INT J TUBERC LUNG DIS 13(6):672–690 © 2009 The Union ETAT DE LA QUESTION SERIE ETAT DE LA QUESTION Tuberculose Edité par I. D. Rusen NUMERO 8 DE LA SERIE Que reste-t-il de vrai du modèle de Styblo 20 ans plus tard ? T. Arnadottir Reykjavik, Iceland RÉSUMÉ Le modèle de Styblo est le résultat de collaborations internationales visant à l’expansion des programmes nationaux de tuberculose (TB) dans les pays partenaires. Ce modèle est à la base de la stratégie DOTS lancée dans les années 1990 et est devenue une stratégie mondiale. Cet article s’adresse à l’impact et à la signification de cet ensemble de travail. Les principes de base soutenant le modèle sont toujours valables. Il existe une tendance à vouloir inclure l’ensemble des étapes lorsque l’on élabore des stratégies mondiales. Par voie de conséquence, la complexité s’accroît. Alors qu’il est relativement facile de standardiser le diagnostic et la surveillance, il n’en est pas de même pour les soins et le traitement des patients où, comme les expériences récentes des programmes TB le montrent, des recommandations universelles peuvent être mises en question. Il peut ne pas être sage de mettre en avant des stratégies mondiales lorsque le terrain est aussi varié qu’il ne l’est dans différentes parties du monde. Depuis la conception de ce modèle, la pandémie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est devenue de plus en plus forte en Afrique. Par voie de conséquence, les efforts de lutte contre la TB sur ce continent ont été gravement minés. La valeur du modèle dans ce contexte est remise en question. Alors que l’infection VIH a contribué à des mini-épidémies de TB résistantes aux médicaments, en même temps elle a facilité le contrôle de mini-épidémies de TB à germes multirésistants (MDR) ou ultrarésistants (XDR). Lorsque la multirésistance a atteint des proportions critiques en l’absence de VIH, elle s’est avérée difficile à contrôler. L’évolution technologique n’a pas répondu à la nécessité de nouveaux outils. Alors que beaucoup d’analystes de la stratégie sont d’accord sur la nécessité d’une révision de cette stratégie, des ouvertures convaincantes doivent encore se manifester. M O T S - C L E S : tuberculose ; maîtrise ; politique ; stratégie ; DOTS EN 1959, L’Union Internationale Contre la Tuberculose (L’Union)—par le canal de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)—a déposé une résolution à l’Assemblée Mondiale de la Santé (WHA) mettant en tête des priorités l’élimination de la tuberculose (TB) au niveau mondial. On peut argumenter que ce fut le Les articles précédents de cette série Éditorial: Rusen I D. Tuberculosis State of the Art series. Int J Tuberc Lung Dis 2008; 12(11): 1223. No. 1: Davies P D O, Pai M. The diagnosis and misdiagnosis of tuberculosis. Int J Tuberc Lung Dis 2008; 12(11): 1226–1234. No. 2: Landry J, Menzies D. Preventive chemotherapy. Where has it got us? Where to go next? Int J Tuberc Lung Dis 2008; 12(12): 1352–1364. No. 3: Harries A D, Zachariah R, Lawn S D. Providing HIV care for co-infected tuberculosis patients: a perspective from sub-Saharan Africa. Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13(1): 6–16. No. 4: Crampin A C, Glynn J R, Fine P E M. What has Karonga taught us? Tuberculosis studied over three decades. Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13(2): 153–164. No. 5: Korenromp E L, Bierrenbach A L, Williams B G, Dye C. The measurement and estimation of tuberculosis mortality. Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13(3): 283–303. No. 6: Frieden T R. Lessons from tuberculosis control for public health. Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13(4): 421–428. No. 7: Chaisson R E, Harrington M. How research can help control tuberculosis. Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13(5): 558–568. commencement de la lutte antituberculeuse dans les pays en développement.1 Vingt ans après, en 1979, un article du New England Journal of Medicine a suggéré qu’en raison du fait que la TB et la lèpre exigeaient des traitements pendant plusieurs années et des périodes de suivi encore plus longues pour garantir la guérison, on pourrait mieux faire face à la TB par un investissement dans une recherche visant à trouver des moyens moins coûteux et plus efficients de prévention et de traitement plutôt que d’exécuter immédiatement sur une large échelle des programmes de traitement.2 On a recommandé des soins de santé primaires sélectifs dans les zones où les ressources étaient limitées. Le traitement de la TB n’y a pas été inclus. A la fin des années 1970, L’Union a commencé des activités de collaboration avec les gouvernements de plusieurs pays en développement. L’initiative a commencé en Tanzanie, à la suite d’une réunion de la Région Afrique de L’Union en 1976, où les participants ont souligné le fait que l’assistance aux pays devait Auteur pour correspondance : Thuridur Arnadottir, Hvassaleiti 30, Reykjavik 103, Iceland. Tel : (+354) 553 1086. e-mail : [email protected] [Traduction de l’article : « The Styblo model 20 years later—what holds true ? » Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13 (6): 672–690] 2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease refléter les besoins locaux. Lors de cette réunion, plusieurs problèmes ont été soulevés, notamment la nécessité de disposer dans chaque pays d’un programme moderne de TB, la nécessité d’une formation du personnel de santé et de l’obtention de prix réduits pour les médicaments.3 La requête issue de Tanzanie était que L’Union devait conseiller l’intégration des services de santé de nombreux organes caritatifs dans un réseau national de lutte contre la TB et la lèpre. Ceci fut le point de départ d’une collaboration internationale menée par Annik Rouillon et Karel Styblo, à l’époque respectivement Directeur Exécutif et Directeur des Activités Scientifiques de L’Union. Lorsque la TB est réapparue dans l’agenda international de la santé, on a reconnu que l’approche utilisée dans les programmes de collaboration correspondait à des interventions de santé dont le rapport coût-efficacité était le meilleur dans les pays à faibles revenus, et en 1989, l’OMS a demandé son avis à Styblo. Le modèle créé dans les programmes de collaboration est devenu la base de la nouvelle stratégie de lutte de l’OMS. En 1991, l’Assemblée Mondiale de la Santé a adopté les cibles mondiales pour la lutte contre la TB et le projet de la Banque Mondiale a été mis en route en Chine ;4 au travers de celui-ci, l’OMS avec Styblo lui-même, s’est mise a tester cette nouvelle stratégie. Des projets ont été rapidement introduits dans un certain nombre d’autres pays et, en 1994, l’OMS, a lancé formellement sa stratégie DOTS. Bien que cette stratégie ait depuis lors été introduite avec succès dans de nombreux pays, on discute toujours de l’adéquation du modèle dans les zones à haute prévalence d’infection par le virus de l’immuno-déficience humaine (VIH) et dans les programmes où existent des niveaux élevés de résistance médicamenteuse. Le modèle de Styblo comporte plusieurs strates.1 La première est l’approche globale de la lutte antituberculeuse : prise en charge des cas plutôt que traitement préventif, vaccination ou d’autres approches. Il comprend en outre les principes de base, les stratégies de prise en charge des cas et les systèmes de soutien opérationnel. Une dimension complémentaire du modèle est le contexte plus large dont il est issu. Finalement, ce modèle constitue un exemple d’utilisation des évidences scientifiques par les décideurs de politique. Cet article fait la revue des origines, de l’impact et de l’adéquation de ce modèle.* * La formulation de la politique dans les programmes de TB doit prendre en compte tous les aspects de la lutte antituberculeuse. Le modèle de politique générique créé dans les collaborations de L’Union est cité ici comme étant le modèle de Styblo. Ce modèle a utilisé les évidences scientifiques disponibles au moment où il a été formulé et dès lors chevauche d’autres modèles de politique. Les aspects opérationnels du modèle ont été décrits pour la première fois à l’intention d’un public plus large dans un guide publié par L’Union en 1986 (Guide de la Tuberculose dans les pays de faibles ressources).5 Des versions mises à jour de ce guide—en 1991, 1994, 1996 et 2000—reflètent les évolutions de cette politique. LES PROGRAMMES DE COLLABORATION DE L’UNION La collaboration à L’Union implique la mise en œuvre de la lutte antituberculeuse au sein des services généraux de santé des pays partenaires. Les programmes diffèrent en fonction des caractéristiques des services locaux de santé. Le plan directeur a poussé les pays à augmenter progressivement le financement de leurs consommables au fur et à mesure de l’amélioration de leur situation économique et de la maîtrise du problème de la TB.6 Rétrospectivement, la réalisation de ces objectifs peut avoir été dès le début une bataille perdue d’avance : le développement économique a été lent ; juste au moment où cette initiative décollait, la pandémie de VIH l’a fait également, et au milieu des années 1980, ses effets sur la situation de la TB ont commencé à se déployer. En 1983, les premiers cas du syndrome d’immunodéficience humaine (SIDA) ont été signalés en Tanzanie.7 En 1986, le Programme National TB (PNT) a signalé un nombre croissant de décès inexpliqués.6 Une étude des années 1990 a estimé que deux tiers de l’accroissement des cas de TB étaient directement en relation avec l’infection VIH.7 Toutefois, en dépit de cet accroissement, les niveaux de résistance aux médicaments sont restés faibles. Le Nicaragua s’est avéré un partenaire précoce, peu affecté par le VIH, et c’est dans ce contexte que l’effet attendu a été le plus clairement réalisé.8 Par comparaison, au Malawi—un pays fortement atteint par le VIH—le nombre de cas de TB déclarés a augmenté de façon dramatique. Le PNT a failli s’effondrer et le taux de guérison a baissé malgré le combat pour faire face au problème.9 PRINCIPES DE BASE Les principes de base de la lutte antituberculeuse apparaissent au Tableau 1.10–42 Ces principes sont d’application universelle et ont résisté largement au fil du temps. Les essais contrôlés randomisés sur les médicaments ont commencé dans le domaine de la TB et ont constitué la base scientifique sur laquelle repose le traitement antituberculeux. Les essais ont testé les régimes à médicaments multiples et à dose fixe ainsi que la durée du traitement. Cette initiative et son application ultérieure dans les PNT ont tracé la voie de la standardisation de la pratique clinique et dès lors, le cas échéant, le développement de directives cliniques. Les politiques nationales de traitement contrôlé visent à prévenir les pratiques chaotiques qui peuvent entraîner une expansion de la résistance aux médicaments. En dépit du fait qu’aujourd’hui beaucoup de patients TB recourent aux services de santé sans avoir être identifiés ou référés correctement, l’idée d’un dépistage actif des cas reste tentante. En 1998, les analystes de la politique, guidés par des modèles mathématiques, ont proposé la microradiographie de masse Le modèle de Styblo Tableau 1 3 Principes de base de la lutte antituberculeuse et les fondements du modèle de Styblo Principes Les cas à frottis positif sont la source la plus puissante de contagion Les patients TB à frottis positif toussent et peuvent être identifiés dans les services de santé Le dépistage des cas devrait être basé sur les services, c à d les services de santé devraient répondre aux initiatives prises par les patients La TB pulmonaire à frottis positifs n’est pas un événement tardif et devrait être détectée avant que ne survienne une transmission importante La réponse des services de santé doit être constamment améliorée Les cas de TB à frottis négatifs ne doivent pas être négligés Polychimiothérapie Argumentation et faits établis Commentaires Référence classique : une enquête de 1954 examinant les taux d’infection et les cas secondaires parmi les patients TB au sein de la famille (1954).10 Soutenue par des études récentes dans divers contextes : Canada 1990–2001,11 US 1996–1997,12 République Dominicaine 2000,13 Thaïlande 2002–2003.14 Un degré plus élevé de positivité des frottis,12–14 les cavités sur le CXR,12,14 et l’étroitesse des contacts14 augmentent le risque d’infection. Une enquête en Inde (1963) a trouvé que 95% des patients TB avaient des symptômes (la toux étant le symptôme principal).17 Une étude à Hong-Kong a trouvé que 96% des patients TB consultant dans les polycliniques thoraciques se plaignent de toux lors de leur premier recours à des soins médicaux.18. Enquête en Inde (1963) : les patients se plaignant de toux persistante ont pris contact avec les services de santé et ont pu être reconnus par un personnel de santé non spécialisé.17 Inde, 1966 : la plupart des sujets recourant aux soins dans une polyclinique TB se sont présentés dans les 3 mois après le début des symptômes, les patients résidant à la campagne seulement un peu plus tard que les citoyens des villes.20 Kenya 1970–1980 : appui complémentaire pour le dépistage passif des cas.21,22 Népal 1982,23 Inde 200324 : les patients se présentant spontanément sont plus susceptibles d’accepter et d’adhérer au traitement que les patients recrutés par le dépistage actif. Des études appliquant la nouvelle technologie semblent tout au moins soutenir la politique de ciblage des cas à frottis positifs.15,16 Comme les cas à frottis positif sont responsables de 80% à 90% de la contagion, de tels cas devraient être ciblés pour la lutte contre les maladies transmissibles. Toutefois, ce ciblage n’exclut pas nécessairement les soins à d’autres patients TB. Revue des dossiers des cas à culture positive (New York City, 1994) : le retard du patient n’est pas en association avec le statut du frottis ou les signes radiologiques au moment du diagnostic.26 Dans les études récentes, le retard-patient est très court : Thaïlande (10 jours pour les séropositifs pour le VIH et 15 jours pour les séronégatifs atteints de TB à frottis positifs)27 Inde du Sud (retard moyen de 20 jours).28 Pour cette raison, la TB pulmonaire à frottis positif n’est pas nécessairement un événement tardif. En 1970 et 1980, il était clairement évident que les services de santé n’étaient pas suffisamment ouverts à la détection des patients TB, c’est-à-dire qu’ils manquent des occasions d’identifier ceux atteints de TB et que des retards inutiles de diagnostic existaient après que les patients aient pris contact.21,22 Etudes en 1960–1970 : des procédures concrètes sont nécessaires pour le diagnostic de la TB à frottis négatifs pour réduire les diagnostics en excès.35,36 Le diagnostic des cas à frottis négatifs n’est pas facile : dans l’ensemble ils sont moins contagieux que les cas à frottis positifs, et ils éliminent leurs bacilles moins régulièrement (la confirmation du diagnostic peut exiger de nombreux échantillons en série). La mortalité élevée de TB à frottis positifs a été largement réduite et la transmission interrompue grâce à l’introduction de la chimiothérapie antituberculeuse (années 1950). Un programme massif de recherche internationale a abouti à l’élaboration de la CCD. Une étude récente en Ouganda (1993–1994) : 98% des patients TB à frottis positif (dont 91% étaient séropositifs pour le VIH) se plaignent de toux productive. Les symptômes cliniques ne sont pas différents chez les patients TB séropositifs ou séronégatifs pour le VIH.19 Inquiétudes : Dans l’étude de 1966 en Inde, les femmes semblaient avoir une accessibilité réduite et comme l’étude était basée sur les services, les patients qui ne s’étaient pas présentés n’ont pas été étudiés. Les données d’une enquête de prévalence aux Philippines (1997) ont suggéré que les actions entreprises en réponse aux symptômes sont inadéquates et lentes.25 D’autre part, le statut de frottis positif a été un des déterminants de l’utilisation des services de santé. Une étude américaine, 2000–2001 : les retards plus longs de diagnostic sont en association avec une transmission plus importante et en association plus étroite lorsque le retard dépasse 90 jours.29 L’essentiel du modèle de Styblo est de garantir que les mesures sont prises pour évaluer correctement les patients souffrant de symptômes respiratoires. Le renforcement du dépistage des cas basé sur les services n’est pas un problème de stratégie dépassé : Malawi (1995),30 Inde (1999–2001),24,31 Chine (2000),32 Burkina Faso (2001),33 Pérou et Bolivie (2003–2005).34 Si l’on néglige les cas à frottis négatifs, cela peut réduire la crédibilité d’un programme et par conséquent la détection des cas. De tels cas constituent typiquement la moitié de l’ensemble des cas traités dans les programmes du modèle, ce qui reflète un caractère clairement de santé publique, qui dépasse la lutte contre les maladies transmissibles. On n’a obtenu néanmoins que 50% de succès dans les programmes de traitement de la TB dans la plupart des pays en développement, parce que l’organisation nécessaire semblait au-delà des capacités de leurs systèmes de santé. (suite ) pour accroître la détection des cas,43 en désignant la Chine comme l’exemple d’un pays où une telle stratégie pourrait fonctionner.44 D’autres ont suggéré d’explorer les méthodes de dépistage actif des cas dans les zones à haute prévalence de VIH.45 Toutefois, une en- quête en Afrique du Sud rurale n’a révélé qu’une fraction modeste de TB non diagnostiquée.46 La plupart des cas antérieurement inconnus détectés par l’enquête avaient fréquenté les services de santé à un moment quelconque au cours de leur maladie, ce qui 4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 1 (Suite ) Principes Stratégie nationale de traitement contrôlé Focalisation sur le résultat (ne fait pas de tort) Argumentation et faits établis Commentaires Comme de multiples régimes sont devenus disponibles, une question s’est posée, celle de savoir si le choix du régime devrait être laissé aux praticiens individuels ou si cette stratégie devait les obliger à prescrire certains régimes. En 1962, Crofton a prévenu des conséquences d’une chimiothérapie médiocre37 qui avaient déjà été notées en Inde.38 Il a encouragé un traitement efficient du nombre maximum de patients et la prévention de la résistance aux médicaments par une stratégie nationale contrôlée de traitement (par exemple l’algorithme de traitement de Styblo). En 1960–1970, les programmes TB se sont préoccupés principalement du dépistage des cas, en portant peu d’attention à la prévention des abandons. Cette stratégie a été basée sur un modèle mathématique qui ne tenait pas compte de l’impact négatif d’une chimiothérapie médiocre. L’analyse des données observationnelles a montré à quel point les programmes médiocres, même s’ils sauvaient des vies, échouaient dans leur rôle de réduire le nombre de sources de transmission dans la collectivité.40 Styblo a présenté par la suite un modèle expliquant l’importance de la prévention des cas. L’organisation d’un programme national et la standardisation du traitement en Algérie (1967) ont été suivies d’une diminution de la résistance aux médicaments.39 Styblo a démontré que la CCD pouvait être mise en œuvre en toute sécurité dans les pays en développement. Il a été plus facile de garantir l’adhésion grâce aux régimes de CCD, le nombre de patients sous traitement à n’importe quel moment a été réduit et cette chimiothérapie s’est avérée supérieure pour le traitement des cas résistants aux médicaments. Un traitement chaotique produit des cas résistants aux médicaments, ce qui complique le problème TB dans la collectivité, comme démontré par les données coréennes (années 1960).41 La Russie et l’Europe de l’Est constituent des exemples récents de la manière dont un traitement TB administré dans des circonstances défavorables entraîne la résistance aux médicaments et actuellement la multirésistance, qui pourrait ne pas être maîtrisée par la CCD. Un exemple vient de Moldavie à la fin des années 1990.42 TB = tuberculose ; CXR = cliché thoracique ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; CCD = chimiothérapie de courte durée. plaidait en faveur d’un appel à un renforcement du dépistage des cas basé sur les services. En Chine, on a signalé que la faible détection des cas était partiellement due au fait que le programme basé sur le DOTS était un programme vertical. Par suite de la pression politique dans la tempête de la grave épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), la Chine a rendu obligatoire la déclaration de la TB en 2003.47 En 2004, le Ministère de la Santé chinois a lancé au niveau national un système de déclaration des maladies transmissibles basé sur Internet. Par voie de conséquence, les déclarations de TB ont augmenté et la Chine a annoncé, en 2005, qu’elle avait atteint l’objectif de détection de 70% des cas. Un dépistage actif des cas n’était donc pas nécessaire car de fait, l’augmentation des cas ne résultait pas du dépistage et ce n’était pas non plus le programme DOTS qui l’avait obtenu. On pourrait argumenter que lorsque des services de santé sont accessibles et que les PNT sont de qualité, un dépistage actif des cas n’est pas nécessaire et est peu susceptible d’avoir de grands résultats alors que, par contre, lorsque ces services et programmes n’existent pas, un dépistage actif des cas n’est pas la priorité immédiate. STRATÉGIES OPÉRATIONNELLES Les décisions des PNT devraient être standardisés autant que possible car leur mise en œuvre repose sur un personnel relativement peu formé. On a élaboré diverses stratégies opérationnelles en tenant compte de ce fait. Les stratégies opérationnelles doivent tenir compte du contexte local qui diffère entre pays et au fil du temps au sein même des pays. Recrutement des cas de TB Les stratégies de recrutement sont présentées au Tableau 2.1,4,5,20,31,35,48–65 Un débat au niveau de ces stratégies concerne le nombre d’échantillons de crachats par sujet suspect de TB. Toutefois, là où le rendement est faible, il existe des méthodes autres que des modifications du nombre d’échantillons pour augmenter le rendement de l’examen microscopique des crachats. Il s’agit d’améliorer l’accompagnement prétest, d’améliorer le recueil des crachats (la qualité des crachats) et d’améliorer la qualité de l’examen microscopique. De telles stratégies doivent également être prises en considération. Finalement, on peut augmenter la sensibilité de l’examen microscopique des crachats en modifiant la technique, par exemple grâce au traitement et à la concentration des crachats préalablement à l’examen microscopique. Un autre sujet discuté concerne les cas à frottis négatif. L’examen microscopique des crachats n’est pas le seul test utilisé dans l’évaluation des sujets suspects de TB. Même si la culture n’est pas pratiquée en routine, ceci ne signifie pas que ceux qui seraient positifs à la culture ne sont pas détectés. On peut supposer raisonnablement toutefois que le diagnostic de cas autres que les cas à frottis positif est largement moins précis que celui des cas à frottis positif, et ce à des degrés divers selon le contexte. Sur le plan logistique et opérationnel, il est plus difficile de diagnostiquer des TB à frottis négatif qu’à frottis positif, et il faut prendre garde à éviter des erreurs de diagnostic et des traitements non justifiés. La stratégie des TB à frottis négatif variera en fonction de la situation épidémiologique, de la résistance aux médicaments, des caractéristiques des services de santé et des ressources Le modèle de Styblo Tableau 2 5 Stratégies opérationnelles pour le recrutement des cas dans les programmes TB Stratégie Problèmes et faits établis Commentaires Sélection des tousseurs parmi les sujets recourant aux soins pour évaluation par examen microscopique des crachats Inde rurale, 1967 : l’examen des crachats des sujets dont la toux dure moins de 2 semaines n’entraîne la détection que d’une petite proportion de cas à frottis positif.48 La sensibilité est de 98% (84%), lorsque la limite est fixée à 2 (3) semaines. Le modèle de Styblo a placé la limite à 3 semaines.5 Des études récentes suggèrent qu’une limite moins sévère pourrait améliorer la détection des cas.31,49 Examen d’une série de frottis de crachats En se basant sur une étude en Inde,50 le modèle a recommandé que trois échantillons soient recueillis par suspect. La justification de cette exigence de trois échantillons, plutôt que de deux, fait l’objet de discussions car le troisième frottis n’augmente que faiblement la sensibilité. En 2000, le Guide de L’Union a adopté la stratégie d’examen de deux échantillons. Une revue systématique en 2007 a signalé que le rendement de l’examen d’un troisième échantillon se situe à 2–5%.51 Recueil des crachats (sur place-matin-sur place) Lors de l’examen microscopique, le type d’échantillon (sur place ou du matin) influence le rendement en cas à frottis positif. Le modèle a recommandé que trois échantillons soient recueillis et lorsque c’était possible examinés dans les 3 jours,5 ce qui n’exigeait qu’une deuxième visite par le patient. Le premier et le troisième échantillons pouvaient être des échantillons fournis sur place, bien qu’on ait reconnu qu’ils puissent être de moindre qualité que les échantillons du petit matin. Inde (années 1960) : tous les patients TB attendaient les résultats dans les centres bénéficiant de services de microscopie, mais 71% seulement revenaient chercher leurs résultats dans les unités de référence.48 L’avantage d’un système dans lequel le premier échantillon est un échantillon sur place, en plus de permettre un examen le même jour, fait que le patient laisse un échantillon au centre et est enregistré et que le personnel peut observer la production du crachat afin d’obtenir un échantillon de haute qualité. Dans l’ensemble des contextes, un accompagnement pré-test correct peut ne pas être garanti en routine à côté de l’examen des crachats. Ceci peut expliquer partiellement pourquoi certains suspects de TB n’achèvent pas le processus d’examen des crachats. Des essais randomisés récents suggèrent qu’un renforcement de l’accompagnement pré-test peut améliorer le dépistage des cas.53,54 La procédure décrite comme sur place-matin-sur place est susceptible d’être la plus valable dans les contextes où l’accessibilité des services de santé est bonne et l’examen microscopique des crachats décentralisé. D’autre part, le problème de l’envoi des échantillons dans un laboratoire et de l’attente des résultats pose problème (le retard considérable qu’implique ce système a été documenté tant au Malawi5 qu’à New York56 dans les années 1990). Des stratégies de recrutement local peuvent envisager la valeur limite en fonction de la prévalence de la TB, de l’utilisation des services de santé, des performances du service, de la charge de travail du laboratoire et des priorités compétitives. Pour faciliter la détection des cas, l’examen microscopique devrait idéalement être décentralisé afin de garantir une bonne accessibilité des services tout en maintenant dans des limites acceptables la VPP de l’examen microscopique ainsi que la compétence du laboratoire. Vu l’augmentation alarmante du nombre de suspects de TB dans les zones à haute prévalence de VIH au cours des années 1990, la charge de travail exigée pour examiner trois échantillons a menacé de collapsus les services de laboratoire. Une décision selon laquelle deux échantillons suffiraient était donc aisément justifiée. Le rendement de l’examen microscopique peut même augmenter lorsque cette exigence est abaissée quand une politique d’exigences plus élevées entraîne un examen microscopique de faible qualité ou même l’absence de tout examen microscopique. Les recommandations visaient un programme de santé publique et non les salles d’hôpitaux. Lorsqu’on considère les problèmes opérationnels, le compromis en termes de rendement est considéré comme moindre que l’avantage. On a pensé qu’il était important qu’un échantillon soit recueilli sans délai sur place chez tous les patients TB en contact avec les services de santé. Actuellement, les indications concernant le patient dans le registre du laboratoire doivent permettre de le rechercher. Le taux de retour du patient est susceptible de dépendre du contexte et d’une communication efficiente entre le travailleur de santé et le patient. Des études anciennes à Bangalore (années 1960) ont trouvé que 10% des patients TB ne revenaient pas chercher leurs résultats (c’est-à-dire abandon initial).20 La stratégie de recueil des échantillons sur place a été récemment remise en question par des chercheurs du Bangladesh (2002), où un très petit nombre de personnes (1,5%) n’étaient pas revenues avec un deuxième échantillon.52 L’accompagnement pré-test vise à augmenter la qualité et le volume des échantillons de crachats ainsi que la chance que le patient achève le processus (c’est-à-dire revienne avec un deuxième échantillon). L’effet observé sur la qualité de l’échantillon peut être plus important pour l’échantillon sur place que pour les échantillons du matin.54 L’absence d’efficience peut être expliquée par le manque de prise de conscience du problème par le personnel, par une appréciation insuffisante de l’importance de services rapides et par de mauvaises habitudes. Occasionnellement, des difficultés logistiques intrinsèques peuvent être difficiles à résoudre. La lenteur des systèmes amoindrit l’avantage d’un échantillon sur place, mais cet avantage existe néanmoins lorsque l’échantillon sur place est positif et même si le patient ne revient pas. D’autre part, il se peut qu’il n’y ait aucune trace d’un tel patient, même s’il a fréquenté les services. (suite ) Echantillons sur place Accompagnement pré-test Services décentralisés d’examen microscopique des crachats 6 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 2 (Suite ) Stratégie Contrôle de qualité du laboratoire Confirmation d’un cas de TB Problèmes et faits établis Il ne faut pas considérer que la qualité du laboratoire est garantie. Une étude récente a suggéré qu’un examen microscopique plus soigneux (augmentation de la durée d’examen par frottis) a réduit de manière substantielle les erreurs de faux-négatifs et par conséquent augmenté le rendement de l’examen microscopique.57 L’idéal est que la TB soit confirmée par la culture, mais dans les pays à faibles revenus, la culture n’est pas pratiquée en routine. En lieu et place, la TB est considérée comme confirmée par l’examen microscopique. Comme la VPP de l’examen microscopique des BAAR est plus élevée dans les pays à forte prévalence. La culture, particulièrement lorsqu’elle est utilisée dans de bonnes indications, est moins importante dans ce contexte que dans les pays à faible prévalence ou dans les programmes de dépistage de masse. Le modèle exigeait deux frottis positifs avant de classer un cas comme TB à frottis positif. Cette précaution visait à prévenir les erreurs provenant de confusions entre échantillons ou entre résultats dans des laboratoires très occupés. Il est peu probable que de telles erreurs dues au hasard se produisent à répétition pour le même cas. Interprétation des résultats très faiblement positifs dans l’examen microscopique des BAAR Historiquement, se basant sur les observations dans les enquêtes (des années 1960 en Inde), un frottis très faiblement positif (< 4 bacilles) n’était pas considéré comme un résultat permettant de conclure à la positivité.59 En 1994, le Guide de L’Union a recommandé que le laboratoire signale le nombre exact de bacilles lorsqu’un petit nombre de bacilles étaient observés dans un frottis (1–9),1 en considérant que le clinicien avait le dernier mot quant à l’interprétation de tels résultats. Cet avis a été basé sur la notion que les cliniciens avaient accès à des informations complémentaires sur le patient, comme les signes cliniques, les symptômes et l’anamnèse (par exemple, contact avec un cas contagieux, traitement antérieur), et en cas de doute pourraient décider de recourir au CXR ou d’envoyer un autre échantillon au laboratoire. C’est pour cette raison que dans ce cas on n’a pas considéré la standardisation des pratiques comme appropriée. Stratégie alternative d’évaluation : envoi des suspects de TB pour CXR et limitation des examens de crachats aux cas où des anomalies sont détectées au CXR Etudes dans les polycliniques thoraciques, dans les années 1960 : tous les cas à frottis positif ont été détectés et la charge de travail du laboratoire a été réduite.62 Dans une polyclinique thoracique de haute qualité, bien organisée et bien équipée, ceci pourrait bien être la méthode de choix. En règle générale, il n’y a pas de service de radiologie dans les services de santé périphériques dans les pays à faibles revenus. Inde, dans les années 1960 : un très petit nombre de patients ont été effectivement référés pour CXR (11% de l’ensemble et 25% des patients à frottis positif).48 Milieu des années 1980, au Kenya : dans la plus grande partie du pays, le prédépistage par radiographie s’avère irréaliste en raison de problèmes logistiques et techniques et en raison du coût.63 Commentaires Dans les pays à faibles revenus, la qualité des laboratoires a été pendant longtemps un point faible des programmes de lutte contre la TB. Toutefois des experts de ce domaine n’ont abordé que depuis peu le problème du contrôle de qualité de l’examen microscopique des crachats. La nécessité de confirmer un résultat positif du frottis fait l’objet de controverses. Dans les cas où l’information provenant d’une autre source (par exemple le CXR) est disponible, il est moins important d’obtenir la confirmation par un deuxième frottis positif. Le modèle a été élaboré principalement pour les programmes où une telle information complémentaire n’était que rarement disponible. Dans les programmes où les erreurs administratives des laboratoires sont peu vraisemblables, l’exigence d’un deuxième frottis positif peut ne pas valoir la peine. En 2005, le personnel technique de la Division TB de L’Union a proposé de relâcher cette recommandation et de se contenter d’un seul frottis positif, mais a noté que des recherches complémentaires s’imposaient pour peser les avantages en matière de précision eu égard au nombre d’occasions de traitement retardées ou manquées.58 Les critères de classement d’un frottis comme positif font l’objet de controverses. Une étude prospective en Afrique du Sud (1986) a trouvé que la VPP des frottis très légèrement positifs (< 5 bacilles dans un frottis examiné pendant 5 minutes) était élevée (93%), si l’on prenait la culture comme gold standard. Ils ont recommandé que les résultats faiblement positifs à répétition soient considérées comme permettant de conclure.60 En 2004, une analyse rétrospective des dossiers de laboratoire du Bangladesh a montré qu’un très petit nombre de bacilles (< 10) avaient été signalés dans 10% des frottis dans les séries de suspects de TB (les résultats très faiblement positifs non-confirmés ont été rares).61 Ils ont suggéré d’adopter une limite basse pour un frottis positif. En 2005, le personnel technique de la Division TB de L’Union a proposé une limite plus basse que celle acceptée antérieurement pour déclarer un frottis positif (10 bacilles/100 champs à l’immersion), pour autant qu’un contrôle de qualité efficient soit en place.58 En 1990, le projet DOTS soutenu par la Banque Mondiale en Chine a utilisé une stratégie alternative. Les patients se présentant aux dispensaires TB et répondant aux critères de symptômes ont été examinés par radioscopie du thorax. Ceux dont les résultats étaient anormaux (46%) ont été soumis ensuite à l’examen des crachats (35–40% avaient un frottis positif).4 Toutefois, ce projet n’a couvert qu’une partie de la population, comme c’est le cas fréquemment dans les structures verticales. A ce jour, dans les services périphériques et ruraux des pays à faibles revenus, l’accès au CXR est fréquemment limité et la référence vers ces services n’est justifiée que dans les cas à frottis négatif des crachats. (suite ) Le modèle de Styblo 7 Tableau 2 (Suite ) Stratégie Prise en charge des suspects de TB à frottis négatif Problèmes et faits établis Commentaires On trouve un précurseur des algorithmes de diagnostic dans le rapport d’une étude prospective en Inde dans les années 1970 : l’examen des crachats et la radiographie devraient être améliorés pour permettre une identification correcte des suspects de TB à frottis négatif, qui pourraient alors bénéficier d’un traitement non spécifique et être suivis pour évaluer leur évolution (si la maladie progressait, elle la faisait dans les 3 ou 4 mois).35 Les recommandations initiales du modèle (1986) situaient les antibiotiques avant le CXR, et celles de 1996 les situaient après le CXR.1 C’est le contexte qui détermine l’algorithme approprié, par exemple, le niveau de l’unité de santé (les services de référence rencontrent souvent des patients qui ont déjà eu une cure d’antibiotiques alors que les unités inaccessibles voient des patients qui ne peuvent pas être facilement référés) et les outils disponibles (seulement l’examen microscopique, le CXR ou la culture). En pratique, la qualité des performances des algorithmes de diagnostic est susceptible d’être différente d’un contexte à l’autre. Pour en avoir une idée approximative, on peut examiner les données sur la proportion de frottis négatifs parmi l’ensemble des nouveaux cas de TB pulmonaire, comme cela avait été fait dans le modèle ou encore les résultats des recherches opérationnelles qui évaluent spécifiquement les algorithmes de diagnostic. Une revue des diagnostics de TB pulmonaire à frottis négatif des crachats a signalé en 2003 l’absence de signes radiographiques ou cliniques spécifiques dans les algorithmes de diagnostic.64 Dans quelle mesure ces détails seraient utiles dépend en partie des personnes et des lieux où l’algorithme doit être utilisé. Bien que considérés initialement comme important pour aider les travailleurs de santé dans les services de soins primaires, les algorithmes ont été principalement étudiés dans les hôpitaux et souvent dans un contexte de patients hospitalisés.64,65 Les algorithmes doivent être validés au sein des contextes locaux. TB = tuberculose ; VPP = valeur prédictive positive ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; BAAR = bacilles acido-résistants ; CXR = cliché thoracique. financières. Dans le contexte des pays à haute prévalence, des algorithmes de diagnostic s’imposent. Lorsque c’est possible, la radiographie devrait être pratiquée précocement dans le processus d’évaluation. Les traitements d’épreuves d’antibiotiques peuvent être administrés n’importe où, peuvent aider au diagnostic différentiel et réduire le nombre de sujets référés lorsque la radiographie n’est pas facilement accessible. Il est extrêmement important que tous les travailleurs de santé—et non seulement ceux impliqués dans le PNT—soient bien attentifs à l’identification des suspects de TB. Aujourd’hui, ceci s’adresse en particulier à ceux qui sont en contact lors de leur travail avec les personnes infectées par le VIH. Dans les zones urbaines où les populations marginalisées encourent un risque accru de TB, il est important d’impliquer les hôpitaux généraux et les départements d’urgence. La vision originale était celle de la mise en place de services de santé coordonnés et accessibles, et le PNT était supposé intervenir autant que possible sur une base ambulatoire. Dans l’ensemble, les faibles progrès obtenus dans l’expansion de services de santé de bonne qualité sont décevants ; toutefois, dans certains contextes, l’élaboration d’une résistance contre la focalisation sur la santé publique et la décentralisation peut avoir retardé les progrès dans la lutte contre la TB. Recommandations de traitement La décentralisation exigeait une politique de traitement strictement contrôlée. Si la mise en œuvre d’un programme prévient avec succès la résistance aux médicaments, à long terme, un traitement individualisé pourrait ne jamais être nécessaire (ou tout au plus survenir rarement). Ceci a été largement corroboré par les programmes soutenus par L’Union. D’autres avantages de la standardisation des traitements sont la continuité des soins au sein et entre les unités de soins et une prise en charge plus aisée de la fourniture de médicaments, tous éléments susceptibles de contribuer à de meilleurs résultats globaux du traitement à long terme. La justification, les évidences et l’évolution des recommandations des traitements dans le modèle de Styblo apparaissent au Tableau 3,1,66–81 et les régimes de traitement au Tableau 4. Au cours des années 1980, un régime de traitement de 6 mois comportant la rifampicine (RMP) d’un bout à l’autre a été considéré comme l’option de choix dans les pays où la fourniture des médicaments était ininterrompue, où le degré de coopération des patients était élevé et la supervision des patients nonhospitalisés adéquate. Même les cas résistants à l’isoniazide (INH) et/ou à la streptomycine ont évolué favorablement sous ce régime dans les essais en Afrique.82 Les résultats d’un régime de 12 mois ont été décevants en pratique de routine en Tanzanie, même après amélioration de l’organisation du programme. Les experts internationaux ont toutefois considéré que l’introduction de la chimiothérapie de courte durée (CCD) dans les pays en développement restait l’objet de controverses. La menace de la résistance aux médicaments était réelle. La protection des médicaments introduits au sein du CCD, et en particulier celle de la RMP, était un élément essentiel. Elle a été acquise par les mesures suivantes : la prescription de quatre médicaments lors de la phase intensive du traitement ; l’utilisation de la RMP exclusivement dans une combinaison à dose fixe avec l’INH ; l’administration des médicaments uniquement sous observation directe du personnel de santé ; et l’interdiction de vente des médicaments antituberculeux dans le marché privé. Même si ce protocole peut paraître exagérément restrictif, il était sage étant donné les circonstances. Si 8 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 3 Stratégies de traitement dans le modèle de Styblo Stratégies Recommandations dans le modèle de styblo Commentaires Régime de 8 mois pour les nouveaux cas à frottis positif Styblo a décidé que la RMP ne devrait pas être confiée aux patients pour auto-administration. Un régime de 6 mois aurait dès lors requis une administration sous supervision stricte, une étape qui n’a pas été considérée comme réalisable. En lieu et place, Styblo a choisi un régime d’une durée de 8 mois avec INH+Th dans la phase de continuation (autoadministrée). Ce régime avait été testé en Afrique de l’Est (recrutement 1974–1975 et patients hospitalisés pendant 6 mois). Les essais avaient conclu que dans une zone où la prévalence de la résistance initiale à l’INH était de 10%, un taux d’échec de 2% pouvait être attendu dans les nouveaux cas à frottis positif.66 Ce régime avait été introduit en Tanzanie en 1982. Renforcement ciblé du régime de 8 mois Le régime était renforcé dans des cas sélectionnés (cas considérés comme comportant un risque de résultat défavorable). En présence d’un frottis positif à 2 mois, la phase intensive était prolongée. (De plus, tous les cas non-guéris de façon non définitive par ce régime ont reçu un régime de retraitement). Régimes de traitement différents pour les nouveaux cas et les cas traités antérieurement Le principe de l’utilisation d’un régime différent pour les cas traités antérieurement date d’avant le modèle était basé sur les observations dans divers contextes montrant que de tels cas étaient plus susceptibles d’être porteurs de germes résistants aux médicaments. Dans les programmes en collaboration, il était connu qu’on pouvait s’attendre à ce que les cas traités antérieurement hébergent des bacilles résistants à l’INH et/ou à la SM. En se basant sur les essais cliniques, on pouvait s’attendre à ce que dans de tels cas un régime reposant sur l’INH+Th dans la phase de continuation entraînerait un taux d’échec relativement élevé (à l’opposé d’un régime de 6 mois qui aurait dû être efficient pour la guérison des patients en présence de ce type de résistance). Alors qu’un régime de 6 mois avec quatre médicaments dans la phase intensive pourrait avoir suffi, Styblo a décidé d’utiliser un régime de cinq médicaments pour les cas traités antérieurement. La phase de continuation devait être guidée par les résultats du DST sur un échantillon prélevé avant traitement quand c’était possible (en cas de sensibilité à INH, on pouvait utiliser INH+Th). Toutefois, il n’a jamais été possible de mettre cette stratégie en application et cette approche a été finalement abandonnée après une décennie d’essais. A sa place, une phase de continuation à base de trois médicaments (INH+RMP+EMB) sans DST devint la norme pour une durée totale du traitement de 8 mois. Le recrutement des essais cliniques était typiquement très sélectif. Un rapport en provenance d’Inde décrit comment 25% seulement des patients enregistrés dans le programme TB étaient introduits dans les essais conduits dans ce pays en 1978. En dépit de ce recrutement sélectif, des visites à domicile au cours du traitement et parfois des visites à répétition s’imposent pour maintenir l’adhésion chez un tiers des patients. Ceci n’était pas réaliste dans les conditions de routine du programme. L’élaboration de méthodes alternatives de promotion de l’adhésion a été considérée comme importante de même que la sélection de régimes ayant leur potentiel maximal en cas d’auto-administration.67 Cette ligne de pensée est la même que celle suivie par Styblo quand il a choisi le régime CCD pour le modèle. En 2006, un essai prospectif au Bangladesh a fourni des arguments probants en faveur de cette stratégie.68 La prolongation (vs. l’absence de prolongation) de la phase intensive à quatre médicaments a entraîné une réduction des échecs et des rechutes dans les 2 ans après l’achèvement du traitement de 8 mois comportant INH+Th dans la phase de continuation. Premièrement, le régime pour les cas traités antérieurement a été prescrit chez les patients dont le traitement antérieur datait d’avant l’introduction de la CCD. Parmi ces cas, on ne s’attendait à aucun problème significatif de résistance à la RMP, puisque le médicament n’avait pratiquement pas été utilisé dans les programmes. Au fil du temps, les patients enrôlés dans les régimes de retraitement ont comporté des traitements après échec, rechutes et retours des abandons chez qui le CCD avait été administré antérieurement pour les nouveaux cas et dès lors, qui avaient été traités par la RMP. En raison des précautions prises pour la protection de la RMP, on a supposé que dans ces cas une résistance à la RMP était peu probable. Toutefois, le résultat du traitement a été évalué avec soin. Lorsqu’il a élaboré son algorithme, Styblo a fait ce qui est actuellement discuté dans le contexte des programmes DOTS-Plus.69 Il a examiné le type global de résistance dans les échecs de traitement (et dans d’autres cas traités antérieurement) et a élaboré un régime de retraitement en en tenant compte. Plus tard, la supposition (que ceux qui avaient échoué sous régime de traitement à 8 mois pour les nouveaux cas étaient susceptibles d’être résistants à l’INH et/ou à la SM, mais qu’il n’y avait pas d’extension vers une MDR) s’est avérée raisonnable.70 On pouvait s’attendre à ce que le petit nombre de cas qui dans les programmes de collaboration avaient échoué sous le régime des cas traités antérieurement, seraient complètement sensibles aux médicaments de deuxième ligne même s’ils étaient MDR, puisque ces médicaments n’étaient pas utilisés dans les programmes. Par suite de la chute des prix des médicaments, l’argument du coût a perdu sa signification. Lorsqu’un programme arrive à maturité, l’examen microscopique des frottis devient idéalement fermement garanti dans l’évaluation des suspects de TB. Il semble dès lors moins important d’adopter un régime différent pour les cas à frottis négatif. Finalement, le traitement de 12 mois s’est avéré inférieur à la CCD pour le traitement des patients TB infectés par le VIH.71 Dans les conditions de routine du programme, le statut VIH du patient est souvent inconnu et dès lors, dans les pays à haute prévalence d’infection VIH, tous les régimes de traitement devraient à proprement parler convenir aux patients infectés par le VIH. (suite ) Régime de retraitement Régimes différents pour les cas à frottis positif et à frottis négatif Lors de l’introduction de la CCD, le nouveau régime avait été réservé aux cas à frottis positif (les plus contagieux) et aux formes graves de TB à frottis négatif ou extrapulmonaire. Un régime différent (12 mois) de celui destiné aux cas positifs fut pour cette raison prescrit en cas de crachats à frottis négatif. Ceci comportait un problème de coût et dès lors, la possibilité de poursuite à long terme de ce type de régime. L’existence de régimes différents a été également considérée comme un élément important permettant d’insister sur l’examen microscopique des crachats lors du processus d’évaluation afin de contrecarrer les excès de diagnostic. Le modèle de Styblo Tableau 3 9 (Suite ) Stratégies Recommandations dans le modèle de styblo Commentaires Injections Dans le modèle, les injections de SM faisaient partie de tous les régimes de traitement. Avec l’accroissement de l’infection VIH, il est devenu important de limiter l’utilisation d’injections. En 1994, l’EMB a remplacé la SM dans la phase intensive du régime de 8 mois pour les nouveaux cas.1 Ceci ne semble pas avoir affaibli le régime (ou l’algorithme). Toutefois, des préoccupations sont apparues concernant l’adhésion au traitement. Thioacétazone En mars 1991, à la suite de rapports anecdotiques, un article du Lancet a signalé un accroissement du risque de réactions d’hypersensibilité cutanée à l’égard du thioacétazone chez les patients infectés par le VIH traités pour TB dans une polyclinique thoracique de Nairobi.76 Ce rapport a été suivi par des observations similaires à d’autres endroits. Un essai clinique a comparé un traitement de 8 mois à base de INH+EMB dans la phase de continuation avec utilisation d’un traitement quotidien vs. intermittent (trois fois par semaine) dans la phase intensive contre un régime de 6 mois quotidien considéré comme un gold standard. Le traitement était auto-administré quotidiennement dans la phase de continuation. Les résultats ont confirmé que le régime de 6 mois était supérieur (5% de résultats défavorables) aux régimes de 8 mois (10% de résultats défavorables dans le régime quotidien et de 14% dans le régime intermittent).77 On devait s’attendre à ce qu’avec le régime de 8 mois dans les nouveaux cas, les échecs seraient résistants à l’INH et à l’EMB, ce qui mettrait en péril le régime de retraitement. Une étude aux Etats-Unis dans les années 1970 a suggéré que les injections favorisaient une meilleure fréquentation des polycliniques.72 La recherche opérationnelle dans divers contextes urbains dans les années 1990 n’a pas confirmé cette notion (par exemple, dans l’analyse rétrospective des données de fréquentation des polycliniques à Dar es Salam,73 et un essai contrôlé à Madagascar).74 Dans une étude qualitative au Vietnam, les patients ont même signalé que la crainte des injections était une raison de non-adhésion.75 En dépit des hésitations initiales provenant des implications financières et opérationnelles pour les programmes des pays à faibles revenus, l’utilisation du thioacétazone a été remise en question par la suite. La substitution de l’EMB au thioacétazone a affaibli l’algorithme de traitement. Le régime de 6 mois pour les nouveaux cas l’a finalement remporté. Le dilemme des décideurs de politique : les prix des médicaments ont décru considérablement et le coût d’un régime de 6 mois peut être réduit encore davantage par un traitement intermittent. Le régime de 8 mois à base d’INH+EMB dans la phase de continuation est une alternative relativement coûteuse. Les problèmes de faisabilité opérationnelle et de sécurité persistent toutefois. L’observation directe tout au long d’un traitement de 6 mois peut être rendue plus aisée par le traitement intermittent. Ou encore, l’auto-administration du traitement à la RMP dans la phase de continuation est-elle une pratique sure ? Finalement, reste la question du régime des cas d’échec ; si le régime de 6 mois est administré aux nouveaux cas, les cas d’échec seront de plus en plus des cas MDR. Adaptation des recommandations Traitement quotidien vs. intermittent Dans le modèle, le traitement reposait sur une base quotidienne sauf dans la phase de continuation des cas de retraitement. Le traitement intermittent a été élaboré initialement pour faciliter la supervision du traitement en réduisant le nombre de rendez-vous au cours de la cure. Dans les pays en développement, L’Union a été réticente à l’égard de l’approbation d’un traitement intermittent dans la phase intensive de la CCD dans les pays en développement et n’a jamais adopté les régimes avec administration deux fois par semaine. On admet généralement que jusqu’à 50% des patients manquent un rendez-vous ou l’autre pour leurs médicaments. Dans les régimes à deux administrations par semaine, il n’y a pas de marge de sécurité et toute interruption entraîne la possibilité de l’apparition d’une résistance aux médicaments. En 2004, on a signalé qu’une phase quotidienne intensive était supérieure à un régime intermittent (trois fois par semaine) en termes de négativation des cultures (86% vs. 77%).77 La stratégie du traitement intermittent est tentante, non seulement en raison d’une supervision plus aisée, mais aussi parce qu’elle est moins coûteuse (en termes de coût de médicaments). En 1988, Le Comité sur le Traitement de L’Union a attiré l’attention sur le fait que cette stratégie ne devait pas être utilisée exclusivement comme mesure d’économie, puisqu’un tel traitement doit être totalement supervisé, ce qui implique également des coûts. Les régimes intermittents de CCD recommandés par l’OMS reposent sur une application trois fois par semaine dans la phase de continuation.78 En 1999, une évaluation opérationnelle d’un régime de 6 mois totalement intermittent a signalé des taux satisfaisants de négativation des frottis et d’achèvement du traitement.79 Toutefois, la préoccupation principale d’une telle stratégie est l’apparition d’une résistance acquise aux médicaments et idéalement, les mesures de résultats devraient inclure également le taux de rechute. Une étude ultérieure a trouvé un taux élevé de rechutes.80 Dans une revue récente (2006), un traitement de 6 mois totalement intermittent est en association avec le risque de rechute.81 RMP = rifampicine ; INH = isoniazide ; Th = thioacétazone ; TB = tuberculose ; CCD = chimiothérapie de courte durée ; SM = streptomycine ; DST = test de sensibilité aux édicaments ; EMB = éthambutol ; MDR = multirésistance ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; OMS = Organisation Mondiale de la Santé. un des mécanismes de sécurité échouait, (ce qui surviendrait certainement même si c’était imprévisible), un autre pourrait garantir un filet de sécurité. Au fil du temps et vu les modifications des conditions, il semble approprié de relâcher certaines de ces procédures. Styblo a choisi un régime d’une durée de 8 mois pour les nouveaux cas à frottis positif. Le souci prin- cipal était qu’un traitement auto-administré à base d’INH + RMP lors de la phase de continuation du régime de 6 mois pourrait entraîner une résistance à la RMP dans les contextes où la résistance à l’INH était déjà prévalente. On s’attendait à ce que la qualité du programme soit médiocre à beaucoup d’endroits, ce qui entraînerait l’irrégularité des traitements. 10 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 4 Recommandations originales de traitement dans le modèle de Styblo Catégorie de cas Nouveaux cas pulmonaires à frottis positif Cas traités antérieurement Cas à frottis négatif Régime de traitement* 2S[HR]Z/6[HT] ou 2S[HT]/10[HT] 2S[HR]ZE/1[HR]ZE/5[HR]E 2S[HT]/10[HT] ou 12[HT] * Les nombres indiquent la durée du traitement (mois) et les crochets indiquent les combinaisons à doses fixes. S = streptomycine ; H = isoniazide ; R = rifampicine ; Z = pyrazinamide ; T = thioacétazone ; E = éthambutol. Les faits observés dans les essais cliniques pourraient dès lors ne pas tenir dans la pratique. De plus, il semblait que lorsque la RMP était administrée pendant au moins 4 mois dans les essais cliniques, le risque de résistance acquise augmentait en cas d’échec.83 Même si des régimes de 4 mois (trop courts) avaient été administrés dans beaucoup de cas, des craintes sont survenues concernant la sécurité des régimes utilisant la RMP d’un bout à l’autre dans les programmes où les taux d’abandons étaient élevés (avec comme conséquence une cure plus courte que prescrite). On a noté moins de résistance acquise dans les régimes utilisant la RMP pendant 1 à 2 mois seulement ;83 dès lors, ces régimes semblaient constituer des options plus sûres dans les contextes où l’organisation était loin d’être optimale. A ce jour, les défenseurs des régimes de 6 mois insistent sur la supériorité de ces régimes dans les essais d’efficacité. Toutefois, en l’absence d’amélioration de problèmes structurels et opérationnels, des régimes puissants par eux-mêmes sont peu susceptibles d’améliorer une mauvaise situation. En effet, un grand nombre de tuberculoses à germes multirésistants rencontrées aujourd’hui peuvent résulter de l’utilisation de régimes de 6 mois dans des conditions inappropriées. En cas d’échec du traitement, un régime standardisé de retraitement a été prescrit. Cette stratégie était dans la ligne des recommandations des chercheurs de Hong-Kong selon lesquels tous les patients devraient être traités par un régime standardisé et tous les échecs par une autre bonne combinaison de médicaments.84 Leur étude dans les années 1970 n’avait pas trouvé de résultats meilleurs lorsqu’on utilisait les résultats des tests de sensibilité aux médicaments (DST) de la période préalable au traitement pour orienter le traitement. Alors qu’une recommandation d’exécution systématique des DST dans les cas d’échecs5,85 a été, tout au moins partiellement, suivie en Tanzanie— suffisamment pour que Styblo soit rassuré quant à la justification de l’algorithme de traitement—cette recommandation n’a jamais été mise en œuvre de manière convaincante dans aucun des autres programmes de collaboration. Toutefois, les cas ont semblé évoluer favorablement sous le régime de retraitement, ce qui suggérait qu’en général il ne s’agissait pas de TB-MDR. L’explication de ce fait est double : en premier lieu, l’échec peut avoir été dû essentiellement à un traitement irrégulier ou (comme on s’y attendait) à la combinaison peu puissante de médicaments utilisée dans la phase de continuation du régime pour les nouveaux cas ; en deuxième lieu, la protection de la RMP a été effectivement garantie dans la mesure où les programmes ne produisaient pas de TB-MDR. Les implications du VIH pour les recommandations de retraitement ont été initialement doubles. L’introduction de l’éthambutol (à la place de la thioacétazone) dans la phase de continuation du régime de 8 mois pour les nouveaux cas a compromis les régimes de retraitement. Cette faiblesse de l’algorithme appelait à des modifications plus radicales, en l’occurrence, l’introduction d’un régime de 6 mois pour les nouveaux cas. L’argument contre l’adoption du régime de 6 mois est que, alors qu’un bon programme peut utiliser en toute sécurité un régime de 6 mois, un programme médiocre devrait encore se baser sur un traitement de 8 mois. A cet égard, il n’existe pas d’accord entre tous les experts, ce qui n’est pas surprenant vu la complexité du problème. Evaluation de l’amélioration au cours du traitement L’amélioration au cours du traitement est évaluée par l’examen microscopique des crachats (Tableau 5).58,61,86,87 Le moment des examens de crachats dépend de la stratégie de prise en charge des cas et dès lors du régime de traitement. Beaucoup de problèmes difficiles surgissent lors des tentatives de fixation des mesures de résultats pour l’évaluation de routine : les problèmes des très rares bacilles et des bacilles non viables ainsi que les résultats faussement positifs de laboratoire pour la détection des échecs du traitement ; les causes d’échec (bactériologiques vs. non-adhésion) ; le problème de l’échec vs. la rechute ; et le problème de la réactivation endogène vs. la réinfection. La vision des cliniciens est parfois en conflit avec celle des bactériologistes. A la base de tout, les définitions doivent être au service de l’objectif d’évaluation. Les définitions des cas et du résultat apparaissent au Tableau 6.1,3,5,40,58,88–90 Stratégies de suivi des cas Quelles que soient les limitations des définitions, le problème central consiste à garantir un traitement régulier et complet ; c’est un facteur déterminant du résultat. Un traitement irrégulier prédit l’abandon et va de pair avec l’échec du traitement, la résistance aux médicaments et la rechute. Ces possibilités justifient la supervision du traitement. On est bien d’accord sur le fait que des travailleurs de santé entraînés devraient superviser le traitement, ce qui exige des services de santé bien organisés et munis d’un personnel complet. Le traitement supervisé peut être ou non directement observé, et lorsqu’il l’est, ce peut être sur une base ambulatoire ou à l’hôpital par le superviseur du traitement ou par quelqu’un d’autre, par exemple Le modèle de Styblo 11 Tableau 5 Evaluation des patients en cours du traitement antituberculeux dans le modèle de Styblo Sujet Choix de la technologie Quand et pourquoi examiner les crachats au cours du traitement ? Recommandations et justifications Commentaires La modèle de Styblo a utilisé l’examen microscopique des crachats et non la culture ou la radiographie parce que l’examen bactériologique est plus fiable que la radiographie et que le temps de résponse plus court de l’examen microscopique des crachats ainsi que l’accessibilité plus grande des services sont en faveur de l’examen microscopique direct par rapport à la culture. Dans le modèle, l’objectif est double. Premièrement, l’examen vise à renforcer le régime pour les nouveaux cas à frottis positif en identifiant les patients susceptibles de bénéficier d’une modification précoce du régime, c’est-à-dire d’une prolongation de la phase intensive. De tels patients sont détectés par l’examen des crachats à 2 mois lors du traitement des nouveaux cas et sont renseignés comme négativation tardive. Deuxièmement, l’examen vise à identifier les patients qui pourraient bénéficier d’une modification tardive du traitement. Ces cas sont signalés comme échec du traitement et sont détectés après 5 mois de traitement au plus tard et enrôlés dans un régime de retraitement. Les bacilles non-viables (morts) et les résultats très faiblement positifs posent des problèmes. L’examen microscopique des frottis de crachats ne peut pas faire la distinction entre les bacilles vivants et mots. Ceci réduit son utilité pour le suivi du traitement. Toutefois, l’examen microscopique direct reste recommandé dans cet objectif car il est la seule alternative disponible.58 Combien d’échantillons lors de chaque contrôle et pourquoi ? On examine à chaque contrôle un échantillon du petit matin. Lorsqu’un échantillon du matin est prélevé, un second frottis pourrait ne pas y ajouter grand-chose. Si d’autre part, l’échantillon est un échantillon sur place, beaucoup de cas positifs (particulièrement les très faiblement positifs) peuvent échapper si l’on n’examine qu’un seul échantillon. On peut discuter des avantages ou des inconvénients de cette option. Interprétation des résultats de l’examen microscopique des crachats au cours du traitement Pour l’évaluation comme échec du traitement, on exigeait des échantillons positifs à répétition et on considérait que les résultats très faiblement positifs ne permettaient pas de conclusion. Néanmoins certains surcroîts de traitements liés à l’examen microscopique des crachats pouvaient en résulter. Il peut être utile d’envisager la tendance du degré de positivité chez un patient individuel au cours du traitement.87 En cas de doute, il est de bonne pratique de référer les patients aux agents médicaux et d’étudier lorsque c’est possible la résistance aux médicaments dans les échecs de traitement. En cas d’un régime de traitement différent, la stratégie doit être évaluée de manière critique en gardant à l’esprit la prise en charge des cas. En plus de ceci, une simplification raisonnable proposée est de ne pratiquer le suivi de laboratoire que lorsque le décours clinique du patient n’est pas satisfaisant. Toutefois, un tel protocole semble exiger des connaissances cliniques relativement importantes chez ceux qui soignent des patients TB. Dans beaucoup de contextes, c’est le personnel paramédical qui est responsable du processus et dès lors, il pourrait être plus sûr de maintenir la standardisation. On plaide toutefois pour une certaine flexibilité lorsque les patients ne sont pas capables de produire spontanément de bons échantillons de crachats vers la fin du traitement. Ce problème a été discuté. Dans le contexte des essais cliniques où l’on examinait deux échantillons de crachats du petit matin au deuxième et au cinquième mois du traitement, certains sujets n’étaient positifs que lors du premier échantillon et d’autres que lors du deuxième.86 La stratégie consistant à ne prélever qu’un seul échantillon peut être interprétée comme la recherche de sujets dont les frottis sont régulièrement positifs. Les implications pratiques de cette donnée pourraient avoir été insuffisamment étudiées. De manière générale, les résultats très faiblement positifs sont considérés comme douteux et ne permettant pas de conclusion.61 La plupart des experts prétendent que le critère de positivité d’un frottis au cours du traitement devrait être strict en raison de la présence de bacilles non-viables et des conséquences sérieuses d’un classement comme échec de traitement. En 2005, le personnel technique de la Division TB de L’Union a proposé d’appliquer une limite de positivité plus élevée pour l’étiquetage comme positif d’un frottis de suivi que pour un frottis de diagnostic : au moins positif 1+ (c’est-à-dire pas très faiblement positif).58 TB = tuberculose. un autre agent de santé ou une personne non qualifiée. Dans le modèle, le traitement directement observé (TDO) est sous la responsabilité du personnel de santé. Lorsque des personnes non qualifiées sont impliquées, les problèmes surgissent en matière de confidentialité, de responsabilisation, de rémunération et de pérennité. Lorsque les membres de la famille sont impliqués, il faut alors parler de préférence de traitement à domicile, une forme de traitement auto-administré (SAT). Une explication des divergences d’opinions au sujet du TDO est que la stratégie n’est pas facilement standardisée et est fréquemment mal définie. En ce qui concerne les autres stratégies de promotion de l’adhésion thérapeutique, les incitatifs peuvent être utiles, mais ils sont difficiles à manier et peuvent ne pas être appropriés dans les pays à faibles revenus. Les études sur l’utilité de la recherche des patients en retard et de l’éducation à la santé ne permettent pas de tirer de conclusion. Les stratégies promotionnelles de l’adhésion sont décrites au Tableau 7.91–96 Le TDO n’est pas nécessairement supérieur au SAT, et peut donner des résultats tantôt meilleurs, tantôt plus mauvais. Il est vraisemblable que l’importance des problèmes liés à l’auto-administration dépend du contexte. Les résultats des études ne sont pas facilement généralisables car les facteurs économiques, sociaux et géographiques les influencent. Dans une zone où les résultats sont bons au moyen du SAT, le TDO semble moins susceptible d’améliorer les performances du programme. Toutefois, une bonne situation peut se transformer, ce qui justifie le suivi continu des résultats du traitement dans les PNT. Comme pour d’autres stratégies de promotion de l’adhésion thérapeutique, deux problèmes doivent être envisagés en ce qui concerne le TDO. Doit-il ou non être universel (c’est-à-dire concerner tous les patients) Tableau 6 Définitions des cas et catégories de résultats dans les programmes TB Sujet Justifications Définitions des cas Pour faciliter la surveillance, la prise en charge des cas et l’évaluation, il convient de standardiser les définitions des cas et l’analyse des résultats au niveau national et même au niveau international. L’évaluation du résultat dans les programmes TB est réalisée avec un objectif opérationnel. Son but principal n’est pas la recherche clinique ou épidémiologique mais plutôt l’amélioration de l’organisation des services et l’identification des problèmes en vue d’une étude ultérieure. Cas à frottis positifs des crachats Les implications de santé publique des tuberculoses pulmonaires à frottis positif l’emportent sur n’importe quelle autre définition de cas puisqu’il s’agit d’une priorité pour la déclaration et la prise en charge des cas. Des études cliniques ont suggéré que la résistance aux médicaments n’apparaissait habituellement qu’après le premier mois de traitement chez les patients dont les germes étaient initialement sensibles.88 Le modèle de Styblo a défini un nouveau cas comme un patient n’ayant jamais été traité antérieurement ou dont le traitement par médicaments antituberculeux avait duré moins d’un mois.5 Le modèle définit la rechute comme un patient atteint de TB pulmonaire à frottis positif qui a été traité antérieurement pour une TB active et a été déclaré guéri après achèvement d’une cure de chimiothérapie antituberculeuse.5 En raison de cette définition, la rechute peut être la conséquence d’une réactivation endogène de la maladie ou d’une réinfection exogène. Le modèle a défini la guérison comme achèvement du traitement et résultats négatifs des frottis à au moins deux occasions dans la phase de continuation (ceci a été allégé vers un frottis négatif des crachats lors du dernier mois de traitement et au moins à une occasion précédente).1 La définition du modèle était l’achèvement du traitement, mais aucun ou seulement un résultat négatif des frottis, et plus tard, un patient ayant achevé le traitement mais qui ne répond pas aux critères de classification comme guérison ou comme échec.1 Nouveaux cas Rechute Guérison Achèvement du traitement Echec du traitement L’examen des crachats au 6ème mois d’une chimiothérapie régulière permet de classer les patients en deux groupes : ceux répondant au traitement et susceptibles d’être guéris grâce à la prolongation du traitement et ceux qui n’ont pas répondu la plupart du temps en raison d’une résistance bactérienne, chez lesquels la prolongation du même régime n’est pas susceptible d’entraîner une guérison.40 Cette observation est à la base de la définition d’échec dans les régimes de 12 mois et a été apparemment transférée aux régimes plus courts. Le modèle exigeait une confirmation d’un frottis positif à 5 mois (ou en fin de traitement) au moins 2 semaines plus tard et si possible une culture positive.5 Le traitement n’était considéré comme un échec qu’en présence de deux échantillons positifs.3 Abandon du traitement Dans un essai d’adhésion en Inde (dans les années 1970), un abandon a été défini comme un patient qui n’était pas revenu dans les 2 mois après le dernier rendez-vous manqué.89 La justification de cette limite n’a pas été documentée et a probablement été arbitraire, mais 2 mois laisse au patient suffisamment de temps pour revenir de sa propre initiative ou pour être recherché par le service. Dans le modèle de Styblo, la définition concernait ceux qui avaient abandonné pendant plus de 3 mois après le début du traitement.1 Le décès est enregistré lorsque le patient est sous traitement quelle que soit la cause de la mort. Cette pratique remonte à 1964.90 La cause exacte du décès n’est pas toujours connue. Le décès en cours de traitement s’est avéré en association avec un diagnostic tardif, un âge avancé, le VIH/SIDA et d’autres maladies concomitantes. Décès Commentaires Les définitions de cas dépendent des tests et des procédures de diagnostic qui peuvent varier entre pays et se modifier lorsque de nouveaux tests de diagnostic sont introduits. Si les définitions de cas sont liées au traitement, le problème peut encore être plus complexe (par exemple, résistance aux médicaments, régimes de traitement). Les définitions de résultat utilisées dans les programmes TB sont différentes de celles utilisées dans les essais cliniques. Ceci est logique car leurs objectifs sont différents. De manière générale, cet argument vaut toujours. Dans le modèle, la définition se rapportait à des échantillons de crachats expectorés spontanément et à des échantillons non-traités. Dans les programmes de collaboration, les cas traités antérieurement étaient susceptibles d’être résistants à l’INH et/ou à la SM. Avec un régime de traitement plus puissant pour les nouveaux cas, et particulièrement avec les régimes de 6 mois à 4 médicaments dans la phase intensive et avec la RMP d’un bout à l’autre, une telle résistance aux médicaments est un problème beaucoup moins important. Dans l’ancien système de classification (années 1960), les patients n’étaient éligibles pour une définition de rechute que s’ils avaient connu une certaine période sans maladie. Le modèle n’utilise pas cette évolution dans le temps. La collecte et l’interprétation de ce type de données sont considérées comme du domaine de la recherche opérationnelle plutôt que de la surveillance. Il est difficile de définir la guérison de manière satisfaisante. Il pourrait être préférable d’écarter complètement ce terme (puisqu’il n’a pas beaucoup de poids sur la prise en charge clinique), puisqu’il fait double emploi avec la définition d’un traitement adéquat. On n’avait pas précisé si un traitement complet devait s’entendre en mois de calendrier ou en nombre de doses ou en proportion des doses prescrites (par exemple 80%). Les pratiques n’étaient pas les mêmes dans les différents programmes. Les implications de ce fait peuvent avoir été insuffisamment étudiées. Les précautions de Styblo peuvent être comprises à la lumière du fait que les observations des essais cliniques avaient montré que des cultures positives isolées n’étaient pas en association avec des résultats défavorables, que les frottis positifs ne pouvaient pas toujours être confirmés par la culture et qu’enfin, des erreurs de laboratoire pouvaient survenir. En 2005, le personnel technique de la Division TB de L’Union est tombé d’accord sur le fait qu’une définition d’échec reposant sur l’examen d’un frottis de crachats à 5 mois pouvait ne pas être fiable, particulièrement chez les patients dont les charges bacillaires initiales étaient élevées et lorsqu’un examen microscopique soigneux détectait un petit nombre de bacilles.58 Dès lors, on continue à exiger deux frottis positifs pour déclarer un cas comme échec et à considérer que les résultats très faiblement positifs ne permettent pas de conclure. Dans l’édition 1994 du Guide de L’Union, la définition d’un abandon a été modifiée ; elle est devenue : un patient qui n’est pas venu chercher ses médicaments pendant plus de 2 mois après la date de la dernière visite.1 La définition se rapporte à une période consécutive d’absence quelle que soit la quantité de traitement perdue. Il existe également une limite : quelle est la durée de temps permise par épisode donné de traitement dans le cas de périodes plus courtes mais répétées d’absence. Lorsque les décès, quelle que soit leur cause, sont enregistrés, ils peuvent être exclus d’analyses comparatives entre sites où les causes de décès sont différentes. L’information concernant les décès sont notoirement imprécises dans beaucoup de pays et cette limitation devrait être gardée à l’esprit lorsque l’on interprète les résultats d’une évaluation de cohorte. TB = tuberculose ; INH = isoniazide ; SM = streptomycine ; RMP = rifampicine ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; SIDA = syndrome d’immunodéficience humaine acquise. Le modèle de Styblo ou ciblé (c’est-à-dire pour quelques patients seulement) ; le problème de l’identification des critères de sélection se pose d’autre part (par exemple, frottis de crachat positif, retraitement, non-adhésion effective ou simple risque de non-adhésion). De plus, l’ensemble des doses ou seulement certaines d’entre elles doivent-elles être directement observées, et le TDO doitil être poursuivi pendant la totalité du traitement ou seulement au cours de la phase intensive? Le modèle a adopté une approche ciblée (Tableau 7). Au cours des années 1990, le problème de la stratégie du TDO universel ou ciblé a été débattu aux Etats-Unis. Un aspect intéressant du débat concernait le financement fédéral.97 On a argué que si le financement du traitement était lié à une stratégie spécifique, il était probable que tout le monde la choisirait, quels que soient les taux d’achèvement du traitement. La question qui se pose alors est de savoir si les fonds sont dépensés ou non avec sagesse. Lorsque le financement ou les subventions sont conditionnés à l’adoption d’une certaine stratégie—qu’il s’agisse de la réforme du secteur de santé, des partenariats public-privé, du TDO, du DOTS ou du DOTS-Plus—la stratégie sera adoptée. Mais la mise en œuvre d’une stratégie, qu’elle soit adoptée officiellement ou non, constitue une autre question. Au total, le financement lié à des stratégies particulières ne constitue pas nécessairement un test décisif de l’efficience ou du caractère approprié de cette stratégie. Le scénario dans lequel les fonds sont liés à certaines stratégies peut toutefois influencer le débat au sujet de ces stratégies. Le SAT est la stratégie la moins exigeante, tant pour le patient que pour le pourvoyeur de soins, et devrait être utilisé autant que possible. Ceci a été un des arguments pour les recommandations de traitement du modèle de Styblo. Avec l’expansion de la stratégie DOTS et des régimes de 6 mois, une pression s’est manifestée vers l’application d’un TDO universel généralisé. Les programmes ont alors développé des stratégies où la tâche du TDO était déléguée à des personnes non qualifiées et on a même considéré le traitement à domicile comme un « TDO familial ». On peut prétendre que cette suite d’événements est une manière de réagir et que, quelle que soit l’adaptation réalisée, il faut toujours l’appeler TDO. Un certain nombre d’études ont montré une faible adhésion aux principes du TDO universel.98–100 Historiquement des déviations du TDO se sont toujours produites ; à l’avenir, il est probable qu’il en sera encore ainsi. Toutefois, il faut se rappeler que le TDO n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen d’arriver à une guérison rapide et permanente de la TB sans risque de résistance acquise aux médicaments ou de rechute. Evaluation des programmes Comme le nombre réel de cas dans une collectivité n’est pas connu, il n’est pas facile de mesurer les réali- 13 sations en matière de dépistage. Par contre, le résultat du traitement peut être mesuré et se prête à des objectifs chiffrés. Le taux de succès s’applique aux conditions de routine et reflète le potentiel d’impact, pour autant que tous les cas soient inclus. Donc, un objectif chiffré de guérison aurait eu du sens dans les programmes initiaux où il était raisonnable de supposer que le système captait l’ensemble des efforts de dépistage et de traitement. Toutefois, on n’a pas fixé d’objectif précis, bien que la direction générale ait été bien claire : cette intervention était discutable sauf si elle obtenait des succès raisonnables. La cible a donc été, pour cette raison, la guérison des patients et l’étude du sort des patients qui n’étaient pas arrivés à la guérison, la raison de cet échec et ce qu’il y a lieu d’en faire. Styblo a encouragé des réflexions sur l’impact du programme d’un point de vue large ainsi que du point de vue du patient individuel. Quand un programme est en place, quelle est la fraction de la transmission globale en cours dans la collectivité qui est due respectivement à de nouveaux cas, aux rechutes, aux abandons ou aux échecs du traitement? Ceci concerne la structure et la couverture du service de santé et les performances du programme. C’est un problème central et s’il peut être élucidé dans n’importe quel contexte, il pourrait avoir d’importantes implications pour l’amélioration des activités du programme. De telles réflexions permettent aux responsables de proposer des mesures de lutte. Vu ses réalités spécifiques, idéalement, chaque programme peut fixer ses propres cibles. C’est essentiellement le souci de la résistance aux médicaments qui a conduit Styblo à insister sur les déclarations en routine des résultats du traitement. Une méthode plus avancée de surveillance—mais qui n’est pas nécessaire ou réalisable de façon générale—est le suivi des tendances de la résistance aux médicaments. On a toutefois prétendu récemment que la prévalence de la résistance aux médicaments peut également être utilisée pour suivre la caractère approprié de la stratégie de traitement70,101 (Tableau 8).5,47,58,70,90,102–104 SYSTÈMES DE SOUTIEN OPÉRATIONNEL L’élaboration et le maintien de systèmes de soutien opérationnel (c’est-à-dire une structure de services et un système de référence, la surveillance, la prise en charge matérielle et le contrôle de qualité) ont constitué les éléments-clé pour le succès de la mise en œuvre des programmes de collaboration. Ces systèmes sont passés en revue en détail dans un autre travail.1 ÉLABORATION DE LA POLITIQUE Lorsque l’on a obtenu de bons résultats, il y a lieu alors de reformuler un programme basé sur les caractéristiques locales, les performances et les adaptations en fonction des circonstances. Les recommandations du traitement peuvent être modifiées, par 14 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 7 Stratégies de promotion de l’adhésion dans les programmes TB : problèmes, faits établis et débats Stratégies générales de la promotion de l’adhésion Les facteurs liés aux services de santé et aux systèmes—comme l’organisation, l’accessibilité, les systèmes de référence, les logistiques (par exemple la fourniture de médicaments) et les systèmes de contrôle de qualité—sont importants pour l’adhésion thérapeutique et sont fréquemment les responsables principaux des taux élevés d’abandon. Il est difficile d’étudier l’effet de n’importe laquelle des stratégies promouvant l’adhésion citées ci-dessous tant que l’on n’a pas examiné ces facteurs. Stratégies spécifiques de promotion de l’adhésion Toutes les stratégies spécifiques de promotion de l’adhésion peuvent être appliquées de manière universelle (pour tous les patients) ou d’une manière ciblée (seulement pour des patients sélectionnés). L’objectif du traitement antituberculeux est de guérir sans rechute ou sans développement d’une résistance aux médicaments (et non l’adhésion pour l’adhésion en elle-même). Par voie de conséquence, les mesures correctes de résultats lors de l’étude des stratégies de promotion de l’adhésion sont les rechutes, les échecs du traitement et le développement de la résistance aux médicaments. Comme ces mesures de résultats sont difficiles à évaluer dans la plupart des contextes, des mesures de suppléance sont fréquemment utilisées (par exemple achèvement du traitement et négativation des frottis). Les stratégies de promotion de l’adhésion et en particulier le TDO sont difficiles à étudier de manière scientifique et ne se prêtent pas facilement par elles-mêmes à l’évaluation lors des essais contrôlés randomisés. La méthode d’évaluation opérationnelle la plus réaliste consiste en une analyse de cohorte des résultats du traitement. TDO L’interprétation la plus stricte de cette stratégie est l’observation directe de la déglutition des comprimés. Les opinions sont variées au sujet de la stratégie TDO. Les critiques prétendent qu’il s’agit d’une méthode autoritaire aliénant les patients et susceptible de réduire leur responsabilité dans leur autoprise en charge. D’autres la considèrent comme une stratégie de soins qui situe correctement la responsabilité du traitement auprès du pourvoyeur de soins. Une étude en Afrique du Sud a montré que le traitement supervisé était interprété par les patients comme un manque de confiance.91 Au contraire, les interviews avec des patients du Vietnam ont trouvé que la plupart des patients considéraient le suivi quotidien comme un signe de professionnalisme et de soins.92 Une revue Cochrane a conclu en 2006 qu’il n’y avait pas de preuve et dès lors pas de raison fondée de préconiser l’utilisation en routine du TDO pour améliorer les taux de guérison tant qu’on ne comprenait pas mieux les situations dans lesquelles elle pourrait être bénéfique.93 Les revues systématiques comparant le TDO avec le traitement auto-administré et comparant différentes méthodes de DOTS ignorent largement la complexité de la matière et le problème du contexte lorsqu’elles rassemblent des résultats provenant de programmes et de contextes évidemment non comparables. TDO généralisé Certains arguments en faveur du TDO généralisé reposent sur la notion que la non-adhésion est difficile à prévenir sans prendre en compte le fait que certaines non-adhésions ont une importance en matière de résultat du traitement et d’autres non. D’autres argumentent qu’échouer à traiter même un seul cas de TB peut produire des mini-épidémies. Toutefois, de tels échecs peuvent survenir en dépit d’une stratégie de TDO généralisée. En 1986, on a mis en œuvre une stratégie de TDO généralisé dans le County de Tarrant au Texas où une stratégie ciblée avait été utilisée antérieurement. Une évaluation réalisée en 1994 a signalé une diminution de la résistance aux médicaments et des rechutes.94 En 1999, une évaluation économique a signalé que les coûts avaient eux aussi décru par suite d’une durée plus courte du traitement, d’un nombre moindre d’hospitalisations et de séjours hospitaliers plus courts.95 On a conclu que dans ce contexte, le TDO généralisé était plus efficient et moins coûteux qu’une stratégie sélective. Choix des observateurs du traitement On a donné la responsabilité d’observateurs du traitement à diverses catégories de personnel de santé dans divers contextes—infirmières, aide-infirmières, assistants médicaux, sage-femmes et agents de santé de la collectivité ou du village. Les études opérationnelles et les expériences du terrain ont soulevé des problèmes concernant le caractère approprié de la décentralisation du TDO, la supervision du programme et la formation et les conditions de travail du personnel de santé. Les agents de santé surchargés de travail et médiocrement rémunérés peuvent ne pas être motivés ni disposés à prendre la responsabilité du TDO. En dépit de l’enthousiasme généralisé en faveur de l’implication de personnes non qualifiées et de volontaires et en dépit des diverses expériences, il est difficile de trouver des preuves convaincantes que de telles stratégies soient judicieuses ou utiles à long terme. Des observations dans divers contextes suggèrent que de telles stratégies sont inappropriées ou que les services des personnes non qualifiées ou des volontaires (autres que les membres de la famille) sont rejetés par les patients. On a suggéré également que les volontaires en arrivent à être surchargés parce que divers programmes s’attendent à ce qu’ils prennent la responsabilité des tâches revenant aux services de santé. Incitatifs et remboursements Il y a lieu de se poser beaucoup de questions lorsque l’on met en œuvre des programmes d’incitation : Qui devrait payer ? Comment faudrait-il conduire le programme ? Est-il soutenable à long terme ? Les incitatifs devraient-ils être généralisés ou devraient-ils uniquement cibler des groupes sélectionnés de patients ? Y a t-il des effets défavorables potentiels ? Beaucoup d’études ont impliqué des populations marginalisées dans les cités de pays riches et dès lors, les résultats ne sont pas applicables dans les pays à faibles revenus. Acheter l’adhésion peut avoir des conséquences négatives à long terme lorsqu’elle devient financièrement impossible à maintenir, difficile à prendre en charge ou l’objet continuel d’exploitation ou de négociation.96 TDO ciblé Ceux qui plaident pour le ciblage du TDO suggèrent qu’un programme devrait se focaliser sur les abandons et les patients nécessitant un soutien, en utilisant les facteurs de risque de résultats défavorables avant ou au cours du traitement pour sélectionner les patients en vue du TDO. Le modèle de Styblo a recommandé une approche ciblée pour prescrire le TDO aux nouveaux patients à frottis positif des crachats au cours des 2 premiers mois du traitement (au moment où la charge bacillaire est élevée), ainsi qu’aux négativations tardives (frottis positif à 2 mois) ainsi qu’aux cas traités antérieurement (tout au long du retraitement). (suite ) Le modèle de Styblo Tableau 7 (Suite ) Education pour la santé L’effet de l’éducation pour la santé est difficile à étudier en pratique clinique. A-t-on pris des mesures d’éducation ? Ces mesures ont-elles été enregistrées (c’est-à-dire existe-t-il une source des données) ? Le patient a-t-il compris l’information ? A-t-elle été efficace (c’est-à-dire a-t-elle entraîné le comportement souhaité du patient) ? De manière générale, les preuves d’efficacité de l’éducation du patient pour renforcer l’adhésion ne sont pas cohérentes et cette observation est confirmée par les expériences et les études dans le domaine de la TB. Il est clair que la maîtrise des connaissances réelles au sujet d’une maladie n’est pas nécessaire à l’adhésion et qu’il est possible d’augmenter les connaissances concernant une maladie déterminée et son traitement sans améliorer pour autant l’adhésion. Recherche des patients en retard Les questions à envisager au sujet de la recherche des patients en retard sont les suivantes : faut-il utiliser une stratégie généralisée ou ciblée ? (par exemple, se contenter de rechercher les cas à frottis positif des crachats ou seulement les cas dans la phase intensive), à quel moment la stratégie de recherche doitelle être mise en route dans les cas ne se présentant pas ? Quelles actions faut-il entreprendre ? Quand faut-il abandonner les efforts ? Les études des stratégies de recherche comportent idéalement la comparaison avec un scénario sans action de recherche (la stratégie la moins exigeante). Le taux de récupération peut dépendre du seuil de mise en route de l’action de récupération. Le gain potentiel (mesuré sous forme d’amélioration du taux de succès du traitement) dépend de la non-adhésion et des taux de récupération ainsi que du taux d’achèvement du traitement chez les patients récupérés.1 Lorsqu’il existe un gain potentiel important provenant de la recherche du patient, le problème sous-jacent pourrait être lié à l’organisation des services. La recherche des patients en retard n’est pas susceptible de résoudre un tel problème. TB = tuberculose ; TDO = traitement directement observé. 15 exemple, vers un régime plus efficient et/ou vers un relâchement de la politique de TDO. Comment cela doit-il être mené? On peut imaginer un processus progressif : à partir de régimes sans RMP dans la phase de continuation (le modèle) vers des régimes utilisant la RMP d’un bout à l’autre dans des cas sélectionnés, et même vers l’utilisation universelle d’un régime contenant la RMP d’un bout à l’autre (à noter que cette modification exige la révision du régime de retraitement). Un scénario similaire pourrait être le suivant : on part de l’utilisation du TDO dans tous les cas à frottis positif (le modèle) vers son utilisation dans des cas sélectionnés et éventuellement même vers l’abandon du TDO. Toutefois, en se basant sur l’expérience des pays riches, il est peu vraisemblable qu’un tel stade puisse être atteint, car lorsque la prévalence de la TB diminue, les caractéristiques des patients qui souffrent de la maladie tendent à se modifier de telle façon qu’ils nécessitent des encouragements plus intensifs et un fort soutien pour adhérer au traitement. On peut considérer que l’introduction de régimes de 6 mois ne comporte aucun risque que si les performances du programme sont bonnes. Alors seulement les avantages de tels régimes—taux plus faibles d’échecs et de rechutes—peuvent être réalisés sans risque potentiel de résistance aux médicaments. De plus, on peut argumenter qu’il y a lieu de déconseiller l’utilisation d’INH-RMP au cours de la phase de continuation (particulièrement si elle est intermittente) dans Tableau 8 Suivi des résultats des programmes de traitement de la TB Méthode Analyse de cohorte en routine des résultats du traitement dans les cas à frottis positif Surveillance de la résistance aux médicaments Origine et justifications Le modèle de Styblo et les tendances actuelles Un article publié en 1964 a décrit une analyse de Dans les années 1980, Styblo a conçu une méthode résultats basée sur des expériences au Danemark simple de déclaration des résultats du traitement et où la déclaration de la TB était devenue obligatoire a démontré que l’évaluation en routine était en 1905.90 L’article a été à la base de l’analyse de possible même dans les pays à faibles revenus. Sa cohorte comme nous la connaissons aujourd’hui méthode a été adoptée par l’OMS et s’est répandue dans les programmes TB. La même année, un comme un pilier de la stratégie DOTS. En 1993, une Comité d’Experts sur la TB a recommandé que évaluation en routine a été modifiée dans le même l’analyse de cohorte des dossiers d’administration sens aux Etats-Unis lorsque l’information sur le des médicaments, couvrant des groupes complets résultat a été ajoutée au système national de de patients qui avaient commencé le traitement surveillance de la TB. Ceci a permis un meilleur pendant une période déterminée, devait constituer ciblage des services,103 et les revues de cohortes la méthode de base d’évaluation opérationnelle. introduites en 2004 ont constitué un élément-clé Une politique de suivi en routine de l’ensemble des pour améliorer la prise en charge des cas à Newdéclarations lors du diagnostic et à un moment situé York.104 En 2003, la Chine a fait le pas de rendre 1 an après a été mise en route en 1977 en Ecosse.102 obligatoire la déclaration de la TB,42 ce qui est un On a argumenté que les cliniciens pourraient même prérequis si les déclarations du résultat du mieux soigner leurs patients s’ils savaient qu’ils traitement doivent permettre d’évaluer la réponse avaient à déclarer les résultats du traitement. globale des services de santé dans un système de santé pluraliste. La surveillance de la résistance aux médicaments est En 2005, le personnel technique de la Division TB de une méthode plus complexe que l’on ne considère L’Union a insisté sur le fait que dans des conditions pas comme nécessaire en général ou réalisable de défavorables des augmentations rapides des manière uniforme. En 2001, des chercheurs au niveaux de résistance aux médicaments peuvent Bangladesh ont démontré que les études répétitives survenir, mais qu’elles apparaîtront en premier dans de la résistance aux médicaments découvrent des les souches isolées dans les cas de retraitement qui, tendances qui rendent possible l’évaluation des pour cette raison, devraient être la cible principale programmes en se basant sur les données de de la surveillance de la résistance aux médicaments.58 résistance aux médicaments, particulièrement Ce raisonnement fait l’écho à la manière initiale de lorsque l’on examine la résistance dans les cas penser de Styblo dans les années 1980.5 traités antérieurement.70 TB = tuberculose ; OMS = Organisation Mondiale de la Santé. 16 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease les contextes où les médicaments de deuxième ligne ne sont pas disponibles en routine pour les traitements après échec, particulièrement lorsque l’infection VIH est prévalente parmi les patients et lorsque la résistance à l’INH est fréquente.105 Les politiques techniques des programmes sont sélectionnées sur la base de priorités qui peuvent évoluer avec le temps et d’un endroit à l’autre. Styblo avait suggéré que dans la phase d’élimination, une stratégie de surveillance et d’endiguement remplace ou plutôt soit ajoutée à la stratégie de prise en charge des cas. Ceci constitue la clé de la lutte antituberculeuse dans beaucoup de pays riches où l’on insiste principalement sur la surveillance et l’examen des mini-épidémies. LA STRATÉGIE DOTS Le modèle de Styblo n’avait pas été élaboré en vue de la lutte mondiale contre la TB. Il a été élaboré dans un contexte spécifique de systèmes de santé uniformes et bien définis, même si dans une certaine mesure ils étaient médiocrement performants. Pratiquement tous les patients détectés sont inclus et décrits dans l’évaluation. Cette réalisation a souvent été avancée comme preuve qu’une prise en charge efficiente des cas pouvait être réalisée dans n’importe quelle situation, mais les contextes similaires partagés par les nations collaborant au modèle en question rendent cette notion discutable. Il s’agissait toujours de le tester dans des contextes différents, c’est à dire dans des circonstances où les profils épidémiologiques étaient différents (par exemple, la résistance aux médicaments), où le contexte des stratégies était différent et en particulier dans les systèmes de santé pluralistes. Certaines composantes du modèle sont clairement applicables de manière généralisée. D’autres composantes dépendent du contexte, par exemple les mécanismes de référence, les stratégies de recrutement et les recommandations de traitement. A proprement parler, un élément seulement doit être standardisé au niveau supranational, c’est la surveillance de base, puisque la TB est une maladie contagieuse significative au niveau international. Les discussions concernant la stratégie DOTS apparaissent au Tableau 9.78,106–119 PERTINENCE ACTUELLE DU MODÈLE Résistance aux médicaments Lorsqu’on envisage la résistance aux médicaments, deux problèmes se présentent : son impact sur la TB dans la collectivité et ses répercussions sur la politique de lutte. Certains préfèrent considérer séparément les épidémies de TB, de TB-MDR et de TBXDR. Alors qu’on ne discute pas du fait que des bacilles résistants aux médicaments peuvent être transmis d’une personne à l’autre, la notion d’épidémies séparées n’est pas dans la ligne du modèle de Styblo, qui insiste sur l’importance de considérer le tableau global et le contexte dans lequel apparaît en premier lieu la résistance aux médicaments. La résistance aux médicaments ne met pas en cause la justification du modèle, mais elle peut signifier que de nouveaux médicaments doivent être introduits pour remplacer ceux perdus à cause de la résistance. Les opinions varient au sujet d’autres modifications de programme proposées dans les régions où les niveaux de TB-MDR sont élevés comme la mise en œuvre en routine des cultures et des DST et le traitement individualisé plutôt que standardisé.101 Finalement, la prise en charge de la TB-MDR peut faire appel à des mesures qui sont du domaine des spécialistes plutôt que de celui des planificateurs. Cette opinion peut être interprétée comme situant la prise en charge des cas fortement résistants en dehors du PNT. Ceci est bien dans la ligne du modèle, qui n’inclut pas la prise en charge de tels cas dans les directives du programme. On discute de savoir si oui ou non des mesures spéciales s’imposent dans les pays où les niveaux de MDR sont élevés. La question qui se pose est l’identité du DOTS-Plus : est-ce un geste humanitaire, de la médecine clinique ou une stratégie de lutte? Lorsque la prévalence du VIH est élevée, des miniépidémies de TB résistantes aux médicaments peuvent facilement survenir. Quand cela a été le cas, les patients sont rapidement décédés, ce qui a limité les mini-épidémies. Dans de telles situations, on peut se demander si de nouveaux médicaments sont utiles. La situation peut évoluer trop rapidement pour que n’importe quel médicament soit largement utilisé. Lorsque le VIH n’est pas prévalent, l’évolution du problème de la MDR est différente : elle est plus lente et plus persistante, comme en Europe de l’Est. Dans de telles situations, le caractère rationnel de la réponse est probablement plus important que sa rapidité. Il est important de renforcer les PNT et d’introduire tout nouveau médicament de façon prudente afin de ne pas créer un plus grand nombre encore de souches résistantes. VIH Deux méthodes viennent à l’esprit lorsque l’on envisage la lutte contre la double épidémie TB-VIH, autrement que par la prévention de l’infection VIH. La prévention de la TB chez les personnes infectées par les deux germes, c’est-à-dire le traitement préventif à l’INH (TPI) ou le traitement antirétroviral (ART), et la prévention de la transmission en provenance de patients TB séropositifs pour le VIH (le modèle). Comme prédit par Styblo en 1990,120 une stratégie de prise en charge des cas ne prévient pas l’augmentation de la TB dans les zones fortement atteintes par le VIH lorsque la prévalence de l’infection tuberculeuse latente (LTBI) est élevée, car une telle stratégie ne prévient pas la transformation de la LTBI en TB ouverte, situation où le VIH est principalement en cause. Deux Le modèle de Styblo 17 Tableau 9 Débats autour de la stratégie DOTS Focalisation globale Avec la stratégie DOTS, l’OMS s’est concentrée sur la modification des pratiques cliniques, mais a négligé des facteurs de contexte, tels que les problèmes sociaux, politiques, organisationnels et financiers—facteurs qui peuvent limiter les avantages d’une amélioration de la prise en charge clinique.106 Le modèle DOTS a insisté sur les aspects curatifs des cas et sur la surveillance, mais a négligé certaines des fonctions-clé de santé publique (par exemple, la coordination, le contrôle de qualité et les systèmes de référence). Comparaisons La stratégie DOTS n’est pas uniforme. L’intervention dépend des mesures déjà en place. Même quand les programmes DOTS sont complètement en place, ils ne sont pas nécessairement identiques dans différents contextes ; ils peuvent différer en termes de structure, de stratégies de recrutement, de régimes de traitement et de supervision des traitements. Pour cette raison, les stratégies DOTS et non-DOTS ne sont pas clairement différenciées et il serait au mieux naïf de les traiter comme si elles l’étaient. Définitions des cas Le modèle DOTS a adopté différentes options pour un régime de base de traitement, y compris le régime de 6 mois avec RMP d’un bout à l’autre. Dans le modèle de Styblo, la définition d’un nouveau cas et la politique d’un régime de traitement différent pour les cas traités antérieurement ont été justifiées par le caractère relativement peu puissant du régime pour les nouveaux cas. Il semble dès lors que la stratégie de prise en charge des cas, sinon les définitions de cas, devraient être révisées lorsque le régime plus puissant de 6 mois est appliqué. De plus le profil de résistance aux médicaments s’est modifié au fil du temps. Algorithme de traitement La CCD, y compris le régime de 6 mois, était déjà utilisée dans beaucoup de pays lorsqu’on a introduit la stratégie DOTS ; par exemple, elle avait été utilisée depuis une décennie au Pérou. L’algorithme de traitement DOTS a fait l’objet de controverses et le Pérou est devenu le berceau du DOTS-Plus.107,108 En Russie et dans les pays de l’ancienne Union Soviétique où la résistance aux médicaments, y compris la MDR, était un problème grave, l’algorithme de traitement semblait encore plus inapproprié.109 Il a fallu environ une décennie pour que l’on reconnaisse l’erreur d’algorithme introduite par le régime de 6 mois. Le directives de 2003 de l’OMS ont établi que les nouveaux cas à frottis positif des crachats chez lesquels un régime de RMP d’un bout à l’autre avait échoué, étaient susceptibles d’être atteints de TB-MDR et nécessitaient un régime de retraitement différent.78 Les directives ont recommandé dans les cas d’échec que la DST soit réalisée, quand elle était possible, avant le début du retraitement. Régime de 6 mois L’utilisation d’un régime de 6 mois soulève des inquiétudes dans certains pays. L’exemple classique cité est celui de la Côte d’Ivoire.110 Une étude Thaï a suggéré que 7 cas sur 8 résistants soit à l’INH soit à la RMP devenaient MDR.111 Le niveau de cette proportion, dans différents contextes, dépendrait de la qualité du programme et l’importance du problème qu’il représenterait au niveau du programme dépendrait de la prévalence de la résistance initiale. Une étude au Vietnam où les taux de résistance à l’INH étaient élevés (25%) a signalé un risque accru de MDR dans les cas traités antérieurement dans les districts utilisant le régime de 6 mois par opposition à ceux où on employait un régime de 8 mois.112 Au Burundi, des doutes sont survenus récemment insistant sur l’urgence d’études longitudinales à entreprendre pour documenter l’efficience des programmes utilisant un régime de 6 mois.113 D’autre part, des exemples de programmes couronnés de succès utilisant les régimes de 6 mois existent eux aussi, par exemple au Botswana, un petit pays où les soins de santé sont bien développés mais qui est relativement riche par comparaison avec la plupart des nations africaines. Un PNT a été établi en 1975 et la RMP y a été introduite en 1986. En dépit d’une augmentation brutale des cas de TB à la suite de la pandémie VIH, les taux de résistance y restent bas.114 Résistance aux médicaments L’expansion enthousiaste de la stratégie DOTS peut avoir retardé des modifications de l’élaboration des politiques et de l’évaluation des programmes en ce qui concerne la résistance aux médicaments. Un régime différent de retraitement dans les programmes utilisant des régimes de 6 mois pour le traitement des nouveaux cas est en fait un DOTS-Plus, c’est-à-dire l’introduction de médicaments de deuxième ligne dans les recommandations du traitement. Donc, dans un certain sens, la stratégie DOTS est revenue à la situation initiale. A la période précédant la stratégie DOTS, les experts avaient en effet insisté sur le fait que le DST et les médicaments de deuxième ligne étaient les prérequis d’une stratégie utilisant les régimes de 6 mois pour les nouveaux cas. L’organisation Les programmes ou les projets DOTS étaient parfois des phénomènes isolés dans unsystème de soins de santé pluralistes. Ceci pose problème en ce qui concerne le caractère comparable des programmes, l’ajustement des risques et la sélection des patients. On a prétendu que les zones ou même les patients individuels du projet étaient sélectionnés de façon à maximiser les chances d’obtenir un succès lors de l’évaluation. Par exemple, on a signalé que la structure du projet et les stratégies de recrutement des patients en Chine et en Inde étaient controversées et ces pays sont devenus des exemples de contextes où la détection des cas était faible.115,116 Il a fallu à peu près une décennie pour reconnaître que la structure du service était importante, c’est-à-dire que la stratégie DOTS devrait pénétrer dans l’ensemble des divers systèmes de soins de santé qui diagnostiquent et traitent la TB.117 Cibles Les cibles de la lutte antituberculeuse adoptées par l’Assemblée Mondiale de la Santé en 1991 ont été fixées pour les programmes TB. Il est intéressant de considérer les implications qu’ont de telles cibles pour le soin des patients individuels. Un programme de santé publique où l’on insiste sur la qualité des soins, par exemple sur la guérison des patients, est idéalement à l’avantage du patient individuel. Ses effets potentiellement néfastes sont le fait d’exclure certains patients des soins ou de les discriminer d’une manière ou d’une autre. La meilleure façon d’arriver à la maîtrise de la TB est de se focaliser sur les soins. On n’atteindra aucun objectif—que ce soit la lutte, la maîtrise, l’élimination ou l’éradication—si l’ensemble des patients ne sont pas inclus et traités. La focalisation sur la réalisation des objectifs peut à présent être un obstacle à la lutte antituberculeuse à long terme. Définition des succès La mise en œuvre de la stratégie DOTS a été perçue comme visant au succès. Les zones de démonstration du DOTS ne reflètent pas toujours ce qui était susceptible d’arriver lorsque la mise en œuvre était complète, c’est-à-dire faisait appel à l’ensemble du système de soins de santé au niveau du pays, sans exclusion. La fixation d’un taux-cible de guérison peut avoir pour effet que l’on ignore tous les autres objectifs. Des chercheurs ont prétendu que les programmes DOTS rejetaient les patients qui n’étaient pas susceptibles d’adhérer au traitement et que le travail était orienté vers le succès du projet plutôt que vers la maîtrise de la TB.118,119 Surveillance Dans les stades ultérieurs de l’expansion du DOTS, on s’est préoccupé des faibles taux de détection des cas. Une explication d’un taux erronément faible de détection des cas pourrait être que l’on n’a pas inclus dans le numérateur la totalité des cas TB. Ceci se produit lorsque l’intervention repose sur des projets verticaux ou semi-verticaux sans veiller adéquatement à la coordination et aux références au sein d’un service de santé plus large. Ceci ne veut pas dire que de nouveaux indicateurs soient nécessaires pour suivre à la trace les programmes des systèmes de santé mélangeant le public et le privé, mais plutôt qu’un système de déclaration obligatoire de la TB est nécessaire. La création d’un système national de surveillance est la clé du suivi du décours de la TB. OMS = Organisation Mondiale de la Santé ; RMP = rifampicine ; CCD = chimiothérapie de courte durée ; MDR = multirésistant ; DST = test de sensibilité des médicaments ; INH = isoniazide ; TB = tuberculose ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine. 18 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease types de modification de politique ont été suggérés dans le nouveau scénario : premièrement, le TPI chez les sujets séropositifs pour le VIH pour prévenir la progression de la LTBI vers une TB ouverte—un des défis de cette stratégie comporte le recrutement des candidats au TPI ; et deuxièmement, l’expansion des programmes ART aux personnes séropositives pour le VIH afin de prévenir l’immunodépression. Ces deux stratégies peuvent être considérées comme compétitives, car il peut ne pas être réaliste, ou même nécessaire, de les mettre toutes les deux en œuvre. S’il est vrai qu’en cas d’utilisation couronnée de succès du TPI, celle-ci renforcerait la lutte antituberculeuse au long terme, son potentiel complémentaire de réduction de la transmission dans les pays à haute prévalence est d’une moindre importance et manifeste ses effets plus tard que ceux de la prise en charge des cas. En 2004, un des nombreux exercices de modélisation mathématique a conclu que l’impact du TPI sur les taux da cas de TB en Afrique subsaharienne est susceptible d’être faible et comparativement moins important lorsque le degré de contagion est élevé et plus important lorsque la TB a été largement maîtrisée.121 Ceci nous ramène à l’argumentation de Styblo. De plus, la faisabilité de la mise en œuvre des programmes du TPI reste à prouver. L’ART, lorsqu’il est administré précocement dans le décours de l’infection VIH, peut avoir plus de sens que le TPI, car il s’attaque plus directement aux souffrances des personnes séropositives pour le VIH. Certaines études suggèrent qu’il est susceptible de réduire l’incidence de la TB liée au VIH.122 On a également noté la possibilité d’introduction de sujets suspects de TB à frottis négatif non-atteints de TB dans les programmes ART.123 CONCLUSION Le modèle de Styblo a comporté une approche raisonnable du problème de l’intégration au sein des services généraux de santé, a déplacé l’intérêt vers le résultat des activités de lutte antituberculeuse et a présenté des stratégies opérationnelles détaillées et cohérentes. De plus, le modèle a encouragé une focalisation sur la santé publique, bien que cela n’ait été complètement intégré que récemment au niveau mondial. Certains professionnels de la santé soutiennent que ce modèle est trop exigeant et trop compliqué. Des simplifications raisonnables ont été proposées. D’autres insistent sur le fait que le modèle est trop simple et doit être plus sophistiqué. De manière générale, deux problèmes principaux existent au sujet de la stratégie DOTS. Premièrement, un modèle de prise en charge des cas ne prévient pas l’augmentation de l’incidence de la TB dans les contextes à haute prévalence de VIH. Deuxièmement, la stratégie DOTS—ou plutôt la façon dont elle est appliquée—n’a pas répondu aux attentes au sein des systèmes de santé plu- ralistes. Il n’y a pas de solution évidente au premier problème. Le deuxième semble exiger plus d’implications politiques, ou plutôt une implication politique différente, ainsi que des modifications dans l’application de la stratégie DOTS, en portant plus d’attention à l’inclusion et à la coordination des pourvoyeurs de soins venant des différents services et aux fonctions de règlement et de contrôle de qualité, c’est-à-dire au renforcement de la médecine de santé publique. Finalement, il semble raisonnable de prétendre qu’au lieu de recourir à une stratégie unique mondiale, les programmes locaux devraient tenir compte des caractéristiques épidémiologiques-clé comme la prévalence de la TB, la résistance aux médicaments et le VIH, ainsi que des structures et ressources des systèmes et services de santé, et présenter leurs propres stratégies. Ceci est un écho à la pensée prévalente au début du modèle de Styblo. Remerciement L’auteur remercie J H Layden pour ses avis sur l’édition. Références 1 Arnadottir T. Tuberculosis and public health: policy and principles in tuberculosis control. Paris, France: International Union Against Tuberculosis and Lung Disease, 2009. 2 Walsh J A, Warren K S. Selective primary health care. An interim strategy for disease control in developing countries. N Engl J Med 1979; 301: 967–974. 3 International Union Against Tuberculosis. Tanzania National Tuberculosis Programme. 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