INT J TUBERC LUNG DIS 15(1):4–5 © 2011 The Union PROBLÈMES NON RÉSOLUS Traitement de la tuberculose à germes multi-résistants : définition du résultat final « échec » C-Y. Chiang, A. Van Deun, A. Trébucq, E. Heldal, J. A. Caminero, N. Aït-Khaled Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires, Paris, France DANS LES DIRECTIVES de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour la prise en charge de la tuberculose à germes résistants aux médicaments (TB-MDR, définie comme une résistance à l’égard d’au moins isoniazide et rifampicine),1,2 la définition de l’échec du traitement de la TB-MDR est la suivante : « On considérera que le traitement a échoué lorsque deux ou plus des cinq cultures enregistrées au cours des 12 derniers mois du traitement sont positives ou lorsque n’importe laquelle des trois dernières cultures est positive. On considérera également le traitement comme un échec si l’on a pris une décision clinique de terminer le traitement précocement à la suite d’une mauvaise réponse ou d’effets secondaires indésirables ». Chiang et coll. ont insisté sur le fait que la définition d’échec ne peut pas être utilisée de manière prospective pour orienter la prise en charge clinique de la TB-MDR car elle n’indique pas à quel mois de traitement l’échec doit être déclaré lorsque les crachats du patient restent positifs.3 De plus, elle ne tient pas compte d’une modification d’un régime inefficace et permet des interprétations diverses. Chiang et coll. ont plaidé en faveur du principe de l’analyse des cohortes et proposé que lorsqu’une modification intervient dans le régime de traitement de la TB-MDR à la suite de l’absence de négativation des crachats, le patient doit être classé comme échec et réenregistré comme « TB-MDR traité antérieurement au moyen de médicaments de deuxième ligne ».3 Un autre problème concernant la définition ci-dessus réside dans le fait qu’elle se base entièrement sur les cultures sans prendre en compte à la fois l’évolution clinique et la négativation du frottis et qu’elle ignore l’existence de cultures positives isolées,4 qui se sont fréquemment avérées des faux positifs en raison d’erreurs d’identification ou de laboratoire. Un groupe de travail de consultants a été créé à l’Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (L’Union) pour s’intéresser à la définition de l’échec au cours du traitement de la TB-MDR. Après neuf tours de révision, ce groupe de travail propose ce qui suit : Il faut déclarer qu’un traitement de la TB-MDR est un échec lorsqu’un changement de régime s’impose (défini comme le remplacement de deux médicaments ou davantage) ou lorsque l’interruption du traitement est décidée en raison de : 1 manque de réponse bactériologique accompagné par un manque d’amélioration clinique après 6 mois de traitement pour les patients qui n’ont pas été traités antérieurement par les médicaments de deuxième ligne et après 12 mois pour les patients traités antérieurement par les médicaments de deuxième ligne ou les patients atteints d’une tuberculose à germes ultra-résistants (TB-XDR) ; 2 retour à la positivité de l’examen bactériologique, avec détérioration clinique concomitante faisant suite à une réponse initiale, survenant après au moins 6 mois de traitement pour les patients qui n’ont pas été traités antérieurement par les médicaments de deuxième ligne et après 12 mois pour les patients traités antérieurement par les médicaments de deuxième ligne ; 3 effets indésirables des médicaments. Nota bene : 1 On définit comme absence de réponse bactériologique l’absence de négativation à la culture au mois 6, ou au plus tard au mois 12 et/ou l’absence de diminution du degré de positivité du frottis. 2 On décrit comme retour à la positivité de l’examen bactériologique l’apparition de deux frottis consécutifs positifs ou de deux cultures consécutives positives après une négativation initiale. On considère comme preuve insuffisante pour déclarer l’échec un frottis positif ou une culture positive isolés sans détérioration clinique après une réponse bactériologique initiale. 3 On ne classera pas comme échec du traitement le remplacement d’un seul médicament par suite d’effets indésirables. Lorsque le résultat d’un traitement est classé comme échec et lorsque l’on met en route un régime Auteur pour correspondance : Chiang Chen-Yuan, No. 26-2, Lane 46, Kuang-Fu South Rd, Taipei, Taiwan 105. Tel : (+866) 2 2577 1501. Fax : (+866) 2 2557 5584. e-mail : [email protected] [Traduction de l’article : « Treatment of multidrug-resistant tuberculosis: definition of the outcome ‘failure’ » Int J Tuberc Lung Dis 2011; 15(1): 4–5] 2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease de traitement différent, ce patient doit être réenregistré comme MDR sous un nouveau numéro d’enregistrement et dans une nouvelle catégorie de patients. Comme les critères ci-dessus ainsi que le moment de déclaration de l’échec reposent sur une opinion d’expert, cette définition est nécessairement arbitraire. Des recherches complémentaires sont nécessaires pour la valider. En l’absence d’évidences suffisantes, il est impossible de proposer à ce stade des critères purement quantitatifs et c’est la raison pour laquelle des prises de position qualitatives sont inclues dans la définition de façon à susciter différentes recherches. Les critères utilisés pour la définition d’échec devront être modifiés dès que des éléments ultérieures seront disponibles. Le moment de déclaration de l’échec doit viser à un équilibre entre ne pas abandonner prématurément un régime (vu que le nombre de médicaments disponibles pour le traitement de la TB-MDR est limité) et ne pas prolonger l’administration d’un régime inefficient (puisque celui-ci peut entrainer une amplification ultérieure de la résistance aux médicaments) ; le moment de déclaration de l’échec devrait être différent pour les nouveaux patients MDR qui n’ont jamais été traités antérieurement par des médicaments de deuxième ligne et pour les patients qui ont déjà été traités antérieurement par les médicaments de deuxième ligne ou les patients atteints de XDR et ceci pour diverses raisons. On a signalé que chez la majorité des patients MDR qui arrivent à la guérison, la négativation des crachats survient au cours des 6 premiers mois de traitement.5,6 Une déclaration précoce d’échec pour les nouveaux cas de MDR qui n’ont jamais été traités antérieurement par des médicaments de deuxième ligne peut éviter l’amplification de la résistance aux médicaments et protéger les médicaments nécessaires au retraitement ultérieur. Chez les patients MDR traités antérieurement par les médicaments de deuxième ligne et chez les patients atteints de TB-XDR, le résultat est généralement moins favorable et la durée nécessaire à la négativation est plus longue.7–11 Ce traitement est également probablement la dernière chance de guérison pour les patients MDR traités antérieurement par des médicaments de deuxième ligne. L’inclusion des résultats de l’examen microscopique direct évitera que les échecs restent inaperçus, car en pratique, beaucoup de programmes sont incapables de garantir un suivi régulier au moyen de cultures de bonne qualité. De plus, les frottis négatifs sont classiques en présence de cultures isolées faussement positives. La définition proposée évite donc la nécessité d’un recours aux empreintes digitales qui est coûteux, difficile et qui, en outre, retarde sérieusement la déclaration des vrais échecs. Les effets indésirables sont fréquents au cours du traitement de la TB-MDR ; ils entrainent l’arrêt des médicaments responsables dans le régime de traitement.12 Le retrait des médicaments qui provoquent des effets indésirables majeurs ou qui comportent un risque vital est justifié. Toutefois, il ne faudrait pas retirer trop rapidement les médicaments qui provoquent des effets indésirables mineurs ; leur tolérance peut être améliorée en rassurant le patient et en utilisant des traitements symptomatiques. Il est proposé que le remplacement d’un seul médicament par suite d’effets indésirables ne soit pas classé comme échec du traitement. Toutefois, le remplacement de deux médicaments ou davantage en cas de déficience du régime devrait être classé comme échec. Pour que la définition d’échec que nous proposons ici obtienne un consensus international, des discussions ultérieures peuvent s’imposer au niveau mondial comme par exemple dans le Groupe de Travail TB-MDR du Partenariat Stop TB. Références 1 World Health Organization. Guidelines for the programmatic management of drug-resistant tuberculosis. Emergency update 2008. WHO/HTM/TB/2008.402. Geneva, Switzerland: WHO, 2008. 2 Laserson K F, Thorpe L E, Leimane V, et al. Speaking the same language: treatment outcome definitions for multidrug-resistant tuberculosis. Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9: 640–645. 3 Chiang C-Y, Caminero J, Enarson D A. Reporting on multidrugresistant tuberculosis: a proposed definition for the treatment outcome ‘failed’. Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13: 548–550. 4 Aber V R, Allen B W, Mitchison D A, Ayuma P, Edwards E A, Keyes A B. Quality control in tuberculosis bacteriology. 1. Laboratory studies on isolated positive cultures and the efficiency of direct smear examination. Tubercle 1980; 61: 123–133. 5 Chiang C-Y, Enarson D A, Yu M-C, et al. Outcome of pulmonary multidrug-resistant tuberculosis: a 6-year follow-up study. Eur Respir J 2006; 28: 980–985. 6 Van Deun A, Aung K J M, Salim M A H, et al. Short, highly effective and inexpensive standardized treatment of multidrugresistant tuberculosis. Am J Respir Crit Care Med 2010; 182: 684–692. 7 Leimane V, Riekstina V, Holtz T H, et al. Clinical outcome of individualised treatment of multidrug-resistant tuberculosis in Latvia: a retrospective cohort study. Lancet 2005; 365: 318–326. 8 Holtz T H, Sternberg M, Kammerer S, et al. Time to sputum culture conversion in multidrug-resistant tuberculosis: predictors and relationship to treatment outcome. Ann Intern Med 2006; 144: 650–659. 9 Migliori G B, Besozzi G, Girardi E, et al. Clinical and operational value of the extensively drug-resistant tuberculosis definition. Eur Respir J 2007; 30: 623–626. 10 Sotgiu G, Ferrara G, Matteelli A, et al. Epidemiology and clinical management of XDR-TB: a systematic review by TBNET. Eur Respir J 2009; 33: 871–881. 11 Jacobson K R, Tierney D B, Jeon C Y, Mitnick C D, Murray M B. Treatment outcomes among patients with extensively drug-resistant tuberculosis: systematic review and meta-analysis. Clin Infect Dis 2010; 51: 6–14. 12 Nathanson E, Gupta R, Huamani P, et al. Adverse events in the treatment of multidrug-resistant tuberculosis: results from the DOTS-Plus initiative. Int J Tuberc Lung Dis 2004; 8: 1382–1384.