPNeg,
n
Retard > 6 jours
n (%)
53
59
13
57
68
34
22
72
76
23 (49)
29 (50)
8 (62)
28 (49)
36 (54)
17 (50)
13 (59)
39 (54)
43 (57)
OR non-ajusté
(IC 95%)
Valeur
de P
OR Ajusté
(IC 95%)
Valeur
de P
1,03 (0,47-2,24)
1,14 (0,52-2,50)
1,82 (0,55-6,09)
0,95 (0,43-2,07)
1,82 (0,79-4,21)
0,94 (0,41-2,17)
0,58 (0,22-1,53)
2,15 (0,88-5,21)
4,03 (1,46-11,16)
>0,1
>0,1
>0,1
>0,1
>0,1
>0,1
>0,1
0,083
0,004
2,96 (1,16-7,52)
5,12 (1,85-14,14)
0,022
0,002
OR = odds ratio ; IC = intervalle de confiance ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; TEP = tuberculose extra-pulmonaire ;
TPNeg = tuberculose pulmonaire à bacilloscopie négative.
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
nin a été signalé comme facteur prédisposant,22 et dans
d’autres, c’est le sexe masculin.23 En Ouganda, les paysans qui vivent de leur propre production ont connu des
retards plus importants.9 En Thaïlande, le fait de ne pas
avoir d’assurance-santé a été associé à un retard-patient
plus important.24
Le retard-système soins de santé de 28 jours est comparable à celui rapporté dans l’étude norvégienne,4 et est
beaucoup plus important que le retard de 15 jours signalé
dans l’étude des USA ; 1 ces deux études ont évalué une
population similaire.
Si l’on divise le retard-système soins de santé en celui
qui précède le transfert à l’hôpital de référence et celui
de l’hôpital de référence, ce dernier est significativement
moins important dans cette étude. Un diagnostic final a
été porté chez 81% des patients au cours des 2 semaines
de la première consultation/admission. A la fois, l’évolution des symptômes de la maladie à un stade plus avancé
et la disponibilité d’outils de diagnostic et de compétences médicales peuvent avoir contribué à une diminution
du retard à l’hôpital.
Comme dans des rapports publiés précédemment, la
TB à bacilloscopie négative et la TEP ont été associées
à un allongement du retard-système soins de santé.1,4
Ce retard a été le plus souvent attribué à une symptomatologie inhabituelle et aux difficultés du diagnostic.
Toutefois, on peut penser qu’un seuil déraisonnablement
élevé pour la mise en route du traitement antibiotique,
particulièrement dans les formes à bacilloscopie négative
est la cause du retard dans la prise en charge des patients
atteints de TB.25,26 Les cliniciens préfèrent avoir la preuve
du diagnostic avant de mettre leur patient sous traitement.
Plus de deux tiers des patients (72/104) ont reçu un
traitement d’essai aux antibiotiques pendant une semaine dans notre hôpital. Chez les patients qui ont reçu ce
traitement d’essai, le retard-système soins de santé et les
retards totaux sont significativement plus longs. Cette
stratégie est recommandée par l’OMS pour améliorer le
diagnostic des TB à bacilloscopie négative et des TEP
dans les contextes à ressources limitées. Les dernières
directives de l’OMS insistent sur le fait que dans la population séropositive pour le VIH, le but de cette administration d’antibiotiques est de traiter une co-infection
bactérienne potentielle et non pas d’exclure une TB. Dès
lors, il ne devrait pas y avoir de retard supplémentaire du
traitement de la TB lorsque la suspicion est forte.27 Bien
qu’utile au niveau des soins de santé primaires, l’emploi
de cette politique aux niveaux secondaires et tertiaires
peut se discuter.28
Cette étude comporte différentes limitations. Première­ment, les patients ont été recrutés à partir d’un seul
hôpital de référence au Rwanda et dès lors, les résultats
ne peuvent pas s’appliquer à d’autres contextes. Deuxièmement, les informations au sujet des faits principaux
en matière de comportement de recherche de santé et de
diagnostic sont principalement auto-rapportées, ce qui
implique certains biais de mémoire. Les données concernant l’usage d’antibiotiques avant le transfert sont souvent imprécises et empêchent une validation détaillée
de cette stratégie. Troisièmement, le diagnostic de TB à
bacilloscopie négative et de TEP reste pour une grande
partie présomptif. Nous sommes incapables de le confirmer par la culture et la politique récente nationale de dé-
centralisation des soins de santé met un obstacle au suivi
clinique de nos patients.
Nous pouvons conclure que le retard du diagnostic
et du traitement de la TB chez les patients qui se présentent au principal hôpital de référence du Rwanda est
relativement long et qu’il a été influencé de façon égale
par le retard du patient et le retard du système des soins
de santé. La diminution de ces retards peut exiger une
approche complète focalisée sur un accroissement de la
prise de conscience de la TB parmi les patients, une amélioration de l’accès aux soins de santé, la formation des
travailleurs des soins de santé primaires à une reconnaissance précoce des formes moins courantes de la TB et de
ses complications et enfin la simplification du processus
de transfert. Le Programme National de la Tuberculose
du Ministère de la Santé a récemment lancé une campagne nationale de formation destinée à améliorer les
connaissances du staff de santé primaire en matière de
clinique et de diagnostic.
L’utilisation appropriée d’antibiotiques pour le diagnostic et le traitement de la TB respectant les dernières recommandations de l’OMS devrait faire partie des
directives du Programme National de la Tuberculose,
renforçant de ce fait leur emploi au niveau des soins de
santé primaires. L’utilisation d’un traitement d’essai aux
antibiotiques dans la prise en charge de la TB au niveau
tertiaire nécessite une validation.
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