Biologie systémique et intégrative pour l`amélioration de l

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THÈSE
En vue de l'obtention du
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
Délivré par
L’institut National des Sciences appliquées de Toulouse
Discipline ou spécialité : Ingénieries Microbienne et Enzymatique
Présentée et soutenue par Bérangère PORTELLI
Le 8 novembre 2011
Titre :
Biologie systémique et intégrative pour l’amélioration de
l’accumulation et de la sélectivité des acides gras
accumulés dans les espèces levuriennes.
JURY
M. LARROCHE C.
M. THONART P.
M. BOUSSAID A.
Mme BLONDEAU K.
Mr ALLOUCHE Y.
Mme. JOUVE-MOLINA C.
M. URIBELARREA J.-L.
Professeur Polytechnique, Clermont-Ferrand
Professeur AgroBiotech, Liège
Professeur Univ. Cadi Ayyad, Marrakech
Maître de conférence Paris-Sud, Orsay
Ingénieur Airbus, Toulouse
Professeur INSA, Toulouse
Professeur INSA, Toulouse
Rapporteur
Rapporteur
Rapporteur
Examinatrice
Examinateur
Directrice de thèse
Directeur de thèse
Ecole doctorale : Sciences Ecologiques, Vétérinaires, Agronomiques et Bioingénieries (SEVAB)
Unité de recherche : Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés (LISBP)
UMR 5504 CNRS, UMR 792 INRA, INSA 135 avenue de Rangueil, 31077 Toulouse cedex
Directeur(s) de Thèse : Pr. Jean-Louis Uribelarrea et Pr. Carole Molina-Jouve
Rapporteurs : Pr. Christian Larroche, Pr. Philippe Thonart, Pr. Abdellatif Boussaid
Nom : PORTELLI
Prénom : Bérangère
Titre : Biologie systémique et intégrative pour l’amélioration de l’accumulation et de la
sélectivité des acides gras accumulés dans les espèces levuriennes.
Année : 2011
Lieu : INSA Toulouse
Résumé :
L’accumulation de lipides chez une espèce levurienne Yarrowia lipolytica souche sauvage a
été caractérisée par l’analyse dynamique et systémique des différents états métaboliques
identifiés lors des cultures sous conditions environnementales parfaitement maitrisées, à
hautes densités cellulaires selon deux stratégies bien distinctes. En premier lieu sur substrat
osidique avec le phosphore comme élément inducteur de l’accumulation de lipides, stratégie
originale pour déclencher l’accumulation de lipides chez cette souche. Et deuxièmement sur
co-susbtrats glucose et oléate et sans aucune limitation nutritionnelle.
Ces stratégies de conduites ont permis de dégager les points suivants :
-
La limitation phosphore déclenche une accumulation en lipides mais aussi en
polysaccharides de réserves mobilisables mais non transitoire contrairement à la
limitation azote.
- La teneur en phosphore de la biomasse catalytique est très variable. De ce fait, le taux
de croissance de la biomasse catalytique n’est pas contrôlable par le débit en
phosphore.
- Le phosphore joue un rôle dans la régulation de l’entrée de glucose dans la cellule, et
permet d’éviter la production de citrate lorsque les voies de production de biomasse et
de lipides sont en débordement sur une large gamme de rapport C/P (de 0 à 8000
Cmole.mole-1).
- La capacité maximale d’accumulation en réserves carbonées chez Y. lipolytica wT est
identique quelle que soit la méthode d’accumulation (limitation azote, limitation
phosphore, co-substrats glucose / oléate) et est égale à 0,5 Cmole/Cmole X-1. Il existe
donc un phénomène de régulation de la levure encore inconnu et limitant
l’accumulation en réserves carbonées chez cette souche.
Ces résultats ont permis d’identifier des points clés dans l’accumulation en réserves carbonées
de cette espèce levurienne et de proposer un mode de conduite original faisant l’objet d’un
dépôt de brevet.
Mots clés :
Yarrowia lipolytica, polysaccharides, citrate, accumulation lipidique, acylglycérol, acide gras,
fed-batch, limitation phosphore, biocarburants aéronautiques, co-substrats, acide oléique
2
Lastname : PORTELLI
Firstname : Bérangère
Title: Improvement of accumulation and selectivity of yeast fatty acids with an integrated and
systemic biology approach.
Year : 2011
Place : INSA Toulouse
Abstract :
Lipid accumulation by the yeast Yarrowia lipolytica wT was characterized by dynamic and
systemic analysis of different metabolic states in a microbial culture under fully controlled
environmental conditions with high cell concentration and under two different strategies:
Glucose as the substrate and phosphorus limitation as an inducer of lipid accumulation, an
original strategy for lipid accumulation in Y. lipolytica wT.
A co-substrate strategy with glucose and oleic acid and without any nutritional limitation.
These strategies allowed showing the following points:
-
Phosphorus limitation triggers a lipid accumulation and a non-transient accumulation
of reserve polysaccharide that can be consumed by biomass when necessary, contrary
to nitrogen limitation
-
Phosphorus rate in catalytic biomass shows great variations. Catalytic growth rate
cannot be governed by phosphorus input.
-
Phosphorus has a role in regulating cellular glucose uptake and allows avoiding citric
acid production due to overflow of carbon input over a large range of C/P ratios (0 to
8000 Cmol.mol-1)
-
Maximum capacity of reserve carbon accumulation in Y. lipolytica wT is similar for
any culture strategy tested (under nitrogen limitation, phosphorus limitation or with
glucose and oleic acid co-substrates) and is equal to 0,5 Cmol/CmolX-1. There is an
unknown phenomenon of carbon regulation limiting reserve carbon accumulation in Y.
lipolytica wT.
Results allowed identifying key points in reserve carbon accumulation in this particular yeast
strain and suggesting an original process, claim of a patent.
Key words :
Yarrowia lipolytica, polysaccharides, citric acid, lipid accumulation, acylglycerol, fatty acid,
fed-batch, phosphorus limitation, aeronautic biofuel, co-substrates, oleic acid.
3
Quand on ne sait pas où l’on va, il faut y aller !!
... et le plus vite possible.
(Proverbe Shadok)
4
5
Le travail présenté dans ce manuscrit a été réalisé entièrement au Laboratoire d’Ingénierie des
Systèmes Biologiques et Procédés de Toulouse de l’INSA de Toulouse. Je tiens en premier à
remercier Monsieur Nicholas Lindley de m’avoir accueillie au sein du laboratoire. Ces
travaux n’auraient pas vus le jour sans le financement du CNRS et d’EADS, et je tiens à les
en remercier ; particulièrement Mr Philippe Coste, Mme Isabelle Lombaert et Mr Yohan
Allouche pour leur implication et leur intérêt dans ce travail.
Ces travaux ont été encadrés par les professeurs Jean-Louis Uribelarrea et Carole MolinaJouve. Je les remercie aussi de m’avoir accueillie dans leur équipe et d’avoir pris le temps de
me conseiller dans mon travail. Par leur expérience et leur compétence, ces travaux ont pu
être valorisés et ont fait l’objet d’un dépôt de brevet. J’ai ainsi beaucoup appris autant sur le
plan scientifique qu’humain.
Un grand merci aux membres du jury, les professeurs Larroche, Thonart, Boussaid, Mr
Allouche et Mme Blondeau d’avoir suivi, lu, corrigé et pris part à la soutenance de cette
thèse. J’ai largement apprécié l’intérêt sur mon travail montré lors de cette soutenance.
De chaleureux remerciements à l’ensemble du personnel du laboratoire et particulièrement à
l’équipe fermentation pour leur sympathie, le partage de leur connaissance et leur aide lors de
ces années. Merci donc plus particulièrement à Michel, Eric, Luc... Merci aussi à Claude
Maranges, Sébastien Nouaille et Florence Bordes pour leur soutien, leur disponibilité et leurs
conseils qui m’ont permis de finir cette thèse.
Pour toute la bonne humeur et les conseils, un grand merci à mes collègues : Mathieu, Elise,
Estelle, les Julies, Jillian, Lannig, Maud, Sandy, Sandra, les Juliens, Nathalie, Claire, ...
Cette thèse m’a permis de rencontrer et de découvrir des personnes exceptionnelles, et pour
cela je regarderais ces années passées avec joie et nostalgie. Tout d’abord un énorme merci à
Yannick Manon pour son amitié, son dynamisme, son soutien et son implication mais aussi
pour son apport plus que conséquent à la réalisation de cette thèse par sa présence lors de ces
nuits de manip passées au labo, cette thèse est aussi la tienne ! Pour l’aide, le soutien, les
crises de fou rire et de larmes aussi, un grand merci au « noyau dur du Plouple » : Naziha,
Lamia, Emilie, Claudia et à l’électron libre qui gravite autour : Sirishai.
Cette thèse n’aurait jamais été soutenue sans le soutien inconditionnel de mes amis et de ma
famille. Donc un grand et chaleureux merci à Mimine (même si tu avais eu le choix, je serais
quand même ton amie) pour m’avoir supportée même lors de mes pires moments. Enorme et
baveux merci à Soso (we are the champions, my friend !!!) pour son amitié et avoir supporté
mes crises à la toute fin de la rédaction de ce manuscrit. À Meriem (que le courage soit avec
toi !) À Greg pour sa bonne humeur, la livraison de KFC 24h/24 et pour mon nouveau surnom
(hum...). À Lio pour ses conseils toujours avisés et ses piques très souvent hilarantes. Mes
pensées à Alexandre, Charlotte, Souheïla, Talal, la future p’tiote, et Tata. À Tonton et Mimi
qui me manquent profondément. Enfin, comment remercier l’amour et le soutien
inconditionnels d’une mère qui, même avec ses maladresses, a su être là à chaque fois que
j’en avais besoin. Je « tu sais quoi ».
6
7
TABLE DES MATIERES
1.
2.
Introduction .................................................................................................................. 20
Etat de l’art ................................................................................................................... 28
2.1.
Les micro-organismes oléagineux ....................................................................... 30
2.1.1. Les algues oléagineuses ...................................................................................... 30
2.1.2. Les bactéries oléagineuses .................................................................................. 31
2.1.3. Les moisissures oléagineuses .............................................................................. 32
2.1.4. Les levures oléagineuses .................................................................................... 33
2.2.
Une levure oléagineuse : Yarrowia lipolytica ...................................................... 35
2.2.1. Généralités ......................................................................................................... 35
2.2.1.1 Taxonomie ................................................................................................ 36
2.2.1.2 Morphologie et caractéristiques physiologiques ......................................... 36
2.2.1.3 Utilisations de Yarrowia lipolytica ............................................................. 39
2.2.1.3.1.
Production de métabolites ou conversion de substrats ........................... 39
2.2.1.3.2.
Production de protéines......................................................................... 40
2.2.1.4 Génome et outils génétiques ...................................................................... 41
2.2.2. Physiologie......................................................................................................... 44
2.2.2.1 Métabolisme énergétique pour la croissance .............................................. 44
2.2.2.1.1.
Catabolisme des molécules aliphatiques ................................................ 44
2.2.2.1.2.
Catabolisme des glucides ...................................................................... 46
2.2.2.1.3.
Génération du pouvoir réducteur et synthèse d’ATP ............................. 48
2.2.2.1.4.
Catabolisme des acides gras et des triacylglycérols ............................... 52
2.2.2.2 Synthèse de substances de réserve ............................................................. 59
2.2.2.2.1.
Caractéristiques des lipides intracellulaires ........................................... 59
2.2.2.2.2.
Biosynthèse des acides gras et des triacylglycérols................................ 62
2.2.2.2.3.
Le mécanisme de déclenchement de l’accumulation lipidique ............... 72
2.2.2.2.4.
Accumulation de polysaccharides ......................................................... 73
2.3.
Facteurs influençant l’accumulation de réserves lipidiques ................................. 75
2.3.1. Nature et concentration du substrat ..................................................................... 75
2.3.1.1 Substrats lipidiques ................................................................................... 75
2.3.1.2 Substrats osidiques .................................................................................... 78
2.3.1.3 Autres substrats ......................................................................................... 80
2.3.1.4 Co-substrats .............................................................................................. 81
2.3.2. Nature de la source azotée .................................................................................. 84
2.3.3. Nature de l’élément inducteur et stratégie d’induction ........................................ 85
2.3.3.1 Azote ........................................................................................................ 85
2.3.3.2 Phosphore ................................................................................................. 86
2.3.3.3 Autres oligoéléments ................................................................................. 87
2.3.3.4 Oxygène .................................................................................................... 88
2.3.3.5 Température .............................................................................................. 88
2.4.
Conclusion ......................................................................................................... 90
3. Matériel et Méthodes .................................................................................................... 92
3.1.
Microorganisme ................................................................................................. 94
3.2.
Milieux de culture .............................................................................................. 94
3.2.1. Milieu riche ........................................................................................................ 94
3.2.2. Milieu minéral .................................................................................................... 95
3.2.2.1 Milieu salin ............................................................................................... 95
3.2.2.2 Solution de vitamines ................................................................................ 95
3.2.2.3 Solutions concentrées d’oligoéléments ...................................................... 96
8
3.2.2.4 Solution d’alimentation en sels .................................................................. 96
3.2.2.5 Sources carbonées ..................................................................................... 97
3.2.2.6 Solution de régulation de pH ..................................................................... 97
3.3.
Le bioréacteur .................................................................................................... 98
3.3.1. Description générale du réacteur......................................................................... 98
3.3.2. Système d'acquisition et de commande ............................................................... 99
3.4.
Méthodes analytiques ....................................................................................... 103
3.4.1. Analyse de la biomasse .................................................................................... 103
3.4.1.1 Observation microscopique ..................................................................... 103
3.4.1.2 Concentration cellulaire........................................................................... 103
3.4.2. Extraction et dosage des composés intracellulaires ........................................... 104
3.4.2.1 Mesure des cendres ................................................................................. 104
3.4.2.2 Dosage du phosphore intracellulaire ........................................................ 104
3.4.2.3 Dosage des lipides ................................................................................... 105
3.4.2.4 Dosage des classes de lipides par HPLC-DDL ......................................... 106
3.4.2.5 Dosage des acides gras ............................................................................ 108
3.4.2.6 Dosage des sucres totaux ......................................................................... 108
3.4.3. Dosage des composés extracellulaires .............................................................. 109
3.4.3.1 Dosage des sucres, des acides organiques et des alcools .......................... 109
3.4.3.2 Dosage des phosphates ............................................................................ 110
3.4.3.3 Dosage des ions ammonium .................................................................... 110
3.4.3.4 Dosage de l’oléate ................................................................................... 111
3.4.4. Modélisation stœchiométrique .......................................................................... 111
3.4.5. Traitement des données expérimentales ............................................................ 112
3.4.5.1 Définitions .............................................................................................. 112
3.4.5.2 Lissage des données ................................................................................ 113
3.4.5.3 Bilans ...................................................................................................... 114
3.4.5.4 Réconciliation des données et calcul des vitesses spécifiques, des
rendements et du coefficient respiratoire ................................................................. 114
4. Résultats ..................................................................................................................... 116
4.1.
Etude de l’accumulation de réserves carbonées en limitation phosphore ........... 118
4.1.1. Modélisation métabolique de la croissance et de la production de triacylglycérols
120
4.1.1.1 Composition macromoléculaire de la biomasse ....................................... 120
4.1.1.2 Modélisation du métabolisme de croissance ............................................ 121
4.1.1.3 Modélisation du métabolisme de production de triacylglycérols .............. 125
4.1.1.4 Modélisation du métabolisme de production de triacylglycérols couplée à la
croissance ............................................................................................................... 129
4.1.1.4.1.
Analyse stœchiométrique de la production de triacylglycérols ............ 129
4.1.1.4.2.
Analyse cinétique de la production de triacylglycérols ........................ 136
4.1.1.5 Conclusion .............................................................................................. 137
4.1.2. Conduite des cultures ....................................................................................... 139
4.1.2.1 Exemple d’apport en carbone .................................................................. 142
4.1.2.2 Exemple d’apport en phosphore .............................................................. 143
4.1.3. Exemple de résultats......................................................................................... 144
4.1.3.1 Biomasse et métabolites produits ............................................................. 144
4.1.3.2 Phosphore intracellulaire, croissance et flux d’apport en carbone et
phosphore ............................................................................................................... 146
4.1.3.3 Cinétiques de production de métabolites .................................................. 150
4.1.4. Analyse comparative des résultats .................................................................... 155
9
4.1.4.1 Tableau récapitulatif des résultats ............................................................ 155
4.1.4.2 Analyse cinétique .................................................................................... 160
4.1.4.3 Analyse stœchiométrique ........................................................................ 164
4.1.4.4 Comparaison entre les limitations phosphore et azote .............................. 168
4.1.5.
Nature des lipides accumulés ................................................................... 171
4.1.6. Conclusion ....................................................................................................... 181
4.2.
Etude de l’accumulation de réserves carbonées sans induction par une limitation
nutritionnelle sur co-substrats glucose et oléate ............................................................... 184
4.2.1. Conduite des cultures ....................................................................................... 186
4.2.2. Résultats bruts .................................................................................................. 187
4.2.3. Assimilation de l’oléate .................................................................................... 189
4.2.4. Accumulation de lipides ................................................................................... 192
4.2.5. Incorporation et modifications de l’oléate accumulé ......................................... 194
4.2.6. Conclusion ....................................................................................................... 201
5. Conclusion.................................................................................................................. 204
6. Abréviations ............................................................................................................... 214
7. Références Bibliographiques ....................................................................................... 218
10
11
TABLE DES FIGURES
Figure 1 : Evolution de la consommation de pétrole (en millions de tonne) par an. (BP
Statistical Review of Wolrd Energy, 2010). ........................................................ 22
Figure 2 : Evolution du prix du baril de pétrole en dollars et en dollars corrigés suivant
l’inflation (US dollar 2009) (BP Statistical Review of Wolrd Energy, 2010). ...... 24
Figure 3 : Phylogénie de Yarrowia lipolytica. (D’après le consortium Génolevures) ............ 36
Figure 4 : Y. lipolytica wT sous contraste de phase (grossissement x1000) ............................ 37
Figure 5 : Relations phylogénétiques des levures séquencées par le Génoscope (consortium
Génolevures) (d’après [Fitzpatrick et al., 2006, BMC Evolutionary biology 6: 99]
........................................................................................................................... 42
Figure 6: Voie de l’ω-oxydation (Thevenieau, 2006) chez les levures. .................................. 45
Figure 7 : Voie de la glycolyse chez la levure. ...................................................................... 47
Figure 8: Voie des pentoses-phosphate. ................................................................................ 49
Figure 9: Cycle de Krebs. ..................................................................................................... 51
Figure 10 : Voie de la β-oxydation des acides gras chez la levure. Exemple de l’acide
palmitique (C16:0). ........................................................................................... 57
Figure 11 : Structure des acides gras saturés et monoinsaturés. ............................................. 60
Figure 12: Formation de malonylCoA par l’acétylCoA carboxylase lors de la biosynthèse des
acides gras. ......................................................................................................... 63
Figure 13 : Synthèse d’un acide gras par l’acide gras synthase (FAS). .................................. 65
Figure 14 : Schéma montrant comment l’acétylCoA et le pouvoir réducteur sont utilisés pour
approvisionner la synthèse lipidique (Ratledge 2004). ........................................ 66
Figure 15: Désaturation d’un acide gras. ............................................................................... 68
Figure 16 : Exemple de l’acide stéarique .............................................................................. 68
Figure 17: Synthèse d’un triacylglycérol. .............................................................................. 70
Figure 18 : Modèle de la genèse des corps lipidiques (Czabany et al., 2006) ......................... 71
Figure 19 : Schéma représentant le phénomène d’accumulation de lipides (Botham et
Ratledge, 1979). ................................................................................................. 72
Figure 20 : Schéma synthétique des voies de la dégradation de substrats osidiques et
lipidiques et de la synthèse des triacylglycérols. ................................................. 74
Figure 21: modes de consigne des pompes péristaltiques disponibles grâce au programme de
gestion de l’alimentation du réacteur. ............................................................... 100
12
Figure 22 : Schéma du système fermenteur : cuve, apports, acquisitions et commande. (1)
expériences en limitation phosphore et (2) expériences sur co-substrats
glucose/oléate. .................................................................................................. 102
Figure 23 : Evolution de la composition de la phase mobile de l’analyse des lipides par
HPLC-DDL. Mélange A : Acétonitrile, mélange B : Eau + acide trifluoroacétique
à 0,1% (v/v), mélange C : hexane + isopropanol à 80% (v/v). ........................... 107
Figure 24 : Evolution du rendement théorique limite en biomasse et du pourcentage en ATP
dissipé en fonction du rendement massique en biomasse................................... 125
Figure 25 : Evolution de la demande anabolique en ATP et de la consommation d’ATP liée à
la synthèse des acides gras ramenés au flux net de production d’ATP pour les
hypothèses A, B et C en fonction du taux d’accumulation en lipides. ................ 130
Figure 26 : Evolution de la fraction d’ATP dissipé en fonction du taux d’accumulation
massique de lipides pour les trois hypothèses testées. ....................................... 130
Figure 27 : Evolution de la fraction du flux net de production de NADPH2 issue de l’activité
enzyme malique et du rapport entre le flux molaire empruntant la voie des
pentoses phosphate et le flux glycolytique total en fonction de l’accumulation
massique en lipides pour les trois hypothèses testées. ....................................... 132
Figure 28 : Evolution du rendement apparent de conversion du substrat en triacylglycérols et
du rendement théorique limite de conversion du substrat en triacylglycérols en
fonction du taux d’accumulation massique en
triacylglycérols pour les trois
hypothèses simulées. ........................................................................................ 133
Figure 29 : Evolution du ratio entre le flux molaire traversant le cycle TCA pour la réaction
transformant le succinyl-CoA en succinate rapporté à ce même flux pour le seul
métabolisme de croissance en fonction du taux de triacylglycérols accumulés pour
les trois hypothèses et du ratio du flux anaplérotique provenant du cycle des TCA
normé par le flux requis par l’anabolisme pour l’hypothèse A. ......................... 134
Figure 30 : Evolution des flux de réoxydation des coenzymes réduits rapporté à celui requis
pour la croissance seule en fonction du taux d’accumulation en triacylglycérols
pour les trois hypothèses. .................................................................................. 136
Figure 31 : Evolution de la concentration résiduelle en glucose (g/L) et du débit
d’alimentation en glucose (gGlc.h-1) en fonction du temps d’une culture de Y.
lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La phase grisée n’est
pas détaillée ici. ................................................................................................ 142
13
Figure 32 : Evolution de la concentration résiduelle en phosphore (g/L) et du débit
d’alimentation en phosphore en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica
wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La phase grisée n’est pas
détaillée ici. ...................................................................................................... 143
Figure 33 : Evolution de la masse accumulée de glucose consommé et des quantités de
biomasse totale (X totale), biomasse catalytique (X cat), polysaccharides
accumulés (PSacc), lipides accumulés (Lacc) et citrate produites en fonction du
temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat
glucose. Les points représentent les valeurs brutes et les lignes les valeurs
réconciliées. La phase grisée n’est pas détaillée ici. .......................................... 145
Figure 34 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*), du taux en
phosphore intracellulaire (P/X*) et du rapport des flux de consommation de
glucose et phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica
wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La partie grisée n’est pas
argumentée ici. ................................................................................................. 148
Figure 35 : Composition macromoléculaire de la biomasse obtenue par modélisation suivant
différents taux intracellulaire en phosphore ...................................................... 149
Figure 36 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides (PS), lipides
(L) et acide citrique (Cit) accumulés et du rapport des vitesses de consommation
de glucose et de phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps d’une culture de Y.
lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La partie grisée n’est
pas argumentée ici. ........................................................................................... 151
Figure 37 : Schéma explicatif de la modulation des flux de carbone et d’énergie lorsque le
phosphore est l’élément inducteur de l’accumulation de réserves carbonées. .... 154
Figure 38 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*) en fonction du
taux intracellulaire en phosphore (P/X*). .......................................................... 160
Figure 39 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (Cmole.Cmole -1.h-1) en
fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et
rouge (c) décrites au paragraphe 4.1.4............................................................... 162
Figure 40 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides
(Cmole.Cmole-1.h-1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu :
condition (a), rose : (b) et rouge (c) décrites au paragraphe 4.1.4. ..................... 163
Figure 41 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (bleu) et de
polysaccharides (rose) en fonction du taux de croissance. ................................. 164
14
Figure 42 : Evolution du rendement théorique de production de biomasse Y S,X
(CmoleX*.CmoleGlc- 1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu :
condition (a), rose : (b) et rouge (c). ................................................................. 165
Figure 43 :
Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du taux en phosphore
intracellulaire. .................................................................................................. 166
Figure 44: Evolution du rendement biomasse (YS,X) en fonction du rapport carbone de
production de lipides sur le flux de consommation de glucose (q TAG/qGlc) et du
rapport carbone de production de polysaccharides sur le flux de consommation de
glucose (qPolyS/qGlc). .......................................................................................... 167
Figure 45 : Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du rapport carbone de production
de lipides sur le flux de consommation de glucose (qTAG/qGlc) et du rapport
carbone de production de polysaccharides sur le flux de consommation de glucose
(qPolyS/qGlc). ...................................................................................................... 167
Figure 46 : Evolution du taux en différents lipides (acides gras libres, monoacylglycérols,
diacylglycérols et triacylglycérols) intracellulaires en fonction du taux relatif en
phosphore intracellulaire pour des cultures de Y. lipolytica en carence ou
limitation phosphore. Le taux en lipides structuraux n’est pas représenté. ......... 174
Figure 47 : Evolution du taux en différents acides gras composant les lipides accumulés
(mgAG/gX) en fonction du taux relatif en phosphore intracellulaire (TRPI) pour
des cultures de Y. lipolytica en carence ou limitation phosphore. Le taux en lipides
structuraux n’est pas représenté. ....................................................................... 178
Figure 48 : Comparaison des profils en acides gras entre la croissance et l’accumulation
lipidique pour deux types de limitations : azote (Cescut, 2009) et phosphore de
cultures de Y. lipolytica wT sur glucose. ........................................................... 179
Figure 49 : Evolution du taux en phosphore intracellulaire réel en fonction du degré
d’insaturation lors de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et en limitation
phosphore. ........................................................................................................ 180
Figure 50 : Evolution de la composition de la biomasse en fonction du temps pour les cultures
de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et
maximal (b). Les mesures sont représentées par les points et les valeurs
réconciliées par les lignes. ................................................................................ 188
Figure 51 : Evolution du coefficient respiratoire et de l’apport en substrat carboné d’une
culture de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate a flux glycolytique limitant (a) ou
maximal (b) en fonction du temps.................................................................... 190
15
Figure 52 : Taux de croissance réel et vitesses spécifiques réelles de consommation d’oléate et
de glucose pour des cultures de Y. lipolytica sur glucose et oléate en flux
glycolytique limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps. ......................... 191
Figure 53 : Evolution du taux en lipides accumulés et du rapport des flux d’oléate consommé
par rapport en flux de carbone total pour des cultures de Y. lipolytica wT sur
glucose et oléate à flux carboné limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps.
......................................................................................................................... 193
Figure 54 : Evolution de la composition lipidique intracellulaire de cultures de Y. lipolytica
wT sur glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) en
fonction du temps. ............................................................................................ 195
Figure 55 : Profil en acides gras des lipides intracellulaires à différentes phases de culture
pour l’expérience à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) comparé aux
profils en phase de croissance et de fin d’accumulation de triglycérides en
limitation azote (Cescut, 2009). ........................................................................ 197
Figure 56 : Evolution du taux en acides gras en fonction du rapport du flux d’oléate sur le flux
de carbone consommé total d’une culture de Y. lipolytica wT sur substrats glucose
et oléate. ........................................................................................................... 198
Figure 57 : Evolution du degré d’insaturation en fonction du rapport de flux d’oléate sur celui
du carbone total consommé d’une culture de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate
(expérience b). .................................................................................................. 200
16
17
TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Exemples d’essais de vols utilisant des biocarburants provenant d’huiles .......... 25
Tableau 2 : Les huiles microbiennes : les producteurs potentiels ........................................... 26
Tableau 3 : Composition lipidique d’huiles de différents organismes (levures, bactéries,
algues, plantes) ..................................................................................................................... 27
Tableau 4 : Comparaison de l’accumulation lipidique chez les microalgues, bactéries,
moisissures et levures. .......................................................................................................... 34
Tableau 5 : Comparaison du profil en acides gras des lipides accumulés moyen chez les
bactéries, microalgues, levures et moisissures. . .................................................................... 34
Tableau 6 : Tableau récapitulatif des capacités de croissance et d’accumulation de lipides de
souches de Y. lipolytica sur substrats hydrophobes. ............................................................... 77
Tableau 7 : Tableau récapitulatif des capacités de synthèse de lipides chez différentes souches
sur différents substrats osidiques en limitation azote. ............................................................ 79
Tableau 8 : Tableau récapitulatif des études de croissance et de production de lipides sur
substrat glycérol. .................................................................................................................. 81
Tableau 9 : Synthèse des performances d’accumulation de lipides sur co-substrats chez
Yarrowia lipolytica en mode batch. ...................................................................................... 83
Tableau 10 : Composition du milieu salin pour les expériences de croissance sur oléate ....... 95
Tableau 11 : Composition du milieu salin pour les expériences en limitation phosphore ....... 95
Tableau 12 : Composition de la solution de vitamines concentrée ........................................ 96
Tableau 13 : Composition des solutions concentrées en oligo-éléments ............................... 96
Tableau 14 : Composition de la solution d’alimentation en sels ........................................... 97
Tableau 15 : Liste des mesures en ligne avec leur mode de supervision et la précision des
mesures ................................................................................................................................ 99
Tableau 16 : Liste des variables estimées et leur unité......................................................... 101
Tableau 17 : Composition du mélange de solvant en fonction du cycle d’extraction............ 105
Tableau 18 : Temps de rétention pour les composés attendus (NA : non applicable) ........... 109
Tableau 19 : Composition macromoléculaire massique de la biomasse en phase de croissance.120
18
Tableau 20 : Composition élémentaire de la biomasse mesurée et estimée par le descripteur
métabolique. ....................................................................................................................... 121
Tableau 21 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose
pour la production des macromolécules nécessaires à la formation de biomasse.................. 121
Tableau 22 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose
satisfaisant la demande énergétique et en coenzymes réduits à la formation de biomasse .... 122
Tableau 23 : Résultats globaux de la simulation de l’oxydation totale de glucose pour la
production de biomasse avec comme contrainte un rendement YS,X expérimental de 0,58
CmoleX.CmoleGlc-1 .......................................................................................................... 123
Tableau 24 : Bilan de la production et de la consommation énergétique de l’oxydation totale
de glucose pour la synthèse de biomasse catalytique ........................................................... 124
Tableau 25 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de
triacylglycérol à partir de glucose dans des conditions de rendement carbone maximal
(hypothèse 1) ...................................................................................................................... 126
Tableau 26 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de
triacylglycérol à partir de glucose sans utilisation de la voie de l’enzyme malique (hypothèse
2)........................................................................................................................................ 127
Tableau 27 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de
triacylglycérol à partir de glucose en considérant l’isomérisationdu fructose-6-phosphate en
glucose-6-phosphate (hypothèse 3) ..................................................................................... 128
Tableau 28 : Tableau récapitulatif des performances de culture en limitation phosphore pour
chaque phase ...................................................................................................................... 146
Tableau 29 : Compositions macromoléculaire et élémentaire de la biomasse modélisée suivant
différents taux intracellulaires en phosphore ....................................................................... 149
Tableau 30 : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats
obtenus par modélisation pour les trios conditions (a, b et c) en fonction du taux en phosphore
intracellulaire (P/X*) ................................................................................................... 156-159
Tableau 31 : Performances d’accumulation de carbone intracellulaire entre différentes
cultures de Y. lipolytica wT sur glucose en limitation azote avec et sans contrôle du carbone
consommé par PID (Cescut, 2009) comparé aux performances en limitation phosphore. .... 170
19
1. INTRODUCTION
20
21
En 2009, l’aviation a transporté plus de 4 milliards de passagers au niveau mondial, ce qui
représente 74 millions de vols. Qu’il s’agisse de tourisme, de voyages d’affaires ou de
transport de marchandises, le transport aérien connaît une croissance soutenue. Entre 2000 et
2008, les passagers-kilomètres payants ont augmenté de 7 % en Amérique du Nord, de 29 %
en Europe, de 29 % sur les marchés internationaux de la région Asie-Pacifique, de 40 % en
Amérique latine, de 184 % en Chine et de 192 % en Inde. Le trafic des passagers s’accroît
ainsi de 5 % par an et le trafic des marchandises de 7% (Airport Council international,
http://www.airports.org).
Les transports dépendent des produits pétroliers, ils représentent 50% de la consommation de
pétrole (tous types confondus) (US Energy Information Administration, Annual Energy
Outlook, 2010). La consommation mondiale de pétrole représente aujourd’hui presque 4
milliards de barils par an et pourrait augmenter de 30 à 40% d'ici 2030 (Figure 1). À ce jour,
le trafic aérien a un impact modéré puisque la consommation de pétrole pour l'aviation
représente environ 8% de la consommation totale de pétrole. Mais l'accroissement prévisible
du trafic aérien pourrait conduire au doublement de son impact à l'horizon 2020, voire au
triplement en 2050 (IFP Energies Nouvelles, www.ifpenergiesnouvelles.fr). Les réserves
mondiales restantes de pétrole sont estimées à environ 1 000 gigabarils et leur épuisement
serait pour 2060 (USGS, U.S. Geological Survey, World Conventional Crude Oil and Natural
Gas: Identified Reserves, Undiscovered Resources and Futures, 2003).
consommation de pétrole (millions de tonnes) par an
BP Statistical Review of World Energy 2010
4500.0
4000.0
3500.0
3000.0
2500.0
2000.0
1500.0
1960
1970
1980
1990
2000
2010
Figure 1 : Evolution de la consommation de pétrole (en millions de tonne) par an. (BP Statistical Review
of Wolrd Energy, 2010).
22
Lors d'un vol long-courrier, un Boeing 747 consomme 160 000 litres de carburant, soit
l'équivalent de 2 500 pleins de carburant pour un réservoir de voiture, ce qui représente une
consommation de 250 millions de tonne de kérosène par an pour le trafic aérien. L’émission
de dioxyde de carbone provenant de l’utilisation de combustible fossiles due au transport
aérien représente 2 à 3%, soit 792 millions de tonnes de CO2 par an. En 2036, la
consommation de kérosène par le transport aérien a été estimée à 450 - 550 millions de
tonnes de kérosène par an ce qui entrainerait une augmentation proportionnelle en CO 2 émis
d’une valeur de 1420 à 1740 millions de tonnes par an.
Afin de diminuer l’impact des transports sur l’environnement, les pouvoirs publics souhaitent
augmenter la proportion de biocarburants dans les carburants fossiles. La directive
européenne 2003/30/CE vise l’incorporation de 5,75% de biocarburants dans les carburants en
2010. La France prévoit un taux d’incorporation de 7% en 2010 et 10% en 2015 (« les
biocarburants, une chance pour notre pays » ; Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture, et
de la Pêche ; http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/biocarburants_240407.pdf).
En ce qui concerne l’aviation, beaucoup d’efforts ont été réalisés afin de diminuer la
consommation énergétique du transport de passagers. Elle est actuellement de moins de 3
litres par passager sur 100 km avec l’A380. En 2008, l’Advisory Council for Aeronautics
Research in Europe (ACARE) a fixé l’objectif de diminuer la consommation de kérosène issu
de l’industrie pétrochimique par deux en 2050 entrainant une diminution des émissions de
CO2.
Ainsi, l’augmentation du prix du pétrole (Figure 2), sa future raréfaction et les conséquences
de son utilisation sur l’environnement incitent les industriels depuis quelques années à
promouvoir la recherche et l’utilisation des sources alternatives d’énergies renouvelables. En
conséquence, selon l’European Biodiesel Board (EBB), le biodiesel est produit en Europe à
l’échelle industrielle depuis 1992. En 2009, plus de 9 millions de tonnes ont été produits soit
une augmentation de presque 17% par rapport à la production en 2008. Cependant, les
biocarburants produits actuellement à l’échelle industrielle utilisent les ressources agricoles.
En effet, en Europe, plus de 3 millions d’hectares de terres agricoles sont utilisés
exclusivement pour la production de biodiesels (EBB). Une autre stratégie de production de
biocarburant est la production via les microorganismes, les substrats utilisés pouvant provenir
23
de déchets industriels. Cette stratégie permet de produire des carburants non fossiles maîtrisés
tout en valorisant ces déchets industriels.
Prix du baril (US dollar)
120.00
US$
US$ 2009
100.00
80.00
60.00
40.00
20.00
0.00
1860
1880
1900
1920
1940
1960
1980
2000
Figure 2 : Evolution du prix du baril de pétrole en dollars et en dollars corrigés suivant l’inflation (US
dollar 2009) (BP Statistical Review of Wolrd Energy, 2010).
Le kérosène est un mélange d’alcanes composés de 10 à 14 carbones, exempt de soufre et
utilisé essentiellement dans la fabrication de carburant pour l'aviation, notamment le Jet A1.
Son usage en aviation est principalement dû à son fort pouvoir énergétique (43,15 MJ·kg-1
pour le Jet A1), qui permet de maximiser l’autonomie de l’avion en fonction de la masse de
carburant embarqué. Son point de congélation est très bas (-47 °C pour le Jet A1), car à
11 000 mètres d'altitude, la température externe est proche de -65 °C. L’aviation a donc
besoin d’un carburant de hautes performances compatible avec des usages en conditions
extrêmes dans le respect des contraintes de sécurité du secteur. Enfin, il est recherché dans
une stratégie court-moyen terme des biocarburants en substitution directe du kérosène
traditionnel (Jet-A) en sorte que les constructeurs n’aient pas à concevoir de nouveaux
moteurs et les compagnies aériennes et les aéroports n’aient pas à développer de nouveaux
systèmes de livraison de carburant et compatibles avec les moteurs, matériaux et moyens
logistiques (distribution…) actuels.
En juillet 2011, Lufthansa et Airbus ont effectué leur premier vol commercial dont le
carburant était composé de 50% d’huiles végétales hydrotraitées issues de cameline et
24
jatropha. Cette coopération permettant 8 vols par jour est prévue dans le but d’étudier les
impacts sur le long terme des biocarburants sur la performance des avions. Ce biocarburant
permettrait d’émettre 1 500 tonnes de CO2 de moins dans l’atmosphère soit une réduction de
20%.
Le Tableau 1 présente une liste des vols et essais significatifs. Ces vols démontrent que
l’utilisation de biokérosène produits à partir d’huiles de plantes ou micro-algues additionnés
au jet A1 est techniquement réalisable sans modification des avions et utilisé régulièrement
par l’aviation. L’utilisation de ces carburants à base d’huiles végétales et micro-algues
pourraient diminuer les émissions de CO2 d’un avion de 80% (http://fr.enviro.aero).
Compagnie aérienne
Avion
Date
Origine du biocarburant
Taux de
mélange
Virgin Atlantic
B747-400
23/02/2008
Noix de coco et babassu
20%
Air New Zealand
B747-400
30/12/2008
Jatropha
50%
Continental Airlines
B747-800
7/01/2009
Jatropha et algues
50%
Japan Airlines
B747-300
30/01/2009
Cameline
50%
Tam Airline
A320
22/11/2010
Jatropha
50%
Interjet
A320
05/04/2011
Jatropha
30%
Ibéria
A320
10/04/2011
Cameline
25%
Air France
A321
13/10/2011
Huile de friture usagée
50%
Tableau 1: Exemples d’essais de vols utilisant des biocarburants provenant d’huiles (http://fr.enviro.aero
et legacy.icao.int).
Actuellement, les principales sources d’huiles à usage biocarburant sont les plantes
oléagineuses. L’utilisation de plantes oléagineuses à grande échelle pour la production de
carburants soulève des questions et débats sur la compétition des sols et des espèces pour des
usages alimentaires et non alimentaires. De plus, la production de lipides issus de végétaux
dépend de la zone géographique en termes de rendement, productivité et composition. Il
convient de privilégier des voies répondant non seulement aux critères de développement
durable mais également aux critères de sécurité, d’indépendance énergétique vis-à-vis de pays
instables géopolitiquement, de disponibilité mondiale.
La production de lipides par conversion microbienne de ressources agricoles non alimentaires
et co-produits industriels constitue une voie prometteuse pour répondre à ces critères. Les
levures oléagineuses (Tableau 2) constituent des producteurs de lipides extrêmement
25
intéressants avec un taux d’accumulation supérieur à 70% en masse, un rendement de
conversion proche de 95% des rendements théoriques limites, et une mise en œuvre en
bioprocédé aux performances parfaitement maîtrisables et reproductibles.
Rapport maxi
AG/X
%(glip/gX)
C14 :0
C16 :0
C16 :1
C18 :0
C18 :1
C18 :2
C18 :3
58
T
25
T
10
57
7
0
Candida sp 107
42
0
44
5
8
31
9
1
Cryptococcus albidus
65
T
12
1
3
73
12
0
lipomyces starkeyi
63
T
34
6
5
51
3
0
Rhodotorula glutinis
72
T
37
1
3
47
8
0
Trichosporon pullulans
65
0
15
0
2
57
24
1
Yarrowia lipolytica
36
0
11
6
1
28
51
1
Cunninghamella japonica
60
T
16
0
14
48
4
8
Rhizopus arrhizus
57
19
18
0
6
22
10
12
Penicillium spinulosum
64
T
18
4
12
43
21
T
Cryptococcus curvatus
Tableau 2 : Les huiles microbiennes : des producteurs potentiels
La composition lipidique est modulable par le choix de l’espèce avec des similitudes entre les
profils lipidiques des souches sauvages et des plantes d’intérêt dans le domaine aéronautique
(Tableau 3).
Le biokérosène étant un mélange d’alcanes de longueur de chaines de 6 à 14 carbones,
l’objectif est de produire des huiles microbiennes composées d’acides gras insaturés de
longueur de chaines d’environ 16 à 18 carbones. Par hydrotraitement, les doubles liaisons
contenues dans ces acides gras sont cassées pour produire des alcanes de longueur de chaine
voulue.
26
Rapport
Max
AGras/X
%(glip/gX)
C12:0
C14 :0
C15:0
C16 :0
C16 :1
37
11
C17:0
C18 :0
C18 :1
C18 :2
C18 :3
1
3
47
8
6
1
28
51
1
Rhodotorula
glutinis
72
Yarrowia
lipolytica
36
Streptomyces
20
Huile de palme
#
44
5
39
11
T
Huile de soja
#
11
4
22
53
10
Huile de colza
#
4
2
56
26
T
11
17
13
47
5-11
2-7
9-20
1-7
T
6
33
20
Jatropha
curcas
Huile de
babassu
#
40-55
11-27
36
4
Tableau 3 : Composition lipidique d’huiles de différents organismes (levures, bactéries, plantes)
Depuis 2005, cette voie de production de lipides pour des usages biokérosène a fait l’objet de
travaux de recherche en collaboration entre le LISBP, Micalis, Airbus et EADS inscrit dans
de grands projets nationaux et européens. Ils ont permis l’obtention de résultats qui
argumentent des objectifs scientifiques des travaux de recherche reportés dans ce document ;
il s’agit d’identifier les systèmes de régulation des flux carbonés entrant dans le métabolisme
lipidique chez la levure oléagineuse Yarrowia lipolytica. Les connaissances obtenues
permettent d’en déduire un mode de conduite optimisant la production de lipides selon un
profil lipidique maîtrisé. La démarche de génie microbiologique utilisée vise la quantification
cinétique du comportement de la levure sur glucose en condition de limitation en phosphore et
l’utilisation de co-substrat lipidique. Ce travail a obtenu le soutien d’EADS, Airbus et du
CNRS.
27
2. ETAT DE L’ART
28
29
2.1.
Les micro-organismes oléagineux
Un micro-organisme est dit oléagineux s’il peut accumuler des lipides à un taux supérieur à
20% en masse (Ratledge 1984b; Ratledge and Wynn 2002). Il semble que la caractéristique
principale des micro-organismes oléagineux soit la présence d’une enzyme leur permettant de
diriger le flux de carbone apporté en surplus de celui nécessaire à la croissance vers la
synthèse de lipides : l’ATP-citrate lyase, enzyme qui convertit le citrate en acétylCoA,
précurseur de la synthèse lipidique (Ratledge 1984b). En effet, d’après Ratledge, les
microorganismes oléagineux possèdent deux particularités : une capacité à produire un flux
continu en acétylCoA mais aussi à apporter suffisamment de pouvoir réducteur afin
d’alimenter la voie de biosynthèse des acides gras. Chez les microorganismes non-oléagineux,
où l’ATP-citrate lyase n’est donc pas présente ou fonctionnelle, le citrate peut être accumulé
dans le cytosol ou excrété hors de la cellule (Milsom 1987). Lorsque le citrate est accumulé
dans la cellule, il inhibe la phospho-fructokinase, ce qui provoque l’accumulation
intracellulaire de polysaccharides à partir de 6-phosphoglucose (Evans and Ratledge 1985b).
De par la nature toxique des acides gras, ceux-ci ne sont pas accumulés sous forme libre dans
les cellules. Chez les cellules eucaryotes, ils sont principalement estérifiés en triacylglycérols
et stockés dans des organelles spécifiques, les corps lipidiques.
Les micro-organismes oléagineux se retrouvent aussi bien chez les bactéries, les algues, les
moisissures que les levures.
2.1.1. Les algues oléagineuses
Les microalgues sont des organismes photo-autotrophes qui peuvent convertir le dioxyde de
carbone directement en lipides (Metting et Pyne, 1996). Le temps de génération moyen est de
3,5 jours mais en culture batch et en croissance exponentielle, la biomasse peut être doublée
en 24h (Shi et Valle-Rodriguez, 2011). Le taux en lipides accumulés varie en général entre 20
et 60% de la masse sèche et certains genres comme Botryococcus, Nannochloropsis et
Schizochytrium peuvent atteindre 80% de lipides (Meng et al., 2009) (Tableau 4). Les huiles
produites sont composées majoritairement d’acides gras insaturés comme les acides
palmitoléique, oléique, linoléique et linolénique (Meng et al., 2009)(Tableau 5).
30
Ainsi, Botryococcus braunii accumule jusqu’à 85% de lipides (g/g de biomasse) dont
particulièrement des acides gras polyinsaturés à longueur de chaine variable de 30 à 37
carbones. Cependant, la vitesse de production est très faible (0,12 à 0,15 g.L -1.jour-1)
(Ratledge and Wilkinson 1989). En carence azote, la micro-algue Monallenthus saline
accumule jusqu’à 72% de lipides (g/g de biomasse) et Neochloris oleobundans peut, quant à
elle, accumuler 80% de triacylglycérides (g/g de biomasse). En carence de SiO 2, la diatomée
Cyclotella cyrptica accumule 40% de lipides. L’intérêt des lipides issus de micro-algues
apparaît aussi dans leur profil en acides gras. Porphyridium cruentum est une algue rouge de
la famille des Rhodophyceae. Plus de la moitié des acides gras accumulés sont des acides gras
à longue chaine et polyinsaturés comme d’acide arachidonique (C20:4) (Ahern, 1983).
L’algue Chlorella minutissima est une source d’acide icosapentanoique (C20:5). Ces derniers
représentent 45% des acides gras accumulés bien que le taux intracellulaire en lipides ne
dépasse pas 7% de la biomasse totale (g/g).
La productivité théorique en huile des microalgues est supérieure à celle des plantes terrestres
et leur développement peu lié à la disponibilité en terres agricoles. Cependant, en
comparaison d’autres microorganismes, la culture de microalgues pour la production de
lipides demande une grande surface de par leur activité photosynthétique 24h (Shi et ValleRodriguez, 2011). Cette dernière demande donc l’approvisionnement en énergie solaire
conséquente laissant les cultures tributaires des conditions climatiques et du cycle circadien
24h (Shi et Valle-Rodriguez, 2011). La nuit, il peut même avoir reconsommation des lipides
produits le jour. De plus, la densité cellulaire de ces cultures est faible et implique une
demande forte en eau (Chisti, 2007). Enfin, le génôme des microalgues étant peu étudié, les
stratégies d’ingénierie génétiques semblent pour l’instant difficiles à mettre en place.
2.1.2. Les bactéries oléagineuses
Les bactéries accumulent en général moins de lipides que les autres micro-organismes
(Tableau 4), le taux moyen d’accumulation étant situé entre 20 et 40%. L’avantage majeur des
bactéries oléagineuses est leur taux de croissance élevé et une culture facile à mettre en œuvre
s’il n’y a pas filamentation (Shi et Valle-Rodriguez, 2011).
Cependant, très peu de bactéries accumulent des lipides, en particulier des triacylglycérols.
Leur production est généralement limitée à la synthèse de lipides complexes et de polyesters
31
comme des polyhydroxyalcanoates (Ratledge and Wilkinson 1989) (Shi et Valle-Rodriguez,
2011). Mais des taux élevés en triacylglycérides ont été quantifiés chez les Actinomycétales
(Nocardia sp., Mycobacterium sp., Rhodococcus sp.). La bactérie Arthrobacter AK19 peut
produire jusqu’à 70% de lipides (g lipides /g biomasse sèche) composés à 90% de
triglycérides. Mais la faible vitesse de croissance de ces micro-organismes rend leur
utilisation difficile. Quelques espèces peuvent accumuler des acides gras polyinsaturés, bien
qu’en faibles doses. Ce sont les espèces Alteromonas sp, Shewanella sp., Flexibacter sp. et
Vibrio sp. Les lipides accumulés ne représentent que 10 à 15% de la biomasse mais presque la
moitié est des acides gras polyinsaturés. Des cérides peuvent être aussi synthétisés, jusqu’à
5% de la masse sèche sur glucose et 10% sur alcanes par Acinetobacter sp. et Moraxella sp.
(Ratledge and Wilkinson 1989). Rhodococcus opacus peut, quant à elle, accumuler jusqu’à
87% de lipides en masse sèche (Alvarez et al., 1996), majoritairement des TAG (87%). Le
profil en acides gras est majoritairement composé d’acide palmitique et oléique (Waltermann
et al., 2000). Enfin, les bactéries filamenteuses du genre Streptomyces synthétisent aussi des
triacylglycérols sous limitation azote (Olukoshi et Packter, 1994) jusqu’à un taux
intracellulaire maximal de 25% en masse sèche (Arabolaza et al., 2008).
2.1.3. Les moisissures oléagineuses
Ratledge (Ratledge 1984b) dénombra 64 espèces de champignons capables d’accumuler plus
de 25% de lipides intracellulaires mais un très grand nombre d’espèces accumulent entre 20 et
25%. Un grand nombre de classes sont représentées : Entomophthorales, Mucorales,
Péronosporales, Ascomycètes, Hyphomycètes, Clavipotaceae et Ustilaginales. La qualité
d’être oléagineux est en général souche dépendante et non espèce dépendante. Parce que les
champignons se développent sous forme de mycélium et non sous forme de cellules isolées,
leur culture en milieu liquide est très difficile. Les cultures sont donc en général statiques,
mais ne permettent pas une homogénéité des cultures et la maîtrise des paramètres de culture
(pH, oxygène, mélange …).
Les lipides neutres représentent en général de 85 à 90% des lipides accumulés, la majorité
étant des triacylglycérols, des stérols et des squalènes. Cependant, la quantité en
triacylglycérols accumulés est très variable suivant la souche et peut varier de 3 à 95% des
lipides accumulés (Ratledge 1984b). Ainsi, l’espèce Humicola lanuginose accumule jusqu’à
75% de lipides en masse sèche (Shi et Valle-Rodriguez, 2011), Aspergilus oryzae 57% (Shi
32
et Valle-Rodriguez, 2011) et Mucor rouxii (30%) (Somashekar et al., 2003) (Tableau 4). En
revanche,
les acides gras accumulés présentent une grande diversité, surtout en ce qui
concerne l’insaturation (Tableau 5) : les acides linoléique et linolénique sont très souvent
rencontrés. Ainsi, les Mucorales produisent du γ-linolénate à une hauteur de 20% mais aussi
des acides gras à chaine longue et polyinsaturés (C20:4ω6 et C20:5ω3) comme Mortiella
alliacea YN-15 qui accumule de l’acide arachidonique jusqu’à 36% des lipides accumulés
(Shi et Valle-Rodriguez, 2011). Les Entomophthorales produisent des chaines courtes en plus
grandes quantités (C10 à C14 :0) et des acides gras associés à des glycolipides et présentant
des branchements non usuels ou des hydroxylations.
2.1.4. Les levures oléagineuses
Parmi les champignons filamenteux, les levures de distinguent par leur facilité de culture. Le
nombre de levures oléagineuses (25) est réduit en comparaison au nombre total de levures
connues (plus de 600) (Ratledge 1984a). Parmi les levures oléagineuses, il existe deux
catégories : celles qui accumulent entre 20 et 30% de lipides et celles qui peuvent accumuler
plus de 40% (g lipides/g de biomasse). L’efficacité de conversion du substrat en lipides
dépend de la nature du substrat, de la présence des autres éléments nutritionnels et des
conditions de culture, il a donc fallu trouver un critère de détermination des microorganismes
oléagineux plus précis. Ratledge (Ratledge 1984a) a donc proposé que la qualité d’être
oléagineux repose plutôt sur le fait de posséder les enzymes nécessaires à la synthèse de
lipides de réserve, et plus particulièrement l’ATP-citrate lyase. Ainsi, selon certaines
conditions, même S. cerevisiae peut accumuler jusqu’à 22% de lipides (g lipides /g de
biomasse) mais ne possède pas d’ATP-citrate lyase. Les genres présentant des souches
oléagineuses sont principalement Lypomyces, Candida, Cryoptococcus, Endomyces,
Rhodosporidium, Rhodotorula et Yarrowia dont certaines sont représentées dans le Tableau 4.
Ainsi, Rhodosporidium toruloides et Lipomyces starkeyi peuvent accumuler des lipides
jusqu’à un taux de 60% et 70% en masse sèche respectivement (Meng et al., 2009).
La première production de lipides en fermenteur a été réalisée en 1971 par Iwamoto (Ratledge
1984a) utilisant Rhodotorula gracilis en culture continue. Le taux de lipides accumulés atteint
est de 0,40 gLipides.gX-1 avec une vitesse de production spécifique de 11 mg lipides.gX-1.h-1.
La grande majorité des lipides accumulés chez les levures sont des triacylglycérols (80 à
85%) et le profil des acides gras estérifiés est similaire à celui des huiles végétales et non des
graisses animales. Ainsi, les lipides accumulés chez Rhodosporidium toruloides contiennent
33
principalement des TAG composés d’acides oléiques, palmitique, stéarique et linoléique (Ma,
2006 et Li et al., 2007) (Tableau 5). Les autres lipides, identifiés en faibles quantités, sont les
acides gras libres, les monoacylglycérols, les diacylglycérols et les stérols. Les acides gras
accumulés, quel que soit leur forme (libres ou sous forme de triacylglycérols), sont
majoritairement des acides gras à 16 et 18 carbones, dont les acides oléique et linoléique. Les
acides gras à longueur de chaine plus courte (C12 et C14) sont très peu rencontrés ainsi que
les acides gras à longue chaine polyinsaturés.
Microorganisme
Lipides
(% masse sèche)
Microalgues
Botryococcus braunii
25–75
Cylindrotheca sp.
16–37
Nitzschia sp.
45–47
Schizochytrium sp.
50–77
Bactéries
Arthrobacter sp.
>40
Acinetobacter calcoaceticus 27–38
Rhodococcus opacus
24–25
Bacillus alcalophilus
18–24
Microorganisme
Lipides
(% masse sèche)
Levures
Candida curvata
58
Cryptococcus albidus 65
Lipomyces starkeyi
64
Rhodotorula glutinis 72
Moisissures
Aspergillus oryzae
57
Mortierella isabellina 86
Humicola lanuginosa 75
Mortierella vinacea
66
Tableau 4 : Comparaison de l’accumulation lipidique chez les microalgues, bactéries, moisissures et
levures (Meng et al., 2009)
Microorganisme Profil en acides gras accumulés (% masse sèche de lipides accumulés)
C16:0
C16:1
C18:0
C18:1
C18:2
C18:3
Microalgues
12–21
55–57
1–2
58–60
4–20
14–30
Levures
11–37
1–6
1–10
28–66
3–24
1–3
Moisissures
7–23
1–6
2–6
19–81
8–40
4–42
Bactéries
8–10
10–11
11–12
25–28
14–17
–
Tableau 5 : Comparaison du profil en acides gras des lipides accumulés moyen chez les bactéries,
microalgues, levures et moisissures. (Meng et al., 2009)
L’utilisation d’une levure pour la production d’huile microbienne à visée de biocarburant
nous semble la stratégie la plus adaptée. En effet, les levures ont une croissance relativement
rapide, leur mode de culture est facile à mettre en œuvre et maitrisé, les cellules ne
filamentent que sous certaines conditions très particulières et peuvent accumuler une grande
quantité de lipides dont une majorité en acides gras insaturés (Tableau 5). De plus, sur le plan
physiologique et biochimique, l’accumulation de lipides est la plus étudiée chez les levures.
34
La levure Yarrowia lipolytica accumule moins de lipides que d’autres souches (36% (g/g)
(Cescut, 2009) contre 72% chez Rhodotorula glutinis) mais les acides gras accumulés sont
principalement insaturés (jusqu’à 50% d’acide linoléique). Elle est dotée de l’ATP-citrate
lyase (Finogenova et al. 2002) et fait donc partie des micro-organismes oléagineux.
Cette levure est capable d’assimiler efficacement de nombreux substrats (hydrocarbures,
lipides et acides gras, sucres, …). Elle possède la particularité d’assimiler les lipides mais
aussi de les synthétiser et de les stocker sous forme de TAG dans certaines conditions. Son
métabolisme est très étudié (2.2.2). De nombreux outils de génétique sont aussi disponibles
(2.2.1.3). La levure Y. lipolytica est utilisée en industrie depuis de longues années déjà pour la
production de métabolites ou de protéines (2.2.1.3). Enfin, il existe de nombreuses études sur
l’amélioration de l’accumulation de lipides chez cette espèce mais aussi chez d’autres levures
(2.3).
À la lumière de ces caractéristiques, la levure Y. lipolytica a été choisie pour l’étude de la
redirection du flux de carbone vers la synthèse des acides gras à partir de différents substrats
et dans différentes conditions de culture.
2.2.
Une levure oléagineuse : Yarrowia lipolytica
2.2.1. Généralités
Yarrowia lipolytica est un microorganisme reconnu comme GRAS (Generally Recognized As
Safe) par la FDA (Food and Drug Administration) (Souciet 2003). Y. lipolytica est
naturellement retrouvée dans des aliments riches en lipides tels que les fromages, la
margarine, l’huile d’olive, les plantes oléagineuses ou l’huile de vidange ou de produits riches
en protéines tels que les viandes (Barth and Gaillardin 1997; Souciet 2003).
Les premières études sur Yarrowia lipolytica ont été réalisées en 1942 par Diddens et Lodder
(Poncet and Arpin 1965) et en 1948 par Peters et Nelson (Peters and Nelson 1948; Skinner
and Fletcher 1960) pour comprendre ses caractéristiques physiologiques dont sa capacité à
assimiler efficacement de nombreux substrats : hydrocarbures (Pareilleux 1978; Kosaric et al.
1979), lipides et acides gras (Faure 2002) et sucres.
35
2.2.1.1
Taxonomie
La forme imparfaite, premièrement isolée en 1945 de fibres de maïs, a été nommée Candida
lipolytica. Le micro-organisme a été reclassifié en 1970 en Endomycopsis lipolytica par
Wickerham après qu’il ait observé la forme parfaite. Puis la levure a été renommée
Saccharomycopsis lipolytica en 1972 par Yarrow (Yarrow, 1972) et enfin, en 1980, Yarrowia
lipolytica par Van der Walt et Von Arx (Walt and Arx 1980).
Yarrowia lipolytica est une levure de la famille de Dipodascaceae (Figure 3). Mais le taxon
asexué Candida deformans semble être phylogénétiquement proche (Bigey et al. 2003). Les
deux espèces C. bentonensis et C. hispaniensis ont été proposées pour entrer dans le clade de
Yarrowia (Kurtzman 2005).
Super règne : Eucaryotes
Règne : Champignons
Sous règne : Dicaryotes
Phylum : Ascomycètes
Sous-phylum : Saccharomycotina
Classe : Saccharomycètes
Ordre : Saccharomycétales
Famille : Dispodascaceae
Genre : Yarrowia
Espèce : Y. lipolytica
Figure 3 : Phylogénie de Yarrowia lipolytica. (D’après le consortium Génolevures)
2.2.1.2
Morphologie et caractéristiques physiologiques
Yarrowia est un micro-organisme mésophile qui croit entre 10 et 30°C. Sa température
maximale de croissance se situe entre 32 et 34°C. Cette levure est strictement aérobie (Poncet
and Arpin 1965).
36
Figure 4 : Y. lipolytica wT sous contraste de phase (grossissement x1000)
Y. lipolytica est un organisme hétérothalique (Barth and Gaillardin 1997).
La forme sexuée a été décrite dans la fin des années 60 par Wickerham de l’United State
Department of Agriculture à Peoria. Deux types sexuels existent (mat A et mat B) mais les
fréquences de « mating » sont très faibles. De même, la sporulation est très rare et la viabilité
des ascospores est faible (moins de 1% de viabilité des zygotes par cellule). La fusion de deux
cellules haploïdes aboutit à la formation d’un zygote diploïde se développant sous forme de
mycélium produisant des asques. Ces derniers contiennent de 1 à 4 ascospores de taille et de
forme variable (Barth and Gaillardin 1997). Pour sporuler, Y. lipolytica n’a pas besoin d’une
carence en azote comme Saccharomyces cerevisiae. La sporulation se déclenche dans un
milieu riche, lorsque la source carbonée est totalement consommée. La multiplication asexuée
se présente sous la forme de bourgeonnement bipolaire (Barth and Weber 1985).
Cette levure présente un polymorphisme. Selon les conditions environnementales (condition
d’aération, nature et concentration en sources carbonées et azotées, pH…) et le pool génétique
de la souche, le micro-organisme se trouve sous la forme de cellules végétatives isolées, de
pseudo mycélium ou de mycélium septé (vrai mycélium) (Walt and Arx 1980; Souciet 2003).
Le vrai mycélium consiste en hyphes septés de 3 à 5 µm de largeur et de plusieurs mm de
longueur. Les cellules apicales peuvent faire jusqu’à 100 µm et les segments 50 à 70 µm. Il y
a un seul noyau par segment. Les septa sont reliés entre eux par le réticulum endoplasmique
qui passe d’un segment à l’autre par un pore central (Barth and Gaillardin 1997). Les parois
des hyphes montrent une plus grande quantité en sucres aminés et une plus faible quantité en
protéines que les parois des cellules isolées (Vega and Dominguez 1986). Ota et al (Ota et al.
1984) ont pu démontrer que les substrats lipidiques comme l’huile d’olive, l’acide oléique,
l’oleyl alcool, l’acide linoléique ou la trioléine ainsi que les sources azotées organiques
comme la caséine de lait bovin, l’extrait de viande ou de graine de soja induisent la formation
de mycélium chez plusieurs souches de Yarrowia. Une carence en magnésium (sous la forme
de sulfate de magnésium) ou ions ferriques (sous la forme de chlorure de fer) ou l’addition de
37
cystéine ou de glutathione permettent de restaurer la forme unicellulaire (Ota et al. 1984).
D’après Ruiz-Herrera (Ruiz-Herrera and Sentandreu 2002), le pH du milieu est le facteur
ayant l’effet le plus important sur le dimorphisme. Un milieu à pH neutre entraîne la
formation de mycélium et les cellules isolées apparaissent à pH acide. De même la présence
de citrate ou un stress anaérobie provoque la formation de mycélium.
Ce micro-organisme est connu pour sécréter de nombreux métabolites comme le citrate,
l’isocitrate ou l’α-cétoglutarate (Souciet 2003). Sur milieu riche, il peut aussi excréter une
protéase alcaline extra cellulaire et des RNAses à pH 6.8 et une protéase acide à pH 4 (Barth
1996). Peu de souches sont considérées comme oléagineuses, pourtant l’accumulation de
lipides par plusieurs souches a été largement démontrée (Bati et al. 1984; Montet et al. 1985;
Aggelis and Sourdis 1997; Nicaud et al. 1998; Papanikolaou and Aggelis 2002). Yarrowia
lipolytica a la faculté d’accumuler des lipides comme substance de réserve à partir de glucose,
à raison de 0,36 g de lipides/g de biomasse (Cescut 2009) dont principalement de l’acide
oléique et linoléique. L’activité de l’ATP citrate lyase a été dosée sur la souche Y. lipolytica
N1 (Finogenova et al. 2002). Cette enzyme est donc présente au moins chez certaines
souches.
La levure Y. lipolytica utilise des sources carbonées différentes comme des hydrocarbures tels
que les alcanes et l-alcènes (polyméthylés ou polychlorés) (Klug and Markovetz 1967), des
lipides tels que les acides gras et triglycérides ou des sucres tels que le glucose, le galactose
ou le mannitol mais pas le saccharose (Barth and Gaillardin 1997). Y. lipolytica peut même
assimiler l’éthanol et l’acétate jusqu’à une certaine concentration (Barth and Kunkel 1979). Il
en est de même pour le glycérol (Cescut, 2009).
Y. lipolytica est auxotrophe pour certaines vitamines : la biotine, le panthoténate, l’acide
nicotinique, la thiamine, l’acide p-aminobenzoïque, le pyroxidol et le myoinositol. Peters et
Nelson (Peters and Nelson 1951) ont déterminé les besoins en vitamines d’une souche de Y.
lipolytica pour sa croissance et la production de lipase. Un milieu salin ne contenant aucune
vitamine ne permet pas une croissance cellulaire ni une production de lipase.
38
2.2.1.3
Utilisations de Yarrowia lipolytica
Les utilisations de Y. lipolytica sont nombreuses. Ne sont listées ici que les principales.
2.2.1.3.1.
Production de métabolites ou conversion de
substrats
- Acides organiques
Y. lipolytica a été très étudiée pour la production d’acide citrique à partir d’alcanes
(Finogenova et al. 1973), d’éthanol (Arzumanov et al. 2000) ou substrats lipidiques
(Kamzolova et al. 2007; Papanikolaou et al. 2008). Cependant, sur n-paraffines, Y. lipolytica
produit 60% d’acide citrique et 40% d’acide isocitrique et sur glucose ou glycérol, une grande
majorité de citrate (92 %). La production de citrate sur substrat osidique a lieu lorsque le
micro-organisme est limité en azote (Antonucci et al. 2001; Fickers et al. 2005).
Ce micro-organisme est aussi capable de produire de l’α-cétoglutarate en grandes quantités
lorsqu’il est cultivé sur n-alcanes et en limitation de thiamine (l’α-cétoglutarate
déshydrogénase est thiamine dépendante) (Chernyavskaya et al. 2000; Il'chenko et al. 2002).
- Acides dicarboxyliques
Les acides dicarboxyliques permettent la préparation de produits tels que les nylons et autres
polyesters ou polyamides, les résines, adhésifs, parfums, lubrifiants, plastifiants (Thevenieau
2006). Ces acides proviennent de la voie de l’ω-oxydation et sont produits par Y. lipolytica sur
substrat hydrophobe, bien qu’en faible quantité. Des études sont donc réalisées avec des
modifications génétiques de souches permettant d’augmenter cette production (Smit et al.
2005; Thevenieau 2006).
- Molécules aromatiques
Y. lipolytica permet de produire des molécules aromatiques comme la γ-décalactone ou des Δlactones. La production de γ-décalactone (donnant une flaveur pêche) est issue de la
bioconversion de l’acide ricinoléique (tiré d’huile de ricin) par β-oxydation dans les
39
peroxysomes (Endrizzi et al. 1996; Nicaud et al. 1998). Les Δ-lactones donnent des notes
fruitées ou huileuses naturellement présentes dans les fruits ou produits alimentaires
fermentés pour additifs (Wache et al. 2003).
2.2.1.3.2.
Production de protéines
Y. lipolytica est un microorganisme très utilisé pour la production de protéines. Le mécanisme
prédominant de sécrétion chez cette levure est un processus de translocation cotraductionnelle
comme chez les eucaryotes supérieurs (Boisrame et al. 1998).
- Lipase et protéines émulsifiantes
La lipase catalyse l’hydrolyse d’acylglycérol à longue chaine et la synthèse d’esters et
d’amides et agit préférentiellement sur l’oléate et autres résidus oleyl aux positions 1 et 3.
C’est une hydrolase de triacylglycérol (EC 3.1.1.3) (Heslot 1990). Y. lipolytica possède des
promoteurs forts et une capacité de sécrétion importante. Elle produit naturellement 8 lipases
dont la protéine Lip2 est majoritaire (Pignede et al. 2000). Ces lipases sont utilisées dans
l’industrie des émulsifiants, des bases cosmétiques et la pharmacie.
D’après Peters (Peters and Nelson 1948), l’expression des lipases est répressible par le
glucose et le pH d’expression optimum est entre 6.2 et 6.5. Leur activation ou stabilisation
requiert la présence d’acide oléique. Mais, Kalle et al. (Kalle et al. 1972) ont découvert deux
activités lipase : une constitutive et non répressible par le glucose et une autre induite par le
mono oléate de sorbitan. De même, sa localisation cellulaire n’a pas encore été déterminée.
Elle pourrait être extracellulaire (Ota et al. 1978) ou liée à la membrane plasmique (Kalle et
al. 1972).
Cette levure produit aussi des émulsifiants comme le yansan (Trindade et al. 2008) ou le
liposan (Cirigliano and Carman 1984, 1985; Sarubbo et al. 1997; Vance-Harrop et al. 2003;
Albuquerque et al. 2006).
- Protéases
Y. lipolytica produit deux types de protéases : une protéase alcaline extracellulaire (AEP) et
une protéase acide extracellulaire (AXP) (Heslot 1990).
40
La protéase alcaline (Ogrydziak 1988; Fabre et al. 1991) est produite naturellement sur milieu
YPD à pH 6.8. Elle est encodée par le gène XPR2. Cette protéine de 32 kDa fait partie de la
famille des subtilisines, de taille de 55 kDa et glycosylée (Matoba et al. 1988).
La protéase acide est produite naturellement sur YPD à pH 4.0. Il existe trois espèces de
protéines de tailles différentes : 28, 32 et 36 kDa (Young et al. 1996; McEwen and Young
1998) qui diffèrent par leur degré de glycosylation.
- Autres enzymes
Y. lipolytica produit une phosphatase extracellulaire (liée à la surface cellulaire) lorsque le
milieu est carencé en sources phosphatées minérales.
Dans les mêmes conditions que la production de protéase alcaline, Y. lipolytica produit une
RNAse extracellulaire, une protéine de 45 kDa dégradée par la protéase alcaline en deux
protéines de 43 et 34 kDa. Le précurseur est glycosylé et a un poids moléculaire de 73 kDa
(Vasilevatonkova et al. 1993; Jolivet et al. 1998).
2.2.1.4
Génome et outils génétiques
- Caractéristiques génomiques
Le génome de Y. lipolytica (souche CLIB122) a été séquencé par le groupe de recherche
Génolevures (Casaregola et al. 2003; Dujon et al. 2004). La carte génétique de cette levure a
été construite (Ogrydziak et al. 1978; Ogrydziak et al. 1982; Ogrydziak 1988; Barth et al.
2003).
La plupart des isolats de Yarrowia sont haploïdes (Barth and Gaillardin 1997) dont le contenu
génétique est composé de 6 chromosomes (Souciet 2003).
La taille du génome a été estimée à 4x109 Da soit 11Mb par Barth (Barth,1997) et entre 12.7
et 22.1 Mb selon la souche par Naumova (Naumova et al. 1993)
La taille et le nombre de chromosomes sont également très variables selon la souche. Il peut
exister 4 à 6 chromosomes. La souche CLIB122 séquencée par le consortium Génolevures en
contient 6.
41
Saccharomyces cerevisiae
Saccharomyces bayanus var. uvarium
Saccharomyces exiguus
Saccharomyces servazzii
Candida glabrata
Zygosaccharomyces rouxii
Saccharomyces kuyveri
Kluyveromyces thermotolerans
Kuyveromyces lactis var. lactis
Kuyveromyces marxianus var. marxianus
Eremothecium gossypii
Pichia angusta
Debaryomyces hanseii var. hanseii
Pichia farinosa
Candida tropicalis
Candida albicans
Yarrowia lipolytica
Figure 5 : Relations phylogénétiques des levures séquencées par le Génoscope (consortium Génolevures)
(d’après [Fitzpatrick et al., 2006, BMC Evolutionary biology 6: 99]
Yarrowia a beaucoup divergé des autres levures ascomycètes (Figure 5). En effet, elle
présente un contenu en GC élevé (de 49.6 à 51.7%), la taille des gènes est plus grande (3.3 kb
en moyenne contre 2 kb pour S. cerevisiae). Ceci est dû à une haute fréquence en introns
(13%) dont la taille peut être grande (Bon et al. 2003). Les gènes homologues avec
Saccharomyces cerevisiae, Kluyveromyces lactis et Candida albicans ont un niveau de
similarité faible (typiquement 50 à 60% au niveau des acides aminés) (Barth and Gaillardin
1997; Neuveglise et al. 2002; Dujon et al. 2004).
Yarrowia est donc une levure ascomycète atypique à la frontière entre les levures
hémiascomycètes et les champignons filamenteux ascomycètes.
42
- Outils génétiques
De nombreux outils génétiques ont été adaptés pour Y. lipolytica tels que des systèmes de
transformation (Gaillardin et al. 1985; Davidow et al. 1987), un système de disruption
(Fickers et al. 2003), un vecteur réplicatif (Fournier et al. 1991), un vecteur intégratif
(Gaillardin and Ribet 1987), un système d’amplification de gènes (Ledall et al. 1994). Les
promoteurs peuvent être fortement régulés ou constitutifs (Barth and Scheuber 1993;
Blanchin-Roland et al. 1994).
Peu de marqueurs de sélection sont disponibles chez ce micro-organisme. En effet, celui-ci est
insensible à la plupart des antibiotiques, excepté au groupe des bléomycines et phléomycines
et à l’hygromycine B (Otero and Gaillardin 1996). De plus, des résistances spontanées
apparaissent (Barth and Gaillardin 1997). La méthode la plus couramment utilisée est donc
l’utilisation de marqueurs d’auxotrophie. Les principaux marqueurs utilisés sont au nombre de
deux : l’auxotrophie à la leucine par délétion du gène LEU2 codant l’isopropyl malate
déshydrogénase et l’auxotrophie à l’uracile par délétion du gène URA3 codant pour
l’orotidine-5’-phosphate décarboxylase.
Plusieurs promoteurs forts sont utilisés. Les promoteurs peuvent être fortement régulés ou
constitutifs (Barth and Scheuber 1993; Blanchin-Roland et al. 1994). Le premier promoteur à
être utilisé est celui du gène XPR2 qui code pour la protéase alcaline (Ogrydziak et al. 1982;
Nicaud et al. 1989). Cependant sa régulation est complexe : il est induit à pH supérieur à 6
dans un milieu dépourvu de sources de carbone et d’azote. Mais son induction est maximale
lorsque la concentration en peptones dans le milieu initial est élevée (Madzak et al. 2004).
Trois promoteurs sont fortement induits par les alcanes, les acides gras libres ou les
triacylglycérols : le promoteur du gène POX2 codant l’acylCoA oxydase (Pignede et al.
2000), le promoteur du gène POT1 codant la 3-oxo-acylCoA thiolase et le promoteur du gène
ICL1 codant l’isocitrate lyase (Juretzek et al. 2001). Ces deux premiers sont réprimés en
présence de glucose ou de glycérol mais le mécanisme est inconnu (Juretzek et al. 2000).
Cependant, le promoteur du gène ICL1 a un niveau basal en présence de glucose mais il est
fortement exprimé en présence d’éthanol ou d’acétate. Les promoteurs des gènes TEF et
RPS7 sont constitutifs et utilisés pour l’expression de protéines hétérologues (Müller 1998).
43
Un promoteur hybride a été développé par Madzak et al. (Madzak et al. 2000): Hp4d (Hybrid
Promotor Four Direct repeat). Il correspond à l’insertion de 4 répétitions de la séquence
UAS1 du gène XPR2 en amont du promoteur minimum du gène LEU2 contenant la boite
TATA. Il est constitutif car son expression ne dépend ni des conditions ni de la composition
du milieu de culture. Mais l’expression de protéines recombinantes sous son contrôle n’a lieu
qu’en fin de phase exponentielle de croissance (Nicaud et al. 2002).
2.2.2. Physiologie
2.2.2.1
Métabolisme énergétique pour la croissance
2.2.2.1.1.
Catabolisme des molécules aliphatiques
- Assimilation des hydrocarbures
En 1954, Bruyn démontra que Y. lipolytica peut utiliser les n-alcanes et l-alcènes (Bruyn
1954). Les alcanes polyméthylés et polychlorés sont aussi assimilés (Hagihara et al. 1977)
mais peu d’enzymes ont été caractérisées et peu de gènes impliqués dans leur assimilation ont
été clonés pour être étudiés (Iida et al. 1998; Wang et al. 1998) bien que le génome d’une
souche de cette espèce ait été séquencé.
L’assimilation des alcanes dans la cellule est inductible et due à un transport actif (Bassel and
Mortimer 1985). Plusieurs transporteurs ou mono-oxygénases existent suivant la longueur de
la chaîne carbonée. L’assimilation est très probablement facilitée par leur émulsion à la
surface cellulaire afin de former des gouttelettes qui sont internalisées via des canaux reliant
la paroi à l’intérieur de la cellule. L’émulsifiant probablement utilisé est le liposan, induit lors
de croissance sur n-alcanes (Cirigliano and Carman 1984, 1985). Cependant, Fickers et al.
(Fickers et al. 2005) proposent que les alcanes entrent directement dans la cellule. Les alcanes
liés aux protubérances pourraient traverser la membrane via les pores via un transport passif
jusqu’au réticulum endoplasmique, site de l’hydroxylation par le système mono-oxygénase
P450.
Les alcanes sont dégradés via la voie de l’ω-oxydation (Figure 6) dans le réticulum
endoplasmique ou les peroxysomes. La première étape est l’hydroxylation monoterminale des
44
alcanes en alcools correspondants par un système d’hydrolases qui semble être couplé à un
système de transfert des électrons (cytochrome P450 mono-oxygénase) (Ratledge 1984b).
L’alcool gras formé est oxydé en aldéhyde par une alcanol déshydrogénase NAD(P) +
dépendante ou une alcool oxydase. L’aldéhyde formé est oxydé en acide gras par une
aldéhyde oxydase NAD(P)+ dépendante (Vanhanen et al. 2000). Ce dernier est soit dégradé
via la voie de la β-oxydation (Figure 6) soit estérifié par le glycérol pour former un
triacylglycérol en vue d’une accumulation intracellulaire (2.2.2.2.2). Ces étapes se déroulent
dans le réticulum endoplasmique ou les peroxysomes. L’expression des cytochromes P450 est
régulée par plusieurs gènes (Toshiya Iida 2000). Le cytochrome P450 est localisé dans la
membrane du réticulum endoplasmique.
Figure 6: Voie de l’ω-oxydation (Thevenieau, 2006) chez les levures.
Trois étapes permettent de convertir l’alcane en acide gras à longueur de chaîne correspondante. Le
complexe cytochrome P450 mono-oxygénase est composé d’un cytochrome P450 dont la fonction est
d’oxyder le carbone terminal et d’une cytochrome P450 réductase (NADPH dépendante) dont la fonction
est le transfert d’électron. Cette réaction se déroule dans le réticulum endoplasmique. L’alcool formé est
oxydé par (A) des alcools oxydases en formant du peroxyde d’hydrogène dans le peroxysome ou (B) des
alcool déshydrogénases (NAD(P)+ dépendantes) dans le réticulum endoplasmique ou le cytosol.
L’aldéhyde formé est converti en acide gras par l’aldéhyde déshydrogénase localisée dans les
peroxysomes, le réticulum endoplasmique et le cytosol.
Une partie des acides gras dérivant du catabolisme des alcanes permet la synthèse d’acides
gras de 14 à 18 carbones. Cette synthèse a lieu dans le réticulum endoplasmique et fait
intervenir l’acylCoA synthétase I (ACS I), la glycérol-3-phosphate acyltransférase (GAT)
ainsi que les enzymes de la désaturation et de l’élongation des acides gras. Les acides gras
synthétisés permettent ensuite la formation de phospholipides et de triglycérides.
45
- Assimilation des alcools
Y. lipolytica utilise l’éthanol comme source de carbone jusqu’à une concentration de 3%
(vol/vol). Plusieurs alcool-déshydrogénases NAD+ ou NADP+ dépendantes ont été observées
chez ce micro-organisme (Barth and Kunkel 1979) dont deux alcool-déshydrogénases (NAD+
dépendantes) qui diffèrent par leur spécificité de substrat. La synthèse des deux enzymes
semble répressible par le glucose et induite par l’éthanol. Trois alcool-déshydrogénases
(NADP+ dépendantes) ont été découvertes, chacune avec des spécificités de substrat. La
présence de ces alcool-déshydrogénases (NADP+ dépendantes) dépend de la phase de
croissance et de la source carbonée (Barth and Gaillardin 1997).
- Assimilation de l’acétate
La croissance sur acétate est possible. La concentration maximale tolérée est de 0.4%
d’acétate de sodium soit une concentration en acétate de 2,9 g.L-1. La croissance est
totalement inhibée à 1% (soit 7,3 g.L-1). L’acétylCoA synthétase est nécessaire à l’induction
de l’assimilation de l’acétate via le cycle du glyoxylate (Barth and Gaillardin 1997).
2.2.2.1.2.
Catabolisme des glucides
La glycolyse est l’assimilation de sucre (glucose plus particulièrement) qui conduit à la
production d’acide pyruvique dans le cytoplasme (Figure 7). Ce dernier passe ensuite dans la
mitochondrie pour être transformé en acétylCoA par la pyruvate déshydrogénase soit pour
entrer dans le cycle de Krebs soit pour être transporté par la carnitine-acétyl-transférase vers
le cytoplasme pour la synthèse d’acide gras (Davies 1992).
Les enzymes de la glycolyse sont réversibles et les réactions qu’elles catalysent proches de
l’équilibre. Cependant, quelques réactions sont irréversibles, et donc essentielles. Ces
réactions sont réalisées par la glucokinase, la phosphofructokinase et la pyruvate-kinase.
Le pyruvate subit une décarboxylation oxydative catalysée par une pyruvate-déshydrogénase,
multienzyme mitochondriale qui contient trois fonctions : pyruvate-déshydrogénase,
dihydrolipoamide-acétyl-transférase et dihydrolipoamide-déshydrogénase. Cette réaction
46
produit du CO2, une molécule d’eau et une molécule d’acétylCoA afin d’alimenter le cycle de
Krebs.
Figure 7 : Voie de la glycolyse chez la levure.
Les hexoses intracellulaires entrent dans la glycolyse après une phosphorylation par une hexokinase.
L’hexokinase est fortement inhibée par le tréhalose-6-phosphate. La phosphoglucose isomérase converti le
glucose-6-phosphate en fructose-6-phosphate, cette réaction est réversible. La phosphofructokinase catalyse la
phosphorylation du fructose-6-phosphate en en fructose-1,6-biphosphate. La transformation de cette molécule à
6 carbones en trioses est réalisée par la fructose-1,6-biphosphate aldolase qui clive le fructose-1,6-biphosphate
en dihydroxyacétone-phosphate et glycéraldéhyde-3-phosphate. La triose-phosphate-isomérase permet
l’interconversion entre le dihydroxyacétone-phosphate et le glycéraldéhyde-3-phosphate. La glycéraldéhyde-3phosphate-déshydrogénase catalyse l’oxydation du glycéraldéhyde-3-phosphate en 1,3 biphosphoglycérate en
générant une liaison enrichie en énergie acyl-phosphate. Le NADH généré dans la réaction est réoxydé pour la
glycolyse. La phosphoglycérate kinase permet d’utiliser la liaison riche en énergie acyl-phosphate du 1,3
biphosphoglycérate pour produire une molécule d’ATP. La phosphoglycérate mutase catalyse l’interconversion
entre le 3- et le 2- phosphoglycérate. L’énolase catalyse la déshydratation du 2-phosphoglycérate en phosphoénol-pyruvate. Enfin, la pyruvate-kinase catalyse la deuxième réaction formant de l’ATP en formant du
pyruvate.
47
L’acétylCoA pourrait aussi être formé dans le cytosol via le pyruvate « by-pass » grâce à
l’action de la pyruvate-décarboxylase, de l’aldéhyde deshydrogénase et de l’acétylCoAsynthétase. Cette voie existe également chez plusieurs levures dont certains Candida (Chen et
al. 2005).
Y. lipolytica possède une glucokinase majoritaire et spécifique du glucose et une hexokinase.
La phosphoglycérate kinase est encodée par le gène PGK1 chez Y. lipolytica.
2.2.2.1.3.
Génération du pouvoir réducteur et synthèse d’ATP
- Voie des pentoses-phosphates
La glucose-6-phosphate déshydrogénase catalyse l’oxydation du glucose-6-phosphate en 6phospho-gluconolactone. Son hydrolyse en 6-phospho-gluconate est spontanée à pH
physiologique mais très lente. Une lactonase accélère cette réaction. Le 6-phosphogluconate subit une décarboxylation oxydative grâce à l’activité de la 6-phospho-gluconate
déshydrogénase pour former du ribulose-5-phosphate qui peut être isomérisé en ribose-5phosphate ou épimérisé en xylulose-5-phosphate. Une transcétolase catalyse le transfert
d’un chaînon dicarboné, prélevé au xylulose-5-phosphate sur le ribose-5-phosphate ou un
érythrose-4-phosphate. Enfin, une transaldolase catalyse la formation réversible de
glycéraldéhyde-3-phosphate et sédoheptulose-7-phosphate à partir d’érythrose et de
fructose-6-phosphate.
La voie des pentoses phosphate (Figure 8) est impliquée dans la production de NADPH
pour les réactions de biosynthèse ou la production d’énergie, de ribose-5-phosphate pour la
synthèse d’acide nucléique et de facteurs nucléotidiques et d’érythrose-4-phosphate pour la
synthèse d’acides aminés. Le fructose-6-phosphate formé en fin de voie retourne dans la
glycolyse où il peut être dégradé en pyruvate ou isomérisé en glucose-6-phosphate par la
phosphoglucose isomérase.
L’oxydation complète d’une molécule de glucose-6-phosphate via la voie des pentoses
phosphate peut ainsi être résumée par l’équation suivante :
Glucose-6-P + 12 NADP+  6 CO2 + Pi + 12 NADPH,H+
48
Figure 8: Voie des pentoses-phosphate.
- Cycle de Krebs
Le pyruvate formé au cours de la glycolyse est entièrement oxydé en CO 2 au cours du cycle
de Krebs (Figure 9). Le cycle de Krebs peut aussi être approvisionné en acétylCoA par la voie
de dégradation des acides gras : ce sont les deux voies anaplérotiques principales fournissant
des molécules carbonées au cycle de Krebs. Les intermédiaires du cycle de Krebs sont utilisés
pour des réactions de biosynthèse. Le cycle de Krebs permet de reformer du pouvoir
réducteur, en formant des molécules de NADH à partir de NAD +.
Le cycle de Krebs se déroule de la manière suivante et prend place dans la mitochondrie :
Le citrate est formé par condensation de l’acétylCoA avec une molécule d’oxaloacétate. Une
molécule d’eau est consommée et un coenzyme A-SH est relargué. Le citrate produit est
49
isomérisé en isocitrate, lui même oxydé et décarboxylé pour former une molécule d’ αcétoglutarate. Un NAD+ est réduit et une molécule de CO2 est formée. L’isocitrate
déshydrogénase, NAD+ dépendante, est inhibée par le NADH, même à de faibles
concentrations (Morgunov et al. 2004). L’ α-cétoglutarate
subit une décarboxylation
oxydative pour former une molécule de succinyl-CoA avec réduction du NAD+. Cette
molécule est transformée en succinate en produisant une molécule d’ATP et un CoA-SH. Le
succinate est oxydé en fumarate avec réduction d’un FAD. Le fumarate est hydraté en malate,
ce qui consomme une molécule d’eau. Le malate est oxydé en OAA, ce qui réduit une
molécule de NAD.
Cette voie peut donc être résumée par la formule suivante :
Acétyl-CoA + 3 NAD+ + 2 H2O + FAD + GDP + Pi  2 CO2 + 3 NADH,H+ + FADH2 +
GTP + CoA
Le shunt du glyoxylate permet de produire du glyoxylate et du succinate à partir de
l’isocitrate. Le glyoxylate sera ensuite condensé avec une molécule d’acétylCoA et une
molécule d’eau pour former du malate et libérer un CoA-SH. Deux enzymes sont
caractéristiques de ce cycle : l’isocitrate lyase et la malate synthase. L’isocitrate lyase, codée
par le gène ICL1 chez S. cerevisiae, catalyse le clivage de l’isocitrate en succinate et
glyoxylate. La malate synthase catalyse la condensation du glyoxylate avec une molécule
d’acétylCoA.
50
O
H3C C COOH
CO2
Pyruvate
CoASH
NAD+
O
NADH + H+
H3C C SCoA
Citrate synthétase
NADH + H+
O C COOH
Malate
CoASH
H2C COOH
NAD+
Malate
OAA
déshydrogénase
H
HO C COOH
H2C COOH
OH2
H C COOH
H
H2C COOH
2+
Fe
H2C COOH
OH2
CoASH+ H+
O
H3C C SCoA
HC COOH
O C COOH
H
OH2
Aconitase
2+
Isocitrate lyase
Glyoxylate
Acétyl-CoA
COOH CH
Cis-aconitate
C COOH
C COOH
H
Fumarase
Fumarate
OH2
Aconitase
Malate synthase
OH2
Citrate
HO C COOH
Fe
H2C COOH
H C COOH
FADH2
Succinate
déshydrogénase
H2C COOH
H2C COOH
FAD
Succinate
Isocitrate
déshydrogénase
Succinate
HC COOH
H2C COOH
NADH + H+
Isocitrate
déshydrogénase
Succinate
thiokinase
Mg
H2C COOH
CH2
O
Succinyl-CoA
Oxalosuccinate
O C COOH
CoASH
GDP + Pi
NAD+
H2C COOH
H2C COOH
GTP
Isocitrate
HO C COOH
H
Alpha-cétoglutarate
déshydrogénase
CO 2
H2C COOH
2+
CO 2
CH2
O
S CoA
COOH
Alpha-cétoglutarate
CoASH
NADH + H+
NAD+
IPP+
Ac. lipoïque
FAD
Figure 9: Cycle de Krebs.
Les enzymes catalysant les réactions sont en rouge, les composés intermédiaires en italique.
- Synthèse d’ATP à partir du pouvoir réducteur
En conditions aérobies, la grande majorité de l’ATP cellulaire est formée dans les
mitochondries. La phosphorylation de l’ADP en ATP est couplée à l’oxydation du NADH en
NAD+ par l’oxygène.
Le système de phosphorylation oxydative est composé de la chaîne respiratoire et de l'ATP
synthase. La phosphorylation oxydative régénère les coenzymes réduits NADH et FADH2 en
NAD+ et FAD. Les électrons libérés sont transférés à l’oxygène moléculaire pour former une
molécule d’eau. Les protons exportés permettent le maintien du potentiel transmembranaire
51
entre l’espace intermembranaire et la matrice de la mitochondrie. Ainsi, l’entrée de protons à
l’intérieur de la mitochondrie permet la synthèse d’ATP grâce à l’ATPase membranaire.
La chaîne respiratoire est une chaîne de transport d'électrons constituée de quatre complexes
protéiques : NADH ubiquinone oxydoréductase (appelé aussi complexe I), succinate
ubiquinone oxydoréductase (complexe II), ubiquinol cytochrome c oxydoréductase (complexe
III), cytochrome c oxydase (complexe IV). À ces complexes protéiques, s'ajoutent des
transporteurs mobiles d'électrons, l'ubiquinone (ou coenzyme Q) et le cytochrome c. Le
NADH cède ses électrons au complexe I et ils sont ensuite transportés par l'ubiquinone
jusqu'au complexe III. Enfin les électrons sont pris en charge par le cytochrome c puis libérés
au niveau du complexe IV où ils sont utilisés pour la réduction de l'oxygène en eau. Le
FADH2 cède, quant à lui, ses électrons au complexe II. Ils sont ensuite transportés par
l'ubiquinone jusqu'au complexe III et suivent alors le même chemin que les électrons fournis
par le NADH. Ainsi, la chaîne respiratoire permet le transfert progressif des électrons à partir
des coenzymes réduits vers l'oxygène par une cascade d’oxydoréduction. L'énergie libérée au
cours de ce transfert d'électrons sur la chaîne d'oxydoréduction permet l'expulsion de protons
de la matrice vers l'espace intermembranaire, au niveau des complexes I, III et IV, formant
ainsi un gradient de protons de part et d'autre de la membrane interne. Ce couplage
chimiosmotique aboutit à la formation d'un gradient électrochimique qui contient l'énergie
d'oxydation. Ce gradient est constitué d'un gradient de pH (la matrice devient plus basique) et
d'un gradient de charges (la face matricielle de la membrane interne est chargée
négativement). Ce gradient électrochimique, via le retour des protons dans la matrice en
passant par l'ATP synthase, permet à celle-ci de catalyser la réaction réversible de
phosphorylation de l'ADP en ATP. La consommation d'oxygène et la phosphorylation sont
ainsi couplées via cette force protomotrice.
Une molécule de NADH réoxydée permet ainsi de libérer 10 protons qui permettent à leur
tour de former 3 molécules d’ATP.
2.2.2.1.4.
Catabolisme des acides gras et des triacylglycérols
- Catabolisme des triacylglycérols
Le catabolisme des triacylglycérols nécessite un système lipasique afin de cliver ces derniers
en glycérol et acides gras (Peters and Nelson 1948). Les triglycérides sont dégradés
52
préférentiellement sur les positions sn1 et sn3 (Barth and Gaillardin 1997). Le système de
Yarrowia lipolytica est très actif. Il comprend plusieurs lipases extracellulaires,
intracellulaires ou membranaires et leur activité dépend de la présence d’acides gras ou de
triglycérides dans l’environnement (Fickers et al. 2003). Le gène LIP2 code une lipase
extracellulaire qui hydrolyse préférentiellement les triacylglycérols dont les acides gras ont
une longue chaîne carbonée (Barth 1996). Le gène LIP7 code une lipase membranaire
spécifique du caproate (C6 :0) et le gène LIP8 code une lipase membranaire spécifique du
caprate (C8 :0) (Fickers et al. 2005). Les gènes LIP1, 3 et 6 codent des carboxyl-estérases
(Fickers et al. 2005).
- Adhésion à la cellule et transport intracellulaire des acides gras
L’adhésion des acides gras à la cellule pourrait se faire de deux manières : soit par la
solubilisation de ces lipides via l’excrétion d’un composé surfactant, soit par modification de
la surface cellulaire :
-
La cellule secrète des surfactants permettant l’émulsion des acides gras en formant des
micelles qui seraient internalisées dans la membrane plasmique. Un des émulsifiants
extracellulaires, le liposan, est une glycoprotéine de 27 kDa composée à 5% de
protéines, 20% de glucides et 75% de lipides (Cirigliano and Carman 1984). La
sécrétion du liposan est induite par la présence de triacylglycérols et d’hydrocarbures
et réprimée en présence de glucose.
-
Le second mécanisme semble être un contact direct entre les cellules et les gouttelettes
lipidiques et s’appuie sur la corrélation entre l’induction de l’adhérence du substrat à
la paroi cellulaire et l’augmentation des propriétés apolaires de la surface de la cellule
(Wache et al. 2003). Mlickova (Mlickova et al. 2004) a pu observer que, lorsqu’une
souche de Y. lipolytica est cultivée sur acide oléique, des protubérances apparaissent,
correspondant à l’adhérence des gouttelettes aux parois cellulaires. Cette adhérence
serait due à l’interaction de type acide base entre les acides gras et la membrane
cellulaire (Mlickova et al. 2004) et à la modification de l’hydrophobicité de la surface
cellulaire (Fickers et al. 2005). Une culture de Y. lipolytica en présence de substrats
hydrophobes permet d’observer des modifications de la structure cellulaire :
protubérances à la surface cellulaire et apparition d’invaginations dans la membrane et
53
de pores associés aux structures du réticulum endoplasmique. Ces pores connectent les
protubérances extra-membranaires à l’intérieur de la cellule (Mlickova et al. 2004).
Le mécanisme de transport des acides gras à travers la membrane est aussi très controversé
chez les levures, la plupart des études ayant été réalisée chez S. cerevisiae. Deux hypothèses
ont été posées : l’une défendant l’existence de transporteurs d’acides gras situés dans la
membrane plasmique, l’autre défendant le fait que ces acides gras diffusent librement à
travers la membrane. Kampf (Kampf 2007) a observé que la fixation et le transport des acides
gras sont des processus rapides et Hamilton (Hamilton 1998) a montré que les acides gras
peuvent diffuser rapidement à travers une bicouche lipidique synthétique à pH physiologique.
Cependant, les vitesses de transport des acides gras ne sont pas toutes identiques (Abumrad et
al. 1991; Abumrad et al. 1999). Deux transporteurs actifs ont été mis en évidence (Kohlwein
and Paltauf 1980) : un spécifique des acides gras à longueur de chaine de 12 à 14 carbones et
un pour les longueurs de chaine de 16 à 18 carbones. Les acides gras à longueur de chaîne de
8 et 10 carbones ne sont pas transportés dans la cellule car ils sont supposés toxiques. En
effet, les acides gras à chaîne carbonée courte (inférieure ou égale à 14 carbones) semblent
inhiber le transport d’anions (et plus spécialement de phosphate) à travers la membrane
mitochondriale, ce qui affecte le transport de protons (Hunkova and Fencl 1978). Chez S.
cerevisiae, la protéine fat1p et les acylCoA synthétases faa1p et faa4p semblent être les
protéines majoritaires permettant le transport et l’activation des acides gras (Faergeman et al.
2001). La protéine semble être localisée dans le réticulum endoplasmique et la membrane
peroxysomale et est homologue à la protéine codée par le gène FATP des eucaryotes
supérieurs responsable du transport des acides gras (Faergeman et al. 2001). Cette protéine a
deux fonctions : l’importation des acides gras dans la cellule et une activité acylCoA
synthétase. Les acylCoA synthétases faa1 et faa4 représentent 99% des activités myristoyl et
palmitoylCoA synthétases (Johnson et al. 1994). Une double délétion entraine l’altération du
transport des acides gras (Johnson et al. 1995). Le transport cytosolique des acides gras
activés pourrait être régulé par les « acyl CoA binding proteins » ACBP. Leur poids
moléculaire est de 10 kDa. Ces protéines lient les acides gras activés entre 14 et 22 atomes de
carbone (Faergeman et al. 1997) et pourraient transporter les acylCoA jusqu’au système
d’élongation. Faergeman réconcilie les deux hypothèses en suggérant que le transport des
lipides soit réalisé par diffusion passive qui permet l’activation de la synthèse de transporteurs
liés à la membrane (Faergeman et al. 2001).
54
- Catabolisme des acides gras
o Activation des acides gras
Les acides gras sont supposés toxiques pour la cellule. Ainsi, dès leur apparition dans la
cellule, ils sont transportés vers les peroxysomes pour être transformés en thio-esters de
coenzymeA (Ratledge 1984b). L’activation des acides gras est réalisée par une acylCoA
synthétase II (ACS). Elle est localisée dans les peroxysomes et est induite par la présence de
palmitate (Dellangelica et al. 1992).
-
L’acide gras réagit avec une molécule d’ATP pour former un acyl-adénylate. Les
autres groupes phosphoryles de l’AMP sont libérés dans le milieu sous la forme de
pyrophosphate selon la réaction suivante :
R  COOH  ATP  RCOO  AMP  PPi
-
L’acyl-adénylate réagit avec un coenzyme A pour former une molécule d’acylCoA, ce
qui relargue une molécule d’AMP. La réaction est la suivante :
RCOO  AMP  HS  CoA  RCOO  S  CoA  AMP
Pour régénérer un AMP, deux groupes phosphoryles sont nécessaires, ce qui correspond à
l’utilisation de deux molécules d’ATP et non d’une seule.
Palmieri (Palmieri et al. 2001) a fonctionnellement reconstitué un transporteur ABC nommé
ant1p et une fonction de transporteur a été découverte pour le complexe protéique pxa1ppxa2p (Shani and Valle 1996). Ces deux transporteurs fournissent les acides gras activés à la
voie de dégradation des acides gras dans les peroxysomes. Les acides gras à chaîne carbonée
courte sont inhibiteurs de la croissance. Les acides gras à longueur de chaîne de 8 et 10
carbones sont les plus toxiques. C’est pour cette raison qu’il ne semble par exister de
transporteur pour ces acides gras (Hunkova and Fencl 1977; Hunkova and Fencl 1978).
o Dégradation des acides gras
La dégradation des acides gras est réalisée via la voie de la β-oxydation (Figure 10). Chez les
levures, elle se situe uniquement dans les peroxysomes car elles ont perdu les enzymes
requises pour la β-oxydation mitochondriale (Hiltunen et al. 1993). La culture de Y. lipolytica
sur acide oléique entraîne la prolifération des peroxysomes et une augmentation de l’activité
des enzymes de la β-oxydation. Cette voie permet la formation d’acétylCoA à partir d’acides
55
gras à chaîne paire et de propionyl-Co A à partir d’acides gras à chaîne impaire. Pour chaque
molécule d’acétylCoA produite (ou de propionyl-CoA), une molécule de NADH2 et une
molécule de FADH2 sont formées.
L’acide gras à n carbones est dégradé de manière cyclique. Chaque cycle libère un acide gras
raccourci de 2 carbones et une molécule d’acétylCoA. L’acétylCoA généré est utilisé pour la
construction de la cellule ou catabolisé dans le cycle de Krebs. Quatre réactions successives
sont nécessaires :
-
L’acylCoA formé lors de l’activation de l’acide gras est oxydé par une molécule de
FAD pour former une molécule de trans-Δ2-enoyl-CoA grâce à l’action d’une
acylCoA oxydase codée par les gènes POX 1 à 6 chez Y. lipolytica (Nicaud et al.
1998; Wang et al. 1999). Le peroxyde d’oxygène produit par cette réaction est
détoxifié par la catalase peroxysomale codée par le gène CTA1 chez S. cerevisiae
(Cohen et al. 1985; Cohen et al. 1988). Chez Y. lipolytica, l’acylCoA oxydase 2 est
spécifique des acides gras à chaîne longue (Luo et al. 2002) et l’acylCoA oxydase 3
des acides gras à chaîne courte (Wang et al. 1999). Les acylCoA oxydases seraient
importées dans les peroxysomes sous la forme d’un hétéropentamère (Titorenko et al.
2002).
-
Le trans-Δ2-enoyl-CoA est hydraté par la 2-enoyl-CoA hydratase.
-
La molécule de L-3-hydroxyacyl-CoA formée est oxydée par une molécule de NAD+
pour former une molécule de 3-oxoacyl-CoA thioester.
Ces deux dernières étapes sont catalysées par une protéine bifonctionnelle codée par le gène
FOX2.
-
Le 3-oxoacyl-CoA thioester est clivé par une 3-oxoacyl-CoA thiolase codée par le
gène POT1 (Igual et al. 1992). Un coenzyme A est ajouté pour former un acétylCoA
et un acylCoA diminué de deux carbones. La disruption de POT1 empêche
l’utilisation d’oléate par la cellule mais pas l’élongation des acides incorporés. Pour
les substrats à chaîne courte, le clivage est réalisé par une acéto-acétylCoA thiolase
peroxysomale codée par le gène PAT1, inductible en présence de décane (Yamagami
et al. 2001).
Le pouvoir réducteur nécessaire à ces réactions (NADH) est produit par une activité isocitrate
déshydrogénase peroxysomale inductible par l’acide oléique et codée par le gène IDP3 (Van
Roermund et al. 1995).
56
Figure 10 : Voie de la β-oxydation des acides gras chez la levure. Exemple de l’acide palmitique (C16:0).
Les acides gras insaturés sont dégradés de la même manière que les acides gras saturés.
Cependant, des enzymes sont spécifiques des acides gras cis-insaturés en position impaire tel
que l’acide oléique 18 :1Δ9. L’intermédiaire formé est le 2,5 di-enoyl-CoA. Après un cycle
d’oxydation, une double liaison 3-cis est formée et isomérisée par une Δ3-cis-Δ2-trans-enoylCoA isomérase.
57
D’autres enzymes permettent d’oxyder les acides gras cis-insaturés en position paire en
formant du 2-trans-4-cis-disénoyl-CoA. Celui-ci est oxydé en 3-énoyl-CoA par une 2,4diénoyl-CoA réductase (NADPH dépendante). Une isomérisation intervient pour former du 2énoyl-CoA par l’action de la Δ3-cis-Δ2-trans-énoyl-CoA isomérase.
- Exportation de l’acétyl-CoA vers les voies du métabolisme intermédiaire
Van Roermund et al. (Van Roermund et al. 1995) ont décrit deux voies d’exportation de
l’acétylCoA à partir des peroxysomes. L’acétylCoA peut être transporté dans les
mitochondries en tant qu’acétyl-carnitine grâce à l’action d’une acétyl-carnitine acyltransférase codée par le gène CAT2. Elle est localisée dans les peroxysomes et les
mitochondries (van Roermund et al. 1999). Mais, l’acétylCoA peut aussi être métabolisé en
entrant dans le cycle du glyoxylate dans les peroxysomes. Deux molécules d’acétylCoA
produisent 4 unités de carbone. Les intermédiaires incluent l’isocitrate et le succinate qui
peuvent être importés dans les mitochondries (Van Roermund et al. 1995).
- Induction des gènes par les acides gras
L’expression des protéines peroxysomales et des enzymes de la β-oxydation est régulée de
plusieurs manières, principalement au niveau transcriptionnel (Latruffe et al. 2001). La
plupart de ces gènes sont réprimés en présence de glucose. L’utilisation d’éthanol ou de
glycérol comme substrat entraine une faible augmentation de l’expression de ces gènes.
L’acide oléique permet l’augmentation forte de leur expression. Les protéines qui lèvent la
répression de ces gènes sont adr1p et snf1p. Elles sont nécessaires à l’induction par l’acide
oléique de protéines peroxysomales (Navarro and Igual 1994).
Les promoteurs de nombreux gènes codant des protéines peroxysomales présentent une
séquence d’activation. Cette séquence est responsable de la régulation de la transcription par
l’oléate doublée d’un élément de réponse à l’oléate « Oleate Response Element » (ORE)
(Einerhand et al. 1993; Wang et al. 1994). Le motif de cette séquence a été défini comme
étant CGG-N15-18-CCG (Rottensteiner et al. 1996) ou CGGNNNTNA-N9-12-CCG (Karpichev
and Small 1998). L’activation de la transcription est due à la fixation d’un complexe de
dimères activateurs à l’élément ORE (Einerhand et al. 1993).
58
2.2.2.2
Synthèse de substances de réserve
Chez Y. lipolytica, le flux de carbone excédentaire est redirigé soit en lipides, en
polysaccharides et/ou en acides organiques. En effet, lors du ralentissement de la croissance
par une limitation en un élément, le substrat continue d’être assimilé par la cellule (Ratledge
2002; Cescut 2009). Le citrate produit au niveau du cycle de Krebs peut alors être excrété de
la cellule ou entrer dans la voie de synthèse des acides gras. Dans ce dernier cas, qui se
déroule dans le cytoplasme, le citrate permet de synthétiser de l’acétylCoA et de
l’oxaloacétate (OAA) par l’action de l’ATP-citrate lyase. L’OAA est recyclé dans la
mitochondrie en malate ou en pyruvate et CO2. Le citrate sort de la mitochondrie par le
transporteur « tricarboxylate anion » probablement en échange de malate. Ce transporteur est
probablement inhibé par les acylCoA (Figure 14). La surproduction en citrate est due à
l’inhibition de l’isocitrate déshydrogénase. En effet, en limitation azote, le ralentissement de
la croissance entraine une baisse de la production d’enzymes et de nucléotides et donc de
l’AMP intracellulaire (Evans and Ratledge 1985a, 1985b, 1985c). Les ratios ATP/AMP et
NADH/NAD+ augmentent, ce qui inhibe l’enzyme (Morgunov et al. 2004).
2.2.2.2.1.
Caractéristiques des lipides intracellulaires
Les lipides levuriens sont composés d’acides gras dont 80% sont des acides gras à chaîne
carbonée de longueur de 16 et 18 carbones et principalement monoinsaturés. Les autres acides
gras restants sont des acides gras à longueur de chaine de 14 et 26 carbones et jouent un rôle
essentiel dans la modification de protéines ou comme composants de sphingolipides
(Tehlivets et al. 2007).
Les acides gras sont des acides carboxyliques à chaîne aliphatique hydrophobe. L'insaturation
(Δ) est le nombre de doubles liaisons éthyléniques (C=C). On trouve à l'état naturel entre 0 et
6 doubles liaisons. Elle conditionne la réactivité chimique de la molécule, sa stabilité (zone de
fragilité) et ses propriétés physiques et physiologiques. Sans double liaison, l’acide gras est
saturé. Elles peuvent être cis ou trans (isomérie spatiale).
59
Figure 11 : Structure des acides gras saturés et monoinsaturés.
Ici, l’acide gras saturé est l’acide stéarique (C18 :0). Les deux acides gras insaturés sont monoinsaturés en
position Δ9 : ce sont l’acide oléique cis-insaturé et trans-insaturé.
- Lipides structuraux
Les lipides sont des composés essentiels à la cellule. Toutes les structures des organelles
cellulaires sont impliquées ou dépendantes de la synthèse des acides gras, de multiples
niveaux de contrôles sont donc très probablement existants (Tehlivets et al. 2007). La nature
hydrophobique des acides gras permet de former des bicouches membranaires qui sont la base
de la compartimentation des cellules. La partie polaire des lipides est située à l’extérieur des
membranes alors que la partie hydrophobe (les acides gras) est à l’intérieur. Les lipides
structuraux constituent la biomasse catalytique et représentent 5 à 10% (w/w) de la masse
sèche cellulaire. Ce ne sont pas des lipides de réserve. Cependant, il est impossible de séparer
les lipides structuraux des lipides de réserve lors des dosages. Les lipides structuraux sont
donc brièvement présentés ici.
o Les phospholipides
Les phospholipides sont constitués d’un arbre glycérol estérifié par des acides gras en
positions sn1 (saturés) et sn2 (monoinsaturés) et un groupe phosphate en sn3 lui-même
associé à une amine, un alcool ou un sucre. Ces molécules sont donc amphiphiles. Ils sont
localisés dans toutes les membranes plasmique et vésiculaires où ils assurent le maintien de la
fluidité membranaire qui définit la capacité des mouvements de lipides et protéines dans la
membrane (Vance and Vance 1991). Les phospholipides sont indispensables à la désaturation
des résidus oléoyl et linoléoyl (Citharel et al. 1983).
60
o Les stérols
Le stérol majoritaire chez la levure est l’ergostérol. Les autres stérols présents sont des
intermédiaires entre le squalène et l’ergostérol (Rattray et al. 1975). Ces stérols libres se
retrouvent essentiellement au niveau des membranes, avec un ratio stérols/phospholipides
généralement compris entre 0,4 et 0,8. Le stérol est une molécule à plusieurs cycles, de poids
moléculaire élevé, avec une fonction alcool. Les stérols sont des composants essentiels des
membranes eucaryotes (Daum et al. 1998) en régulant leur fluidité et perméabilité. Aux
températures inférieures à 10 °C, leur courte chaîne hydrocarbonée est flexible. De plus, le
noyau tétracyclique, bien que rigide, empêche la formation d’une structure « trans » des
acides gras des lipides voisins ce qui permet aussi une fluidité de la membrane. Au contraire,
aux températures supérieures, le stérol interagit fortement avec les lipides voisins, empêchant
leur mouvement. Les stérols permettent donc de tamponner la variation de la fluidité des
membranes. La quantité de stérols représente de 0,03 à 4,6% de la masse sèche de la cellule
(Arnezeder and Hampel 1990).
o Les sphingolipides
Les sphingolipides sont constitués d’un acide gras et d’un alcool aminé, la sphingosine, ainsi
que, dans certains cas, d’un substituant qui peut être de la choline ou un groupement de nature
glucidique. Ils sont caractérisés par une liaison amide formée suite à la réaction entre le
groupement aminé de la sphingosine et le groupement carboxyle de l’acide gras. Ils sont
localisés principalement dans les membranes des vacuoles et de l’appareil de Golgi (Daum et
al. 1998). Ces composés sont présents à des concentrations très faibles, à hauteur de 0,4 %
(g/g).
o Les glycolipides
Les glycolipides sont des lipides (diglycérides, stérols) présentant une ou plusieurs
glycosylations. Ils sont localisés sur la face externe de la membrane plasmique. Leur rôle dans
la cellule est structurel (membranes et parois) et servent aussi de surfactants en présence de nalcanes, comme les sophorolipides.
61
- Lipides de réserve
Les lipides de réserve sont les triglycérides ou plus exactement les triacylglycérols (TAG). Il
s’agit de molécules très hydrophobes, constituant une forme de réserve de l’énergie cellulaire,
formées par l’estérification de trois acides gras sur une molécule de glycérol. L’acide
phosphatidique est un intermédiaire de la synthèse des TAG mais aussi à la base de la
synthèse des phospholipides. Les diacylglycérols et
monoacylglycérols sont
des
intermédiaires de la synthèse des TAG et représentent entre 0 à 5% des lipides totaux.
2.2.2.2.2.
Biosynthèse des acides gras et des triacylglycérols
Les levures sont prototrophes en acides gras (Daum et al. 1998). La biosynthèse des lipides
est catalysée par l’acylCoA synthétase I localisée dans le cytoplasme, les mitochondries et les
peroxysomes. Cette enzyme est aussi nécessaire à l’incorporation des acides gras exogènes
dans la cellule. 1 à 2% des acides gras totaux synthétisés sont des acides gras à très longue
chaine (20 à 30 atomes de carbones) parmi lesquels le C26:0 est le plus abondant (Welch and
Burlingame 1973). Meyer et Schweizer (Meyer and Schweizer 1976) ont démontré que la
présence d’acides gras exogènes en très faible quantité (0,3 g.gX-1) peut réprimer la
biosynthèse des acides gras. Les enzymes inhibées seraient l’acide gras synthétase et l’ATPcitrate lyase. Il est possible que le taux de production de NADPH aussi régule la synthèse
d’acide gras.
- Voie de synthèse des acides gras
o L’acétyl-CoA carboxylase (ACC)
L’acétylCoA carboxylase catalyse la première réaction de synthèse d’acide gras à partir
d’acétylCoA, de carbonate et d’une molécule d’ATP pour former un malonylCoA. Cette
enzyme se trouve dans le cytoplasme et est biotine dépendante. Le magnésium est un
catalyseur de la réaction. Elle est considérée comme l’étape limitante de la synthèse d’acides
gras (Vance and Vance 1991). Cette enzyme possède deux sites catalytiques distincts :
l’activité biotine carboxylase qui permet la réaction suivante :
62
E-biotine + HCO3- + ATP  E-biotine-CO2 + ADP + Pi
et l’activité carboxyl transférase qui catalyse la réaction suivante :
E-biotine-CO2 + acétylCoA  E-biotine + malonylCoA.
Au final, la réaction catalysée peut être écrite ( Figure 12) :
AcétylCoA + HCO3- + ATP  malonylCoA + ADP +Pi.
Figure 12: Formation de malonylCoA par l’acétylCoA carboxylase lors de la biosynthèse des acides gras.
Une molécule d’ATP est consommée par cette réaction.
Chez S. cerevisiae, l’enzyme est une protéine de 2233 acides aminés d’un poids moléculaire
de 250 kDa. Elle est codée par le gène ACC1 (ou FAS3) (Alfeel et al. 1993). Dans les cellules
animales, l’enzyme est activée par la présence d’acides tricarboxyliques comme le citrate
(Vance and Vance 1991) ceci par l’agrégation des monomères en un complexe
multifonctionnel. Chez la souche oléagineuse Candida 107, elle est activée par la présence de
citrate (Gill et al. 1977) mais ce n’est pas le cas pour la souche non oléagineuse Candida
utilis. Les dérivés d’acylCoA sont des inhibiteurs potentiels. L’enzyme est régulée par
phosphorylation. Une protéine kinase A phosphoryle et active une kinase-kinase qui
phosphoryle une « AMP-activated kinase » qui elle-même phosphoryle et inactive l’ACC
(Chirala et al. 1993). Et plus l’ACC est phosphorylée, plus elle est sensible à l’inhibition
induite par les acylCoA.
o L’acide gras synthétase
Il existe deux types d’acide gras synthétase « Fatty Acid Synthase » (FAS) (Tehlivets et al.
2007). La FAS de type I est cytosolique et est composée d’une sous-unité α codée par le gène
FAS2 et d’une sous-unité β codée par le gène FAS1. Ces sous-unités sont organisées en
hexamères (Schweizer et al. 1978; Wakil et al. 1983). La sous-unité α porte les fonctions
acétyl transférase, énoyl réductase, déshydratase et malonyl-palmitoyl transférase. La sous-
63
unité β porte les activités acyl carrier protein, 3-cétoréductase, 3-cétosynthase et
phosphopantéthéine transférase (Tehlivets et al. 2007). La FAS mitochondriale (type II) porte
les activités enzymatiques sur des polypeptides distincts. La protéine Acp1 (acyl carrier
protein) porte le groupe prosthétique phosphopantéthéine. La protéine Cam1 porte l’activité
β-céto-ACP-synthase et la protéine Oar1 porte l’activité 3-oxoacyl-ACP-réductase. L’activité
3-hydroxyacyl-thioester-déshydratase est portée par la protéine Htd2 et l’activité énoyl-ACPréductase par la protéine Etr1. La protéine PpT2 fonctionne comme une transférase
phosphopantéthéine, elle catalyse l’attachement du groupe prothétique phosphopantéthéine
sur l’ACP.
La FAS permet la condensation d’unités de malonylCoA sur un résidu acyl préexistant. Le
bilan de l’action de la FAS est le suivant (Figure 13) (Davies 1992) :
AcétylCoA+ 7 malonylCoA + 14 NADPH2  PalmitoylCoA + 7 CO2 + 14 NADP + 7
CoA-SH + 6 H2O.
Les acides gras ne sont donc pas synthétisés tels quels mais sous forme d’acylCoA. Il y a 5
étapes distinctes dans l’action de synthèse des acides gras. L’acétate et le malonate sont
transférés du CoA-SH sur la protéine porteuse d’acyle (ACP). La synthétase ajoute deux
carbones à l’acide gras en produisant une molécule de CO2 et un acide gras à deux carbones
supplémentaires. Le groupe β-cétonique produit par cette condensation est ensuite éliminé par
deux réductions et une déshydratation.
64
Figure 13 : Synthèse d’un acide gras par l’acide gras synthase (FAS).
Un acylCoA (acétylCoA si c’est le premier cycle) est condensé à un malonylCoA pour former un 3-cétoacylCoA qui est réduit en 3-hydroxy-acylCoA. Ce dernier est déshydraté en trans-Δ2-énoylCoA puis réduit en
AcylCoA dont la chaîne comporté deux carbones de plus. A chaque cycle, un CO 2 et un H2O sont produits et
deux molécules de NADPH sont oxydées. Le cycle est répété jusqu’à ce que l’acylCoA atteigne une longueur de
chaîne de 16 ou 18 carbones.
L’élongation s’arrête en général après 7 ou 8 cycles. Le résidu acyl à 16 ou 18 carbones est
libéré du complexe FAS par hydrolyse via l’action d’une thioestérase ou transfert d’un
groupement acyl :
Palmitoyl(ou stéaroyl)-S-FAS + HS-CoA  Palmitoyl(ou stéaroyl)-S-CoA + HS-FAS.
L’arrêt de l’élongation peut dépendre du rapport des concentrations intracellulaires en
acétylCoA et malonylCoA qui est lui-même fonction des activités acétylCoA synthétase et
acétylCoA carboxylase (Tehlivets et al. 2007). Si le malonylCoA est en grande quantité, les
chaînes
d’acides
gras
seront
plus
longues.
Au
contraire,
lorsque
le
rapport
acétylCoA/malonylCoA est supérieur à 0,1 et que l’activité acétylCoA transacylase est
élevée, la majorité des acides gras synthétisés ont une longueur de chaîne de 8 à 12 carbones.
Il est aussi possible que l’arrêt précoce de l’élongation des chaînes soit dû à l’action d’une
65
seconde thioestérase qui hydrolyse sélectivement les chaînes d’acide gras de longueur
moyenne (Wakil et al. 1983).
La FAS est inhibée par les acides gras à chaine longue (Tehlivets et al. 2007). L’expression
des gènes FAS2, FAS1 et ACC1 sont régulées de manière coordonnée. De plus, les éléments
de réponse inositol/choline permettent leur régulation avec un certain nombre de gènes
impliquée dans la biosynthèse des phospholipides (Chirala 1992).
- Production de pouvoir réducteur : l’enzyme malique
Deux moles de NADPH sont nécessaires à l’incorporation d’une mole d’acétylCoA : la
synthèse d’une mole d’acide gras à 18 carbones utilise ainsi 16 moles de NADPH. L’enzyme
malique, cytoplasmique, permet de fournir ce pouvoir réducteur selon la réaction suivante :
Malate + NADP  pyruvate + CO2 + NADPH
Figure 14 : Schéma montrant comment l’acétylCoA et le pouvoir réducteur sont utilisés pour
approvisionner la synthèse lipidique (Ratledge 2004).
Enzymes : pyruvate carboxylase (1), malate déshydrogénase (2), enzyme malique (3), pyruvate
déshydrogénase (4), citrate synthétase (5), ATP-citrate lyase (6), citrate/malate translocase (7).
Le malate cytoplasmique provient du pyruvate de la glycolyse décarboxylé par la pyruvate
décarboxylase en oxaloacétate lui-même transformé en malate. La quantité nécessaire en
malate est ensuite assurée par l’ATP-citrate lyase qui clive le citrate cytoplasmique en
66
acétylCoA (qui fournit la voie de synthèse des acides gras) et oxaloacétate qui sera oxydé en
malate par la malate déshydrogénase (Ratledge 2002).
- Élongation des acides gras
Les produits de la FAS sont majoritairement le palmitate et le stéarate. L’élongation au-delà
de 18 carbones se déroule dans le cytosol, sur la membrane du réticulum endoplasmique ou la
mitochondrie. Les réactions sont identiques à celles réalisées par l’acide gras synthétase.
L’élongation dépend de la présence de malonylCoA, de NADPH et d’acides gras activés à
chaîne longue ou moyenne (Dittrich et al. 1998). Il existe trois systèmes d’élongation : un
pour les acides gras de longueur de chaîne de 12 et 14 carbones, un pour les C16 et C18 et un
pour les chaînes carbonées de 20 carbones et plus. Le gène ELO1 permet élongation des
acides gras de 12 à 16 carbones. Les gènes ELO2 et 3 sont spécifiques des acides gras à
longue chaîne (Dittrich et al. 1998).
- Désaturation des acides gras
Les acides gras synthétisés ne sont pas produits directement insaturés. Après synthèse de
l’acide gras saturé, celui-ci va être désaturé séquentiellement à partir de la position Δ9 puis
Δ12 et enfin parfois en position Δ15 (Moreton 1985). Certaines souches de levures
oléagineuses possèdent des systèmes de désaturation très performants. La voie de désaturation
consomme de l’oxygène et des coenzymes réduits (NAD(P)H). Le substrat est soit un
acylCoA soit un acyl-ACP. Mais, chez les levures et les plantes, le résidu acyl doit ensuite
être transféré de l’ACP ou CoA sur un phospholipide (en général la phosphatidylcholine)
(Ferrante and Kates 1983).
Les acides gras saturés subissent une première désaturation en général en position cis-Δ9
(Figure 15 et Figure 16) grâce à l’action d’une Δ9 désaturase localisée dans le réticulum
endoplasmique, au niveau des microsomes (Holloway and Katz 1972), et codée par les gènes
OLE1 et OLE2 chez S. cerevisiae (Stukey et al. 1989). L’enzyme enlève stéréospécifiquement deux atomes d’hydrogène aux positions 9 et 10 de la chaine carbonée. Elle est
inhibée par l’oxyde de carbone et est dépendante du fer. La transcription du gène OLE1 est
faiblement induite par les acides gras saturés et fortement inhibée par les acides gras insaturés
67
(McDonough et al. 1992; Choi et al. 1996). Les lipides monoinsaturés peuvent ensuite subir
une autre insaturation en position Δ12.
Figure 15: Désaturation d’un acide gras.
L’acylCoA est désaturé par une désaturase spécifique de la position de la double liaison pour produire un
acide gras monoinsaturé, deux molécules d’eau et un NAD oxydé.
Figure 16 : Exemple de l’acide stéarique
L’acide stéarique (18 carbones) est saturé. Une désaturase spécifique de la position 9 va insérer une
double liaison dans la chaîne carbonée afin de produire de l’acide oléique.
- Synthèse des triacylglycérols
Les triacylglycérols sont la forme principale de stockage des lipides chez les levures
oléagineuses et en représentent 90% (Rolph et al. 1990). Les acylCoA produits sont estérifiés
avec une molécule de glycérol-3-phosphate en triacylglycérols grâce à l’action
d’acyltransférases spécifiques des positions réactionnelles sur le glycérol (Ratledge 1987).
Mais les triacylglycérols peuvent aussi être synthétisés à partir d’acides gras libres via la voie
d’acylation de l’α-glycérol phosphate (Davies 1992). Le glycérol-3-phosphate est formé par
réduction de la dihydroxyacétone phosphate (DHAP) produite au cours de la glycolyse ou par
phosphorylation du glycérol. Deux acylCoA donnent leur groupement acyle pour synthétiser
une molécule d’acide phosphatidique par l’action d’une glycérol-phosphate-acyl-transférase
68
(Figure 17). Ces derniers sont déphosphorylés via une phosphatidate phosphatase (PAP) pour
libérer un phosphate inorganique et un diacylglycérol (DAG). Une diglycéride acyltransférase
estérifie le dernier groupement acyle sur le DAG pour former un TAG.
Il existe deux types de phosphatidate phosphatase (Carman and Han 2006). La première,
codée par le gène PAP2 chez S. cerevisiae, est magnésium dépendante et son activité est
induite lors d’une carence en zinc. En limitation zinc, il serait donc possible d’améliorer la
synthèse de diacylglycérides et donc peut être de triglycérides. Elle est intégrée dans la
membrane des vacuoles et de l’appareil de Golgi. La seconde est codée par le gène PAP1 chez
S. cerevisiae et est localisée dans le cytosol et dans la membrane plasmique. Une souche de S.
cerevisiae mutée dans le gène PAP1 montre une diminution des triacylglycérols
intracellulaires de 90% en phase stationnaire, une absence de phosphatidate et la composition
des phospholipides modifiée.
L’estérification aux positions 1 et 3 du glycérol est différente selon le micro-organisme et la
répartition des acides gras sur le glycérol n’est pas aléatoire (Vance and Vance 1991). La
position centrale du glycérol est ainsi exclusivement occupée par un acide gras insaturé. En
effet, l’activité glycérol-phosphate-acyl-transférase est portée par la protéine Dga1p chez
Saccharomyces cerevisiae et est localisée dans le réticulum endoplasmique (Sorger and Daum
2002). In vitro, cette protéine présente une préférence pour l’oleyl-CoA et le palmitoylCoA
(Oelkers et al. 2002). L’activité diglycéride acyl transférase est portée par la protéine Lro1p
(Oelkers et al. 2002). Son activité est restreinte au réticulum endoplasmique (Sorger and
Daum 2002).
69
(a)
(b)
Figure 17: Synthèse d’un triacylglycérol.
(a) Une molécule de dihydroxyacétone phosphate est oxydée en glycéraldéhyde-3-phosphate. Deux
acylCoA sont estérifiés sur le G-3-P pour donner un acide phosphatidique. (b) Cet acide formé est
déphosphorylé par une phosphatidate phosphatase en diacylglycérol. Celui-ci est estérifié par une
acyltransférase pour former un triglycéride.
- Lieu de stockage
Selon les conditions environnementales, les micro-organismes oléagineux sont capables de
produire une grande quantité d’acides gras pour les stocker sous forme de triacylglycérols et
d’esters de stérols dans les corps lipidiques (Tehlivets et al. 2007). Les corps lipidiques sont
formés d’une monocouche de phospholipides dans laquelle des protéines sont insérées
entourant un noyau hydrophobe de lipides neutres. Les protéines présentes dans la membrane
de corps lipidiques ont été identifiées comme des protéines impliquées dans le métabolisme et
le stockage des lipides. Les protéines homologues de S. cerevisiae contribuent à l’activation
des acides gras, à la synthèse de triacylglycérols et à leur dégradation (Sorger and Daum
2002) et sont impliquées dans le métabolisme des stérols et dans la synthèse des acides
70
phosphatidiques (Athenstaedt and Daum 2006). Ainsi, la composition lipoprotéique des corps
lipidiques posséderait un rôle déterminant voire aussi important que la composition des
lipides intrinsèques dans le fonctionnement de la cellule lors d’une phase d’accumulation de
lipides. La teneur et la composition des corps lipidiques dépendent des conditions de
croissance et de la composition du substrat (Papanikolaou et al. 2003). Chez Y. lipolytica,
l’activité des acylCoA oxydases peut influer sur les corps lipidiques (Mlickova et al. 2004).
L’acylCoA oxydase 2 régulerait la taille et le nombre des corps lipidiques. Un modèle de
biogenèse des corps lipidiques propose que les enzymes impliquées dans le métabolisme des
lipides accumulent des domaines spécifiques dans le réticulum endoplasmique, favorisant
ainsi la biosynthèse des lipides neutres dans ces régions. Puisque les triacylglycérols et les
esters de stérol sont incapables d’interagir avec les phospholipides et la double couche, des
microgouttelettes (précurseurs des corps lipidiques) sont formées par ces molécules
hydrophobes entre les deux feuillets de la double couche du réticulum endoplasmique. Après
avoir atteint une certaine taille, les corps lipidiques matures, chargés des protéines qui ont
perdu leur domaine transmembranaire, se détachent du réticulum endoplasmique et
bourgeonnent (Figure 18) (Czabany et al. 2007).
Figure 18 : Modèle de la genèse des corps lipidiques (Czabany et al., 2006)
ER : réticulum endoplasmique, TAG : triacylglycérols, SE : esters de stérol, DAG : diacylglycérols, PL :
phospholipides, LP : corps lipidique. Les protéines membranaires sont représentées en bleu.
71
2.2.2.2.3.
Le mécanisme de déclenchement de l’accumulation
lipidique
Chez les micro-organismes oléagineux, l’accumulation lipidique est induite par une limitation
du micro-organisme en un élément, l’azote en général (Gill et al. 1977; Boulton and Ratledge
1981). L’hypothèse avancée par Ratledge (Ratledge and Wynn 2002) est qu’une limitation en
azote, ou en un autre élément, entraîne une diminution du taux de croissance, ce qui conduit à
une diminution rapide de la concentration en AMP intracellulaire due à l’action de l’AMP
désaminase en produisant de l’IMP (inosine monophosphate) et du NH4+. Or, l’AMP est un
activateur de l’isocitrate déshydrogénase, enzyme du cycle de Krebs convertissant l’isocitrate
en α-cétoglutarate (Ratledge 1987). Il en résulte une accumulation intra-mitochondriale en
acide isocitrique et en citrate (équilibre dû à l’aconitase). Lorsque la concentration en citrate
dépasse une valeur critique, sort dans le cytoplasme via une navette citrate/malate (Evans et
al. 1983). Le citrate est clivé par l’ATP-citrate lyase pour former de l’acétylCoA et de
l’oxaloacétate (OAA) (Boulton and Ratledge 1981). Chez Rhorodotorula gracilis, l’ATPcitrate lyase est inhibée par la présence de chaînes aliphatiques longues et stimulée par les
ions ammonium in vitro (Shashi et al. 1990). Ce mécanisme est schématisé par la Figure 19.
Figure 19 : Schéma représentant le phénomène d’accumulation de lipides (Botham et Ratledge, 1979).
Enzymes : (1) : isocitrate déshydrogénase, (2) : aconitase, (3) : citrate synthétase, (4) : pyruvate
déshydrogénase, (5) : pyruvate carboxylase, (6) : ATP-citrate lyase, (7) : acétylCoA carboxylase, (8) :
acide gras synthétase, (9) : malate déshydrogénase, (10) enzyme malique.
72
D’après Granger (Granger 1992), la redirection du flux carboné vers la synthèse lipidique est
due à l’augmentation en ATP et ADP en même temps que diminue la concentration en AMP.
Il en résulte une augmentation de la charge énergétique dans la cellule, ce qui inhibe certaines
enzymes clés du métabolisme intermédiaire comme l’isocitrate déshydrogénase du cycle de
Krebs (Hathaway and Atkinson 1963). Le citrate est accumulé dans la mitochondrie et le
malate n’est donc plus synthétisé via le cycle de Krebs (Evans and Ratledge 1985b). Un
deuxième pool de malate se situe dans le cytoplasme. Il est produit à partir de citrate qui est
converti en acétylCoA et en OAA. Ce dernier est converti en malate par la malate
déshydrogénase NAD+ dépendante. Le malate produit va être échangé contre du citrate entre
le cytoplasme et la mitochondrie par un système de translocation malate/citrate (Evans et al.
1983) afin de rééquilibrer les concentrations cytoplasmique et mitochondriales.
2.2.2.2.4.
Accumulation de polysaccharides
La synthèse transitoire de polysaccharides pendant la phase de transition précédant
l’accumulation de lipides en limitation azote a été démontrée chez Rhodotorula glutinis et
Yarrowia lipolytica (Cescut 2009). Ces résultats sont similaires à d’autres observations
précédentes : selon Bocharova (Bocharova et al. 1975) une limitation en azote ou en
phosphore provoque une accumulation de tréhalose et de glycogène chez S. cerevisiae.
Boulton (Boulton and Ratledge 1983) a aussi émis l’hypothèse d’une phase de stockage
transitoire du glucose excédentaire mais sans le prouver. Une différence persiste toutefois
entre Saccharomyces et Yarrowia : l’accumulation de ces polysaccharides est maintenue
pendant toute la limitation nutritionnelle chez S. cerevisiae (Lillie, 1980) alors qu’elle est
transitoire chez R. glutinis et Y. lipolytica (Granger, 1993 ; Cescut, 2009).
La diminution de l’apport en azote limite les capacités de la levure à synthétiser les protéines
et l’ARN nécessaires à la formation de biomasse catalytique. En effet, ces macromolécules
peuvent représenter 60% de la masse sèche de la cellule. Le glucose n’est donc plus dirigé
vers la production de biomasse catalytique. De plus, une limitation nutritionnelle dérégule les
enzymes participant à la glycolyse (Anastassiadis and Rehm 2006). Cette dérégulation
associée à un ralentissement de l’assimilation du carbone vers la biomasse catalytique
engendre une réorientation non contrôlée du carbone passant par la glycolyse. Le flux de
carbone devient donc excédentaire : on parle d’overflow de carbone.
73
Cytosol
acide gras
FAD FADH2
acyl CoA
n carbones
glucose
NAD+
NADH,H+
ATP
+ CoASH
ADP
2-cétoacyl CoA
acyl CoA
n carbones
2 NADP+
acétyl CoA
Péroxysome
fructose 6 P
Mitochondrie
pyruvate
ATP
ADP
2 ATP
2 ADP
+ NAD+ +H2O
+NADH,H+
+Pi
G3P
CoASH + NAD+
pyruvate
CO2
n CO2
+ n CoASH
+ H2O
CO2 + ATP
acétyl CoA
OAA
OAA
NADPH
xn
NADH
NADH,H+
NAD+
malate
malate
NAD+
FADH2
+ GTP
+ CO2
+2 NADH,H+
acétyl CoA
(n+2 carbones)
CO2 + ATP
OAA
malonyl CoA
H2O
CoASH
FAD+
+ GDP +Pi
+ 2 NAD+
+ H20
citrate
ADP + Pi
xn
NADH
CO2 + NADH,H+
ADP + Pi
NADP+
acyl CoA
CoASH
n-2 carbones
acide gras
2 NADPH
DHAP
3-hydroxy-acyl CoA
AMP
+ PPi
ATP
glucose 6 P
H2O
2-transénoyl CoA
ATP + CoA
isocitrate
NAD+
G3P
citrate
x2
2 CoASH
acide
phosphatidique
H2O
transénoyl CoA
acyl CoA
transénoyl CoA
2 H2O
+ NAD+
x1
O2 +
NADH,H+
Pi
1,2 DAG
TAG
Réticulum endoplasmique
CoASH
Figure 20 : Schéma synthétique des voies de la dégradation de substrats osidiques et lipidiques et de la
synthèse des triacylglycérols.
Deux types de substrats sont envisagés : les substrats osidiques passent par la glycolyse via le glucose et les
substrats hydrophobes passent par la β-oxydation via les acides gras.
Les réactions appartenant à la voie de la glycolyse sont en bleu, celles de la voie des pentoses-phosphate en
rouge, le cycle de Krebs est en marron, la β-oxydation est en violet, le cycle de la décarboxylation du pyruvate
est en vert, la synthèse d’acides gras est en rose clair, la désaturation des acides gras est en orange et la synthèse
des triacylglycérols est en rose foncé.
Les flèches en pointillé dans les réactions représentent plusieurs réactions successives non représentées.
Les parties rayées (le transport des acides gras désaturés et le lieu de la synthèse des TAG) sont inconnus soit par
leur mécanisme, soit par leur localisation cellulaire.
74
2.3.
Facteurs influençant l’accumulation de réserves lipidiques
De nombreux paramètres permettent de déclencher l’accumulation de lipides. La grande
majorité des travaux décrits dans la littérature sont basés sur le déclenchement de
l’accumulation de lipides grâce à une limitation en un élément : l’azote. Cependant, d’autres
facteurs influencent l’accumulation de lipides : le ou les substrat(s), de par leur nature et leur
concentration, l’élément inducteur, les conditions opératoires, … L’influence de ces facteurs
est développée dans les paragraphes suivants.
2.3.1. Nature et concentration du substrat
Divers substrats ont pu être testés chez Y. lipolytica : les mélasses de banane (Glatz et al.
1985), des effluents de laiterie (Moon and Hammond 1978; Moon et al. 1978), l’amidon de
pomme de terre (Kaur and Worgan 1982), le jus de figue de barbarie (Hassan et al. 1994)
mais aussi une grande variété d’hexoses, de pentoses, du glycérol, de l’éthanol ou des alcanes.
La nature de la source carbonée influence la composition des lipides accumulés mais aussi la
quantité accumulée (Thorpe and Ratledge 1972; Choi et al. 1982; Davies 1992; Hamid et al.
1995). Le rendement de conversion substrat/lipide diffère non seulement selon le substrat
utilisé mais aussi selon la souche (Evans and Ratledge 1983).
2.3.1.1
Substrats lipidiques
Certaines souches de Y. lipolytica, contrairement à d’autre levures oléagineuses, sont capables
d’utiliser les substrats lipidiques pour leur croissance cellulaire mais aussi en tant que
substance de réserves (Bati et al. 1984; Aggelis and Sourdis 1997). Il a été démontré qu’une
limitation nutritionnelle n’est pas nécessaire pour déclencher l’accumulation de lipides sur
substrat lipidique (Aggelis et al. 1995; Aggelis and Sourdis 1997; Papanikolaou et al. 2002).
Cependant, lorsque la concentration du substrat diminue en dessous d’une valeur seuil
(spécifique à chaque substrat et souche), les cellules déclenchent la voie de dégradation des
lipides de réserves pour assurer la maintenance et la croissance (Holdsworth and Ratledge
1988; Aggelis et al. 1995). Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a étudié le potentiel d’une
75
souche de Yarrowia lipolytica sur stéarine (composée principalement de stéarate et de
palmitate libres) sans limitation nutritionnelle et en mode batch. Le rendement
biomasse/substrat (YX/S) est, selon les expériences, compris entre 0,97 g X.gSubstrat-1 et 1,35
gX.gSubstrat-1, le taux en lipides accumulés est compris entre 0,25 g Lip.gX-1 et 0,44 gLip.gX-1 et la
vitesse spécifique d’accumulation de lipides comprise entre 2,88 mg Lip.gX-1.h-1 et 6,98
mgLip.gX-1.h-1. La culture de Y. lipolytica sur stéarine a permis d’observer une évolution de la
morphologie vers une forme filamenteuse. En revanche, sur huile de colza hydrolysée
(composée majoritairement d’oléate libre), le rendement biomasse/substrat est de 0,86
gX.gSubstrat-1 mais l’accumulation de lipides ne semble pas favorisée car le taux en lipides
accumulés est égal à 0,09 gLip.gX-1 et la vitesse spécifique d’accumulation de lipides est de
1,5 mgLip.gX-1.h-1. Les acides gras accumulés sont composés à 80% d’oléate et à 12% de
linoléate. Le taux de croissance maximal est compris entre 0,25 et 0,30 h-1. Papanikolaou en
déduit que l’oléate n’est pas un substrat permettant l’accumulation lipidique par Y. lipolytica.
Il est possible que l’acide oléique soit utilisé par la cellule principalement pour sa croissance
et pour la production d’énergie et de métabolites intermédiaires, contrairement aux acides gras
saturés utilisés pour la croissance et comme molécules de réserve (Montet et al. 1985;
Papanikolaou 1998). Pourtant les acides à chaîne courte ou insaturée (comme l’oléate dont le
taux d’incorporation a été évalué à 0,12 g.L -1.h-1) sont plus rapidement incorporés dans la
cellule que les acides gras saturés (comme le palmitate dont le taux d’incorporation de 0,05
g.L-1.h-1) (Papanikolaou 1998). Le stéarate semble être l’acide gras incorporé le plus
lentement dans la cellule. En ce qui concerne la dégradation des lipides, l’acide oléique est
consommé préférentiellement alors que le stéarate est consommé en dernier (Papanikolaou
1998). Tan et Gill (Tan and Gill 1984) ont étudié la croissance et l’accumulation lipidique
d’une souche de Y. lipolytica en erlenmeyer, sur milieu riche avec de l’huile d’olive ou de
l’acide oléique comme substrat carboné. Sur acide oléique, le taux de croissance spécifique
est maximal (0,25 h-1) à pH = 7 alors qu’il est égal à 0,15 h-1 à pH = 5. Le rendement YX/S
maximal obtenu est de 1,0 g X.gSubstrat-1. De même, Tan et Gill (Tan and Gill 1985) ont étudié
l’accumulation lipidique d’une souche de Y. lipolytica cultivée à partir de différents types de
graisse animale. Les essais ont été effectués sur de la graisse de bœuf, de mouton et du lard.
Le taux de croissance spécifique maximal atteint pour les trois substrats est de 0,32 h-1, sur
milieu riche. Les acides gras insaturés sont consommés préférentiellement alors que les acides
gras saturés sont consommés en partie et uniquement en phase de croissance. Kamzolova
(Kamzolova et al. 2007) a étudié la croissance en mode batch d’une souche de Yarrowia
lipolytica sur milieu riche en utilisant de l’huile de colza comme substrat carboné. Le taux de
76
croissance obtenu est de 0,28 h-1 et le rendement YX/S de 0,48 CmoleX.CmoleSubstrat-1. Bati
(Bati et al. 1984) a étudié l’effet de l’huile de maïs sur l’accumulation de lipides chez
Yarrowia lipolytica. Le taux maximal en lipides accumulés atteint 0,64 CmoleLip.CmoleX-1.
Les lipides accumulés sont composés principalement de triglycérides mais aussi d’acides gras
libres en proportions supérieures à la composition du substrat. Le profil des acides gras
accumulés correspond à celui du substrat, avec une légère modification du palmitate en acide
palmitoléique.
substrat
µmax
(h-1)
Y S/X
(Cmole.CmoleX-1)
% lipides
(Cmole.Cmole-1)
Y L/S
(Cmole.Cmole-1)
référence
Acide oléique
0,25
ND
ND
ND
Tan et Gill (1984)
Acide
palmitique
0,25
ND
ND
ND
Tan et Gill (1985)
Huile d’olive
0,31
1,10
ND
ND
Tan et Gill (1984)
Huile d’olive
0,23
0,47
ND
ND
Huile d’olive
ND
0,830
ND
ND
Huile de colza
0,30
0,95
0,15
ND
Huile de colza
0,28
0,48
ND
ND
Huile de colza
ND
ND
0,12
ND
Huile de colza
hydrolysée
/ ND
stéarine
ND
0,53
0,38
Papanikolaou
(2001)
Huile de maïs
ND
ND
0,64
0,57
Bati et al. (1984)
Huile de palme
ND
ND
0,24
ND
Stéarine
0,17
1,06
0,76
ND
Pereira Meirelles
(1997)
Darvichi
(2009)
Papanikolaou
(1998)
Kamzolova
(2007)
Montet
(1985)
Montet et al.
(1985)
Papanikolaou
(2007)
Tableau 6 : Tableau récapitulatif des capacités de croissance et d’accumulation de lipides de souches de Y.
lipolytica sur substrats hydrophobes.
µmax : taux de croissance maximal atteint, Y S/X : rendement biomasse/substrat, YL/X : rendement lipides
accumulés/biomasse, ND : non déterminé.
Les résultats, récapitulés dans le Tableau 6, sont difficilement comparables : les capacités de
croissance sur substrat lipidique chez Yarrowia lipolytica sont principalement étudiées pour la
production de lipases ou d’acide citrique. Ainsi, la croissance et l’accumulation de lipides ne
sont pas étudiées pour une même culture. De plus, les milieux sont majoritairement des
77
milieux riches. Kamzolova (Kamzolova et al. 2007) et Pereira-Meirelles (Pereira-Meirelles
1997) ont été les seules à réaliser leur étude sur milieu salin, sans ajout de composés riches, ce
qui pourrait expliquer les valeurs plus faibles de taux de croissance et de rendement
biomasse/substrat. Cependant aucune accumulation en lipides n’a été observée.
2.3.1.2
Substrats osidiques
Un grand nombre de substrats (industriels ou non) ont été utilisés comme le glucose, le
lactose, le lactosérum, les mélasses, des jus de fruits (Ykema et al. 1989; Davies et al. 1990;
Hassan et al. 1994; Hamid et al. 1995; Cescut 2009). Les oses complexes comme l’amidon
ont aussi été évalués (Davies 1992). Le Tableau 7 récapitule les valeurs d’accumulation
lipidique mentionnées dans la littérature sur différents substrats. Papanikolaou (Papanikolaou
1998) a étudié la croissance et l’accumulation lipidique sur milieu riche en erlenmeyer et en
limitation azote (C/N entre 97 et 115 moleC.moleN-1) à partir de glucose. Le rendement Y X/S
est de 0,205 ± 0.005 gX.gSubstrat-1. La concentration en citrate excrété dans le milieu peut
atteindre 11 g.L-1 et la quantité de lipides produits est très faible (0,05 à 0,09 gLip.gX-1). Ces
observations (accumulation de citrate et pas de production de lipides) peuvent être dues à la
stratégie d’apport en substrat : en effet, les cultures sont réalisées en mode batch. Cescut
(Cescut 2009) a démontré que l’accumulation de lipides en limitation azote et sur substrat
glucose nécessite un apport en substrat contrôlé afin d’optimiser l’accumulation de lipides. En
effet, lorsque le flux de carbone est excédentaire aux capacités de production de biomasse et
de lipides de la cellule, celui-ci est redirigé vers la production de citrate. Cette stratégie de
contrôle de l’apport carboné est l’objet d’un brevet (Cescut et al. 2008). Dans ces conditions,
le taux en lipides accumulés atteint 0,50 Cmole Lip.CmoleX-1 avec un rendement élevé de 0,37
CmoleLip.CmoleGlc-1.
78
Espèce
Mode de
conduite
substrat
% lipides
(Cmole.Cmole-1)
Y L/S
(Cmole.Cmole-1)
Vitesse de
production de
lipides
référence
(Cmole.Cmole-1.h-1)
Candida
107
Batch
glucose
0,31
0,1
0,035
Gill et al.
(1977)
Rhodotorula
glutinis
Fed-batch
glucose
0,60
0,45
0,06
Granger
(1993)
Rhodotorula
glutinis
Fed-batch
glucose
0,87
0,42
0,078
Cescut
(2009)
Candida
curvata
Continu
glucose
0,44
ND
0,018
Candida
curvata
Continu
saccharose
0,42
ND
0,016
Candida
curvata
Continu
lactose
0,47
ND
0,017
Candida
curvata
Continu
xylose
0,56
ND
0,026
Crytococcus
curvatus
Batch
glucose
0,45
0,21
0,017
Hassan
(1994)
Crytococcus
curvatus
Fedbatch
glucose
0,76
0,28
ND
Hassan
(1995)
Crytococcus
curvatus
UfaM3
Continu
glucose
0,66
0,42
0,033
Hassan
(1993)
Yarrowia
lipolytica
Batch
glucose
0,13
0,03
0,0005
Papanikolaou
(2006)
Yarrowia
lipolytica
Continu
glucose
0,37
0,20
0,013
Aggelis et
Komaitis
(1999)
Yarrowia
lipolytica
Fed-batch
glucose
0,24
0,103
0,036
Cescut
(2009)
Fed-batch
glucose
(apport
contrôlé)
0,50
0,372
0,044
Cescut
(2009)
Yarrowia
lipolytica
Evans et
Ratledge
(1983)
Evans et
Ratledge
(1983)
Evans et
Ratledge
(1983)
Evans et
Ratledge
(1983)
Tableau 7 : Tableau récapitulatif des capacités de synthèse de lipides chez différentes souches sur
différents substrats osidiques en limitation azote.
YL/X : rendement lipides accumulés/biomasse, qlipides : vitesse spécifique d’accumulation de lipides, ND :
non déterminé.
79
2.3.1.3
Autres substrats
- Hydrocarbures
Les hydrocarbures les plus utilisés pour l’accumulation de lipides ont des longueurs de chaine
de 9 à 18 carbones. Ces substrats n’étant pas miscibles dans l’eau, les micro-organismes
produisent des tensioactifs afin de disperser ces molécules dans le milieu. Les lipides
accumulés peuvent avoir une composition choisie en fonction de la longueur de chaîne du
substrat (Davies 1992). Chez deux souches de Candida, la culture sur hydrocarbures conduit à
des meilleurs rendements en lipides que sur glucose (Thorpe and Ratledge 1972). Le taux de
croissance le plus élevé sur alcanes a été reporté dans les travaux de Pareilleux (Pareilleux
1978) avec une souche de Y. lipolytica : le taux de croissance maximal est de 0,18 h-1, le taux
de croissance moyen étant de 0,08 h-1.
- Alcools
L’éthanol, dont le rendement de conversion théorique limite semble très élevé (0,54 g.g-1)
(Granger 1992), est considéré comme une source de carbone intéressante (Arzumanov et al.
2000; Finogenova et al. 2002; Il'chenko et al. 2002). Une étude stœchiométrique a montré
que le meilleur rendement de conversion du carbone en lipides de réserves chez Rhodotorula
glutinis est obtenu sur éthanol (1,6 Cmole.Cmole -1 alors qu’il est de 0,7 Cmole.Cmole -1 sur
glucose) (Granger 1992). Cependant, la concentration dans le milieu ne doit pas dépasser 2 à
5 g.L-1 afin d’éviter une inhibition de la croissance. Evans et Ratledge (Evans et al. 1983) ont
étudié la capacité d’accumulation lipidique d’une souche de Candida curvata sur éthanol et
en limitation azote. Le rendement de conversion du substrat en éthanol est bien plus faible,
soit de 0,10 à 0,13 g.g-1.
Rupcic (Rupcic et al. 1996) a montré que 1% de méthanol (vol/vol) produit 4,9% de lipides
dont la moitié est des lipides polaires (phospholipides et sphingolipides) composés d’acides
gras en grande majorité insaturés.
Le glycérol seul a déjà été expérimenté pour la production d’huiles d’organismes unicellulaire
(voir Tableau 8) mais peu de données sont disponibles surtout en culture fed-batch (Meesters
et al. 1996; Papanikolaou 1998).
80
Cryptococcus
curvatus
Mode de
conduite
Fedbatch
Y. lipolytica
Continu
Espèce
(Cmole.Cmole-1)
(Cmole.Cmole-1)
Y L/S
qLipides
(Cmole.Cmole-1.h-1)
glycérol
0,37
0,24
0,007
Glycérol
technique
0,63
0,22
0,020
substrat
% lipides
référence
Meesters
(1996)
Papanikolaou
(2002)
Tableau 8 : Tableau récapitulatif des études de croissance et de production de lipides sur substrat
glycérol.
- Acides organiques
Chez Y. lipolytica, les acides organiques seraient aussi utilisables tels que l’acide citrique
(Davies 1992) et l’acide acétique (Hamid et al. 1995). Il n’y a cependant aucune information
sur les capacités de croissance et de production de lipides sur ces substrats dans la littérature.
2.3.1.4
Co-substrats
- Glucose et glycérol
Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a expérimenté la croissance et l’accumulation lipidique
sur milieu riche en Erlenmeyer et en limitation azote (C/N entre 90 et 160 mole C.moleN-1) à
partir d’un mélange glucose/glycérol technique en mode batch. La concentration en citrate
produit atteint 14,9 g.L-1 lorsque le rapport C/N est le plus élevé. Dans ces conditions, il n’y a
pas de production de lipides. Chez Yarrowia lipolytica, le glycérol est incorporé plus
rapidement que le glucose, la voie du catabolisme des hexoses serait inhibée lorsque celle des
trioses est active (Papanikolaou 1998).
Cescut (Cescut 2009) a étudié l’accumulation de lipides sur co-substrats glucose et glycérol
afin d’augmenter le taux de conversion du substrat en lipides. Le ratio molaire permettant la
meilleure accumulation est proche de 0,6 CmoleGlycérol.CmoleSubstrat-1. La teneur en lipides
maximale atteinte a été de 0,53 CmoleLipides.CmoleX-1 (0,52 sur glucose seul) et la vitesse
spécifique d’accumulation en lipides maximale a été de 0,049 Cmole Lipides.CmoleX-1.h-1. Le
rendement de conversion du substrat a été largement amélioré : sur glucose/glycérol, le
rendement est de 0,45 Cmole Lipides.CmoleSubstrat-1 alors qu’il est de 0,37 sur glucose seul. Le
pouvoir réducteur du glycérol permettrait un apport énergétique sans perte de carbone en CO 2
améliorant le rendement de conversion du substrat en lipides. L’amélioration de la cinétique
81
de production de triacylglycérols semble être due à celle de la production de glycérol-3phosphate, intermédiaire catabolique et précurseur des voies de synthèse des triacylglycérols
(Cescut 2009).
- Glucose et/ou glycérol et lipides
Bien que de nombreuses expériences aient été réalisées sur la croissance de Y. lipolytica sur
substrat lipidique, peu existent en ce qui concerne la croissance et l’accumulation de lipides
de cette souche sur deux substrats, l’un osidique et l’autre lipidique (Montet et al. 1985;
Papanikolaou 1998). Le Tableau 9 résume les paramètres d’accumulation et de croissance de
Y. lipolytica sur co-substrats lipidique et osidique rencontrés dans la littérature. Ces résultats
issus de cultures en batch ne sont pas transposables aux résultats obtenus en fed-batch où
l’apport en source carbonée et l’aération sont contrôlés tout au long de la culture.
Deux procédés sont possibles : soit la croissance cellulaire est réalisée avec le substrat
osidique puis l’accumulation avec le substrat lipidique soit ils sont utilisés simultanément.
Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a expérimenté l’accumulation de lipides sur glucose et
stéarine conjointement sur une souche de Y. lipolytica. Les co-substrats sont consommés
simultanément. L’accumulation lipidique et la production d’acide citrique sont présentes mais
relativement faibles (rendements entre 0,07 et 0,022 g.g X-1). D’après Papanikolaou, la
présence d’acides gras dans le milieu, en activant la voie de la β-oxydation qui produit du
pouvoir réducteur, pourrait diminuer le flux de carbone de la voie des pentoses-phosphate et
donc diminuer la consommation de glucose lors d’une culture sur co-substrats glucose/lipide.
En effet, il est souvent rencontré dans la littérature que le glucose réprimerait l’assimilation de
l’oléate. Pour les levures cultivées uniquement sur oléate, le taux de transcrits correspondant
aux enzymes de β-oxydation et des enzymes présentes dans les peroxysomes est élevé alors
que la transcription de la plupart des gènes codant pour ces protéines est réprimée par le
glucose (Trotter et al. 2001). Les promoteurs de nombreux gènes codant pour des protéines
peroxysomales contiennent une séquence activatrice appelée Elément de Réponse à l’Oléate
(ORE). La transcription de ces gènes est stimulée par l’oléate. L’activation de la transcription
via l’ORE se fait via la fixation d’un complexe dimérique (Einerhand et al. 1993). Les gènes
codants pour ces 2 protéines ont été identifiés : PIP2 (ou OAF2) et OAF1. Les mutants Δpip2
et Δoaf1 sont incapables de pousser sur oléate et d’induire la biogenèse des peroxysomes. La
82
régulation se passe selon le modèle suivant (Baumgartner et al. 1999) : en absence d’oléate et
glucose, Pip2p est inhibée lors de son interaction avec Oaf1p qui est inactive. En présence
d’oléate, Oaf1p est active et le complexe Oaf1p/Pip2p se fixe sur l’ORE et active la
transcription. Quand le glucose est ajouté, l’activité de Oaf1p et Pip2p est réprimée
directement. Jusqu’à présent, la nature précise de la molécule qui permet l’activation du
complexe Oaf1p/Pip2p par l’oléate et sa répression par le glucose reste inconnue.
Substrat
Mode de
conduite
% lipides
(Cmole.Cmole-1)
Y L/S
(Cmole.Cmole-1)
Vitesse de
production de
lipides
référence
(Cmole.Cmole-1.h-1)
Stéarine
Batch
0,66-0,81
0,50
0,008 - 0,011
Papanikolaou
(2002)
Glycérol +
stéarine
Batch
0,38
0,11
0,0028
Papanikolaou
(1998)
Glucose +
stéarine
Batch
0,29
0,07
0,0026
Papanikolaou
(1998)
Glucose +
stéarine
Batch
0,11
0,16
0,0021
Papanikolaou
(2005)
C16:0 + C18:0
Batch
0,28
0,15
0,0024
Papanikolaou
(2003)
ricine hydrolysée
Batch
0,05
0,15
0,0006
Papanikolaou
(1998)
Glucose +
glycérol +
stéarine
Batch
0,22
ND
ND
Papanikolaou
(2003)
Glucose +
glycérol
Fed-batch
0,53
0,45
0,049
Cescut (2009)
Tableau 9 : Synthèse des performances d’accumulation de lipides sur co-substrats chez Yarrowia lipolytica
en mode batch.
YL/X : rendement lipides accumulés/biomasse, qlipides : vitesse spécifique d’accumulation de lipides, ND :
non déterminé.
Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a aussi étudié la croissance et accumulation de lipides
d’une souche de Y. lipolytica sur substrat stéarine et glycérol utilisés conjointement pour
différents rapports C/N. Les deux substrats sont consommés simultanément bien que le
glycérol semble être incorporé plus rapidement. L’accumulation lipidique (rendement entre
0,2 et 0,33 g.g-1) n’est pas affectée par le ratio C/N contrairement aux productions d’acide
83
citrique et d’acétate qui augmentent en même temps que le ratio C/N et la concentration
initiale en glycérol. Les acides gras sont plus insaturés lors de la culture sur glucose/stéarine.
Les TAG représentent 55% (g/g) des lipides accumulés et les acides gras libres 35 à 40 %.
Une culture de Y. lipolytica sur trois co-substrats (glycérol, glucose et stéarate) utilisés de
manière simultanée a été étudiée (Papanikolaou 1998). Le glycérol est consommé le plus
rapidement. L’incorporation de la stéarine dans la cellule est indépendante de la
consommation des deux autres substrats bien que la vitesse d’incorporation soit faible tout au
long de la culture. Une grande quantité d’acides organiques est produite (concentration non
connue). Le taux en lipides accumulés est faible (0,15 g.g -1 au maximum), taux inférieur à
celui retrouvé lors d’une culture sur stéarine seule mais la quantité d’acides gras insaturés
accumulés est supérieure (jusqu’à 20% d’acide oléique et 7% d’acide linoléique) ; il y a eu
biosynthèse ou bioconversion d’acides gras et non uniquement incorporation contrairement à
ce qu’a pu expérimenter Meyer (Meyer and Schweizer 1976) dont une culture de Y. lipolytica
cultivée sur acide myristique n’a pas montré d’activité acide gras synthase (FAS). La majorité
des lipides accumulés sont des triglycérides mais 35% des lipides sont des acides gras libres.
Leur profil est majoritairement saturé, la moitié des acides gras accumulés étant du stéarate.
2.3.2. Nature de la source azotée
L’azote organique stimulerait l’accumulation lipidique. Lorsqu’une source d’azote
inorganique est utilisée, il semble que la nature du contre-ion ait un effet sur le rendement de
conversion substrat/lipide (Granger 1992). Chez Rhodotorula glutinis, l’utilisation
d’ammonium ou de nitrate comme source d’azote entraine des rendements maximaux de
lipides accumulés lorsque le contre ion est du sulfate ou du sodium et des rendements plus
faibles lorsque le contre ion est du chlore ou du potassium. D’après Evans (Evans and
Ratledge 1984), à propos de travaux sur Rhodosporidium toruloides CBS 14 en batch, la
vitesse de production des lipides est influencée par le catabolisme de la source azotée du
milieu de culture. La concentration intracellulaire en ammonium est probablement un facteur
significatif de la régulation de la production de lipides. L’ammonium doit en premier lieu
atteindre une certaine concentration intracellulaire afin que le métabolisme bascule vers la
production de lipides. Certaines sources d’azote organique permettent une accumulation en
ammonium plus élevée (urée, arginine, glutamate…). L’utilisation d’ammonium minéral dans
le milieu inhibe les enzymes de dégradation des sources d’azote organique, ce qui diminuerait
84
le taux en ammonium intracellulaire (Evans and Ratledge 1984). Lorsque seul de
l’ammonium minéral est utilisé, il y a répression de son transport dans la cellule afin d’éviter
une accumulation intracellulaire (Evans and Ratledge 1984). Cependant, Papanikolaou
(Papanikolaou 1998) a étudié l’effet de l’utilisation de deux sources azotées (une organique :
l’extrait de levure et l’autre inorganique : le sulfate d’ammonium) sur l’accumulation de
lipides chez Yarrowia lipolytica cultivée sur substrat lipidique. L’ajout d’azote inorganique
dans le milieu en présence d’extrait de levure ne modifie pas le comportement de la levure en
termes de croissance et d’accumulation lipidique de la levure.
2.3.3. Nature de l’élément inducteur et stratégie d’induction
2.3.3.1
Azote
L’effet d’une limitation ou d’une carence en azote sur l’accumulation lipidique des microorganismes oléagineux est le plus étudié car les meilleurs rendements de conversion du
substrat en lipides ont été obtenus avec cet élément chez une souche de Candida en
comparaison des éléments tels que le phosphore, le magnésium, le zinc et le fer (Gill et al.
1977; Yamauchi et al. 1983). D’après Granger (Granger 1992), l’accumulation lipidique est
optimale quand le ratio C/N initial est compris entre 30 et 80 g C.gN-1. Un rapport plus élevé est
défavorable car il conduit à une carence prolongée en azote, ce qui altère la synthèse lipidique
et qui est létale au final. Hassan (Hassan et al. 1996) a démontré que l’augmentation du
rapport C/N, et donc de la quantité d’acides gras accumulés, modifie le profil de ces acides
gras. Le pourcentage en acides gras saturés et monoinsaturés est plus élevé lorsque le rapport
C/N est plus élevé. En effet, l’azote est un constituant fondamental des protéines et acides
nucléiques. Sa carence entraine un arrêt de la multiplication cellulaire (Pan and Rhee 1986b)
et de la production de membranes plasmiques. Les principaux constituants de ces membranes
sont les triacylglycérols et phospholipides. Il est possible que les désaturases soient
protéolysées afin de réutiliser le pool d’azote intracellulaire pour des fonctions plus
essentielles.
La concentration seuil en azote extracellulaire en dessous de laquelle la levure semble être en
limitation est de 0,02 g.L-1 (Papanikolaou 1998) ce qui correspond à la concentration en azote
du milieu non assimilable par la cellule . Il en résulte que l’orientation du métabolisme vers la
synthèse d’acides gras est dirigée par le maintien du pool de malate intramitochondrial à la
85
suite du blocage du cycle de Krebs. La génération de coenzymes réduits est assurée par la
décarboxylation du malate cytoplasmique en pyruvate grâce à l’enzyme malique (voir Figure
20).
Une induction de l’accumulation lipidique par une limitation en azote provoque, sur certaines
souches de Y. lipolytica, une direction du flux carboné vers la production d’acide citrique
(Papanikolaou 1998; Cescut 2009). Cependant, il a été démontré qu’une conduite des apports
en substrat et azote parfaitement maitrisée permet de rediriger le flux de carbone vers
l’accumulation de lipides et que l’accumulation de citrate est due à un débordement des
capacités cataboliques et anaboliques des cellules (Cescut et al. 2008; Cescut 2009).
2.3.3.2
Phosphore
Larsson (Larsson et al. 1997) a démontré, sur une culture de S. cerevisiae réalisée en
chémostat, que lorsque la concentration en azote diminue, le taux d’ATP intracellulaire
diminue, améliorant l’accumulation de carbohydrates en conditions aérobies. Par
transposition, le déclenchement de l’accumulation de lipides intracellulaires lors d’une
limitation azote chez les levures oléagineuses pourrait résulter de la même baisse en ATP
intracellulaire. Cette hypothèse a été aussi formulée par Ratledge (Ratledge and Wynn 2002)
à propos du déclenchement de l’accumulation de lipides chez les micro-organismes
oléagineux. Une limitation en phosphore pourrait permettre de diminuer aussi le pool en
phosphore intracellulaire (ATP et/ou AMP) et de déclencher l’accumulation en lipides.
L’accumulation de lipides chez la levure oléagineuse Rhodosporidium toruloides sur substrat
glucose en carence phosphore et en batch a été étudiée par l’équipe de Wu (Wu et al. 2010). Il
ressort de cette étude que le pourcentage d’accumulation en lipides intracellulaires est une
fonction croissante du rapport C/P initial du milieu de culture : lorsque ce rapport est égal à
9552, l’accumulation de lipides obtenue est de 0,62 g de lipides/g de biomasse avec un
rendement substrat de 0,219 g de lipides/g de substrat. Granger (Granger et al. 1993) a étudié
l’effet de la carence en phosphore sur la production de lipides (acide α-linoléique
principalement) par une souche Rhodotorula glutinis sur glucose et en mode batch. La
carence en phosphore se traduit par la baisse du taux de lipides accumulés (0,22 g Lipides.gX-1)
par rapport à une carence en azote (0,34 gLipides.gX-1) et du rendement de conversion du
substrat en lipides (0,15 gLipides.gGlc-1 alors qu’il est de 0,29 gLipides.gGlc-1 en carence azote)
mais une augmentation de la vitesse spécifique d’accumulation (53 mg Lipides.gX-1.h-1 en
86
carence phosphore au lieu de 37 mgLipides.gX-1.h-1). Cependant, cette vitesse d’accumulation en
lipides n’est maintenue que jusqu’à un taux en lipides accumulés de 0,16 g Lipides.gX-1. Ensuite,
la vitesse diminue à une valeur de 30 mgLipides.gX-1.h-1 alors que la vitesse spécifique en
carence azote reste constante. La carence en phosphore se traduit par la modification du
spectre des acides gras accumulés. Ces derniers sont plus insaturés que lors d’une culture en
carence azote. À partir des ces conclusions, Granger a étudié l’accumulation de lipides sur un
milieu entrainant une première carence en phosphore puis, lorsque le rapport acides gras/
biomasse dépasse 0,20 g AG.gX-1, en azote. Cette stratégie a permis d’augmenter les
rendements et les vitesses. Granger a cependant remarqué que le degré d’insaturation des
acides gras accumulés est diminué. Gill et al. (Gill et al., 1977) ont comparé l’accumulation
de lipides en fonction de la nature de l’élément limitant lors de la culture d’une souche de
Candida sp. 107 en chémostat. Les taux maximaux de lipides accumulés en limitation
phosphore ou azote obtenus par ces auteurs est respectivement de 0,31 g Lipides.gX-1 et 0,37
gLipides.gX-1. De même, le rendement en limitation phosphore de 0,15 g Lipides.gGlucose-1 est
inférieur à la valeur de 0,22 gLipides.gGlucose-1 obtenue en limitation azote. La combinaison de
deux limitations phosphore et azote permet d’améliorer le taux de lipides accumulés à 0,35
gLipides.gX-1 mais le rendement de conversion du glucose en lipides est fortement diminué à
0,07 gLipides.gGlucose-1. Au contraire, Ratledge et Hall (Ratledge and Hall 1979) lors d’une
culture en chémostat d’une souche de Rhodotorula glutinis n’ont pas observé d’amélioration
de l’accumulation de lipides en double limitation azote/phosphore.
2.3.3.3
Autres oligoéléments
Gill (Gill et al. 1977) a expérimenté la production de lipides par une souche du genre Candida
en chémostat et en limitation magnésium. Les acides gras accumulés présentent un taux plus
élevé en acide myristique. De même, Granger (Granger et al. 1993) a remarqué que
l’accumulation d’acides gras chez Rhodotorula glutinis en carence de magnésium est
favorable à la production d’acide gras à courte chaîne (12 et 14 carbones) plutôt saturés.
Papanikolaou (Papanikolaou 1998) propose qu’il est possible que l’absence de magnésium
inhibe l’acétylCoA carboxylase, qui produit moins de malonylCoA pour la synthèse d’acides
gras.
87
D’après Granger (Granger et al. 1993), Rhodotorula glutinis cultivée en carence de zinc
semble accumuler des acides gras dont une plus forte proportion est insaturée. La vitesse
spécifique de synthèse des acides gras augmente jusqu’à 0,15 g acides gras.gX-1 pour se stabiliser à
une valeur de 30 mgacides gras.gX-1.h-1. Le rendement de conversion et la production en acide αlinoléique augmentent aussi.
Une carence en fer induit une accumulation lipidique d’acides gras plutôt saturés (Granger et
al. 1993). Ceci est dû à la dépendance au fer des désaturases (Holloway and Katz 1972).
Hassan (Hassan et al. 1996) a expérimenté l’effet d’une limitation en fer sur l’accumulation
lipidique d’une souche de Cryptococcus curvatus cultivée en batch et en fed-batch. Une
limitation en fer induit une très faible accumulation lipidique composée en partie d’acides
gras à longueur de chaîne de 14 et 16 carbones. Mais les lipides accumulés contiennent plus
d’acide stéarique et moins d’acide oléique : ils sont plus saturés.
2.3.3.4
Oxygène
Le taux d’aération a une grande influence sur l’accumulation des lipides (Choi et al. 1982).
En effet, si la demande en oxygène n’est pas satisfaite, le rendement en biomasse, le taux
d’acides gras accumulés et leur degré d’insaturation sont fortement affectés. Rhodotorula
gracilis, une levure aérobie stricte et cultivée en limitation azote, produit des acides gras de
moins en moins insaturés suivant la diminution de la pression partielle en oxygène dissous
dans le milieu (Rolph et al. 1989). Davies (Davies et al. 1990) a étudié, au cours d’une culture
de Candida curvata l’effet d’une limitation en oxygène lors de la phase d’accumulation
lipidique. Les réactions de désaturation nécessitant de l’oxygène, le taux d’accumulation de
lipides n’est pas affecté mais la moitié des acides gras accumulés sont saturés.
2.3.3.5
Température
La température de la culture peut jouer un rôle important sur la quantité et aussi la
composition des lipides accumulés (Hansson and Dostalek 1986). En général, l’abaissement
de la température de la culture à 10°C permet d’augmenter le pourcentage d’acides gras
88
insaturés (Rattray et al. 1975), ceci afin de maintenir une fluidité membranaire suffisante. En
effet, les doubles liaisons d’un acide gras permettent à la chaine de changer de conformation,
ce qui fluidifie la membrane. Chez Y. lipolytica, la diminution de la température de 25 à 10°C
induit une augmentation du pourcentage des acides oléique et linoléique de 25% (g/g)
(Ferrante and Kates 1983). Il en est de même chez Rhodotorula gracilis (Rolph et al. 1989)
où l’abaissement de la température de 28 à 15°C provoque une augmentation du pourcentage
d’acides gras polyinsaturés dans les cellules.
De même, une augmentation de la température de culture chez Rhodotorula glutinis (Granger
1992), a montré une diminution du degré d’insaturation des acides gras accumulés. Il n’y a
pas de modification de la quantité d’acides gras accumulés mais leur profil est modifié. De
plus, les vitesses de production de biomasse et d’acides gras sont très ralenties. Chez R.
minuta, une augmentation de la température de 30 à 32°C entraine aussi un raccourcissement
des longueurs de chaines (Saxena et al. 1998).
L’effet de la température de culture chez Y. lipolytica a été étudié par Papanikolaou
(Papanikolaou 1998). Le micro-organisme a été cultivé à différentes températures comprises
entre 19°C et 39°C. Les températures extrêmes n’ont pas permis au micro-organisme de
croitre correctement (la biomasse totale produite atteint 3,9 et 1,0 g/L). Les trois autres
températures (24, 28 et 33°C) ont permis une croissance (la biomasse atteint environ 8 g/L) et
un taux d’accumulation satisfaisant (de 0,22 à 0,44 g.g-1 selon l’expérience). La température
de culture permettant d’atteindre un taux de lipides accumulé maximal a ainsi été définie à
28°C.
Mulder (Mulder et al. 1989) a quantifié l’effet d’une baisse brutale de température sur le
degré d’insaturation des acides gras accumulés. Le choc de température est d’autant plus
favorable à la production d’acides gras insaturés que son amplitude est grande. Il doit de plus
être réalisé sur une culture dont le milieu initial a un rapport C/N élevé.
Cescut (Cescut 2009) a étudié l’effet de l’abaissement de la température de 30 à 20°C lors de
la phase de transition d’une culture de R. glutinis sur glucose en mode fed-batch.
L’abaissement de 10°C induit une accumulation plus lente : la vitesse spécifique
d’accumulation est réduite d’un facteur 1,9. Ceci est lié à l’abaissement général des constantes
de réactions biologiques. En revanche, le rendement global de l’accumulation de lipides est
inversement modifié par le refroidissement. Ce rendement est amélioré de 0,04Cmollip.CmolX1
par rapport à la température 30°C. De plus, le degré d’insaturation des acides gras
89
accumulés est augmenté et passe de 0,7 à 0,9 moleinsaturation.moleAG-1. L’hypothèse émise est
que la différence de thermostabilité entre les désaturases et les enzymes d’élongation de
chaîne entraîne une sur-insaturation des acides gras accumulés à plus faible température.
2.4.
Conclusion
Y. lipolytica est une levure oléagineuse possédant l’enzyme indispensable à l’accumulation
des lipides : l’ATP-citrate lyase (Finogenova et al. 2002).
Chez Y. lipolytica, un mode de conduite maitrisant les apports en glucose et azote permet de
limiter la production d’acide citrique et d’accumuler des lipides jusqu’à un taux limite de 0,36
gLipides.gX-1 (Cescut, 2009). Le rendement a aussi été amélioré par l’utilisation d’un cosubstrat au glucose : le glycérol. Ce dernier permet d’améliorer la cinétique de production de
triacylglycérol par l’amélioration de la production de glycérol-3-phosphate. Cescut a aussi
mis en évidence une perte de rendement par l’existence d’un cycle futile de
production/dégradation d’acides gras par la voie de la β-oxydation. Malgré toutes ces
optimisations, Yarrowia lipolytica semble ne pouvoir accumuler plus de 0,36 gLipides.gX-1,
contrairement à d’autres levures oléagineuses comme Rhodotorula glutinis. En effet,
Yarrowia lipolytica semble être en premier lieu adaptée pour l’assimilation de lipides et non
leur synthèse. Il semble donc qu’un système de régulation en soit la cause.
Il a été vu que la limitation en un élément nutritionnel dans le milieu entraîne un
ralentissement de la multiplication cellulaire (Pan and Rhee 1986a, 1986b). La synthèse de
biomasse catalytique est ainsi affectée. Or, la limitation déclenche le phénomène
d’accumulation de lipides dont la constitution est différente des lipides membranaires dont les
principaux constituants sont les phospholipides. Les phospholipides représentent jusqu’à 55
% des lipides catalytiques de R. glutinis, de plus ils sont constitués à 85 % de composés
azotés : phosphatidylcholine, phosphatidyléthalonamine, phosphatidylsérine (Rolph et al.,
1989). La synthèse des acides gras polyinsaturés est par ailleurs intimement liée à celle des
membranes plasmiques, le rapport (acides gras insaturés)/(acides gras) jouant un rôle
déterminant dans la fonctionnalité membranaire (Russel, 1989). La forte diminution de la
production d’acides gras polyinsaturés observée en phase de limitation par l’azote pourrait
résulter donc de l’arrêt de la formation des membranes (Cescut 2009).
90
Le phosphore est un élément qui, lorsqu’il est limitant, a la capacité d’induire l’accumulation
de lipides chez certaines levures oléagineuses comme Rhodotorula glutinis (Granger 1992) et
Rhodosporidium toruloides (Wu et al. 2010). Les informations recueillies dans ce chapitre ont
permis de poser l’hypothèse qu’une limitation phosphore maîtrisée pourrait être plus
avantageuse pour l’accumulation de lipides qu’une limitation azote.
Le phosphore est un élément essentiel aux cellules. Il est incorporé dans les acides nucléiques
et les phospholipides et il fournit l’énergie nécessaire aux réactions intracellulaires. L’azote
est quant à lui un élément important pour les réactions enzymatiques, le transport
membranaire. C’est un élément plus facilement mobilisable par les cellules que l’azote. La
limitation en phosphore serait potentiellement moins délétère aux fonctions cataboliques
nécessaires à la production de lipides. Le taux et la vitesse spécifique de production de lipides
pourraient être plus élevés qu’en limitation azote.
L’activation des certaines enzymes prenant part à la synthèse lipidique se fait par
déphosphorylation comme l’acétylCoA carboxylase. En effet, l’acétylCoA carboxylase
synthétise le malonylCoA, précurseur des acides gras néosynthétisés. Lorsque cette enzyme
est déphosphorylée, son insensibilité à l’inhibition par les acides gras est améliorée
(§2.2.2.2.2) ce qui pourrait augmenter les vitesses de synthèse en acides gras. Granger
(Granger 1992) observa l’amélioration de la vitesse de synthèse de lipides mais en carence,
cette vitesse n’est pas maintenue : il serait nécessaire de conserver une limitation en
phosphore afin de maintenir un taux intracellulaire suffisant aux besoins énergétiques de la
cellule.
La levure Y. lipolytica est une levure oléagineuse possédant l’enzyme indispensable à
l’accumulation de lipides : l’ATP-citrate lyase. Elle peut accumuler jusqu’à 0,36
gLipides.gbiomasse-1. De plus, le métabolisme de Yarrowia lipolytica a fait l’objet de nombreuses
études focalisant majoritairement sur la production de lipases et d’acides organiques sur
différents substrats. On observe depuis une dizaine d’années une augmentation notable de
travaux sur l’accumulation de lipides sur substrat osidique ; et aucune sur une carence ou
limitation de phosphore. L’effet d’une limitation phosphore sur l’accumulation lipidique
d’une souche sauvage de Yarrowia lipolytica avec le glucose comme substrat est étudié dans
les chapitres suivants.
91
3. MATERIEL ET METHODES
92
93
3.1.
Microorganisme
La souche sauvage Yarrowia lipolytica utilisée est la souche W29 (ATCC 20460, Mat A)
isolée d’eaux usées et a été fournie par J.M. Nicaud (Laboratoire de Microbiologie et
Génétique Moléculaire, CNRS, UMR 2585, INRA, UMR1238, AgroParisTech, INRA centre
de Grignon F-78850 Thiverval-Grignon, France). Les conditions de croissance optimales sont
de 28°C pour la température, un pH de 5,6 et le milieu salin optimisé pour la croissance
(Faure, 2002). La formule brute de la biomasse en croissance exponentielle sur milieu salin
ramenée à 1 atome de carbone est donc C H1,744 O0,451 N0,132, ce qui représente 92% de la
masse totale de la cellule (Cescut, 2009). La masse molaire normée à 1 atome de carbone doit
donc prendre en compte la fraction massique des cendres estimées à 8%, soit une masse
molaire de 23,44 g.Cmole-1. Des stocks de la souche ont été réalisés à partir de précultures
axéniques dans des Erlenmeyers bafflés placés sur une table agitante, avec un milieu riche
ayant une concentration initiale en glucose de 10 g.L-1. En milieu de phase exponentielle, des
aliquots de 1 mL ont été prélevés et additionnés de glycérol stérile (30 % en volume/volume).
Puis ces stocks ont été conservés dans des flacons stériles à -80°C. Ces cultures concentrées et
congelées ont été utilisées pour ensemencer les différentes précultures à des fins de culture en
mode alimentation discontinue.
3.2.
Milieux de culture
3.2.1. Milieu riche
Un cryotube est étalé sur le milieu riche (YPD) + 10% agar-agar qui est incubé 48h à 30°C.
Une colonie est reprise dans 5 mL de milieu riche liquide pour ensemencer des précultures.
Composition du milieu YPD :
Yeast extract 10 g.L-1
Bactopeptone 10 g.L-1
Glucose
10 g.L-1
94
3.2.2. Milieu minéral
3.2.2.1
Milieu salin
Ce milieu est le milieu des précultures et le milieu initial de culture en mode fed-batch. Sa
composition est présentée dans le Tableau 10 pour les cultures sur glucose et oléate et le
Tableau 11 pour les cultures limitées en phosphore.
Composé
(NH4)2SO4
K2HPO4
1
1
Concentration (g.L-1)
Composé
3,0
MgSO4 , 7H2O 3
3,0
NaH2PO4 , H2O 3
Glutamate de sodium
Concentration (g.L-1)
1,0
2
2,0
3,0
Tableau 10 : Composition du milieu salin ( 1VWR ; 2 Merck ; 3Panreac) pour les expériences de croissance
sur oléate
Composé
(NH4)2SO4
KCl
1
1
NaCl 1
Concentration (g.L-1)
Composé
3,0
MgSO4 , 7H2O 3
2,57
Glutamate de sodium
0,55
NaH2PO4, H2O 1
Concentration (g.L-1)
1,0
2
2,0
0,92
Tableau 11 : Composition du milieu salin ( 1VWR ; 2 Merck ; 3Panreac) pour les expériences en limitation
phosphore
Les solutions d’oligo-éléments (3.2.2.3) (sauf le fer) sont rajoutées en une quantité de 1mL de
solution pour 1L de milieu. Le milieu est ajusté à pH 4,5 avec de l’acide orthophosphorique
ou de l’acide sulfurique pour éviter toute précipitation. Il est ensuite stérilisé par autoclavage à
121°C pendant 20 minutes. Puis son pH réajusté à une valeur de 5,5 avec une solution
d’ammoniaque à 14%. Les solutions de vitamines (3.2.2.2) et de fer (3.2.2.3) stérilisées par
filtration sont enfin ajoutées.
3.2.2.2
Solution de vitamines
La composition de la solution en vitamines est mentionnée dans le Tableau 12. Le pH est
ajusté à 6,5 par une solution d’acide orthophosphorique ou d’acide sulfurique et par une
solution d’hydroxyde de sodium. La solution est stérilisée par filtration sur un filtre de
95
diamètre 0,2 µm. Les vitamines pouvant se dégrader rapidement dans le milieu de culture, 10
mL de solution de vitamines sont rajoutés dès que 10g de biomasse catalytique par litre sont
formées (Faure 2002).
Composé
Concentration (g.L-1)
Composé
Concentration (g.L-1)
d-biotine
0,05
Thiamine hydrochloride
1
Panthoténate
1
Pyridoxol hydrochloride
1
Acide nicotinique
1
Acide p-aminobenzoïque
0,2
Myoinositol
25
Tableau 12 : Composition de la solution de vitamines concentrée (produits Sigma-Aldrich)
3.2.2.3
Solutions concentrées d’oligoéléments
Chaque solution d’oligo-élément dont les compositions sont reportées dans le Tableau 13, est
préparée séparément. Toutes les solutions sont stérilisées à l’autoclave 20 min à 121°C sauf la
solution de fer, qui est stérilisée par filtration via un filtre dont le diamètre des pores est égal à
0,2 µm.
Composé
Concentration (g.L-1)
Composé
Concentration (g.L-1)
ZnSO4 , 7H2O 2
40,0
CaCl2 , 2H2O 1
64,0
1
3,80
H3BO3
1
3,20
CoCl2 , 6H2O 1
0,50
Na2MoO4 , 2H2O 1
0,06
CuSO4 , 5H2O 1
0,90
(NH4)2FeSO4 1
23,0
MnSO4 , H2O
Tableau 13 : Composition des solutions concentrées en oligo-éléments (1 VWR ; 2 Carlo Erba)
3.2.2.4
Solution d’alimentation en sels
Cette solution (voir Tableau 14) est ajoutée pendant la culture en proportion volumique de
10% par rapport au glucose apporté.
96
Composé
Concentration (g.L-1)
Composé
KCl 1
20,0
CuSO4 , 5H2O 1
NaCl
1
Concentration (g.L-1)
0,6000
1
20,0
Na2MoSO4 , 2H2O
MgSO4 , 7H2O 3
27,0
CaCl2 , 2H2O
1
6,40
ZnSO4 , 7H2O 2
7,70
(NH4)2FeSO4
1
5,60
MnSO4 , H2O 1
0,4700
H3BO3
1
0,3000
CoCl2 , 6H2O
1
0,0940
0,3000
Tableau 14 : Composition de la solution d’alimentation en sels ( 1 VWR ; 2 Carlo Erba ; 3 Panreac)
Les sels sont dissous dans de l’acide orthophosphorique (146,70 g.L -1) pour les cultures sur
co-substrat glucose/oléate et de l’acide sulfurique (140 g.L-1) pour les cultures limitées en
phosphore. Cette solution est stérilisée par autoclavage 20 minutes à 121°C.
3.2.2.5
-
Sources carbonées
Glucose
La solution d’alimentation en glucose est concentrée à une valeur proche de 700 g.L -1 puis
stérilisée à l’autoclave 20 minutes à 121°C.
-
Oléate
L’oléate (VWR) présente une pureté de 90% soit une concentration de 798 g/L. Les 10%
restants est constitué d’autres acides gras libres. L’oléate est transféré dans un bidon
d’alimentation stérile.
3.2.2.6
Solution de régulation de pH
Le pH est régulé grâce à une solution d’ammoniaque à 28% (p/v) et une solution d’acide
sulfurique ou d’acide phosphorique 1M.
97
3.3.
Le bioréacteur
3.3.1. Description générale du réacteur
Les cultures sont réalisées en mode discontinu alimenté (Fed-batch) dans un fermenteur B.
BRAUN (Biostat E, Braun Diessel, Biotech. Melsungen, Allemagne) d’une capacité de 20L.
Il est équipé de modules de mesure et régulation de température, de pH (sonde Fermprobe
Broadley-James Co., Santa Ana, USA), d’oxygène dissous (sonde INGOLD, Urdorf, Suisse),
de pression et de mousses. Le réacteur est connecté à un micro-ordinateur de type PC. Le
module d’entrée-sortie permet l’acquisition en ligne des données des capteurs (vitesse
d’agitation, température, pH, oxygène dissous, pression), du temps de fonctionnement des
pompes de liquides régulateurs de pH et d’antimousse, ainsi que la commande des pompes
d’alimentation en substrats et en sels ; une liaison reliant les balances à l’ordinateur permet la
lecture de la masse des réservoirs d’alimentation.
La régulation de température est réalisée par l’intermédiaire d’une double enveloppe dont
l’eau y circulant est tempérée par un système d’échangeur à plaques et de bain thermostaté.
Le débit massique de gaz entrant (air apporté) est mesuré et régulé par un débitmètre (modèle
5850 TR, BROOKS Instrument, Emerson Process Management, E.U.). L'agitation est réalisée
par un axe muni de trois turbines Rushton. L’homogénéité du milieu est supposée parfaite
pour toute l’étude.
La composition des gaz de sortie est analysée par un analyseur à gaz (EGAS 8, BRAUN,
Allemagne) mesurant le dioxyde de carbone par spectrométrie infrarouge et l’oxygène par
paramagnétisme et/ou par spectrométrie de masse (Prima 600S, VG Gaz).
Le réacteur est stérilisé à blanc in situ par injection de vapeur vive à 120 °C pendant 20
minutes. Le milieu salin initial, stérilisé séparément, est ensuite transvasé stérilement dans le
fermenteur. Le Struktol J673 est utilisé comme agent antimousses.
Le fermenteur est alimenté en source(s) de carbone, en sels, en source azotée (régulateur pH)
et en source de phosphore (limitation phosphore). L’alimentation en substrats s’effectue par
deux pompes péristaltiques. La première assure un apport rapide de substrat (débit maximal
de 15 L/h) utilisée lors de pulses, la seconde permet un apport avec un débit plus précis (débit
98
maximal de 0,6 L/h). Pour l’utilisation d’un co-substrat, deux autres pompes peuvent être
ajoutées : une dédiée à un apport rapide (commandée manuellement) et l’autre dédiée à un
apport faible mais plus précis (commandée par le logiciel). Enfin, une dernière pompe à débit
commandé permet l’apport de la solution saline concentrée dans un ratio de 10/1 (v/v) par
rapport à l’ajout de substrat carboné. Les réservoirs de solution de substrats, de phosphore et
d’ammoniaque sont placés sur des balances (modèle I 12000 S et GP5202, SARTORIUS,
Goettingen, Allemagne). La détermination en ligne de la masse des réservoirs sur la balance
autorise l’estimation des débits massiques de substrats, de phosphore et d’ammoniaque
introduits dans le réacteur. Le pH est régulé à 5,5 et la température est maintenue à 28°C
(Faure, 2002).
3.3.2. Système d'acquisition et de commande
Tous les systèmes de mesure en ligne et actionneurs sont connectés à un ordinateur de type
PC par une interface Analogique / Digital – Digital / Analogique et des ports série type RS
232. Les différentes données acquises en ligne sont résumées dans le Tableau 15.
Paramètres
Mode de Supervision
Précision des mesures
Température
Mesuré et régulé
0,1 °C
pH
Mesuré et régulé
0,05 unité pH
Pression en oxygène dissous
Mesuré
0,1 % sat
Pression relative
Mesuré et régulé
1 mb
Agitation
Mesuré et régulé
1 tr.mn-1
Mesuré et régulé
1s
Masse pesée par les balances
Mesuré
de 0,1 à 0,01 g
Composition des gaz de sortie
Mesuré
0,1 %
Débit massique d’aération
Mesuré
0,1 NL.h-1
Débit des pompes d’alimentation
Mesuré
0,001 L.h-1
% en dioxyde de carbone dissous
Mesuré
0,2 %
Détecteur de marche des pompes
d’antimousse, acide et base
Tableau 15 : Liste des mesures en ligne avec leur mode de supervision et la précision des mesures
99
Le module d’entrée-sortie permet l’acquisition en ligne des données des capteurs (vitesse
d’agitation, température, pH, oxygène dissous, pression), du temps de fonctionnement des
pompes de liquides régulateurs de pH et d’antimousse ainsi que la commande des pompes
d’alimentation en substrat, tandis que la liaison asynchrone reliant les balances à l’ordinateur
permet la lecture en ligne de la masse des réservoirs. Le programme de gestion de
l’alimentation du réacteur en substrat a été développé au laboratoire par P. Perlot (Béghin
Say) et J.-L. Uribelarrea (INSA). Différents modes de commande des débits des pompes
(croissant ou décroissant) sont disponibles : constant, linéaire, exponentiel et sigmoïde
(Figure 21). Ces programmations de débit sont très utiles lors de conduite particulière de la
culture.
Mode constant
igm
oïd
e
Consigne finale
Consigne initiale
Délai initial
l i né
es
aire
Mo
d
de
Mo
l
tie
o
xp
n
ne
e
de
Mo
Durée de Variation
Figure 21: modes de consigne des pompes péristaltiques disponibles grâce au programme de gestion de
l’alimentation du réacteur.
La limitation en substrat affectant directement la croissance, l’ajustement du flux de carbone
dispensé par la pompe substrat est déterminant pour la conduite de la culture. Afin d’atteindre
un taux spécifique de croissance maximal sans accumulation excessive de substrat dans le
milieu, un algorithme pilotant les deux pompes d’ajout de substrat est utilisé. Cet algorithme a
été mis au point au Centre de Transfert en Biochimie et Microbiologie de Toulouse en 1992
par la collaboration de J-L Uribelarrea, D. Simoes-Ardaillon et P. Perlot. Ce dispositif
fonctionne par cycle : un pulse de substrat est injecté rapidement par une pompe de grand
débit (10 L.h-1) pour atteindre une concentration résiduelle en glucose non limitante, par
exemple 2 gGlc.L-1, l’accroissement de biomasse, si la croissance n’est pas limitée par ailleurs,
conduit à l’épuisement du substrat. La limitation en substrat se traduit par une remontée de la
concentration en oxygène dissous : c’est la fin du premier cycle. L’algorithme calcule alors la
vitesse spécifique de consommation de substrat en prenant en compte la quantité de substrat
délivrée, donc consommée, et le temps de consommation sur l’intégralité du cycle. Un second
cycle est alors lancé, avec cette valeur estimée de la vitesse spécifique de consommation du
100
substrat. Une fois le pulse achevé, une autre pompe prend le relais et permet de maintenir un
débit constant de substrat calculé sous contrainte d’une concentration en substrat maximale à
ne pas dépasser. La mise au point et la mise en équation de cet algorithme sont détaillées dans
la thèse de Granger de 1992.
Le logiciel d’acquisition réalise à chaque nouvelle acquisition de l’analyseur de gaz (période
réglée à 1,2mn) l’acquisition des mesures, leur filtrage et le stockage des données et permet
aussi l’estimation de variables calculées à partir des données disponibles en ligne (Tableau
16).
Variable estimée
Unité
Masse Substrat Ajout S1 g
Variable estimée
unité
Vitesse O2
mole.L-1.h-1
Vitesse CO2
mole.L-1.h-1
Concent. Equiv. S1
g.L-1
Carbone ajout. S1
mole.L-1 Crésiduel / Cajout
g.g-1
Carbone ajout. S1
mole
Carbone résiduel
mole.L-1
Volume réacteur
L
Azote total
mole
µ f(Substrat)
h-1
Azote / Carbone
mole.mole-1
µ f(pO2)
h-1
Masse Ammoniaque Ajout
g
µ f(NH3)
h-1
Concent. Equiv.
g.L-1
µ f(CO2)
h-1
Carbone ajout. S2
mole.L-1
Volume Base
mL
Carbone ajout.S2
mole
Volume Acide
mL
Carbone ajout. total
mole
Vitesse O2
mole.h-1
Carbone ajout. total
mole.L-1
Vitesse CO2
mole.h-1
Carbone Accumulé total
mole
Coefficient Respiratoire
NA
Carbone Accumulé total
mole.L-1
kLa
h-1
Signal Consigne PID moyen NA
Intégrale O2
mole
Caccum/Cajout
g.g-1
Intégrale CO2
mole
Redox accumulé
NA
Tableau 16 : Liste des variables estimées et leur unité
Ainsi le taux de croissance peut être estimé soit par la consommation de liquide correcteur de
pH, de substrat, d’oxygène ou par la production de CO2. Le volume de milieu réactionnel est
estimé en prenant en compte le volume initial, les prélèvements, les ajouts et le volume d’eau
101
évaporé. La précision des variables estimées en ligne est intrinsèquement liée à la précision
des outils de mesure, des calibrages et étalonnages effectués au préalable.
L’ensemble du système peut être schématisé suivant la Figure 22.
Glucose
Débimètre
massique
Oléate
(2)
Analyse des gaz
Pression
Antimousse
H3PO4
(1)
T°C
pO2
pH
Solution saline
Agitation
antimousse
pH, H2SO4 (1)
ou H3PO4 (2)
Bloc de mesure
et régulation
pH,NH4OH
Collecteur
Acquisition, calculs,
commande, journal
Figure 22 : Schéma du système fermenteur : cuve, apports, acquisitions et commande. (1) expériences en
limitation phosphore et (2) expériences sur co-substrats glucose/oléate.
102
3.4.
Méthodes analytiques
3.4.1. Analyse de la biomasse
3.4.1.1
Observation microscopique
L’observation microscopique est réalisée à l’aide d’un microscope OLYMPUS BH2 (Japon),
avec l’objectif DA po 100 UV PL. L’acquisition est effectuée par une caméra CCD DXM
1200, NIKON (Japon). Les images sont numérisées sous un format 975*715 pixel avec la
carte graphique Matrox 975-0201. Les images sont analysées grâce au logiciel commercial
LUCIA 4.6 du laboratoire IMAGING Ltd. (République tchèque). La résolution du système
d’acquisition permet d’observer des détails de la taille de 0,5 µm.
Les échantillons sont observés à l’état frais et après un traitement de coloration au Nile red
pour observation sous fluorescence.
Préparation des échantillons colorés au Nile red :
1mL d’échantillon dont la DO avoisine 1 est centrifugé 3 minutes à 13400 rpm et lavé à l’eau
physiologique glacée 3 fois. Puis le culot est repris dans 1 mL d’eau physiologique glacée
additionné de 5µL de solution au Nile red (3mg.mL-1 d’acétone). L’échantillon est conservé
10 minutes à 4°C à l’abri de la lumière puis il est centrifugé et le culot est resuspendu dans
1mL d’eau physiologique.
L’observation de l’échantillon à la lame est réalisé par le même microscope avec l’objectif
DA po 100 UV PL, avec un filtre UV.
3.4.1.2
Concentration cellulaire
La mesure de la concentration cellulaire est réalisée de deux manières différentes : la mesure
de la densité optique permet une estimation tout du long de la culture et la méthode
gravimétrique permet une mesure plus précise.
-
Gravimétrie : un volume déterminé (2 à 25 mL) de moût de fermentation est filtré sur
un filtre Sartolon Polyamid de diamètre 0,45 µm, préalablement séché et pesé. Le
filtre est ensuite rincé et séché à l’étuve sous vide (60°C, 200 mm de mercure) pendant
103
24h puis pesé après refroidissement dans un dessicateur. La masse sèche est calculée
par la différence de pesée du filtre.
-
Densité optique (DO) : Le spectromètre utilisé est un Biochrom LibraS4 et les cuves
sont de référence OS 0.201. La mesure est réalisée à une longueur d’onde de 600 nm.
Les dilutions sont réalisées de telle sorte que la DO soit comprise entre 0,2 et 0,5 unité
de densité optique. Pour chaque expérimentation, une corrélation peut ainsi être
déterminée entre la densité optique et la masse sèche (g.L-1).
3.4.2. Extraction et dosage des composés intracellulaires
3.4.2.1
Mesure des cendres
La mesure des cendres est réalisée avec les filtres de mesure de la masse sèche par
gravimétrie (§ 3.4.1.2). Les filtres sont introduits dans des tubes en verre préalablement pesés
après un passage au four et refroidis une heure dans un dessicateur. La programmation du four
commence par une rampe passant de la température ambiante à 550 °C en 2 h puis un plateau
de 12 h à 550 °C. Les tubes contenant les filtres sont ensuite placés dans le four avec la même
programmation de température. Une fois la programmation achevée et après refroidissement à
température ambiante au dessiccateur, les tubes sont repesés. La calcination est réitérée en
ajoutant 20 µL d’une solution de NH4NO3 à 20 g.L-1. Ces opérations sont répétées jusqu’à ce
que l’écart entre deux pesées successives soit inférieur à 0,1 %. L’incertitude sur cette
méthode est estimée à 0,2 gcendres.100gX-1.
3.4.2.2
Dosage du phosphore intracellulaire
Le phosphore intracellulaire n’est pas uniquement sous forme de phosphates. Il est donc
nécessaire de l’extraire des cellules mais aussi de le transformer en ions phosphates pour qu’il
puisse être dosé.
Le phosphore est récupéré dans les cendres (§ 3.4.2.1). Ces cendres sont reprises dans 3 mL
d’acide chlorhydrique 1N pour minéralisation puis cette solution est diluée dans 100 mL
d’eau ultrapure (Jean 1969).
Une prise d’échantillon de 1mL permet le dosage des phosphates (§ 3.4.3.2).
104
3.4.2.3
Dosage des lipides
Cette méthode de dosage a été développée par Julien Cescut durant sa thèse au laboratoire
(Cescut, 2009).
Préparation des échantillons :
Les échantillons sont congelés à –80 °C puis lyophilisés (Modèle : Serail, RP35, France). La
durée de lyophilisation est de 48h et la température du début de mise sous vide est de –45°C.
Les lyophilisats sont conservés dans un dessiccateur aux parois opaques contenant une grande
quantité de Silicagel (Prolabo ; 27615.291) sous azote. Environ 500 mg à 1 g de lyophilisat
sont introduits dans une cellule d’extraction de 11 mL, puis 2 g d’hydromatrix (VARIAN,
Californie, E.U.) sont mélangés au lyophilisat. L’hydromatrix évite que le lyophilisat de
levure ne se compacte évitant toute extraction de lipides au cœur de l’échantillon.
Extraction :
La méthode est une extraction réalisée par un appareil de type ASE (Accelerated Solvent
Extraction, Dionex). Les composés lipidiques sont extraits par injection de mélanges de
solvants à haute température (100 °C) et à haute pression (100 bar) dont les compositions sont
reportées dans le Tableau 17. Les lipides extraits sont évacués de la cellule sous la pression
d’un gaz inerte (azote).
Solvant
Chloroforme
Méthanol
Hexane
Cycle 1
70 %
30 %
0%
Cycle 2
50 %
50 %
0%
Cycle 3
30 %
70 %
0%
Cycle 4
0%
0%
100 %
Tableau 17 : Composition du mélange de solvant en fonction du cycle d’extraction
105
Les paramètres d’extraction sont les suivants :
Nombre de cycles : 4
Pression : 100 bars
Température : 100°C
Durée totale de l’extraction : 60 minutes
% renouvellement du solvant : 100 % (mL/100 mL)
% de purge : 100 % (mL/100 mL)
Temps de purge : 60 secondes
Phase de chauffage : 15 minutes
Phase statique : 15 minutes
Purification :
Les lipides recueillis dans le mélange de solvants subissent une première évaporation,
principalement pour évaporer le méthanol. Ils sont ensuite resuspendus dans du chloroforme
puis mélangés à une solution de KCl (0,88 mL.100mL-1) en proportion de 1 volume de KCl
par volume de solvant afin de séparer les lipides des débris cellulaires. Les deux phases sont
émulsionnées et centrifugées à 200g pendant 5 minutes. La phase organique est récupérée et
soumise à évaporation dans un évaporateur multiposte à une température de 40°C
(programme mixed solvent, EZ-2, Genevac). L’évaporation est répétée jusqu’à ce que la
masse des tubes contenant les lipides soit stable. La teneur totale en lipides est quantifiée par
la différence de masse du tube avant et après extraction/évaporation et rapporté à la masse de
lyophilisat ayant subit l’extraction.
3.4.2.4
Dosage des classes de lipides par HPLC-DDL
Une chaîne HPLC équipé d’un détecteur évaporatif à diffusion de lumière (DDL) peut être
utilisée pour analyser les différentes classes de lipides : acides gras libres, mono, di,
triacylglycérols avec les différentes combinaisons d’acides gras estérifiés. Les détecteurs à
diffusion de lumière sont capables de détecter des molécules ne possédant pas de
chromophore. Les conditions opératoires de l’analyse ont été optimisées par Etienne Séverac
de l’équipe enzymologie du LISBP sous la direction du Professeur Alain Marty.
106
Les paramètres de dosage sont les suivants :
Echantillonneur, pompe et four : Ultimate 300 (DIONEX)
Détecteur I : ELSD
Logiciel d'acquisition et de traitement des données : Chromeleon (DIONEX)
Colonne : Prontosyl C30 250mm*4mm*5µm (ICS)
Débit : 1 mL.mn-1
Température du four : 40 °C
Débit azote ELSD : 1 L.mn-1
Température de nébulisation : 60 °C
Température d’évaporation : 40 °C
Débit de la phase mobile : 50 mL.mn-1
Volume d'échantillon injecté :1 µL
Trois mélanges de solvant sont utilisés pour générer différents gradient afin d’accroître la
résolution de séparation des différents lipides. La composition des mélanges et l’évolution des
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
[L.mn-1/Ltotal.mn-1]
ratio des débits
gradients en cours d’analyse est illustrée par la Figure 23.
C
B
A
0
5
10
15
20 25 30
Durée [mn]
35
40
45
50
Figure 23 : Evolution de la composition de la phase mobile de l’analyse des lipides par HPLC-DDL.
Mélange A : Acétonitrile, mélange B : Eau + acide trifluoroacétique à 0,1% (v/v), mélange C : hexane +
isopropanol à 80% (v/v).
107
3.4.2.5
Dosage des acides gras
Les lipides purifiés précédemment sont resuspendus dans un volume précis de chloroforme
(déterminé par pesée) afin d’être dosés par chromatographie en phase gazeuse (HP 6890
Series GC systems). Les échantillons subissent une méthylation en présence de
triméthylsulphonium hydroxide (TMSH ; Macherey-Nagel, Allemagne) à 0,2 mol.L-1 dans du
méthanol : 50 µL d’échantillon sont mélangés à 50 µL de TMSH et 50 µL d’étalon interne
(acide gras à longueur de chaîne impaire). Le mélange est agité 10 secondes et disponible
après 5 minutes d’attente. L’extrait doit être préalablement dilué dans un mélange 1/1 (v/v) de
méthanol et chloroforme afin d’obtenir une concentration en acide gras comprise entre 0,5 et
2 g.L-1.
3.4.2.6
Dosage des sucres totaux
Le dosage des sucres totaux est réalisé par la méthode phénol-acide sulfurique (Dubois et al.,
1956).
Ce dosage est utilisé ici afin de déterminer le taux en polysaccharides totaux
intracellulaires.
La gamme étalon est réalisée avec une solution de glucose/mannose (50/50, w/w) et la gamme
choisie varie entre 0 et 0,1 g.L-1. Pour plus de précision, chaque étalon est dosé 4 fois.
L’échantillon est centrifugé à 13400 rpm pendant 3 minutes puis lavé trois fois avec de l’eau
physiologique à 4°C.
Afin de standardiser les conditions opératoires, les échantillons sont dilués de manière à
ramener la valeur de densité optique entre 0,4 et 0,5 pour le même spectrophotomètre du suivi
de culture et la même cuve. Ceci permet de déterminer la biomasse utilisée pour le dosage.
Dans un tube en verre, sont introduits 1000 µL d’échantillon dilué additionnés de 1 mL d’une
solution de phénol à 0,5 g.L-1 dans de l’eau distillée. Après vortexage et 5 min de repos, 5 mL
d’acide sulfurique à 95 % sont introduits. Après vortexage et 5 min de repos, les tubes sont
placés dans un bain marie à 30°C pendant 20 mn. La réaction est ensuite stoppée en plaçant
les tubes dans un bain glacé pendant 20 mn. Chaque échantillon est répété 4 fois.
L’absorbance de l’échantillon est mesurée à 486 nm. La concentration est exprimée en
équivalent glucose/g de biomasse.
108
3.4.3. Dosage des composés extracellulaires
3.4.3.1
Dosage des sucres, des acides organiques et des alcools
Le dosage est réalisé par chromatographie en phase liquide à haute performance (HPLC)
(Ultimate 3000, Dionex, USA) dont les paramètres sont les suivants :
Colonne : Aminex HPX-87H (300 mm x 7,8 mm)
Température du four : 50°C
Phase mobile : H2SO4 à 5 mM
Débit de la phase mobile : 0,5 mL.min-1
Durée de l’analyse : 30 min
Volume d’injection : 20 µL
Détecteurs UV à barrette diode et réfractomètre
La concentration pour chaque composé est déterminée à l’aide d’une droite étalon. Chaque
composé est préparé à 5 concentrations différentes. Les temps de rétention pour les composés
dosés sont répertoriés dans le Tableau 18.
Les échantillons de moût de fermentation sont préalablement centrifugés 3 minutes à 13400
rpm puis le surnageant est récupéré et filtré à travers un filtre dont le diamètre des pores est de
0,2 µm. Les échantillons sont ensuite dilués afin d’obtenir une concentration en composés à
doser dans la gamme considérée.
Composé
En détection UV (min)
En détection RI (min)
Citrate
9,61
9,98
Glucose
NA
11,13
Succinate
NA
15,56
Lactate
15,48
15,86
Formate
17,22
17,14
Acétate
18,28
18,66
Ethanol
NA
26,63
Tableau 18 : Temps de rétention pour les composés attendus (NA : non applicable)
109
La détermination de la concentration en glucose à partir des surnageants de culture est
également effectuée au cours de la culture au moyen d'un analyseur de glucose YSI modèle
27 A (Yellow Springs Instruments, Yellow Springs, Ohio).
3.4.3.2
Dosage des phosphates
Les ions phosphates sont dosés par colorimétrie (Briggs, 1922). Il s’agit du dosage d’un
complexe phospho-molybdeux-molybdique formé par la réaction entre les ions phosphates et
des sulfomolybdates et absorbant à 750 nm. Cette méthode ne permet donc de doser que le
phosphore présent sous la forme d’ions phosphate.
Préparation des réactifs :
- Solution d’amidol : 1 g d’amidol et 20 g de métabisulfite de sodium sont dissous dans 100
mL d’eau ultra pure.
- Solution de molybdate : 8,3 g de molybdate d’ammonium sont dissous dans 100 mL d’eau
ultra pure.
Dosage :
1 mL de surnageant de fermentation ou de solution étalon est mélangé à 400 µL d’acide
perchlorique à 65%, 400 µl de solution d’amidol et 200 µL de molybdate d’ammonium.
Après mélange et 10 minutes d’attente, l’absorbance est mesurée par spectrométrie à une
longueur d’onde de 750 nm. La gamme étalon est réalisée avec une solution de KH 2PO4.
3.4.3.3
Dosage des ions ammonium
Une électrode à ion ammonium (PH/ISE meter modèle 710A + électrode de captage de gaz
ammoniac modèle 95-12, Orion Research Inc Boston, USA) est utilisée pour quantifier la
concentration résiduelle en ammoniaque dans le milieu de culture. La gamme étalon est
réalisée avec une solution de NH4Cl.
110
3.4.3.4
Dosage de l’oléate
L’oléate étant utilisé comme source carbonée dans certaines expériences, il est présent dans le
milieu de culture ou à la surface des cellules. Le moût de fermentation est centrifugé 3
minutes à 13400 rpm. Le surnageant est récupéré. Un volume de surnageant est mélangé à un
volume d’hexane pour récupérer l’oléate dans la phase organique. Le culot est resuspendu
dans de l’hexane afin de récupérer l’oléate situé à la surface des cellules puis centrifugé 3 min
à 13400 rpm. L’oléate récupéré dans l’hexane est ensuite dosé par CPG (§ 3.4.2.4).
3.4.4. Modélisation stœchiométrique
La modélisation des flux métaboliques peut-être utilisée pour deux usages :
-
la simulation : elle permet de créer différents scenarii de réseau métabolique qui
doivent alors être validés expérimentalement,
-
la synthèse : elle permet d’élaborer des réseaux métaboliques hypothétiques intégrant
différentes données cinétiques obtenues lors d’une culture.
Ainsi, d’après la littérature et différentes banques de données (PUMA2, KEGG, BRENDA,
Pathway hunter tool), les différentes voies métaboliques, anaboliques et cataboliques, sont
construites. Un vecteur anabolique est ainsi créé exprimé en µmol.g X-1 intégrant les demandes
en précurseurs, pouvoir réducteur, énergie, O2, azote, phosphore et soufre ainsi que les
productions nettes de métabolites CO2, lipides, acide citrique.
Les calculs sont réalisés sous forme matricielle. La construction du code de calcul est basée
sur une estimation paramétrique des flux réactionnels et des flux échangés avec comme
contrainte de calcul un flux d’accumulation nul pour tout métabolite intracellulaire et une
minimisation de l’écart entre flux d’échange estimé et mesuré.
Le calcul consiste à minimiser les écarts entre les compositions macromoléculaires et
élémentaires résultant du réseau anabolique et les données expérimentales correspondantes.
Cette modélisation permet de simuler les flux métaboliques des principales voies empruntées
à un instant donné. Ainsi, en ajustant les différents paramètres, il est possible de reconstruire
l’évolution de ces flux en fonction de l’état d’avancement de la culture.
111
3.4.5. Traitement des données expérimentales
3.4.5.1
Définitions
La biomasse totale (X ou Xtotale) est la biomasse mesurée par filtration comprenant la
biomasse catalytique (X*) et les métabolites intracellulaires accumulés.
X totale  X *  Lacc  PolyS acc
(1)
La biomasse catalytique (X*) correspond à la biomasse en croissance pure, soit sans les
métabolites intracellulaires accumulés. Sa composition en lipides et polysaccharides est
supposée constante tout au long de la culture.
Les métabolites accumulés totaux (lipides et polysaccharides) sont les métabolites dosés et
retrouvés dans la biomasse totale. Ils comprennent les lipides et polysaccharides structuraux
et éventuellement ceux qui sont accumulés.
Ltotaux  Lacc  Lstruturaux
(2)
et
PolyS totaux  PolyS acc  PolyS struturaux
(3)
Le calcul des métabolites accumulés à partir des métabolites totaux et de la biomasse
catalytique est le suivant :
En début de culture, soit en croissance pure, la biomasse totale est égale à la biomasse
catalytique. Les lipides et polysaccharides totaux dosés sont uniquement structuraux. Le taux
en lipides structuraux est d’environ 0,10 gLip.gXtotale-1 et celui en polysaccharides est d’environ
0,20 gPolyS.gXtotale-1. Quand la culture le permet, ces valeurs sont déterminées de nouveau à
chaque début de culture. En reprenant les équations 2 et 3, on obtient :
Ltotaux  Lacc  0,1  X *
(4) et
PolyS totaux  PolyS acc  0,2  X *
(5)
En reprenant l’équation (1), il est possible de calculer la biomasse catalytique :
X totale  X *  Ltotaux  0,1  X *  PolyS totaux  0,2  X * soit
X totale  0,7 X *  Ltotaux  PolyS totaux donc
X* 
X totale  Ltotaux  PolyS totaux
0,7
La biomasse catalytique calculée, les quantités en lipides et polysaccharides peuvent alors être
calculées à partir des équations 4 et 5.
112
Degré de réduction
  C . C  H . H  O . O   N . N est le degré de réduction d’un composé de
composition élémentaire
CC H H OO N N et  x le coefficient de réduction de l’atome.
Degré d’insaturation
n
Deg insat   (i * % AG:i )
i 1
désigne le degré d’insaturation et représente la teneur en insaturation
des acides gras composant les lipides intracellulaires (molinsaturation.molAG-1) ; avec i = le
nombre d’insaturation (molinsaturation.molAG:i-1) et %AG:i = la teneur en acides gras insaturé
(molAG:i.molAG-1).
3.4.5.2
Lissage des données
Les expériences étant réalisées en mode fed-batch, le volume réactionnel est donc variable.
Afin de s’en affranchir, les résultats sont d’abord convertis en grandeurs massiques ou
molaire.
Les différentes données brutes sont traitées avec le logiciel LIREC, logiciel de lissage et de
réconciliation des données développé au laboratoire. Dans un premier temps, les courbes sont
lissées. Les points expérimentaux sont estimés par ajustement des polynômes sur le critère des
moindres carrés ce qui permet d’obtenir une continuité de la valeur lissée de sa dérivée
première et seconde.
À partir de ces données lissées, il est possible de calculer les vitesses spécifiques et les
rendements :
rCi est la vitesse de réaction pour la variable Ci (en Cmole.h-1 ou g.h-1).
µ
rX
X est le taux de croissance en h-1.
qCi 
rCi
X
est la vitesse spécifique de réaction de la variable Ci, en unité de Ci/g de
biomasse/h.
113
RCi S 
Ci
S est le rendement global de conversion du substrat en l’élément Ci (Cmole de
Ci/Cmole de substrat).
Qr 
rCO2
rO2
est le coefficient respiratoire.
3.4.5.3
Bilans
Le bilan carbone est défini par l’équation suivante :

net
net
net
rSubstrast
 rBiomasse
 rCO
  rPrnetoduits  0
2
Le bilan élémentaire généralisé est lui défini par l’équation suivante, pour les composés m :
m
 (r
j 1
net
j
. j )  0
net
où r j représente le flux net de conversion d’un composé j (Cmole/h) et
 j est le degré de
réduction de ce composé j.
3.4.5.4
Réconciliation des données et calcul des vitesses
spécifiques, des rendements et du coefficient respiratoire
Les vitesses réactionnelles calculées à partir des données lissées permettent de déceler des
défauts dans les bilans élémentaires (C, H, O, N et éventuellement P). Les données
réconciliées résultent de l’intégration des vitesses réactionnelles satisfaisant à la contrainte de
conservation des éléments.
114
115
4. RESULTATS
116
117
4.1.
Etude de l’accumulation de réserves carbonées en limitation
phosphore
D’après la littérature (Granger, 1992; Cescut, 2009), il semble difficile d’atteindre des
performances optimales de synthèse lipidique chez Y. lipolytica en comparaison à d’autres
levures telles que Rhodotorula glutinis. Il semble donc nécessaire de déterminer les points
clés permettant d’optimiser la synthèse lipidique. Cette optimisation peut être considérée sous
plusieurs angles :
L’optimisation du taux d’accumulation :
Une activité anabolique résiduelle doit être maintenue vraisemblablement pour conserver les
fonctionnalités de biosynthèse des protéines constitutives des corps lipidiques. Il en est de
même pour l’activité catalytique nécessaire à la synthèse de macromolécules structurelles. De
plus, afin d’éviter l’excrétion de coproduits (acide citrique principalement) dans le milieu
extérieur, l’apport carboné doit être ajusté pour satisfaire les besoins de la cellule pour ses
activités anaboliques résiduelles et pour la synthèse de lipides d’accumulation uniquement. Le
taux maximal d’accumulation dépend ainsi du rapport entre le potentiel de synthèse lipidique
Taux
lim ite
et l’activité anabolique

max
qPLipide
max
qPLipide
 µrésiduel
. De ce fait, le flux de carbone doit être
toujours ajusté à la vitesse spécifique maximale de synthèse lipidique
max
qPLipide
. Le taux de
croissance résiduel est, quant à lui, dépendant du flux en élément limitant l’activité
anabolique, azote ou phosphore. Tout flux de carbone excédentaire qui conduirait vers la
production d’acide critique doit ainsi être réduit au maximum voire annulé.
L’optimisation des rendements:
L’analyse cinétique de l’accumulation de lipides réalisée par Julien Cescut dans ses travaux
de thèse (Cescut, 2009) fait apparaitre un coefficient de maintenance (soit un flux de carbone
non finalisé en biomasse ou lipides) de 0,03 CmoleGlc.CmoleX.h-1 qui conduit, si les vitesses
spécifiques de croissance et/ou de production sont réduites par une limitation en carbone trop
importante, à une réduction drastique des rendements de conversion. La fraction de substrat
118
Substrat maintenanc e
1

Substrat consommé


 X

 Lip
 Y

Y
S, X
S , Lip 

t

1
m X .dt
ainsi dissipée
sera d’autant accrue que le
temps de culture sera prolongée du fait des faibles activités métaboliques.
L’optimisation par le choix de l’élément limitant :
Sur un plan métabolique, dans le cadre d’une production obtenue par limitation de la source
d’azote, Y. lipolytica ne peut mettre en place une régulation du flux catabolique ajusté à la
demande carbonée requise par la synthèse lipidique sans « over flow » vers la production
d’acide citrique. Cet ajustement ne peut être obtenu que par une conduite de procédé,
optimisée pour les apports nutritionnels.
Dans le métabolisme cellulaire, le rôle du phosphore est très différent de celui de l’azote. Non
seulement il est un élément structurel de plusieurs classes de macromolécules (acides
nucléiques, phosphomannanes, phospholipides,…) mais il est au centre de l’énergétique
cellulaire (réserve, transfert et
transport) et des processus de régulation de l’activité
catalytique (phosphorylation et déphosphorylation des protéines de signalisation cellulaire).
Ainsi, une limitation en phosphore pourrait vraisemblablement induire une réponse du
métabolisme de Y. lipolytica qualitativement et quantitativement différente et en particulier
sur ses potentialités macrocinétiques d’accumulation intracellulaire de lipides (vitesses de
consommation du substrat et de production de lipides et co-produits, rendements de
conversion...).
119
4.1.1. Modélisation métabolique de la croissance et de la
production de triacylglycérols
4.1.1.1
Composition macromoléculaire de la biomasse
La biomasse est réduite à ses composantes majeures, à savoir protéines, acides nucléiques,
polysaccharides, lipides répartis en phospholipides, stérols et triglycérides et cendres. La
répartition massique (Tableau 19) est ajustée afin de satisfaire au mieux à la composition
élémentaire établie en phase exponentielle de croissance et les fractions massiques quantifiées
expérimentalement et déduites de la littérature (Cescut, 2009).
Cette composition correspond à une masse molaire de la biomasse organique de formule brute
C H1,62 O0,42 N0,185 de 22,916 g.Cmole-1 soit une masse molaire de la biomasse totale incluant
les cendres de 24,562 g.Cmole -1 et un degré de réduction généralisé de 4,305 (Tableau 20). La
demande en phosphore structurel est ainsi estimée à 18 mg de phosphore par gramme de
biomasse. Cette composition macro-moléculaire peut évidemment évoluer en fonction de la
dynamique de croissance, particulièrement en ce qui concerne le taux de RNA qui peut
diminuer drastiquement pour les faibles taux de croissance. De même, dans le cadre de notre
étude, les limitations en phosphore peuvent amener à un accroissement de la fraction
protéique et éventuellement induire une synthèse de polyamine lors de modifications
morphologiques, conduisant à des variations de la composition moléculaire et par conséquent
élémentaire de la biomasse (Guevara-Olvera, 1993).
Composition massique BIOMASSE Estimée
PROTEINE
RNA
DNA
PHOSPHO LIPIDES
POLYSACCHARIDES
TRIGLYCERIDES
STEROLS
Précurseurs libres
Cendres
43,4%
8,4%
2,5%
10,8%
21,1%
4,5%
1,9%
0,7%
6,7%
Tableau 19 : Composition macromoléculaire massique de la biomasse en phase de croissance.
120
Toutefois, pour l’analyse suivante, principalement axée sur la quantification énergétique de la
croissance, l’omission de certaines des voies de biosynthèse de composants minoritaires de la
biomasse et des éventuelles modifications de la distribution massiques des macro-molécules
retenues ne devraient pas influer notablement sur les interprétations à venir.
Mesures
Estimée
C
1
1
H
1,74
1,6234
O
0,451
0,4194
N
0,18
0,1835
S
0,000
0,0088
P
0,000
0,0143
Tableau 20 : Composition élémentaire de la biomasse mesurée et estimée par le descripteur métabolique.
4.1.1.2
Modélisation du métabolisme de croissance
La première quantification porte sur le potentiel énergétique du catabolisme du glucose en
mode oxydatif en croissance pure. La résolution du réseau sous la seule contrainte d’une
oxydation totale d’une mole de glucose conduit à une production de 20,667 mole d’ATP dont
2 moles consommées par le catabolisme, soit une production nette de 18,667 mole d’ATP. En
d’autres termes, la production d’une mole d’ATP nécessite l’oxydation de 53,571 mmole de
glucose soit 8,929 mCmole avec un ratio ATP synthétisé par atome d’oxygène consommé
(P/O) de 1,222.
Sur la seule évaluation de la demande carbonée nécessaire à la synthèse de macro-molécules,
le bilan global calculé est comparé à la demande nette de l’anabolisme (Tableau 21).
Composés consommés
Glucose
ATP
NADPH2
Oxygène
NH3
Phosphore
Soufre
Composés produits
Biomasse
NADH,H+
CO2
µ moles
7 879
37 708
10 705
264
7 418
577
355
19 222
6 845
Demande anabolique µ moles
41 321
12 646
264
7 418
577
355
Production anabolique µ moles
1 gramme
3 457
6 845
Tableau 21 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose pour la
production des macromolécules nécessaires à la formation de biomasse
121
On remarque qu’il y a une production nette de 3 613 µmole d’ATP pour une production totale
18 210 µmole par réaction de phosphorylation liée au substrat et qui représente 8,74% de la
demande anabolique (Tableau 21). De même pour le coenzyme NADPH2, le flux nécessaire à
synthèse des pentoses génère 1 941 µmoles de NADPH2, soit 15,35% de la demande
anabolique et représentant 17,07% du flux glycolytique total indispensable à la production des
intermédiaires carbonés en aval du glucose-phosphate. Ce bilan conduit à un rendement
massique en biomasse de 0,705 gX.gGlc-1 soit 0,861 Cmole.Cmole-1.
La même analyse peut être effectuée pour estimer la consommation de glucose minimale
satisfaisant à la demande en coenzyme et énergie estimées par le seul descripteur (Tableau
22). Le bilan de cette estimation est un rendement massique en biomasse 0,575 g X.gGlc-1 soit
ATP
0,703 CmoleX.CmoleGlc-1 et un rendement ATP théorique ( Y X ) de 24,2 gX.moleATP-1. Avec
ces hypothèses, la production d’ATP par phosphorylation oxydative et la demande anabolique
représentent respectivement 59,2% et 71,6% de la production totale et le flux molaire
empruntant la voie des pentoses phosphates représenterait 75% du flux glycolytique soit 7,3
fois la demande anabolique en pentoses phosphates.
Composés consommés
Glucose
Oxygène
NH3
Phosphore
Soufre
Composés produits
Biomasse
CO2
µ moles
9 656
13 585
7 418
577
355
17 505
Demande anabolique µ moles
264
7 418
577
355
Production anabolique µ moles
1 gramme
6 845
Tableau 22 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose satisfaisant
la demande énergétique et en coenzymes réduits à la formation de biomasse
Cependant, les résultats expérimentaux obtenus pour une phase de croissance de Y. lipolytica
sur glucose et milieu minéral conduisent à des rendement massiques en biomasse nettement
inférieurs estimés en moyenne à 0,475 g X.gGlc-1 soit 0,58 CmoleX.CmoleGlc-1 (Cescut, 2009)
démontrant que les résultats de modélisation précédents ne sont pas représentatifs de la
réalité. Ces valeurs de rendement sont donc utilisées en tant que contraintes pour la résolution
du descripteur afin que la stœchiométrie globale de la réaction de croissance soit en
122
adéquation avec l’observation expérimentale. Les résultats globaux correspondant à la
production d’un gramme de biomasse sont reportés dans le Tableau 23.
Composés
Glucose consommé
Oxygène consommé
NH3 consommé
Phosphore consommé
Soufre consommé
Biomasse
CO2 produit
Chaleur dégagée
µ moles
11 699
25 845
7 418
577
355
29 765
11,9 KJ
Tableau 23 : Résultats globaux de la simulation de l’oxydation totale de glucose pour la production de
biomasse avec comme contrainte un rendement Y S,X expérimental de 0,58 CmoleX.CmoleGlc-1
ATP
Dans ces conditions, le rendement ATP théorique ( Y X
) égal à 12,6 gX.moleATP-1 et il est
intéressant d’évaluer la répartition de l’énergie en termes de production et de finalisation
(Tableau 24). La production d’ATP par phosphorylation liée au substrat représente plus du
tiers de la production totale dont 20% sont consommés par le catabolisme. En raisonnant
uniquement que sur le flux net restant (production diminuée du catabolisme), la demande
anabolique estimée ne représente guère plus de la moitié de l’énergie disponible. Il est évident
qu’une partie de l’énergie ici dénommée non finalisée est en partie équivalente à l’énergie
nécessaire pour les processus de transport (imports des éléments salin), le maintien des
gradients, le transfert interne des molécules, le travail et le renouvellement interne des macromolécules, principalement les mécanismes de « turn over » des protéines et RNA. On peut
évaluer l’impact de ces mécanismes en supposant une utilisation d’énergie uniquement pour
la polymérisation de ces macromolécules. Un « turn over » de 10% du pool protéique
nécessiterait 1765 µmole d’ATP soit 4,63% de cette énergie non finalisée et un « turn over »
de 100% des ARN correspondrait à 127 µmole d’ATP soit 0,34% de cette énergie. Cette
description énergétique de la croissance nécessiterait plus d’information pour évaluer la
quantité d’énergie minimale requise pour les différentes conditions de croissance pouvant être
ATP
rencontrées dans cette étude. Toutefois, la valeur du rendement ATP théorique ( Y X
) trouvée
est en adéquation avec les valeurs fréquemment rencontrées dans la littérature (Flores et al.;
2000).
123
Pour cette estimation, le flux molaire traversant la voie des pentoses phosphates ne serait égal
qu’à 62,5% du flux glycolytique, soit 7,3 fois la demande anabolique en pentoses phosphate,
la seule réaction générant le NADPH2.
BILAN ATP
Total Production
Oxydatif
PLS
Total Consommation
Catabolisme
Anabolisme
Non finalisé
Flux total (µmoles)
99 916
64 139
35 777
99 916
20 453
41 321
38 142
Fraction du flux total
Flux net (µmoles)
64,2%
35,8%
79 464
20,5%
41,4%
38,2%
Fraction du flux net
52,0%
48,0%
Tableau 24 : Bilan de la production et de la consommation énergétique de l’oxydation totale de glucose
pour la synthèse de biomasse catalytique. (PLS : phosphorylation liée au substrat)
Afin d’évaluer l’incidence de cette fraction d’énergie non finalisée sur les rendements
théoriques limites en biomasse, la Figure 24 reporte leur variation avec le rendement
massique en biomasse. Les flèches situent le rendement retenu comme le plus probable. Pour
ce point, une amélioration de 10% du rendement théorique limite en biomasse correspond à
un accroissement de 0,6 gX.moleATP-1 du rendement théorique en ATP et une réduction
relative de 29% de l’énergie non finalisée. Ceci permet de considérer qu’il puisse exister une
variabilité importante de cette fraction énergétique en fonction des comportements
physiologiques induits par différentes conditions de culture.
124
25.5
70%
Yatp
60%
% dissipé
50%
15.5
40%
30%
10.5
20%
5.5
ATP dissipé (%)
YATP % (Cmole.Cmole-1)
20.5
10%
0.5
0%
0.4
0.45
0.5
0.55
0.6
Rendement massique en biomasse (g.g-1)
Figure 24 : Evolution du rendement théorique limite en biomasse et du pourcentage en ATP dissipé en
fonction du rendement massique en biomasse
4.1.1.3
Modélisation
du
métabolisme
de
production
de
triacylglycérols
La composition moyenne en acides gras constitutifs des triglycérides accumulés est celle
déterminée par Julien Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009), soit la réaction de
synthèse suivante :
1*Glycérol-P + 0.9*PalmitylCoA + 0.51*PalmitoleylCoA +
 3*CoenzymeA +
0.36*StearylCoA + 0.15*OléylCoA + 0.96*LinoléylCoA +
1*TriAcylGlycerol
0.12*LinolénylCoA
La voie de biosynthèse du précurseur acétylCoA retenue est celle catalysée par l’ATP citratelyase qui libère un acide oxaloacétique. Il est également considéré la voie catalysée par
l’enzyme malique qui génère le pouvoir réducteur sous forme de NADPH2 par conversion de
l’acide malique en acide pyruvique.
125
La simulation du métabolisme du glucose conduisant uniquement à cette biosynthèse de
triacylglycérol sous contrainte d’obtention d’un rendement de conversion maximal conduit à
la conversion molaire suivante :
14,929 glucose + 13,774 O2 1 TAG + 35,394 CO2 + 6 336 KJ
Le rendement de phosphorylation oxydative P/O est à sa valeur maximale de 1,333, aucun
flux de carbone ne correspond à une décarboxylation oxydative via le cycle TCA.
Le rendement carbone de conversion du glucose en triacylglycérols est de 0,315 gTAG.gGlc-1
soit 0,605 CmoleTAG.CmoleGlc-1. Le coefficient respiratoire associé à cette production est de
2,57 ce qui est normal compte tenu du degré de réduction des triacylglycérols (5,596 pour une
formule brute correspondant à C H1,8176 O0,1101).
Un intérêt particulier est à porter sur la demande énergétique requise pour cette synthèse alors
que l’on se place dans des conditions de rendement maximal en carbone.
Le Tableau 25 reporte l’origine et le devenir de cette énergie calculée pour la production
d’une mole de triacylglycérol. Pour ce qui est du bilan en ATP, près de 53% sont dus à la
phosphorylation oxydative et 48,8% sont utilisés pour le catabolisme du glucose. Il en résulte
que 81% du flux net d’ATP sont consommés pour la synthèse lipidique. Cette constatation est
liée au fait que l’on suppose l’absence d’activité transhydrogénase susceptible de convertir le
pouvoir réducteur NADH,H+ en NADPH2 requis pour la synthèse des acides gras. Les
molécules de NADPH2 sont ainsi produites à 43,4 % par la voie des pentoses phosphate et à
56,6 % par l’activité de l’enzyme malique. Ainsi, le pouvoir réducteur généré par la glycolyse
conduit à une réoxydation oxydative et des équivalents ATP sans finalité énergétique pour la
synthèse de triacylglycérols. Ceci implique généralement, chez les levures hémiascomycètes,
un manque d’activité de transhydrogénase (Lehmbeck, 2005).
ATP
Total Production
Oxydatif
PLS
Total Consommation
Flux total (µmole)
54 487 624
28 888 629
25 598 994
54 487 624
Catabolisme
Synthèse AG
Dissipation
9 307 582
22 590 000
5 304 576
Pourcentage du flux total
(µmole)
Flux net ATP
(µmole)
53,0%
47,0%
27 894 617
48,8%
41,5%
9,7%
Fraction du flux
net
81,0%
19,0%
Tableau 25 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à
partir de glucose dans des conditions de rendement carbone maximal (hypothèse 1)
126
Une autre simulation a été réalisée, annulant la voie de l’enzyme malique et considérant un
transfert du malate cytosolique vers le cycle des acides tricarboxyliques (Tableau 26). Elle
conduit à une dissipation d’énergie autrement plus élevée. Le rendement en ATP P/O est
réduit à 1,268 du fait même d’un flux plus important dans le cycle des acides tricarboxyliques
(TCA) (Flux TCA/Flux glucose = 0,489 mole/mole) et le coefficient respiratoire est réduit à
1,362. Le rendement carbone de conversion en TAG n’est seulement que de 0,4
CmoleTAG.CmoleGlc-1 soit 0,208 gTAG.gGlc-1.
ATP
Total Production
Oxydatif
PLS
Total Consommation
Flux total (µmole)
228 453 335
144 093 334
84 360 001
228 453 335
Catabolisme
Synthèse AG
Dissipation
37 650 001
22 590 000
168 213 326
Pourcentage du flux total
(µmole)
Flux net ATP
(µmole)
190 803 334
63,1%
36,9%
16,5%
9,9%
73,6%
Fraction du flux
net
11,8%
88,2%
Tableau 26 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à
partir de glucose sans utilisation de la voie de l’enzyme malique (hypothèse 2)
Avec cette hypothèse, 11,8 % de l’énergie nette sont impliqués dans la synthèse des
triacylglycérols car le NADPH2 est nécessairement généré via la voie des pentoses phosphate
uniquement et de par la même, une production équivalente de NADH réduit doit être réoxydé
par la chaîne respiratoire.
En ne considérant que la possibilité d’un rendement maximal en TAG, l’hypothèse de
l’activité enzyme malique semble la plus probable. Toutefois, l’hypothèse d’une prise en
charge plus importante de la voie des pentoses phosphate dans la génération du NADPH2, qui
conduit à une augmentation de la fraction d’ATP non finalisé dans la synthèse de lipides, ne
peut pas être rejetée.
Une troisième hypothèse (Tableau 27) est qu’une fraction du fructose-6-P issue de la voie des
pentoses phosphate est régénérée en glucose-6-P par isomérisation. Ainsi, par recirculation
d’une part du carbone dans la voie des pentoses phosphate, le NADPH2 exigé par la synthèse
lipidique est produit sans l’excédent de NADH,H+ responsable des faibles rendements
127
énergétiques de l’hypothèse précédente. Cependant, le flux de trioses-P ainsi produits ne
permet de réduire que faiblement l’excédent énergétique à 75,2% du flux net d’ATP, ce qui
correspond à un rendement carbone égal à 0,523 CmoleTAG.CmoleGlc-1 soit 0,272 gTAG.gGlc-1
(Qr = 1,777), ce qui est nettement supérieur au rendement trouvé expérimentalement sur
glucose et en limitation azote (0,372 CmoleTAG.CmoleGlc-1) dans la littérature (Cescut, 2009).
ATP
Total Production
Oxydatif
PLS
Total
Consommation
Catabolisme
Synthèse AG
Dissipation
Flux total (µmole)
118 522 609
66 077 980
52 444 629
118 522 609
27 011 544
22 590 000
68 921 058
Pourcentage du flux total Flux
net
(µmole)
(µmole)
91 511 066
55,8%
44,2%
22,8%
19,1%
58,2%
ATP
Fraction du flux net
/ ATP net
24,7%
75,3%
Tableau 27 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à
partir de glucose en considérant l’isomérisation du fructose-6-phosphate en glucose-6-phosphate
(hypothèse 3)
Bien que la surexpression de l’enzyme malique chez les champignons oléagineux comme
Mucor circinelloides permette une augmentation de l’accumulation lipidique de 2,5 fois
(Zhang, 2007), il ne semble pas que le cas soit identique chez Y. lipolytica (Beopoulos et al.,
2009) où la concentration en NADPH ne semble pas limitante pour la biosynthèse de lipides.
Ce pouvoir réducteur doit donc être produit via une autre voie, soit la voie des pentoses
phosphate. Il semble donc exister, outre la simple redistribution des flux carbonés, des
processus de régulation conduisant à une sur-implication de la voie des pentoses phosphate
afin de fournir le pouvoir réducteur nécessaire à la biosynthèse des triacylglycérols.
Pour les deux schémas métaboliques pris séparément (croissance et production de TAG), il
ressort un excédent énergétique non finalisé qui pourrait se trouver être minimisé par le
couplage de la production de lipides à la croissance. Dans le paragraphe suivant, différentes
hypothèses concernant la synthèse des TAG seront testées avec comme contrainte la
minimisation de l’énergie dissipée dans le cadre d’une production associée à la croissance.
128
4.1.1.4
Modélisation
du
métabolisme
de
production
de
triacylglycérols couplée à la croissance
4.1.1.4.1.
Analyse stœchiométrique de la production de
triacylglycérols
Les différentes hypothèses réactionnelles sont conservées pour l’évaluation de la demande
carbonée globale avec comme contrainte maintenue la minimisation du substrat converti.
Trois hypothèses métaboliques sont ainsi simulées :
A – La croissance exige la totalité de l’énergie non finalisée calculée dans la
précédente estimation (soit 38142 µmole ATP.gX-1) ainsi que pour la production de TAG (5,305
moleATP.moleTAG-1) et en conservant l’activité enzyme malique.
B – L’hypothèse ci-dessus est associée avec la croissance sans contrainte énergétique
sur la production de TAG et sans l’activité de l’enzyme malique .
C – Les mêmes hypothèses énergétiques que l’hypothèse B avec la mise en place de la
réaction d’isomérisation du fructose-6-P en glucose-6-P.
Ces trois hypothèses sont testées pour différents niveaux de synthèse atteignant 4000 µmoles
de triacylglycérols accumulés par gramme de biomasse ce qui correspond à un titre massique
(défini comme la masse de lipide ramené à la biomasse totale) voisin de 77% massique
correspondant à des accumulations lipidiques pouvant être atteintes chez R. glutinis.
Plusieurs variables peuvent rendre compte des rendements énergétiques et de la distribution
des flux carbonés et ne seront reportées que celles pouvant rendre compte d’un comportement
lié à la spécificité de l’accumulation lipidique en relation avec les constatations
précédemment développées.
L’analyse est faite à partir des grandeurs adimensionnelles suivantes :
Ana
La demande anabolique en ATP ramenée au flux net de production d’ATP Y ATP
La consommation d’ATP liée à la synthèse des acides gras ramenée au flux net de production
Pr od
d’ATP Y ATP
Dissip
La fraction du flux net de production d’ATP dissipé Y ATP
Malate
La fraction du flux net de production de NADPH2 issue de l’activité enzyme malique FNADPH 2
129
Le rapport entre le flux molaire empruntant la voie des pentoses phosphate et le flux
glycolytique total
Pent
FGlyc
Le rendement carbone pratique de conversion du glucose en triacylglycérol
RS ,TAG
Le rendement carbone théorique limite de conversion du glucose en triacylglycérol
60%
60%
Y
A
Y B
Ana
ATP
Y C
Ana
ATP
Pr od
ATP
Y
A
Pr od
ATP
Y
B
Pr od
ATP
Y
C
50%
50%
40%
40%
30%
30%
20%
20%
10%
10%
0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Accumulation massique TAG
70%
80%
Energetique de synthèse de TAG
Ana
ATP
Energetique anabolique
YStheo
,TAG
0%
90%
Figure 25 : Evolution de la demande anabolique en ATP et de la consommation d’ATP liée à la synthèse
des acides gras ramenés au flux net de production d’ATP pour les hypothèses A, B et C en fonction du
taux d’accumulation en lipides.
90%
Série2
Dissip
YATP
A
80%
Dissip
YATP
B
Dissip
YATP
C
Energetique dissipée
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Accumulation massique TAG
70%
80%
90%
Figure 26 : Evolution de la fraction d’ATP dissipé en fonction du taux d’accumulation massique de lipides
pour les trois hypothèses testées.
130
Tout d’abord, il faut préciser que l’hypothèse C ne permet pas la résolution du réseau qui
impose l’isomérisation du fructose en glucose pour des fractions massique d’accumulation
inférieures à 26,7 % correspondant à 430 µmoleTAG.gX-1. En dessous de ce taux, on suppose
que le catabolisme du glucose suit la voie normale de la glycolyse.
En ce qui concerne le devenir de l’énergie nette disponible, on remarque des comportements
divers. Pour l’hypothèse C, une énergie dissipée directement associée à la production de
Dissip
triacylglycérol explique facilement la fraction croissante d’énergie dissipée ( Y ATP ) (Figure
26) proportionnellement à l’accumulation lipidique et une répartition inverse associée à la
Ana
Pr od
croissance ( Y ATP ) et la production ( Y ATP ) (Figure 25). La seule hypothèse de la conservation
d’une part de l’énergie associée à la croissance conduit à une dissipation d’énergie seulement
à partir d’une accumulation massique de TAG respectivement de 26,7 % et 41,6% pour les
hypothèses B et C, le titre de 41,6 % correspondant à 842 µmole TAG.gX-1 (Figure 25). En
dessous de ces deux taux critiques, la fraction d’énergie requise pour la synthèse des acides
Pr od
gras Y ATP est très proche de celle obtenue en supposant l’activité enzyme malique. Au
contraire, pour des titres supérieurs, elle ne s’accroit que très faiblement et passe
respectivement de 11 à 12% pour l’hypothèse B et de 19 à 24 % pour les conditions A et C
(Figure 25). Pour le taux d’accumulation final, l’énergie dissipée représenterait de 55% à 78
% (Figure 26)
selon ces deux contraintes métaboliques, la prise en compte d’un seul
métabolisme de synthèse de TAG hors croissance ayant conduit à des valeurs limites,
respectivement, de 75% et 88,2%. L’annulation d’un flux dissipatif d’énergie suppose qu’il
y a redistribution de l’énergie excédentaire de la synthèse des lipides vers l’énergie requise
par l’anabolisme et la croissance.
La participation de l’activité de l’enzyme malique à la production du pouvoir réducteur sous
forme de NADPH2 ne peut être analysée que pour l’hypothèse A. Dans ce cas, même pour les
taux d’accumulation les plus élevés, elle ne contribue que pour 53% à la production totale de
Pent
NADPH2 (Figure 27). Le rapport FGlyc reste constant à une valeur voisine de 64% pour
l’hypothèse A et s’accroit proportionnellement à l’accumulation jusqu’ à 100% en considérant
la seule glycolyse. La possibilité d’avoir une recirculation du carbone dans la voie des
Pent
pentoses phosphate selon la condition C conduit à des valeurs FGlyc supérieures à 100 % avec
la même proportionnalité d’accroissement que précédemment jusqu’au taux critique de 41.6%
131
(gTAG.gX-1). Au-delà de ce taux, il subit un net infléchissement, ce qui conduit à un ratio final
de 1,28 entre le flux de carbone dans la voie des pentoses phosphate et le flux net de glucose6-P. Ainsi, pour la condition B, le déclenchement d’une dissipation d’énergie trouve son
origine dans la saturation de la voie des pentoses phosphate. De ce fait, la demande en
précurseurs carbonés pour la synthèse lipidique ne pourra être satisfaite que par la voie directe
de la glycolyse avec une surproduction de NADH,H+ devant être réoxydés via la chaîne
respiratoire.
70%
160%
Malate
FNADPH
2 A
Malate
FNADPH
2 B
Malate
FNADPH
2 C
60%
Pent
FGlyc
A
Pent
FGlyc
B
Pent
FGlyc
C
150%
50%
130%
120%
40%
110%
30%
100%
Flux Pentoses Phospate
Activité enzyme malique
140%
90%
20%
80%
10%
70%
0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Accumulation massique TAG
70%
80%
60%
90%
Figure 27 : Evolution de la fraction du flux net de production de NADPH 2 issue de l’activité enzyme
malique et du rapport entre le flux molaire empruntant la voie des pentoses phosphate et le flux
glycolytique total en fonction de l’accumulation massique en lipides pour les trois hypothèses testées.
L’analyse des rendements (Figure 28) montre que pour l’hypothèse A, le rendement théorique
theo
limite YS ,TAG est constant et égal à 0,605 Cmole.Cmole -1, valeur imposée par les hypothèses de
la simulation. Pour les deux autres hypothèses, les valeurs initiales sont légèrement
supérieures et égales à 0,665 Cmole.Cmole-1 puisqu’il n’existe pas de dissipation d’énergie
liée à la production. Au-delà d’un certain taux critique d’accumulation (27% pour l’hypothèse
B et 43% pour l’hypothèse C), ce rendement théorique limite chute drastiquement en relation
avec la dissipation énergétique décrite par la Figure 26. Les rendements pratiques augmentent
inévitablement avec l’accumulation de manière quasiment identique pour les hypothèses A, B
et C et ne divergent que lorsque le taux d’accumulation atteint 30%. Selon l’hypothèse C, ce
132
rendement pratique reste très voisin de celui obtenu en considérant une activité de l’enzyme
malique et ne devient inférieur à ce dernier que pour un taux d’accumulation massique de
TAG supérieur à 55%.
0.7
RS ,TAG  A
0.6
RS ,TAG  B
RS ,TAG  C
YStheo
,TAG  A
YStheo
,TAG  B
YStheo
,TAG  C
0.8
0.5
0.7
0.4
0.6
0.3
0.5
0.2
Rendement théorique limite
Rendement pratique
0.9
Série5
0.4
0.1
0
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Accumulation massique TAG
70%
80%
0.3
90%
Figure 28 : Evolution du rendement apparent de conversion du substrat en triacylglycérols et du
rendement théorique limite de conversion du substrat en triacylglycérols en fonction du taux
d’accumulation massique en triacylglycérols pour les trois hypothèses simulées.
Si le schéma métabolique retenu pour l’hypothèse B semble expliquer clairement cette chute
de rendement, l’origine du point critique d’accumulation massique de 41,6 % pour
l’hypothèse C est moins manifeste. La Figure 29 reporte le ratio entre le flux molaire
traversant le cycle TCA pour la réaction succinyl-CoA  succinate rapporté à ce même flux
pour le seul métabolisme de croissance.
Ce rapport est de 1 selon l’hypothèse A, alors qu’il décroit avec l’avancement de
l’accumulation pour les deux autres conditions. Au-delà du premier point critique, le flux des
acides tricarboxyliques augmente et atteint 7 fois le flux basal pour une accumulation
maximale. Ainsi, la chute drastique de rendement est non seulement liée à une surproduction
de pouvoir réducteur sous la forme de NADH,H+ mais également à l’accroissement du flux
glycolytique afin de satisfaire la génération du NADPH 2 requis, ce qui entraîne un surplus de
production d’acétylCoA oxydé via le cycle des acides tricarboxyliques. Si l’on suppose qu’il
puisse exister un flux spécifique maximal au niveau du cycle des acides tricarboxyliques qui
correspond à un métabolisme balancé de croissance, la possibilité d’une accumulation
maximale selon un schéma métabolique de type B supposerait une réduction d’un facteur très
133
important (de 7) du flux potentiel requis pour la croissance pour satisfaire à l’oxydation du
carbone excédentaire.
Selon les hypothèses C, ce flux oxydatif atteint via le cycle des TCA s’annule (hormis le flux
indispensable à la production des intermédiaires précurseurs des voies anaboliques) pour le
second taux d’accumulation critique. Dans ce cas, il n’existe pas de surproduction
d’acétylCoA devant être oxydé via le cycle, mais c’est une modification du ratio entre le flux
glycolytique et la voie des pentoses qui génère un flux excédentaire de NADH réduit devant
être réoxydé par la voie oxydative à l’origine de la dissipation d’énergie constatée.
Avec l’hypothèse d’une activité enzyme malique (A), le flux anaplérotique (Figure 29)
correspondant à la régénération de l’acide oxaloacétique normé par le flux requis par
l’anabolisme croit de manière quasiment exponentielle avec le taux d’accumulation massique
en triacylglycérols et est voisin de 45 pour le taux final. Dans ce cas également, la demande
anabolique devrait subir une très forte réduction afin de permettre un tel accroissement du
flux anaplérotique, et ce malgré l’existence d’un potentiel de carboxylation du phospho-énolpyruvate supérieur à celui associé à la croissance.
r succi / r succi X -A
r succi / r succi X - B
r succi / r succi X - C
800%
5000%
r anap/ ranapX - A
4500%
700%
4000%
600%
500%
3000%
400%
2500%
2000%
300%
r anap / r anap X
r Succ/ r Succ X
3500%
1500%
200%
1000%
100%
500%
0%
0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
Pourcentage massique TAG
Figure 29 : Evolution du ratio entre le flux molaire traversant le cycle TCA pour la réaction transformant
le succinyl-CoA en succinate rapporté à ce même flux pour le seul métabolisme de croissance en fonction
du taux de triacylglycérols accumulés pour les trois hypothèses et du ratio du flux anaplérotique
provenant du cycle des TCA normé par le flux requis par l’anabolisme pour l’hypothèse A.
134
Selon les trois hypothèses testées, le comportement énergétique ainsi que la ressource en
pouvoir réducteur exigé par la synthèse lipidique peuvent être nettement distincts. La
comparaison de ces simulations aux résultats expérimentaux reportés par J. Cescut (Cescut,
2009) pour l’accumulation lipidique chez Y. lipolytica en condition de croissance limitée par
l’apport en azote montre que les rendements carbone de production de triacylglycérols
atteignent 0,37 Cmole.Cmole -1 pour des taux en lipides voisins de 0,4 glip.gX-1. Cette
accumulation est obtenue par un contrôle de la croissance durant la phase de production à des
taux de croissance voisin de 0,03 h-1 alors que le taux de croissance maximal de la souche est
de 0,26 h-1. Ce taux d’accumulation coïncide avec le second taux critique révélé par la
simulation et le rendement carbone est légèrement supérieur à celui simulé selon les
hypothèses A et C. Ceci permet de penser que l’hypothèse B ne correspond pas à un schéma
métabolique réaliste à ces taux d’accumulation.
La valeur légèrement supérieure de rendement expérimental pourrait s’expliquer
vraisemblablement par la modification de la composition macromoléculaire de la biomasse et
une modification des flux précurseurs de l’anabolisme suite à la limitation en azote entraînant
une réduction du taux protéique.
Ces résultats ne sont observables que dans une gamme de taux d’accumulation voisin de 40%.
Ce taux correspond au taux d’accumulation maximal qui a pu être atteint lors de l’étude
réalisée par J. Cescut sur glucose comme substrat carboné (Cescut, 2009). Des valeurs
supérieures ont été atteinte (0,44 glip.gX-1) lorsqu’une fraction du carbone consommé a été
apporté par le glycérol, composé plus réduit que le glucose, et donc pouvant libérer un
pouvoir réducteur supérieur par mole de carbone catabolisé.
L’analyse des flux de réoxydation oxydative des coenzymes réduits rapporté à celui requis
pour la seule croissance (chaîne respiratoire) (Figure 30) montre que pour l’hypothèse B il
faut supposer un flux nettement accru (facteur supérieur de 9 fois à l’accumulation
maximale). Ce flux est supérieur pour l’hypothèse A à celui de l’hypothèse C jusqu’à un taux
d’accumulation voisin de 55%, au-delà, cette tendance s’inverse.
135
1000%
900%
800%
ro2/ro2X-A
ro2/ro2X-A
B
700%
ro2/ro2X-A
C
600%
500%
400%
300%
200%
100%
0%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
taux d'accumulation massique
Figure 30 : Evolution des flux de réoxydation des coenzymes réduits rapporté à celui requis pour la
croissance seule en fonction du taux d’accumulation en triacylglycérols pour les trois hypothèses.
4.1.1.4.2.
Analyse cinétique de la production de triacylglycérols
Lorsque le taux expérimental maximal d’accumulation est atteint ou bien lorsque le flux
glycolytique peut être augmenté en présence d’un excès de glucose dans le milieu de culture,
de l’acide citrique est produit, ce qui, selon les conclusions précédentes, correspondrait à
l’élimination d’un excédent énergétique potentiel par l’oxydation de l’acide citrique via le
cycle des TCA. Ainsi, la simulation d’une production d’acide citrique avec comme contrainte
la maximisation des rendements de conversion du glucose en triacylglycérols ou la
minimisation de la dissipation d’énergie conduit aux résultats suivants pour un taux
d’accumulation de 1500 µmole TAG.gX-1 :
Selon l’hypothèse B, 7350 µmoles d’acide citrique sont produits (soit 54 % du carbone TAG)
qui correspond à une réduction de 56% de l’énergie dissipée pour une même consommation
de glucose.
Pour l’hypothèse C, 2253 µmoles d’acide citrique seraient paradoxalement consommées, soit
16,64% du carbone TAG, ce qui correspond à une réduction de 26% de l’énergie dissipée
suite à une réduction de la consommation de glucose.
Pour l’hypothèse A, du citrate est aussi consommé.
136
Ainsi il est difficile d’interpréter, sur de seules considérations stœchiométriques, la production
d’acide citrique comme un critère de distinction des schémas métaboliques mis en jeu.
Toutefois, il semblerait que le taux d’accumulation soit contrôlé par l’équilibre entre l’énergie
disponible et le flux carboné fournissant les précurseurs de la synthèse des acides gras. Un
excédent d’énergie peut se traduire par une co-production (acide citrique) et dans tous les cas,
une réduction du rendement de conversion du glucose en triacylglycérol, situation défavorable
à l’accumulation. Ceci pourrait expliquer la nécessité de contrôler la production par l’apport
optimal de glucose en conditions limitantes afin d’optimiser les titres d’accumulation et les
rendements de conversion.
L’analyse cinétique seule pourrait permettre de discriminer les différents schémas
métaboliques. La vitesse spécifique maximale de synthèse lipidique a été mesurée lors d’une
limitation en source azotée à 0,048 Cmolelip.CmoleX-1 soit 36 µmole µmolelip.gX-1 soit 30,5
mglip.gx-1 pour un taux de croissance de 0,03 h-1 ce qui correspond à un taux d’accumulation
massique maximal de 50,4% glip.gtotalX-1. Avec ces valeurs, la simulation selon l’hypothèse A
permet d’estimer le flux anaplérotique à 991 µmole.gx-1 soit 1,7 fois le flux requis pour une
croissance de la souche à taux de croissance maximal.
L’analyse de la demande oxydative de la chaîne respiratoire permet d’obtenir, pour les
hypothèses A, B et C respectivement, un flux respiratoire égal à 38%, 18% et 17% du flux
correspondant au taux de croissance maximal de la souche. Il ne semblerait donc pas que ce
soit le potentiel respiratoire qui soit limitant pour la synthèse lipidique.
Ainsi, il semble exister des vitesses réactionnelles limitantes (voie anaplérotique,
isomérisation du fructose-6-P,…) qui restreignent le schéma stœchiométrique réactionnel et
amène la co-production d’acide citrique.
4.1.1.5
Conclusion
Sur la seule analyse cinétique, le potentiel d’accumulation des lipides conduit à des
redistributions fort différentes du potentiel énergétique résultant du catabolisme de la source
carbonée lié à la croissance et la production. L’induction de la production par une limitation
en source azotée n’affecte pas que le potentiel énergétique et n’apporte que peu d’éléments
137
pour juger de l’impact de l’énergétique cellulaire sur le potentiel d’accumulation. Le choix du
phosphore comme élément limitant de la croissance microbienne pourrait être envisagé. La
plus grande variabilité des taux de phosphore intracellulaires en fonction des degrés de
limitation pourrait permettre une redistribution « naturelle » de l’énergétique cellulaire et ainsi
une redistribution des flux carbonés anaboliques et de production. Toutefois les études
réalisées chez R. glutinis en conditions de phosphore limitant montrent que si l’on a une
amélioration des vitesses spécifiques de synthèse lipidique, les titres en triacylglycérol sont
plus faibles (Granger, 1993). Aucune étude n’a été réalisée en limitation phosphore chez Y.
lipolytica. De fait, bien qu’il soit reconnu qu’une limitation nutritionnelle déclenche
l’accumulation de lipides, le seul élément ayant été formellement identifié comme effecteur
de l’accumulation lipidique chez Y. lipolytica est l’azote. Une limitation en phosphore induitelle une accumulation en lipides intracellulaires ? Quels en sont les paramètres cinétiques ?
Comment l’overflow de carbone est géré par la cellule ? Le profil en lipides accumulés et
acides gras est-il modifié ? Les études suivantes tendent à répondre à ces questions.
138
4.1.2. Conduite des cultures
L’objectif des expérimentations sera de quantifier la répartition du carbone entre croissance et
production de lipides sous limitation de phosphore, répartition modulée par le contrôle du
ratio des flux d’apports de ces deux éléments. Afin d’obtenir une précision accrue pour les
procédures de conduite, la phase de production est précédée d’une phase de croissance pure
permettant d’accéder au référentiel cinétique et stœchiométrique de la croissance et d’obtenir
une concentration en biomasse catalytique suffisante pour les besoins de l’étude.
Le but des expériences est de produire une quantité suffisante de biomasse (Phase I) puis
d’induire l’accumulation de lipides intracellulaires (Phase II), de permettre l’accumulation en
lipides intracellulaire (Phase III) et enfin de déterminer les conditions de production de citrate
(Phase IV) (Figure 31). Pour cela, il est envisagé de:
- ne limiter la culture en aucun élément (à part le phosphore et éventuellement le
glucose) durant toute la culture
- d’obtenir des phases temporelles suffisamment longues pour chaque phase de culture (I à
IV) permettant de quantifier les comportements métaboliques et d’obtenir des quantités de
matériel biologique conséquentes tout en évitant toute limitation liée au transfert de matière
(transferts gazeux).
- modifier le rapport d’alimentation P/C afin de moduler le devenir du carbone dans les
cellules
- augmenter l’apport en carbone afin d’identifier le potentiel maximal de conversion du
carbone : existe-t-il un phénomène d’ « overflow » ?
-
Phase I : la phase de croissance
Au cours de cette phase, un profil exponentiel du flux d’alimentation en glucose permet le
maintien d’un taux de croissance constant, compris entre 0,10h -1 et 0,25h-1 selon la série
d’expérimentations, et inférieur au taux de croissance maximal de la souche (0,26 h -1). Le
débit d’alimentation en substrat est déduit de la masse de substrat présente dans l’inoculum
Q( t ) 
( M inoc ) et est égal à
M inoc
S a lim
exp µ.t
avec la concentration en substrat dans
l’alimentation S a lim . On peut également opter pour une stratégie d’un apport de substrat
139
optimal (concentration en glucose résiduel bornée à 2,5 g.L-1) permettant de doubler la
concentration de biomasse de 10 à 20g.L -1 à taux de croissance maximal. La concentration de
phosphore présente dans le milieu initial permet une croissance exponentielle non limitée par
celui-ci jusqu’à une concentration en biomasse comprise entre 10 et 20 g.L-1 de biomasse
selon l’expérience sur la base d’une concentration intracellulaire en phosphore déduite
expérimentalement de 27 mgP.gX-1 (résultats non montrés). Cette teneur en phosphore
intracellulaire est supérieure à celle estimée précédemment pour la composition élémentaire
de la biomasse (§ 4.1.1.1), vraisemblablement par omission du phosphore inorganique
(polyphosphates principalement) et sous-estimation des nucléotides libres (ATP,…). Les
polyphosphates peuvent s’accumuler chez S. cerevisiae jusqu’à un taux de 1000 µmole par
gramme de biomasse sèche (32mg P.gX-1) et être totalement épuisés lorsque le milieu est
carencé en phosphore (Vagabov et al. , 2008 ; Zvyagilskaya et al., 2000).
-
Phase II : appauvrissement en phosphore intracellulaire
La teneur en phosphore intracellulaire permettant d’obtenir des vitesses d’accumulation en
lipides satisfaisante a été déterminée à une valeur voisine de 9mgP.gX*-1 lors des expériences
préliminaires (non détaillées ici). Après l’épuisement en phosphore extracellulaire, afin de
réduire la concentration intrinsèque phosphore de 27 à 9 mg P.gX*-1, la biomasse catalytique
déjà formée doit être multipliée par un facteur 3. Afin de pouvoir poursuivre
l’expérimentation sur des durées suffisantes avant que la culture ne soit limitée par le transfert
d’oxygène (soit jusqu’à environ 100 g.L -1), il est nécessaire de cibler la concentration en
biomasse catalytique avant induction de la synthèse lipidique.
Deux séries d’expériences sont réalisées :
-
une série de cultures désignées « en carence de phosphore » où l’induction de la
synthèse lipidique est induite à une concentration en biomasse de 60g.L-1.
-
une série de cultures désignées « en limitation de phosphore » où l’induction de la
synthèse lipidique est induite à une concentration en biomasse de 30g.L-1.
Durant cette phase de dilution en phosphore intracellulaire, il est donc choisi de ne pas
supplémenter les cultures qui seront en limitation phosphore et de supplémenter les cultures
qui seront en carence phosphore à un débit constant et très faible afin d’obtenir une cinétique
de dilution maximale du phosphore intracellulaire.
Lors de la mise en place de la limitation phosphore, l’apport en glucose est :
-
soit non limitant selon des débits constants optimisés (comme décrit au §3.3.2)
140
-
soit fixé à un débit constant pour permettre la formation de 30 g.L -1 de biomasse
catalytique estimée avec un taux de croissance moyen de 0,06 h-1.
-
Phase III : limitation ou carence en phosphore
En ligne, la masse de biomasse catalytique (
catalytique
MX
) est estimée avant et après induction
de la production lipidique à partir, respectivement, des quantités molaires de carbone et
d’azote accumulées dans le réacteur et sur la base d’une composition élémentaire de la
initial
M Phos
biomasse catalytique inchangée. Lorsque le phosphore intracellulaire (
catalytique
MX
) est
estimé à 9 mg.g-1 de biomasse catalytique, la gestion du phosphore est réalisée de la manière
suivante :
en carence phosphore, aucun phosphore additionnel n’est apporté
en limitation de phosphore, la complémentation en phosphore se fait à débit constant d’une
solution d’acide phosphorique à 0,6 mol.L -1 calculé afin d’obtenir sur la durée de la phase de
production ( t
prod
) un taux de croissance moyen ( µ
prod
) de 0,03 h-1. Le flux de phosphore
est obtenu par la relation suivante :
 Phosphore 
initial
M Phos
t prod
µ .t
.(exp
prod
 1)
.
Le débit d’apport en glucose est soit maintenu constant, soit ajusté à la demande sur la base de
l’évolution du coefficient respiratoire calculé en ligne d’après des bilans gazeux. En effet, lors
de la synthèse de lipides (composés dont le degré de réduction est à 5,7) le coefficient
respiratoire attendu est supérieur à 1 et estimé à 1,77 selon la modélisation métabolique cidessus (§ 4.1.1.4.1), valeur caractéristique du métabolisme de synthèse lipidique associé à la
formation de biomasse catalytique (degré de réduction à 4). La production de citrate sera
décelée par une diminution de la valeur du coefficient respiratoire (degré de réduction de
l’acide citrique égal à 3), l’accélération du flux de liquide correcteur de pH (ammoniaque) et
l’accroissement du rapport Azote/Carbone accumulé estimé en ligne.
141
-
Phase IV : « Overflow » de carbone
L’apport en phosphore reste constant et inchangé, l’alimentation en glucose est augmenté de
manière linéaire jusqu’à atteindre un flux supérieur à la demande cumulée de croissance et de
production et, ainsi, d’induire un éventuel « overflow » de carbone dans les cellules pouvant
se traduire par l’excrétion de co-métabolites.
4.1.2.1
Exemple d’apport en carbone
La Figure 31 représente l’apport en glucose et la mesure de sa concentration résiduelle lors
d’une expérience en limitation phosphore selon les 4 phases décrites ci-dessus. La phase I
présente une vitesse de consommation exponentielle permettant un taux de croissance de
0,25h-1. L’excès de glucose initial résulte de la consommation des co-métabolites produits
durant la phase de préparation du levain (acide citrique) comme en atteste l’évolution du
coefficient respiratoire et d’une phase d’adaptation durant laquelle le taux de croissance reste
inférieur au taux de croissance de consigne choisi pour cette phase.
I
5
II
III
IV
180
Glucose résiduel (g/L)
4
140
120
3
100
80
2
60
40
1
Alimentation en glucose (g/h)
160
20
0
0
0
20
Glc résiduel
Alim Glc
40
60
80
100
Temps (h)
Figure 31 : Evolution de la concentration résiduelle en glucose (g/L) et du débit d’alimentation en glucose
(gGlc.h-1) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat
glucose. La phase grisée n’est pas détaillée ici.
142
Lors de la phase II, l’apport en glucose est fixé constant, il devient donc limitant. La
concentration résiduelle est donc nulle. Il en est de même lors de la phase III, pendant
laquelle le débit est augmenté mais toujours de manière constante. Enfin, la phase IV montre
deux tests d’augmentation du flux de carbone, l’un entre 79 et 90h et l’autre à partir de 95h.
Le glucose devient excédentaire à 90h puis à 96h.
4.1.2.2
Exemple d’apport en phosphore
La Figure 32 représente le débit d’alimentation en phosphore et sa concentration résiduelle en
fonction du temps lors d’une culture de Y. lipolytica sur glucose et en limitation phosphore.
La phase grisée n’est ici pas interprétée. Lors de phase I, nous pouvons voir que la
concentration résiduelle en phosphore extracellulaire diminue pour atteindre une valeur
inférieure à 5 mgP.L-1. La phase II débute lorsque le phosphore extracellulaire est totalement
consommé et aucun apport en phosphore n’est réalisé (débit d’alimentation en phosphore
nul). La phase III débute avec un débit de phosphore constant, identique à celui maintenu
durant la phase IV. Pour les phases II à IV, la concentration résiduelle en phosphore est en
deçà de la concentration mesurable et confirme la limitation en phosphore continue sur la
totalité des phases de production.
II
IV
III
0,04
Phosphore résiduel (g/L)
0,30
0,03
0,25
0,20
0,02
0,15
0,10
0,01
Alimentation en phosphore (g/h)
I
0,35
0,05
0,00
0,00
0
20
P résiduel
Alim P
40
60
80
100
Temps (h)
Figure 32 : Evolution de la concentration résiduelle en phosphore (g/L) et du débit d’alimentation en
phosphore en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat
glucose. La phase grisée n’est pas détaillée ici.
143
4.1.3. Exemple de résultats
Les résultats bruts montrés sont issus d’une expérimentation réalisée selon la conduite décrite
ci-dessus (§ 4.1.2).
4.1.3.1
Biomasse et métabolites produits
L’accumulation des différentes variables, sera représentée, afin de s’affranchir de l’évolution
du volume de fermentation (de 10L à 15L) sous l’évolution temporelle des quantités
équivalentes. Il est à noter qu’il existe un décalage entre les valeurs brutes et les valeurs
réconciliées, principalement en ce qui concerne les polysaccharides et la biomasse catalytique.
Comme il a été décrit dans le paragraphe 3.4.5, la biomasse catalytique est calculée à partir
des polysaccharides totaux, des lipides totaux et de la biomasse totale. Une erreur dans la
mesure d’un de ces produits se répercute sur la valeur de la biomasse catalytique. Or, la
réconciliation est basée sur la conservation des éléments C, H, O et N. Le dosage de l’azote
résiduel du milieu de culture permet de boucler le bilan azote, en considérant que la
composition élémentaire de la biomasse catalytique est constante durant toute la culture. Cette
correction de la surestimation des polysaccharides totaux et donc de la sous-estimation de la
quantité en biomasse catalytique est ainsi prise en compte durant toute l’étude.
Lors de cette expérimentation, la biomasse totale formée est de 96 Cmole (soit 115 g.L-1),
contenant des polysaccharides à hauteur de 0,25 Cmole.Cmole X-1 et des lipides représentant
0,21 Cmole.CmoleX-1 de biomasse (Figure 33). En fin de culture, du citrate est produit à une
hauteur de 0,7 Cmole.L-1 et du glucose accumulé à hauteur de 0,45 g.L-1. Après 104h de
culture, 238 Cmole de glucose et 4,71 g de phosphore ont été consommés.
144
II
IV
III
8000
100
6000
80
60
4000
40
2000
Glucose consommé (g)
Biomasse totale et catalytique et métabolites produits :
lipides, polysaccharides, acide citrique (Cmole)
I
20
0
0
0
20
40
60
Temps (h)
80
100
X cat
L acc
PS acc
X totale
Citrate
Glc conso
Figure 33 : Evolution de la masse accumulée de glucose consommé et des quantités de biomasse totale (X
totale), biomasse catalytique (X cat), polysaccharides accumulés (PSacc), lipides accumulés (Lacc) et citrate
produites en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat
glucose. Les points représentent les valeurs brutes et les lignes les valeurs réconciliées. La phase grisée
n’est pas détaillée ici.
Les résultats obtenus à la fin de chacune des phases sont reportés dans le Tableau 28. La
première phase, correspond bien à une phase de croissance, le seul produit étant la biomasse
catalytique, à hauteur de 10 g.L-1. Le phosphore intracellulaire en croissance est mesuré à 27
mgP.gX-1. Lors de la seconde phase, la biomasse catalytique est multipliée d’un facteur 2,6 ce
qui dilue le phosphore intracellulaire de 27 à 10 mg P.gX*-1. Durant cette phase
d’appauvrissement du phosphore intracellulaire, l’accumulation en lipides et polysaccharides
débute et leur production représente quasiment 17% du carbone accumulé, ce qui démontre
une induction de la synthèse de substances carbonées de réserve par la limitation en
phosphore avant que sa teneur intracellulaire n’atteigne la concentration seuil de 9 mg.g -1 de
biomasse catalytique. Lors de la troisième phase, la formation de biomasse se poursuit mais la
biomasse ne représente plus que 53% du carbone accumulé dans le fermenteur alors que le
phosphore intracellulaire continue de diminuer jusqu’à une valeur de 6,8 mg P.gX*-1.
L’accumulation de réserves carbonées se poursuit aussi et les réserves carbonées représentent
la moitié du carbone accumulé (20% pour les lipides et 27% pour les polysaccharides). En fin
de phase IV, le phosphore intracellulaire est diminué jusqu’à une valeur de 3,44 mgP.gX*-1.
Les polysaccharides représentent 21% du carbone accumulé dans le fermenteur, les lipides
145
19% et la biomasse 49%. Enfin, 11% du carbone est accumulé dans le fermenteur sous forme
de citrate et de glucose.
Phase
I
II
III
Glucose consommé (g)
208
738.02
2112.30
Phosphore consommé (g)
2.95
2.95
3.58
X totale (g)
107
348
972
X catalytique (g)
107
294
523
Polysaccarides accumulés (g/g)
0
0.098
0.331
Lipides accumulés (g/g)
0
0.056
0.131
Citrate (g)
0
0
0
Glucose résiduel (g)
0
0
0
P/X totale (mg/g)
27.54
8.49
3.68
P/X catalytique (mg/g)
27.54
10.03
6.84
% Carbone (Cmole/Cmole Carbone accumulé)
Lipides
0
8.7
20.0
Polysaccharides
0
8.0
27.1
X catalytique
100
83.3
52.9
Citrate
0
0
0
Glucose résiduel
0
0
0
IV
7129.30
4.71
2405
1369
0.297
0.137
413
9.41
1.95
3.44
18.5
21.4
49.0
10.9
0.3
Tableau 28 : Tableau récapitulatif des performances de culture en limitation phosphore pour chaque
phase
4.1.3.2
Phosphore intracellulaire, croissance et flux d’apport en
carbone et phosphore
La Figure 34 représente l’évolution de la teneur en phosphore intracellulaire rapporté à la
biomasse catalytique (P/X*), du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*) et du
rapport des flux d’alimentation en carbone et phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps, les
concentrations résiduelles étant négligeables pour ces deux éléments.
Durant la phase I, le taux en phosphore intracellulaire moyen est de 27 mg P.gX*-1. Comme la
consommation de phosphore n’est pas contrôlée par un apport, le taux de croissance est
uniquement fonction de l’apport en glucose soit de 0,25 h -1. Le rapport ΦC/ΦP moyen est
ainsi de 30 CmoleGlc.moleP-1.
Dès l’épuisement en phosphore extracellulaire (phase II), le taux en phosphore intracellulaire
décroit jusqu’à atteindre une valeur voisine de 11 mgP.gX*-1, avant la mise en route de l’apport
phosphoré. Simultanément, le taux de croissance est quant à lui en chute d’une valeur
maximale de 0,25 h-1 à 0,06 h-1 pour un taux de croissance moyen sur cette phase égal à
146
0,125 h-1. Le débit de glucose étant maintenu constant durant cette phase au flux de
consommation en fin de la phase exponentielle, avec le carbone comme élément limitant, le
taux de croissance moyen attendu était de 0,15 h-1. Il est évident que durant cette phase la
diminution du taux intrinsèque en phosphore a pour conséquence la réduction du potentiel de
croissance soit par abattement des potentialités métaboliques, catabolisme énergétique et/ou
voies anaboliques, soit par induction des voies de biosynthèses de substances de réserves
diminuant d’autant la disponibilité en carbone pour la croissance
Durant la phase III, à concentrations résiduelles en carbone et phosphore toujours limitantes,
le rapport ΦC/ΦP est maintenu en premier lieu à une valeur de 2565 Cmole/mole puis à 2850
Cmole/mole, ce qui représente 27,58 g de glucose consommé par gramme de biomasse en
début de phase et 19 gGlc.gX*-1 en fin de phase. Par cette reprise d’une alimentation en
phosphore, le taux de croissance, dans un premier temps se stabilise vers une valeur de 0,04
h-1, avant de décroître jusqu’à s’annuler en fin de phase III. Enfin, la réduction du taux en
phosphore intracellulaire se poursuit ce qui aboutit à une stabilisation vers 55h de culture du
taux en phosphore intracellulaire à une valeur de 7 mg P.gX*-1 soit environ 25% de la teneur
observée en phase exponentielle de croissance. Pendant la phase IV, l’augmentation linéaire
du flux de carbone selon deux séquences (à 75h et à 95h), alors que le débit de phosphore
reste contant, entraine un accroissement linéaire en fonction du temps du rapport ΦC/ΦP. La
phase de transition entre les phases III et IV correspond à un accroissement du flux de
phosphore rapporté au flux de carbone (zone grisée de la Figure 31 à la Figure 36) avec en
particulier une accroissement du flux d’apport de phosphore rapporté à la biomasse
catalytique. La reprise de la croissance durant cette période démontre que le devenir du
carbone et en particulier la croissance dépend fortement du ratio doublement limitant ΦC/ΦP.
Durant la phase IV, le taux de croissance, qui était remonté durant la phase grisée, rechute
jusqu’à 95h pour atteindre une valeur presque nulle concomitamment à une nouvelle
réduction du taux en phosphore intracellulaire qui atteint une valeur très faible de 3,64
mgP.gX*-1 en fin de culture, soit 13 % de la valeur obtenue en phase de prolifération non
limitée.
147
10000
25
0.30
0.25
8000
20
6000
15
4000
10
2000
5
0
0
0
20
P/X*
C/ P
µ*
40
60
80
-1
IV
III
C/ P (Cmole/mole)
Phosphore intracellulaire (mgP/gX*)
II
taux de croissance (h )
I
30
0.20
0.15
0.10
0.05
0.00
100
Temps (h)
Figure 34 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*), du taux en phosphore
intracellulaire (P/X*) et du rapport des flux de consommation de glucose et phosphore (ΦC/ΦP) en
fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La partie
grisée n’est pas argumentée ici.
En limitation azote, la composition de la biomasse catalytique reste constante : le taux en
azote intracellulaire de la biomasse catalytique est quasiment constant durant toute la culture
(Cescut, 2009). Ceci permet de penser que le flux d’azote permet de contrôler la vitesse de
croissance mais également la fraction du carbone apporté nécessaire à la production de
biomasse, le rendement de croissance durant la phase de production étant conservé égal à
celui mesuré durant une phase de croissance non limité par l’élément azote. Au contraire, lors
des phases II à IV d’une expérience en limitation phosphore (Figure 34), le taux de croissance
de la biomasse catalytique n’est pas directement corrélé à la teneur intrinsèque en phosphore.
La biomasse catalytique étant calculée à partir des fractions lipidique et polysaccharidique
retranchées de la biomasse totale l’observation d’un facteur de réduction du phosphore
intracellulaire d’un facteur deux (entre les phases II et IV) ne peut s’expliquer par
l’accroissement de la fraction protéique intracellulaire mais semble bien lié à une véritable
prolifération cellulaire. Celle-ci serait donc en partie contrôlée par la teneur intracellulaire en
phosphore mais également par le devenir du carbone et, par ce fait, modulée par le carbone
disponible imposé par le ratio ΦC/ΦP. En limitation phosphore, la croissance n’est donc pas
uniquement contrôlée par l’apport en phosphore. Le phosphore peut ainsi être dilué dans la
148
biomasse catalytique tant que la biomasse est en croissance, et il n’existe pas de corrélation
directe entre le débit d’apport en phosphore et le taux de croissance.
-1
P (mg.gX )
18
12,35
8,7
6,26
5,64
Composition macromoléculaire de la biomasse (% massique)
PROTEINE
45,82% 50,21% 52,73% 54,32% 54,70%
RNA
9,69%
5,30%
2,83%
1,27%
0,89%
DNA
2,71%
2,55%
2,38%
2,22%
2,17%
PHOSPHOLIPIDES
11,97% 8,86%
6,83%
5,41%
5,05%
POLYSACCHARIDES
22,26% 24,87% 26,41% 27,42% 27,66%
TRIGLYCERIDES
4,79%
5,08%
5,30%
5,46%
5,50%
STEROLS
2,00%
2,27%
2,53%
2,79%
2,86%
Précurseurs libres
0,75% 0,86% 0,99% 1,12% 1,16%
Composition élémentaire de la biomasse
estimée
1
1
1
1
1
référence
C
1
H
1,62
1,623
1,624
1,624
1,624
1,624
O
0,42
0,42
0,419
0,42
0,42
0,42
N
0,185
0,184
0,182
0,181
0,181
0,181
S
0,009
0,009
0,01
0,01
0,01
0,011
P
NA
0,015
0,01
0,007
0,005
0,0045
Tableau 29 : Compositions macromoléculaire et élémentaire de la biomasse modélisée suivant différents
taux intracellulaires en phosphore
18%
DNA
TRIGLYCERIDES
Précurseurs libres
POLYSACCHARIDES
80%
70%
Fraction massique
16%
60%
14%
12%
50%
10%
40%
8%
30%
6%
20%
4%
10%
2%
0%
Fraction massique (Protéines,
polysaccharides)
RNA
PHOSPHO LIPIDES
STEROLS
PROTEINES
20%
0%
0
0.005
0.01
0.015
Phosphore intra (mg/g)
Figure 35 : Composition macromoléculaire de la biomasse obtenue par modélisation suivant différents
taux intracellulaire en phosphore
149
L’évolution des compositions macromoléculaire et élémentaire de la biomasse en fonction de
la teneur en phosphore intracellulaire a été modélisée suivant les besoins anaboliques de la
cellule (Tableau 29 et Figure 35). Nous pouvons remarquer que la composition élémentaire
CHON de la biomasse n’est pas modifiée de manière notable suivant les différentes
modélisations (Tableau 29). Cependant, la composition macromoléculaire est, quant à elle,
modifiée (Figure 35) : il y a une réduction très nette de la teneur en ARN et phospholipides
avec quasiment une annulation du taux d’ARN alors que les phospholipides représentent
encore 5%. Le taux protéique s’accroit de 19 % et celui des polysaccharides de 24%. Ces
résultats laissent penser que la différence entre les taux en polysaccharides mesurés en phase
d’accumulation lors des expériences et ceux réconciliés (4.1.3.1) est peut être due à une
modification de la composition macromoléculaire de la biomasse entrainée par la baisse du
taux intracellulaire en phosphore. Cette différence représente 2,54 Cmole de polysaccharides
qui pourraient être attribués à la biomasse catalytique (60 Cmole produite pendant la phase
exponentielle de croissance). Or, l’accumulation en polysaccharides totale représente 25
Cmole : la part de polysaccharides attribuable à la biomasse catalytique produit donc une
incertitude de seulement 10%. Cette observation n’a pas été reportée par Julien Cescut lors de
ses travaux sur l’accumulation transitoire de polysaccharides en limitation azote (Cescut,
2009). Le taux en azote intracellulaire de la biomasse catalytique étant considéré comme
quasiment constant, nous pouvons penser que la composition macromoléculaire (au moins en
protéines) de la biomasse catalytique pourrait ne pas être modifiée non plus, le taux en
polysaccharides restant quasiment constant.
4.1.3.3
Cinétiques de production de métabolites
La Figure 36 représente l’évolution des vitesses de production des métabolites accumulés ou
produits et du rapport ΦC/ΦP en fonction du temps lors d’une culture de Y. lipolytica wT sur
glucose et en limitation phosphore.
Lors de la phase I, la culture est en croissance pure : seule la biomasse catalytique est produite
et il n’y a pas de production de métabolites.
L’accumulation de polysaccharides et de lipides commence dès le début de la phase II, soit
dès la mise en place de la limitation en phosphore et se poursuit tout au long de la phase avec
150
des activités spécifiques croissantes concomitamment à la diminution de la teneur intrinsèque
I
0.04
II
III
IV
10000
0.03
8000
0.02
6000
0.01
4000
0.00
2000
-0.01
C/ P (Cmole/mole)
Vitesses spécifiques de production d'acide citrique,
de polysaccharides et de lipides (Cmole/CmoleX*/h)
en phosphore.
0
0
20
40
60
Temps(h)
80
100
q* Citrate (Cmol/CmolX*/h)
q*L (Cmol/CmolX*/h)
q*PS (Cmol/CmolX*/h)
C/ P (Cmol/mol)
Figure 36 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides (PS), lipides (L) et acide
citrique (Cit) accumulés et du rapport des vitesses de consommation de glucose et de phosphore (ΦC/ΦP)
en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La
partie grisée n’est pas argumentée ici.
Lors de la phase III, l’accumulation en réserves carbonées se poursuit. Les variations de
vitesses spécifiques de synthèse des lipides et polysaccharides ne sont pas directement
corrélées à l’évolution du rapport ΦC/ΦP, mais on remarque que le flux spécifique
d’accumulation de carbone total est quasiment constant. À l’accroissement de la vitesse
spécifique de production de polysaccharide est associée une diminution de la vitesse de
synthèse lipidique et inversement. Durant la seconde tranche de la phase III, pendant laquelle
le taux de phosphore intrinsèque est stabilisé à 7 mg.g -1, on note une réduction d’un facteur 2
du potentiel de synthèse lipidique associée au déclin du potentiel de croissance et l’atteinte
des valeurs maximales de production de polysaccharides. À ce stade, il semblerait que si le
151
processus d’accumulation de substances de réserve est induit et accéléré par la diminution du
taux intracellulaire en phosphore, le potentiel de production de lipides est corrélé au potentiel
de croissance. Ce dernier peut être modulé par la disponibilité en carbone préférentiellement
orienté vers la synthèse des polysaccharides ou inhibé par leur taux intrinsèque, une
croissance étant observée pour des taux lipidiques largement supérieurs à ceux obtenus dans
cette étude.
La phase intermédiaire entre la phase III et la phase IV (grisée sur la Figure 36), peut apporter
quelques éléments d’explication sur l’utilisation dynamique de la source carbonée. La
réduction du rapport ΦC/ΦP est favorable à une reprise de la croissance par accroissement du
flux phosphore, et donc par une réduction relative de l’apport en carbone, se traduit par une
réduction progressive de la synthèse de polysaccharides jusqu’à leur consommation associée à
un accroissement du taux de croissance et de la vitesse spécifique de production de lipides.
Cette tendance s’inverse dès que le ratio ΦC/ΦP est ramené à la valeur nominale de la phase
III. Il est à noter que, pour les différentes phases, la réponse métabolique aux modifications
d’environnement est différée dans le temps avec des temps de relaxation de l’ordre de
grandeur de l’heure (voire plus). Ceci permet de supposer que les réorientations de flux ne
sont pas soumises aux seuls contrôles catalytiques (activités enzymatiques) mais dépendent
essentiellement de la mise en place ou la réduction de « pools » enzymatiques. Ainsi la
dynamique macroscopique dépendrait des constantes de temps caractéristiques de différents
mécanismes, biosynthèse protéique, turn-over protéique, dilution dans la biomasse
néoformée.
Durant la phase IV, l’accroissement linéaire du ratio d’alimentation ΦC/ΦP a pour objectif
d’une part d’induire une limitation par le phosphore et d’autre part de rechercher le potentiel
limite d’assimilation de la source carbonée dans ces conditions. La reprise de croissance
amorcée durant la phase intermédiaire précédemment discutée provoque comme attendu une
dilution de la teneur intracellulaire en phosphore montrant qu’il existe un potentiel de
croissance pour un taux en phosphore voisin de 4mg.g X-1 démontrant que l’arrêt de la
croissance en fin de phase III n’était pas imputable à cette grandeur (taux intracellulaire voisin
de 7mg.gX-1). L’accroissement du flux carboné favorise la production de polysaccharides pour
lesquels la vitesse spécifique de production retrouve la valeur maximale de la fin de phase III
(0,025 CmolePolyS.CmoleX*-1) pour un flux global d’accumulation du carbone proche de celui
précédemment trouvé (0,034 CmoleCacc.CmoleX*-1). À 90 h de culture, le flux de substrat
152
dépasse les capacités catalytiques de la levure et provoque une accumulation de glucose dans
le moût de fermentation simultanément à l’excrétion d’acide citrique. Une réduction drastique
de 50 % du flux carboné ne permet pas de stopper la production d’acide citrique bien que la
diminution de la vitesse spécifique de production de polysaccharides traduise une limitation
carbonée du potentiel d’accumulation global du carbone. La variation du rapport ΦC/ΦP dans
une gamme inférieure à 8000 Cmole.mole -1, valeur pour laquelle la production de citrate a été
antérieurement induite, ne permet pas de restaurer l’accumulation polysaccharidique, le flux
excédentaire de glucose étant détourné vers la production de citrate à une vitesse spécifique
atteignant 0,025 Cmole.Cmole X*-1.h-1. Ainsi, le fait que la production de citrate n’ait pu être
stoppée par une diminution notable de l’apport en glucose peut être dû :
-
soit à une irréversibilité de la production de citrate : une fois la production de citrate
déclenchée, cette voie reste activée
-
soit à une inhibition de l’accumulation de réserves carbonées. Le taux en réserves
carbonées atteint avant le déclenchement de la production de citrate est de 0,5
Cmole.CmoleX*-1, taux limite retrouvé pour les lipides en limitation azote pour cette
même souche (Cescut, 2009). Il serait ainsi aussi possible qu’il existe une régulation
du flux de glucose conditionné par le taux intracellulaire en réserves carbonés. La
production de citrate serait donc déclenchée lorsque le flux de carbone apporté ne peut
plus être dirigé vers la production de métabolites de réserve.
La modification du rapport ΦC/ΦP ne semble donc que très peu affecter l’accumulation en
lipides mais surtout l’accumulation en polysaccharides. Il semble donc que ce rapport semble
modifier principalement la redistribution du carbone entre biomasse catalytique et
polysaccharides. De plus, un excès d’apport en glucose a permis de montrer qu’il est possible
de lancer la production de citrate, mais à une valeur du rapport ΦC/ΦP très élevée (8000
Cmole.mole-1). Ce citrate semble être produit au détriment de l’accumulation en
polysaccharides. La redistribution du flux carboné entre polysaccharides et citrate semble
donc être dépendante principalement du flux de carbone apporté.
Une modélisation de la modulation du couplage partiel entre la croissance et la production de
lipides a été développée dans le paragraphe 4.1.1.4. Ainsi il a été montré que l’énergie
excédentaire issue de la synthèse des lipides pourrait être redistribuée vers l’énergie requise
pour l’anabolisme et la croissance. Cette modulation entre les synthèses lipidiques et de
biomasse pourrait être reliée à un contrôle par le niveau énergétique dépendant du taux en
153
phosphore intracellulaire. Cette modulation des flux de carbone et de phosphore dans la
cellule lorsque le phosphore est l’élément inducteur de l’accumulation de réserves carbonées
est schématisée par la Figure 37.
Régulation
Modulation
C
Glucose
Activation
Induction
 acc
poly
Polysaccharides
 poly
X
C   E   X   L
 P Phosphore
X
 conso
poly
L
Biomasse
Lipides
L
X
P
X
 E Energie
Figure 37 : Schéma explicatif de la modulation des flux de carbone et d’énergie lorsque le phosphore est
l’élément inducteur de l’accumulation de réserves carbonées.
154
4.1.4. Analyse comparative des résultats
Le chapitre suivant est consacré à une analyse comparative des différentes expérimentations
en carence ou limitation phosphore suivant la diminution du taux en phosphore intracellulaire.
Les trois configurations décrites sont les suivantes :
a) Carence en phosphore : dilution continue du phosphore initial dans la biomasse catalytique.
b) Alimentation en phosphore. Les valeurs du rapport des flux de glucose / phosphore sont
plus faibles que dans l’expérimentation suivante jusqu’à un P/X voisin de 15 mg.g-1.
c) Alimentation en phosphore avec un flux de carbone optimisé pour obtenir une vitesse
spécifique de production en lipides maximale.
4.1.4.1
Tableau récapitulatif des résultats
Le Tableau 30 récapitule les paramètres et les résultats obtenus lors des expérimentations
ainsi que les résultats obtenus par simulation des données. Ces valeurs sont utilisées pour
l’analyse dans les paragraphes suivants.
155
Condition
P/X*
% Lip
% PolyS
Glc rés (g/L)
Citrate (Cmole)
q*P
q*Glc
q*O2
QR
q*CO2
q*PolyS
q*Lip
q*Cit
µ*
a
26,91
0
0
0
0
2,90E-03
0,231
0,087
1,104
0,0960
0
0
0
0,146
b
26,44
0
0
0
0
2,00E-03
0,151
0,057
1,103
0,0629
0
0
0
0,097
c
27,4
0
0
0
0
5,00E-03
0,401
0,142
1,105
0,1569
0
0
0
0,249
a
b
20,62
20,7
0
0
3,48
0
0,35
0
0
0
4,14E-03
0
0,596
0,147
0,28
0,05
1,107
1,103
0,3100
0,0552
0,04
0
0
0
0
0
0,237
0,096
c
20,13
0
0
0
0
0
0,398
0,129
1,102
0,1422
0
0
0
0,241
a
b
18,64
18,67
0,4
0
5,47
0,31
0,79
0
0
0
8,41E-03
0
0,51
0,164
0,146
0,051
1,107
1,103
0,1616
0,0563
0,038
0,007
0,008
0
0
0
0,23
0,093
c
18,36
0,26
0,63
0
0
0
0,385
0,153
1,103
0,1688
0,004
0,006
0
0,236
a
b
14,67
14,73
2,87
3,45
9,27
1,47
0,31
0
0
0
1,86E-03
0
0,397
0,213
0,123
0,05
1,117
1,114
0,1374
0,0557
0,023
0,012
0,016
0,013
0
0
0,181
0,097
c
14,53
1,41
2,07
0
0
0
0,311
0,107
1,102
0,1179
0,013
0,007
0
0,184
a
b
10,69
3,05
10,28
0,02
0
1,74E-03
0,39
0,123
1,116
0,1373
0,023
0,016
0
0,142
10,68
5,85
4,1
0
0
0
0,157
0,043
1,113
0,0479
0,008
0,013
0
0,096
c
10,95
4,01
5,71
0
0
0
0,203
0,065
1,115
0,0725
0,009
0,013
0
0,107
a
9,01
8,2
10,54
0
0
0
0,083
0,039
1,102
0,0430
0,007
0,008
0
0,044
b
8,99
6,66
4,3
0
0
3,72E-05
0,132
0,033
1,109
0,0366
0,004
0,011
0
0,088
8,76
11,12
12,55
0
0
4,38E-05 0,129 0,034 1,112 0,0378
0,023
0,014
0
0,042
c
Tableau30a : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le
paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*)
156
Condition
P/X*
% Lip
% PolyS
Glc rés (g/L)
Citrate (Cmole)
q*P
q*Glc
q*O2
QR
q*CO2
q*PolyS
q*Lip
q*Cit
µ*
a
b
6,04
6,09
10,37
8,69
7,72
2,41
0
0
0
0
0
2,83E-05
0,058
0,073
0,033
0,021
1,109
1,103
0,0366
0,0232
-0,003
-0,002
0,006
0,003
0
0
0,038
0,047
c
6,12
21,13
26,23
0
0
2,37E-05
0,081
0,042
1,107
0,0465
0,009
0,008
0
0,043
a
b
5,31
5,3
11,06
11,33
11,58
1,68
0
0
0
0
0
2,61E-05
0,049
0,096
0,031
0,023
1,08
1,104
0,0335
0,0254
0,018
-0,004
0,002
0,009
0
0
0,011
0,052
c
5,28
20,79
22,23
0
0
1,99E-05
0,068
0,038
1,102
0,0419
-0,007
0,008
0
0,038
a
b
4,21
4,84
10,29
18,74
16,36
2,61
0
0
0
0
0
3,31E-05
0,049
0,098
0,032
0,026
1,077
1,117
0,0345
0,0290
0,015
0,002
0
0,011
0
0
0,003
0,041
c
4,32
20,28
18,61
0
0
1,58E-05
0,085
0,037
1,112
0,0411
0,007
0,009
0
0,031
c
3,99
21,56
21,87
2,7
0
1,40E-05
0,109
0,042
1,117
0,0469
0,023
0,009
0,0007
0,022
c
3,44
21,42
25,93
0,5
12,15
1,10E-05
0,112
0,043
0,969
0,0417
0,005
0,003
0,027
0,03
`
Tableau30b : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le
paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*)
157
26,91
26,44
Rsx
(Cmole/Cmole)
0,4975
0,5005
YxATP
(mole/Cmole)
14,3932
14,6536
Ycc
(Cmole/Cmole)
0,5891
0,5926
69479,69
68245,07
% NADH
Anabolisme
0,9776
0,9776
rapport Flux pentose
/ flux glycolyt. total
0,6596
0,6641
c
27,4
0,5044
15,0087
0,5972
66630,46
0,9776
0,6700
0,3798
a
20,62
0,3397
6,9650
0,4022
144676,7
0,9776
0,4656
0,7068
b
20,7
0,5210
16,6375
0,6169
60107,49
0,9776
0,6953
0,3125
c
20,13
0,5156
16,0854
0,6105
62170,4
0,9776
0,6871
0,3353
a
b
18,64
18,67
0,4304
0,4889
13,6803
15,8910
0,5096
0,5789
74758,93
63426,15
0,8982
0,9776
0,6731
0,6803
0,4251
0,3407
c
18,36
0,4704
13,4194
0,5570
75050,25
0,9183
0,6661
0,4423
a
b
14,67
14,73
0,4155
0,4420
12,9867
18,5019
0,4920
0,5233
79296,98
57076,24
0,7979
0,7285
0,7093
0,8350
0,4500
0,2230
c
14,53
0,4651
14,8354
0,5507
68498,47
0,8914
0,7010
0,3808
a
b
10,69
10,68
0,3634
0,4637
9,6537
20,6945
0,4302
0,5490
106513
51106,34
0,7595
0,7266
0,6473
0,8639
0,5846
0,1370
c
10,95
0,4334
15,0605
0,5132
68957,96
0,7464
0,7769
0,3637
a
9,01
0,3612
10,7699
0,4277
96899,26
0,6679
0,7298
0,5318
b
8,99
0,4937
23,9114
0,5845
44183,75
0,7413
0,8890
0,0113
c
8,76
0,2929
12,6757
0,3469
87996,22
0,5283
0,8548
0,4270
Condition
P/X*
a
b
ATP net / gX
ATP non finalisé
0,4052
0,3945
Tableau30c : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le
paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*)
158
6,04
6,09
Rsx
(Cmole/Cmole)
0,5274
0,5279
YxATP
(mole/Cmole)
9,6904
19,5299
Ycc
(Cmole/Cmole)
0,4589
0,6088
105802,3
52258,54
% NADH
Anabolisme
0,6970
0,8408
rapport Flux pentose
/ flux glycolyt. total
0,6993
0,7964
c
6,12
0,3417
9,8331
0,4045
106145,9
0,6630
0,7053
0,5688
a
b
5,31
5,3
0,1689
0,4876
4,5673
19,3583
0,2000
0,5528
232713,1
54515,1
0,6679
0,6782
0,4559
0,8846
0,7633
0,1896
c
5,28
0,4461
12,7592
0,4814
81849,02
0,6361
0,8079
0,4527
a
4,21
0,0507
0,8164
0,0601
1257775
0,9776
0,0860
0,9410
b
4,84
0,3977
15,2506
0,4708
70318,76
0,5805
0,8864
0,3449
c
4,32
0,3496
13,6612
0,4140
79478,53
0,5616
0,8632
0,4011
c
3,99
0,1797
4,6025
0,2128
230905,5
0,4783
0,5831
0,7620
c
3,44
0,2367
5,6471
0,2803
179828,9
0,7790
0,3863
0,7549
Condition
P/X*
a
b
ATP net / gX
ATP non finalisé
0,5848
0,1891
Tableau30d : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le
paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*)
159
4.1.4.2
-
Analyse cinétique
Taux de croissance :
La Figure 38 représente l’évolution du taux de croissance en fonction du taux en phosphore
intracellulaire des expérimentations réalisées. Deux séries d’expérimentations sont à
différencier :
-
en rouge est représenté les expérimentations dont le taux de croissance correspond à
l’apport en substrat réalisé en tenant compte d’un rendement théorique limite inchangé
tout au long de la culture (déterminé à 0,63 CmoleX*.CmoleGlc-1 lors des phases de
cultures non limitées)
-
en bleu est représenté les valeurs tirées des expérimentations en excès de carbone par
rapport au potentiel de croissance.
Il semble exister une corrélation linéaire entre le taux de croissance et la teneur en phosphore
intracellulaire. Le taux critique est d’autant plus élevé que le flux de carbone est relativement
important. Durant la phase non limitée, pour un flux correspondant à un taux de croissance de
0,1h-1, cet effet n’est perceptible que pour un taux en phosphore intracellulaire inférieur à 17
mgP.gX*-1 alors que, pour une première phase de croissance à taux de croissance de 0,25 h-1, ce
seuil est de l’ordre de 21 mgP.gX*-1. En deçà de 4 mgP.gX*-1, la croissance est impossible.
Taux de croissance (h-1)
0.3
0.25
0.2
0.15
0.1
0.05
0
0
5
10
15
20
25
30
P/X (mg/g)
Figure 38 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*) en fonction du taux
intracellulaire en phosphore (P/X*).
160
-
Production de lipides
La production de lipides (Figure 39) débute pour les mêmes valeurs seuil de P/X que celles
montrées pour le taux de croissance (Figure 38). En condition d’alimentation en phosphore, la
vitesse spécifique maximale de production de lipides est de 0,013 Cmole.Cmole-1.h-1 alors
qu’elle peut atteindre 0,016 en condition de carence phosphore. Toutefois, il faut noter qu’en
condition de carence, le flux de glucose n’étant pas limitant (le glucose résiduel peut atteindre
0,79 g/L), on ne peut conclure sur des potentialités intrinsèques différentes de production en
lipides. La vitesse spécifique de production de lipides maximale obtenue en limitation azote
(Cescut, 2009) est de 0,044 Cmole.Cmole-1.h-1, ce qui est largement supérieur aux vitesses
obtenues en limitation phosphore. Le potentiel de production de lipides est donc plus de deux
fois plus faible en limitation phosphore qu’en limitation azote.
En condition de carence, on note un fort déclin de la vitesse spécifique en deçà d’un taux en
phosphore intracellulaire de 10 mg.g-1. Il en est de même pour les autres conditions, qui
présentent des fluctuations en deçà de cette même valeur de P/X. Ces fluctuations peuvent
être principalement dues aux modifications des apports en substrat et phosphore pouvant
limiter la production de lipides.
Dans des conditions d’apport continu de phosphore, qui permet une croissance résiduelle, à
même P/X, les vitesses spécifiques de production de lipides peuvent être supérieures à celles
obtenus en phase de carence. Ceci peut être lié au fait que le taux de carbone accumulé
(lipides et polysaccharides), par la dynamique d’accumulation plus rapide (dilution plus
rapide du phosphore intracellulaire), est beaucoup plus élevé et de ce fait inhibe la synthèse
des substances de réserve. De même que pour le taux de croissance, la synthèse parait
impossible en deçà d’un taux en phosphore intracellulaire seuil voisin de 5 mgP.gX*-1.
161
Vitesse de production de lipides
(Cmole/Cmole/h)
0.018
a
b
c
0.016
0.014
0.012
0.01
0.008
0.006
0.004
0.002
0
0
5
10
15
P/X (mg/g)
20
25
30
Figure 39 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (Cmole.Cmole -1.h-1) en fonction du
taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c) décrites au paragraphe 4.1.4.
-
Production de polysaccharides
La production de polysaccharides débute dès la mise en place de la limitation phosphore
(Figure 40), à l’instar de la limitation azote. Cependant, contrairement à ce qui a pu être
montré en limitation azote, la production de polysaccharides peut se poursuivre tout au long
de la culture. Il n’existe pas de corrélation directe entre la synthèse de polysaccharides et la
synthèse de lipides. Ces réserves peuvent être mobilisées lorsque le flux d’apport de carbone
devient trop limitant par rapport aux potentialités de croissance et de production de lipides.
Cette production semble bien résulter d’un « overflow » carbone conduisant à une réserve
modulable en fonction des besoins. Toutefois le taux maximal d’accumulation ne semble pas
devoir dépasser 25% en carbone (polysaccharides/biomasse totale).
162
Vitesse de production de polysaccharides
(Cmole/Cmole/h)
0.05
a
b
0.04
c
0.03
0.02
0.01
0
0
5
-0.01
10
15
20
25
30
P/X (mg/g)
Figure 40 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides (Cmole.Cmole-1.h-1) en
fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c) décrites au
paragraphe 4.1.4.
-
Production d’acide citrique
Lors de la condition (a) (en carence phosphore), le glucose résiduel est non nul, ce qui reflète
un flux de carbone excédentaire par rapport au potentiel de production de biomasse, de lipides
et de polysaccharides. Cependant, on n’observe pas de production de citrate. Cette production
n’est visible que lorsque le taux en phosphore intracellulaire est voisin ou inférieur à 4mg.g-1.
Ce comportement est contraire à celui observé en limitation azote (discuté dans le paragraphe
4.1.4.4). La teneur en citrate maximale obtenue est de 12,15 Cmole soit 0,415 g.L-1 avec une
vitesse de production de citrate maximale de 0,027 Cmole.Cmole -1.h-1, valeur encore très
inférieure à celle retrouvée en limitation azote (0,045 Cmole.Cmole -1.h-1) (Cescut, 2009).
-
Couplage cinétique
La Figure 41 représente l’évolution des vitesses spécifiques de production de lipides et
polysaccharides en fonction du taux de croissance. En ce qui concerne la production de
lipides, il semble exister un couplage entre production de lipides et taux de croissance
présentant deux relations : l’une lorsque le taux de croissance est supérieur à 0,05 h-1, et
l’autre pour des valeurs de taux de croissance inférieures à 0,05 h-1. Nous posons l’hypothèse
que cette relation peut être due à la diminution du taux en phosphore intracellulaire P/X dans
la biomasse entrainant d’abord une augmentation de la vitesse spécifique de production de
163
lipides lorsque le taux de croissance est de 0,2 h-1 puis une diminution faible jusqu'à un taux
de croissance de 0,05 h-1 et enfin une chute brutale en dessous de cette valeur.
En ce qui concerne la production de polysaccharides, au contraire, il ne semble pas exister de
couplage entre le taux de croissance de la biomasse catalytique et la vitesse de production de
polysaccharides. Cette observation conforte l’hypothèse selon laquelle les polysaccharides ont
un rôle de substances de réserves mobilisables et sont produits lorsque qu’il y a « overflow »
de carbone.
0.018
0.05
0.016
qPolyS
0.04
0.014
0.012
0.03
0.01
0.02
0.008
0.006
0.01
0.004
0
0.002
0
Vitesse de production de
polysaccharides (Cmole/Cmole/h)
vitesse de production de lipides
(Cmole/Cmole/h)
qLip
-0.01
0
0.05
0.1
0.15
0.2
0.25
0.3
taux de croissance (h-1)
Figure 41 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (bleu) et de polysaccharides (rose)
en fonction du taux de croissance.
4.1.4.3
Analyse stœchiométrique
Les données obtenues lors des expérimentations ont été traitées par simulation via le
descripteur métabolique (§ 3.4.4) afin de déterminer les voies les plus probables d’utilisation
de l’énergie par la connaissance des rendements ATP par rapport à l’anabolisme ou à la
synthèse de substances de réserves.
-
Croissance
La Figure 42 représente l’évolution du rendement en biomasse en fonction du taux en
phosphore intracellulaire. Pour les trois conditions (carence ou limitation phosphore), le
164
rendement en biomasse en phase de croissance est identique et égal à 0,6
CmoleX*.CmoleGlc- 1 quelque soit le taux de croissance. L’évolution du rendement en
biomasse est similaire pour les conditions (a) et (c) et diminue de 0,6 à environ 0,4
CmoleX*.CmoleGlc- 1 lorsque le taux en phosphore intracellulaire diminue de 27 mg P.gX*-1
à 6 mgP.gX*-1. En dessous de ce seuil, le rendement en biomasse chute brutalement.
Paradoxalement, pour la condition (b), ce rendement n’évolue que très peu malgré la
production de lipides et de polysaccharides et ce jusqu'à la valeur seuil de 6 mg P.gX*-1.
Y s,x (Cmole/Cmole)
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
b
c
a
0.1
0
0
10
20
30
P/X (mg/g)
Figure 42 : Evolution du rendement théorique de production de biomasse YS,X (CmoleX*.CmoleGlc- 1) en
fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c).
Si l’on s’intéresse à l’évolution du rendement ATP (Figure 43), on note des comportements
très différents pour les trois conditions. En dessous d’une valeur de P/X seuil de 6 mg P.gX*-1,
ce rendement décroît de façon similaire au rendement carbone. Mais, pour la condition (a), le
rendement ATP est réduit de 30% entre la phase de croissance et une dilution du phosphore
intracellulaire voisin de 6 mg P.gX*-1. Le rendement ATP est quasiment stable pour la condition
(b) alors qu’il présente un accroissement pour la condition (c).
Si l’on analyse l’évolution des rendements biomasse (YS,X) et ATP (YATP) en fonction du
devenir du carbone de réserve (Figure 44 et Figure 45), on voit :
-
pour le rendement biomasse (Figure 44) : la production en lipides n’affecte que très
peu ce rendement (maximum 15 % du carbone consommé est utilisé pour la synthèse
lipidique) alors que la synthèse de polysaccharides, pour la même fraction de carbone
165
utilisée, réduirait ce rendement de plus de 50 % du fait d’une réduction d’un facteur 3
du rendement ATP (flèche bleue).
-
Pour le rendement ATP (Figure 45) : jusqu’à une valeur de 10 % du carbone utilisée
pour la biosynthèse de lipides, on note une amélioration du rendement ATP, justifiant
ainsi du peu d’impact de cette production sur le rendement biomasse. Cette valeur de
rendement ATP reflète le niveau de dissipation d’énergie, énergie non finalisée dans
l’anabolisme ou la biosynthèse de substances de réserves. Comme vu au § 4.1, dans le
cas de la synthèse lipidique, il pourrait y avoir une utilisation de l’énergie excédentaire
résultant des voies conduisant aux précurseurs de la synthèse lipidique pour la
synthèse anabolique. Et ainsi le rendement ATP pourrait être amélioré lors des phases
de croissance pure. Il semblerait donc que la synthèse de substances de réserves sous
forme de polysaccharides induise une surdissipation d’énergie. Pour les faibles valeurs
de P/X (inférieures à 6 mg P.gX*-1), correspondant aux faibles taux de croissance,
l’utilisation préférentielle du carbone vers la synthèse de polysaccharides explique les
chutes de rendement en biomasse observées avec une très forte dissipation
énergétique.
30
c
a
b
25
Y ATP
20
15
10
5
0
0
10
20
30
P/X (mg/g)
Figure 43 : Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du taux en phosphore intracellulaire.
166
Figure 44: Evolution du rendement biomasse (YS,X) en fonction du rapport carbone de production de
lipides sur le flux de consommation de glucose (qTAG/qGlc) et du rapport carbone de production de
polysaccharides sur le flux de consommation de glucose (qPolyS/qGlc).
Figure 45 : Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du rapport carbone de production de lipides
sur le flux de consommation de glucose (qTAG/qGlc) et du rapport carbone de production de
polysaccharides sur le flux de consommation de glucose (qPolyS/qGlc).
167
La synthèse et la mobilisation de ces réserves carbonées montrent un temps de réponse rapide
par rapport aux modifications des flux d’apport et du ratio flux carbone/flux phosphore et
seraient peut être soumises à un « turn-over » important, mobilisant ainsi une fraction
importante de l’ATP généré. Le calcul énergétique est fait en considérant que le rendement de
la phosphorylation oxydative est inchangé. La réduction de P/X rendant compte d’un pool de
phosphore réduit pour la cellule, il peut être envisagé une réduction de ce rendement et donc
une consommation accrue de carbone pour fournir l’énergie anabolique et de biosynthèse.
Dans ce cas, une limitation énergétique intrinsèque serait observée et ce pourquoi la synthèse
polysaccharidique pourrait prévaloir en tant que voie de stockage du carbone la moins
consommatrice en énergie. Toutefois, rendre la synthèse polysaccharidique dépendante d’une
limitation énergétique n’expliquerait pas l’induction de cette voie dès la mise en place de la
limitation avec les vitesses spécifiques maximales.
4.1.4.4
Comparaison entre les limitations phosphore et azote
Le Tableau 31 permet de comparer les caractéristiques cinétiques et stœchiométriques entre
trois cultures de Y. lipolytica sur glucose en limitation azote avec ou sans contrôle par PID
(Cescut 2009) et phosphore.
En croissance non limitée, le rendement biomasse/glucose est similaire dans les trois cas. Il en
est de même pour le taux de croissance.
Nous pouvons remarquer que la concentration en biomasse finale obtenue lors des
expériences en limitation phosphore (5,45 Cmole.L-1) est supérieure à celles obtenues en
limitation azote (3,05 Cmole.L-1) pour des taux d’accumulation en carbone similaires. L’effet
de la limitation phosphore sur la croissance cellulaire est donc moins drastique que celui de la
limitation azote. En effet, nous avons pu voir que à flux de phosphore nul, la biomasse
continue à se diviser, jusqu’à un facteur 3, tout en conservant ses activités métaboliques (§
4.1.3.3). Ceci montre que le flux de phosphore ne détermine pas le taux de croissance. De
même, il n’y a pas de relation entre les vitesses spécifiques d’accumulation de
polysaccharides et/ou lipides et le flux de consommation de phosphore : la limitation
phosphore ne permet pas de contrôler parfaitement le devenir du carbone dans la cellule.
La vitesse maximale d’accumulation en polysaccharides en limitation azote (0,065
Cmole.CmoleX*-1.h-1 avec contrôle PID et 0,050 Cmole.Cmole X*-1.h-1 sans contrôle PID) est
168
notablement supérieure à celle obtenue en limitation phosphore (0,040 Cmole.Cmole X*-1.h-1).
Cette vitesse maximale est obtenue lors de la phase de transition entre la limitation en
l’élément et le déclenchement de l’accumulation de lipides. Cependant, la teneur en
polysaccharides maximale atteinte est similaire pour les deux types de limitations : il est de
24% en limitation azote et 26% (Cmole.Cmole X*-1 ) en limitation phosphore. Nous pouvons en
conclure que le taux maximal de polysaccharides accumulable est d’environ 25% quelque soit
la nature de la limitation.
De même, la vitesse maximale d’accumulation de lipides en limitation azote (0,044
Cmole.CmoleX*-1.h-1) est largement supérieure à celle en limitation phosphore (0,018
Cmole.CmoleX*-1.h-1) (Tableau 31) contrairement à ce qui a été observé chez Rhodotorula
glutinis (Granger, 1998). Cependant, la vitesse maximale d’accumulation de polysaccharides
lors de la phase d’accumulation de réserves carbonées en limitation phosphore est de 0,025
Cmole.CmoleX*-1.h-1 alors qu’elle est nul en limitation azote, tout excès de carbone étant
redirigé vers la production de citrate dans ce cas. Le potentiel d’accumulation en carbone
intracellulaire (polysaccharides et lipides) en limitation phosphore peut donc être estimé à
0,043 Cmolecarbone
-1 -1
accumulé.Cmole X* .h ,
ce qui rejoint la vitesse spécifique maximale
d’accumulation de lipides chez Y. lipolytica wT en limitation azote sur glucose soit 0,044
CmoleLipides.CmoleX*-1.h-1 (Cescut, 2009). Il en est de même pour la quantité maximale de
carbone accumulé. En limitation phosphore, le taux de carbone accumulé maximal atteint
représente 0,47 Cmole.Cmole X-1 alors qu’il est de 0,50 Cmole.CmoleX-1 en limitation azote.
Cette similitude de capacité d’accumulation en carbone de réserve montre qu’il existe un
système de régulation de capacité d’accumulation de carbone de réserve chez Y. lipolytica wT.
169
Limitation azote avec contrôle Limitation azote sans contrôle
Limitation phosphore
par PID (Cescut 2009)
par PID (Cescut 2009)
Biomasse totale finale (Cmole.L-1)
3.05
2.50
5.45
RS/X* (croissance) (Cmole.Cmole -1)
0.57
0.58
0.62
µ* max (croissance) (h-1)
0.26
0.26
0.26
Carbone intracellulaire accumulé 0.50
0.31
0.47
(lipides = 100%)
(polyS = 28% et lipides = 72%)
(polyS = 54% et lipides = 46%)
R S/Cacc max (Cmole.Cmole-1)
0.372
0.103
0.26
% Lipides max (Cmole.Cmole-1 X)
0.50
0.24
0.21
q*Lipides max (Cmole.Cmole-1.h-1)
0.044
0.036
0.018
% PolyS max (Cmole.Cmole-1X)
0.24
0.13
0.26
final (Cmole.Cmole
-1
X)
q* PolyS max (Cmole.Cmole-1.h-1)
0.065
(0
en
d’accumulation de lipides)
phase
0.050
0,040
0.1
3.8
0.7
q* acide citrique max (Cmole.Cmole-1.h-1)
NA
0.045
0.027
0.11
0.11
max
en
phase
d’accumulation de lipides)
[acide citrique] (Cmole.L-1)
q*Glc
(0,025
(accumulation avant la
production
de
-1
citrate) NA
-1
(Cmole.Cmole .h )
Tableau 31 : Performances d’accumulation de carbone intracellulaire entre différentes cultures de Y. lipolytica wT sur glucose en
limitation azote avec et sans contrôle du carbone consommé par PID (Cescut, 2009) comparé aux performances en limitation phosphore.
170
En limitation azote et en phase d’accumulation de lipides, si le flux de carbone n’est pas
parfaitement contrôlé, le carbone excédentaire sera entièrement redirigé vers la production de
citrate, et ce quelque soit la teneur en carbone intracellulaire accumulé. En limitation
phosphore, le carbone en excès par rapport aux demandes dues à la croissance et à la
production de lipides semble être canalisé en premier lieu par l’accumulation de
polysaccharides. Cependant, nous avons pu voir que, lorsque le taux en polysaccharides
atteint son maximum (26%) et en carbone intracellulaire (47%), le flux de glucose est redirigé
vers la production de citrate et du glucose s’accumule dans le milieu. La limitation phosphore
permet donc un autre système de régulation et d’orientation du flux de carbone dans la cellule
en comparaison à une limitation azote bien que la vitesse spécifique de consommation de
glucose à partir de laquelle se déclenche la production de citrate soit la même dans les deux
cas. En effet, en limitation azote, il n’y a pas de régulation de l’entrée de glucose dans la
cellule lorsque le flux de glucose est excédentaire.
4.1.5. Nature des lipides accumulés
Une des hypothèses posée par J. Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009) concernant
l’atteinte d’un seuil limite d’accumulation en lipides chez Y. lipolytica est qu’un degré
d’insaturation élevé des acides gras accumulés soit délétère à l’accumulation lipidique. En
effet, R. glutinis est une levure oléagineuse pouvant accumuler plus de 90% en masse de
lipides dont les acides gras ont un degré d’insaturation de 0,9 mole insat.moleAG-1 (Cescut,
2009). Au contraire, en limitation azote, Y. lipolytica accumule beaucoup moins de lipides
(40% massique) dont le degré d’insaturation des acides gras accumulés est de 1,2
moleinsat.moleAG-1. Il semble donc nécessaire d’investiguer la composition en lipides mais
aussi des acides gras de ces lipides afin de déterminer si le faible taux d’accumulation atteint
lors de nos expériences utilisant le phosphore comme élément inducteur de la synthèse
lipidique est expliqué par un degré d’insaturation des acides gras accumulés élevé.
Les résultats sont représentés en fonction du TRPI (taux relatif de phosphore intracellulaire,
variant de 0,13 à 1), qui représente le degré de limitation en phosphore et calculé de la
manière suivante :
TRPI 
P/ X *
P / X *non lim ité .
171
Le taux des différents acides gras en début de culture représente celui retrouvé lors de cultures
de Yarrowia lipolytica wT sur glucose en croissance pure (Cescut, 2009).
Nous pouvons remarquer que le taux en différents lipides (acides gras, mono, di et
triglycérides) est relativement identique quelque soit le mode de culture jusqu’à un TRPI de
0,55, ce qui représente un taux intracellulaire en phosphore de 15 mg.g -1. Cette valeur limite
est identique à celle calculée par la simulation pour la composition élémentaire de la
biomasse. Ainsi, nous pouvons supposer qu’il existe une réserve en phosphore intracellulaire
permettant le maintien d’un métabolisme inchangé entre 27 et 15 mg.g -1.
Pour des valeurs de TRPI inférieures, nous pouvons classer les cultures en deux catégories :
En carence phosphore, le taux en acides gras et en diacylglycérols augmente lorsque le TRPI
est inférieur à 0,55. En dessous d’un TRPI de 0,18, le taux en diacylglycérols chute pour
devenir nul et le taux en acides gras augmente brusquement. Le taux en monoacylglycérols
augmente quant à lui jusqu’à un TRPI de 0,37 pour diminuer jusqu’à devenir nul. Le taux en
triacylglycérols reste quant à lui proche de la valeur nulle quelque soit le taux en phosphore
intracellulaire.
En limitation phosphore, l’évolution du taux en monoacylglycérols est semblable à celle
retrouvée en carence phosphore. Cependant, nous pouvons remarquer que les acides gras et
diacylglycérols sont accumulés lorsque le TRPI se situe entre 0,55 et 0,3 puis, en dessous de
cette valeur, leur taux diminue. Cette valeur TRPI correspond à la valeur au-delà de laquelle
les triacylglycérols sont produits en grande quantité.
172
0.06
0.14
Carence P
Limitation P
0.05
% monoacylglycérols (gMG/gX)
% Acides gras libres (gAG/gX)
0.12
0.10
0.08
0.06
0.04
0.02
0.04
0.03
0.02
0.01
0.00
0.00
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
0.0
1.2
TRPI
0.25
% Triacylglycérols intracellulaire (gTAG/gX)
% Diacylglycérols intracellulaire (gDAG/gX)
0.025
Carence P
Limitation P
0.020
0.015
0.010
0.005
0.20
0.15
0.10
0.05
0.00
0.000
0.0
0.2
0.4
0.6
TRPI
173
0.8
1.0
1.2
0.0
0.06
rence P
mitation P
Carence P
Limitation P
% monoacylglycérols (gMG/gX)
0.05
0.04
0.03
0.02
0.01
0.00
1.0
0.0
1.2
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
TRPI
% Triacylglycérols intracellulaire (gTAG/gX)
0.25
Carence P
Limitation P
1.0
1.2
Carence P
Limitation P
0.20
0.15
0.10
0.05
0.00
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
TRPI
Figure 46 : Evolution du taux en différents lipides (acides gras libres, monoacylglycérols, diacylglycérols
et triacylglycérols) intracellulaires en fonction du taux relatif en phosphore intracellulaire pour des
cultures de Y. lipolytica en carence ou limitation phosphore. Le taux en lipides structuraux n’est pas
représenté.
174
Les taux des différentes formes résultent de la dynamique de synthèse associée aux différentes
estérifications (2.2.2.2). Si l’on prend le schéma réactionnel suivant,




AG
 AG MonoAG
 MonoAG DiAG
 DiAG TAG

 TAG
Avec l’accroissement du TRPI, le taux d’acides gras augmente ce qui semble indiquer que ce
sont les cinétiques suivant la synthèse des acides gras qui soient limitantes. D’autre part, il
semblerait qu’il existe un taux intracellulaire en acides gras qui ne puisse être dépassé et
voisin de 100 mg.gX-1.
Pour les cultures en limitation phosphore, les évolutions pour les monoacylglycérols et
diacylglycérols présentent un optimum qui se situe respectivement à des TRPI voisins de
0,37 et 0,3. Ceci est caractéristique de cinétiques consécutives d’ordre voire supérieur avec
comme produite final les triacylglycérols. Ainsi pour les TRPI inférieur à 0,18, seul un
ralentissement de la synthèse des acides gras va se traduire par une diminution progressive
des taux d’intermédiaires réactionnels que sont les monoacylglycérols et diacylglycérols et
une accumulation finale en triacylglycérols pour lesquels le taux intracellulaire final (voisin
de 200 mg.gX-1) est supérieur au taux maximal en acides gras rencontré. Les teneurs
maximales relativement plus faibles en monoacylglycérols et diacylglycérols (respectivement
30 et 12 mg.gX-1) montrent que c’est l’étape de première estérification qui contrôle la synthèse
des différents acylglycérols.
Pour les cultures en carence de phosphore, les lipides accumulés sont principalement des
diacylglycérols, à un taux voisin de celui des triacylglycérols précédemment trouvé. Il semble
donc que l’étape transformant les diacylglycérols en triacylglycérols soit l’étape la plus
affectée par une carence en phosphore. On remarque qu’en condition de limitation,
l’accumulation en triacylglycérols est accrue pour une valeur de TRPI correspondant au
maximum de monoacylglycérols, mécanisme qui n’apparait pas en carence de phosphore. De
plus dans cette dernière condition, le taux d’acides gras libres reste stable en fin de culture ce
qui suppose que la synthèse de ces derniers ne soit ralentie et qu’il s’installe un régime
cinétique permanent.
Il semblerait qu’il existe un effet de feed-back des teneurs en acylglycérol voisine de 200
mg.gX-1 régulant leur synthèse. La non-conversion des diacylglycérols en triacylglycérols en
condition de carence pourrait trouver son origine dans la localisation cellulaire de ces
derniers. En situation de carence, la diminution du taux intracellulaire en phosphore est
175
beaucoup plus rapide qu’en condition d’apport continu limitant. Comme vu précédemment il
semblerait que les réponses cellulaires soient lentes à répondre à l’effecteur que représente le
taux intracellulaire en cet élément. Ainsi à la synthèse des triacylglycérols est associé une
localisation spécifique au sein des corps lipidiques (2.2.2.2), le retard pris à la constitution de
ces compartiments limiterait la synthèse des triacylglycérols et la rendrait impossible dès lors
que le taux intracellulaire en phosphore serait en deçà d’un seuil permissif pour la constitution
des composants biochimiques nécessaires à la constitution de ces corps (protéines,
phospholipides….)
L’évolution de la teneur intracellulaire en différents acides gras en fonction de la teneur en
phosphore intracellulaire pour des cultures de Y. lipolytica wT en carence ou limitation
phosphore est représentée par la Figure 47. Pour toutes les expériences, le profil en acides
gras en croissance sur glucose et sans limitation azote (Figure 48) est similaire à celui
retrouvé dans la littérature pour cette souche dans les mêmes conditions de croissance
(Cescut, 2009).
176
0.06
0.035
Carence P
Limitation P
0.05
0.030
0.025
0.04
C16:1
C16
0.020
0.03
0.02
0.015
0.010
0.01
0.005
0.00
0.000
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0
0.2
0.4
TRPI
0.030
0.020
Carence P
Limitation P
0.025
0.018
0.016
0.014
0.012
0.015
C18:1
C18
0.020
0.010
0.010
0.008
0.006
0.005
0.004
0.000
0.002
0.000
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0
0.1
0.2
0.3
TRPI
0.06
0.014
Carence P
Limitation P
0.05
0.012
0.010
0.04
C18:3
C18:2
0.008
0.03
0.02
0.006
0.004
0.01
0.002
0.00
0.000
0.0
0.2
0.4
0.6
TRPI
177
0.8
1.0
1.2
0.0
0.2
0.4
0.035
Carence P
Limitation P
Carence P
Limitation P
0.030
0.025
C16:1
0.020
0.015
0.010
0.005
0.000
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0
0.2
0.4
0.6
TRPI
0.8
1.0
1.2
TRPI
0.020
Carence P
Limitation P
Carence P
Limitation P
0.018
0.016
0.014
C18:1
0.012
0.010
0.008
0.006
0.004
0.002
0.000
0.6
0.8
1.0
1.2
0.0
0.1
0.2
0.3
TRPI
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
TRPI
0.014
Carence P
Limitation P
Carence P
Limitation P
0.012
0.010
C18:3
0.008
0.006
0.004
0.002
0.000
0.6
TRPI
0.8
1.0
1.2
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
TRPI
Figure 47 : Evolution du taux en différents acides gras composant les lipides accumulés (mgAG/gX) en
fonction du taux relatif en phosphore intracellulaire (TRPI) pour des cultures de Y. lipolytica en carence
ou limitation phosphore. Le taux en lipides structuraux n’est pas représenté.
178
En carence phosphore, la teneur en acides gras à longueur de chaine 16 carbone et en C18 et
C18:2 augmente avec la baisse en phosphore intracellulaire, soit avec l’accumulation
lipidique. Au contraire, l’oléate est accumulé jusqu’à un TRPI de 0,55 puis son taux
intracellulaire diminue au-dessous de cette valeur. Le taux en linolénate (C18:3 est quant à
lui constant quelque soit le taux en phosphore intracellulaire. Les constatations sont
identiques pour les expériences en limitation phosphore, pour lesquelles les acides gras C16,
C16:1, C18 et C18:2 s’accumulent avec la baisse du taux relatif en phosphore intracellulaire.
L’acide linolénique présente quant à lui un taux relativement constant. Par contre, l’acide
oléique n’est quant à lui presque pas accumulé. Pourquoi cet acide gras est le seul à ne pas
être accumulé en limitation phosphore alors qu’il est accumulé puis « reconsommé » en
carence phosphore ?
% acide gras (gAg/gLipide accumulé)
35
croissance (limN)
accumulation (LimN)
croissance (LimP) Phase 1
accumulation (LimP) Phase 2
accumulation (LimP) Phase 3
accumulation (LimP) Phase 4
30
25
20
15
10
5
0
C16
C16:1
C18
C18:1
C18:2
C18:3
Acide gras
Figure 48 : Comparaison des profils en acides gras entre la croissance et l’accumulation lipidique pour
deux types de limitations : azote (Cescut, 2009) et phosphore de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose.
La Figure 48 montre les différences entre les profils d’acides gras accumulés obtenus par les
deux types de limitations (azote et phosphore). Alors que le profil pour les acides gras C16,
C16 :1 et C18 :2 restent identiques en fin d’accumulation pour les deux types de limitations,
l’évolution de deux acides gras C18 et C18 :1 est assez particulière. En effet, en début
d’accumulation, le taux en stéarate est conforme au taux retrouvé en limitation azote, puis lors
de la phase III, son taux diminue pour ensuite augmenter en phase IV au-delà du taux retrouvé
en limitations azote. L’évolution du taux en oléate est strictement inverse. Le taux en
linolénate est lui très faible en phases III et IV. Il semble donc qu’il y a accumulation de
179
stéarate aux dépends de l’oléate et du linolénate. Est-ce dû à une limitation de la désaturation
au niveau de la première insaturation (oléate) puis de la troisième (linolénate) ? La
désaturation nécessite du pouvoir réducteur et donc indirectement de l’énergie, donc du
phosphore, mais pourquoi une telle préférence pour l’acide linoléique ?
La Figure 49 représente l’évolution du degré d’insaturation en fonction du taux en phosphore
intracellulaire de culture de Y. lipolytica wT en carence ou limitation phosphore. Le degré
d‘insaturation (1,12 en moyenne) retrouvé en phase de croissance des cultures est proche de
celui retrouvé en croissance sur glucose dans la littérature (1,10) (Cescut, 2009). Cependant,
alors qu’en limitation azote le degré d’insaturation augmente avec l’accumulation en lipides
pour atteindre une valeur de 1,2 (Cescut, 2009), le degré d’insaturation diminue en limitation
phosphore jusqu’à une valeur de 0,9. Bien que les taux en acides linoléiques soient
indentiques pour les deux limitations, le fait que le stéarate soit surreprésenté par rapport à
l’oléate et au linolénate entraine une baisse du degré d’insaturation des acides gras accumulés.
30
Limitation P
Carence P
25
P/X* (mg/g)
20
15
10
5
0
0.85
0.90
0.95
1.00
1.05
1.10
1.15
1.20
degré d'insaturation
Figure 49 : Evolution du taux en phosphore intracellulaire réel en fonction du degré d’insaturation lors de
cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et en limitation phosphore.
180
4.1.6. Conclusion
Nous avons pu démontrer que :
- Le taux en phosphore intracellulaire en croissance est de 27 mg P.gX*-1. Cependant, la
production de biomasse catalytique uniquement est toujours possible pour des valeurs
inférieures (jusqu’à 21 mgP.gX*-1). Le taux des différentes classes de lipides accumulés (acides
gras libres, triacylglycérols, …) est relativement identique jusqu’à un taux en phosphore
intracellulaire de 15 mgP.gX*-1. Cette adaptation serait très probablement due à la présence de
polyphosphates de réserves dans les cellules (Kulaev, 2005). L’utilisation de ces
polyphosphates pour palier à une carence ou limitation en phosphore ferait diminuer le taux
en phosphore intracellulaire mais permettrait de conserver une activité métabolique de
croissance pure.
- Le taux en phosphore intracellulaire minimal pour lequel la croissance et les synthèses de
substances de réserves sont inhibées est d’environ 4 ou 5 mg P.gX*-1.
- Le déclenchement de l’accumulation en polysaccharides est induit par une limitation en
phosphore et, à l’instar d’une limitation en azote (Cescut 2009), avant le déclenchement de
l’accumulation en lipides, lors de la phase de transition. Cependant, lors d’une limitation en
azote, les polysaccharides ne sont produits que pendant cette phase de transition et peuvent
être reconsommés si l’apport en carbone est limité (Cescut, 2008 ; Cescut, 2009). Or, lors
d’une limitation phosphore, les polysaccharides peuvent être produits et reconsommés tout au
long de la culture. De plus, il est possible de limiter l’apport en carbone afin de ne produire
presque que des lipides (condition b). Cette production de polysaccharides entrainerait aussi
une surdissipation d’énergie.
- La répartition du carbone dans la cellule entre la biomasse, les polysaccharides et les lipides
n’est pas directement contrôlée par les flux en phosphore et carbone ou par la quantité de
phosphore intracellulaire. Cependant, il y a une corrélation entre le taux de croissance de la
biomasse catalytique et la production de lipides. Cette corrélation pourrait être due à la
diminution du taux en phosphore intracellulaire dans la biomasse, et donc indirectement au
flux de phosphore. De même, la production en polysaccharides semble très probablement
avoir pour rôle de rediriger le flux de carbone excédentaire. De ce fait, la synthèse en
polysaccharides serait donc indirectement couplée au flux de carbone.
- Le déclenchement de l’accumulation en citrate apparait lorsque le rapport ΦC/ΦP est
supérieur à 8800 Cmole/mole, soit lorsque le rapport est très élevé mais aussi uniquement
181
lorsque le taux en phosphore intracellulaire est très faible et inférieur à 5 mgP.gX*-1, valeur
seuil identique à l’arrêt des fonctions anaboliques des cellules.
- Une carence en phosphore, bien que n’entrainant pas de production de citrate ne permet pas
une accumulation en lipides significative, soit à peine 0,10 Cmole.Cmole X-1. En effet, en
limitation phosphore, les activités de synthèse lipidique sont maintenues sur une plus longue
période, ce qui permet d’accumuler une plus grande quantité de lipides.
Bien que les performances atteintes en matière de taux d’accumulation et de vitesses
d’accumulation en lipides soient inférieures à celles retrouvées en limitation azote (Tableau
31), nous avons pu voir que la redirection du carbone en limitation phosphore est beaucoup
plus complexe qu’en limitation azote. Ainsi, lorsque le carbone est en excès par rapport aux
demandes pour la production de biomasse et de lipides, celui-ci est en premier lieu redirigé
vers l’accumulation de polysaccharides avant d’être ensuite redirigé vers la production de
citrate, voie préférentielle en limitation azote lorsque le glucose est en excès. De plus, le
phosphore semble jouer un rôle sur la régulation de l’entrée du glucose (le glucose en excès
est accumulé dans le milieu), contrairement à ce qui est retrouvé en limitation azote. Ce
constat nous permet d’imaginer une conduite simplifiée de culture alliant les deux
limitations : la limitation azote permettant de meilleurs rendements et vitesses et une autre
limitation phosphore agissant comme « garde-fou » afin d’éviter le déclenchement de la
production de citrate si le flux de glucose est excédentaire et redirigeant ce flux vers
l’accumulation en polysaccharides qui seraient reconsommés plus facilement et non délétères
à la croissance et à la synthèse lipidique.
En ce qui concerne les lipides accumulés, une limitation en phosphore entraîne
l’accumulation d’acides gras libres à un taux maximal d’environ 0,1 g.gX-1. Ce taux semble
inhiber l’accumulation lipidique. Afin que le taux intracellulaire en acides gras libres soit
inférieur à cette valeur, il faut que ces acides gras libres soient estérifiés en triacylglycérols.
Pour cela, un flux de phosphore minimal semble être nécessaire. En effet, l’accumulation en
acides gras et monoacylglycérols démontre que l’étape limitante de la synthèse des
triacylglycérols n’est pas la synthèse d’acides gras ni la synthèse de monoacylglycérols et
diacylglycérols mais la formation de triacylglycérol. Cette dernière étape semble nécessiter un
apport en phosphore plus important.
Le phosphore influe sur la composition en acides gras totaux, surtout en ce qui concerne le
degré d’insaturation. Alors qu’une limitation en phosphore entraîne la synthèse de tous les
182
acides gras, il semble qu’il soit nécessaire à l’insaturation en oléate (le stéarate s’accumule
plus rapidement que le linoléate et linolénate). Le doublement de l’apport en phosphore
relance la synthèse en oléate. Le taux en oléate suit inversement la vitesse de synthèse de
lipides : cet acide gras est-il inhibiteur de la synthèse de lipides ?
L’hypothèse posée par Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009) est qu’un degré
d’insaturation élevé peut être responsable d’un faible taux d’accumulation en lipides plutôt
que le taux intracellulaire en acides gras libres lui-même. Les résultats analysés ci-dessus
montrent que le degré d’insaturation des acides gras intracellulaire est faible car l’oléate
intracellulaire est remplacé par du stéarate. Le degré d’insaturation n’est donc pas responsable
du faible taux d’accumulation en limitation phosphore.
Plusieurs hypothèses permettent donc d’expliquer le faible taux d’accumulation en lipides lors
d’une limitation phosphore et le fait que le taux d’accumulation en réserves carbonées chez Y.
lipolytica ne dépasse pas 0,5 Cmole.Cmole -1 de biomasse :
- Une limitation en un élément (azote ou phosphore) joue sur les capacités enzymatiques ou
énergétiques de la cellule. L’azote est nécessaire aux protéines composant les corps lipidiques
et aux enzymes synthétisant les acides gras et les triglycérides accumulés. Le phosphore est
incorporé dans les molécules d’ATP nécessaires aux synthèses des lipides accumulés. Une
limitation en un de ces éléments induit donc la synthèse lipidique mais pourrait en même
temps limiter la capacité de synthèse et de stockage des lipides accumulés.
- Le taux en acides gras libres intracellulaire est élevé en limitation phosphore (0,10 g.gX-1).
L’estérification des acides gras en triacylglycérols a été induite lors d’un doublement de
l’apport en phosphore. Le taux intracellulaire en acides gras est-il inhibiteur de la synthèse de
lipides ?
- La capacité d’accumulation maximale de la souche a été atteinte. La cellule ne pourrait
accumuler plus de carbone, soit par des régulations physiologiques plus complexes, soit parce
que la cellule a une taille et forme maximale limitant la capacité d’accumulation.
183
4.2.
Etude de l’accumulation de réserves carbonées sans
induction par une limitation nutritionnelle sur co-substrats
glucose et oléate
Afin de valider ou d’invalider une ou plusieurs des hypothèses précédentes, des expériences
d’accumulation de lipides sans limitation nutritionnelle sont étudiées afin de s’affranchir des
effets secondaires dû à l’utilisation d’un élément limitant dans la culture. L’objectif est donc
d’amener à la cellule un pool en acides gras nécessaires à l’accumulation lipidique sans qu’il
y ait de biosynthèse de la part des cellules. Afin d’éviter un effet délétère de l’insaturation sur
l’accumulation lipidique, l’acide gras choisi est l’oléate. Son taux d’insaturation (1,0) est
identique à celui de la souche en croissance (1,01). Cependant, afin de fournir le carbone
nécessaire à la cellule pour former la biomasse et le glycérol composant les triacylglycérols,
du glucose est aussi apporté aux cultures. Ces dernières seront donc réalisées sur co-substrats
glucose et oléate.
L’utilité de l’acide oléique dans l’accumulation de lipides est controversée. Papanikolaou
(Papanikolaou 1998) a pu voir que l’acide oléique est plutôt utilisé pour la croissance et le
métabolisme énergétique alors que Tan et Gill (Tan and Gill 1984) ont pu voir l’inverse. De
plus, l’accumulation de lipides ne requiert pas de limitation nutritionnelle sur substrat
lipidique (Aggelis et al. 1995; Aggelis and Sourdis 1997; Papanikolaou 1998). Il serait aussi
intéressant de voir si l’acide oléique est uniquement incorporé dans la cellule comme
molécule énergétique et de réserve ou s’il est remanié (modification de l’insaturation ou de la
longueur de chaîne) avant d’être accumulé (Montet et al. 1985). Le taux de croissance sur
substrat lipidique (et plus particulièrement l’acide oléique) est très variable selon les études
menées. Il varie entre 0,23 et 0,28 h-1 pour l’acide oléique. Il en est de même pour les
rendements substrat/biomasse (qui varient entre 1,40 et 2,63 Cmole de lipides
accumulés/Cmole de substrat. Ces différences peuvent s’expliquer par l’utilisation de milieux
riches mais aussi par les différences physiologiques entre chaque souche.
Le glucose est un substrat qui est métabolisé par Y. lipolytica et qui, en limitation azote et
phosphore, permet la synthèse de lipides accumulés. Tout d’abord, il serait intéressant de voir
quel substrat (acide oléique ou glucose) est utilisé préférentiellement et si un des substrats
184
induit la répression de l’assimilation de l’autre, ou au contraire, un effet bénéfique. Chez
Saccharomyces cerevisiae, l’ajout d’acide oléique en métabolisme oxydatif retarde le passage
de la levure en métabolisme fermentaire lors de l’augmentation brusque de la concentration en
glucose dans le milieu (Feria-Gervasio et al. 2008). Feria-Gervasio et al. pensent que l’acide
oléique pourrait induire l’expression de certains gènes contrôlée par les éléments de réponse à
l’oléate. Papanikolaou (Papanikolaou 1998) compare l’accumulation de lipides sur glucose et
stéarine et sur glycérol et stéarine et pose l’hypothèse selon laquelle la présence d’acides gras
pourrait inhiber la redirection du flux de carbone vers la voie des pentoses phosphates et donc
inhiber la consommation de glucose.
Enfin, Granger (Granger et al. 1993), observe que les vitesses de synthèse d’acides gras et de
glycérol sont corrélées pour la production de triacylglycérols. Si la vitesse de synthèse
d’acides gras est trop rapide, ces derniers auraient un potentiel plus élevé d’être insaturé. Hors
un degré d’insaturation élevé serait inhibiteur de l’accumulation lipidique. Au contraire, si la
vitesse de synthèse du glycérol est plus rapide, il n’y a pas assez d’acides gras nécessaires à la
formation de triacylglycérols, et le glycérol est redirigé vers la synthèse d’acide citrique.
Il semble donc important de réguler la synthèse du glycérol afin que l’accumulation soit
optimale sans pour autant dépasser les limites de production de glycérol de la souche.
Ces expériences sont donc conçues pour permettre de répondre aux questions suivantes :
-
l’assimilation de l’oléate est-elle réprimée par la présence de glucose comme cosubstrat ?
-
Quels sont les paramètres d’une croissance sur glucose/oléate (taux de croissance,
coefficient respiratoire …) ?
-
L’oléate est-il catabolisé, directement incorporé et/ou accumulé par la cellule ? S’il est
accumulé, sous quelle forme ? : est-il estérifié et/ou modifié dans sa longueur de
chaine ou son nombre d’insaturations ?
-
Peut-on remplacer le flux de glucose entièrement par le flux d’oléate ?
-
Quels sont les paramètres d’une croissance sur oléate seul (taux de croissance,
coefficient respiratoire …) ?
-
Un taux intracellulaire en acides gras libres supérieur ou égal à 0,10 g.g X-1 permet-il la
synthèse de triacylglycérols ?
185
4.2.1. Conduite des cultures
Les cultures sont réalisées sans limitation nutritionnelle. Il est recherché une conduite en
mode oxydatif avec un taux de croissance contrôlé par l’apport en substrat carboné (glucose
et/ou oléate). Le carbone est apporté par deux substrats :
le glucose, de nature osidique, permettant la formation de biomasse catalytique et la synthèse
du glycérol nécessaire à la synthèse des triacylglycérols
l’oléate, de nature lipidique, amenant le pool d’acides gras nécessaire à la synthèse des
triacylglycérols.
L’azote est apporté par la régulation de base, elle est donc ajustée à la demande de la
biomasse. La solution saline d’alimentation, contenant les sels nécessaires à la croissance,
sont apportés selon un rapport de 10 par rapport au carbone et leur apport est calculé pour être
d’un facteur d’excès de 1,2. Leur apport a donc été non limitant tout au long des cultures.
Deux expériences sont réalisées :
-
la première appelée « flux glycolytique limitant » présente un apport en glucose
limitant lorsque de l’oléate est apporté pour la première fois à la culture.
-
La seconde appelée « flux glycolytique maximal » présente un apport en glucose
excédentaire par rapport à la demande de la biomasse lorsque l’oléate est ajouté la
première fois à la culture.
Les cultures sont donc conduites de la manière suivante :
-
Phase 1 : croissance sur glucose et ajout d’oléate :
Flux glycolytique limitant : Le glucose est apporté de manière exponentielle, le flux
glycolytique étant limitant jusqu’à 13h et calculé pour permettre un taux de croissance de
0,15h-1. En début de culture, 1,5g d’oléate sont ajoutés par litre de milieu de culture.
Flux glycolytique maximal : non réalisé.
-
Phase 2 : croissance sur glucose à flux maximal :
Flux glycolytique limitant : Lorsque l’oléate est totalement consommé, le glucose est ajouté
en cycles d’ajouts de manière à obtenir un flux glycolytique maximal. Dans ces conditions, le
taux de croissance attendu est de 0,26 h-1.
186
Flux glycolytique maximal : Le glucose est apporté de manière à maximiser le flux
glycolytique par le déclenchement de cycles d’ajouts de glucose. Le glucose résiduel est
calculé pour être au maximum de 1,5 g.L-1. Le taux de croissance attendu est le taux de
croissance maximal sur glucose soit 0,26 h-1.
-
Phase 3 : ajout d’oléate à flux glycolytique maximal :
Flux glycolytique limitant : Lorsque la concentration en glucose n’est pas limitante, 5g
d’oléate par litre de milieu de culture sont ajoutés. Puis 5 autres grammes d’oléate par litre de
milieu sont ajoutés deux heures après.
Flux glycolytique maximal : Alors que le flux glycolytique est maximal et que la
concentration en glucose résiduel est non nulle, 5 g d’oléate sont ajoutés par litre de milieu de
culture.
-
Phase 4 : croissance sur glucose et oléate à flux limitants :
Enfin, pour les deux cultures, les deux substrats sont apportés à un débit constant pour que le
flux diminue en fonction de la croissance de la biomasse. Les débits sont ensuite réajustés
pour augmenter progressivement le rapport en oléate à 100 % (Cmole d’oléate/mole de
carbone) et celui en glucose à 0 %.
4.2.2. Résultats bruts
Pour la culture à flux glycolytique limitant, la biomasse totale atteinte est de 817 g dont 0,10
g.g-1 de lipides totaux intracellulaires (Figure 50a): il n’y a pas d’accumulation de lipides au
point final. Environ 1423g de glucose et 132,4g d’oléate ont été consommés.
Pour la culture à flux glycolytique maximal (Figure 50b), la biomasse totale formée est de
3874 g dont 0,36 g de lipides.g-1 de biomasse. Un maximum de 0,39 g de lipides accumulés.g1
de biomasse totale ont été obtenus à 37h de culture. En fin de culture, 3360 g de glucose et
2520 g d’oléate ont été consommés.
187
I
Biomasse totale et catalytique
et lipides accumulés (Cmole)
40
II
III
IV
X cat
Lipides acc
X totale
30
20
10
0
0
5
10
15
20
25
30
35
Temps (h)
II
Biomasse totale et catalytique
et lipides accumulés (Cmole)
200
III
(a)
IV
X cat
Lipides acc
X totale
150
100
50
0
0
20
40
Temps (h)
60
80
(b)
Figure 50 : Evolution de la composition de la biomasse en fonction du temps pour les cultures de Y.
lipolytica wT sur glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b). Les mesures sont
représentées par les points et les valeurs réconciliées par les lignes.
188
4.2.3. Assimilation de l’oléate
La Figure 51 représente l’évolution du coefficient respiratoire et débits d’apport en glucose et
oléate en fonction du temps pour les deux expériences. Pour les deux expériences, la
concentration en oléate dans le milieu est nulle.
Pour l’expérience à flux glycolytique limitant (a), le coefficient respiratoire initial moyen est
de 0,8 jusqu’à 10h de culture, ce qui est contraire au coefficient respiratoire retrouvé en
croissance moyen de 1 de cultures sur glucose seul (Cescut, 2009). Puis, le coefficient
respiratoire remonte à une valeur de 1,0 pour se stabiliser jusqu’à 16h. A l’ajout en oléate à 16
et 18h, le coefficient respiratoire rediminue jusqu’à une valeur de 0,8 puis remonte à 20h de
culture.
Pour l’expérience (b), le coefficient respiratoire en début de culture (jusqu’à 19h, avant l’ajout
en oléate) moyen est lui de 1,0 puis de 1,1 entre 19h et 20h. Pendant l’expérience (b), la
croissance est donc bien sur glucose uniquement. A l’ajout en oléate à 20h, le coefficient
respiratoire diminue a une valeur de 1,0 puis rediminue en suivant l’augmentation du débit
d’oléate avec une valeur minimale proche de 0,6 lorsque l’oléate représente 100% du flux
carboné (après 70h de culture).
Le suivi du taux en croissance en fonction des vitesses de consommation en substrats
carbonés pour les deux expériences confirme les observations précédentes (Figure 52) : pour
la culture (a), le taux de croissance initial (0,30 h -1) est plus élevé que le taux de croissance
attendu par l’ajout de glucose seul (0,15 h-1). La baisse du coefficient respiratoire et
l’augmentation du taux de croissance ainsi que l’absence d’oléate dans le milieu extérieur
entre 0 et 5h de la culture (a) alors que le flux glycolique est limitant montre que l’oléate est
assimilé par les cellules. Puis, le taux de croissance est stabilisé à 0,15 h -1 entre 5 et 10h de
culture, taux de croissance correspondant à l’apport en glucose. Cependant, le coefficient
respiratoire est toujours à 0,8 et non à une valeur de croissance sur glucose (Figure 51a). La
croissance à ce moment-là n’est donc pas uniquement due au glucose et de l’oléate est
toujours utilisé pour la croissance. De 10 à 15h, le taux de croissance réaugmente à une valeur
de 0,26 h-1 (Qr = 1) : la croissance est sur glucose uniquement, a flux glycolytique maximal. A
l’ajout en oléate à 16 et 18h, le taux de croissance réaugmente jusqu’à une valeur de 0,30 h -1,
pour rediminuer lorsque les flux en glucose et oléate sont limitants. Il en est de même pour la
culture (b) (Figure 52b), où le taux de croissance en phase de croissance sur glucose seul (de 0
189
à 20h) à flux maximal (glucose résiduel non nul) est de 0,26 h-1. A l’ajout en oléate à 20h, le
taux de croissance atteint une valeur de 0,31 h-1 et l’oléate résiduel dosé dans le milieu
extérieur est nul. Enfin, lorsque les flux carbonés sont limitants, le taux de croissance
diminue.
Coefficient respiratoire (Qr)
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
rGlc
Qr
rOlé
0
0.0
-1
-0.1
-2
-0.2
-3
-0.3
-4
débit d'apport en oléate (Cmole/h)
1
débit d'apport en glucose Glucose (Cmole/h)
1.2
-0.4
0
5
10
15
20
25
30
35
Temps (h)
4
2
1
1.2
0
-1
1.0
-2
0.8
-3
0.6
-4
0.4
-5
0.2
0
-6
0.0
-7
0
20
40
60
Temps (h)
0
-1
-2
-3
-4
débit d'alimentation en oléate (Cmole/h)
6
1.4
débit d'alimentation en glucose (Cmole/h)
Glucose résiduel (g/L)
8
Coefficient respiratoire (Qr)
10
(a)
-5
80
Qr
rGlc
rOlé
Glc résiduel
(b)
Figure 51 : Evolution du coefficient respiratoire et de l’apport en substrat carboné d’une culture de Y.
lipolytica wT sur glucose et oléate a flux glycolytique limitant (a) ou maximal (b) en fonction du temps.
Nous pouvons en conclure que l’oléate est assimilé par les cellules, que le flux en glucose soit
limitant ou non. Il est même entièrement consommé dans le cas de l’expérience (a) (pas
d’accumulation en lipides (4.2.2)). Le glucose, bien qu’à une concentration dans le milieu de
culture de presque 3 g/L ne réprime pas l’assimilation de l’oléate par les cellules. L’oléate
190
présent ensuite consommé pour la croissance, ce qui entraine un taux de croissance plus élevé
0.0
0.25
-0.1
0.20
-0.2
µ*
0.15
-0.3
q*Glc
q*Oléate
0.10
-0.4
0.05
-0.5
0.00
-0.6
0
5
10
15
20
25
30
0.35
0.1
0.30
0.00
0.0
-1
taux de croissance (h )
vitesse spécifique de consommation du glucose (Cmole/Cmole/h)
Temps (h)
35
-0.1
-0.2
-0.3
0.25
-0.02
0.20
-0.04
0.15
-0.06
0.10
-0.08
0.05
µ
-0.4
-0.10
q*Olé
0.00
q*Glc
-0.5
-0.12
0
20
40
Temps (h)
60
80
0
-2
-4
-6
-8
-10
vitesse spécifique de consommation d'oléate (Cmole/Cmole/h)
0.30
(a)
vitesse spécifique de consommation d'oléate (Cmole/Cmole/h)
-1
taux de croissance (h )
0.35
vitesse spécifique de consommation de glucose (Cmole/Cmole/h)
de 0,3h-1 et une baisse du coefficient respiratoire.
(b)
Figure 52 : Taux de croissance réel et vitesses spécifiques réelles de consommation d’oléate et de glucose
pour des cultures de Y. lipolytica sur glucose et oléate en flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) en
fonction du temps.
191
4.2.4. Accumulation de lipides
La Figure 53 représente le taux en lipides accumulés et le rapport du flux d’oléate sur le flux
de carbone total en fonction du temps pour les deux expériences. Pour l’expérience à flux
glycolytique limitant (a), le taux en lipides accumulés à 5h est de 10% (Cmole.Cmole x-1). Il
diminue ensuite et augmente à 25% après les ajouts d’oléate de 16 et 18h pour diminuer et
devenir nul en fin de culture. Le flux de carbone apporté ne permet pas de conserver un taux
en lipides accumulés positif.
Lors de l’expérience (b), le taux initial en lipides accumulé est nul. Il augmente lorsque le flux
en oléate augmente, soit à 20h de culture. Le taux en lipides atteint un maximum de 50% à
40h, lorsque le flux en oléate représente 75% du carbone apporté. Il rediminue avec la
diminution du flux en oléate à 60% du carbone apporté et augmente pour se stabiliser vers
45% quelque soit la part de l’oléate en fonction du carbone consommé qui passe de 65 à
100% à 70h. Le flux en carbone, bien que limitant, permet de conserver un taux en lipides
accumulés de 45%.
L’augmentation du taux en lipides intracellulaires lorsque de l’oléate est apporté aux cultures
montre que l’oléate est incorporé dans les cellules pour y être stocké quelle que soit la
quantité apportée dans le milieu de culture. Lorsque le flux de carbone n’est pas suffisant pour
la croissance, une partie de cet oléate est assimilée comme source de carbone à une vitesse
plus faible que son incorporation dans la cellule.
Nous avions auparavant démontré qu’il pouvait être assimilé par les cellules pour la
croissance (4.2.3), ce qui est visible aussi lors de la culture (a) où les lipides accumulés à 18h
de culture sont ensuite reconsommées (taux en lipides accumulés nul). Cependant, les lipides
stockés dans les cellules se trouvent sous quelle forme ? L’oléate est-il stocké directement ou
transformé sous forme de triglycérides ?
192
120
100
0.25
80
0.20
60
Lipides
q*Olé/q*C
0.15
40
0.10
20
0.05
0
qOléate/q*Carbone total (Cmole/Cmole)
Lipides accumulés (Cmole/CmoleX)
0.30
0.00
5
10
15
20
25
30
35
% lipides (Cmole/CmoleX)
Temps (h)
(a)
60
120
50
100
40
80
30
60
20
40
10
20
0
0
% lipides
q*Olé/q*C
20
40
60
Temps (h)
q*Oléate/q*Carbone consommé (Cmole/Cmole)
0
80
(b)
Figure 53 : Evolution du taux en lipides accumulés et du rapport des flux d’oléate consommé par rapport
en flux de carbone total pour des cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux carboné limitant
(a) et maximal (b) en fonction du temps.
193
4.2.5. Incorporation et modifications de l’oléate accumulé
L’évolution de la composition lipidique et des acides gras accumulés lors des deux
expériences est représentée par la Figure 54. Pour l’expérience (a), les ajouts en oléate à 16 et
18h augmentent de manière fulgurante le taux intracellulaire en acides gras libres à une valeur
de 0,12 g.gX-1. Le taux en monoacylglycérols et en diacylglycérols n’est pas modifié de
manière significative tout au long de la culture alors que le taux en triacylglycérols est lui
augmenté (0,04 g.gX-1) après le dernier ajout en oléate à 18h. Ensuite, les taux en acides gras
libres et triacylglycérols redescendent en dessous de leur taux initial : ils sont consommés car
l’apport en carbone est limitant pour la croissance. En ce qui concerne l’expérience (b),
l’ajout d’oléate à 20h entraine une augmentation importante en acides gras libres jusqu’à une
valeur maximale de 0,33 g.gX-1 à 40h ainsi qu’une légère augmentation transitoire des
monoacylglycérols entre 20 et 30h. À partir de 30h, alors que le taux en acides gras libres est
déjà de 0,3 g.gX-1, la synthèse en triglycérides commence. La teneur en triacylglycérols
augmente au fur et à mesure que celle en acides gras diminue et atteint une valeur de 0,27
g.gX-1 alors que celle en acides gras en fin de culture est de 0,1 g.g X-1.
L’oléate ajouté lors des cultures est donc instantanément stocké puis estérifié sous forme de
triacylglycérols, mais avec une vitesse plus lente. Un taux intracellulaire en acides gras élevé
n’est pas délétère à la synthèse de triglycérides à partir d’acides gras. De même, nous ne
pouvons pas affirmer que le taux en acides gras libres intracellulaire est délétère à
l’accumulation de lipides. En effet, bien que le taux en acides gras libres ait atteint une valeur
très élevée durant l’expérience (b), l’accumulation en lipides est arrêtée alors que le taux en
acides gras intracellulaire atteint son maximum et que le taux en lipides accumulés est lui
aussi à son maximum (0,50 Cmole.Cmole X-1). Est-ce dû à la baisse de l’apport en oléate par
rapport au carbone total apporté ou à une régulation physiologique de la cellule empêchant
une plus grande accumulation ? La synthèse en triacylglycérols commence lorsque le taux en
acides gras libres est de 0,2 g.gX-1. La synthèse de triacylglycérols est-elle lancée car
l’important taux intracellulaire en acides gras devient délétère à la cellule afin de
« neutraliser » ces acides gras ?
194
Taux en différentes classes de lipides (g/gX)
0.14
Monoacylglycérols
Acides gras libres
Triacylglycérols
Diacylglycérols
0.12
0.10
0.08
0.06
0.04
0.02
0.00
5
10
15
20
25
30
35
Temps (h)
(a)
Taux en différentes classes de lipides (g/gX)
0.4
Monoacylglycérols
Acides gras libres
Triacylglycérols
Diacylglycérols
0.3
0.2
0.1
0.0
10
20
30
40
50
Temps (h)
60
70
80
90
(b)
Figure 54 : Evolution de la composition lipidique intracellulaire de cultures de Y. lipolytica wT sur
glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps.
195
La Figure 55a compare le profil en acides gras d’une souche de Yarrowia lipolytica wT en
croissance, en fin d’accumulation lipidique en limitation azote (Cescut, 2009) et lors de trois
phases de la culture (a) (8h, 17, et 30h). Les profils en acides gras en début de culture et après
l’ajout d’oléate sont très semblables entre eux et très différents des données issues de cultures
sur glucose comme seul substrat et en limitation azote (croissance ou fin d’accumulation)
(Cescut, 2009). L’ajout d’oléate dans le milieu modifie donc radicalement le profil en acides
gras des cellules et entraine l’augmentation de la quantité de tous les acides gras, et plus
particulièrement les quantités en oléate et stéarate. Ces deux derniers acides gras sont les
acides gras majoritaires retrouvés tout au long de la culture.
En ce qui concerne l’expérience b (Figure 55b), le profil en début de culture est similaire à
celui retrouvé dans la littérature en croissance sur glucose comme unique substrat et en
limitation azote (Cescut, 2009). Au fur et à mesure que le taux en oléate par rapport au
carbone apporté augmente, les taux en acides gras en longueur de chaine à 16 carbones et en
C18:2 diminuent. Au contraire, les taux en oléate et stéarates augmentent. Le taux en acide
linolénique (C18:3), maximal en croissance, est très faible dès que l’oléate est apporté à la
culture et, bien que son taux augmente, il reste faible tout au long de la culture.
196
pourcentage d'acide gras (g/g d'acide gras total)
50
40
croissance
accumulation en limitation azote
début de culture (8h)
après ajout d'oléate (17h)
fin de culture (30h)
30
20
10
0
C16
C16:1
C18
C18:1
C18:2
C18
C18:1
C18:2
C18:3
(a)
% acides gras (gAG/gAG totaux)
50
40
croissance
oléate 50%
oléate 70%
oléate 100%
croissance (JC)
accumulation (JC)
30
20
10
0
C16
C16:1
C18:3
(b)
Figure 55 : Profil en acides gras des lipides intracellulaires à différentes phases de culture pour
l’expérience à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) comparé aux profils en phase de croissance et
de fin d’accumulation de triglycérides en limitation azote (Cescut, 2009).
197
L’ajout d’oléate entraîne donc une augmentation en oléate libre dans la cellule, et il ne semble
pas être plus désaturé en linoléate. Au contraire, son insaturation semble « perdue ». De
même, la longueur de chaine n’est pas modifiée : les acides gras à 16 carbones sont sous
représentés.
La consommation d’acides gras accumulés lorsque le flux carboné est limitant (expérience a)
ne permet pas de rétablir le profil de croissance. Il semble donc que les lipides restant dans la
biomasse catalytique et qui semblent ne pas être consommés même sur glucose limitant aient
un profil bien particulier avec une majorité d’acide gras à 18 carbones saturés ou
monoinsaturés.
Ces observations sont confirmées par la Figure 56 : plus le flux d’oléate augmente, plus les
taux en oléate et stéarate augmentent et les taux en linoléate et palmitate diminuent. En effet,
que le taux d’oléate dans la cellule augmente avec l’augmentation du flux d’oléate est logique
puisque ce dernier rentre instantanément dans la cellule. Par contre, il semble qu’il soit
modifié en stéarate pour être moins insaturé. La désaturation en linoléate est quant à elle
inhibée. Cette inhibition de l’insaturation des acides gras à 18 carbones est-elle due à
2D Graph 8
l’augmentation du degré d’insaturation des acides gras par l’augmentation du pool en oléate ?
% acide gras (g/g AG totaux)
0.4
C16
C16:1
C18
C18:1
C18:2
C18:3
0.3
0.2
0.1
0.0
0
20
40
60
80
100
120
q* oléate/q* Carbone consommé (Cmole/Cmole)
Figure 56 : Evolution du taux en acides gras en fonction du rapport du flux d’oléate sur le flux de carbone
consommé total d’une culture de Y. lipolytica wT sur substrats glucose et oléate.
198
Le taux maximal d’accumulation en lipides atteint est de 50% (Cmole.Cmole X-1) (Figure
53b). Cette valeur correspond au taux maximum obtenu sur glucose seul lorsque la synthèse
de lipides est induite par une limitation en azote (Cescut, 2009). Est-ce une limite physique de
la cellule ou les conditions testées sont-elles défavorables à une accumulation plus élevée ?
Rhodotorula glutinis peut accumuler jusqu’à 70% (grammes de lipides par gramme de
biomasse totale) mais le degré d’insaturation des acides gras accumulés est faible (0,75
molinsaturation.molAG-1). Au contraire, Yarrowia lipolytica, en limitation azote, présente un degré
d’insaturation des acides gras accumulés élevé (1,2 molinsaturation.molAG-1). L’hypothèse posée
est que le taux d’accumulation est inversement proportionnel au degré d’insaturation des
acides gras composant les lipides accumulés (Cescut, 2009). En est-il de même pour cette
culture sur oléate ?
Le suivi de l’évolution du degré d’insaturation des acides gras accumulés en fonction du
rapport des flux d’oléate sur le carbone total consommé lors de l’expérience (b) (Figure
57)permet de déterminer l’influence de l’augmentation du taux en oléate de la cellule sur
l’insaturation des acides gras. Le degré d’insaturation en croissance sur glucose seul est de
1,1molinsaturation.molAG-1 en moyenne, ce qui est similaire à la valeur retrouvée pour cette
souche dans ces mêmes conditions (1,01 molinsaturation.molAG-1) (Cescut, 2009). Cependant, dès
que l’oléate est ajouté, le degré d’insaturation diminue fortement entre 0,85 et 0,7
molinsaturation.molAG-1 alors que le degré d’insaturation en fin d’accumulation sur glucose et en
limitation azote est de 1,2 molinsaturation.molAG-1 (Cescut, 2009). La baisse du degré
d’insaturation ne permet pas d’améliorer l’accumulation en lipides dans les cellules au-delà
du pourcentage « limite » obtenu dans toutes les expériences que ce soit en limitation azote ou
phosphore. Le degré d’insaturation des acides gras accumulés n’est donc pas le facteur
limitant l’accumulation en lipides chez Y. lipolytica dans les conditions testées.
199
Degré d'insaturation (mole d'insaturation/mole d'AG totaux)
1.2
1.1
1.0
0.9
0.8
0.7
0.6
0
20
40
60
80
100
120
q* oléate/q*Carbone conso (Cmole/Cmole)
Figure 57 : Evolution du degré d’insaturation en fonction du rapport de flux d’oléate sur celui du carbone
total consommé d’une culture de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate (expérience b).
Cependant, nous pouvons remarquer que plus le pourcentage en oléate par rapport au flux
total de carbone est élevé, moins le degré d’insaturation des acides gras intracellulaires est
élevé. Le flux d’oléate modifie la composition en acides gras, donc le degré d’insaturation. En
augmentant les taux d’oléate et stéarate aux dépends des acides gras plus insaturés (surtout
linoléate), le degré d’insaturation diminue. Or, en fin de la culture (a), alors que tous les
lipides accumulés sont reconsommés, le profil en acides gras est très différent de celui
retrouvé en croissance sur glucose seul (Figure 55a) ; ce qui entraine un degré d’insaturation
égal à 0,88 molinsaturation.molAG-1. Ce très faible degré d’insaturation est principalement dû à la
faible teneur en acide linoléique des acides gras totaux. Il semble que la présence d’oléate
(acide gras monoinsaturé) dans la cellule inhibe l’insaturation des acides gras de la cellule, ce
qui montre que l’oléate réprimerait la désaturation des acides gras intracellulaires. Cette
observation a pu être démontrée par Montet (Montet et al. 1985) pour qui les acides gras
insaturés répriment l’action des désaturases.
200
4.2.6. Conclusion
Nous avons pu démontrer que :
-
L’oléate est assimilé de manière instantanée par la cellule même en excès de glucose.
Ce dernier ne réprime donc pas l’assimilation de l’oléate par la cellule soit parce que
les promoteurs contrôlant les gènes de l’assimilation de l’oléate ne sont pas réprimés
par le glucose, soit parce que la cellule produisant de l’oléate à partir de glucose pour
la production de sa biomasse lève la répression de manière constitutive. L’oléate est
consommé pour la croissance catalytique entrainant une augmentation du taux de
croissance à une valeur de 0,30 h-1 et une baisse du coefficient respiratoire allant
jusqu’à une valeur de 0,6. Ce substrat modifie drastiquement le profil en acides gras
de la biomasse catalytique avec une surreprésentation des acides stéarique et oléiques.
-
L’oléate est aussi stocké dans les cellules sous forme soit d’acides gras libres (oléate et
stéarate) mais aussi sous forme de triacylglycérols. Ces acides gras stockés peuvent
être reconsommés lorsque le flux de carbone est trop limitant pour la croissance. Mais
cela n’est pas obligatoire (expérience b, où le flux en oléate et glucose sont limitants
en fin de culture et où les lipides accumulés restent élevés).
-
L’oléate joue un rôle très important sur la nature des lipides accumulés et structuraux
et les modifie très nettement par rapport aux acides gras retrouvés en croissance ou
accumulation sur glucose et en limitation azote (Cescut, 2009).
-
L’oléate permet l’accumulation lipidique sans limitation nutritionnelle. La capacité
maximale de stockage de lipides sur co-substrat oléate et glucose tend à être de 0,50
Cmole.CmoleX-1. Cette capacité est similaire à celle déterminée en synthèse de lipides
par limitation en azote sur glucose et/ou glycérol (Cescut 2009). La capacité de
stockage du carbone maximale de la souche pourrait être atteinte dans ces deux
conditions.
Nous avons pu voir que le taux d’acides gras libres dans les cellules maximal obtenu est de
0,33 g.gX-1. Ils sont ensuite modifiés pour être incorporés dans les triacylglycérols, mais à une
vitesse beaucoup plus faible. Nous n’avons pas pu démontrer que l’augmentation du taux en
acides gras intracellulaires n’inhibe pas l’accumulation en lipides. La synthèse des
triacylglycérols démarrant plusieurs heures après le début de l’ajout en oléate et sa vitesse de
synthèse étant faible, il semble que cette étape ralentisse l’accumulation de lipides.
201
L’accumulation de lipides par l’ajout d’oléate dans les cultures entraine une diminution du
degré d’insaturation de 1,1 en croissance à 0,7 molinsaturation.molAG-1, valeur retrouvée en
accumulation chez R. glutinis (Granger, 1993). Cependant, le taux d’accumulation obtenu
chez R. glutinis est largement supérieur (0,9 g.gx-1). La capacité maximale d’accumulation
n’est donc pas corrélée au degré d’insaturation des acides gras accumulés. De plus, l’oléate
pourrait inhiber l’insaturation des acides gras intracellulaires.
Deux hypothèses restent donc à confirmer quant à la capacité maximale de l’accumulation en
lipides chez Y. lipolytica wT :
-
le taux en acides gras libres est délétère à l’accumulation lipidique, avec un taux limite
de 0,33g.gx-1,
-
la capacité maximale d’accumulation est physiologiquement ou physiquement fixée à
une valeur spécifique à chaque souche.
202
203
5. CONCLUSION
204
205
À l’instar des plantes, la plupart des microorganismes peuvent accumuler des molécules de
réserves carbonées. Cette capacité à transformer le carbone apporté par l’environnement en
molécules de réserves est induite par une limitation en un élément nutritionnel. Ces molécules
carbonées ont un rôle de réserve de carbone et d’énergie pour les cellules. Il peut s’agir de
polymères de nature osidique comme le glycogène chez S. cerevisiae mais aussi, chez les
microorganismes oléagineux, de triacylglycérols. Ainsi, les microorganismes sont une autre
source de lipides que les plantes pour la production de biocarburants. Les avantages de cette
source de matières premières pour la production de biocarburants sont nombreux : la
production ne dépend pas des conditions climatiques, utilise moins de surface au sol et peut
être géographiquement couplée à la transformation des lipides en biocarburants économisant
les coûts du transport. Enfin, la caractéristique la plus avantageuse pour la production de
biokérosène est la possibilité de contrôler la composition en acides gras des lipides produits
par ces microorganismes : les nombreuses contraintes d’exploitation du kérosène (stabilité,
point de fusion très bas …) entrainent que sa composition soit particulière : des alcanes de
longueur de chaine qui varie de 6 à 14 carbones.
Les avancées sur l’accumulation de lipides chez la levure Y. lipolytica ont permis de
déterminer que les lipides produits par cette levure, de par leur degré d’insaturation élevé, ont
les caractéristiques nécessaires à la production d’un biocarburant répondant aux exigences des
biokérosènes. Cependant, les travaux précédents réalisés par J.Cescut (Cescut, 2009) ont
montré que cette levure présente d’autres caractéristiques particulières rendant l’accumulation
en lipides plus complexes que pour d’autres levures oléagineuses :
- l’apport en carbone doit être contrôlé (Cescut, 2008) afin d’éviter un dépassement des
capacités de la levure à rediriger le carbone vers les voies de biosynthèses et entrainant une
sécrétion de citrate dans le milieu.
- Il existe une valeur seuil d’accumulation en lipides chez cette levure égale à 50% en
carbone, alors que d’autres levures peuvent accumuler 90%.
Ainsi, dans ces travaux, il a été question de tester une autre stratégie d’accumulation de
lipides chez la levure Y. lipolytica dans le but de déterminer certains points clés de la synthèse
et/ou du stockage de lipides expliquant la valeur limite d’accumulation faible chez cette
levure et la synthèse de citrate lors d’un « overflow » de carbone.
La première partie de ces travaux est consacrée à l’accumulation de lipides en limitation
nutritionnelle autre que l’azote : le phosphore. Cette étude permet de déterminer les
206
caractéristiques cinétiques et stœchiométriques de l’accumulation de lipides en limitation
phosphore mais surtout de déterminer la part des éléments nutritionnels (azote et phosphore)
en ce qui concerne les performances d’accumulation en lipides. En effet, l’une des hypothèses
proposée par Cescut (Cescut, 2009) concernant l’atteinte d’une valeur limite d’accumulation
lipidique intracellulaire est que l’azote constitue les enzymes nécessaires à la synthèse et au
stockage de lipides. En choisissant un autre élément limitant, le phosphore, la synthèse et le
stockage de lipides ne seraient plus limités du point de vue structural et cinétique mais du
point de vue énergétique. L’hypothèse posée est que, bien que ces réactions demandent de
l’énergie, la limitation permettrait tout de même de subvenir, du moins en partie, aux besoins
de ces réactions et d’une croissance cellulaire résiduelle.
Trois séries d’expériences ont été réalisées permettant de couvrir une échelle de limitation en
phosphore (C/P) très étendue et différents cas d’apport en phosphore (carence ou limitation)
et en carbone (excès et/ou plus ou moins limitant). Les étapes de conduite de culture ont été
adaptées de celles développées par Julien Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009).
Dans un premier temps, il est réalisé une phase de croissance pure non limitée en carbone et
éléments nutritifs permettant l’épuisement en phosphore dans le milieu. Dans un second
temps, l’apport en phosphore est soit nul soit très faible afin de permettre une dilution du
phosphore intracellulaire d’environ un facteur 3, valeur qui a été déterminée comme optimale
pour la production de lipides lors d’études préliminaires.
Lors de ces expériences, il a été montré que, la teneur en phosphore intracellulaire en
croissance non limitée chez la levure Y. lipolytica wT est de 27 mgP.gX-1 et que la limitation en
phosphore n’a aucune incidence sur la composition en macromolécules et le comportement
macroscopique de la biomasse jusqu’à une dilution du taux en phosphore intracellulaire d’une
valeur de 21 mgP.gX-1. Ces 6 mgP.gX-1 semblent donc non nécessaires au fonctionnement
cellulaire et nous en avons déduit que cette masse correspondait vraisemblablement à une
réserve en phosphore intracellulaire sous la forme de polyphosphates comme il a été souvent
décrit dans la littérature.
Au-dessous de cette valeur de 21 mg P.gX-1, de manière identique à ce qui a été déterminé pour
d’autres microorganismes, le phosphore est un élément induisant la production de réserves
carbonées et limite la croissance cellulaire bien que cette dernière ne soit pas contrôlée
uniquement par l’apport en phosphore. En effet, alors qu’en limitation azote la croissance est
directement contrôlée par l’apport en azote car la cellule conserve un taux en azote
intracellulaire constant, le phosphore est lui un élément très mobilisable par la cellule. Le
207
phosphore se dilue dans la biomasse jusqu’à des valeurs très faibles (3 mgP.gX-1). Ainsi, les
cellules continuent à se diviser même en carence phosphore et pour un même flux de
phosphore, le taux de croissance est variable suivant l’historique de la cellule et son
comportement intrinsèque. Les variables d’apports en substrats ne permettent donc pas, dans
ces conditions, de prédire le comportement des cellules du point de vue de leur croissance
mais aussi pour leurs vitesses de production en réserves carbonées.
En ce qui concerne la synthèse lipidique, celle-ci est deux fois moins élevée lors des
expériences en limitation phosphore (0,22 Cmole.Cmole X-1) qu’en limitation azote (0,50
Cmole.CmoleX-1). Il en est de même pour la vitesse de synthèse lipidique maximale qui est de
0,018 Cmole.CmoleX-1.h-1 lors de nos expériences alors qu’elle est de 0,044 Cmole.Cmole X1
.h-1 en limitation azote. La limitation phosphore ne permet donc pas d’améliorer la synthèse
lipidique. En effet, la cellule ne semble pas organiser ses besoins en énergie pour la
croissance catalytique ni pour la synthèse lipidique. Ceci est visible lorsque les vitesses de
croissance et de synthèses lipidiques sont différentes pour des apports en phosphore et
carbones identiques.
De même que pour une limitation azote, les polysaccharides sont les premières molécules de
réserves à être synthétisées et accumulées. Cependant, alors qu’en limitation azote, cette
production de polysaccharides est retrouvée uniquement lors de la phase de transition entre la
croissance et la production de lipides, en limitation phosphore l’accumulation en
polysaccharides est possible tout au long de la culture. Nous avons pu montrer que les
polysaccharides peuvent être produits ou reconsommés suivant que l’apport en carbone est
limitant pour la production de biomasse et de lipides ou non. Ainsi, nous avons pu voir que,
lorsque l’apport en carbone est augmenté, pour un débit de phosphore constant (et donc un
rapport C/P en augmentation), la vitesse de production en polysaccharides est tout d’abord
augmentée jusqu’à atteindre une teneur intracellulaire de 0,26 Cmole PS.CmoleX-1. Cette valeur
maximale correspond à celle retrouvée dans la littérature en phase de transition (Cescut,
2009). Il semble donc que cette valeur soit la valeur maximale d’accumulation de
polysaccharides chez Y. lipolytica souche sauvage. Au-delà de ce taux d’accumulation, le
rapport C/P augmentant toujours, la synthèse de citrate est déclenchée (pour un rapport C/P de
8800 CmoleClc.moleP-1) et du glucose est accumulé dans le milieu de culture. Nous en
déduisons que la synthèse en citrate semble avoir lieu lorsque la teneur en polysaccharides est
maximale. Le carbone excédentaire ne peut plus être redirigé vers la synthèse de
208
polysaccharides et prend donc la voie de la synthèse du citrate. A cela s’ajoute une régulation
du flux de carbone dans la cellule entrainant une accumulation de glucose dans le milieu.
Du point de vue de l’assimilation en carbone, la limitation en phosphore a l’avantage de
permettre une plus grande variabilité dans la conduite sans production de citrate. Mais
l’inconvénient majeur est ne pas pouvoir prédire la répartition de ce carbone dans la cellule
entre les différentes macromolécules (biomasse catalytique, lipides et polysaccharides). Au
contraire, une limitation en azote nécessite un suivi et un contrôle très fin de l’apport en
carbone pour la synthèse lipidique, conduite difficile à réaliser industriellement. Mais l’apport
en azote permet de contrôler le taux de croissance catalytique et ainsi la répartition du carbone
intracellulaire mais, dans ces conditions, l’assimilation de carbone n’est pas régulée par la
cellule. Il est donc envisageable de réaliser une culture en double limitation azote/phosphore
avec le glucose comme substrat afin de contrôler la croissance et donc la répartition du
carbone dans la cellule par l’azote mais aussi de réguler plus finement et facilement l’entrée
de carbone dans la cellule par une limitation phosphore.
Des études ont déjà été réalisées sur une double limitation azote et phosphore chez d’autres
levures oléagineuses dans un but d’améliorer l’accumulation lipidique mais sans minimiser
voire supprimer la production de citrate. Granger (Granger et al., 1993) a testé l’effet d’une
double carence azote/phosphore sur la production de lipides (acide α-linoléique
principalement) d’une souche de Rhodotorula glutinis sur glucose et en batch. La carence en
phosphore apparaissant en premier, puis lorsque le rapport acides gras/ biomasse dépasse
20%, l’azote est aussi carencé. Cette stratégie a permis d’augmenter les rendements et les
vitesses par rapport à une carence azote seule. Au contraire, Ratledge et Hall (Ratledge and
Hall 1979) lors d’une culture en chémostat d’une souche de Rhodotorula glutinis n’ont pas
observé d’amélioration de l’accumulation de lipides en double limitation azote/phosphore.
Gill et al. (Gill et al., 1977) ont comparé l’accumulation de lipides en fonction de la nature de
l’élément limitant lors de la culture d’une souche de Candida sp. 107 en chémostat. La
combinaison de deux limitations phosphore et azote permet de conserver un taux de lipides
accumulés à 0,35g/g (au lieu de 0,37g/g en limitation azote seule) mais le rendement de
conversion du glucose en lipides est fortement diminué à 0,07 g/g alors qu’il est de 0,22 g/g
en limitation azote. Une double limitation azote et phosphore dans le but de simplifier la
conduite d’une culture de Yarrowia lipolytica sur glucose en vue d’accumulation de lipides
pourrait donc être une stratégie intéressante.
209
Le taux d’accumulation maximal en réserves carbonées obtenu par limitation phosphore (0,47
Cmole.CmoleX-1) ou par l’utilisation de co-substrats glucose/oléate (0,45 Cmole.Cmole X-1)
sont similaires entre eux mais aussi similaires au taux maximal d’accumulation obtenu sur
glucose et en limitation azote reporté dans la littérature pour la même souche Y. lipolytica wT.
Les trois conditions pour obtenir cette valeur « seuil » d’accumulation sont très différentes :
sans limitation nutritionnelle, avec limitation nutritionnelle jouant sur la disponibilité en
énergie dans la cellule ou sur ses capacités structurales et catalytique. Cette observation nous
pousse à nous interroger sur les capacités d’accumulation de la souche utilisée. En effet,
d’autres souches peuvent accumuler jusqu’à 90% de réserves carbonées sur glucose et en
limitation azote et sans contrôle de l’apport en carbone.
Une des hypothèses posées est que la teneur en acides gras intracellulaires puisse être délétère
à l’accumulation de lipides par inhibition rétroactive de ces acides gras sur la synthèse
lipidique (Cescut, 2009). Nous avons pu démontrer que la teneur en acides gras peut être très
élevée (jusqu’à 0,33 g.gx-1) sans que l’accumulation en lipides ne soit abaissée. De même, la
nature des acides gras accumulés ne semble pas influencer la teneur maximale en lipides
accumulés. Alors qu’en limitation azote, le degré d’insaturation augmente avec le taux
d’accumulation (Cescut, 2009), le degré d’insaturation retrouvé en limitation phosphore ou
sur co-substrats glucose/oléate diminue avec l’augmentation du taux en lipides
intracellulaires. Cependant nous avons pu voir que l’une des étapes limitantes dans
l’accumulation de lipides est l’estérification des acides gras en triglycérides. Il semble que
l’accumulation lipidique soit stoppée dès que la teneur en triglycérides atteigne représente
presque la totalité des lipides accumulés. Deux hypothèses se posent donc à nous :
La teneur maximale en lipides est directement contrôlée par la teneur en triglycérides.
L’accumulation en acides gras sur co-substrats glucose/oléate n’étant pas due à une
néosynthèse des acides gras par la cellule, la teneur en triglycérides maximale atteinte n’est
donc pas due à une rétroaction de ces triglycérides sur l’accumulation lipidique. L’action
d’inhibition ne peut donc être due qu’à une capacité maximale d’accumulation lipidique
intrinsèque à la structure cellulaire. En effet, ces triglycérides sont stockés dans les corps
lipidiques, composés d’une monocouche de phospholipides dans laquelle sont intégrées des
protéines. Leur taille et leur nombre semble être contrôlés par de nombreux facteurs comme la
composition protéique des corps lipidiques (Athenstaedt et Daum, 2006) mais aussi de la
composition du substrat où l’utilisation de certains acides gras activerait l’acyl-CoA oxydase
2 régulant la taille et le nombre des corps lipidiques (Mlikova et al., 2004). Ainsi, limiter des
210
cultures en azote ou en phosphore ou alimenter la culture en oléate auraient le même effet de
limiter la taille ou le nombre de corps lipidiques et donc de freiner l’accumulation en lipides.
L’estérification des acides gras en triglycérides est une réaction plus lente que la synthèse ou
l’assimilation en acides gras. La teneur maximale en lipides pour la souche, quelle que soit
leur composition (acides gras, triglycérides…) est proche de 0,50 Cmole.Cmole X-1 et due à
une capacité maximale intrinsèque à cette souche.
Il semble donc nécessaire de déterminer si les différentes stratégies utilisées pour
l’accumulation de lipides chez Y. lipolytica ont toutes les trois eu l’effet de limiter la synthèse
de leur organelles de stockage ou non et cette limitation est le point clé permettant d’obtenir
des taux d’accumulation lipidiques identiques à ceux obtenus pour d’autres souches. Pour
cela, plusieurs voies sont envisageables :
-
L’utilisation d’un autre élément nutritionnel inducteur de l’accumulation de lipides et
n’entrant pas dans la composition des corps lipidiques comme le magnésium, le zinc
ou le fer. Ces limitations sont très peu décrites dans la littérature et aucune hypothèse
sur le mécanisme de leurs effets sur l’accumulation lipidique n’a été posée. L’effet
d’une carence en magnésium ou zinc a été testé chez R. glutinis mais elles semblent
moins favorables à l’accumulation lipidique (Granger et al. 1993). Enfin, une
limitation en fer montre des résultats identiques à une limitation en azote chez
Cryptococcus curvatus (Hassan et al. 1996).
-
L’utilisation d’un acide gras autre que l’oléate lors de cultures non limitées sur cosubstrat glucose/acide gras. L’inhibition des acylCoA oxydases par différents acides
gras est peu décrite dans la littérature. Il a été suggéré que les acylCoA oxydases sont
chacune spécifique d’une longueur de chaine (Mlikova, 2004). Expérimentalement, il
a été montré que l’acide oléique semble être utilisé par la cellule principalement pour
sa croissance et pour la production d’énergie et de métabolites intermédiaires,
contrairement aux acides gras saturés utilisés pour la croissance et comme molécule de
réserve (Montet, 1985; Papanikolaou, 1998). L’utilisation d’autres acides gras plus
saturés que l’oléate (le stéarate) ou à chaines plus courtes ou plus longues semble
intéressante pour évaluer le rôle des corps lipidiques dans l’accumulation de lipides
chez Y. lipolytica.
L’hydrotraitement des huiles végétales pour leur utilisation en tant que biocarburant à hauteur
de 50% dans le transport aérien est maintenant certifié par l’American Society for Testing and
Materials (ASTM) depuis cette année. À terme, cette certification vise aussi les biocarburants
211
issus d’huiles microbiennes. Au vu de la consommation annuelle en carburant par
l’aéronautique, l’enjeu de la production de biokérosène n’est pas de remplacer totalement les
carburants issus de la pétrochimie mais de réduire l’impact environnemental. L’utilisation de
biocarburants issus d’huiles végétales est, à ce jour, une réalité. Cependant, la production de
ces huiles entre en compétition avec l’alimentation et ne permet pas une indépendance
géographique et climatique. L’incorporation de biocarburants d’origine microbienne dans le
transport aérien permettrait d’ajouter une autre voie d’approvisionnement en biocarburant
fiable et répondant aux exigences de l’aéronautique. De plus, l’utilisation de matières
renouvelables pour la production d’huiles microbiennes est une valeur ajoutée à la réduction
de l’impact humain sur l’environnement et affranchi la production des variations climatiques
et de l’occupation des sols pour l’approvisionnement en matières premières.
Pour que la filière « microbienne » devienne industrielle, il est nécessaire dans un premier
temps d’améliorer les rendements de production. De plus, afin de diminuer le coût
énergétique de la production d’alcanes à partir de ces huiles, il est nécessaire de produire des
lipides composés d’acides gras insaturés.
D’après nos résultats, une culture de Y. lipolytica sur glucose en limitation phosphore ne
permet ni d’améliorer la production en lipides ni d’augmenter l’insaturation des acides gras
produits. Cependant, ces résultats ouvrent sur des perspectives de recherche intéressantes,
notamment en ce qui concerne l’utilisation d’une double limitation phosphore-azote pour
l’amélioration du taux d’accumulation en lipides. Le profil lipidique de levure Y. lipolytica en
limitation azote, de par son degré d’insaturation élevé, est similaire au profil des huiles de
Jatropha curcas utilisées dans les biocarburants de l’aéronautique. La conservation d’un
profil lipidique plutôt insaturé semble donc des plus utile. L’étude de la biodiversité des
souches permettant le maintien ou l’amélioration de ce profil en acides gras en est une voie
intéressante. Le projet Carburants Alternatifs pour l'Aéronautique (CAER) a pour objectif
d’explorer cette biodiversité microbienne et l’étude des mécanismes biologiques prenant part
à l’accumulation lipidiques chez ces microorganismes. Le doctorat de Maud Babau, entrant
dans le cadre de ce projet et co-financé par l’ADEME et Airbus, a ainsi pour objectif l’étude
du rôle de la fraction lipidique en acides gras libres sur les mécanismes et les potentialités
d'accumulation des triacylglycérols d'intérêt chez les levures oléagineuses Rhodotorula
glutinis et Yarrowia lipolytica en conditions de limitations nutritionnelles contrôlées et sur
différentes sources carbonées (glucose, pentose, glycérol et lipides) en simple ou co-substrat.
212
213
6. ABREVIATIONS
214
215
rp
vitesse de production ou de consommation du composé p
qp
vitesse spécifique de production ou de consommation du composé p
µ
vitesse spécifique de production de biomasse totale
µ*
vitesse spécifique de production de biomasse catalytique (hors métabolites
accumulés)
Qr
coefficient respiratoire
O2
dioxygène (oxygène par abus de langage)
CO2
dioxyde de carbone
pO2
pression partielle en oxygène
Sels
sels concentrés
Vit
vitamines
H2O
eau
RtS/P
rendement de conversion instantané du substrat S en composé P
RS/P
rendement de conversion global du substrat S en composé P
YS/P
rendement théorique limite de conversion du substrat S en composé P
Pp
productivité volumique du composé p
kLa
coefficient de transfert de l’oxygène
CPG
chromatographie en phase gazeuse
HPLC
chromatographie liquide à haute performance
§
paragraphe
P
phosphore
X
biomasse totale
X*
biomasse catalytique (hors métabolites accumulés)
S
substrat carboné
Glc
glucose
Olé
oléate
Lip ou L
lipides
PolyS ou PS polysaccharides
Cacc
carbone accumulé
AG
acides gras totaux
TAG
triacylglycérols
DAG
diglycérides
MAG
monoglycérides
AGi
acide gras i
216
cit
acide citrique
Deginsat
degré d’insaturation
insat
insaturation
*
hors métabolites accumulés
TRPI
taux relatif en phosphore intracellulaire
217
7. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
218
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