THÈSE En vue de l'obtention du DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE Délivré par L’institut National des Sciences appliquées de Toulouse Discipline ou spécialité : Ingénieries Microbienne et Enzymatique Présentée et soutenue par Bérangère PORTELLI Le 8 novembre 2011 Titre : Biologie systémique et intégrative pour l’amélioration de l’accumulation et de la sélectivité des acides gras accumulés dans les espèces levuriennes. JURY M. LARROCHE C. M. THONART P. M. BOUSSAID A. Mme BLONDEAU K. Mr ALLOUCHE Y. Mme. JOUVE-MOLINA C. M. URIBELARREA J.-L. Professeur Polytechnique, Clermont-Ferrand Professeur AgroBiotech, Liège Professeur Univ. Cadi Ayyad, Marrakech Maître de conférence Paris-Sud, Orsay Ingénieur Airbus, Toulouse Professeur INSA, Toulouse Professeur INSA, Toulouse Rapporteur Rapporteur Rapporteur Examinatrice Examinateur Directrice de thèse Directeur de thèse Ecole doctorale : Sciences Ecologiques, Vétérinaires, Agronomiques et Bioingénieries (SEVAB) Unité de recherche : Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés (LISBP) UMR 5504 CNRS, UMR 792 INRA, INSA 135 avenue de Rangueil, 31077 Toulouse cedex Directeur(s) de Thèse : Pr. Jean-Louis Uribelarrea et Pr. Carole Molina-Jouve Rapporteurs : Pr. Christian Larroche, Pr. Philippe Thonart, Pr. Abdellatif Boussaid Nom : PORTELLI Prénom : Bérangère Titre : Biologie systémique et intégrative pour l’amélioration de l’accumulation et de la sélectivité des acides gras accumulés dans les espèces levuriennes. Année : 2011 Lieu : INSA Toulouse Résumé : L’accumulation de lipides chez une espèce levurienne Yarrowia lipolytica souche sauvage a été caractérisée par l’analyse dynamique et systémique des différents états métaboliques identifiés lors des cultures sous conditions environnementales parfaitement maitrisées, à hautes densités cellulaires selon deux stratégies bien distinctes. En premier lieu sur substrat osidique avec le phosphore comme élément inducteur de l’accumulation de lipides, stratégie originale pour déclencher l’accumulation de lipides chez cette souche. Et deuxièmement sur co-susbtrats glucose et oléate et sans aucune limitation nutritionnelle. Ces stratégies de conduites ont permis de dégager les points suivants : - La limitation phosphore déclenche une accumulation en lipides mais aussi en polysaccharides de réserves mobilisables mais non transitoire contrairement à la limitation azote. - La teneur en phosphore de la biomasse catalytique est très variable. De ce fait, le taux de croissance de la biomasse catalytique n’est pas contrôlable par le débit en phosphore. - Le phosphore joue un rôle dans la régulation de l’entrée de glucose dans la cellule, et permet d’éviter la production de citrate lorsque les voies de production de biomasse et de lipides sont en débordement sur une large gamme de rapport C/P (de 0 à 8000 Cmole.mole-1). - La capacité maximale d’accumulation en réserves carbonées chez Y. lipolytica wT est identique quelle que soit la méthode d’accumulation (limitation azote, limitation phosphore, co-substrats glucose / oléate) et est égale à 0,5 Cmole/Cmole X-1. Il existe donc un phénomène de régulation de la levure encore inconnu et limitant l’accumulation en réserves carbonées chez cette souche. Ces résultats ont permis d’identifier des points clés dans l’accumulation en réserves carbonées de cette espèce levurienne et de proposer un mode de conduite original faisant l’objet d’un dépôt de brevet. Mots clés : Yarrowia lipolytica, polysaccharides, citrate, accumulation lipidique, acylglycérol, acide gras, fed-batch, limitation phosphore, biocarburants aéronautiques, co-substrats, acide oléique 2 Lastname : PORTELLI Firstname : Bérangère Title: Improvement of accumulation and selectivity of yeast fatty acids with an integrated and systemic biology approach. Year : 2011 Place : INSA Toulouse Abstract : Lipid accumulation by the yeast Yarrowia lipolytica wT was characterized by dynamic and systemic analysis of different metabolic states in a microbial culture under fully controlled environmental conditions with high cell concentration and under two different strategies: Glucose as the substrate and phosphorus limitation as an inducer of lipid accumulation, an original strategy for lipid accumulation in Y. lipolytica wT. A co-substrate strategy with glucose and oleic acid and without any nutritional limitation. These strategies allowed showing the following points: - Phosphorus limitation triggers a lipid accumulation and a non-transient accumulation of reserve polysaccharide that can be consumed by biomass when necessary, contrary to nitrogen limitation - Phosphorus rate in catalytic biomass shows great variations. Catalytic growth rate cannot be governed by phosphorus input. - Phosphorus has a role in regulating cellular glucose uptake and allows avoiding citric acid production due to overflow of carbon input over a large range of C/P ratios (0 to 8000 Cmol.mol-1) - Maximum capacity of reserve carbon accumulation in Y. lipolytica wT is similar for any culture strategy tested (under nitrogen limitation, phosphorus limitation or with glucose and oleic acid co-substrates) and is equal to 0,5 Cmol/CmolX-1. There is an unknown phenomenon of carbon regulation limiting reserve carbon accumulation in Y. lipolytica wT. Results allowed identifying key points in reserve carbon accumulation in this particular yeast strain and suggesting an original process, claim of a patent. Key words : Yarrowia lipolytica, polysaccharides, citric acid, lipid accumulation, acylglycerol, fatty acid, fed-batch, phosphorus limitation, aeronautic biofuel, co-substrates, oleic acid. 3 Quand on ne sait pas où l’on va, il faut y aller !! ... et le plus vite possible. (Proverbe Shadok) 4 5 Le travail présenté dans ce manuscrit a été réalisé entièrement au Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et Procédés de Toulouse de l’INSA de Toulouse. Je tiens en premier à remercier Monsieur Nicholas Lindley de m’avoir accueillie au sein du laboratoire. Ces travaux n’auraient pas vus le jour sans le financement du CNRS et d’EADS, et je tiens à les en remercier ; particulièrement Mr Philippe Coste, Mme Isabelle Lombaert et Mr Yohan Allouche pour leur implication et leur intérêt dans ce travail. Ces travaux ont été encadrés par les professeurs Jean-Louis Uribelarrea et Carole MolinaJouve. Je les remercie aussi de m’avoir accueillie dans leur équipe et d’avoir pris le temps de me conseiller dans mon travail. Par leur expérience et leur compétence, ces travaux ont pu être valorisés et ont fait l’objet d’un dépôt de brevet. J’ai ainsi beaucoup appris autant sur le plan scientifique qu’humain. Un grand merci aux membres du jury, les professeurs Larroche, Thonart, Boussaid, Mr Allouche et Mme Blondeau d’avoir suivi, lu, corrigé et pris part à la soutenance de cette thèse. J’ai largement apprécié l’intérêt sur mon travail montré lors de cette soutenance. De chaleureux remerciements à l’ensemble du personnel du laboratoire et particulièrement à l’équipe fermentation pour leur sympathie, le partage de leur connaissance et leur aide lors de ces années. Merci donc plus particulièrement à Michel, Eric, Luc... Merci aussi à Claude Maranges, Sébastien Nouaille et Florence Bordes pour leur soutien, leur disponibilité et leurs conseils qui m’ont permis de finir cette thèse. Pour toute la bonne humeur et les conseils, un grand merci à mes collègues : Mathieu, Elise, Estelle, les Julies, Jillian, Lannig, Maud, Sandy, Sandra, les Juliens, Nathalie, Claire, ... Cette thèse m’a permis de rencontrer et de découvrir des personnes exceptionnelles, et pour cela je regarderais ces années passées avec joie et nostalgie. Tout d’abord un énorme merci à Yannick Manon pour son amitié, son dynamisme, son soutien et son implication mais aussi pour son apport plus que conséquent à la réalisation de cette thèse par sa présence lors de ces nuits de manip passées au labo, cette thèse est aussi la tienne ! Pour l’aide, le soutien, les crises de fou rire et de larmes aussi, un grand merci au « noyau dur du Plouple » : Naziha, Lamia, Emilie, Claudia et à l’électron libre qui gravite autour : Sirishai. Cette thèse n’aurait jamais été soutenue sans le soutien inconditionnel de mes amis et de ma famille. Donc un grand et chaleureux merci à Mimine (même si tu avais eu le choix, je serais quand même ton amie) pour m’avoir supportée même lors de mes pires moments. Enorme et baveux merci à Soso (we are the champions, my friend !!!) pour son amitié et avoir supporté mes crises à la toute fin de la rédaction de ce manuscrit. À Meriem (que le courage soit avec toi !) À Greg pour sa bonne humeur, la livraison de KFC 24h/24 et pour mon nouveau surnom (hum...). À Lio pour ses conseils toujours avisés et ses piques très souvent hilarantes. Mes pensées à Alexandre, Charlotte, Souheïla, Talal, la future p’tiote, et Tata. À Tonton et Mimi qui me manquent profondément. Enfin, comment remercier l’amour et le soutien inconditionnels d’une mère qui, même avec ses maladresses, a su être là à chaque fois que j’en avais besoin. Je « tu sais quoi ». 6 7 TABLE DES MATIERES 1. 2. Introduction .................................................................................................................. 20 Etat de l’art ................................................................................................................... 28 2.1. Les micro-organismes oléagineux ....................................................................... 30 2.1.1. Les algues oléagineuses ...................................................................................... 30 2.1.2. Les bactéries oléagineuses .................................................................................. 31 2.1.3. Les moisissures oléagineuses .............................................................................. 32 2.1.4. Les levures oléagineuses .................................................................................... 33 2.2. Une levure oléagineuse : Yarrowia lipolytica ...................................................... 35 2.2.1. Généralités ......................................................................................................... 35 2.2.1.1 Taxonomie ................................................................................................ 36 2.2.1.2 Morphologie et caractéristiques physiologiques ......................................... 36 2.2.1.3 Utilisations de Yarrowia lipolytica ............................................................. 39 2.2.1.3.1. Production de métabolites ou conversion de substrats ........................... 39 2.2.1.3.2. Production de protéines......................................................................... 40 2.2.1.4 Génome et outils génétiques ...................................................................... 41 2.2.2. Physiologie......................................................................................................... 44 2.2.2.1 Métabolisme énergétique pour la croissance .............................................. 44 2.2.2.1.1. Catabolisme des molécules aliphatiques ................................................ 44 2.2.2.1.2. Catabolisme des glucides ...................................................................... 46 2.2.2.1.3. Génération du pouvoir réducteur et synthèse d’ATP ............................. 48 2.2.2.1.4. Catabolisme des acides gras et des triacylglycérols ............................... 52 2.2.2.2 Synthèse de substances de réserve ............................................................. 59 2.2.2.2.1. Caractéristiques des lipides intracellulaires ........................................... 59 2.2.2.2.2. Biosynthèse des acides gras et des triacylglycérols................................ 62 2.2.2.2.3. Le mécanisme de déclenchement de l’accumulation lipidique ............... 72 2.2.2.2.4. Accumulation de polysaccharides ......................................................... 73 2.3. Facteurs influençant l’accumulation de réserves lipidiques ................................. 75 2.3.1. Nature et concentration du substrat ..................................................................... 75 2.3.1.1 Substrats lipidiques ................................................................................... 75 2.3.1.2 Substrats osidiques .................................................................................... 78 2.3.1.3 Autres substrats ......................................................................................... 80 2.3.1.4 Co-substrats .............................................................................................. 81 2.3.2. Nature de la source azotée .................................................................................. 84 2.3.3. Nature de l’élément inducteur et stratégie d’induction ........................................ 85 2.3.3.1 Azote ........................................................................................................ 85 2.3.3.2 Phosphore ................................................................................................. 86 2.3.3.3 Autres oligoéléments ................................................................................. 87 2.3.3.4 Oxygène .................................................................................................... 88 2.3.3.5 Température .............................................................................................. 88 2.4. Conclusion ......................................................................................................... 90 3. Matériel et Méthodes .................................................................................................... 92 3.1. Microorganisme ................................................................................................. 94 3.2. Milieux de culture .............................................................................................. 94 3.2.1. Milieu riche ........................................................................................................ 94 3.2.2. Milieu minéral .................................................................................................... 95 3.2.2.1 Milieu salin ............................................................................................... 95 3.2.2.2 Solution de vitamines ................................................................................ 95 3.2.2.3 Solutions concentrées d’oligoéléments ...................................................... 96 8 3.2.2.4 Solution d’alimentation en sels .................................................................. 96 3.2.2.5 Sources carbonées ..................................................................................... 97 3.2.2.6 Solution de régulation de pH ..................................................................... 97 3.3. Le bioréacteur .................................................................................................... 98 3.3.1. Description générale du réacteur......................................................................... 98 3.3.2. Système d'acquisition et de commande ............................................................... 99 3.4. Méthodes analytiques ....................................................................................... 103 3.4.1. Analyse de la biomasse .................................................................................... 103 3.4.1.1 Observation microscopique ..................................................................... 103 3.4.1.2 Concentration cellulaire........................................................................... 103 3.4.2. Extraction et dosage des composés intracellulaires ........................................... 104 3.4.2.1 Mesure des cendres ................................................................................. 104 3.4.2.2 Dosage du phosphore intracellulaire ........................................................ 104 3.4.2.3 Dosage des lipides ................................................................................... 105 3.4.2.4 Dosage des classes de lipides par HPLC-DDL ......................................... 106 3.4.2.5 Dosage des acides gras ............................................................................ 108 3.4.2.6 Dosage des sucres totaux ......................................................................... 108 3.4.3. Dosage des composés extracellulaires .............................................................. 109 3.4.3.1 Dosage des sucres, des acides organiques et des alcools .......................... 109 3.4.3.2 Dosage des phosphates ............................................................................ 110 3.4.3.3 Dosage des ions ammonium .................................................................... 110 3.4.3.4 Dosage de l’oléate ................................................................................... 111 3.4.4. Modélisation stœchiométrique .......................................................................... 111 3.4.5. Traitement des données expérimentales ............................................................ 112 3.4.5.1 Définitions .............................................................................................. 112 3.4.5.2 Lissage des données ................................................................................ 113 3.4.5.3 Bilans ...................................................................................................... 114 3.4.5.4 Réconciliation des données et calcul des vitesses spécifiques, des rendements et du coefficient respiratoire ................................................................. 114 4. Résultats ..................................................................................................................... 116 4.1. Etude de l’accumulation de réserves carbonées en limitation phosphore ........... 118 4.1.1. Modélisation métabolique de la croissance et de la production de triacylglycérols 120 4.1.1.1 Composition macromoléculaire de la biomasse ....................................... 120 4.1.1.2 Modélisation du métabolisme de croissance ............................................ 121 4.1.1.3 Modélisation du métabolisme de production de triacylglycérols .............. 125 4.1.1.4 Modélisation du métabolisme de production de triacylglycérols couplée à la croissance ............................................................................................................... 129 4.1.1.4.1. Analyse stœchiométrique de la production de triacylglycérols ............ 129 4.1.1.4.2. Analyse cinétique de la production de triacylglycérols ........................ 136 4.1.1.5 Conclusion .............................................................................................. 137 4.1.2. Conduite des cultures ....................................................................................... 139 4.1.2.1 Exemple d’apport en carbone .................................................................. 142 4.1.2.2 Exemple d’apport en phosphore .............................................................. 143 4.1.3. Exemple de résultats......................................................................................... 144 4.1.3.1 Biomasse et métabolites produits ............................................................. 144 4.1.3.2 Phosphore intracellulaire, croissance et flux d’apport en carbone et phosphore ............................................................................................................... 146 4.1.3.3 Cinétiques de production de métabolites .................................................. 150 4.1.4. Analyse comparative des résultats .................................................................... 155 9 4.1.4.1 Tableau récapitulatif des résultats ............................................................ 155 4.1.4.2 Analyse cinétique .................................................................................... 160 4.1.4.3 Analyse stœchiométrique ........................................................................ 164 4.1.4.4 Comparaison entre les limitations phosphore et azote .............................. 168 4.1.5. Nature des lipides accumulés ................................................................... 171 4.1.6. Conclusion ....................................................................................................... 181 4.2. Etude de l’accumulation de réserves carbonées sans induction par une limitation nutritionnelle sur co-substrats glucose et oléate ............................................................... 184 4.2.1. Conduite des cultures ....................................................................................... 186 4.2.2. Résultats bruts .................................................................................................. 187 4.2.3. Assimilation de l’oléate .................................................................................... 189 4.2.4. Accumulation de lipides ................................................................................... 192 4.2.5. Incorporation et modifications de l’oléate accumulé ......................................... 194 4.2.6. Conclusion ....................................................................................................... 201 5. Conclusion.................................................................................................................. 204 6. Abréviations ............................................................................................................... 214 7. Références Bibliographiques ....................................................................................... 218 10 11 TABLE DES FIGURES Figure 1 : Evolution de la consommation de pétrole (en millions de tonne) par an. (BP Statistical Review of Wolrd Energy, 2010). ........................................................ 22 Figure 2 : Evolution du prix du baril de pétrole en dollars et en dollars corrigés suivant l’inflation (US dollar 2009) (BP Statistical Review of Wolrd Energy, 2010). ...... 24 Figure 3 : Phylogénie de Yarrowia lipolytica. (D’après le consortium Génolevures) ............ 36 Figure 4 : Y. lipolytica wT sous contraste de phase (grossissement x1000) ............................ 37 Figure 5 : Relations phylogénétiques des levures séquencées par le Génoscope (consortium Génolevures) (d’après [Fitzpatrick et al., 2006, BMC Evolutionary biology 6: 99] ........................................................................................................................... 42 Figure 6: Voie de l’ω-oxydation (Thevenieau, 2006) chez les levures. .................................. 45 Figure 7 : Voie de la glycolyse chez la levure. ...................................................................... 47 Figure 8: Voie des pentoses-phosphate. ................................................................................ 49 Figure 9: Cycle de Krebs. ..................................................................................................... 51 Figure 10 : Voie de la β-oxydation des acides gras chez la levure. Exemple de l’acide palmitique (C16:0). ........................................................................................... 57 Figure 11 : Structure des acides gras saturés et monoinsaturés. ............................................. 60 Figure 12: Formation de malonylCoA par l’acétylCoA carboxylase lors de la biosynthèse des acides gras. ......................................................................................................... 63 Figure 13 : Synthèse d’un acide gras par l’acide gras synthase (FAS). .................................. 65 Figure 14 : Schéma montrant comment l’acétylCoA et le pouvoir réducteur sont utilisés pour approvisionner la synthèse lipidique (Ratledge 2004). ........................................ 66 Figure 15: Désaturation d’un acide gras. ............................................................................... 68 Figure 16 : Exemple de l’acide stéarique .............................................................................. 68 Figure 17: Synthèse d’un triacylglycérol. .............................................................................. 70 Figure 18 : Modèle de la genèse des corps lipidiques (Czabany et al., 2006) ......................... 71 Figure 19 : Schéma représentant le phénomène d’accumulation de lipides (Botham et Ratledge, 1979). ................................................................................................. 72 Figure 20 : Schéma synthétique des voies de la dégradation de substrats osidiques et lipidiques et de la synthèse des triacylglycérols. ................................................. 74 Figure 21: modes de consigne des pompes péristaltiques disponibles grâce au programme de gestion de l’alimentation du réacteur. ............................................................... 100 12 Figure 22 : Schéma du système fermenteur : cuve, apports, acquisitions et commande. (1) expériences en limitation phosphore et (2) expériences sur co-substrats glucose/oléate. .................................................................................................. 102 Figure 23 : Evolution de la composition de la phase mobile de l’analyse des lipides par HPLC-DDL. Mélange A : Acétonitrile, mélange B : Eau + acide trifluoroacétique à 0,1% (v/v), mélange C : hexane + isopropanol à 80% (v/v). ........................... 107 Figure 24 : Evolution du rendement théorique limite en biomasse et du pourcentage en ATP dissipé en fonction du rendement massique en biomasse................................... 125 Figure 25 : Evolution de la demande anabolique en ATP et de la consommation d’ATP liée à la synthèse des acides gras ramenés au flux net de production d’ATP pour les hypothèses A, B et C en fonction du taux d’accumulation en lipides. ................ 130 Figure 26 : Evolution de la fraction d’ATP dissipé en fonction du taux d’accumulation massique de lipides pour les trois hypothèses testées. ....................................... 130 Figure 27 : Evolution de la fraction du flux net de production de NADPH2 issue de l’activité enzyme malique et du rapport entre le flux molaire empruntant la voie des pentoses phosphate et le flux glycolytique total en fonction de l’accumulation massique en lipides pour les trois hypothèses testées. ....................................... 132 Figure 28 : Evolution du rendement apparent de conversion du substrat en triacylglycérols et du rendement théorique limite de conversion du substrat en triacylglycérols en fonction du taux d’accumulation massique en triacylglycérols pour les trois hypothèses simulées. ........................................................................................ 133 Figure 29 : Evolution du ratio entre le flux molaire traversant le cycle TCA pour la réaction transformant le succinyl-CoA en succinate rapporté à ce même flux pour le seul métabolisme de croissance en fonction du taux de triacylglycérols accumulés pour les trois hypothèses et du ratio du flux anaplérotique provenant du cycle des TCA normé par le flux requis par l’anabolisme pour l’hypothèse A. ......................... 134 Figure 30 : Evolution des flux de réoxydation des coenzymes réduits rapporté à celui requis pour la croissance seule en fonction du taux d’accumulation en triacylglycérols pour les trois hypothèses. .................................................................................. 136 Figure 31 : Evolution de la concentration résiduelle en glucose (g/L) et du débit d’alimentation en glucose (gGlc.h-1) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La phase grisée n’est pas détaillée ici. ................................................................................................ 142 13 Figure 32 : Evolution de la concentration résiduelle en phosphore (g/L) et du débit d’alimentation en phosphore en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La phase grisée n’est pas détaillée ici. ...................................................................................................... 143 Figure 33 : Evolution de la masse accumulée de glucose consommé et des quantités de biomasse totale (X totale), biomasse catalytique (X cat), polysaccharides accumulés (PSacc), lipides accumulés (Lacc) et citrate produites en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. Les points représentent les valeurs brutes et les lignes les valeurs réconciliées. La phase grisée n’est pas détaillée ici. .......................................... 145 Figure 34 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*), du taux en phosphore intracellulaire (P/X*) et du rapport des flux de consommation de glucose et phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La partie grisée n’est pas argumentée ici. ................................................................................................. 148 Figure 35 : Composition macromoléculaire de la biomasse obtenue par modélisation suivant différents taux intracellulaire en phosphore ...................................................... 149 Figure 36 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides (PS), lipides (L) et acide citrique (Cit) accumulés et du rapport des vitesses de consommation de glucose et de phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La partie grisée n’est pas argumentée ici. ........................................................................................... 151 Figure 37 : Schéma explicatif de la modulation des flux de carbone et d’énergie lorsque le phosphore est l’élément inducteur de l’accumulation de réserves carbonées. .... 154 Figure 38 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*) en fonction du taux intracellulaire en phosphore (P/X*). .......................................................... 160 Figure 39 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (Cmole.Cmole -1.h-1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c) décrites au paragraphe 4.1.4............................................................... 162 Figure 40 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides (Cmole.Cmole-1.h-1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c) décrites au paragraphe 4.1.4. ..................... 163 Figure 41 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (bleu) et de polysaccharides (rose) en fonction du taux de croissance. ................................. 164 14 Figure 42 : Evolution du rendement théorique de production de biomasse Y S,X (CmoleX*.CmoleGlc- 1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c). ................................................................. 165 Figure 43 : Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. .................................................................................................. 166 Figure 44: Evolution du rendement biomasse (YS,X) en fonction du rapport carbone de production de lipides sur le flux de consommation de glucose (q TAG/qGlc) et du rapport carbone de production de polysaccharides sur le flux de consommation de glucose (qPolyS/qGlc). .......................................................................................... 167 Figure 45 : Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du rapport carbone de production de lipides sur le flux de consommation de glucose (qTAG/qGlc) et du rapport carbone de production de polysaccharides sur le flux de consommation de glucose (qPolyS/qGlc). ...................................................................................................... 167 Figure 46 : Evolution du taux en différents lipides (acides gras libres, monoacylglycérols, diacylglycérols et triacylglycérols) intracellulaires en fonction du taux relatif en phosphore intracellulaire pour des cultures de Y. lipolytica en carence ou limitation phosphore. Le taux en lipides structuraux n’est pas représenté. ......... 174 Figure 47 : Evolution du taux en différents acides gras composant les lipides accumulés (mgAG/gX) en fonction du taux relatif en phosphore intracellulaire (TRPI) pour des cultures de Y. lipolytica en carence ou limitation phosphore. Le taux en lipides structuraux n’est pas représenté. ....................................................................... 178 Figure 48 : Comparaison des profils en acides gras entre la croissance et l’accumulation lipidique pour deux types de limitations : azote (Cescut, 2009) et phosphore de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose. ........................................................... 179 Figure 49 : Evolution du taux en phosphore intracellulaire réel en fonction du degré d’insaturation lors de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et en limitation phosphore. ........................................................................................................ 180 Figure 50 : Evolution de la composition de la biomasse en fonction du temps pour les cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b). Les mesures sont représentées par les points et les valeurs réconciliées par les lignes. ................................................................................ 188 Figure 51 : Evolution du coefficient respiratoire et de l’apport en substrat carboné d’une culture de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate a flux glycolytique limitant (a) ou maximal (b) en fonction du temps.................................................................... 190 15 Figure 52 : Taux de croissance réel et vitesses spécifiques réelles de consommation d’oléate et de glucose pour des cultures de Y. lipolytica sur glucose et oléate en flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps. ......................... 191 Figure 53 : Evolution du taux en lipides accumulés et du rapport des flux d’oléate consommé par rapport en flux de carbone total pour des cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux carboné limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps. ......................................................................................................................... 193 Figure 54 : Evolution de la composition lipidique intracellulaire de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps. ............................................................................................ 195 Figure 55 : Profil en acides gras des lipides intracellulaires à différentes phases de culture pour l’expérience à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) comparé aux profils en phase de croissance et de fin d’accumulation de triglycérides en limitation azote (Cescut, 2009). ........................................................................ 197 Figure 56 : Evolution du taux en acides gras en fonction du rapport du flux d’oléate sur le flux de carbone consommé total d’une culture de Y. lipolytica wT sur substrats glucose et oléate. ........................................................................................................... 198 Figure 57 : Evolution du degré d’insaturation en fonction du rapport de flux d’oléate sur celui du carbone total consommé d’une culture de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate (expérience b). .................................................................................................. 200 16 17 TABLE DES TABLEAUX Tableau 1 : Exemples d’essais de vols utilisant des biocarburants provenant d’huiles .......... 25 Tableau 2 : Les huiles microbiennes : les producteurs potentiels ........................................... 26 Tableau 3 : Composition lipidique d’huiles de différents organismes (levures, bactéries, algues, plantes) ..................................................................................................................... 27 Tableau 4 : Comparaison de l’accumulation lipidique chez les microalgues, bactéries, moisissures et levures. .......................................................................................................... 34 Tableau 5 : Comparaison du profil en acides gras des lipides accumulés moyen chez les bactéries, microalgues, levures et moisissures. . .................................................................... 34 Tableau 6 : Tableau récapitulatif des capacités de croissance et d’accumulation de lipides de souches de Y. lipolytica sur substrats hydrophobes. ............................................................... 77 Tableau 7 : Tableau récapitulatif des capacités de synthèse de lipides chez différentes souches sur différents substrats osidiques en limitation azote. ............................................................ 79 Tableau 8 : Tableau récapitulatif des études de croissance et de production de lipides sur substrat glycérol. .................................................................................................................. 81 Tableau 9 : Synthèse des performances d’accumulation de lipides sur co-substrats chez Yarrowia lipolytica en mode batch. ...................................................................................... 83 Tableau 10 : Composition du milieu salin pour les expériences de croissance sur oléate ....... 95 Tableau 11 : Composition du milieu salin pour les expériences en limitation phosphore ....... 95 Tableau 12 : Composition de la solution de vitamines concentrée ........................................ 96 Tableau 13 : Composition des solutions concentrées en oligo-éléments ............................... 96 Tableau 14 : Composition de la solution d’alimentation en sels ........................................... 97 Tableau 15 : Liste des mesures en ligne avec leur mode de supervision et la précision des mesures ................................................................................................................................ 99 Tableau 16 : Liste des variables estimées et leur unité......................................................... 101 Tableau 17 : Composition du mélange de solvant en fonction du cycle d’extraction............ 105 Tableau 18 : Temps de rétention pour les composés attendus (NA : non applicable) ........... 109 Tableau 19 : Composition macromoléculaire massique de la biomasse en phase de croissance.120 18 Tableau 20 : Composition élémentaire de la biomasse mesurée et estimée par le descripteur métabolique. ....................................................................................................................... 121 Tableau 21 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose pour la production des macromolécules nécessaires à la formation de biomasse.................. 121 Tableau 22 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose satisfaisant la demande énergétique et en coenzymes réduits à la formation de biomasse .... 122 Tableau 23 : Résultats globaux de la simulation de l’oxydation totale de glucose pour la production de biomasse avec comme contrainte un rendement YS,X expérimental de 0,58 CmoleX.CmoleGlc-1 .......................................................................................................... 123 Tableau 24 : Bilan de la production et de la consommation énergétique de l’oxydation totale de glucose pour la synthèse de biomasse catalytique ........................................................... 124 Tableau 25 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à partir de glucose dans des conditions de rendement carbone maximal (hypothèse 1) ...................................................................................................................... 126 Tableau 26 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à partir de glucose sans utilisation de la voie de l’enzyme malique (hypothèse 2)........................................................................................................................................ 127 Tableau 27 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à partir de glucose en considérant l’isomérisationdu fructose-6-phosphate en glucose-6-phosphate (hypothèse 3) ..................................................................................... 128 Tableau 28 : Tableau récapitulatif des performances de culture en limitation phosphore pour chaque phase ...................................................................................................................... 146 Tableau 29 : Compositions macromoléculaire et élémentaire de la biomasse modélisée suivant différents taux intracellulaires en phosphore ....................................................................... 149 Tableau 30 : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trios conditions (a, b et c) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*) ................................................................................................... 156-159 Tableau 31 : Performances d’accumulation de carbone intracellulaire entre différentes cultures de Y. lipolytica wT sur glucose en limitation azote avec et sans contrôle du carbone consommé par PID (Cescut, 2009) comparé aux performances en limitation phosphore. .... 170 19 1. INTRODUCTION 20 21 En 2009, l’aviation a transporté plus de 4 milliards de passagers au niveau mondial, ce qui représente 74 millions de vols. Qu’il s’agisse de tourisme, de voyages d’affaires ou de transport de marchandises, le transport aérien connaît une croissance soutenue. Entre 2000 et 2008, les passagers-kilomètres payants ont augmenté de 7 % en Amérique du Nord, de 29 % en Europe, de 29 % sur les marchés internationaux de la région Asie-Pacifique, de 40 % en Amérique latine, de 184 % en Chine et de 192 % en Inde. Le trafic des passagers s’accroît ainsi de 5 % par an et le trafic des marchandises de 7% (Airport Council international, http://www.airports.org). Les transports dépendent des produits pétroliers, ils représentent 50% de la consommation de pétrole (tous types confondus) (US Energy Information Administration, Annual Energy Outlook, 2010). La consommation mondiale de pétrole représente aujourd’hui presque 4 milliards de barils par an et pourrait augmenter de 30 à 40% d'ici 2030 (Figure 1). À ce jour, le trafic aérien a un impact modéré puisque la consommation de pétrole pour l'aviation représente environ 8% de la consommation totale de pétrole. Mais l'accroissement prévisible du trafic aérien pourrait conduire au doublement de son impact à l'horizon 2020, voire au triplement en 2050 (IFP Energies Nouvelles, www.ifpenergiesnouvelles.fr). Les réserves mondiales restantes de pétrole sont estimées à environ 1 000 gigabarils et leur épuisement serait pour 2060 (USGS, U.S. Geological Survey, World Conventional Crude Oil and Natural Gas: Identified Reserves, Undiscovered Resources and Futures, 2003). consommation de pétrole (millions de tonnes) par an BP Statistical Review of World Energy 2010 4500.0 4000.0 3500.0 3000.0 2500.0 2000.0 1500.0 1960 1970 1980 1990 2000 2010 Figure 1 : Evolution de la consommation de pétrole (en millions de tonne) par an. (BP Statistical Review of Wolrd Energy, 2010). 22 Lors d'un vol long-courrier, un Boeing 747 consomme 160 000 litres de carburant, soit l'équivalent de 2 500 pleins de carburant pour un réservoir de voiture, ce qui représente une consommation de 250 millions de tonne de kérosène par an pour le trafic aérien. L’émission de dioxyde de carbone provenant de l’utilisation de combustible fossiles due au transport aérien représente 2 à 3%, soit 792 millions de tonnes de CO2 par an. En 2036, la consommation de kérosène par le transport aérien a été estimée à 450 - 550 millions de tonnes de kérosène par an ce qui entrainerait une augmentation proportionnelle en CO 2 émis d’une valeur de 1420 à 1740 millions de tonnes par an. Afin de diminuer l’impact des transports sur l’environnement, les pouvoirs publics souhaitent augmenter la proportion de biocarburants dans les carburants fossiles. La directive européenne 2003/30/CE vise l’incorporation de 5,75% de biocarburants dans les carburants en 2010. La France prévoit un taux d’incorporation de 7% en 2010 et 10% en 2015 (« les biocarburants, une chance pour notre pays » ; Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture, et de la Pêche ; http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/biocarburants_240407.pdf). En ce qui concerne l’aviation, beaucoup d’efforts ont été réalisés afin de diminuer la consommation énergétique du transport de passagers. Elle est actuellement de moins de 3 litres par passager sur 100 km avec l’A380. En 2008, l’Advisory Council for Aeronautics Research in Europe (ACARE) a fixé l’objectif de diminuer la consommation de kérosène issu de l’industrie pétrochimique par deux en 2050 entrainant une diminution des émissions de CO2. Ainsi, l’augmentation du prix du pétrole (Figure 2), sa future raréfaction et les conséquences de son utilisation sur l’environnement incitent les industriels depuis quelques années à promouvoir la recherche et l’utilisation des sources alternatives d’énergies renouvelables. En conséquence, selon l’European Biodiesel Board (EBB), le biodiesel est produit en Europe à l’échelle industrielle depuis 1992. En 2009, plus de 9 millions de tonnes ont été produits soit une augmentation de presque 17% par rapport à la production en 2008. Cependant, les biocarburants produits actuellement à l’échelle industrielle utilisent les ressources agricoles. En effet, en Europe, plus de 3 millions d’hectares de terres agricoles sont utilisés exclusivement pour la production de biodiesels (EBB). Une autre stratégie de production de biocarburant est la production via les microorganismes, les substrats utilisés pouvant provenir 23 de déchets industriels. Cette stratégie permet de produire des carburants non fossiles maîtrisés tout en valorisant ces déchets industriels. Prix du baril (US dollar) 120.00 US$ US$ 2009 100.00 80.00 60.00 40.00 20.00 0.00 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 Figure 2 : Evolution du prix du baril de pétrole en dollars et en dollars corrigés suivant l’inflation (US dollar 2009) (BP Statistical Review of Wolrd Energy, 2010). Le kérosène est un mélange d’alcanes composés de 10 à 14 carbones, exempt de soufre et utilisé essentiellement dans la fabrication de carburant pour l'aviation, notamment le Jet A1. Son usage en aviation est principalement dû à son fort pouvoir énergétique (43,15 MJ·kg-1 pour le Jet A1), qui permet de maximiser l’autonomie de l’avion en fonction de la masse de carburant embarqué. Son point de congélation est très bas (-47 °C pour le Jet A1), car à 11 000 mètres d'altitude, la température externe est proche de -65 °C. L’aviation a donc besoin d’un carburant de hautes performances compatible avec des usages en conditions extrêmes dans le respect des contraintes de sécurité du secteur. Enfin, il est recherché dans une stratégie court-moyen terme des biocarburants en substitution directe du kérosène traditionnel (Jet-A) en sorte que les constructeurs n’aient pas à concevoir de nouveaux moteurs et les compagnies aériennes et les aéroports n’aient pas à développer de nouveaux systèmes de livraison de carburant et compatibles avec les moteurs, matériaux et moyens logistiques (distribution…) actuels. En juillet 2011, Lufthansa et Airbus ont effectué leur premier vol commercial dont le carburant était composé de 50% d’huiles végétales hydrotraitées issues de cameline et 24 jatropha. Cette coopération permettant 8 vols par jour est prévue dans le but d’étudier les impacts sur le long terme des biocarburants sur la performance des avions. Ce biocarburant permettrait d’émettre 1 500 tonnes de CO2 de moins dans l’atmosphère soit une réduction de 20%. Le Tableau 1 présente une liste des vols et essais significatifs. Ces vols démontrent que l’utilisation de biokérosène produits à partir d’huiles de plantes ou micro-algues additionnés au jet A1 est techniquement réalisable sans modification des avions et utilisé régulièrement par l’aviation. L’utilisation de ces carburants à base d’huiles végétales et micro-algues pourraient diminuer les émissions de CO2 d’un avion de 80% (http://fr.enviro.aero). Compagnie aérienne Avion Date Origine du biocarburant Taux de mélange Virgin Atlantic B747-400 23/02/2008 Noix de coco et babassu 20% Air New Zealand B747-400 30/12/2008 Jatropha 50% Continental Airlines B747-800 7/01/2009 Jatropha et algues 50% Japan Airlines B747-300 30/01/2009 Cameline 50% Tam Airline A320 22/11/2010 Jatropha 50% Interjet A320 05/04/2011 Jatropha 30% Ibéria A320 10/04/2011 Cameline 25% Air France A321 13/10/2011 Huile de friture usagée 50% Tableau 1: Exemples d’essais de vols utilisant des biocarburants provenant d’huiles (http://fr.enviro.aero et legacy.icao.int). Actuellement, les principales sources d’huiles à usage biocarburant sont les plantes oléagineuses. L’utilisation de plantes oléagineuses à grande échelle pour la production de carburants soulève des questions et débats sur la compétition des sols et des espèces pour des usages alimentaires et non alimentaires. De plus, la production de lipides issus de végétaux dépend de la zone géographique en termes de rendement, productivité et composition. Il convient de privilégier des voies répondant non seulement aux critères de développement durable mais également aux critères de sécurité, d’indépendance énergétique vis-à-vis de pays instables géopolitiquement, de disponibilité mondiale. La production de lipides par conversion microbienne de ressources agricoles non alimentaires et co-produits industriels constitue une voie prometteuse pour répondre à ces critères. Les levures oléagineuses (Tableau 2) constituent des producteurs de lipides extrêmement 25 intéressants avec un taux d’accumulation supérieur à 70% en masse, un rendement de conversion proche de 95% des rendements théoriques limites, et une mise en œuvre en bioprocédé aux performances parfaitement maîtrisables et reproductibles. Rapport maxi AG/X %(glip/gX) C14 :0 C16 :0 C16 :1 C18 :0 C18 :1 C18 :2 C18 :3 58 T 25 T 10 57 7 0 Candida sp 107 42 0 44 5 8 31 9 1 Cryptococcus albidus 65 T 12 1 3 73 12 0 lipomyces starkeyi 63 T 34 6 5 51 3 0 Rhodotorula glutinis 72 T 37 1 3 47 8 0 Trichosporon pullulans 65 0 15 0 2 57 24 1 Yarrowia lipolytica 36 0 11 6 1 28 51 1 Cunninghamella japonica 60 T 16 0 14 48 4 8 Rhizopus arrhizus 57 19 18 0 6 22 10 12 Penicillium spinulosum 64 T 18 4 12 43 21 T Cryptococcus curvatus Tableau 2 : Les huiles microbiennes : des producteurs potentiels La composition lipidique est modulable par le choix de l’espèce avec des similitudes entre les profils lipidiques des souches sauvages et des plantes d’intérêt dans le domaine aéronautique (Tableau 3). Le biokérosène étant un mélange d’alcanes de longueur de chaines de 6 à 14 carbones, l’objectif est de produire des huiles microbiennes composées d’acides gras insaturés de longueur de chaines d’environ 16 à 18 carbones. Par hydrotraitement, les doubles liaisons contenues dans ces acides gras sont cassées pour produire des alcanes de longueur de chaine voulue. 26 Rapport Max AGras/X %(glip/gX) C12:0 C14 :0 C15:0 C16 :0 C16 :1 37 11 C17:0 C18 :0 C18 :1 C18 :2 C18 :3 1 3 47 8 6 1 28 51 1 Rhodotorula glutinis 72 Yarrowia lipolytica 36 Streptomyces 20 Huile de palme # 44 5 39 11 T Huile de soja # 11 4 22 53 10 Huile de colza # 4 2 56 26 T 11 17 13 47 5-11 2-7 9-20 1-7 T 6 33 20 Jatropha curcas Huile de babassu # 40-55 11-27 36 4 Tableau 3 : Composition lipidique d’huiles de différents organismes (levures, bactéries, plantes) Depuis 2005, cette voie de production de lipides pour des usages biokérosène a fait l’objet de travaux de recherche en collaboration entre le LISBP, Micalis, Airbus et EADS inscrit dans de grands projets nationaux et européens. Ils ont permis l’obtention de résultats qui argumentent des objectifs scientifiques des travaux de recherche reportés dans ce document ; il s’agit d’identifier les systèmes de régulation des flux carbonés entrant dans le métabolisme lipidique chez la levure oléagineuse Yarrowia lipolytica. Les connaissances obtenues permettent d’en déduire un mode de conduite optimisant la production de lipides selon un profil lipidique maîtrisé. La démarche de génie microbiologique utilisée vise la quantification cinétique du comportement de la levure sur glucose en condition de limitation en phosphore et l’utilisation de co-substrat lipidique. Ce travail a obtenu le soutien d’EADS, Airbus et du CNRS. 27 2. ETAT DE L’ART 28 29 2.1. Les micro-organismes oléagineux Un micro-organisme est dit oléagineux s’il peut accumuler des lipides à un taux supérieur à 20% en masse (Ratledge 1984b; Ratledge and Wynn 2002). Il semble que la caractéristique principale des micro-organismes oléagineux soit la présence d’une enzyme leur permettant de diriger le flux de carbone apporté en surplus de celui nécessaire à la croissance vers la synthèse de lipides : l’ATP-citrate lyase, enzyme qui convertit le citrate en acétylCoA, précurseur de la synthèse lipidique (Ratledge 1984b). En effet, d’après Ratledge, les microorganismes oléagineux possèdent deux particularités : une capacité à produire un flux continu en acétylCoA mais aussi à apporter suffisamment de pouvoir réducteur afin d’alimenter la voie de biosynthèse des acides gras. Chez les microorganismes non-oléagineux, où l’ATP-citrate lyase n’est donc pas présente ou fonctionnelle, le citrate peut être accumulé dans le cytosol ou excrété hors de la cellule (Milsom 1987). Lorsque le citrate est accumulé dans la cellule, il inhibe la phospho-fructokinase, ce qui provoque l’accumulation intracellulaire de polysaccharides à partir de 6-phosphoglucose (Evans and Ratledge 1985b). De par la nature toxique des acides gras, ceux-ci ne sont pas accumulés sous forme libre dans les cellules. Chez les cellules eucaryotes, ils sont principalement estérifiés en triacylglycérols et stockés dans des organelles spécifiques, les corps lipidiques. Les micro-organismes oléagineux se retrouvent aussi bien chez les bactéries, les algues, les moisissures que les levures. 2.1.1. Les algues oléagineuses Les microalgues sont des organismes photo-autotrophes qui peuvent convertir le dioxyde de carbone directement en lipides (Metting et Pyne, 1996). Le temps de génération moyen est de 3,5 jours mais en culture batch et en croissance exponentielle, la biomasse peut être doublée en 24h (Shi et Valle-Rodriguez, 2011). Le taux en lipides accumulés varie en général entre 20 et 60% de la masse sèche et certains genres comme Botryococcus, Nannochloropsis et Schizochytrium peuvent atteindre 80% de lipides (Meng et al., 2009) (Tableau 4). Les huiles produites sont composées majoritairement d’acides gras insaturés comme les acides palmitoléique, oléique, linoléique et linolénique (Meng et al., 2009)(Tableau 5). 30 Ainsi, Botryococcus braunii accumule jusqu’à 85% de lipides (g/g de biomasse) dont particulièrement des acides gras polyinsaturés à longueur de chaine variable de 30 à 37 carbones. Cependant, la vitesse de production est très faible (0,12 à 0,15 g.L -1.jour-1) (Ratledge and Wilkinson 1989). En carence azote, la micro-algue Monallenthus saline accumule jusqu’à 72% de lipides (g/g de biomasse) et Neochloris oleobundans peut, quant à elle, accumuler 80% de triacylglycérides (g/g de biomasse). En carence de SiO 2, la diatomée Cyclotella cyrptica accumule 40% de lipides. L’intérêt des lipides issus de micro-algues apparaît aussi dans leur profil en acides gras. Porphyridium cruentum est une algue rouge de la famille des Rhodophyceae. Plus de la moitié des acides gras accumulés sont des acides gras à longue chaine et polyinsaturés comme d’acide arachidonique (C20:4) (Ahern, 1983). L’algue Chlorella minutissima est une source d’acide icosapentanoique (C20:5). Ces derniers représentent 45% des acides gras accumulés bien que le taux intracellulaire en lipides ne dépasse pas 7% de la biomasse totale (g/g). La productivité théorique en huile des microalgues est supérieure à celle des plantes terrestres et leur développement peu lié à la disponibilité en terres agricoles. Cependant, en comparaison d’autres microorganismes, la culture de microalgues pour la production de lipides demande une grande surface de par leur activité photosynthétique 24h (Shi et ValleRodriguez, 2011). Cette dernière demande donc l’approvisionnement en énergie solaire conséquente laissant les cultures tributaires des conditions climatiques et du cycle circadien 24h (Shi et Valle-Rodriguez, 2011). La nuit, il peut même avoir reconsommation des lipides produits le jour. De plus, la densité cellulaire de ces cultures est faible et implique une demande forte en eau (Chisti, 2007). Enfin, le génôme des microalgues étant peu étudié, les stratégies d’ingénierie génétiques semblent pour l’instant difficiles à mettre en place. 2.1.2. Les bactéries oléagineuses Les bactéries accumulent en général moins de lipides que les autres micro-organismes (Tableau 4), le taux moyen d’accumulation étant situé entre 20 et 40%. L’avantage majeur des bactéries oléagineuses est leur taux de croissance élevé et une culture facile à mettre en œuvre s’il n’y a pas filamentation (Shi et Valle-Rodriguez, 2011). Cependant, très peu de bactéries accumulent des lipides, en particulier des triacylglycérols. Leur production est généralement limitée à la synthèse de lipides complexes et de polyesters 31 comme des polyhydroxyalcanoates (Ratledge and Wilkinson 1989) (Shi et Valle-Rodriguez, 2011). Mais des taux élevés en triacylglycérides ont été quantifiés chez les Actinomycétales (Nocardia sp., Mycobacterium sp., Rhodococcus sp.). La bactérie Arthrobacter AK19 peut produire jusqu’à 70% de lipides (g lipides /g biomasse sèche) composés à 90% de triglycérides. Mais la faible vitesse de croissance de ces micro-organismes rend leur utilisation difficile. Quelques espèces peuvent accumuler des acides gras polyinsaturés, bien qu’en faibles doses. Ce sont les espèces Alteromonas sp, Shewanella sp., Flexibacter sp. et Vibrio sp. Les lipides accumulés ne représentent que 10 à 15% de la biomasse mais presque la moitié est des acides gras polyinsaturés. Des cérides peuvent être aussi synthétisés, jusqu’à 5% de la masse sèche sur glucose et 10% sur alcanes par Acinetobacter sp. et Moraxella sp. (Ratledge and Wilkinson 1989). Rhodococcus opacus peut, quant à elle, accumuler jusqu’à 87% de lipides en masse sèche (Alvarez et al., 1996), majoritairement des TAG (87%). Le profil en acides gras est majoritairement composé d’acide palmitique et oléique (Waltermann et al., 2000). Enfin, les bactéries filamenteuses du genre Streptomyces synthétisent aussi des triacylglycérols sous limitation azote (Olukoshi et Packter, 1994) jusqu’à un taux intracellulaire maximal de 25% en masse sèche (Arabolaza et al., 2008). 2.1.3. Les moisissures oléagineuses Ratledge (Ratledge 1984b) dénombra 64 espèces de champignons capables d’accumuler plus de 25% de lipides intracellulaires mais un très grand nombre d’espèces accumulent entre 20 et 25%. Un grand nombre de classes sont représentées : Entomophthorales, Mucorales, Péronosporales, Ascomycètes, Hyphomycètes, Clavipotaceae et Ustilaginales. La qualité d’être oléagineux est en général souche dépendante et non espèce dépendante. Parce que les champignons se développent sous forme de mycélium et non sous forme de cellules isolées, leur culture en milieu liquide est très difficile. Les cultures sont donc en général statiques, mais ne permettent pas une homogénéité des cultures et la maîtrise des paramètres de culture (pH, oxygène, mélange …). Les lipides neutres représentent en général de 85 à 90% des lipides accumulés, la majorité étant des triacylglycérols, des stérols et des squalènes. Cependant, la quantité en triacylglycérols accumulés est très variable suivant la souche et peut varier de 3 à 95% des lipides accumulés (Ratledge 1984b). Ainsi, l’espèce Humicola lanuginose accumule jusqu’à 75% de lipides en masse sèche (Shi et Valle-Rodriguez, 2011), Aspergilus oryzae 57% (Shi 32 et Valle-Rodriguez, 2011) et Mucor rouxii (30%) (Somashekar et al., 2003) (Tableau 4). En revanche, les acides gras accumulés présentent une grande diversité, surtout en ce qui concerne l’insaturation (Tableau 5) : les acides linoléique et linolénique sont très souvent rencontrés. Ainsi, les Mucorales produisent du γ-linolénate à une hauteur de 20% mais aussi des acides gras à chaine longue et polyinsaturés (C20:4ω6 et C20:5ω3) comme Mortiella alliacea YN-15 qui accumule de l’acide arachidonique jusqu’à 36% des lipides accumulés (Shi et Valle-Rodriguez, 2011). Les Entomophthorales produisent des chaines courtes en plus grandes quantités (C10 à C14 :0) et des acides gras associés à des glycolipides et présentant des branchements non usuels ou des hydroxylations. 2.1.4. Les levures oléagineuses Parmi les champignons filamenteux, les levures de distinguent par leur facilité de culture. Le nombre de levures oléagineuses (25) est réduit en comparaison au nombre total de levures connues (plus de 600) (Ratledge 1984a). Parmi les levures oléagineuses, il existe deux catégories : celles qui accumulent entre 20 et 30% de lipides et celles qui peuvent accumuler plus de 40% (g lipides/g de biomasse). L’efficacité de conversion du substrat en lipides dépend de la nature du substrat, de la présence des autres éléments nutritionnels et des conditions de culture, il a donc fallu trouver un critère de détermination des microorganismes oléagineux plus précis. Ratledge (Ratledge 1984a) a donc proposé que la qualité d’être oléagineux repose plutôt sur le fait de posséder les enzymes nécessaires à la synthèse de lipides de réserve, et plus particulièrement l’ATP-citrate lyase. Ainsi, selon certaines conditions, même S. cerevisiae peut accumuler jusqu’à 22% de lipides (g lipides /g de biomasse) mais ne possède pas d’ATP-citrate lyase. Les genres présentant des souches oléagineuses sont principalement Lypomyces, Candida, Cryoptococcus, Endomyces, Rhodosporidium, Rhodotorula et Yarrowia dont certaines sont représentées dans le Tableau 4. Ainsi, Rhodosporidium toruloides et Lipomyces starkeyi peuvent accumuler des lipides jusqu’à un taux de 60% et 70% en masse sèche respectivement (Meng et al., 2009). La première production de lipides en fermenteur a été réalisée en 1971 par Iwamoto (Ratledge 1984a) utilisant Rhodotorula gracilis en culture continue. Le taux de lipides accumulés atteint est de 0,40 gLipides.gX-1 avec une vitesse de production spécifique de 11 mg lipides.gX-1.h-1. La grande majorité des lipides accumulés chez les levures sont des triacylglycérols (80 à 85%) et le profil des acides gras estérifiés est similaire à celui des huiles végétales et non des graisses animales. Ainsi, les lipides accumulés chez Rhodosporidium toruloides contiennent 33 principalement des TAG composés d’acides oléiques, palmitique, stéarique et linoléique (Ma, 2006 et Li et al., 2007) (Tableau 5). Les autres lipides, identifiés en faibles quantités, sont les acides gras libres, les monoacylglycérols, les diacylglycérols et les stérols. Les acides gras accumulés, quel que soit leur forme (libres ou sous forme de triacylglycérols), sont majoritairement des acides gras à 16 et 18 carbones, dont les acides oléique et linoléique. Les acides gras à longueur de chaine plus courte (C12 et C14) sont très peu rencontrés ainsi que les acides gras à longue chaine polyinsaturés. Microorganisme Lipides (% masse sèche) Microalgues Botryococcus braunii 25–75 Cylindrotheca sp. 16–37 Nitzschia sp. 45–47 Schizochytrium sp. 50–77 Bactéries Arthrobacter sp. >40 Acinetobacter calcoaceticus 27–38 Rhodococcus opacus 24–25 Bacillus alcalophilus 18–24 Microorganisme Lipides (% masse sèche) Levures Candida curvata 58 Cryptococcus albidus 65 Lipomyces starkeyi 64 Rhodotorula glutinis 72 Moisissures Aspergillus oryzae 57 Mortierella isabellina 86 Humicola lanuginosa 75 Mortierella vinacea 66 Tableau 4 : Comparaison de l’accumulation lipidique chez les microalgues, bactéries, moisissures et levures (Meng et al., 2009) Microorganisme Profil en acides gras accumulés (% masse sèche de lipides accumulés) C16:0 C16:1 C18:0 C18:1 C18:2 C18:3 Microalgues 12–21 55–57 1–2 58–60 4–20 14–30 Levures 11–37 1–6 1–10 28–66 3–24 1–3 Moisissures 7–23 1–6 2–6 19–81 8–40 4–42 Bactéries 8–10 10–11 11–12 25–28 14–17 – Tableau 5 : Comparaison du profil en acides gras des lipides accumulés moyen chez les bactéries, microalgues, levures et moisissures. (Meng et al., 2009) L’utilisation d’une levure pour la production d’huile microbienne à visée de biocarburant nous semble la stratégie la plus adaptée. En effet, les levures ont une croissance relativement rapide, leur mode de culture est facile à mettre en œuvre et maitrisé, les cellules ne filamentent que sous certaines conditions très particulières et peuvent accumuler une grande quantité de lipides dont une majorité en acides gras insaturés (Tableau 5). De plus, sur le plan physiologique et biochimique, l’accumulation de lipides est la plus étudiée chez les levures. 34 La levure Yarrowia lipolytica accumule moins de lipides que d’autres souches (36% (g/g) (Cescut, 2009) contre 72% chez Rhodotorula glutinis) mais les acides gras accumulés sont principalement insaturés (jusqu’à 50% d’acide linoléique). Elle est dotée de l’ATP-citrate lyase (Finogenova et al. 2002) et fait donc partie des micro-organismes oléagineux. Cette levure est capable d’assimiler efficacement de nombreux substrats (hydrocarbures, lipides et acides gras, sucres, …). Elle possède la particularité d’assimiler les lipides mais aussi de les synthétiser et de les stocker sous forme de TAG dans certaines conditions. Son métabolisme est très étudié (2.2.2). De nombreux outils de génétique sont aussi disponibles (2.2.1.3). La levure Y. lipolytica est utilisée en industrie depuis de longues années déjà pour la production de métabolites ou de protéines (2.2.1.3). Enfin, il existe de nombreuses études sur l’amélioration de l’accumulation de lipides chez cette espèce mais aussi chez d’autres levures (2.3). À la lumière de ces caractéristiques, la levure Y. lipolytica a été choisie pour l’étude de la redirection du flux de carbone vers la synthèse des acides gras à partir de différents substrats et dans différentes conditions de culture. 2.2. Une levure oléagineuse : Yarrowia lipolytica 2.2.1. Généralités Yarrowia lipolytica est un microorganisme reconnu comme GRAS (Generally Recognized As Safe) par la FDA (Food and Drug Administration) (Souciet 2003). Y. lipolytica est naturellement retrouvée dans des aliments riches en lipides tels que les fromages, la margarine, l’huile d’olive, les plantes oléagineuses ou l’huile de vidange ou de produits riches en protéines tels que les viandes (Barth and Gaillardin 1997; Souciet 2003). Les premières études sur Yarrowia lipolytica ont été réalisées en 1942 par Diddens et Lodder (Poncet and Arpin 1965) et en 1948 par Peters et Nelson (Peters and Nelson 1948; Skinner and Fletcher 1960) pour comprendre ses caractéristiques physiologiques dont sa capacité à assimiler efficacement de nombreux substrats : hydrocarbures (Pareilleux 1978; Kosaric et al. 1979), lipides et acides gras (Faure 2002) et sucres. 35 2.2.1.1 Taxonomie La forme imparfaite, premièrement isolée en 1945 de fibres de maïs, a été nommée Candida lipolytica. Le micro-organisme a été reclassifié en 1970 en Endomycopsis lipolytica par Wickerham après qu’il ait observé la forme parfaite. Puis la levure a été renommée Saccharomycopsis lipolytica en 1972 par Yarrow (Yarrow, 1972) et enfin, en 1980, Yarrowia lipolytica par Van der Walt et Von Arx (Walt and Arx 1980). Yarrowia lipolytica est une levure de la famille de Dipodascaceae (Figure 3). Mais le taxon asexué Candida deformans semble être phylogénétiquement proche (Bigey et al. 2003). Les deux espèces C. bentonensis et C. hispaniensis ont été proposées pour entrer dans le clade de Yarrowia (Kurtzman 2005). Super règne : Eucaryotes Règne : Champignons Sous règne : Dicaryotes Phylum : Ascomycètes Sous-phylum : Saccharomycotina Classe : Saccharomycètes Ordre : Saccharomycétales Famille : Dispodascaceae Genre : Yarrowia Espèce : Y. lipolytica Figure 3 : Phylogénie de Yarrowia lipolytica. (D’après le consortium Génolevures) 2.2.1.2 Morphologie et caractéristiques physiologiques Yarrowia est un micro-organisme mésophile qui croit entre 10 et 30°C. Sa température maximale de croissance se situe entre 32 et 34°C. Cette levure est strictement aérobie (Poncet and Arpin 1965). 36 Figure 4 : Y. lipolytica wT sous contraste de phase (grossissement x1000) Y. lipolytica est un organisme hétérothalique (Barth and Gaillardin 1997). La forme sexuée a été décrite dans la fin des années 60 par Wickerham de l’United State Department of Agriculture à Peoria. Deux types sexuels existent (mat A et mat B) mais les fréquences de « mating » sont très faibles. De même, la sporulation est très rare et la viabilité des ascospores est faible (moins de 1% de viabilité des zygotes par cellule). La fusion de deux cellules haploïdes aboutit à la formation d’un zygote diploïde se développant sous forme de mycélium produisant des asques. Ces derniers contiennent de 1 à 4 ascospores de taille et de forme variable (Barth and Gaillardin 1997). Pour sporuler, Y. lipolytica n’a pas besoin d’une carence en azote comme Saccharomyces cerevisiae. La sporulation se déclenche dans un milieu riche, lorsque la source carbonée est totalement consommée. La multiplication asexuée se présente sous la forme de bourgeonnement bipolaire (Barth and Weber 1985). Cette levure présente un polymorphisme. Selon les conditions environnementales (condition d’aération, nature et concentration en sources carbonées et azotées, pH…) et le pool génétique de la souche, le micro-organisme se trouve sous la forme de cellules végétatives isolées, de pseudo mycélium ou de mycélium septé (vrai mycélium) (Walt and Arx 1980; Souciet 2003). Le vrai mycélium consiste en hyphes septés de 3 à 5 µm de largeur et de plusieurs mm de longueur. Les cellules apicales peuvent faire jusqu’à 100 µm et les segments 50 à 70 µm. Il y a un seul noyau par segment. Les septa sont reliés entre eux par le réticulum endoplasmique qui passe d’un segment à l’autre par un pore central (Barth and Gaillardin 1997). Les parois des hyphes montrent une plus grande quantité en sucres aminés et une plus faible quantité en protéines que les parois des cellules isolées (Vega and Dominguez 1986). Ota et al (Ota et al. 1984) ont pu démontrer que les substrats lipidiques comme l’huile d’olive, l’acide oléique, l’oleyl alcool, l’acide linoléique ou la trioléine ainsi que les sources azotées organiques comme la caséine de lait bovin, l’extrait de viande ou de graine de soja induisent la formation de mycélium chez plusieurs souches de Yarrowia. Une carence en magnésium (sous la forme de sulfate de magnésium) ou ions ferriques (sous la forme de chlorure de fer) ou l’addition de 37 cystéine ou de glutathione permettent de restaurer la forme unicellulaire (Ota et al. 1984). D’après Ruiz-Herrera (Ruiz-Herrera and Sentandreu 2002), le pH du milieu est le facteur ayant l’effet le plus important sur le dimorphisme. Un milieu à pH neutre entraîne la formation de mycélium et les cellules isolées apparaissent à pH acide. De même la présence de citrate ou un stress anaérobie provoque la formation de mycélium. Ce micro-organisme est connu pour sécréter de nombreux métabolites comme le citrate, l’isocitrate ou l’α-cétoglutarate (Souciet 2003). Sur milieu riche, il peut aussi excréter une protéase alcaline extra cellulaire et des RNAses à pH 6.8 et une protéase acide à pH 4 (Barth 1996). Peu de souches sont considérées comme oléagineuses, pourtant l’accumulation de lipides par plusieurs souches a été largement démontrée (Bati et al. 1984; Montet et al. 1985; Aggelis and Sourdis 1997; Nicaud et al. 1998; Papanikolaou and Aggelis 2002). Yarrowia lipolytica a la faculté d’accumuler des lipides comme substance de réserve à partir de glucose, à raison de 0,36 g de lipides/g de biomasse (Cescut 2009) dont principalement de l’acide oléique et linoléique. L’activité de l’ATP citrate lyase a été dosée sur la souche Y. lipolytica N1 (Finogenova et al. 2002). Cette enzyme est donc présente au moins chez certaines souches. La levure Y. lipolytica utilise des sources carbonées différentes comme des hydrocarbures tels que les alcanes et l-alcènes (polyméthylés ou polychlorés) (Klug and Markovetz 1967), des lipides tels que les acides gras et triglycérides ou des sucres tels que le glucose, le galactose ou le mannitol mais pas le saccharose (Barth and Gaillardin 1997). Y. lipolytica peut même assimiler l’éthanol et l’acétate jusqu’à une certaine concentration (Barth and Kunkel 1979). Il en est de même pour le glycérol (Cescut, 2009). Y. lipolytica est auxotrophe pour certaines vitamines : la biotine, le panthoténate, l’acide nicotinique, la thiamine, l’acide p-aminobenzoïque, le pyroxidol et le myoinositol. Peters et Nelson (Peters and Nelson 1951) ont déterminé les besoins en vitamines d’une souche de Y. lipolytica pour sa croissance et la production de lipase. Un milieu salin ne contenant aucune vitamine ne permet pas une croissance cellulaire ni une production de lipase. 38 2.2.1.3 Utilisations de Yarrowia lipolytica Les utilisations de Y. lipolytica sont nombreuses. Ne sont listées ici que les principales. 2.2.1.3.1. Production de métabolites ou conversion de substrats - Acides organiques Y. lipolytica a été très étudiée pour la production d’acide citrique à partir d’alcanes (Finogenova et al. 1973), d’éthanol (Arzumanov et al. 2000) ou substrats lipidiques (Kamzolova et al. 2007; Papanikolaou et al. 2008). Cependant, sur n-paraffines, Y. lipolytica produit 60% d’acide citrique et 40% d’acide isocitrique et sur glucose ou glycérol, une grande majorité de citrate (92 %). La production de citrate sur substrat osidique a lieu lorsque le micro-organisme est limité en azote (Antonucci et al. 2001; Fickers et al. 2005). Ce micro-organisme est aussi capable de produire de l’α-cétoglutarate en grandes quantités lorsqu’il est cultivé sur n-alcanes et en limitation de thiamine (l’α-cétoglutarate déshydrogénase est thiamine dépendante) (Chernyavskaya et al. 2000; Il'chenko et al. 2002). - Acides dicarboxyliques Les acides dicarboxyliques permettent la préparation de produits tels que les nylons et autres polyesters ou polyamides, les résines, adhésifs, parfums, lubrifiants, plastifiants (Thevenieau 2006). Ces acides proviennent de la voie de l’ω-oxydation et sont produits par Y. lipolytica sur substrat hydrophobe, bien qu’en faible quantité. Des études sont donc réalisées avec des modifications génétiques de souches permettant d’augmenter cette production (Smit et al. 2005; Thevenieau 2006). - Molécules aromatiques Y. lipolytica permet de produire des molécules aromatiques comme la γ-décalactone ou des Δlactones. La production de γ-décalactone (donnant une flaveur pêche) est issue de la bioconversion de l’acide ricinoléique (tiré d’huile de ricin) par β-oxydation dans les 39 peroxysomes (Endrizzi et al. 1996; Nicaud et al. 1998). Les Δ-lactones donnent des notes fruitées ou huileuses naturellement présentes dans les fruits ou produits alimentaires fermentés pour additifs (Wache et al. 2003). 2.2.1.3.2. Production de protéines Y. lipolytica est un microorganisme très utilisé pour la production de protéines. Le mécanisme prédominant de sécrétion chez cette levure est un processus de translocation cotraductionnelle comme chez les eucaryotes supérieurs (Boisrame et al. 1998). - Lipase et protéines émulsifiantes La lipase catalyse l’hydrolyse d’acylglycérol à longue chaine et la synthèse d’esters et d’amides et agit préférentiellement sur l’oléate et autres résidus oleyl aux positions 1 et 3. C’est une hydrolase de triacylglycérol (EC 3.1.1.3) (Heslot 1990). Y. lipolytica possède des promoteurs forts et une capacité de sécrétion importante. Elle produit naturellement 8 lipases dont la protéine Lip2 est majoritaire (Pignede et al. 2000). Ces lipases sont utilisées dans l’industrie des émulsifiants, des bases cosmétiques et la pharmacie. D’après Peters (Peters and Nelson 1948), l’expression des lipases est répressible par le glucose et le pH d’expression optimum est entre 6.2 et 6.5. Leur activation ou stabilisation requiert la présence d’acide oléique. Mais, Kalle et al. (Kalle et al. 1972) ont découvert deux activités lipase : une constitutive et non répressible par le glucose et une autre induite par le mono oléate de sorbitan. De même, sa localisation cellulaire n’a pas encore été déterminée. Elle pourrait être extracellulaire (Ota et al. 1978) ou liée à la membrane plasmique (Kalle et al. 1972). Cette levure produit aussi des émulsifiants comme le yansan (Trindade et al. 2008) ou le liposan (Cirigliano and Carman 1984, 1985; Sarubbo et al. 1997; Vance-Harrop et al. 2003; Albuquerque et al. 2006). - Protéases Y. lipolytica produit deux types de protéases : une protéase alcaline extracellulaire (AEP) et une protéase acide extracellulaire (AXP) (Heslot 1990). 40 La protéase alcaline (Ogrydziak 1988; Fabre et al. 1991) est produite naturellement sur milieu YPD à pH 6.8. Elle est encodée par le gène XPR2. Cette protéine de 32 kDa fait partie de la famille des subtilisines, de taille de 55 kDa et glycosylée (Matoba et al. 1988). La protéase acide est produite naturellement sur YPD à pH 4.0. Il existe trois espèces de protéines de tailles différentes : 28, 32 et 36 kDa (Young et al. 1996; McEwen and Young 1998) qui diffèrent par leur degré de glycosylation. - Autres enzymes Y. lipolytica produit une phosphatase extracellulaire (liée à la surface cellulaire) lorsque le milieu est carencé en sources phosphatées minérales. Dans les mêmes conditions que la production de protéase alcaline, Y. lipolytica produit une RNAse extracellulaire, une protéine de 45 kDa dégradée par la protéase alcaline en deux protéines de 43 et 34 kDa. Le précurseur est glycosylé et a un poids moléculaire de 73 kDa (Vasilevatonkova et al. 1993; Jolivet et al. 1998). 2.2.1.4 Génome et outils génétiques - Caractéristiques génomiques Le génome de Y. lipolytica (souche CLIB122) a été séquencé par le groupe de recherche Génolevures (Casaregola et al. 2003; Dujon et al. 2004). La carte génétique de cette levure a été construite (Ogrydziak et al. 1978; Ogrydziak et al. 1982; Ogrydziak 1988; Barth et al. 2003). La plupart des isolats de Yarrowia sont haploïdes (Barth and Gaillardin 1997) dont le contenu génétique est composé de 6 chromosomes (Souciet 2003). La taille du génome a été estimée à 4x109 Da soit 11Mb par Barth (Barth,1997) et entre 12.7 et 22.1 Mb selon la souche par Naumova (Naumova et al. 1993) La taille et le nombre de chromosomes sont également très variables selon la souche. Il peut exister 4 à 6 chromosomes. La souche CLIB122 séquencée par le consortium Génolevures en contient 6. 41 Saccharomyces cerevisiae Saccharomyces bayanus var. uvarium Saccharomyces exiguus Saccharomyces servazzii Candida glabrata Zygosaccharomyces rouxii Saccharomyces kuyveri Kluyveromyces thermotolerans Kuyveromyces lactis var. lactis Kuyveromyces marxianus var. marxianus Eremothecium gossypii Pichia angusta Debaryomyces hanseii var. hanseii Pichia farinosa Candida tropicalis Candida albicans Yarrowia lipolytica Figure 5 : Relations phylogénétiques des levures séquencées par le Génoscope (consortium Génolevures) (d’après [Fitzpatrick et al., 2006, BMC Evolutionary biology 6: 99] Yarrowia a beaucoup divergé des autres levures ascomycètes (Figure 5). En effet, elle présente un contenu en GC élevé (de 49.6 à 51.7%), la taille des gènes est plus grande (3.3 kb en moyenne contre 2 kb pour S. cerevisiae). Ceci est dû à une haute fréquence en introns (13%) dont la taille peut être grande (Bon et al. 2003). Les gènes homologues avec Saccharomyces cerevisiae, Kluyveromyces lactis et Candida albicans ont un niveau de similarité faible (typiquement 50 à 60% au niveau des acides aminés) (Barth and Gaillardin 1997; Neuveglise et al. 2002; Dujon et al. 2004). Yarrowia est donc une levure ascomycète atypique à la frontière entre les levures hémiascomycètes et les champignons filamenteux ascomycètes. 42 - Outils génétiques De nombreux outils génétiques ont été adaptés pour Y. lipolytica tels que des systèmes de transformation (Gaillardin et al. 1985; Davidow et al. 1987), un système de disruption (Fickers et al. 2003), un vecteur réplicatif (Fournier et al. 1991), un vecteur intégratif (Gaillardin and Ribet 1987), un système d’amplification de gènes (Ledall et al. 1994). Les promoteurs peuvent être fortement régulés ou constitutifs (Barth and Scheuber 1993; Blanchin-Roland et al. 1994). Peu de marqueurs de sélection sont disponibles chez ce micro-organisme. En effet, celui-ci est insensible à la plupart des antibiotiques, excepté au groupe des bléomycines et phléomycines et à l’hygromycine B (Otero and Gaillardin 1996). De plus, des résistances spontanées apparaissent (Barth and Gaillardin 1997). La méthode la plus couramment utilisée est donc l’utilisation de marqueurs d’auxotrophie. Les principaux marqueurs utilisés sont au nombre de deux : l’auxotrophie à la leucine par délétion du gène LEU2 codant l’isopropyl malate déshydrogénase et l’auxotrophie à l’uracile par délétion du gène URA3 codant pour l’orotidine-5’-phosphate décarboxylase. Plusieurs promoteurs forts sont utilisés. Les promoteurs peuvent être fortement régulés ou constitutifs (Barth and Scheuber 1993; Blanchin-Roland et al. 1994). Le premier promoteur à être utilisé est celui du gène XPR2 qui code pour la protéase alcaline (Ogrydziak et al. 1982; Nicaud et al. 1989). Cependant sa régulation est complexe : il est induit à pH supérieur à 6 dans un milieu dépourvu de sources de carbone et d’azote. Mais son induction est maximale lorsque la concentration en peptones dans le milieu initial est élevée (Madzak et al. 2004). Trois promoteurs sont fortement induits par les alcanes, les acides gras libres ou les triacylglycérols : le promoteur du gène POX2 codant l’acylCoA oxydase (Pignede et al. 2000), le promoteur du gène POT1 codant la 3-oxo-acylCoA thiolase et le promoteur du gène ICL1 codant l’isocitrate lyase (Juretzek et al. 2001). Ces deux premiers sont réprimés en présence de glucose ou de glycérol mais le mécanisme est inconnu (Juretzek et al. 2000). Cependant, le promoteur du gène ICL1 a un niveau basal en présence de glucose mais il est fortement exprimé en présence d’éthanol ou d’acétate. Les promoteurs des gènes TEF et RPS7 sont constitutifs et utilisés pour l’expression de protéines hétérologues (Müller 1998). 43 Un promoteur hybride a été développé par Madzak et al. (Madzak et al. 2000): Hp4d (Hybrid Promotor Four Direct repeat). Il correspond à l’insertion de 4 répétitions de la séquence UAS1 du gène XPR2 en amont du promoteur minimum du gène LEU2 contenant la boite TATA. Il est constitutif car son expression ne dépend ni des conditions ni de la composition du milieu de culture. Mais l’expression de protéines recombinantes sous son contrôle n’a lieu qu’en fin de phase exponentielle de croissance (Nicaud et al. 2002). 2.2.2. Physiologie 2.2.2.1 Métabolisme énergétique pour la croissance 2.2.2.1.1. Catabolisme des molécules aliphatiques - Assimilation des hydrocarbures En 1954, Bruyn démontra que Y. lipolytica peut utiliser les n-alcanes et l-alcènes (Bruyn 1954). Les alcanes polyméthylés et polychlorés sont aussi assimilés (Hagihara et al. 1977) mais peu d’enzymes ont été caractérisées et peu de gènes impliqués dans leur assimilation ont été clonés pour être étudiés (Iida et al. 1998; Wang et al. 1998) bien que le génome d’une souche de cette espèce ait été séquencé. L’assimilation des alcanes dans la cellule est inductible et due à un transport actif (Bassel and Mortimer 1985). Plusieurs transporteurs ou mono-oxygénases existent suivant la longueur de la chaîne carbonée. L’assimilation est très probablement facilitée par leur émulsion à la surface cellulaire afin de former des gouttelettes qui sont internalisées via des canaux reliant la paroi à l’intérieur de la cellule. L’émulsifiant probablement utilisé est le liposan, induit lors de croissance sur n-alcanes (Cirigliano and Carman 1984, 1985). Cependant, Fickers et al. (Fickers et al. 2005) proposent que les alcanes entrent directement dans la cellule. Les alcanes liés aux protubérances pourraient traverser la membrane via les pores via un transport passif jusqu’au réticulum endoplasmique, site de l’hydroxylation par le système mono-oxygénase P450. Les alcanes sont dégradés via la voie de l’ω-oxydation (Figure 6) dans le réticulum endoplasmique ou les peroxysomes. La première étape est l’hydroxylation monoterminale des 44 alcanes en alcools correspondants par un système d’hydrolases qui semble être couplé à un système de transfert des électrons (cytochrome P450 mono-oxygénase) (Ratledge 1984b). L’alcool gras formé est oxydé en aldéhyde par une alcanol déshydrogénase NAD(P) + dépendante ou une alcool oxydase. L’aldéhyde formé est oxydé en acide gras par une aldéhyde oxydase NAD(P)+ dépendante (Vanhanen et al. 2000). Ce dernier est soit dégradé via la voie de la β-oxydation (Figure 6) soit estérifié par le glycérol pour former un triacylglycérol en vue d’une accumulation intracellulaire (2.2.2.2.2). Ces étapes se déroulent dans le réticulum endoplasmique ou les peroxysomes. L’expression des cytochromes P450 est régulée par plusieurs gènes (Toshiya Iida 2000). Le cytochrome P450 est localisé dans la membrane du réticulum endoplasmique. Figure 6: Voie de l’ω-oxydation (Thevenieau, 2006) chez les levures. Trois étapes permettent de convertir l’alcane en acide gras à longueur de chaîne correspondante. Le complexe cytochrome P450 mono-oxygénase est composé d’un cytochrome P450 dont la fonction est d’oxyder le carbone terminal et d’une cytochrome P450 réductase (NADPH dépendante) dont la fonction est le transfert d’électron. Cette réaction se déroule dans le réticulum endoplasmique. L’alcool formé est oxydé par (A) des alcools oxydases en formant du peroxyde d’hydrogène dans le peroxysome ou (B) des alcool déshydrogénases (NAD(P)+ dépendantes) dans le réticulum endoplasmique ou le cytosol. L’aldéhyde formé est converti en acide gras par l’aldéhyde déshydrogénase localisée dans les peroxysomes, le réticulum endoplasmique et le cytosol. Une partie des acides gras dérivant du catabolisme des alcanes permet la synthèse d’acides gras de 14 à 18 carbones. Cette synthèse a lieu dans le réticulum endoplasmique et fait intervenir l’acylCoA synthétase I (ACS I), la glycérol-3-phosphate acyltransférase (GAT) ainsi que les enzymes de la désaturation et de l’élongation des acides gras. Les acides gras synthétisés permettent ensuite la formation de phospholipides et de triglycérides. 45 - Assimilation des alcools Y. lipolytica utilise l’éthanol comme source de carbone jusqu’à une concentration de 3% (vol/vol). Plusieurs alcool-déshydrogénases NAD+ ou NADP+ dépendantes ont été observées chez ce micro-organisme (Barth and Kunkel 1979) dont deux alcool-déshydrogénases (NAD+ dépendantes) qui diffèrent par leur spécificité de substrat. La synthèse des deux enzymes semble répressible par le glucose et induite par l’éthanol. Trois alcool-déshydrogénases (NADP+ dépendantes) ont été découvertes, chacune avec des spécificités de substrat. La présence de ces alcool-déshydrogénases (NADP+ dépendantes) dépend de la phase de croissance et de la source carbonée (Barth and Gaillardin 1997). - Assimilation de l’acétate La croissance sur acétate est possible. La concentration maximale tolérée est de 0.4% d’acétate de sodium soit une concentration en acétate de 2,9 g.L-1. La croissance est totalement inhibée à 1% (soit 7,3 g.L-1). L’acétylCoA synthétase est nécessaire à l’induction de l’assimilation de l’acétate via le cycle du glyoxylate (Barth and Gaillardin 1997). 2.2.2.1.2. Catabolisme des glucides La glycolyse est l’assimilation de sucre (glucose plus particulièrement) qui conduit à la production d’acide pyruvique dans le cytoplasme (Figure 7). Ce dernier passe ensuite dans la mitochondrie pour être transformé en acétylCoA par la pyruvate déshydrogénase soit pour entrer dans le cycle de Krebs soit pour être transporté par la carnitine-acétyl-transférase vers le cytoplasme pour la synthèse d’acide gras (Davies 1992). Les enzymes de la glycolyse sont réversibles et les réactions qu’elles catalysent proches de l’équilibre. Cependant, quelques réactions sont irréversibles, et donc essentielles. Ces réactions sont réalisées par la glucokinase, la phosphofructokinase et la pyruvate-kinase. Le pyruvate subit une décarboxylation oxydative catalysée par une pyruvate-déshydrogénase, multienzyme mitochondriale qui contient trois fonctions : pyruvate-déshydrogénase, dihydrolipoamide-acétyl-transférase et dihydrolipoamide-déshydrogénase. Cette réaction 46 produit du CO2, une molécule d’eau et une molécule d’acétylCoA afin d’alimenter le cycle de Krebs. Figure 7 : Voie de la glycolyse chez la levure. Les hexoses intracellulaires entrent dans la glycolyse après une phosphorylation par une hexokinase. L’hexokinase est fortement inhibée par le tréhalose-6-phosphate. La phosphoglucose isomérase converti le glucose-6-phosphate en fructose-6-phosphate, cette réaction est réversible. La phosphofructokinase catalyse la phosphorylation du fructose-6-phosphate en en fructose-1,6-biphosphate. La transformation de cette molécule à 6 carbones en trioses est réalisée par la fructose-1,6-biphosphate aldolase qui clive le fructose-1,6-biphosphate en dihydroxyacétone-phosphate et glycéraldéhyde-3-phosphate. La triose-phosphate-isomérase permet l’interconversion entre le dihydroxyacétone-phosphate et le glycéraldéhyde-3-phosphate. La glycéraldéhyde-3phosphate-déshydrogénase catalyse l’oxydation du glycéraldéhyde-3-phosphate en 1,3 biphosphoglycérate en générant une liaison enrichie en énergie acyl-phosphate. Le NADH généré dans la réaction est réoxydé pour la glycolyse. La phosphoglycérate kinase permet d’utiliser la liaison riche en énergie acyl-phosphate du 1,3 biphosphoglycérate pour produire une molécule d’ATP. La phosphoglycérate mutase catalyse l’interconversion entre le 3- et le 2- phosphoglycérate. L’énolase catalyse la déshydratation du 2-phosphoglycérate en phosphoénol-pyruvate. Enfin, la pyruvate-kinase catalyse la deuxième réaction formant de l’ATP en formant du pyruvate. 47 L’acétylCoA pourrait aussi être formé dans le cytosol via le pyruvate « by-pass » grâce à l’action de la pyruvate-décarboxylase, de l’aldéhyde deshydrogénase et de l’acétylCoAsynthétase. Cette voie existe également chez plusieurs levures dont certains Candida (Chen et al. 2005). Y. lipolytica possède une glucokinase majoritaire et spécifique du glucose et une hexokinase. La phosphoglycérate kinase est encodée par le gène PGK1 chez Y. lipolytica. 2.2.2.1.3. Génération du pouvoir réducteur et synthèse d’ATP - Voie des pentoses-phosphates La glucose-6-phosphate déshydrogénase catalyse l’oxydation du glucose-6-phosphate en 6phospho-gluconolactone. Son hydrolyse en 6-phospho-gluconate est spontanée à pH physiologique mais très lente. Une lactonase accélère cette réaction. Le 6-phosphogluconate subit une décarboxylation oxydative grâce à l’activité de la 6-phospho-gluconate déshydrogénase pour former du ribulose-5-phosphate qui peut être isomérisé en ribose-5phosphate ou épimérisé en xylulose-5-phosphate. Une transcétolase catalyse le transfert d’un chaînon dicarboné, prélevé au xylulose-5-phosphate sur le ribose-5-phosphate ou un érythrose-4-phosphate. Enfin, une transaldolase catalyse la formation réversible de glycéraldéhyde-3-phosphate et sédoheptulose-7-phosphate à partir d’érythrose et de fructose-6-phosphate. La voie des pentoses phosphate (Figure 8) est impliquée dans la production de NADPH pour les réactions de biosynthèse ou la production d’énergie, de ribose-5-phosphate pour la synthèse d’acide nucléique et de facteurs nucléotidiques et d’érythrose-4-phosphate pour la synthèse d’acides aminés. Le fructose-6-phosphate formé en fin de voie retourne dans la glycolyse où il peut être dégradé en pyruvate ou isomérisé en glucose-6-phosphate par la phosphoglucose isomérase. L’oxydation complète d’une molécule de glucose-6-phosphate via la voie des pentoses phosphate peut ainsi être résumée par l’équation suivante : Glucose-6-P + 12 NADP+ 6 CO2 + Pi + 12 NADPH,H+ 48 Figure 8: Voie des pentoses-phosphate. - Cycle de Krebs Le pyruvate formé au cours de la glycolyse est entièrement oxydé en CO 2 au cours du cycle de Krebs (Figure 9). Le cycle de Krebs peut aussi être approvisionné en acétylCoA par la voie de dégradation des acides gras : ce sont les deux voies anaplérotiques principales fournissant des molécules carbonées au cycle de Krebs. Les intermédiaires du cycle de Krebs sont utilisés pour des réactions de biosynthèse. Le cycle de Krebs permet de reformer du pouvoir réducteur, en formant des molécules de NADH à partir de NAD +. Le cycle de Krebs se déroule de la manière suivante et prend place dans la mitochondrie : Le citrate est formé par condensation de l’acétylCoA avec une molécule d’oxaloacétate. Une molécule d’eau est consommée et un coenzyme A-SH est relargué. Le citrate produit est 49 isomérisé en isocitrate, lui même oxydé et décarboxylé pour former une molécule d’ αcétoglutarate. Un NAD+ est réduit et une molécule de CO2 est formée. L’isocitrate déshydrogénase, NAD+ dépendante, est inhibée par le NADH, même à de faibles concentrations (Morgunov et al. 2004). L’ α-cétoglutarate subit une décarboxylation oxydative pour former une molécule de succinyl-CoA avec réduction du NAD+. Cette molécule est transformée en succinate en produisant une molécule d’ATP et un CoA-SH. Le succinate est oxydé en fumarate avec réduction d’un FAD. Le fumarate est hydraté en malate, ce qui consomme une molécule d’eau. Le malate est oxydé en OAA, ce qui réduit une molécule de NAD. Cette voie peut donc être résumée par la formule suivante : Acétyl-CoA + 3 NAD+ + 2 H2O + FAD + GDP + Pi 2 CO2 + 3 NADH,H+ + FADH2 + GTP + CoA Le shunt du glyoxylate permet de produire du glyoxylate et du succinate à partir de l’isocitrate. Le glyoxylate sera ensuite condensé avec une molécule d’acétylCoA et une molécule d’eau pour former du malate et libérer un CoA-SH. Deux enzymes sont caractéristiques de ce cycle : l’isocitrate lyase et la malate synthase. L’isocitrate lyase, codée par le gène ICL1 chez S. cerevisiae, catalyse le clivage de l’isocitrate en succinate et glyoxylate. La malate synthase catalyse la condensation du glyoxylate avec une molécule d’acétylCoA. 50 O H3C C COOH CO2 Pyruvate CoASH NAD+ O NADH + H+ H3C C SCoA Citrate synthétase NADH + H+ O C COOH Malate CoASH H2C COOH NAD+ Malate OAA déshydrogénase H HO C COOH H2C COOH OH2 H C COOH H H2C COOH 2+ Fe H2C COOH OH2 CoASH+ H+ O H3C C SCoA HC COOH O C COOH H OH2 Aconitase 2+ Isocitrate lyase Glyoxylate Acétyl-CoA COOH CH Cis-aconitate C COOH C COOH H Fumarase Fumarate OH2 Aconitase Malate synthase OH2 Citrate HO C COOH Fe H2C COOH H C COOH FADH2 Succinate déshydrogénase H2C COOH H2C COOH FAD Succinate Isocitrate déshydrogénase Succinate HC COOH H2C COOH NADH + H+ Isocitrate déshydrogénase Succinate thiokinase Mg H2C COOH CH2 O Succinyl-CoA Oxalosuccinate O C COOH CoASH GDP + Pi NAD+ H2C COOH H2C COOH GTP Isocitrate HO C COOH H Alpha-cétoglutarate déshydrogénase CO 2 H2C COOH 2+ CO 2 CH2 O S CoA COOH Alpha-cétoglutarate CoASH NADH + H+ NAD+ IPP+ Ac. lipoïque FAD Figure 9: Cycle de Krebs. Les enzymes catalysant les réactions sont en rouge, les composés intermédiaires en italique. - Synthèse d’ATP à partir du pouvoir réducteur En conditions aérobies, la grande majorité de l’ATP cellulaire est formée dans les mitochondries. La phosphorylation de l’ADP en ATP est couplée à l’oxydation du NADH en NAD+ par l’oxygène. Le système de phosphorylation oxydative est composé de la chaîne respiratoire et de l'ATP synthase. La phosphorylation oxydative régénère les coenzymes réduits NADH et FADH2 en NAD+ et FAD. Les électrons libérés sont transférés à l’oxygène moléculaire pour former une molécule d’eau. Les protons exportés permettent le maintien du potentiel transmembranaire 51 entre l’espace intermembranaire et la matrice de la mitochondrie. Ainsi, l’entrée de protons à l’intérieur de la mitochondrie permet la synthèse d’ATP grâce à l’ATPase membranaire. La chaîne respiratoire est une chaîne de transport d'électrons constituée de quatre complexes protéiques : NADH ubiquinone oxydoréductase (appelé aussi complexe I), succinate ubiquinone oxydoréductase (complexe II), ubiquinol cytochrome c oxydoréductase (complexe III), cytochrome c oxydase (complexe IV). À ces complexes protéiques, s'ajoutent des transporteurs mobiles d'électrons, l'ubiquinone (ou coenzyme Q) et le cytochrome c. Le NADH cède ses électrons au complexe I et ils sont ensuite transportés par l'ubiquinone jusqu'au complexe III. Enfin les électrons sont pris en charge par le cytochrome c puis libérés au niveau du complexe IV où ils sont utilisés pour la réduction de l'oxygène en eau. Le FADH2 cède, quant à lui, ses électrons au complexe II. Ils sont ensuite transportés par l'ubiquinone jusqu'au complexe III et suivent alors le même chemin que les électrons fournis par le NADH. Ainsi, la chaîne respiratoire permet le transfert progressif des électrons à partir des coenzymes réduits vers l'oxygène par une cascade d’oxydoréduction. L'énergie libérée au cours de ce transfert d'électrons sur la chaîne d'oxydoréduction permet l'expulsion de protons de la matrice vers l'espace intermembranaire, au niveau des complexes I, III et IV, formant ainsi un gradient de protons de part et d'autre de la membrane interne. Ce couplage chimiosmotique aboutit à la formation d'un gradient électrochimique qui contient l'énergie d'oxydation. Ce gradient est constitué d'un gradient de pH (la matrice devient plus basique) et d'un gradient de charges (la face matricielle de la membrane interne est chargée négativement). Ce gradient électrochimique, via le retour des protons dans la matrice en passant par l'ATP synthase, permet à celle-ci de catalyser la réaction réversible de phosphorylation de l'ADP en ATP. La consommation d'oxygène et la phosphorylation sont ainsi couplées via cette force protomotrice. Une molécule de NADH réoxydée permet ainsi de libérer 10 protons qui permettent à leur tour de former 3 molécules d’ATP. 2.2.2.1.4. Catabolisme des acides gras et des triacylglycérols - Catabolisme des triacylglycérols Le catabolisme des triacylglycérols nécessite un système lipasique afin de cliver ces derniers en glycérol et acides gras (Peters and Nelson 1948). Les triglycérides sont dégradés 52 préférentiellement sur les positions sn1 et sn3 (Barth and Gaillardin 1997). Le système de Yarrowia lipolytica est très actif. Il comprend plusieurs lipases extracellulaires, intracellulaires ou membranaires et leur activité dépend de la présence d’acides gras ou de triglycérides dans l’environnement (Fickers et al. 2003). Le gène LIP2 code une lipase extracellulaire qui hydrolyse préférentiellement les triacylglycérols dont les acides gras ont une longue chaîne carbonée (Barth 1996). Le gène LIP7 code une lipase membranaire spécifique du caproate (C6 :0) et le gène LIP8 code une lipase membranaire spécifique du caprate (C8 :0) (Fickers et al. 2005). Les gènes LIP1, 3 et 6 codent des carboxyl-estérases (Fickers et al. 2005). - Adhésion à la cellule et transport intracellulaire des acides gras L’adhésion des acides gras à la cellule pourrait se faire de deux manières : soit par la solubilisation de ces lipides via l’excrétion d’un composé surfactant, soit par modification de la surface cellulaire : - La cellule secrète des surfactants permettant l’émulsion des acides gras en formant des micelles qui seraient internalisées dans la membrane plasmique. Un des émulsifiants extracellulaires, le liposan, est une glycoprotéine de 27 kDa composée à 5% de protéines, 20% de glucides et 75% de lipides (Cirigliano and Carman 1984). La sécrétion du liposan est induite par la présence de triacylglycérols et d’hydrocarbures et réprimée en présence de glucose. - Le second mécanisme semble être un contact direct entre les cellules et les gouttelettes lipidiques et s’appuie sur la corrélation entre l’induction de l’adhérence du substrat à la paroi cellulaire et l’augmentation des propriétés apolaires de la surface de la cellule (Wache et al. 2003). Mlickova (Mlickova et al. 2004) a pu observer que, lorsqu’une souche de Y. lipolytica est cultivée sur acide oléique, des protubérances apparaissent, correspondant à l’adhérence des gouttelettes aux parois cellulaires. Cette adhérence serait due à l’interaction de type acide base entre les acides gras et la membrane cellulaire (Mlickova et al. 2004) et à la modification de l’hydrophobicité de la surface cellulaire (Fickers et al. 2005). Une culture de Y. lipolytica en présence de substrats hydrophobes permet d’observer des modifications de la structure cellulaire : protubérances à la surface cellulaire et apparition d’invaginations dans la membrane et 53 de pores associés aux structures du réticulum endoplasmique. Ces pores connectent les protubérances extra-membranaires à l’intérieur de la cellule (Mlickova et al. 2004). Le mécanisme de transport des acides gras à travers la membrane est aussi très controversé chez les levures, la plupart des études ayant été réalisée chez S. cerevisiae. Deux hypothèses ont été posées : l’une défendant l’existence de transporteurs d’acides gras situés dans la membrane plasmique, l’autre défendant le fait que ces acides gras diffusent librement à travers la membrane. Kampf (Kampf 2007) a observé que la fixation et le transport des acides gras sont des processus rapides et Hamilton (Hamilton 1998) a montré que les acides gras peuvent diffuser rapidement à travers une bicouche lipidique synthétique à pH physiologique. Cependant, les vitesses de transport des acides gras ne sont pas toutes identiques (Abumrad et al. 1991; Abumrad et al. 1999). Deux transporteurs actifs ont été mis en évidence (Kohlwein and Paltauf 1980) : un spécifique des acides gras à longueur de chaine de 12 à 14 carbones et un pour les longueurs de chaine de 16 à 18 carbones. Les acides gras à longueur de chaîne de 8 et 10 carbones ne sont pas transportés dans la cellule car ils sont supposés toxiques. En effet, les acides gras à chaîne carbonée courte (inférieure ou égale à 14 carbones) semblent inhiber le transport d’anions (et plus spécialement de phosphate) à travers la membrane mitochondriale, ce qui affecte le transport de protons (Hunkova and Fencl 1978). Chez S. cerevisiae, la protéine fat1p et les acylCoA synthétases faa1p et faa4p semblent être les protéines majoritaires permettant le transport et l’activation des acides gras (Faergeman et al. 2001). La protéine semble être localisée dans le réticulum endoplasmique et la membrane peroxysomale et est homologue à la protéine codée par le gène FATP des eucaryotes supérieurs responsable du transport des acides gras (Faergeman et al. 2001). Cette protéine a deux fonctions : l’importation des acides gras dans la cellule et une activité acylCoA synthétase. Les acylCoA synthétases faa1 et faa4 représentent 99% des activités myristoyl et palmitoylCoA synthétases (Johnson et al. 1994). Une double délétion entraine l’altération du transport des acides gras (Johnson et al. 1995). Le transport cytosolique des acides gras activés pourrait être régulé par les « acyl CoA binding proteins » ACBP. Leur poids moléculaire est de 10 kDa. Ces protéines lient les acides gras activés entre 14 et 22 atomes de carbone (Faergeman et al. 1997) et pourraient transporter les acylCoA jusqu’au système d’élongation. Faergeman réconcilie les deux hypothèses en suggérant que le transport des lipides soit réalisé par diffusion passive qui permet l’activation de la synthèse de transporteurs liés à la membrane (Faergeman et al. 2001). 54 - Catabolisme des acides gras o Activation des acides gras Les acides gras sont supposés toxiques pour la cellule. Ainsi, dès leur apparition dans la cellule, ils sont transportés vers les peroxysomes pour être transformés en thio-esters de coenzymeA (Ratledge 1984b). L’activation des acides gras est réalisée par une acylCoA synthétase II (ACS). Elle est localisée dans les peroxysomes et est induite par la présence de palmitate (Dellangelica et al. 1992). - L’acide gras réagit avec une molécule d’ATP pour former un acyl-adénylate. Les autres groupes phosphoryles de l’AMP sont libérés dans le milieu sous la forme de pyrophosphate selon la réaction suivante : R COOH ATP RCOO AMP PPi - L’acyl-adénylate réagit avec un coenzyme A pour former une molécule d’acylCoA, ce qui relargue une molécule d’AMP. La réaction est la suivante : RCOO AMP HS CoA RCOO S CoA AMP Pour régénérer un AMP, deux groupes phosphoryles sont nécessaires, ce qui correspond à l’utilisation de deux molécules d’ATP et non d’une seule. Palmieri (Palmieri et al. 2001) a fonctionnellement reconstitué un transporteur ABC nommé ant1p et une fonction de transporteur a été découverte pour le complexe protéique pxa1ppxa2p (Shani and Valle 1996). Ces deux transporteurs fournissent les acides gras activés à la voie de dégradation des acides gras dans les peroxysomes. Les acides gras à chaîne carbonée courte sont inhibiteurs de la croissance. Les acides gras à longueur de chaîne de 8 et 10 carbones sont les plus toxiques. C’est pour cette raison qu’il ne semble par exister de transporteur pour ces acides gras (Hunkova and Fencl 1977; Hunkova and Fencl 1978). o Dégradation des acides gras La dégradation des acides gras est réalisée via la voie de la β-oxydation (Figure 10). Chez les levures, elle se situe uniquement dans les peroxysomes car elles ont perdu les enzymes requises pour la β-oxydation mitochondriale (Hiltunen et al. 1993). La culture de Y. lipolytica sur acide oléique entraîne la prolifération des peroxysomes et une augmentation de l’activité des enzymes de la β-oxydation. Cette voie permet la formation d’acétylCoA à partir d’acides 55 gras à chaîne paire et de propionyl-Co A à partir d’acides gras à chaîne impaire. Pour chaque molécule d’acétylCoA produite (ou de propionyl-CoA), une molécule de NADH2 et une molécule de FADH2 sont formées. L’acide gras à n carbones est dégradé de manière cyclique. Chaque cycle libère un acide gras raccourci de 2 carbones et une molécule d’acétylCoA. L’acétylCoA généré est utilisé pour la construction de la cellule ou catabolisé dans le cycle de Krebs. Quatre réactions successives sont nécessaires : - L’acylCoA formé lors de l’activation de l’acide gras est oxydé par une molécule de FAD pour former une molécule de trans-Δ2-enoyl-CoA grâce à l’action d’une acylCoA oxydase codée par les gènes POX 1 à 6 chez Y. lipolytica (Nicaud et al. 1998; Wang et al. 1999). Le peroxyde d’oxygène produit par cette réaction est détoxifié par la catalase peroxysomale codée par le gène CTA1 chez S. cerevisiae (Cohen et al. 1985; Cohen et al. 1988). Chez Y. lipolytica, l’acylCoA oxydase 2 est spécifique des acides gras à chaîne longue (Luo et al. 2002) et l’acylCoA oxydase 3 des acides gras à chaîne courte (Wang et al. 1999). Les acylCoA oxydases seraient importées dans les peroxysomes sous la forme d’un hétéropentamère (Titorenko et al. 2002). - Le trans-Δ2-enoyl-CoA est hydraté par la 2-enoyl-CoA hydratase. - La molécule de L-3-hydroxyacyl-CoA formée est oxydée par une molécule de NAD+ pour former une molécule de 3-oxoacyl-CoA thioester. Ces deux dernières étapes sont catalysées par une protéine bifonctionnelle codée par le gène FOX2. - Le 3-oxoacyl-CoA thioester est clivé par une 3-oxoacyl-CoA thiolase codée par le gène POT1 (Igual et al. 1992). Un coenzyme A est ajouté pour former un acétylCoA et un acylCoA diminué de deux carbones. La disruption de POT1 empêche l’utilisation d’oléate par la cellule mais pas l’élongation des acides incorporés. Pour les substrats à chaîne courte, le clivage est réalisé par une acéto-acétylCoA thiolase peroxysomale codée par le gène PAT1, inductible en présence de décane (Yamagami et al. 2001). Le pouvoir réducteur nécessaire à ces réactions (NADH) est produit par une activité isocitrate déshydrogénase peroxysomale inductible par l’acide oléique et codée par le gène IDP3 (Van Roermund et al. 1995). 56 Figure 10 : Voie de la β-oxydation des acides gras chez la levure. Exemple de l’acide palmitique (C16:0). Les acides gras insaturés sont dégradés de la même manière que les acides gras saturés. Cependant, des enzymes sont spécifiques des acides gras cis-insaturés en position impaire tel que l’acide oléique 18 :1Δ9. L’intermédiaire formé est le 2,5 di-enoyl-CoA. Après un cycle d’oxydation, une double liaison 3-cis est formée et isomérisée par une Δ3-cis-Δ2-trans-enoylCoA isomérase. 57 D’autres enzymes permettent d’oxyder les acides gras cis-insaturés en position paire en formant du 2-trans-4-cis-disénoyl-CoA. Celui-ci est oxydé en 3-énoyl-CoA par une 2,4diénoyl-CoA réductase (NADPH dépendante). Une isomérisation intervient pour former du 2énoyl-CoA par l’action de la Δ3-cis-Δ2-trans-énoyl-CoA isomérase. - Exportation de l’acétyl-CoA vers les voies du métabolisme intermédiaire Van Roermund et al. (Van Roermund et al. 1995) ont décrit deux voies d’exportation de l’acétylCoA à partir des peroxysomes. L’acétylCoA peut être transporté dans les mitochondries en tant qu’acétyl-carnitine grâce à l’action d’une acétyl-carnitine acyltransférase codée par le gène CAT2. Elle est localisée dans les peroxysomes et les mitochondries (van Roermund et al. 1999). Mais, l’acétylCoA peut aussi être métabolisé en entrant dans le cycle du glyoxylate dans les peroxysomes. Deux molécules d’acétylCoA produisent 4 unités de carbone. Les intermédiaires incluent l’isocitrate et le succinate qui peuvent être importés dans les mitochondries (Van Roermund et al. 1995). - Induction des gènes par les acides gras L’expression des protéines peroxysomales et des enzymes de la β-oxydation est régulée de plusieurs manières, principalement au niveau transcriptionnel (Latruffe et al. 2001). La plupart de ces gènes sont réprimés en présence de glucose. L’utilisation d’éthanol ou de glycérol comme substrat entraine une faible augmentation de l’expression de ces gènes. L’acide oléique permet l’augmentation forte de leur expression. Les protéines qui lèvent la répression de ces gènes sont adr1p et snf1p. Elles sont nécessaires à l’induction par l’acide oléique de protéines peroxysomales (Navarro and Igual 1994). Les promoteurs de nombreux gènes codant des protéines peroxysomales présentent une séquence d’activation. Cette séquence est responsable de la régulation de la transcription par l’oléate doublée d’un élément de réponse à l’oléate « Oleate Response Element » (ORE) (Einerhand et al. 1993; Wang et al. 1994). Le motif de cette séquence a été défini comme étant CGG-N15-18-CCG (Rottensteiner et al. 1996) ou CGGNNNTNA-N9-12-CCG (Karpichev and Small 1998). L’activation de la transcription est due à la fixation d’un complexe de dimères activateurs à l’élément ORE (Einerhand et al. 1993). 58 2.2.2.2 Synthèse de substances de réserve Chez Y. lipolytica, le flux de carbone excédentaire est redirigé soit en lipides, en polysaccharides et/ou en acides organiques. En effet, lors du ralentissement de la croissance par une limitation en un élément, le substrat continue d’être assimilé par la cellule (Ratledge 2002; Cescut 2009). Le citrate produit au niveau du cycle de Krebs peut alors être excrété de la cellule ou entrer dans la voie de synthèse des acides gras. Dans ce dernier cas, qui se déroule dans le cytoplasme, le citrate permet de synthétiser de l’acétylCoA et de l’oxaloacétate (OAA) par l’action de l’ATP-citrate lyase. L’OAA est recyclé dans la mitochondrie en malate ou en pyruvate et CO2. Le citrate sort de la mitochondrie par le transporteur « tricarboxylate anion » probablement en échange de malate. Ce transporteur est probablement inhibé par les acylCoA (Figure 14). La surproduction en citrate est due à l’inhibition de l’isocitrate déshydrogénase. En effet, en limitation azote, le ralentissement de la croissance entraine une baisse de la production d’enzymes et de nucléotides et donc de l’AMP intracellulaire (Evans and Ratledge 1985a, 1985b, 1985c). Les ratios ATP/AMP et NADH/NAD+ augmentent, ce qui inhibe l’enzyme (Morgunov et al. 2004). 2.2.2.2.1. Caractéristiques des lipides intracellulaires Les lipides levuriens sont composés d’acides gras dont 80% sont des acides gras à chaîne carbonée de longueur de 16 et 18 carbones et principalement monoinsaturés. Les autres acides gras restants sont des acides gras à longueur de chaine de 14 et 26 carbones et jouent un rôle essentiel dans la modification de protéines ou comme composants de sphingolipides (Tehlivets et al. 2007). Les acides gras sont des acides carboxyliques à chaîne aliphatique hydrophobe. L'insaturation (Δ) est le nombre de doubles liaisons éthyléniques (C=C). On trouve à l'état naturel entre 0 et 6 doubles liaisons. Elle conditionne la réactivité chimique de la molécule, sa stabilité (zone de fragilité) et ses propriétés physiques et physiologiques. Sans double liaison, l’acide gras est saturé. Elles peuvent être cis ou trans (isomérie spatiale). 59 Figure 11 : Structure des acides gras saturés et monoinsaturés. Ici, l’acide gras saturé est l’acide stéarique (C18 :0). Les deux acides gras insaturés sont monoinsaturés en position Δ9 : ce sont l’acide oléique cis-insaturé et trans-insaturé. - Lipides structuraux Les lipides sont des composés essentiels à la cellule. Toutes les structures des organelles cellulaires sont impliquées ou dépendantes de la synthèse des acides gras, de multiples niveaux de contrôles sont donc très probablement existants (Tehlivets et al. 2007). La nature hydrophobique des acides gras permet de former des bicouches membranaires qui sont la base de la compartimentation des cellules. La partie polaire des lipides est située à l’extérieur des membranes alors que la partie hydrophobe (les acides gras) est à l’intérieur. Les lipides structuraux constituent la biomasse catalytique et représentent 5 à 10% (w/w) de la masse sèche cellulaire. Ce ne sont pas des lipides de réserve. Cependant, il est impossible de séparer les lipides structuraux des lipides de réserve lors des dosages. Les lipides structuraux sont donc brièvement présentés ici. o Les phospholipides Les phospholipides sont constitués d’un arbre glycérol estérifié par des acides gras en positions sn1 (saturés) et sn2 (monoinsaturés) et un groupe phosphate en sn3 lui-même associé à une amine, un alcool ou un sucre. Ces molécules sont donc amphiphiles. Ils sont localisés dans toutes les membranes plasmique et vésiculaires où ils assurent le maintien de la fluidité membranaire qui définit la capacité des mouvements de lipides et protéines dans la membrane (Vance and Vance 1991). Les phospholipides sont indispensables à la désaturation des résidus oléoyl et linoléoyl (Citharel et al. 1983). 60 o Les stérols Le stérol majoritaire chez la levure est l’ergostérol. Les autres stérols présents sont des intermédiaires entre le squalène et l’ergostérol (Rattray et al. 1975). Ces stérols libres se retrouvent essentiellement au niveau des membranes, avec un ratio stérols/phospholipides généralement compris entre 0,4 et 0,8. Le stérol est une molécule à plusieurs cycles, de poids moléculaire élevé, avec une fonction alcool. Les stérols sont des composants essentiels des membranes eucaryotes (Daum et al. 1998) en régulant leur fluidité et perméabilité. Aux températures inférieures à 10 °C, leur courte chaîne hydrocarbonée est flexible. De plus, le noyau tétracyclique, bien que rigide, empêche la formation d’une structure « trans » des acides gras des lipides voisins ce qui permet aussi une fluidité de la membrane. Au contraire, aux températures supérieures, le stérol interagit fortement avec les lipides voisins, empêchant leur mouvement. Les stérols permettent donc de tamponner la variation de la fluidité des membranes. La quantité de stérols représente de 0,03 à 4,6% de la masse sèche de la cellule (Arnezeder and Hampel 1990). o Les sphingolipides Les sphingolipides sont constitués d’un acide gras et d’un alcool aminé, la sphingosine, ainsi que, dans certains cas, d’un substituant qui peut être de la choline ou un groupement de nature glucidique. Ils sont caractérisés par une liaison amide formée suite à la réaction entre le groupement aminé de la sphingosine et le groupement carboxyle de l’acide gras. Ils sont localisés principalement dans les membranes des vacuoles et de l’appareil de Golgi (Daum et al. 1998). Ces composés sont présents à des concentrations très faibles, à hauteur de 0,4 % (g/g). o Les glycolipides Les glycolipides sont des lipides (diglycérides, stérols) présentant une ou plusieurs glycosylations. Ils sont localisés sur la face externe de la membrane plasmique. Leur rôle dans la cellule est structurel (membranes et parois) et servent aussi de surfactants en présence de nalcanes, comme les sophorolipides. 61 - Lipides de réserve Les lipides de réserve sont les triglycérides ou plus exactement les triacylglycérols (TAG). Il s’agit de molécules très hydrophobes, constituant une forme de réserve de l’énergie cellulaire, formées par l’estérification de trois acides gras sur une molécule de glycérol. L’acide phosphatidique est un intermédiaire de la synthèse des TAG mais aussi à la base de la synthèse des phospholipides. Les diacylglycérols et monoacylglycérols sont des intermédiaires de la synthèse des TAG et représentent entre 0 à 5% des lipides totaux. 2.2.2.2.2. Biosynthèse des acides gras et des triacylglycérols Les levures sont prototrophes en acides gras (Daum et al. 1998). La biosynthèse des lipides est catalysée par l’acylCoA synthétase I localisée dans le cytoplasme, les mitochondries et les peroxysomes. Cette enzyme est aussi nécessaire à l’incorporation des acides gras exogènes dans la cellule. 1 à 2% des acides gras totaux synthétisés sont des acides gras à très longue chaine (20 à 30 atomes de carbones) parmi lesquels le C26:0 est le plus abondant (Welch and Burlingame 1973). Meyer et Schweizer (Meyer and Schweizer 1976) ont démontré que la présence d’acides gras exogènes en très faible quantité (0,3 g.gX-1) peut réprimer la biosynthèse des acides gras. Les enzymes inhibées seraient l’acide gras synthétase et l’ATPcitrate lyase. Il est possible que le taux de production de NADPH aussi régule la synthèse d’acide gras. - Voie de synthèse des acides gras o L’acétyl-CoA carboxylase (ACC) L’acétylCoA carboxylase catalyse la première réaction de synthèse d’acide gras à partir d’acétylCoA, de carbonate et d’une molécule d’ATP pour former un malonylCoA. Cette enzyme se trouve dans le cytoplasme et est biotine dépendante. Le magnésium est un catalyseur de la réaction. Elle est considérée comme l’étape limitante de la synthèse d’acides gras (Vance and Vance 1991). Cette enzyme possède deux sites catalytiques distincts : l’activité biotine carboxylase qui permet la réaction suivante : 62 E-biotine + HCO3- + ATP E-biotine-CO2 + ADP + Pi et l’activité carboxyl transférase qui catalyse la réaction suivante : E-biotine-CO2 + acétylCoA E-biotine + malonylCoA. Au final, la réaction catalysée peut être écrite ( Figure 12) : AcétylCoA + HCO3- + ATP malonylCoA + ADP +Pi. Figure 12: Formation de malonylCoA par l’acétylCoA carboxylase lors de la biosynthèse des acides gras. Une molécule d’ATP est consommée par cette réaction. Chez S. cerevisiae, l’enzyme est une protéine de 2233 acides aminés d’un poids moléculaire de 250 kDa. Elle est codée par le gène ACC1 (ou FAS3) (Alfeel et al. 1993). Dans les cellules animales, l’enzyme est activée par la présence d’acides tricarboxyliques comme le citrate (Vance and Vance 1991) ceci par l’agrégation des monomères en un complexe multifonctionnel. Chez la souche oléagineuse Candida 107, elle est activée par la présence de citrate (Gill et al. 1977) mais ce n’est pas le cas pour la souche non oléagineuse Candida utilis. Les dérivés d’acylCoA sont des inhibiteurs potentiels. L’enzyme est régulée par phosphorylation. Une protéine kinase A phosphoryle et active une kinase-kinase qui phosphoryle une « AMP-activated kinase » qui elle-même phosphoryle et inactive l’ACC (Chirala et al. 1993). Et plus l’ACC est phosphorylée, plus elle est sensible à l’inhibition induite par les acylCoA. o L’acide gras synthétase Il existe deux types d’acide gras synthétase « Fatty Acid Synthase » (FAS) (Tehlivets et al. 2007). La FAS de type I est cytosolique et est composée d’une sous-unité α codée par le gène FAS2 et d’une sous-unité β codée par le gène FAS1. Ces sous-unités sont organisées en hexamères (Schweizer et al. 1978; Wakil et al. 1983). La sous-unité α porte les fonctions acétyl transférase, énoyl réductase, déshydratase et malonyl-palmitoyl transférase. La sous- 63 unité β porte les activités acyl carrier protein, 3-cétoréductase, 3-cétosynthase et phosphopantéthéine transférase (Tehlivets et al. 2007). La FAS mitochondriale (type II) porte les activités enzymatiques sur des polypeptides distincts. La protéine Acp1 (acyl carrier protein) porte le groupe prosthétique phosphopantéthéine. La protéine Cam1 porte l’activité β-céto-ACP-synthase et la protéine Oar1 porte l’activité 3-oxoacyl-ACP-réductase. L’activité 3-hydroxyacyl-thioester-déshydratase est portée par la protéine Htd2 et l’activité énoyl-ACPréductase par la protéine Etr1. La protéine PpT2 fonctionne comme une transférase phosphopantéthéine, elle catalyse l’attachement du groupe prothétique phosphopantéthéine sur l’ACP. La FAS permet la condensation d’unités de malonylCoA sur un résidu acyl préexistant. Le bilan de l’action de la FAS est le suivant (Figure 13) (Davies 1992) : AcétylCoA+ 7 malonylCoA + 14 NADPH2 PalmitoylCoA + 7 CO2 + 14 NADP + 7 CoA-SH + 6 H2O. Les acides gras ne sont donc pas synthétisés tels quels mais sous forme d’acylCoA. Il y a 5 étapes distinctes dans l’action de synthèse des acides gras. L’acétate et le malonate sont transférés du CoA-SH sur la protéine porteuse d’acyle (ACP). La synthétase ajoute deux carbones à l’acide gras en produisant une molécule de CO2 et un acide gras à deux carbones supplémentaires. Le groupe β-cétonique produit par cette condensation est ensuite éliminé par deux réductions et une déshydratation. 64 Figure 13 : Synthèse d’un acide gras par l’acide gras synthase (FAS). Un acylCoA (acétylCoA si c’est le premier cycle) est condensé à un malonylCoA pour former un 3-cétoacylCoA qui est réduit en 3-hydroxy-acylCoA. Ce dernier est déshydraté en trans-Δ2-énoylCoA puis réduit en AcylCoA dont la chaîne comporté deux carbones de plus. A chaque cycle, un CO 2 et un H2O sont produits et deux molécules de NADPH sont oxydées. Le cycle est répété jusqu’à ce que l’acylCoA atteigne une longueur de chaîne de 16 ou 18 carbones. L’élongation s’arrête en général après 7 ou 8 cycles. Le résidu acyl à 16 ou 18 carbones est libéré du complexe FAS par hydrolyse via l’action d’une thioestérase ou transfert d’un groupement acyl : Palmitoyl(ou stéaroyl)-S-FAS + HS-CoA Palmitoyl(ou stéaroyl)-S-CoA + HS-FAS. L’arrêt de l’élongation peut dépendre du rapport des concentrations intracellulaires en acétylCoA et malonylCoA qui est lui-même fonction des activités acétylCoA synthétase et acétylCoA carboxylase (Tehlivets et al. 2007). Si le malonylCoA est en grande quantité, les chaînes d’acides gras seront plus longues. Au contraire, lorsque le rapport acétylCoA/malonylCoA est supérieur à 0,1 et que l’activité acétylCoA transacylase est élevée, la majorité des acides gras synthétisés ont une longueur de chaîne de 8 à 12 carbones. Il est aussi possible que l’arrêt précoce de l’élongation des chaînes soit dû à l’action d’une 65 seconde thioestérase qui hydrolyse sélectivement les chaînes d’acide gras de longueur moyenne (Wakil et al. 1983). La FAS est inhibée par les acides gras à chaine longue (Tehlivets et al. 2007). L’expression des gènes FAS2, FAS1 et ACC1 sont régulées de manière coordonnée. De plus, les éléments de réponse inositol/choline permettent leur régulation avec un certain nombre de gènes impliquée dans la biosynthèse des phospholipides (Chirala 1992). - Production de pouvoir réducteur : l’enzyme malique Deux moles de NADPH sont nécessaires à l’incorporation d’une mole d’acétylCoA : la synthèse d’une mole d’acide gras à 18 carbones utilise ainsi 16 moles de NADPH. L’enzyme malique, cytoplasmique, permet de fournir ce pouvoir réducteur selon la réaction suivante : Malate + NADP pyruvate + CO2 + NADPH Figure 14 : Schéma montrant comment l’acétylCoA et le pouvoir réducteur sont utilisés pour approvisionner la synthèse lipidique (Ratledge 2004). Enzymes : pyruvate carboxylase (1), malate déshydrogénase (2), enzyme malique (3), pyruvate déshydrogénase (4), citrate synthétase (5), ATP-citrate lyase (6), citrate/malate translocase (7). Le malate cytoplasmique provient du pyruvate de la glycolyse décarboxylé par la pyruvate décarboxylase en oxaloacétate lui-même transformé en malate. La quantité nécessaire en malate est ensuite assurée par l’ATP-citrate lyase qui clive le citrate cytoplasmique en 66 acétylCoA (qui fournit la voie de synthèse des acides gras) et oxaloacétate qui sera oxydé en malate par la malate déshydrogénase (Ratledge 2002). - Élongation des acides gras Les produits de la FAS sont majoritairement le palmitate et le stéarate. L’élongation au-delà de 18 carbones se déroule dans le cytosol, sur la membrane du réticulum endoplasmique ou la mitochondrie. Les réactions sont identiques à celles réalisées par l’acide gras synthétase. L’élongation dépend de la présence de malonylCoA, de NADPH et d’acides gras activés à chaîne longue ou moyenne (Dittrich et al. 1998). Il existe trois systèmes d’élongation : un pour les acides gras de longueur de chaîne de 12 et 14 carbones, un pour les C16 et C18 et un pour les chaînes carbonées de 20 carbones et plus. Le gène ELO1 permet élongation des acides gras de 12 à 16 carbones. Les gènes ELO2 et 3 sont spécifiques des acides gras à longue chaîne (Dittrich et al. 1998). - Désaturation des acides gras Les acides gras synthétisés ne sont pas produits directement insaturés. Après synthèse de l’acide gras saturé, celui-ci va être désaturé séquentiellement à partir de la position Δ9 puis Δ12 et enfin parfois en position Δ15 (Moreton 1985). Certaines souches de levures oléagineuses possèdent des systèmes de désaturation très performants. La voie de désaturation consomme de l’oxygène et des coenzymes réduits (NAD(P)H). Le substrat est soit un acylCoA soit un acyl-ACP. Mais, chez les levures et les plantes, le résidu acyl doit ensuite être transféré de l’ACP ou CoA sur un phospholipide (en général la phosphatidylcholine) (Ferrante and Kates 1983). Les acides gras saturés subissent une première désaturation en général en position cis-Δ9 (Figure 15 et Figure 16) grâce à l’action d’une Δ9 désaturase localisée dans le réticulum endoplasmique, au niveau des microsomes (Holloway and Katz 1972), et codée par les gènes OLE1 et OLE2 chez S. cerevisiae (Stukey et al. 1989). L’enzyme enlève stéréospécifiquement deux atomes d’hydrogène aux positions 9 et 10 de la chaine carbonée. Elle est inhibée par l’oxyde de carbone et est dépendante du fer. La transcription du gène OLE1 est faiblement induite par les acides gras saturés et fortement inhibée par les acides gras insaturés 67 (McDonough et al. 1992; Choi et al. 1996). Les lipides monoinsaturés peuvent ensuite subir une autre insaturation en position Δ12. Figure 15: Désaturation d’un acide gras. L’acylCoA est désaturé par une désaturase spécifique de la position de la double liaison pour produire un acide gras monoinsaturé, deux molécules d’eau et un NAD oxydé. Figure 16 : Exemple de l’acide stéarique L’acide stéarique (18 carbones) est saturé. Une désaturase spécifique de la position 9 va insérer une double liaison dans la chaîne carbonée afin de produire de l’acide oléique. - Synthèse des triacylglycérols Les triacylglycérols sont la forme principale de stockage des lipides chez les levures oléagineuses et en représentent 90% (Rolph et al. 1990). Les acylCoA produits sont estérifiés avec une molécule de glycérol-3-phosphate en triacylglycérols grâce à l’action d’acyltransférases spécifiques des positions réactionnelles sur le glycérol (Ratledge 1987). Mais les triacylglycérols peuvent aussi être synthétisés à partir d’acides gras libres via la voie d’acylation de l’α-glycérol phosphate (Davies 1992). Le glycérol-3-phosphate est formé par réduction de la dihydroxyacétone phosphate (DHAP) produite au cours de la glycolyse ou par phosphorylation du glycérol. Deux acylCoA donnent leur groupement acyle pour synthétiser une molécule d’acide phosphatidique par l’action d’une glycérol-phosphate-acyl-transférase 68 (Figure 17). Ces derniers sont déphosphorylés via une phosphatidate phosphatase (PAP) pour libérer un phosphate inorganique et un diacylglycérol (DAG). Une diglycéride acyltransférase estérifie le dernier groupement acyle sur le DAG pour former un TAG. Il existe deux types de phosphatidate phosphatase (Carman and Han 2006). La première, codée par le gène PAP2 chez S. cerevisiae, est magnésium dépendante et son activité est induite lors d’une carence en zinc. En limitation zinc, il serait donc possible d’améliorer la synthèse de diacylglycérides et donc peut être de triglycérides. Elle est intégrée dans la membrane des vacuoles et de l’appareil de Golgi. La seconde est codée par le gène PAP1 chez S. cerevisiae et est localisée dans le cytosol et dans la membrane plasmique. Une souche de S. cerevisiae mutée dans le gène PAP1 montre une diminution des triacylglycérols intracellulaires de 90% en phase stationnaire, une absence de phosphatidate et la composition des phospholipides modifiée. L’estérification aux positions 1 et 3 du glycérol est différente selon le micro-organisme et la répartition des acides gras sur le glycérol n’est pas aléatoire (Vance and Vance 1991). La position centrale du glycérol est ainsi exclusivement occupée par un acide gras insaturé. En effet, l’activité glycérol-phosphate-acyl-transférase est portée par la protéine Dga1p chez Saccharomyces cerevisiae et est localisée dans le réticulum endoplasmique (Sorger and Daum 2002). In vitro, cette protéine présente une préférence pour l’oleyl-CoA et le palmitoylCoA (Oelkers et al. 2002). L’activité diglycéride acyl transférase est portée par la protéine Lro1p (Oelkers et al. 2002). Son activité est restreinte au réticulum endoplasmique (Sorger and Daum 2002). 69 (a) (b) Figure 17: Synthèse d’un triacylglycérol. (a) Une molécule de dihydroxyacétone phosphate est oxydée en glycéraldéhyde-3-phosphate. Deux acylCoA sont estérifiés sur le G-3-P pour donner un acide phosphatidique. (b) Cet acide formé est déphosphorylé par une phosphatidate phosphatase en diacylglycérol. Celui-ci est estérifié par une acyltransférase pour former un triglycéride. - Lieu de stockage Selon les conditions environnementales, les micro-organismes oléagineux sont capables de produire une grande quantité d’acides gras pour les stocker sous forme de triacylglycérols et d’esters de stérols dans les corps lipidiques (Tehlivets et al. 2007). Les corps lipidiques sont formés d’une monocouche de phospholipides dans laquelle des protéines sont insérées entourant un noyau hydrophobe de lipides neutres. Les protéines présentes dans la membrane de corps lipidiques ont été identifiées comme des protéines impliquées dans le métabolisme et le stockage des lipides. Les protéines homologues de S. cerevisiae contribuent à l’activation des acides gras, à la synthèse de triacylglycérols et à leur dégradation (Sorger and Daum 2002) et sont impliquées dans le métabolisme des stérols et dans la synthèse des acides 70 phosphatidiques (Athenstaedt and Daum 2006). Ainsi, la composition lipoprotéique des corps lipidiques posséderait un rôle déterminant voire aussi important que la composition des lipides intrinsèques dans le fonctionnement de la cellule lors d’une phase d’accumulation de lipides. La teneur et la composition des corps lipidiques dépendent des conditions de croissance et de la composition du substrat (Papanikolaou et al. 2003). Chez Y. lipolytica, l’activité des acylCoA oxydases peut influer sur les corps lipidiques (Mlickova et al. 2004). L’acylCoA oxydase 2 régulerait la taille et le nombre des corps lipidiques. Un modèle de biogenèse des corps lipidiques propose que les enzymes impliquées dans le métabolisme des lipides accumulent des domaines spécifiques dans le réticulum endoplasmique, favorisant ainsi la biosynthèse des lipides neutres dans ces régions. Puisque les triacylglycérols et les esters de stérol sont incapables d’interagir avec les phospholipides et la double couche, des microgouttelettes (précurseurs des corps lipidiques) sont formées par ces molécules hydrophobes entre les deux feuillets de la double couche du réticulum endoplasmique. Après avoir atteint une certaine taille, les corps lipidiques matures, chargés des protéines qui ont perdu leur domaine transmembranaire, se détachent du réticulum endoplasmique et bourgeonnent (Figure 18) (Czabany et al. 2007). Figure 18 : Modèle de la genèse des corps lipidiques (Czabany et al., 2006) ER : réticulum endoplasmique, TAG : triacylglycérols, SE : esters de stérol, DAG : diacylglycérols, PL : phospholipides, LP : corps lipidique. Les protéines membranaires sont représentées en bleu. 71 2.2.2.2.3. Le mécanisme de déclenchement de l’accumulation lipidique Chez les micro-organismes oléagineux, l’accumulation lipidique est induite par une limitation du micro-organisme en un élément, l’azote en général (Gill et al. 1977; Boulton and Ratledge 1981). L’hypothèse avancée par Ratledge (Ratledge and Wynn 2002) est qu’une limitation en azote, ou en un autre élément, entraîne une diminution du taux de croissance, ce qui conduit à une diminution rapide de la concentration en AMP intracellulaire due à l’action de l’AMP désaminase en produisant de l’IMP (inosine monophosphate) et du NH4+. Or, l’AMP est un activateur de l’isocitrate déshydrogénase, enzyme du cycle de Krebs convertissant l’isocitrate en α-cétoglutarate (Ratledge 1987). Il en résulte une accumulation intra-mitochondriale en acide isocitrique et en citrate (équilibre dû à l’aconitase). Lorsque la concentration en citrate dépasse une valeur critique, sort dans le cytoplasme via une navette citrate/malate (Evans et al. 1983). Le citrate est clivé par l’ATP-citrate lyase pour former de l’acétylCoA et de l’oxaloacétate (OAA) (Boulton and Ratledge 1981). Chez Rhorodotorula gracilis, l’ATPcitrate lyase est inhibée par la présence de chaînes aliphatiques longues et stimulée par les ions ammonium in vitro (Shashi et al. 1990). Ce mécanisme est schématisé par la Figure 19. Figure 19 : Schéma représentant le phénomène d’accumulation de lipides (Botham et Ratledge, 1979). Enzymes : (1) : isocitrate déshydrogénase, (2) : aconitase, (3) : citrate synthétase, (4) : pyruvate déshydrogénase, (5) : pyruvate carboxylase, (6) : ATP-citrate lyase, (7) : acétylCoA carboxylase, (8) : acide gras synthétase, (9) : malate déshydrogénase, (10) enzyme malique. 72 D’après Granger (Granger 1992), la redirection du flux carboné vers la synthèse lipidique est due à l’augmentation en ATP et ADP en même temps que diminue la concentration en AMP. Il en résulte une augmentation de la charge énergétique dans la cellule, ce qui inhibe certaines enzymes clés du métabolisme intermédiaire comme l’isocitrate déshydrogénase du cycle de Krebs (Hathaway and Atkinson 1963). Le citrate est accumulé dans la mitochondrie et le malate n’est donc plus synthétisé via le cycle de Krebs (Evans and Ratledge 1985b). Un deuxième pool de malate se situe dans le cytoplasme. Il est produit à partir de citrate qui est converti en acétylCoA et en OAA. Ce dernier est converti en malate par la malate déshydrogénase NAD+ dépendante. Le malate produit va être échangé contre du citrate entre le cytoplasme et la mitochondrie par un système de translocation malate/citrate (Evans et al. 1983) afin de rééquilibrer les concentrations cytoplasmique et mitochondriales. 2.2.2.2.4. Accumulation de polysaccharides La synthèse transitoire de polysaccharides pendant la phase de transition précédant l’accumulation de lipides en limitation azote a été démontrée chez Rhodotorula glutinis et Yarrowia lipolytica (Cescut 2009). Ces résultats sont similaires à d’autres observations précédentes : selon Bocharova (Bocharova et al. 1975) une limitation en azote ou en phosphore provoque une accumulation de tréhalose et de glycogène chez S. cerevisiae. Boulton (Boulton and Ratledge 1983) a aussi émis l’hypothèse d’une phase de stockage transitoire du glucose excédentaire mais sans le prouver. Une différence persiste toutefois entre Saccharomyces et Yarrowia : l’accumulation de ces polysaccharides est maintenue pendant toute la limitation nutritionnelle chez S. cerevisiae (Lillie, 1980) alors qu’elle est transitoire chez R. glutinis et Y. lipolytica (Granger, 1993 ; Cescut, 2009). La diminution de l’apport en azote limite les capacités de la levure à synthétiser les protéines et l’ARN nécessaires à la formation de biomasse catalytique. En effet, ces macromolécules peuvent représenter 60% de la masse sèche de la cellule. Le glucose n’est donc plus dirigé vers la production de biomasse catalytique. De plus, une limitation nutritionnelle dérégule les enzymes participant à la glycolyse (Anastassiadis and Rehm 2006). Cette dérégulation associée à un ralentissement de l’assimilation du carbone vers la biomasse catalytique engendre une réorientation non contrôlée du carbone passant par la glycolyse. Le flux de carbone devient donc excédentaire : on parle d’overflow de carbone. 73 Cytosol acide gras FAD FADH2 acyl CoA n carbones glucose NAD+ NADH,H+ ATP + CoASH ADP 2-cétoacyl CoA acyl CoA n carbones 2 NADP+ acétyl CoA Péroxysome fructose 6 P Mitochondrie pyruvate ATP ADP 2 ATP 2 ADP + NAD+ +H2O +NADH,H+ +Pi G3P CoASH + NAD+ pyruvate CO2 n CO2 + n CoASH + H2O CO2 + ATP acétyl CoA OAA OAA NADPH xn NADH NADH,H+ NAD+ malate malate NAD+ FADH2 + GTP + CO2 +2 NADH,H+ acétyl CoA (n+2 carbones) CO2 + ATP OAA malonyl CoA H2O CoASH FAD+ + GDP +Pi + 2 NAD+ + H20 citrate ADP + Pi xn NADH CO2 + NADH,H+ ADP + Pi NADP+ acyl CoA CoASH n-2 carbones acide gras 2 NADPH DHAP 3-hydroxy-acyl CoA AMP + PPi ATP glucose 6 P H2O 2-transénoyl CoA ATP + CoA isocitrate NAD+ G3P citrate x2 2 CoASH acide phosphatidique H2O transénoyl CoA acyl CoA transénoyl CoA 2 H2O + NAD+ x1 O2 + NADH,H+ Pi 1,2 DAG TAG Réticulum endoplasmique CoASH Figure 20 : Schéma synthétique des voies de la dégradation de substrats osidiques et lipidiques et de la synthèse des triacylglycérols. Deux types de substrats sont envisagés : les substrats osidiques passent par la glycolyse via le glucose et les substrats hydrophobes passent par la β-oxydation via les acides gras. Les réactions appartenant à la voie de la glycolyse sont en bleu, celles de la voie des pentoses-phosphate en rouge, le cycle de Krebs est en marron, la β-oxydation est en violet, le cycle de la décarboxylation du pyruvate est en vert, la synthèse d’acides gras est en rose clair, la désaturation des acides gras est en orange et la synthèse des triacylglycérols est en rose foncé. Les flèches en pointillé dans les réactions représentent plusieurs réactions successives non représentées. Les parties rayées (le transport des acides gras désaturés et le lieu de la synthèse des TAG) sont inconnus soit par leur mécanisme, soit par leur localisation cellulaire. 74 2.3. Facteurs influençant l’accumulation de réserves lipidiques De nombreux paramètres permettent de déclencher l’accumulation de lipides. La grande majorité des travaux décrits dans la littérature sont basés sur le déclenchement de l’accumulation de lipides grâce à une limitation en un élément : l’azote. Cependant, d’autres facteurs influencent l’accumulation de lipides : le ou les substrat(s), de par leur nature et leur concentration, l’élément inducteur, les conditions opératoires, … L’influence de ces facteurs est développée dans les paragraphes suivants. 2.3.1. Nature et concentration du substrat Divers substrats ont pu être testés chez Y. lipolytica : les mélasses de banane (Glatz et al. 1985), des effluents de laiterie (Moon and Hammond 1978; Moon et al. 1978), l’amidon de pomme de terre (Kaur and Worgan 1982), le jus de figue de barbarie (Hassan et al. 1994) mais aussi une grande variété d’hexoses, de pentoses, du glycérol, de l’éthanol ou des alcanes. La nature de la source carbonée influence la composition des lipides accumulés mais aussi la quantité accumulée (Thorpe and Ratledge 1972; Choi et al. 1982; Davies 1992; Hamid et al. 1995). Le rendement de conversion substrat/lipide diffère non seulement selon le substrat utilisé mais aussi selon la souche (Evans and Ratledge 1983). 2.3.1.1 Substrats lipidiques Certaines souches de Y. lipolytica, contrairement à d’autre levures oléagineuses, sont capables d’utiliser les substrats lipidiques pour leur croissance cellulaire mais aussi en tant que substance de réserves (Bati et al. 1984; Aggelis and Sourdis 1997). Il a été démontré qu’une limitation nutritionnelle n’est pas nécessaire pour déclencher l’accumulation de lipides sur substrat lipidique (Aggelis et al. 1995; Aggelis and Sourdis 1997; Papanikolaou et al. 2002). Cependant, lorsque la concentration du substrat diminue en dessous d’une valeur seuil (spécifique à chaque substrat et souche), les cellules déclenchent la voie de dégradation des lipides de réserves pour assurer la maintenance et la croissance (Holdsworth and Ratledge 1988; Aggelis et al. 1995). Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a étudié le potentiel d’une 75 souche de Yarrowia lipolytica sur stéarine (composée principalement de stéarate et de palmitate libres) sans limitation nutritionnelle et en mode batch. Le rendement biomasse/substrat (YX/S) est, selon les expériences, compris entre 0,97 g X.gSubstrat-1 et 1,35 gX.gSubstrat-1, le taux en lipides accumulés est compris entre 0,25 g Lip.gX-1 et 0,44 gLip.gX-1 et la vitesse spécifique d’accumulation de lipides comprise entre 2,88 mg Lip.gX-1.h-1 et 6,98 mgLip.gX-1.h-1. La culture de Y. lipolytica sur stéarine a permis d’observer une évolution de la morphologie vers une forme filamenteuse. En revanche, sur huile de colza hydrolysée (composée majoritairement d’oléate libre), le rendement biomasse/substrat est de 0,86 gX.gSubstrat-1 mais l’accumulation de lipides ne semble pas favorisée car le taux en lipides accumulés est égal à 0,09 gLip.gX-1 et la vitesse spécifique d’accumulation de lipides est de 1,5 mgLip.gX-1.h-1. Les acides gras accumulés sont composés à 80% d’oléate et à 12% de linoléate. Le taux de croissance maximal est compris entre 0,25 et 0,30 h-1. Papanikolaou en déduit que l’oléate n’est pas un substrat permettant l’accumulation lipidique par Y. lipolytica. Il est possible que l’acide oléique soit utilisé par la cellule principalement pour sa croissance et pour la production d’énergie et de métabolites intermédiaires, contrairement aux acides gras saturés utilisés pour la croissance et comme molécules de réserve (Montet et al. 1985; Papanikolaou 1998). Pourtant les acides à chaîne courte ou insaturée (comme l’oléate dont le taux d’incorporation a été évalué à 0,12 g.L -1.h-1) sont plus rapidement incorporés dans la cellule que les acides gras saturés (comme le palmitate dont le taux d’incorporation de 0,05 g.L-1.h-1) (Papanikolaou 1998). Le stéarate semble être l’acide gras incorporé le plus lentement dans la cellule. En ce qui concerne la dégradation des lipides, l’acide oléique est consommé préférentiellement alors que le stéarate est consommé en dernier (Papanikolaou 1998). Tan et Gill (Tan and Gill 1984) ont étudié la croissance et l’accumulation lipidique d’une souche de Y. lipolytica en erlenmeyer, sur milieu riche avec de l’huile d’olive ou de l’acide oléique comme substrat carboné. Sur acide oléique, le taux de croissance spécifique est maximal (0,25 h-1) à pH = 7 alors qu’il est égal à 0,15 h-1 à pH = 5. Le rendement YX/S maximal obtenu est de 1,0 g X.gSubstrat-1. De même, Tan et Gill (Tan and Gill 1985) ont étudié l’accumulation lipidique d’une souche de Y. lipolytica cultivée à partir de différents types de graisse animale. Les essais ont été effectués sur de la graisse de bœuf, de mouton et du lard. Le taux de croissance spécifique maximal atteint pour les trois substrats est de 0,32 h-1, sur milieu riche. Les acides gras insaturés sont consommés préférentiellement alors que les acides gras saturés sont consommés en partie et uniquement en phase de croissance. Kamzolova (Kamzolova et al. 2007) a étudié la croissance en mode batch d’une souche de Yarrowia lipolytica sur milieu riche en utilisant de l’huile de colza comme substrat carboné. Le taux de 76 croissance obtenu est de 0,28 h-1 et le rendement YX/S de 0,48 CmoleX.CmoleSubstrat-1. Bati (Bati et al. 1984) a étudié l’effet de l’huile de maïs sur l’accumulation de lipides chez Yarrowia lipolytica. Le taux maximal en lipides accumulés atteint 0,64 CmoleLip.CmoleX-1. Les lipides accumulés sont composés principalement de triglycérides mais aussi d’acides gras libres en proportions supérieures à la composition du substrat. Le profil des acides gras accumulés correspond à celui du substrat, avec une légère modification du palmitate en acide palmitoléique. substrat µmax (h-1) Y S/X (Cmole.CmoleX-1) % lipides (Cmole.Cmole-1) Y L/S (Cmole.Cmole-1) référence Acide oléique 0,25 ND ND ND Tan et Gill (1984) Acide palmitique 0,25 ND ND ND Tan et Gill (1985) Huile d’olive 0,31 1,10 ND ND Tan et Gill (1984) Huile d’olive 0,23 0,47 ND ND Huile d’olive ND 0,830 ND ND Huile de colza 0,30 0,95 0,15 ND Huile de colza 0,28 0,48 ND ND Huile de colza ND ND 0,12 ND Huile de colza hydrolysée / ND stéarine ND 0,53 0,38 Papanikolaou (2001) Huile de maïs ND ND 0,64 0,57 Bati et al. (1984) Huile de palme ND ND 0,24 ND Stéarine 0,17 1,06 0,76 ND Pereira Meirelles (1997) Darvichi (2009) Papanikolaou (1998) Kamzolova (2007) Montet (1985) Montet et al. (1985) Papanikolaou (2007) Tableau 6 : Tableau récapitulatif des capacités de croissance et d’accumulation de lipides de souches de Y. lipolytica sur substrats hydrophobes. µmax : taux de croissance maximal atteint, Y S/X : rendement biomasse/substrat, YL/X : rendement lipides accumulés/biomasse, ND : non déterminé. Les résultats, récapitulés dans le Tableau 6, sont difficilement comparables : les capacités de croissance sur substrat lipidique chez Yarrowia lipolytica sont principalement étudiées pour la production de lipases ou d’acide citrique. Ainsi, la croissance et l’accumulation de lipides ne sont pas étudiées pour une même culture. De plus, les milieux sont majoritairement des 77 milieux riches. Kamzolova (Kamzolova et al. 2007) et Pereira-Meirelles (Pereira-Meirelles 1997) ont été les seules à réaliser leur étude sur milieu salin, sans ajout de composés riches, ce qui pourrait expliquer les valeurs plus faibles de taux de croissance et de rendement biomasse/substrat. Cependant aucune accumulation en lipides n’a été observée. 2.3.1.2 Substrats osidiques Un grand nombre de substrats (industriels ou non) ont été utilisés comme le glucose, le lactose, le lactosérum, les mélasses, des jus de fruits (Ykema et al. 1989; Davies et al. 1990; Hassan et al. 1994; Hamid et al. 1995; Cescut 2009). Les oses complexes comme l’amidon ont aussi été évalués (Davies 1992). Le Tableau 7 récapitule les valeurs d’accumulation lipidique mentionnées dans la littérature sur différents substrats. Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a étudié la croissance et l’accumulation lipidique sur milieu riche en erlenmeyer et en limitation azote (C/N entre 97 et 115 moleC.moleN-1) à partir de glucose. Le rendement Y X/S est de 0,205 ± 0.005 gX.gSubstrat-1. La concentration en citrate excrété dans le milieu peut atteindre 11 g.L-1 et la quantité de lipides produits est très faible (0,05 à 0,09 gLip.gX-1). Ces observations (accumulation de citrate et pas de production de lipides) peuvent être dues à la stratégie d’apport en substrat : en effet, les cultures sont réalisées en mode batch. Cescut (Cescut 2009) a démontré que l’accumulation de lipides en limitation azote et sur substrat glucose nécessite un apport en substrat contrôlé afin d’optimiser l’accumulation de lipides. En effet, lorsque le flux de carbone est excédentaire aux capacités de production de biomasse et de lipides de la cellule, celui-ci est redirigé vers la production de citrate. Cette stratégie de contrôle de l’apport carboné est l’objet d’un brevet (Cescut et al. 2008). Dans ces conditions, le taux en lipides accumulés atteint 0,50 Cmole Lip.CmoleX-1 avec un rendement élevé de 0,37 CmoleLip.CmoleGlc-1. 78 Espèce Mode de conduite substrat % lipides (Cmole.Cmole-1) Y L/S (Cmole.Cmole-1) Vitesse de production de lipides référence (Cmole.Cmole-1.h-1) Candida 107 Batch glucose 0,31 0,1 0,035 Gill et al. (1977) Rhodotorula glutinis Fed-batch glucose 0,60 0,45 0,06 Granger (1993) Rhodotorula glutinis Fed-batch glucose 0,87 0,42 0,078 Cescut (2009) Candida curvata Continu glucose 0,44 ND 0,018 Candida curvata Continu saccharose 0,42 ND 0,016 Candida curvata Continu lactose 0,47 ND 0,017 Candida curvata Continu xylose 0,56 ND 0,026 Crytococcus curvatus Batch glucose 0,45 0,21 0,017 Hassan (1994) Crytococcus curvatus Fedbatch glucose 0,76 0,28 ND Hassan (1995) Crytococcus curvatus UfaM3 Continu glucose 0,66 0,42 0,033 Hassan (1993) Yarrowia lipolytica Batch glucose 0,13 0,03 0,0005 Papanikolaou (2006) Yarrowia lipolytica Continu glucose 0,37 0,20 0,013 Aggelis et Komaitis (1999) Yarrowia lipolytica Fed-batch glucose 0,24 0,103 0,036 Cescut (2009) Fed-batch glucose (apport contrôlé) 0,50 0,372 0,044 Cescut (2009) Yarrowia lipolytica Evans et Ratledge (1983) Evans et Ratledge (1983) Evans et Ratledge (1983) Evans et Ratledge (1983) Tableau 7 : Tableau récapitulatif des capacités de synthèse de lipides chez différentes souches sur différents substrats osidiques en limitation azote. YL/X : rendement lipides accumulés/biomasse, qlipides : vitesse spécifique d’accumulation de lipides, ND : non déterminé. 79 2.3.1.3 Autres substrats - Hydrocarbures Les hydrocarbures les plus utilisés pour l’accumulation de lipides ont des longueurs de chaine de 9 à 18 carbones. Ces substrats n’étant pas miscibles dans l’eau, les micro-organismes produisent des tensioactifs afin de disperser ces molécules dans le milieu. Les lipides accumulés peuvent avoir une composition choisie en fonction de la longueur de chaîne du substrat (Davies 1992). Chez deux souches de Candida, la culture sur hydrocarbures conduit à des meilleurs rendements en lipides que sur glucose (Thorpe and Ratledge 1972). Le taux de croissance le plus élevé sur alcanes a été reporté dans les travaux de Pareilleux (Pareilleux 1978) avec une souche de Y. lipolytica : le taux de croissance maximal est de 0,18 h-1, le taux de croissance moyen étant de 0,08 h-1. - Alcools L’éthanol, dont le rendement de conversion théorique limite semble très élevé (0,54 g.g-1) (Granger 1992), est considéré comme une source de carbone intéressante (Arzumanov et al. 2000; Finogenova et al. 2002; Il'chenko et al. 2002). Une étude stœchiométrique a montré que le meilleur rendement de conversion du carbone en lipides de réserves chez Rhodotorula glutinis est obtenu sur éthanol (1,6 Cmole.Cmole -1 alors qu’il est de 0,7 Cmole.Cmole -1 sur glucose) (Granger 1992). Cependant, la concentration dans le milieu ne doit pas dépasser 2 à 5 g.L-1 afin d’éviter une inhibition de la croissance. Evans et Ratledge (Evans et al. 1983) ont étudié la capacité d’accumulation lipidique d’une souche de Candida curvata sur éthanol et en limitation azote. Le rendement de conversion du substrat en éthanol est bien plus faible, soit de 0,10 à 0,13 g.g-1. Rupcic (Rupcic et al. 1996) a montré que 1% de méthanol (vol/vol) produit 4,9% de lipides dont la moitié est des lipides polaires (phospholipides et sphingolipides) composés d’acides gras en grande majorité insaturés. Le glycérol seul a déjà été expérimenté pour la production d’huiles d’organismes unicellulaire (voir Tableau 8) mais peu de données sont disponibles surtout en culture fed-batch (Meesters et al. 1996; Papanikolaou 1998). 80 Cryptococcus curvatus Mode de conduite Fedbatch Y. lipolytica Continu Espèce (Cmole.Cmole-1) (Cmole.Cmole-1) Y L/S qLipides (Cmole.Cmole-1.h-1) glycérol 0,37 0,24 0,007 Glycérol technique 0,63 0,22 0,020 substrat % lipides référence Meesters (1996) Papanikolaou (2002) Tableau 8 : Tableau récapitulatif des études de croissance et de production de lipides sur substrat glycérol. - Acides organiques Chez Y. lipolytica, les acides organiques seraient aussi utilisables tels que l’acide citrique (Davies 1992) et l’acide acétique (Hamid et al. 1995). Il n’y a cependant aucune information sur les capacités de croissance et de production de lipides sur ces substrats dans la littérature. 2.3.1.4 Co-substrats - Glucose et glycérol Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a expérimenté la croissance et l’accumulation lipidique sur milieu riche en Erlenmeyer et en limitation azote (C/N entre 90 et 160 mole C.moleN-1) à partir d’un mélange glucose/glycérol technique en mode batch. La concentration en citrate produit atteint 14,9 g.L-1 lorsque le rapport C/N est le plus élevé. Dans ces conditions, il n’y a pas de production de lipides. Chez Yarrowia lipolytica, le glycérol est incorporé plus rapidement que le glucose, la voie du catabolisme des hexoses serait inhibée lorsque celle des trioses est active (Papanikolaou 1998). Cescut (Cescut 2009) a étudié l’accumulation de lipides sur co-substrats glucose et glycérol afin d’augmenter le taux de conversion du substrat en lipides. Le ratio molaire permettant la meilleure accumulation est proche de 0,6 CmoleGlycérol.CmoleSubstrat-1. La teneur en lipides maximale atteinte a été de 0,53 CmoleLipides.CmoleX-1 (0,52 sur glucose seul) et la vitesse spécifique d’accumulation en lipides maximale a été de 0,049 Cmole Lipides.CmoleX-1.h-1. Le rendement de conversion du substrat a été largement amélioré : sur glucose/glycérol, le rendement est de 0,45 Cmole Lipides.CmoleSubstrat-1 alors qu’il est de 0,37 sur glucose seul. Le pouvoir réducteur du glycérol permettrait un apport énergétique sans perte de carbone en CO 2 améliorant le rendement de conversion du substrat en lipides. L’amélioration de la cinétique 81 de production de triacylglycérols semble être due à celle de la production de glycérol-3phosphate, intermédiaire catabolique et précurseur des voies de synthèse des triacylglycérols (Cescut 2009). - Glucose et/ou glycérol et lipides Bien que de nombreuses expériences aient été réalisées sur la croissance de Y. lipolytica sur substrat lipidique, peu existent en ce qui concerne la croissance et l’accumulation de lipides de cette souche sur deux substrats, l’un osidique et l’autre lipidique (Montet et al. 1985; Papanikolaou 1998). Le Tableau 9 résume les paramètres d’accumulation et de croissance de Y. lipolytica sur co-substrats lipidique et osidique rencontrés dans la littérature. Ces résultats issus de cultures en batch ne sont pas transposables aux résultats obtenus en fed-batch où l’apport en source carbonée et l’aération sont contrôlés tout au long de la culture. Deux procédés sont possibles : soit la croissance cellulaire est réalisée avec le substrat osidique puis l’accumulation avec le substrat lipidique soit ils sont utilisés simultanément. Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a expérimenté l’accumulation de lipides sur glucose et stéarine conjointement sur une souche de Y. lipolytica. Les co-substrats sont consommés simultanément. L’accumulation lipidique et la production d’acide citrique sont présentes mais relativement faibles (rendements entre 0,07 et 0,022 g.g X-1). D’après Papanikolaou, la présence d’acides gras dans le milieu, en activant la voie de la β-oxydation qui produit du pouvoir réducteur, pourrait diminuer le flux de carbone de la voie des pentoses-phosphate et donc diminuer la consommation de glucose lors d’une culture sur co-substrats glucose/lipide. En effet, il est souvent rencontré dans la littérature que le glucose réprimerait l’assimilation de l’oléate. Pour les levures cultivées uniquement sur oléate, le taux de transcrits correspondant aux enzymes de β-oxydation et des enzymes présentes dans les peroxysomes est élevé alors que la transcription de la plupart des gènes codant pour ces protéines est réprimée par le glucose (Trotter et al. 2001). Les promoteurs de nombreux gènes codant pour des protéines peroxysomales contiennent une séquence activatrice appelée Elément de Réponse à l’Oléate (ORE). La transcription de ces gènes est stimulée par l’oléate. L’activation de la transcription via l’ORE se fait via la fixation d’un complexe dimérique (Einerhand et al. 1993). Les gènes codants pour ces 2 protéines ont été identifiés : PIP2 (ou OAF2) et OAF1. Les mutants Δpip2 et Δoaf1 sont incapables de pousser sur oléate et d’induire la biogenèse des peroxysomes. La 82 régulation se passe selon le modèle suivant (Baumgartner et al. 1999) : en absence d’oléate et glucose, Pip2p est inhibée lors de son interaction avec Oaf1p qui est inactive. En présence d’oléate, Oaf1p est active et le complexe Oaf1p/Pip2p se fixe sur l’ORE et active la transcription. Quand le glucose est ajouté, l’activité de Oaf1p et Pip2p est réprimée directement. Jusqu’à présent, la nature précise de la molécule qui permet l’activation du complexe Oaf1p/Pip2p par l’oléate et sa répression par le glucose reste inconnue. Substrat Mode de conduite % lipides (Cmole.Cmole-1) Y L/S (Cmole.Cmole-1) Vitesse de production de lipides référence (Cmole.Cmole-1.h-1) Stéarine Batch 0,66-0,81 0,50 0,008 - 0,011 Papanikolaou (2002) Glycérol + stéarine Batch 0,38 0,11 0,0028 Papanikolaou (1998) Glucose + stéarine Batch 0,29 0,07 0,0026 Papanikolaou (1998) Glucose + stéarine Batch 0,11 0,16 0,0021 Papanikolaou (2005) C16:0 + C18:0 Batch 0,28 0,15 0,0024 Papanikolaou (2003) ricine hydrolysée Batch 0,05 0,15 0,0006 Papanikolaou (1998) Glucose + glycérol + stéarine Batch 0,22 ND ND Papanikolaou (2003) Glucose + glycérol Fed-batch 0,53 0,45 0,049 Cescut (2009) Tableau 9 : Synthèse des performances d’accumulation de lipides sur co-substrats chez Yarrowia lipolytica en mode batch. YL/X : rendement lipides accumulés/biomasse, qlipides : vitesse spécifique d’accumulation de lipides, ND : non déterminé. Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a aussi étudié la croissance et accumulation de lipides d’une souche de Y. lipolytica sur substrat stéarine et glycérol utilisés conjointement pour différents rapports C/N. Les deux substrats sont consommés simultanément bien que le glycérol semble être incorporé plus rapidement. L’accumulation lipidique (rendement entre 0,2 et 0,33 g.g-1) n’est pas affectée par le ratio C/N contrairement aux productions d’acide 83 citrique et d’acétate qui augmentent en même temps que le ratio C/N et la concentration initiale en glycérol. Les acides gras sont plus insaturés lors de la culture sur glucose/stéarine. Les TAG représentent 55% (g/g) des lipides accumulés et les acides gras libres 35 à 40 %. Une culture de Y. lipolytica sur trois co-substrats (glycérol, glucose et stéarate) utilisés de manière simultanée a été étudiée (Papanikolaou 1998). Le glycérol est consommé le plus rapidement. L’incorporation de la stéarine dans la cellule est indépendante de la consommation des deux autres substrats bien que la vitesse d’incorporation soit faible tout au long de la culture. Une grande quantité d’acides organiques est produite (concentration non connue). Le taux en lipides accumulés est faible (0,15 g.g -1 au maximum), taux inférieur à celui retrouvé lors d’une culture sur stéarine seule mais la quantité d’acides gras insaturés accumulés est supérieure (jusqu’à 20% d’acide oléique et 7% d’acide linoléique) ; il y a eu biosynthèse ou bioconversion d’acides gras et non uniquement incorporation contrairement à ce qu’a pu expérimenter Meyer (Meyer and Schweizer 1976) dont une culture de Y. lipolytica cultivée sur acide myristique n’a pas montré d’activité acide gras synthase (FAS). La majorité des lipides accumulés sont des triglycérides mais 35% des lipides sont des acides gras libres. Leur profil est majoritairement saturé, la moitié des acides gras accumulés étant du stéarate. 2.3.2. Nature de la source azotée L’azote organique stimulerait l’accumulation lipidique. Lorsqu’une source d’azote inorganique est utilisée, il semble que la nature du contre-ion ait un effet sur le rendement de conversion substrat/lipide (Granger 1992). Chez Rhodotorula glutinis, l’utilisation d’ammonium ou de nitrate comme source d’azote entraine des rendements maximaux de lipides accumulés lorsque le contre ion est du sulfate ou du sodium et des rendements plus faibles lorsque le contre ion est du chlore ou du potassium. D’après Evans (Evans and Ratledge 1984), à propos de travaux sur Rhodosporidium toruloides CBS 14 en batch, la vitesse de production des lipides est influencée par le catabolisme de la source azotée du milieu de culture. La concentration intracellulaire en ammonium est probablement un facteur significatif de la régulation de la production de lipides. L’ammonium doit en premier lieu atteindre une certaine concentration intracellulaire afin que le métabolisme bascule vers la production de lipides. Certaines sources d’azote organique permettent une accumulation en ammonium plus élevée (urée, arginine, glutamate…). L’utilisation d’ammonium minéral dans le milieu inhibe les enzymes de dégradation des sources d’azote organique, ce qui diminuerait 84 le taux en ammonium intracellulaire (Evans and Ratledge 1984). Lorsque seul de l’ammonium minéral est utilisé, il y a répression de son transport dans la cellule afin d’éviter une accumulation intracellulaire (Evans and Ratledge 1984). Cependant, Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a étudié l’effet de l’utilisation de deux sources azotées (une organique : l’extrait de levure et l’autre inorganique : le sulfate d’ammonium) sur l’accumulation de lipides chez Yarrowia lipolytica cultivée sur substrat lipidique. L’ajout d’azote inorganique dans le milieu en présence d’extrait de levure ne modifie pas le comportement de la levure en termes de croissance et d’accumulation lipidique de la levure. 2.3.3. Nature de l’élément inducteur et stratégie d’induction 2.3.3.1 Azote L’effet d’une limitation ou d’une carence en azote sur l’accumulation lipidique des microorganismes oléagineux est le plus étudié car les meilleurs rendements de conversion du substrat en lipides ont été obtenus avec cet élément chez une souche de Candida en comparaison des éléments tels que le phosphore, le magnésium, le zinc et le fer (Gill et al. 1977; Yamauchi et al. 1983). D’après Granger (Granger 1992), l’accumulation lipidique est optimale quand le ratio C/N initial est compris entre 30 et 80 g C.gN-1. Un rapport plus élevé est défavorable car il conduit à une carence prolongée en azote, ce qui altère la synthèse lipidique et qui est létale au final. Hassan (Hassan et al. 1996) a démontré que l’augmentation du rapport C/N, et donc de la quantité d’acides gras accumulés, modifie le profil de ces acides gras. Le pourcentage en acides gras saturés et monoinsaturés est plus élevé lorsque le rapport C/N est plus élevé. En effet, l’azote est un constituant fondamental des protéines et acides nucléiques. Sa carence entraine un arrêt de la multiplication cellulaire (Pan and Rhee 1986b) et de la production de membranes plasmiques. Les principaux constituants de ces membranes sont les triacylglycérols et phospholipides. Il est possible que les désaturases soient protéolysées afin de réutiliser le pool d’azote intracellulaire pour des fonctions plus essentielles. La concentration seuil en azote extracellulaire en dessous de laquelle la levure semble être en limitation est de 0,02 g.L-1 (Papanikolaou 1998) ce qui correspond à la concentration en azote du milieu non assimilable par la cellule . Il en résulte que l’orientation du métabolisme vers la synthèse d’acides gras est dirigée par le maintien du pool de malate intramitochondrial à la 85 suite du blocage du cycle de Krebs. La génération de coenzymes réduits est assurée par la décarboxylation du malate cytoplasmique en pyruvate grâce à l’enzyme malique (voir Figure 20). Une induction de l’accumulation lipidique par une limitation en azote provoque, sur certaines souches de Y. lipolytica, une direction du flux carboné vers la production d’acide citrique (Papanikolaou 1998; Cescut 2009). Cependant, il a été démontré qu’une conduite des apports en substrat et azote parfaitement maitrisée permet de rediriger le flux de carbone vers l’accumulation de lipides et que l’accumulation de citrate est due à un débordement des capacités cataboliques et anaboliques des cellules (Cescut et al. 2008; Cescut 2009). 2.3.3.2 Phosphore Larsson (Larsson et al. 1997) a démontré, sur une culture de S. cerevisiae réalisée en chémostat, que lorsque la concentration en azote diminue, le taux d’ATP intracellulaire diminue, améliorant l’accumulation de carbohydrates en conditions aérobies. Par transposition, le déclenchement de l’accumulation de lipides intracellulaires lors d’une limitation azote chez les levures oléagineuses pourrait résulter de la même baisse en ATP intracellulaire. Cette hypothèse a été aussi formulée par Ratledge (Ratledge and Wynn 2002) à propos du déclenchement de l’accumulation de lipides chez les micro-organismes oléagineux. Une limitation en phosphore pourrait permettre de diminuer aussi le pool en phosphore intracellulaire (ATP et/ou AMP) et de déclencher l’accumulation en lipides. L’accumulation de lipides chez la levure oléagineuse Rhodosporidium toruloides sur substrat glucose en carence phosphore et en batch a été étudiée par l’équipe de Wu (Wu et al. 2010). Il ressort de cette étude que le pourcentage d’accumulation en lipides intracellulaires est une fonction croissante du rapport C/P initial du milieu de culture : lorsque ce rapport est égal à 9552, l’accumulation de lipides obtenue est de 0,62 g de lipides/g de biomasse avec un rendement substrat de 0,219 g de lipides/g de substrat. Granger (Granger et al. 1993) a étudié l’effet de la carence en phosphore sur la production de lipides (acide α-linoléique principalement) par une souche Rhodotorula glutinis sur glucose et en mode batch. La carence en phosphore se traduit par la baisse du taux de lipides accumulés (0,22 g Lipides.gX-1) par rapport à une carence en azote (0,34 gLipides.gX-1) et du rendement de conversion du substrat en lipides (0,15 gLipides.gGlc-1 alors qu’il est de 0,29 gLipides.gGlc-1 en carence azote) mais une augmentation de la vitesse spécifique d’accumulation (53 mg Lipides.gX-1.h-1 en 86 carence phosphore au lieu de 37 mgLipides.gX-1.h-1). Cependant, cette vitesse d’accumulation en lipides n’est maintenue que jusqu’à un taux en lipides accumulés de 0,16 g Lipides.gX-1. Ensuite, la vitesse diminue à une valeur de 30 mgLipides.gX-1.h-1 alors que la vitesse spécifique en carence azote reste constante. La carence en phosphore se traduit par la modification du spectre des acides gras accumulés. Ces derniers sont plus insaturés que lors d’une culture en carence azote. À partir des ces conclusions, Granger a étudié l’accumulation de lipides sur un milieu entrainant une première carence en phosphore puis, lorsque le rapport acides gras/ biomasse dépasse 0,20 g AG.gX-1, en azote. Cette stratégie a permis d’augmenter les rendements et les vitesses. Granger a cependant remarqué que le degré d’insaturation des acides gras accumulés est diminué. Gill et al. (Gill et al., 1977) ont comparé l’accumulation de lipides en fonction de la nature de l’élément limitant lors de la culture d’une souche de Candida sp. 107 en chémostat. Les taux maximaux de lipides accumulés en limitation phosphore ou azote obtenus par ces auteurs est respectivement de 0,31 g Lipides.gX-1 et 0,37 gLipides.gX-1. De même, le rendement en limitation phosphore de 0,15 g Lipides.gGlucose-1 est inférieur à la valeur de 0,22 gLipides.gGlucose-1 obtenue en limitation azote. La combinaison de deux limitations phosphore et azote permet d’améliorer le taux de lipides accumulés à 0,35 gLipides.gX-1 mais le rendement de conversion du glucose en lipides est fortement diminué à 0,07 gLipides.gGlucose-1. Au contraire, Ratledge et Hall (Ratledge and Hall 1979) lors d’une culture en chémostat d’une souche de Rhodotorula glutinis n’ont pas observé d’amélioration de l’accumulation de lipides en double limitation azote/phosphore. 2.3.3.3 Autres oligoéléments Gill (Gill et al. 1977) a expérimenté la production de lipides par une souche du genre Candida en chémostat et en limitation magnésium. Les acides gras accumulés présentent un taux plus élevé en acide myristique. De même, Granger (Granger et al. 1993) a remarqué que l’accumulation d’acides gras chez Rhodotorula glutinis en carence de magnésium est favorable à la production d’acide gras à courte chaîne (12 et 14 carbones) plutôt saturés. Papanikolaou (Papanikolaou 1998) propose qu’il est possible que l’absence de magnésium inhibe l’acétylCoA carboxylase, qui produit moins de malonylCoA pour la synthèse d’acides gras. 87 D’après Granger (Granger et al. 1993), Rhodotorula glutinis cultivée en carence de zinc semble accumuler des acides gras dont une plus forte proportion est insaturée. La vitesse spécifique de synthèse des acides gras augmente jusqu’à 0,15 g acides gras.gX-1 pour se stabiliser à une valeur de 30 mgacides gras.gX-1.h-1. Le rendement de conversion et la production en acide αlinoléique augmentent aussi. Une carence en fer induit une accumulation lipidique d’acides gras plutôt saturés (Granger et al. 1993). Ceci est dû à la dépendance au fer des désaturases (Holloway and Katz 1972). Hassan (Hassan et al. 1996) a expérimenté l’effet d’une limitation en fer sur l’accumulation lipidique d’une souche de Cryptococcus curvatus cultivée en batch et en fed-batch. Une limitation en fer induit une très faible accumulation lipidique composée en partie d’acides gras à longueur de chaîne de 14 et 16 carbones. Mais les lipides accumulés contiennent plus d’acide stéarique et moins d’acide oléique : ils sont plus saturés. 2.3.3.4 Oxygène Le taux d’aération a une grande influence sur l’accumulation des lipides (Choi et al. 1982). En effet, si la demande en oxygène n’est pas satisfaite, le rendement en biomasse, le taux d’acides gras accumulés et leur degré d’insaturation sont fortement affectés. Rhodotorula gracilis, une levure aérobie stricte et cultivée en limitation azote, produit des acides gras de moins en moins insaturés suivant la diminution de la pression partielle en oxygène dissous dans le milieu (Rolph et al. 1989). Davies (Davies et al. 1990) a étudié, au cours d’une culture de Candida curvata l’effet d’une limitation en oxygène lors de la phase d’accumulation lipidique. Les réactions de désaturation nécessitant de l’oxygène, le taux d’accumulation de lipides n’est pas affecté mais la moitié des acides gras accumulés sont saturés. 2.3.3.5 Température La température de la culture peut jouer un rôle important sur la quantité et aussi la composition des lipides accumulés (Hansson and Dostalek 1986). En général, l’abaissement de la température de la culture à 10°C permet d’augmenter le pourcentage d’acides gras 88 insaturés (Rattray et al. 1975), ceci afin de maintenir une fluidité membranaire suffisante. En effet, les doubles liaisons d’un acide gras permettent à la chaine de changer de conformation, ce qui fluidifie la membrane. Chez Y. lipolytica, la diminution de la température de 25 à 10°C induit une augmentation du pourcentage des acides oléique et linoléique de 25% (g/g) (Ferrante and Kates 1983). Il en est de même chez Rhodotorula gracilis (Rolph et al. 1989) où l’abaissement de la température de 28 à 15°C provoque une augmentation du pourcentage d’acides gras polyinsaturés dans les cellules. De même, une augmentation de la température de culture chez Rhodotorula glutinis (Granger 1992), a montré une diminution du degré d’insaturation des acides gras accumulés. Il n’y a pas de modification de la quantité d’acides gras accumulés mais leur profil est modifié. De plus, les vitesses de production de biomasse et d’acides gras sont très ralenties. Chez R. minuta, une augmentation de la température de 30 à 32°C entraine aussi un raccourcissement des longueurs de chaines (Saxena et al. 1998). L’effet de la température de culture chez Y. lipolytica a été étudié par Papanikolaou (Papanikolaou 1998). Le micro-organisme a été cultivé à différentes températures comprises entre 19°C et 39°C. Les températures extrêmes n’ont pas permis au micro-organisme de croitre correctement (la biomasse totale produite atteint 3,9 et 1,0 g/L). Les trois autres températures (24, 28 et 33°C) ont permis une croissance (la biomasse atteint environ 8 g/L) et un taux d’accumulation satisfaisant (de 0,22 à 0,44 g.g-1 selon l’expérience). La température de culture permettant d’atteindre un taux de lipides accumulé maximal a ainsi été définie à 28°C. Mulder (Mulder et al. 1989) a quantifié l’effet d’une baisse brutale de température sur le degré d’insaturation des acides gras accumulés. Le choc de température est d’autant plus favorable à la production d’acides gras insaturés que son amplitude est grande. Il doit de plus être réalisé sur une culture dont le milieu initial a un rapport C/N élevé. Cescut (Cescut 2009) a étudié l’effet de l’abaissement de la température de 30 à 20°C lors de la phase de transition d’une culture de R. glutinis sur glucose en mode fed-batch. L’abaissement de 10°C induit une accumulation plus lente : la vitesse spécifique d’accumulation est réduite d’un facteur 1,9. Ceci est lié à l’abaissement général des constantes de réactions biologiques. En revanche, le rendement global de l’accumulation de lipides est inversement modifié par le refroidissement. Ce rendement est amélioré de 0,04Cmollip.CmolX1 par rapport à la température 30°C. De plus, le degré d’insaturation des acides gras 89 accumulés est augmenté et passe de 0,7 à 0,9 moleinsaturation.moleAG-1. L’hypothèse émise est que la différence de thermostabilité entre les désaturases et les enzymes d’élongation de chaîne entraîne une sur-insaturation des acides gras accumulés à plus faible température. 2.4. Conclusion Y. lipolytica est une levure oléagineuse possédant l’enzyme indispensable à l’accumulation des lipides : l’ATP-citrate lyase (Finogenova et al. 2002). Chez Y. lipolytica, un mode de conduite maitrisant les apports en glucose et azote permet de limiter la production d’acide citrique et d’accumuler des lipides jusqu’à un taux limite de 0,36 gLipides.gX-1 (Cescut, 2009). Le rendement a aussi été amélioré par l’utilisation d’un cosubstrat au glucose : le glycérol. Ce dernier permet d’améliorer la cinétique de production de triacylglycérol par l’amélioration de la production de glycérol-3-phosphate. Cescut a aussi mis en évidence une perte de rendement par l’existence d’un cycle futile de production/dégradation d’acides gras par la voie de la β-oxydation. Malgré toutes ces optimisations, Yarrowia lipolytica semble ne pouvoir accumuler plus de 0,36 gLipides.gX-1, contrairement à d’autres levures oléagineuses comme Rhodotorula glutinis. En effet, Yarrowia lipolytica semble être en premier lieu adaptée pour l’assimilation de lipides et non leur synthèse. Il semble donc qu’un système de régulation en soit la cause. Il a été vu que la limitation en un élément nutritionnel dans le milieu entraîne un ralentissement de la multiplication cellulaire (Pan and Rhee 1986a, 1986b). La synthèse de biomasse catalytique est ainsi affectée. Or, la limitation déclenche le phénomène d’accumulation de lipides dont la constitution est différente des lipides membranaires dont les principaux constituants sont les phospholipides. Les phospholipides représentent jusqu’à 55 % des lipides catalytiques de R. glutinis, de plus ils sont constitués à 85 % de composés azotés : phosphatidylcholine, phosphatidyléthalonamine, phosphatidylsérine (Rolph et al., 1989). La synthèse des acides gras polyinsaturés est par ailleurs intimement liée à celle des membranes plasmiques, le rapport (acides gras insaturés)/(acides gras) jouant un rôle déterminant dans la fonctionnalité membranaire (Russel, 1989). La forte diminution de la production d’acides gras polyinsaturés observée en phase de limitation par l’azote pourrait résulter donc de l’arrêt de la formation des membranes (Cescut 2009). 90 Le phosphore est un élément qui, lorsqu’il est limitant, a la capacité d’induire l’accumulation de lipides chez certaines levures oléagineuses comme Rhodotorula glutinis (Granger 1992) et Rhodosporidium toruloides (Wu et al. 2010). Les informations recueillies dans ce chapitre ont permis de poser l’hypothèse qu’une limitation phosphore maîtrisée pourrait être plus avantageuse pour l’accumulation de lipides qu’une limitation azote. Le phosphore est un élément essentiel aux cellules. Il est incorporé dans les acides nucléiques et les phospholipides et il fournit l’énergie nécessaire aux réactions intracellulaires. L’azote est quant à lui un élément important pour les réactions enzymatiques, le transport membranaire. C’est un élément plus facilement mobilisable par les cellules que l’azote. La limitation en phosphore serait potentiellement moins délétère aux fonctions cataboliques nécessaires à la production de lipides. Le taux et la vitesse spécifique de production de lipides pourraient être plus élevés qu’en limitation azote. L’activation des certaines enzymes prenant part à la synthèse lipidique se fait par déphosphorylation comme l’acétylCoA carboxylase. En effet, l’acétylCoA carboxylase synthétise le malonylCoA, précurseur des acides gras néosynthétisés. Lorsque cette enzyme est déphosphorylée, son insensibilité à l’inhibition par les acides gras est améliorée (§2.2.2.2.2) ce qui pourrait augmenter les vitesses de synthèse en acides gras. Granger (Granger 1992) observa l’amélioration de la vitesse de synthèse de lipides mais en carence, cette vitesse n’est pas maintenue : il serait nécessaire de conserver une limitation en phosphore afin de maintenir un taux intracellulaire suffisant aux besoins énergétiques de la cellule. La levure Y. lipolytica est une levure oléagineuse possédant l’enzyme indispensable à l’accumulation de lipides : l’ATP-citrate lyase. Elle peut accumuler jusqu’à 0,36 gLipides.gbiomasse-1. De plus, le métabolisme de Yarrowia lipolytica a fait l’objet de nombreuses études focalisant majoritairement sur la production de lipases et d’acides organiques sur différents substrats. On observe depuis une dizaine d’années une augmentation notable de travaux sur l’accumulation de lipides sur substrat osidique ; et aucune sur une carence ou limitation de phosphore. L’effet d’une limitation phosphore sur l’accumulation lipidique d’une souche sauvage de Yarrowia lipolytica avec le glucose comme substrat est étudié dans les chapitres suivants. 91 3. MATERIEL ET METHODES 92 93 3.1. Microorganisme La souche sauvage Yarrowia lipolytica utilisée est la souche W29 (ATCC 20460, Mat A) isolée d’eaux usées et a été fournie par J.M. Nicaud (Laboratoire de Microbiologie et Génétique Moléculaire, CNRS, UMR 2585, INRA, UMR1238, AgroParisTech, INRA centre de Grignon F-78850 Thiverval-Grignon, France). Les conditions de croissance optimales sont de 28°C pour la température, un pH de 5,6 et le milieu salin optimisé pour la croissance (Faure, 2002). La formule brute de la biomasse en croissance exponentielle sur milieu salin ramenée à 1 atome de carbone est donc C H1,744 O0,451 N0,132, ce qui représente 92% de la masse totale de la cellule (Cescut, 2009). La masse molaire normée à 1 atome de carbone doit donc prendre en compte la fraction massique des cendres estimées à 8%, soit une masse molaire de 23,44 g.Cmole-1. Des stocks de la souche ont été réalisés à partir de précultures axéniques dans des Erlenmeyers bafflés placés sur une table agitante, avec un milieu riche ayant une concentration initiale en glucose de 10 g.L-1. En milieu de phase exponentielle, des aliquots de 1 mL ont été prélevés et additionnés de glycérol stérile (30 % en volume/volume). Puis ces stocks ont été conservés dans des flacons stériles à -80°C. Ces cultures concentrées et congelées ont été utilisées pour ensemencer les différentes précultures à des fins de culture en mode alimentation discontinue. 3.2. Milieux de culture 3.2.1. Milieu riche Un cryotube est étalé sur le milieu riche (YPD) + 10% agar-agar qui est incubé 48h à 30°C. Une colonie est reprise dans 5 mL de milieu riche liquide pour ensemencer des précultures. Composition du milieu YPD : Yeast extract 10 g.L-1 Bactopeptone 10 g.L-1 Glucose 10 g.L-1 94 3.2.2. Milieu minéral 3.2.2.1 Milieu salin Ce milieu est le milieu des précultures et le milieu initial de culture en mode fed-batch. Sa composition est présentée dans le Tableau 10 pour les cultures sur glucose et oléate et le Tableau 11 pour les cultures limitées en phosphore. Composé (NH4)2SO4 K2HPO4 1 1 Concentration (g.L-1) Composé 3,0 MgSO4 , 7H2O 3 3,0 NaH2PO4 , H2O 3 Glutamate de sodium Concentration (g.L-1) 1,0 2 2,0 3,0 Tableau 10 : Composition du milieu salin ( 1VWR ; 2 Merck ; 3Panreac) pour les expériences de croissance sur oléate Composé (NH4)2SO4 KCl 1 1 NaCl 1 Concentration (g.L-1) Composé 3,0 MgSO4 , 7H2O 3 2,57 Glutamate de sodium 0,55 NaH2PO4, H2O 1 Concentration (g.L-1) 1,0 2 2,0 0,92 Tableau 11 : Composition du milieu salin ( 1VWR ; 2 Merck ; 3Panreac) pour les expériences en limitation phosphore Les solutions d’oligo-éléments (3.2.2.3) (sauf le fer) sont rajoutées en une quantité de 1mL de solution pour 1L de milieu. Le milieu est ajusté à pH 4,5 avec de l’acide orthophosphorique ou de l’acide sulfurique pour éviter toute précipitation. Il est ensuite stérilisé par autoclavage à 121°C pendant 20 minutes. Puis son pH réajusté à une valeur de 5,5 avec une solution d’ammoniaque à 14%. Les solutions de vitamines (3.2.2.2) et de fer (3.2.2.3) stérilisées par filtration sont enfin ajoutées. 3.2.2.2 Solution de vitamines La composition de la solution en vitamines est mentionnée dans le Tableau 12. Le pH est ajusté à 6,5 par une solution d’acide orthophosphorique ou d’acide sulfurique et par une solution d’hydroxyde de sodium. La solution est stérilisée par filtration sur un filtre de 95 diamètre 0,2 µm. Les vitamines pouvant se dégrader rapidement dans le milieu de culture, 10 mL de solution de vitamines sont rajoutés dès que 10g de biomasse catalytique par litre sont formées (Faure 2002). Composé Concentration (g.L-1) Composé Concentration (g.L-1) d-biotine 0,05 Thiamine hydrochloride 1 Panthoténate 1 Pyridoxol hydrochloride 1 Acide nicotinique 1 Acide p-aminobenzoïque 0,2 Myoinositol 25 Tableau 12 : Composition de la solution de vitamines concentrée (produits Sigma-Aldrich) 3.2.2.3 Solutions concentrées d’oligoéléments Chaque solution d’oligo-élément dont les compositions sont reportées dans le Tableau 13, est préparée séparément. Toutes les solutions sont stérilisées à l’autoclave 20 min à 121°C sauf la solution de fer, qui est stérilisée par filtration via un filtre dont le diamètre des pores est égal à 0,2 µm. Composé Concentration (g.L-1) Composé Concentration (g.L-1) ZnSO4 , 7H2O 2 40,0 CaCl2 , 2H2O 1 64,0 1 3,80 H3BO3 1 3,20 CoCl2 , 6H2O 1 0,50 Na2MoO4 , 2H2O 1 0,06 CuSO4 , 5H2O 1 0,90 (NH4)2FeSO4 1 23,0 MnSO4 , H2O Tableau 13 : Composition des solutions concentrées en oligo-éléments (1 VWR ; 2 Carlo Erba) 3.2.2.4 Solution d’alimentation en sels Cette solution (voir Tableau 14) est ajoutée pendant la culture en proportion volumique de 10% par rapport au glucose apporté. 96 Composé Concentration (g.L-1) Composé KCl 1 20,0 CuSO4 , 5H2O 1 NaCl 1 Concentration (g.L-1) 0,6000 1 20,0 Na2MoSO4 , 2H2O MgSO4 , 7H2O 3 27,0 CaCl2 , 2H2O 1 6,40 ZnSO4 , 7H2O 2 7,70 (NH4)2FeSO4 1 5,60 MnSO4 , H2O 1 0,4700 H3BO3 1 0,3000 CoCl2 , 6H2O 1 0,0940 0,3000 Tableau 14 : Composition de la solution d’alimentation en sels ( 1 VWR ; 2 Carlo Erba ; 3 Panreac) Les sels sont dissous dans de l’acide orthophosphorique (146,70 g.L -1) pour les cultures sur co-substrat glucose/oléate et de l’acide sulfurique (140 g.L-1) pour les cultures limitées en phosphore. Cette solution est stérilisée par autoclavage 20 minutes à 121°C. 3.2.2.5 - Sources carbonées Glucose La solution d’alimentation en glucose est concentrée à une valeur proche de 700 g.L -1 puis stérilisée à l’autoclave 20 minutes à 121°C. - Oléate L’oléate (VWR) présente une pureté de 90% soit une concentration de 798 g/L. Les 10% restants est constitué d’autres acides gras libres. L’oléate est transféré dans un bidon d’alimentation stérile. 3.2.2.6 Solution de régulation de pH Le pH est régulé grâce à une solution d’ammoniaque à 28% (p/v) et une solution d’acide sulfurique ou d’acide phosphorique 1M. 97 3.3. Le bioréacteur 3.3.1. Description générale du réacteur Les cultures sont réalisées en mode discontinu alimenté (Fed-batch) dans un fermenteur B. BRAUN (Biostat E, Braun Diessel, Biotech. Melsungen, Allemagne) d’une capacité de 20L. Il est équipé de modules de mesure et régulation de température, de pH (sonde Fermprobe Broadley-James Co., Santa Ana, USA), d’oxygène dissous (sonde INGOLD, Urdorf, Suisse), de pression et de mousses. Le réacteur est connecté à un micro-ordinateur de type PC. Le module d’entrée-sortie permet l’acquisition en ligne des données des capteurs (vitesse d’agitation, température, pH, oxygène dissous, pression), du temps de fonctionnement des pompes de liquides régulateurs de pH et d’antimousse, ainsi que la commande des pompes d’alimentation en substrats et en sels ; une liaison reliant les balances à l’ordinateur permet la lecture de la masse des réservoirs d’alimentation. La régulation de température est réalisée par l’intermédiaire d’une double enveloppe dont l’eau y circulant est tempérée par un système d’échangeur à plaques et de bain thermostaté. Le débit massique de gaz entrant (air apporté) est mesuré et régulé par un débitmètre (modèle 5850 TR, BROOKS Instrument, Emerson Process Management, E.U.). L'agitation est réalisée par un axe muni de trois turbines Rushton. L’homogénéité du milieu est supposée parfaite pour toute l’étude. La composition des gaz de sortie est analysée par un analyseur à gaz (EGAS 8, BRAUN, Allemagne) mesurant le dioxyde de carbone par spectrométrie infrarouge et l’oxygène par paramagnétisme et/ou par spectrométrie de masse (Prima 600S, VG Gaz). Le réacteur est stérilisé à blanc in situ par injection de vapeur vive à 120 °C pendant 20 minutes. Le milieu salin initial, stérilisé séparément, est ensuite transvasé stérilement dans le fermenteur. Le Struktol J673 est utilisé comme agent antimousses. Le fermenteur est alimenté en source(s) de carbone, en sels, en source azotée (régulateur pH) et en source de phosphore (limitation phosphore). L’alimentation en substrats s’effectue par deux pompes péristaltiques. La première assure un apport rapide de substrat (débit maximal de 15 L/h) utilisée lors de pulses, la seconde permet un apport avec un débit plus précis (débit 98 maximal de 0,6 L/h). Pour l’utilisation d’un co-substrat, deux autres pompes peuvent être ajoutées : une dédiée à un apport rapide (commandée manuellement) et l’autre dédiée à un apport faible mais plus précis (commandée par le logiciel). Enfin, une dernière pompe à débit commandé permet l’apport de la solution saline concentrée dans un ratio de 10/1 (v/v) par rapport à l’ajout de substrat carboné. Les réservoirs de solution de substrats, de phosphore et d’ammoniaque sont placés sur des balances (modèle I 12000 S et GP5202, SARTORIUS, Goettingen, Allemagne). La détermination en ligne de la masse des réservoirs sur la balance autorise l’estimation des débits massiques de substrats, de phosphore et d’ammoniaque introduits dans le réacteur. Le pH est régulé à 5,5 et la température est maintenue à 28°C (Faure, 2002). 3.3.2. Système d'acquisition et de commande Tous les systèmes de mesure en ligne et actionneurs sont connectés à un ordinateur de type PC par une interface Analogique / Digital – Digital / Analogique et des ports série type RS 232. Les différentes données acquises en ligne sont résumées dans le Tableau 15. Paramètres Mode de Supervision Précision des mesures Température Mesuré et régulé 0,1 °C pH Mesuré et régulé 0,05 unité pH Pression en oxygène dissous Mesuré 0,1 % sat Pression relative Mesuré et régulé 1 mb Agitation Mesuré et régulé 1 tr.mn-1 Mesuré et régulé 1s Masse pesée par les balances Mesuré de 0,1 à 0,01 g Composition des gaz de sortie Mesuré 0,1 % Débit massique d’aération Mesuré 0,1 NL.h-1 Débit des pompes d’alimentation Mesuré 0,001 L.h-1 % en dioxyde de carbone dissous Mesuré 0,2 % Détecteur de marche des pompes d’antimousse, acide et base Tableau 15 : Liste des mesures en ligne avec leur mode de supervision et la précision des mesures 99 Le module d’entrée-sortie permet l’acquisition en ligne des données des capteurs (vitesse d’agitation, température, pH, oxygène dissous, pression), du temps de fonctionnement des pompes de liquides régulateurs de pH et d’antimousse ainsi que la commande des pompes d’alimentation en substrat, tandis que la liaison asynchrone reliant les balances à l’ordinateur permet la lecture en ligne de la masse des réservoirs. Le programme de gestion de l’alimentation du réacteur en substrat a été développé au laboratoire par P. Perlot (Béghin Say) et J.-L. Uribelarrea (INSA). Différents modes de commande des débits des pompes (croissant ou décroissant) sont disponibles : constant, linéaire, exponentiel et sigmoïde (Figure 21). Ces programmations de débit sont très utiles lors de conduite particulière de la culture. Mode constant igm oïd e Consigne finale Consigne initiale Délai initial l i né es aire Mo d de Mo l tie o xp n ne e de Mo Durée de Variation Figure 21: modes de consigne des pompes péristaltiques disponibles grâce au programme de gestion de l’alimentation du réacteur. La limitation en substrat affectant directement la croissance, l’ajustement du flux de carbone dispensé par la pompe substrat est déterminant pour la conduite de la culture. Afin d’atteindre un taux spécifique de croissance maximal sans accumulation excessive de substrat dans le milieu, un algorithme pilotant les deux pompes d’ajout de substrat est utilisé. Cet algorithme a été mis au point au Centre de Transfert en Biochimie et Microbiologie de Toulouse en 1992 par la collaboration de J-L Uribelarrea, D. Simoes-Ardaillon et P. Perlot. Ce dispositif fonctionne par cycle : un pulse de substrat est injecté rapidement par une pompe de grand débit (10 L.h-1) pour atteindre une concentration résiduelle en glucose non limitante, par exemple 2 gGlc.L-1, l’accroissement de biomasse, si la croissance n’est pas limitée par ailleurs, conduit à l’épuisement du substrat. La limitation en substrat se traduit par une remontée de la concentration en oxygène dissous : c’est la fin du premier cycle. L’algorithme calcule alors la vitesse spécifique de consommation de substrat en prenant en compte la quantité de substrat délivrée, donc consommée, et le temps de consommation sur l’intégralité du cycle. Un second cycle est alors lancé, avec cette valeur estimée de la vitesse spécifique de consommation du 100 substrat. Une fois le pulse achevé, une autre pompe prend le relais et permet de maintenir un débit constant de substrat calculé sous contrainte d’une concentration en substrat maximale à ne pas dépasser. La mise au point et la mise en équation de cet algorithme sont détaillées dans la thèse de Granger de 1992. Le logiciel d’acquisition réalise à chaque nouvelle acquisition de l’analyseur de gaz (période réglée à 1,2mn) l’acquisition des mesures, leur filtrage et le stockage des données et permet aussi l’estimation de variables calculées à partir des données disponibles en ligne (Tableau 16). Variable estimée Unité Masse Substrat Ajout S1 g Variable estimée unité Vitesse O2 mole.L-1.h-1 Vitesse CO2 mole.L-1.h-1 Concent. Equiv. S1 g.L-1 Carbone ajout. S1 mole.L-1 Crésiduel / Cajout g.g-1 Carbone ajout. S1 mole Carbone résiduel mole.L-1 Volume réacteur L Azote total mole µ f(Substrat) h-1 Azote / Carbone mole.mole-1 µ f(pO2) h-1 Masse Ammoniaque Ajout g µ f(NH3) h-1 Concent. Equiv. g.L-1 µ f(CO2) h-1 Carbone ajout. S2 mole.L-1 Volume Base mL Carbone ajout.S2 mole Volume Acide mL Carbone ajout. total mole Vitesse O2 mole.h-1 Carbone ajout. total mole.L-1 Vitesse CO2 mole.h-1 Carbone Accumulé total mole Coefficient Respiratoire NA Carbone Accumulé total mole.L-1 kLa h-1 Signal Consigne PID moyen NA Intégrale O2 mole Caccum/Cajout g.g-1 Intégrale CO2 mole Redox accumulé NA Tableau 16 : Liste des variables estimées et leur unité Ainsi le taux de croissance peut être estimé soit par la consommation de liquide correcteur de pH, de substrat, d’oxygène ou par la production de CO2. Le volume de milieu réactionnel est estimé en prenant en compte le volume initial, les prélèvements, les ajouts et le volume d’eau 101 évaporé. La précision des variables estimées en ligne est intrinsèquement liée à la précision des outils de mesure, des calibrages et étalonnages effectués au préalable. L’ensemble du système peut être schématisé suivant la Figure 22. Glucose Débimètre massique Oléate (2) Analyse des gaz Pression Antimousse H3PO4 (1) T°C pO2 pH Solution saline Agitation antimousse pH, H2SO4 (1) ou H3PO4 (2) Bloc de mesure et régulation pH,NH4OH Collecteur Acquisition, calculs, commande, journal Figure 22 : Schéma du système fermenteur : cuve, apports, acquisitions et commande. (1) expériences en limitation phosphore et (2) expériences sur co-substrats glucose/oléate. 102 3.4. Méthodes analytiques 3.4.1. Analyse de la biomasse 3.4.1.1 Observation microscopique L’observation microscopique est réalisée à l’aide d’un microscope OLYMPUS BH2 (Japon), avec l’objectif DA po 100 UV PL. L’acquisition est effectuée par une caméra CCD DXM 1200, NIKON (Japon). Les images sont numérisées sous un format 975*715 pixel avec la carte graphique Matrox 975-0201. Les images sont analysées grâce au logiciel commercial LUCIA 4.6 du laboratoire IMAGING Ltd. (République tchèque). La résolution du système d’acquisition permet d’observer des détails de la taille de 0,5 µm. Les échantillons sont observés à l’état frais et après un traitement de coloration au Nile red pour observation sous fluorescence. Préparation des échantillons colorés au Nile red : 1mL d’échantillon dont la DO avoisine 1 est centrifugé 3 minutes à 13400 rpm et lavé à l’eau physiologique glacée 3 fois. Puis le culot est repris dans 1 mL d’eau physiologique glacée additionné de 5µL de solution au Nile red (3mg.mL-1 d’acétone). L’échantillon est conservé 10 minutes à 4°C à l’abri de la lumière puis il est centrifugé et le culot est resuspendu dans 1mL d’eau physiologique. L’observation de l’échantillon à la lame est réalisé par le même microscope avec l’objectif DA po 100 UV PL, avec un filtre UV. 3.4.1.2 Concentration cellulaire La mesure de la concentration cellulaire est réalisée de deux manières différentes : la mesure de la densité optique permet une estimation tout du long de la culture et la méthode gravimétrique permet une mesure plus précise. - Gravimétrie : un volume déterminé (2 à 25 mL) de moût de fermentation est filtré sur un filtre Sartolon Polyamid de diamètre 0,45 µm, préalablement séché et pesé. Le filtre est ensuite rincé et séché à l’étuve sous vide (60°C, 200 mm de mercure) pendant 103 24h puis pesé après refroidissement dans un dessicateur. La masse sèche est calculée par la différence de pesée du filtre. - Densité optique (DO) : Le spectromètre utilisé est un Biochrom LibraS4 et les cuves sont de référence OS 0.201. La mesure est réalisée à une longueur d’onde de 600 nm. Les dilutions sont réalisées de telle sorte que la DO soit comprise entre 0,2 et 0,5 unité de densité optique. Pour chaque expérimentation, une corrélation peut ainsi être déterminée entre la densité optique et la masse sèche (g.L-1). 3.4.2. Extraction et dosage des composés intracellulaires 3.4.2.1 Mesure des cendres La mesure des cendres est réalisée avec les filtres de mesure de la masse sèche par gravimétrie (§ 3.4.1.2). Les filtres sont introduits dans des tubes en verre préalablement pesés après un passage au four et refroidis une heure dans un dessicateur. La programmation du four commence par une rampe passant de la température ambiante à 550 °C en 2 h puis un plateau de 12 h à 550 °C. Les tubes contenant les filtres sont ensuite placés dans le four avec la même programmation de température. Une fois la programmation achevée et après refroidissement à température ambiante au dessiccateur, les tubes sont repesés. La calcination est réitérée en ajoutant 20 µL d’une solution de NH4NO3 à 20 g.L-1. Ces opérations sont répétées jusqu’à ce que l’écart entre deux pesées successives soit inférieur à 0,1 %. L’incertitude sur cette méthode est estimée à 0,2 gcendres.100gX-1. 3.4.2.2 Dosage du phosphore intracellulaire Le phosphore intracellulaire n’est pas uniquement sous forme de phosphates. Il est donc nécessaire de l’extraire des cellules mais aussi de le transformer en ions phosphates pour qu’il puisse être dosé. Le phosphore est récupéré dans les cendres (§ 3.4.2.1). Ces cendres sont reprises dans 3 mL d’acide chlorhydrique 1N pour minéralisation puis cette solution est diluée dans 100 mL d’eau ultrapure (Jean 1969). Une prise d’échantillon de 1mL permet le dosage des phosphates (§ 3.4.3.2). 104 3.4.2.3 Dosage des lipides Cette méthode de dosage a été développée par Julien Cescut durant sa thèse au laboratoire (Cescut, 2009). Préparation des échantillons : Les échantillons sont congelés à –80 °C puis lyophilisés (Modèle : Serail, RP35, France). La durée de lyophilisation est de 48h et la température du début de mise sous vide est de –45°C. Les lyophilisats sont conservés dans un dessiccateur aux parois opaques contenant une grande quantité de Silicagel (Prolabo ; 27615.291) sous azote. Environ 500 mg à 1 g de lyophilisat sont introduits dans une cellule d’extraction de 11 mL, puis 2 g d’hydromatrix (VARIAN, Californie, E.U.) sont mélangés au lyophilisat. L’hydromatrix évite que le lyophilisat de levure ne se compacte évitant toute extraction de lipides au cœur de l’échantillon. Extraction : La méthode est une extraction réalisée par un appareil de type ASE (Accelerated Solvent Extraction, Dionex). Les composés lipidiques sont extraits par injection de mélanges de solvants à haute température (100 °C) et à haute pression (100 bar) dont les compositions sont reportées dans le Tableau 17. Les lipides extraits sont évacués de la cellule sous la pression d’un gaz inerte (azote). Solvant Chloroforme Méthanol Hexane Cycle 1 70 % 30 % 0% Cycle 2 50 % 50 % 0% Cycle 3 30 % 70 % 0% Cycle 4 0% 0% 100 % Tableau 17 : Composition du mélange de solvant en fonction du cycle d’extraction 105 Les paramètres d’extraction sont les suivants : Nombre de cycles : 4 Pression : 100 bars Température : 100°C Durée totale de l’extraction : 60 minutes % renouvellement du solvant : 100 % (mL/100 mL) % de purge : 100 % (mL/100 mL) Temps de purge : 60 secondes Phase de chauffage : 15 minutes Phase statique : 15 minutes Purification : Les lipides recueillis dans le mélange de solvants subissent une première évaporation, principalement pour évaporer le méthanol. Ils sont ensuite resuspendus dans du chloroforme puis mélangés à une solution de KCl (0,88 mL.100mL-1) en proportion de 1 volume de KCl par volume de solvant afin de séparer les lipides des débris cellulaires. Les deux phases sont émulsionnées et centrifugées à 200g pendant 5 minutes. La phase organique est récupérée et soumise à évaporation dans un évaporateur multiposte à une température de 40°C (programme mixed solvent, EZ-2, Genevac). L’évaporation est répétée jusqu’à ce que la masse des tubes contenant les lipides soit stable. La teneur totale en lipides est quantifiée par la différence de masse du tube avant et après extraction/évaporation et rapporté à la masse de lyophilisat ayant subit l’extraction. 3.4.2.4 Dosage des classes de lipides par HPLC-DDL Une chaîne HPLC équipé d’un détecteur évaporatif à diffusion de lumière (DDL) peut être utilisée pour analyser les différentes classes de lipides : acides gras libres, mono, di, triacylglycérols avec les différentes combinaisons d’acides gras estérifiés. Les détecteurs à diffusion de lumière sont capables de détecter des molécules ne possédant pas de chromophore. Les conditions opératoires de l’analyse ont été optimisées par Etienne Séverac de l’équipe enzymologie du LISBP sous la direction du Professeur Alain Marty. 106 Les paramètres de dosage sont les suivants : Echantillonneur, pompe et four : Ultimate 300 (DIONEX) Détecteur I : ELSD Logiciel d'acquisition et de traitement des données : Chromeleon (DIONEX) Colonne : Prontosyl C30 250mm*4mm*5µm (ICS) Débit : 1 mL.mn-1 Température du four : 40 °C Débit azote ELSD : 1 L.mn-1 Température de nébulisation : 60 °C Température d’évaporation : 40 °C Débit de la phase mobile : 50 mL.mn-1 Volume d'échantillon injecté :1 µL Trois mélanges de solvant sont utilisés pour générer différents gradient afin d’accroître la résolution de séparation des différents lipides. La composition des mélanges et l’évolution des 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% [L.mn-1/Ltotal.mn-1] ratio des débits gradients en cours d’analyse est illustrée par la Figure 23. C B A 0 5 10 15 20 25 30 Durée [mn] 35 40 45 50 Figure 23 : Evolution de la composition de la phase mobile de l’analyse des lipides par HPLC-DDL. Mélange A : Acétonitrile, mélange B : Eau + acide trifluoroacétique à 0,1% (v/v), mélange C : hexane + isopropanol à 80% (v/v). 107 3.4.2.5 Dosage des acides gras Les lipides purifiés précédemment sont resuspendus dans un volume précis de chloroforme (déterminé par pesée) afin d’être dosés par chromatographie en phase gazeuse (HP 6890 Series GC systems). Les échantillons subissent une méthylation en présence de triméthylsulphonium hydroxide (TMSH ; Macherey-Nagel, Allemagne) à 0,2 mol.L-1 dans du méthanol : 50 µL d’échantillon sont mélangés à 50 µL de TMSH et 50 µL d’étalon interne (acide gras à longueur de chaîne impaire). Le mélange est agité 10 secondes et disponible après 5 minutes d’attente. L’extrait doit être préalablement dilué dans un mélange 1/1 (v/v) de méthanol et chloroforme afin d’obtenir une concentration en acide gras comprise entre 0,5 et 2 g.L-1. 3.4.2.6 Dosage des sucres totaux Le dosage des sucres totaux est réalisé par la méthode phénol-acide sulfurique (Dubois et al., 1956). Ce dosage est utilisé ici afin de déterminer le taux en polysaccharides totaux intracellulaires. La gamme étalon est réalisée avec une solution de glucose/mannose (50/50, w/w) et la gamme choisie varie entre 0 et 0,1 g.L-1. Pour plus de précision, chaque étalon est dosé 4 fois. L’échantillon est centrifugé à 13400 rpm pendant 3 minutes puis lavé trois fois avec de l’eau physiologique à 4°C. Afin de standardiser les conditions opératoires, les échantillons sont dilués de manière à ramener la valeur de densité optique entre 0,4 et 0,5 pour le même spectrophotomètre du suivi de culture et la même cuve. Ceci permet de déterminer la biomasse utilisée pour le dosage. Dans un tube en verre, sont introduits 1000 µL d’échantillon dilué additionnés de 1 mL d’une solution de phénol à 0,5 g.L-1 dans de l’eau distillée. Après vortexage et 5 min de repos, 5 mL d’acide sulfurique à 95 % sont introduits. Après vortexage et 5 min de repos, les tubes sont placés dans un bain marie à 30°C pendant 20 mn. La réaction est ensuite stoppée en plaçant les tubes dans un bain glacé pendant 20 mn. Chaque échantillon est répété 4 fois. L’absorbance de l’échantillon est mesurée à 486 nm. La concentration est exprimée en équivalent glucose/g de biomasse. 108 3.4.3. Dosage des composés extracellulaires 3.4.3.1 Dosage des sucres, des acides organiques et des alcools Le dosage est réalisé par chromatographie en phase liquide à haute performance (HPLC) (Ultimate 3000, Dionex, USA) dont les paramètres sont les suivants : Colonne : Aminex HPX-87H (300 mm x 7,8 mm) Température du four : 50°C Phase mobile : H2SO4 à 5 mM Débit de la phase mobile : 0,5 mL.min-1 Durée de l’analyse : 30 min Volume d’injection : 20 µL Détecteurs UV à barrette diode et réfractomètre La concentration pour chaque composé est déterminée à l’aide d’une droite étalon. Chaque composé est préparé à 5 concentrations différentes. Les temps de rétention pour les composés dosés sont répertoriés dans le Tableau 18. Les échantillons de moût de fermentation sont préalablement centrifugés 3 minutes à 13400 rpm puis le surnageant est récupéré et filtré à travers un filtre dont le diamètre des pores est de 0,2 µm. Les échantillons sont ensuite dilués afin d’obtenir une concentration en composés à doser dans la gamme considérée. Composé En détection UV (min) En détection RI (min) Citrate 9,61 9,98 Glucose NA 11,13 Succinate NA 15,56 Lactate 15,48 15,86 Formate 17,22 17,14 Acétate 18,28 18,66 Ethanol NA 26,63 Tableau 18 : Temps de rétention pour les composés attendus (NA : non applicable) 109 La détermination de la concentration en glucose à partir des surnageants de culture est également effectuée au cours de la culture au moyen d'un analyseur de glucose YSI modèle 27 A (Yellow Springs Instruments, Yellow Springs, Ohio). 3.4.3.2 Dosage des phosphates Les ions phosphates sont dosés par colorimétrie (Briggs, 1922). Il s’agit du dosage d’un complexe phospho-molybdeux-molybdique formé par la réaction entre les ions phosphates et des sulfomolybdates et absorbant à 750 nm. Cette méthode ne permet donc de doser que le phosphore présent sous la forme d’ions phosphate. Préparation des réactifs : - Solution d’amidol : 1 g d’amidol et 20 g de métabisulfite de sodium sont dissous dans 100 mL d’eau ultra pure. - Solution de molybdate : 8,3 g de molybdate d’ammonium sont dissous dans 100 mL d’eau ultra pure. Dosage : 1 mL de surnageant de fermentation ou de solution étalon est mélangé à 400 µL d’acide perchlorique à 65%, 400 µl de solution d’amidol et 200 µL de molybdate d’ammonium. Après mélange et 10 minutes d’attente, l’absorbance est mesurée par spectrométrie à une longueur d’onde de 750 nm. La gamme étalon est réalisée avec une solution de KH 2PO4. 3.4.3.3 Dosage des ions ammonium Une électrode à ion ammonium (PH/ISE meter modèle 710A + électrode de captage de gaz ammoniac modèle 95-12, Orion Research Inc Boston, USA) est utilisée pour quantifier la concentration résiduelle en ammoniaque dans le milieu de culture. La gamme étalon est réalisée avec une solution de NH4Cl. 110 3.4.3.4 Dosage de l’oléate L’oléate étant utilisé comme source carbonée dans certaines expériences, il est présent dans le milieu de culture ou à la surface des cellules. Le moût de fermentation est centrifugé 3 minutes à 13400 rpm. Le surnageant est récupéré. Un volume de surnageant est mélangé à un volume d’hexane pour récupérer l’oléate dans la phase organique. Le culot est resuspendu dans de l’hexane afin de récupérer l’oléate situé à la surface des cellules puis centrifugé 3 min à 13400 rpm. L’oléate récupéré dans l’hexane est ensuite dosé par CPG (§ 3.4.2.4). 3.4.4. Modélisation stœchiométrique La modélisation des flux métaboliques peut-être utilisée pour deux usages : - la simulation : elle permet de créer différents scenarii de réseau métabolique qui doivent alors être validés expérimentalement, - la synthèse : elle permet d’élaborer des réseaux métaboliques hypothétiques intégrant différentes données cinétiques obtenues lors d’une culture. Ainsi, d’après la littérature et différentes banques de données (PUMA2, KEGG, BRENDA, Pathway hunter tool), les différentes voies métaboliques, anaboliques et cataboliques, sont construites. Un vecteur anabolique est ainsi créé exprimé en µmol.g X-1 intégrant les demandes en précurseurs, pouvoir réducteur, énergie, O2, azote, phosphore et soufre ainsi que les productions nettes de métabolites CO2, lipides, acide citrique. Les calculs sont réalisés sous forme matricielle. La construction du code de calcul est basée sur une estimation paramétrique des flux réactionnels et des flux échangés avec comme contrainte de calcul un flux d’accumulation nul pour tout métabolite intracellulaire et une minimisation de l’écart entre flux d’échange estimé et mesuré. Le calcul consiste à minimiser les écarts entre les compositions macromoléculaires et élémentaires résultant du réseau anabolique et les données expérimentales correspondantes. Cette modélisation permet de simuler les flux métaboliques des principales voies empruntées à un instant donné. Ainsi, en ajustant les différents paramètres, il est possible de reconstruire l’évolution de ces flux en fonction de l’état d’avancement de la culture. 111 3.4.5. Traitement des données expérimentales 3.4.5.1 Définitions La biomasse totale (X ou Xtotale) est la biomasse mesurée par filtration comprenant la biomasse catalytique (X*) et les métabolites intracellulaires accumulés. X totale X * Lacc PolyS acc (1) La biomasse catalytique (X*) correspond à la biomasse en croissance pure, soit sans les métabolites intracellulaires accumulés. Sa composition en lipides et polysaccharides est supposée constante tout au long de la culture. Les métabolites accumulés totaux (lipides et polysaccharides) sont les métabolites dosés et retrouvés dans la biomasse totale. Ils comprennent les lipides et polysaccharides structuraux et éventuellement ceux qui sont accumulés. Ltotaux Lacc Lstruturaux (2) et PolyS totaux PolyS acc PolyS struturaux (3) Le calcul des métabolites accumulés à partir des métabolites totaux et de la biomasse catalytique est le suivant : En début de culture, soit en croissance pure, la biomasse totale est égale à la biomasse catalytique. Les lipides et polysaccharides totaux dosés sont uniquement structuraux. Le taux en lipides structuraux est d’environ 0,10 gLip.gXtotale-1 et celui en polysaccharides est d’environ 0,20 gPolyS.gXtotale-1. Quand la culture le permet, ces valeurs sont déterminées de nouveau à chaque début de culture. En reprenant les équations 2 et 3, on obtient : Ltotaux Lacc 0,1 X * (4) et PolyS totaux PolyS acc 0,2 X * (5) En reprenant l’équation (1), il est possible de calculer la biomasse catalytique : X totale X * Ltotaux 0,1 X * PolyS totaux 0,2 X * soit X totale 0,7 X * Ltotaux PolyS totaux donc X* X totale Ltotaux PolyS totaux 0,7 La biomasse catalytique calculée, les quantités en lipides et polysaccharides peuvent alors être calculées à partir des équations 4 et 5. 112 Degré de réduction C . C H . H O . O N . N est le degré de réduction d’un composé de composition élémentaire CC H H OO N N et x le coefficient de réduction de l’atome. Degré d’insaturation n Deg insat (i * % AG:i ) i 1 désigne le degré d’insaturation et représente la teneur en insaturation des acides gras composant les lipides intracellulaires (molinsaturation.molAG-1) ; avec i = le nombre d’insaturation (molinsaturation.molAG:i-1) et %AG:i = la teneur en acides gras insaturé (molAG:i.molAG-1). 3.4.5.2 Lissage des données Les expériences étant réalisées en mode fed-batch, le volume réactionnel est donc variable. Afin de s’en affranchir, les résultats sont d’abord convertis en grandeurs massiques ou molaire. Les différentes données brutes sont traitées avec le logiciel LIREC, logiciel de lissage et de réconciliation des données développé au laboratoire. Dans un premier temps, les courbes sont lissées. Les points expérimentaux sont estimés par ajustement des polynômes sur le critère des moindres carrés ce qui permet d’obtenir une continuité de la valeur lissée de sa dérivée première et seconde. À partir de ces données lissées, il est possible de calculer les vitesses spécifiques et les rendements : rCi est la vitesse de réaction pour la variable Ci (en Cmole.h-1 ou g.h-1). µ rX X est le taux de croissance en h-1. qCi rCi X est la vitesse spécifique de réaction de la variable Ci, en unité de Ci/g de biomasse/h. 113 RCi S Ci S est le rendement global de conversion du substrat en l’élément Ci (Cmole de Ci/Cmole de substrat). Qr rCO2 rO2 est le coefficient respiratoire. 3.4.5.3 Bilans Le bilan carbone est défini par l’équation suivante : net net net rSubstrast rBiomasse rCO rPrnetoduits 0 2 Le bilan élémentaire généralisé est lui défini par l’équation suivante, pour les composés m : m (r j 1 net j . j ) 0 net où r j représente le flux net de conversion d’un composé j (Cmole/h) et j est le degré de réduction de ce composé j. 3.4.5.4 Réconciliation des données et calcul des vitesses spécifiques, des rendements et du coefficient respiratoire Les vitesses réactionnelles calculées à partir des données lissées permettent de déceler des défauts dans les bilans élémentaires (C, H, O, N et éventuellement P). Les données réconciliées résultent de l’intégration des vitesses réactionnelles satisfaisant à la contrainte de conservation des éléments. 114 115 4. RESULTATS 116 117 4.1. Etude de l’accumulation de réserves carbonées en limitation phosphore D’après la littérature (Granger, 1992; Cescut, 2009), il semble difficile d’atteindre des performances optimales de synthèse lipidique chez Y. lipolytica en comparaison à d’autres levures telles que Rhodotorula glutinis. Il semble donc nécessaire de déterminer les points clés permettant d’optimiser la synthèse lipidique. Cette optimisation peut être considérée sous plusieurs angles : L’optimisation du taux d’accumulation : Une activité anabolique résiduelle doit être maintenue vraisemblablement pour conserver les fonctionnalités de biosynthèse des protéines constitutives des corps lipidiques. Il en est de même pour l’activité catalytique nécessaire à la synthèse de macromolécules structurelles. De plus, afin d’éviter l’excrétion de coproduits (acide citrique principalement) dans le milieu extérieur, l’apport carboné doit être ajusté pour satisfaire les besoins de la cellule pour ses activités anaboliques résiduelles et pour la synthèse de lipides d’accumulation uniquement. Le taux maximal d’accumulation dépend ainsi du rapport entre le potentiel de synthèse lipidique Taux lim ite et l’activité anabolique max qPLipide max qPLipide µrésiduel . De ce fait, le flux de carbone doit être toujours ajusté à la vitesse spécifique maximale de synthèse lipidique max qPLipide . Le taux de croissance résiduel est, quant à lui, dépendant du flux en élément limitant l’activité anabolique, azote ou phosphore. Tout flux de carbone excédentaire qui conduirait vers la production d’acide critique doit ainsi être réduit au maximum voire annulé. L’optimisation des rendements: L’analyse cinétique de l’accumulation de lipides réalisée par Julien Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009) fait apparaitre un coefficient de maintenance (soit un flux de carbone non finalisé en biomasse ou lipides) de 0,03 CmoleGlc.CmoleX.h-1 qui conduit, si les vitesses spécifiques de croissance et/ou de production sont réduites par une limitation en carbone trop importante, à une réduction drastique des rendements de conversion. La fraction de substrat 118 Substrat maintenanc e 1 Substrat consommé X Lip Y Y S, X S , Lip t 1 m X .dt ainsi dissipée sera d’autant accrue que le temps de culture sera prolongée du fait des faibles activités métaboliques. L’optimisation par le choix de l’élément limitant : Sur un plan métabolique, dans le cadre d’une production obtenue par limitation de la source d’azote, Y. lipolytica ne peut mettre en place une régulation du flux catabolique ajusté à la demande carbonée requise par la synthèse lipidique sans « over flow » vers la production d’acide citrique. Cet ajustement ne peut être obtenu que par une conduite de procédé, optimisée pour les apports nutritionnels. Dans le métabolisme cellulaire, le rôle du phosphore est très différent de celui de l’azote. Non seulement il est un élément structurel de plusieurs classes de macromolécules (acides nucléiques, phosphomannanes, phospholipides,…) mais il est au centre de l’énergétique cellulaire (réserve, transfert et transport) et des processus de régulation de l’activité catalytique (phosphorylation et déphosphorylation des protéines de signalisation cellulaire). Ainsi, une limitation en phosphore pourrait vraisemblablement induire une réponse du métabolisme de Y. lipolytica qualitativement et quantitativement différente et en particulier sur ses potentialités macrocinétiques d’accumulation intracellulaire de lipides (vitesses de consommation du substrat et de production de lipides et co-produits, rendements de conversion...). 119 4.1.1. Modélisation métabolique de la croissance et de la production de triacylglycérols 4.1.1.1 Composition macromoléculaire de la biomasse La biomasse est réduite à ses composantes majeures, à savoir protéines, acides nucléiques, polysaccharides, lipides répartis en phospholipides, stérols et triglycérides et cendres. La répartition massique (Tableau 19) est ajustée afin de satisfaire au mieux à la composition élémentaire établie en phase exponentielle de croissance et les fractions massiques quantifiées expérimentalement et déduites de la littérature (Cescut, 2009). Cette composition correspond à une masse molaire de la biomasse organique de formule brute C H1,62 O0,42 N0,185 de 22,916 g.Cmole-1 soit une masse molaire de la biomasse totale incluant les cendres de 24,562 g.Cmole -1 et un degré de réduction généralisé de 4,305 (Tableau 20). La demande en phosphore structurel est ainsi estimée à 18 mg de phosphore par gramme de biomasse. Cette composition macro-moléculaire peut évidemment évoluer en fonction de la dynamique de croissance, particulièrement en ce qui concerne le taux de RNA qui peut diminuer drastiquement pour les faibles taux de croissance. De même, dans le cadre de notre étude, les limitations en phosphore peuvent amener à un accroissement de la fraction protéique et éventuellement induire une synthèse de polyamine lors de modifications morphologiques, conduisant à des variations de la composition moléculaire et par conséquent élémentaire de la biomasse (Guevara-Olvera, 1993). Composition massique BIOMASSE Estimée PROTEINE RNA DNA PHOSPHO LIPIDES POLYSACCHARIDES TRIGLYCERIDES STEROLS Précurseurs libres Cendres 43,4% 8,4% 2,5% 10,8% 21,1% 4,5% 1,9% 0,7% 6,7% Tableau 19 : Composition macromoléculaire massique de la biomasse en phase de croissance. 120 Toutefois, pour l’analyse suivante, principalement axée sur la quantification énergétique de la croissance, l’omission de certaines des voies de biosynthèse de composants minoritaires de la biomasse et des éventuelles modifications de la distribution massiques des macro-molécules retenues ne devraient pas influer notablement sur les interprétations à venir. Mesures Estimée C 1 1 H 1,74 1,6234 O 0,451 0,4194 N 0,18 0,1835 S 0,000 0,0088 P 0,000 0,0143 Tableau 20 : Composition élémentaire de la biomasse mesurée et estimée par le descripteur métabolique. 4.1.1.2 Modélisation du métabolisme de croissance La première quantification porte sur le potentiel énergétique du catabolisme du glucose en mode oxydatif en croissance pure. La résolution du réseau sous la seule contrainte d’une oxydation totale d’une mole de glucose conduit à une production de 20,667 mole d’ATP dont 2 moles consommées par le catabolisme, soit une production nette de 18,667 mole d’ATP. En d’autres termes, la production d’une mole d’ATP nécessite l’oxydation de 53,571 mmole de glucose soit 8,929 mCmole avec un ratio ATP synthétisé par atome d’oxygène consommé (P/O) de 1,222. Sur la seule évaluation de la demande carbonée nécessaire à la synthèse de macro-molécules, le bilan global calculé est comparé à la demande nette de l’anabolisme (Tableau 21). Composés consommés Glucose ATP NADPH2 Oxygène NH3 Phosphore Soufre Composés produits Biomasse NADH,H+ CO2 µ moles 7 879 37 708 10 705 264 7 418 577 355 19 222 6 845 Demande anabolique µ moles 41 321 12 646 264 7 418 577 355 Production anabolique µ moles 1 gramme 3 457 6 845 Tableau 21 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose pour la production des macromolécules nécessaires à la formation de biomasse 121 On remarque qu’il y a une production nette de 3 613 µmole d’ATP pour une production totale 18 210 µmole par réaction de phosphorylation liée au substrat et qui représente 8,74% de la demande anabolique (Tableau 21). De même pour le coenzyme NADPH2, le flux nécessaire à synthèse des pentoses génère 1 941 µmoles de NADPH2, soit 15,35% de la demande anabolique et représentant 17,07% du flux glycolytique total indispensable à la production des intermédiaires carbonés en aval du glucose-phosphate. Ce bilan conduit à un rendement massique en biomasse de 0,705 gX.gGlc-1 soit 0,861 Cmole.Cmole-1. La même analyse peut être effectuée pour estimer la consommation de glucose minimale satisfaisant à la demande en coenzyme et énergie estimées par le seul descripteur (Tableau 22). Le bilan de cette estimation est un rendement massique en biomasse 0,575 g X.gGlc-1 soit ATP 0,703 CmoleX.CmoleGlc-1 et un rendement ATP théorique ( Y X ) de 24,2 gX.moleATP-1. Avec ces hypothèses, la production d’ATP par phosphorylation oxydative et la demande anabolique représentent respectivement 59,2% et 71,6% de la production totale et le flux molaire empruntant la voie des pentoses phosphates représenterait 75% du flux glycolytique soit 7,3 fois la demande anabolique en pentoses phosphates. Composés consommés Glucose Oxygène NH3 Phosphore Soufre Composés produits Biomasse CO2 µ moles 9 656 13 585 7 418 577 355 17 505 Demande anabolique µ moles 264 7 418 577 355 Production anabolique µ moles 1 gramme 6 845 Tableau 22 : Bilan global calculé comparé à la demande anabolique de l’oxydation du glucose satisfaisant la demande énergétique et en coenzymes réduits à la formation de biomasse Cependant, les résultats expérimentaux obtenus pour une phase de croissance de Y. lipolytica sur glucose et milieu minéral conduisent à des rendement massiques en biomasse nettement inférieurs estimés en moyenne à 0,475 g X.gGlc-1 soit 0,58 CmoleX.CmoleGlc-1 (Cescut, 2009) démontrant que les résultats de modélisation précédents ne sont pas représentatifs de la réalité. Ces valeurs de rendement sont donc utilisées en tant que contraintes pour la résolution du descripteur afin que la stœchiométrie globale de la réaction de croissance soit en 122 adéquation avec l’observation expérimentale. Les résultats globaux correspondant à la production d’un gramme de biomasse sont reportés dans le Tableau 23. Composés Glucose consommé Oxygène consommé NH3 consommé Phosphore consommé Soufre consommé Biomasse CO2 produit Chaleur dégagée µ moles 11 699 25 845 7 418 577 355 29 765 11,9 KJ Tableau 23 : Résultats globaux de la simulation de l’oxydation totale de glucose pour la production de biomasse avec comme contrainte un rendement Y S,X expérimental de 0,58 CmoleX.CmoleGlc-1 ATP Dans ces conditions, le rendement ATP théorique ( Y X ) égal à 12,6 gX.moleATP-1 et il est intéressant d’évaluer la répartition de l’énergie en termes de production et de finalisation (Tableau 24). La production d’ATP par phosphorylation liée au substrat représente plus du tiers de la production totale dont 20% sont consommés par le catabolisme. En raisonnant uniquement que sur le flux net restant (production diminuée du catabolisme), la demande anabolique estimée ne représente guère plus de la moitié de l’énergie disponible. Il est évident qu’une partie de l’énergie ici dénommée non finalisée est en partie équivalente à l’énergie nécessaire pour les processus de transport (imports des éléments salin), le maintien des gradients, le transfert interne des molécules, le travail et le renouvellement interne des macromolécules, principalement les mécanismes de « turn over » des protéines et RNA. On peut évaluer l’impact de ces mécanismes en supposant une utilisation d’énergie uniquement pour la polymérisation de ces macromolécules. Un « turn over » de 10% du pool protéique nécessiterait 1765 µmole d’ATP soit 4,63% de cette énergie non finalisée et un « turn over » de 100% des ARN correspondrait à 127 µmole d’ATP soit 0,34% de cette énergie. Cette description énergétique de la croissance nécessiterait plus d’information pour évaluer la quantité d’énergie minimale requise pour les différentes conditions de croissance pouvant être ATP rencontrées dans cette étude. Toutefois, la valeur du rendement ATP théorique ( Y X ) trouvée est en adéquation avec les valeurs fréquemment rencontrées dans la littérature (Flores et al.; 2000). 123 Pour cette estimation, le flux molaire traversant la voie des pentoses phosphates ne serait égal qu’à 62,5% du flux glycolytique, soit 7,3 fois la demande anabolique en pentoses phosphate, la seule réaction générant le NADPH2. BILAN ATP Total Production Oxydatif PLS Total Consommation Catabolisme Anabolisme Non finalisé Flux total (µmoles) 99 916 64 139 35 777 99 916 20 453 41 321 38 142 Fraction du flux total Flux net (µmoles) 64,2% 35,8% 79 464 20,5% 41,4% 38,2% Fraction du flux net 52,0% 48,0% Tableau 24 : Bilan de la production et de la consommation énergétique de l’oxydation totale de glucose pour la synthèse de biomasse catalytique. (PLS : phosphorylation liée au substrat) Afin d’évaluer l’incidence de cette fraction d’énergie non finalisée sur les rendements théoriques limites en biomasse, la Figure 24 reporte leur variation avec le rendement massique en biomasse. Les flèches situent le rendement retenu comme le plus probable. Pour ce point, une amélioration de 10% du rendement théorique limite en biomasse correspond à un accroissement de 0,6 gX.moleATP-1 du rendement théorique en ATP et une réduction relative de 29% de l’énergie non finalisée. Ceci permet de considérer qu’il puisse exister une variabilité importante de cette fraction énergétique en fonction des comportements physiologiques induits par différentes conditions de culture. 124 25.5 70% Yatp 60% % dissipé 50% 15.5 40% 30% 10.5 20% 5.5 ATP dissipé (%) YATP % (Cmole.Cmole-1) 20.5 10% 0.5 0% 0.4 0.45 0.5 0.55 0.6 Rendement massique en biomasse (g.g-1) Figure 24 : Evolution du rendement théorique limite en biomasse et du pourcentage en ATP dissipé en fonction du rendement massique en biomasse 4.1.1.3 Modélisation du métabolisme de production de triacylglycérols La composition moyenne en acides gras constitutifs des triglycérides accumulés est celle déterminée par Julien Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009), soit la réaction de synthèse suivante : 1*Glycérol-P + 0.9*PalmitylCoA + 0.51*PalmitoleylCoA + 3*CoenzymeA + 0.36*StearylCoA + 0.15*OléylCoA + 0.96*LinoléylCoA + 1*TriAcylGlycerol 0.12*LinolénylCoA La voie de biosynthèse du précurseur acétylCoA retenue est celle catalysée par l’ATP citratelyase qui libère un acide oxaloacétique. Il est également considéré la voie catalysée par l’enzyme malique qui génère le pouvoir réducteur sous forme de NADPH2 par conversion de l’acide malique en acide pyruvique. 125 La simulation du métabolisme du glucose conduisant uniquement à cette biosynthèse de triacylglycérol sous contrainte d’obtention d’un rendement de conversion maximal conduit à la conversion molaire suivante : 14,929 glucose + 13,774 O2 1 TAG + 35,394 CO2 + 6 336 KJ Le rendement de phosphorylation oxydative P/O est à sa valeur maximale de 1,333, aucun flux de carbone ne correspond à une décarboxylation oxydative via le cycle TCA. Le rendement carbone de conversion du glucose en triacylglycérols est de 0,315 gTAG.gGlc-1 soit 0,605 CmoleTAG.CmoleGlc-1. Le coefficient respiratoire associé à cette production est de 2,57 ce qui est normal compte tenu du degré de réduction des triacylglycérols (5,596 pour une formule brute correspondant à C H1,8176 O0,1101). Un intérêt particulier est à porter sur la demande énergétique requise pour cette synthèse alors que l’on se place dans des conditions de rendement maximal en carbone. Le Tableau 25 reporte l’origine et le devenir de cette énergie calculée pour la production d’une mole de triacylglycérol. Pour ce qui est du bilan en ATP, près de 53% sont dus à la phosphorylation oxydative et 48,8% sont utilisés pour le catabolisme du glucose. Il en résulte que 81% du flux net d’ATP sont consommés pour la synthèse lipidique. Cette constatation est liée au fait que l’on suppose l’absence d’activité transhydrogénase susceptible de convertir le pouvoir réducteur NADH,H+ en NADPH2 requis pour la synthèse des acides gras. Les molécules de NADPH2 sont ainsi produites à 43,4 % par la voie des pentoses phosphate et à 56,6 % par l’activité de l’enzyme malique. Ainsi, le pouvoir réducteur généré par la glycolyse conduit à une réoxydation oxydative et des équivalents ATP sans finalité énergétique pour la synthèse de triacylglycérols. Ceci implique généralement, chez les levures hémiascomycètes, un manque d’activité de transhydrogénase (Lehmbeck, 2005). ATP Total Production Oxydatif PLS Total Consommation Flux total (µmole) 54 487 624 28 888 629 25 598 994 54 487 624 Catabolisme Synthèse AG Dissipation 9 307 582 22 590 000 5 304 576 Pourcentage du flux total (µmole) Flux net ATP (µmole) 53,0% 47,0% 27 894 617 48,8% 41,5% 9,7% Fraction du flux net 81,0% 19,0% Tableau 25 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à partir de glucose dans des conditions de rendement carbone maximal (hypothèse 1) 126 Une autre simulation a été réalisée, annulant la voie de l’enzyme malique et considérant un transfert du malate cytosolique vers le cycle des acides tricarboxyliques (Tableau 26). Elle conduit à une dissipation d’énergie autrement plus élevée. Le rendement en ATP P/O est réduit à 1,268 du fait même d’un flux plus important dans le cycle des acides tricarboxyliques (TCA) (Flux TCA/Flux glucose = 0,489 mole/mole) et le coefficient respiratoire est réduit à 1,362. Le rendement carbone de conversion en TAG n’est seulement que de 0,4 CmoleTAG.CmoleGlc-1 soit 0,208 gTAG.gGlc-1. ATP Total Production Oxydatif PLS Total Consommation Flux total (µmole) 228 453 335 144 093 334 84 360 001 228 453 335 Catabolisme Synthèse AG Dissipation 37 650 001 22 590 000 168 213 326 Pourcentage du flux total (µmole) Flux net ATP (µmole) 190 803 334 63,1% 36,9% 16,5% 9,9% 73,6% Fraction du flux net 11,8% 88,2% Tableau 26 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à partir de glucose sans utilisation de la voie de l’enzyme malique (hypothèse 2) Avec cette hypothèse, 11,8 % de l’énergie nette sont impliqués dans la synthèse des triacylglycérols car le NADPH2 est nécessairement généré via la voie des pentoses phosphate uniquement et de par la même, une production équivalente de NADH réduit doit être réoxydé par la chaîne respiratoire. En ne considérant que la possibilité d’un rendement maximal en TAG, l’hypothèse de l’activité enzyme malique semble la plus probable. Toutefois, l’hypothèse d’une prise en charge plus importante de la voie des pentoses phosphate dans la génération du NADPH2, qui conduit à une augmentation de la fraction d’ATP non finalisé dans la synthèse de lipides, ne peut pas être rejetée. Une troisième hypothèse (Tableau 27) est qu’une fraction du fructose-6-P issue de la voie des pentoses phosphate est régénérée en glucose-6-P par isomérisation. Ainsi, par recirculation d’une part du carbone dans la voie des pentoses phosphate, le NADPH2 exigé par la synthèse lipidique est produit sans l’excédent de NADH,H+ responsable des faibles rendements 127 énergétiques de l’hypothèse précédente. Cependant, le flux de trioses-P ainsi produits ne permet de réduire que faiblement l’excédent énergétique à 75,2% du flux net d’ATP, ce qui correspond à un rendement carbone égal à 0,523 CmoleTAG.CmoleGlc-1 soit 0,272 gTAG.gGlc-1 (Qr = 1,777), ce qui est nettement supérieur au rendement trouvé expérimentalement sur glucose et en limitation azote (0,372 CmoleTAG.CmoleGlc-1) dans la littérature (Cescut, 2009). ATP Total Production Oxydatif PLS Total Consommation Catabolisme Synthèse AG Dissipation Flux total (µmole) 118 522 609 66 077 980 52 444 629 118 522 609 27 011 544 22 590 000 68 921 058 Pourcentage du flux total Flux net (µmole) (µmole) 91 511 066 55,8% 44,2% 22,8% 19,1% 58,2% ATP Fraction du flux net / ATP net 24,7% 75,3% Tableau 27 : Utilisation de l’ATP généré ou consommé par la synthèse d’une mole de triacylglycérol à partir de glucose en considérant l’isomérisation du fructose-6-phosphate en glucose-6-phosphate (hypothèse 3) Bien que la surexpression de l’enzyme malique chez les champignons oléagineux comme Mucor circinelloides permette une augmentation de l’accumulation lipidique de 2,5 fois (Zhang, 2007), il ne semble pas que le cas soit identique chez Y. lipolytica (Beopoulos et al., 2009) où la concentration en NADPH ne semble pas limitante pour la biosynthèse de lipides. Ce pouvoir réducteur doit donc être produit via une autre voie, soit la voie des pentoses phosphate. Il semble donc exister, outre la simple redistribution des flux carbonés, des processus de régulation conduisant à une sur-implication de la voie des pentoses phosphate afin de fournir le pouvoir réducteur nécessaire à la biosynthèse des triacylglycérols. Pour les deux schémas métaboliques pris séparément (croissance et production de TAG), il ressort un excédent énergétique non finalisé qui pourrait se trouver être minimisé par le couplage de la production de lipides à la croissance. Dans le paragraphe suivant, différentes hypothèses concernant la synthèse des TAG seront testées avec comme contrainte la minimisation de l’énergie dissipée dans le cadre d’une production associée à la croissance. 128 4.1.1.4 Modélisation du métabolisme de production de triacylglycérols couplée à la croissance 4.1.1.4.1. Analyse stœchiométrique de la production de triacylglycérols Les différentes hypothèses réactionnelles sont conservées pour l’évaluation de la demande carbonée globale avec comme contrainte maintenue la minimisation du substrat converti. Trois hypothèses métaboliques sont ainsi simulées : A – La croissance exige la totalité de l’énergie non finalisée calculée dans la précédente estimation (soit 38142 µmole ATP.gX-1) ainsi que pour la production de TAG (5,305 moleATP.moleTAG-1) et en conservant l’activité enzyme malique. B – L’hypothèse ci-dessus est associée avec la croissance sans contrainte énergétique sur la production de TAG et sans l’activité de l’enzyme malique . C – Les mêmes hypothèses énergétiques que l’hypothèse B avec la mise en place de la réaction d’isomérisation du fructose-6-P en glucose-6-P. Ces trois hypothèses sont testées pour différents niveaux de synthèse atteignant 4000 µmoles de triacylglycérols accumulés par gramme de biomasse ce qui correspond à un titre massique (défini comme la masse de lipide ramené à la biomasse totale) voisin de 77% massique correspondant à des accumulations lipidiques pouvant être atteintes chez R. glutinis. Plusieurs variables peuvent rendre compte des rendements énergétiques et de la distribution des flux carbonés et ne seront reportées que celles pouvant rendre compte d’un comportement lié à la spécificité de l’accumulation lipidique en relation avec les constatations précédemment développées. L’analyse est faite à partir des grandeurs adimensionnelles suivantes : Ana La demande anabolique en ATP ramenée au flux net de production d’ATP Y ATP La consommation d’ATP liée à la synthèse des acides gras ramenée au flux net de production Pr od d’ATP Y ATP Dissip La fraction du flux net de production d’ATP dissipé Y ATP Malate La fraction du flux net de production de NADPH2 issue de l’activité enzyme malique FNADPH 2 129 Le rapport entre le flux molaire empruntant la voie des pentoses phosphate et le flux glycolytique total Pent FGlyc Le rendement carbone pratique de conversion du glucose en triacylglycérol RS ,TAG Le rendement carbone théorique limite de conversion du glucose en triacylglycérol 60% 60% Y A Y B Ana ATP Y C Ana ATP Pr od ATP Y A Pr od ATP Y B Pr od ATP Y C 50% 50% 40% 40% 30% 30% 20% 20% 10% 10% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% Accumulation massique TAG 70% 80% Energetique de synthèse de TAG Ana ATP Energetique anabolique YStheo ,TAG 0% 90% Figure 25 : Evolution de la demande anabolique en ATP et de la consommation d’ATP liée à la synthèse des acides gras ramenés au flux net de production d’ATP pour les hypothèses A, B et C en fonction du taux d’accumulation en lipides. 90% Série2 Dissip YATP A 80% Dissip YATP B Dissip YATP C Energetique dissipée 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% Accumulation massique TAG 70% 80% 90% Figure 26 : Evolution de la fraction d’ATP dissipé en fonction du taux d’accumulation massique de lipides pour les trois hypothèses testées. 130 Tout d’abord, il faut préciser que l’hypothèse C ne permet pas la résolution du réseau qui impose l’isomérisation du fructose en glucose pour des fractions massique d’accumulation inférieures à 26,7 % correspondant à 430 µmoleTAG.gX-1. En dessous de ce taux, on suppose que le catabolisme du glucose suit la voie normale de la glycolyse. En ce qui concerne le devenir de l’énergie nette disponible, on remarque des comportements divers. Pour l’hypothèse C, une énergie dissipée directement associée à la production de Dissip triacylglycérol explique facilement la fraction croissante d’énergie dissipée ( Y ATP ) (Figure 26) proportionnellement à l’accumulation lipidique et une répartition inverse associée à la Ana Pr od croissance ( Y ATP ) et la production ( Y ATP ) (Figure 25). La seule hypothèse de la conservation d’une part de l’énergie associée à la croissance conduit à une dissipation d’énergie seulement à partir d’une accumulation massique de TAG respectivement de 26,7 % et 41,6% pour les hypothèses B et C, le titre de 41,6 % correspondant à 842 µmole TAG.gX-1 (Figure 25). En dessous de ces deux taux critiques, la fraction d’énergie requise pour la synthèse des acides Pr od gras Y ATP est très proche de celle obtenue en supposant l’activité enzyme malique. Au contraire, pour des titres supérieurs, elle ne s’accroit que très faiblement et passe respectivement de 11 à 12% pour l’hypothèse B et de 19 à 24 % pour les conditions A et C (Figure 25). Pour le taux d’accumulation final, l’énergie dissipée représenterait de 55% à 78 % (Figure 26) selon ces deux contraintes métaboliques, la prise en compte d’un seul métabolisme de synthèse de TAG hors croissance ayant conduit à des valeurs limites, respectivement, de 75% et 88,2%. L’annulation d’un flux dissipatif d’énergie suppose qu’il y a redistribution de l’énergie excédentaire de la synthèse des lipides vers l’énergie requise par l’anabolisme et la croissance. La participation de l’activité de l’enzyme malique à la production du pouvoir réducteur sous forme de NADPH2 ne peut être analysée que pour l’hypothèse A. Dans ce cas, même pour les taux d’accumulation les plus élevés, elle ne contribue que pour 53% à la production totale de Pent NADPH2 (Figure 27). Le rapport FGlyc reste constant à une valeur voisine de 64% pour l’hypothèse A et s’accroit proportionnellement à l’accumulation jusqu’ à 100% en considérant la seule glycolyse. La possibilité d’avoir une recirculation du carbone dans la voie des Pent pentoses phosphate selon la condition C conduit à des valeurs FGlyc supérieures à 100 % avec la même proportionnalité d’accroissement que précédemment jusqu’au taux critique de 41.6% 131 (gTAG.gX-1). Au-delà de ce taux, il subit un net infléchissement, ce qui conduit à un ratio final de 1,28 entre le flux de carbone dans la voie des pentoses phosphate et le flux net de glucose6-P. Ainsi, pour la condition B, le déclenchement d’une dissipation d’énergie trouve son origine dans la saturation de la voie des pentoses phosphate. De ce fait, la demande en précurseurs carbonés pour la synthèse lipidique ne pourra être satisfaite que par la voie directe de la glycolyse avec une surproduction de NADH,H+ devant être réoxydés via la chaîne respiratoire. 70% 160% Malate FNADPH 2 A Malate FNADPH 2 B Malate FNADPH 2 C 60% Pent FGlyc A Pent FGlyc B Pent FGlyc C 150% 50% 130% 120% 40% 110% 30% 100% Flux Pentoses Phospate Activité enzyme malique 140% 90% 20% 80% 10% 70% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% Accumulation massique TAG 70% 80% 60% 90% Figure 27 : Evolution de la fraction du flux net de production de NADPH 2 issue de l’activité enzyme malique et du rapport entre le flux molaire empruntant la voie des pentoses phosphate et le flux glycolytique total en fonction de l’accumulation massique en lipides pour les trois hypothèses testées. L’analyse des rendements (Figure 28) montre que pour l’hypothèse A, le rendement théorique theo limite YS ,TAG est constant et égal à 0,605 Cmole.Cmole -1, valeur imposée par les hypothèses de la simulation. Pour les deux autres hypothèses, les valeurs initiales sont légèrement supérieures et égales à 0,665 Cmole.Cmole-1 puisqu’il n’existe pas de dissipation d’énergie liée à la production. Au-delà d’un certain taux critique d’accumulation (27% pour l’hypothèse B et 43% pour l’hypothèse C), ce rendement théorique limite chute drastiquement en relation avec la dissipation énergétique décrite par la Figure 26. Les rendements pratiques augmentent inévitablement avec l’accumulation de manière quasiment identique pour les hypothèses A, B et C et ne divergent que lorsque le taux d’accumulation atteint 30%. Selon l’hypothèse C, ce 132 rendement pratique reste très voisin de celui obtenu en considérant une activité de l’enzyme malique et ne devient inférieur à ce dernier que pour un taux d’accumulation massique de TAG supérieur à 55%. 0.7 RS ,TAG A 0.6 RS ,TAG B RS ,TAG C YStheo ,TAG A YStheo ,TAG B YStheo ,TAG C 0.8 0.5 0.7 0.4 0.6 0.3 0.5 0.2 Rendement théorique limite Rendement pratique 0.9 Série5 0.4 0.1 0 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% Accumulation massique TAG 70% 80% 0.3 90% Figure 28 : Evolution du rendement apparent de conversion du substrat en triacylglycérols et du rendement théorique limite de conversion du substrat en triacylglycérols en fonction du taux d’accumulation massique en triacylglycérols pour les trois hypothèses simulées. Si le schéma métabolique retenu pour l’hypothèse B semble expliquer clairement cette chute de rendement, l’origine du point critique d’accumulation massique de 41,6 % pour l’hypothèse C est moins manifeste. La Figure 29 reporte le ratio entre le flux molaire traversant le cycle TCA pour la réaction succinyl-CoA succinate rapporté à ce même flux pour le seul métabolisme de croissance. Ce rapport est de 1 selon l’hypothèse A, alors qu’il décroit avec l’avancement de l’accumulation pour les deux autres conditions. Au-delà du premier point critique, le flux des acides tricarboxyliques augmente et atteint 7 fois le flux basal pour une accumulation maximale. Ainsi, la chute drastique de rendement est non seulement liée à une surproduction de pouvoir réducteur sous la forme de NADH,H+ mais également à l’accroissement du flux glycolytique afin de satisfaire la génération du NADPH 2 requis, ce qui entraîne un surplus de production d’acétylCoA oxydé via le cycle des acides tricarboxyliques. Si l’on suppose qu’il puisse exister un flux spécifique maximal au niveau du cycle des acides tricarboxyliques qui correspond à un métabolisme balancé de croissance, la possibilité d’une accumulation maximale selon un schéma métabolique de type B supposerait une réduction d’un facteur très 133 important (de 7) du flux potentiel requis pour la croissance pour satisfaire à l’oxydation du carbone excédentaire. Selon les hypothèses C, ce flux oxydatif atteint via le cycle des TCA s’annule (hormis le flux indispensable à la production des intermédiaires précurseurs des voies anaboliques) pour le second taux d’accumulation critique. Dans ce cas, il n’existe pas de surproduction d’acétylCoA devant être oxydé via le cycle, mais c’est une modification du ratio entre le flux glycolytique et la voie des pentoses qui génère un flux excédentaire de NADH réduit devant être réoxydé par la voie oxydative à l’origine de la dissipation d’énergie constatée. Avec l’hypothèse d’une activité enzyme malique (A), le flux anaplérotique (Figure 29) correspondant à la régénération de l’acide oxaloacétique normé par le flux requis par l’anabolisme croit de manière quasiment exponentielle avec le taux d’accumulation massique en triacylglycérols et est voisin de 45 pour le taux final. Dans ce cas également, la demande anabolique devrait subir une très forte réduction afin de permettre un tel accroissement du flux anaplérotique, et ce malgré l’existence d’un potentiel de carboxylation du phospho-énolpyruvate supérieur à celui associé à la croissance. r succi / r succi X -A r succi / r succi X - B r succi / r succi X - C 800% 5000% r anap/ ranapX - A 4500% 700% 4000% 600% 500% 3000% 400% 2500% 2000% 300% r anap / r anap X r Succ/ r Succ X 3500% 1500% 200% 1000% 100% 500% 0% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% Pourcentage massique TAG Figure 29 : Evolution du ratio entre le flux molaire traversant le cycle TCA pour la réaction transformant le succinyl-CoA en succinate rapporté à ce même flux pour le seul métabolisme de croissance en fonction du taux de triacylglycérols accumulés pour les trois hypothèses et du ratio du flux anaplérotique provenant du cycle des TCA normé par le flux requis par l’anabolisme pour l’hypothèse A. 134 Selon les trois hypothèses testées, le comportement énergétique ainsi que la ressource en pouvoir réducteur exigé par la synthèse lipidique peuvent être nettement distincts. La comparaison de ces simulations aux résultats expérimentaux reportés par J. Cescut (Cescut, 2009) pour l’accumulation lipidique chez Y. lipolytica en condition de croissance limitée par l’apport en azote montre que les rendements carbone de production de triacylglycérols atteignent 0,37 Cmole.Cmole -1 pour des taux en lipides voisins de 0,4 glip.gX-1. Cette accumulation est obtenue par un contrôle de la croissance durant la phase de production à des taux de croissance voisin de 0,03 h-1 alors que le taux de croissance maximal de la souche est de 0,26 h-1. Ce taux d’accumulation coïncide avec le second taux critique révélé par la simulation et le rendement carbone est légèrement supérieur à celui simulé selon les hypothèses A et C. Ceci permet de penser que l’hypothèse B ne correspond pas à un schéma métabolique réaliste à ces taux d’accumulation. La valeur légèrement supérieure de rendement expérimental pourrait s’expliquer vraisemblablement par la modification de la composition macromoléculaire de la biomasse et une modification des flux précurseurs de l’anabolisme suite à la limitation en azote entraînant une réduction du taux protéique. Ces résultats ne sont observables que dans une gamme de taux d’accumulation voisin de 40%. Ce taux correspond au taux d’accumulation maximal qui a pu être atteint lors de l’étude réalisée par J. Cescut sur glucose comme substrat carboné (Cescut, 2009). Des valeurs supérieures ont été atteinte (0,44 glip.gX-1) lorsqu’une fraction du carbone consommé a été apporté par le glycérol, composé plus réduit que le glucose, et donc pouvant libérer un pouvoir réducteur supérieur par mole de carbone catabolisé. L’analyse des flux de réoxydation oxydative des coenzymes réduits rapporté à celui requis pour la seule croissance (chaîne respiratoire) (Figure 30) montre que pour l’hypothèse B il faut supposer un flux nettement accru (facteur supérieur de 9 fois à l’accumulation maximale). Ce flux est supérieur pour l’hypothèse A à celui de l’hypothèse C jusqu’à un taux d’accumulation voisin de 55%, au-delà, cette tendance s’inverse. 135 1000% 900% 800% ro2/ro2X-A ro2/ro2X-A B 700% ro2/ro2X-A C 600% 500% 400% 300% 200% 100% 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% taux d'accumulation massique Figure 30 : Evolution des flux de réoxydation des coenzymes réduits rapporté à celui requis pour la croissance seule en fonction du taux d’accumulation en triacylglycérols pour les trois hypothèses. 4.1.1.4.2. Analyse cinétique de la production de triacylglycérols Lorsque le taux expérimental maximal d’accumulation est atteint ou bien lorsque le flux glycolytique peut être augmenté en présence d’un excès de glucose dans le milieu de culture, de l’acide citrique est produit, ce qui, selon les conclusions précédentes, correspondrait à l’élimination d’un excédent énergétique potentiel par l’oxydation de l’acide citrique via le cycle des TCA. Ainsi, la simulation d’une production d’acide citrique avec comme contrainte la maximisation des rendements de conversion du glucose en triacylglycérols ou la minimisation de la dissipation d’énergie conduit aux résultats suivants pour un taux d’accumulation de 1500 µmole TAG.gX-1 : Selon l’hypothèse B, 7350 µmoles d’acide citrique sont produits (soit 54 % du carbone TAG) qui correspond à une réduction de 56% de l’énergie dissipée pour une même consommation de glucose. Pour l’hypothèse C, 2253 µmoles d’acide citrique seraient paradoxalement consommées, soit 16,64% du carbone TAG, ce qui correspond à une réduction de 26% de l’énergie dissipée suite à une réduction de la consommation de glucose. Pour l’hypothèse A, du citrate est aussi consommé. 136 Ainsi il est difficile d’interpréter, sur de seules considérations stœchiométriques, la production d’acide citrique comme un critère de distinction des schémas métaboliques mis en jeu. Toutefois, il semblerait que le taux d’accumulation soit contrôlé par l’équilibre entre l’énergie disponible et le flux carboné fournissant les précurseurs de la synthèse des acides gras. Un excédent d’énergie peut se traduire par une co-production (acide citrique) et dans tous les cas, une réduction du rendement de conversion du glucose en triacylglycérol, situation défavorable à l’accumulation. Ceci pourrait expliquer la nécessité de contrôler la production par l’apport optimal de glucose en conditions limitantes afin d’optimiser les titres d’accumulation et les rendements de conversion. L’analyse cinétique seule pourrait permettre de discriminer les différents schémas métaboliques. La vitesse spécifique maximale de synthèse lipidique a été mesurée lors d’une limitation en source azotée à 0,048 Cmolelip.CmoleX-1 soit 36 µmole µmolelip.gX-1 soit 30,5 mglip.gx-1 pour un taux de croissance de 0,03 h-1 ce qui correspond à un taux d’accumulation massique maximal de 50,4% glip.gtotalX-1. Avec ces valeurs, la simulation selon l’hypothèse A permet d’estimer le flux anaplérotique à 991 µmole.gx-1 soit 1,7 fois le flux requis pour une croissance de la souche à taux de croissance maximal. L’analyse de la demande oxydative de la chaîne respiratoire permet d’obtenir, pour les hypothèses A, B et C respectivement, un flux respiratoire égal à 38%, 18% et 17% du flux correspondant au taux de croissance maximal de la souche. Il ne semblerait donc pas que ce soit le potentiel respiratoire qui soit limitant pour la synthèse lipidique. Ainsi, il semble exister des vitesses réactionnelles limitantes (voie anaplérotique, isomérisation du fructose-6-P,…) qui restreignent le schéma stœchiométrique réactionnel et amène la co-production d’acide citrique. 4.1.1.5 Conclusion Sur la seule analyse cinétique, le potentiel d’accumulation des lipides conduit à des redistributions fort différentes du potentiel énergétique résultant du catabolisme de la source carbonée lié à la croissance et la production. L’induction de la production par une limitation en source azotée n’affecte pas que le potentiel énergétique et n’apporte que peu d’éléments 137 pour juger de l’impact de l’énergétique cellulaire sur le potentiel d’accumulation. Le choix du phosphore comme élément limitant de la croissance microbienne pourrait être envisagé. La plus grande variabilité des taux de phosphore intracellulaires en fonction des degrés de limitation pourrait permettre une redistribution « naturelle » de l’énergétique cellulaire et ainsi une redistribution des flux carbonés anaboliques et de production. Toutefois les études réalisées chez R. glutinis en conditions de phosphore limitant montrent que si l’on a une amélioration des vitesses spécifiques de synthèse lipidique, les titres en triacylglycérol sont plus faibles (Granger, 1993). Aucune étude n’a été réalisée en limitation phosphore chez Y. lipolytica. De fait, bien qu’il soit reconnu qu’une limitation nutritionnelle déclenche l’accumulation de lipides, le seul élément ayant été formellement identifié comme effecteur de l’accumulation lipidique chez Y. lipolytica est l’azote. Une limitation en phosphore induitelle une accumulation en lipides intracellulaires ? Quels en sont les paramètres cinétiques ? Comment l’overflow de carbone est géré par la cellule ? Le profil en lipides accumulés et acides gras est-il modifié ? Les études suivantes tendent à répondre à ces questions. 138 4.1.2. Conduite des cultures L’objectif des expérimentations sera de quantifier la répartition du carbone entre croissance et production de lipides sous limitation de phosphore, répartition modulée par le contrôle du ratio des flux d’apports de ces deux éléments. Afin d’obtenir une précision accrue pour les procédures de conduite, la phase de production est précédée d’une phase de croissance pure permettant d’accéder au référentiel cinétique et stœchiométrique de la croissance et d’obtenir une concentration en biomasse catalytique suffisante pour les besoins de l’étude. Le but des expériences est de produire une quantité suffisante de biomasse (Phase I) puis d’induire l’accumulation de lipides intracellulaires (Phase II), de permettre l’accumulation en lipides intracellulaire (Phase III) et enfin de déterminer les conditions de production de citrate (Phase IV) (Figure 31). Pour cela, il est envisagé de: - ne limiter la culture en aucun élément (à part le phosphore et éventuellement le glucose) durant toute la culture - d’obtenir des phases temporelles suffisamment longues pour chaque phase de culture (I à IV) permettant de quantifier les comportements métaboliques et d’obtenir des quantités de matériel biologique conséquentes tout en évitant toute limitation liée au transfert de matière (transferts gazeux). - modifier le rapport d’alimentation P/C afin de moduler le devenir du carbone dans les cellules - augmenter l’apport en carbone afin d’identifier le potentiel maximal de conversion du carbone : existe-t-il un phénomène d’ « overflow » ? - Phase I : la phase de croissance Au cours de cette phase, un profil exponentiel du flux d’alimentation en glucose permet le maintien d’un taux de croissance constant, compris entre 0,10h -1 et 0,25h-1 selon la série d’expérimentations, et inférieur au taux de croissance maximal de la souche (0,26 h -1). Le débit d’alimentation en substrat est déduit de la masse de substrat présente dans l’inoculum Q( t ) ( M inoc ) et est égal à M inoc S a lim exp µ.t avec la concentration en substrat dans l’alimentation S a lim . On peut également opter pour une stratégie d’un apport de substrat 139 optimal (concentration en glucose résiduel bornée à 2,5 g.L-1) permettant de doubler la concentration de biomasse de 10 à 20g.L -1 à taux de croissance maximal. La concentration de phosphore présente dans le milieu initial permet une croissance exponentielle non limitée par celui-ci jusqu’à une concentration en biomasse comprise entre 10 et 20 g.L-1 de biomasse selon l’expérience sur la base d’une concentration intracellulaire en phosphore déduite expérimentalement de 27 mgP.gX-1 (résultats non montrés). Cette teneur en phosphore intracellulaire est supérieure à celle estimée précédemment pour la composition élémentaire de la biomasse (§ 4.1.1.1), vraisemblablement par omission du phosphore inorganique (polyphosphates principalement) et sous-estimation des nucléotides libres (ATP,…). Les polyphosphates peuvent s’accumuler chez S. cerevisiae jusqu’à un taux de 1000 µmole par gramme de biomasse sèche (32mg P.gX-1) et être totalement épuisés lorsque le milieu est carencé en phosphore (Vagabov et al. , 2008 ; Zvyagilskaya et al., 2000). - Phase II : appauvrissement en phosphore intracellulaire La teneur en phosphore intracellulaire permettant d’obtenir des vitesses d’accumulation en lipides satisfaisante a été déterminée à une valeur voisine de 9mgP.gX*-1 lors des expériences préliminaires (non détaillées ici). Après l’épuisement en phosphore extracellulaire, afin de réduire la concentration intrinsèque phosphore de 27 à 9 mg P.gX*-1, la biomasse catalytique déjà formée doit être multipliée par un facteur 3. Afin de pouvoir poursuivre l’expérimentation sur des durées suffisantes avant que la culture ne soit limitée par le transfert d’oxygène (soit jusqu’à environ 100 g.L -1), il est nécessaire de cibler la concentration en biomasse catalytique avant induction de la synthèse lipidique. Deux séries d’expériences sont réalisées : - une série de cultures désignées « en carence de phosphore » où l’induction de la synthèse lipidique est induite à une concentration en biomasse de 60g.L-1. - une série de cultures désignées « en limitation de phosphore » où l’induction de la synthèse lipidique est induite à une concentration en biomasse de 30g.L-1. Durant cette phase de dilution en phosphore intracellulaire, il est donc choisi de ne pas supplémenter les cultures qui seront en limitation phosphore et de supplémenter les cultures qui seront en carence phosphore à un débit constant et très faible afin d’obtenir une cinétique de dilution maximale du phosphore intracellulaire. Lors de la mise en place de la limitation phosphore, l’apport en glucose est : - soit non limitant selon des débits constants optimisés (comme décrit au §3.3.2) 140 - soit fixé à un débit constant pour permettre la formation de 30 g.L -1 de biomasse catalytique estimée avec un taux de croissance moyen de 0,06 h-1. - Phase III : limitation ou carence en phosphore En ligne, la masse de biomasse catalytique ( catalytique MX ) est estimée avant et après induction de la production lipidique à partir, respectivement, des quantités molaires de carbone et d’azote accumulées dans le réacteur et sur la base d’une composition élémentaire de la initial M Phos biomasse catalytique inchangée. Lorsque le phosphore intracellulaire ( catalytique MX ) est estimé à 9 mg.g-1 de biomasse catalytique, la gestion du phosphore est réalisée de la manière suivante : en carence phosphore, aucun phosphore additionnel n’est apporté en limitation de phosphore, la complémentation en phosphore se fait à débit constant d’une solution d’acide phosphorique à 0,6 mol.L -1 calculé afin d’obtenir sur la durée de la phase de production ( t prod ) un taux de croissance moyen ( µ prod ) de 0,03 h-1. Le flux de phosphore est obtenu par la relation suivante : Phosphore initial M Phos t prod µ .t .(exp prod 1) . Le débit d’apport en glucose est soit maintenu constant, soit ajusté à la demande sur la base de l’évolution du coefficient respiratoire calculé en ligne d’après des bilans gazeux. En effet, lors de la synthèse de lipides (composés dont le degré de réduction est à 5,7) le coefficient respiratoire attendu est supérieur à 1 et estimé à 1,77 selon la modélisation métabolique cidessus (§ 4.1.1.4.1), valeur caractéristique du métabolisme de synthèse lipidique associé à la formation de biomasse catalytique (degré de réduction à 4). La production de citrate sera décelée par une diminution de la valeur du coefficient respiratoire (degré de réduction de l’acide citrique égal à 3), l’accélération du flux de liquide correcteur de pH (ammoniaque) et l’accroissement du rapport Azote/Carbone accumulé estimé en ligne. 141 - Phase IV : « Overflow » de carbone L’apport en phosphore reste constant et inchangé, l’alimentation en glucose est augmenté de manière linéaire jusqu’à atteindre un flux supérieur à la demande cumulée de croissance et de production et, ainsi, d’induire un éventuel « overflow » de carbone dans les cellules pouvant se traduire par l’excrétion de co-métabolites. 4.1.2.1 Exemple d’apport en carbone La Figure 31 représente l’apport en glucose et la mesure de sa concentration résiduelle lors d’une expérience en limitation phosphore selon les 4 phases décrites ci-dessus. La phase I présente une vitesse de consommation exponentielle permettant un taux de croissance de 0,25h-1. L’excès de glucose initial résulte de la consommation des co-métabolites produits durant la phase de préparation du levain (acide citrique) comme en atteste l’évolution du coefficient respiratoire et d’une phase d’adaptation durant laquelle le taux de croissance reste inférieur au taux de croissance de consigne choisi pour cette phase. I 5 II III IV 180 Glucose résiduel (g/L) 4 140 120 3 100 80 2 60 40 1 Alimentation en glucose (g/h) 160 20 0 0 0 20 Glc résiduel Alim Glc 40 60 80 100 Temps (h) Figure 31 : Evolution de la concentration résiduelle en glucose (g/L) et du débit d’alimentation en glucose (gGlc.h-1) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La phase grisée n’est pas détaillée ici. 142 Lors de la phase II, l’apport en glucose est fixé constant, il devient donc limitant. La concentration résiduelle est donc nulle. Il en est de même lors de la phase III, pendant laquelle le débit est augmenté mais toujours de manière constante. Enfin, la phase IV montre deux tests d’augmentation du flux de carbone, l’un entre 79 et 90h et l’autre à partir de 95h. Le glucose devient excédentaire à 90h puis à 96h. 4.1.2.2 Exemple d’apport en phosphore La Figure 32 représente le débit d’alimentation en phosphore et sa concentration résiduelle en fonction du temps lors d’une culture de Y. lipolytica sur glucose et en limitation phosphore. La phase grisée n’est ici pas interprétée. Lors de phase I, nous pouvons voir que la concentration résiduelle en phosphore extracellulaire diminue pour atteindre une valeur inférieure à 5 mgP.L-1. La phase II débute lorsque le phosphore extracellulaire est totalement consommé et aucun apport en phosphore n’est réalisé (débit d’alimentation en phosphore nul). La phase III débute avec un débit de phosphore constant, identique à celui maintenu durant la phase IV. Pour les phases II à IV, la concentration résiduelle en phosphore est en deçà de la concentration mesurable et confirme la limitation en phosphore continue sur la totalité des phases de production. II IV III 0,04 Phosphore résiduel (g/L) 0,30 0,03 0,25 0,20 0,02 0,15 0,10 0,01 Alimentation en phosphore (g/h) I 0,35 0,05 0,00 0,00 0 20 P résiduel Alim P 40 60 80 100 Temps (h) Figure 32 : Evolution de la concentration résiduelle en phosphore (g/L) et du débit d’alimentation en phosphore en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La phase grisée n’est pas détaillée ici. 143 4.1.3. Exemple de résultats Les résultats bruts montrés sont issus d’une expérimentation réalisée selon la conduite décrite ci-dessus (§ 4.1.2). 4.1.3.1 Biomasse et métabolites produits L’accumulation des différentes variables, sera représentée, afin de s’affranchir de l’évolution du volume de fermentation (de 10L à 15L) sous l’évolution temporelle des quantités équivalentes. Il est à noter qu’il existe un décalage entre les valeurs brutes et les valeurs réconciliées, principalement en ce qui concerne les polysaccharides et la biomasse catalytique. Comme il a été décrit dans le paragraphe 3.4.5, la biomasse catalytique est calculée à partir des polysaccharides totaux, des lipides totaux et de la biomasse totale. Une erreur dans la mesure d’un de ces produits se répercute sur la valeur de la biomasse catalytique. Or, la réconciliation est basée sur la conservation des éléments C, H, O et N. Le dosage de l’azote résiduel du milieu de culture permet de boucler le bilan azote, en considérant que la composition élémentaire de la biomasse catalytique est constante durant toute la culture. Cette correction de la surestimation des polysaccharides totaux et donc de la sous-estimation de la quantité en biomasse catalytique est ainsi prise en compte durant toute l’étude. Lors de cette expérimentation, la biomasse totale formée est de 96 Cmole (soit 115 g.L-1), contenant des polysaccharides à hauteur de 0,25 Cmole.Cmole X-1 et des lipides représentant 0,21 Cmole.CmoleX-1 de biomasse (Figure 33). En fin de culture, du citrate est produit à une hauteur de 0,7 Cmole.L-1 et du glucose accumulé à hauteur de 0,45 g.L-1. Après 104h de culture, 238 Cmole de glucose et 4,71 g de phosphore ont été consommés. 144 II IV III 8000 100 6000 80 60 4000 40 2000 Glucose consommé (g) Biomasse totale et catalytique et métabolites produits : lipides, polysaccharides, acide citrique (Cmole) I 20 0 0 0 20 40 60 Temps (h) 80 100 X cat L acc PS acc X totale Citrate Glc conso Figure 33 : Evolution de la masse accumulée de glucose consommé et des quantités de biomasse totale (X totale), biomasse catalytique (X cat), polysaccharides accumulés (PSacc), lipides accumulés (Lacc) et citrate produites en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. Les points représentent les valeurs brutes et les lignes les valeurs réconciliées. La phase grisée n’est pas détaillée ici. Les résultats obtenus à la fin de chacune des phases sont reportés dans le Tableau 28. La première phase, correspond bien à une phase de croissance, le seul produit étant la biomasse catalytique, à hauteur de 10 g.L-1. Le phosphore intracellulaire en croissance est mesuré à 27 mgP.gX-1. Lors de la seconde phase, la biomasse catalytique est multipliée d’un facteur 2,6 ce qui dilue le phosphore intracellulaire de 27 à 10 mg P.gX*-1. Durant cette phase d’appauvrissement du phosphore intracellulaire, l’accumulation en lipides et polysaccharides débute et leur production représente quasiment 17% du carbone accumulé, ce qui démontre une induction de la synthèse de substances carbonées de réserve par la limitation en phosphore avant que sa teneur intracellulaire n’atteigne la concentration seuil de 9 mg.g -1 de biomasse catalytique. Lors de la troisième phase, la formation de biomasse se poursuit mais la biomasse ne représente plus que 53% du carbone accumulé dans le fermenteur alors que le phosphore intracellulaire continue de diminuer jusqu’à une valeur de 6,8 mg P.gX*-1. L’accumulation de réserves carbonées se poursuit aussi et les réserves carbonées représentent la moitié du carbone accumulé (20% pour les lipides et 27% pour les polysaccharides). En fin de phase IV, le phosphore intracellulaire est diminué jusqu’à une valeur de 3,44 mgP.gX*-1. Les polysaccharides représentent 21% du carbone accumulé dans le fermenteur, les lipides 145 19% et la biomasse 49%. Enfin, 11% du carbone est accumulé dans le fermenteur sous forme de citrate et de glucose. Phase I II III Glucose consommé (g) 208 738.02 2112.30 Phosphore consommé (g) 2.95 2.95 3.58 X totale (g) 107 348 972 X catalytique (g) 107 294 523 Polysaccarides accumulés (g/g) 0 0.098 0.331 Lipides accumulés (g/g) 0 0.056 0.131 Citrate (g) 0 0 0 Glucose résiduel (g) 0 0 0 P/X totale (mg/g) 27.54 8.49 3.68 P/X catalytique (mg/g) 27.54 10.03 6.84 % Carbone (Cmole/Cmole Carbone accumulé) Lipides 0 8.7 20.0 Polysaccharides 0 8.0 27.1 X catalytique 100 83.3 52.9 Citrate 0 0 0 Glucose résiduel 0 0 0 IV 7129.30 4.71 2405 1369 0.297 0.137 413 9.41 1.95 3.44 18.5 21.4 49.0 10.9 0.3 Tableau 28 : Tableau récapitulatif des performances de culture en limitation phosphore pour chaque phase 4.1.3.2 Phosphore intracellulaire, croissance et flux d’apport en carbone et phosphore La Figure 34 représente l’évolution de la teneur en phosphore intracellulaire rapporté à la biomasse catalytique (P/X*), du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*) et du rapport des flux d’alimentation en carbone et phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps, les concentrations résiduelles étant négligeables pour ces deux éléments. Durant la phase I, le taux en phosphore intracellulaire moyen est de 27 mg P.gX*-1. Comme la consommation de phosphore n’est pas contrôlée par un apport, le taux de croissance est uniquement fonction de l’apport en glucose soit de 0,25 h -1. Le rapport ΦC/ΦP moyen est ainsi de 30 CmoleGlc.moleP-1. Dès l’épuisement en phosphore extracellulaire (phase II), le taux en phosphore intracellulaire décroit jusqu’à atteindre une valeur voisine de 11 mgP.gX*-1, avant la mise en route de l’apport phosphoré. Simultanément, le taux de croissance est quant à lui en chute d’une valeur maximale de 0,25 h-1 à 0,06 h-1 pour un taux de croissance moyen sur cette phase égal à 146 0,125 h-1. Le débit de glucose étant maintenu constant durant cette phase au flux de consommation en fin de la phase exponentielle, avec le carbone comme élément limitant, le taux de croissance moyen attendu était de 0,15 h-1. Il est évident que durant cette phase la diminution du taux intrinsèque en phosphore a pour conséquence la réduction du potentiel de croissance soit par abattement des potentialités métaboliques, catabolisme énergétique et/ou voies anaboliques, soit par induction des voies de biosynthèses de substances de réserves diminuant d’autant la disponibilité en carbone pour la croissance Durant la phase III, à concentrations résiduelles en carbone et phosphore toujours limitantes, le rapport ΦC/ΦP est maintenu en premier lieu à une valeur de 2565 Cmole/mole puis à 2850 Cmole/mole, ce qui représente 27,58 g de glucose consommé par gramme de biomasse en début de phase et 19 gGlc.gX*-1 en fin de phase. Par cette reprise d’une alimentation en phosphore, le taux de croissance, dans un premier temps se stabilise vers une valeur de 0,04 h-1, avant de décroître jusqu’à s’annuler en fin de phase III. Enfin, la réduction du taux en phosphore intracellulaire se poursuit ce qui aboutit à une stabilisation vers 55h de culture du taux en phosphore intracellulaire à une valeur de 7 mg P.gX*-1 soit environ 25% de la teneur observée en phase exponentielle de croissance. Pendant la phase IV, l’augmentation linéaire du flux de carbone selon deux séquences (à 75h et à 95h), alors que le débit de phosphore reste contant, entraine un accroissement linéaire en fonction du temps du rapport ΦC/ΦP. La phase de transition entre les phases III et IV correspond à un accroissement du flux de phosphore rapporté au flux de carbone (zone grisée de la Figure 31 à la Figure 36) avec en particulier une accroissement du flux d’apport de phosphore rapporté à la biomasse catalytique. La reprise de la croissance durant cette période démontre que le devenir du carbone et en particulier la croissance dépend fortement du ratio doublement limitant ΦC/ΦP. Durant la phase IV, le taux de croissance, qui était remonté durant la phase grisée, rechute jusqu’à 95h pour atteindre une valeur presque nulle concomitamment à une nouvelle réduction du taux en phosphore intracellulaire qui atteint une valeur très faible de 3,64 mgP.gX*-1 en fin de culture, soit 13 % de la valeur obtenue en phase de prolifération non limitée. 147 10000 25 0.30 0.25 8000 20 6000 15 4000 10 2000 5 0 0 0 20 P/X* C/ P µ* 40 60 80 -1 IV III C/ P (Cmole/mole) Phosphore intracellulaire (mgP/gX*) II taux de croissance (h ) I 30 0.20 0.15 0.10 0.05 0.00 100 Temps (h) Figure 34 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*), du taux en phosphore intracellulaire (P/X*) et du rapport des flux de consommation de glucose et phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La partie grisée n’est pas argumentée ici. En limitation azote, la composition de la biomasse catalytique reste constante : le taux en azote intracellulaire de la biomasse catalytique est quasiment constant durant toute la culture (Cescut, 2009). Ceci permet de penser que le flux d’azote permet de contrôler la vitesse de croissance mais également la fraction du carbone apporté nécessaire à la production de biomasse, le rendement de croissance durant la phase de production étant conservé égal à celui mesuré durant une phase de croissance non limité par l’élément azote. Au contraire, lors des phases II à IV d’une expérience en limitation phosphore (Figure 34), le taux de croissance de la biomasse catalytique n’est pas directement corrélé à la teneur intrinsèque en phosphore. La biomasse catalytique étant calculée à partir des fractions lipidique et polysaccharidique retranchées de la biomasse totale l’observation d’un facteur de réduction du phosphore intracellulaire d’un facteur deux (entre les phases II et IV) ne peut s’expliquer par l’accroissement de la fraction protéique intracellulaire mais semble bien lié à une véritable prolifération cellulaire. Celle-ci serait donc en partie contrôlée par la teneur intracellulaire en phosphore mais également par le devenir du carbone et, par ce fait, modulée par le carbone disponible imposé par le ratio ΦC/ΦP. En limitation phosphore, la croissance n’est donc pas uniquement contrôlée par l’apport en phosphore. Le phosphore peut ainsi être dilué dans la 148 biomasse catalytique tant que la biomasse est en croissance, et il n’existe pas de corrélation directe entre le débit d’apport en phosphore et le taux de croissance. -1 P (mg.gX ) 18 12,35 8,7 6,26 5,64 Composition macromoléculaire de la biomasse (% massique) PROTEINE 45,82% 50,21% 52,73% 54,32% 54,70% RNA 9,69% 5,30% 2,83% 1,27% 0,89% DNA 2,71% 2,55% 2,38% 2,22% 2,17% PHOSPHOLIPIDES 11,97% 8,86% 6,83% 5,41% 5,05% POLYSACCHARIDES 22,26% 24,87% 26,41% 27,42% 27,66% TRIGLYCERIDES 4,79% 5,08% 5,30% 5,46% 5,50% STEROLS 2,00% 2,27% 2,53% 2,79% 2,86% Précurseurs libres 0,75% 0,86% 0,99% 1,12% 1,16% Composition élémentaire de la biomasse estimée 1 1 1 1 1 référence C 1 H 1,62 1,623 1,624 1,624 1,624 1,624 O 0,42 0,42 0,419 0,42 0,42 0,42 N 0,185 0,184 0,182 0,181 0,181 0,181 S 0,009 0,009 0,01 0,01 0,01 0,011 P NA 0,015 0,01 0,007 0,005 0,0045 Tableau 29 : Compositions macromoléculaire et élémentaire de la biomasse modélisée suivant différents taux intracellulaires en phosphore 18% DNA TRIGLYCERIDES Précurseurs libres POLYSACCHARIDES 80% 70% Fraction massique 16% 60% 14% 12% 50% 10% 40% 8% 30% 6% 20% 4% 10% 2% 0% Fraction massique (Protéines, polysaccharides) RNA PHOSPHO LIPIDES STEROLS PROTEINES 20% 0% 0 0.005 0.01 0.015 Phosphore intra (mg/g) Figure 35 : Composition macromoléculaire de la biomasse obtenue par modélisation suivant différents taux intracellulaire en phosphore 149 L’évolution des compositions macromoléculaire et élémentaire de la biomasse en fonction de la teneur en phosphore intracellulaire a été modélisée suivant les besoins anaboliques de la cellule (Tableau 29 et Figure 35). Nous pouvons remarquer que la composition élémentaire CHON de la biomasse n’est pas modifiée de manière notable suivant les différentes modélisations (Tableau 29). Cependant, la composition macromoléculaire est, quant à elle, modifiée (Figure 35) : il y a une réduction très nette de la teneur en ARN et phospholipides avec quasiment une annulation du taux d’ARN alors que les phospholipides représentent encore 5%. Le taux protéique s’accroit de 19 % et celui des polysaccharides de 24%. Ces résultats laissent penser que la différence entre les taux en polysaccharides mesurés en phase d’accumulation lors des expériences et ceux réconciliés (4.1.3.1) est peut être due à une modification de la composition macromoléculaire de la biomasse entrainée par la baisse du taux intracellulaire en phosphore. Cette différence représente 2,54 Cmole de polysaccharides qui pourraient être attribués à la biomasse catalytique (60 Cmole produite pendant la phase exponentielle de croissance). Or, l’accumulation en polysaccharides totale représente 25 Cmole : la part de polysaccharides attribuable à la biomasse catalytique produit donc une incertitude de seulement 10%. Cette observation n’a pas été reportée par Julien Cescut lors de ses travaux sur l’accumulation transitoire de polysaccharides en limitation azote (Cescut, 2009). Le taux en azote intracellulaire de la biomasse catalytique étant considéré comme quasiment constant, nous pouvons penser que la composition macromoléculaire (au moins en protéines) de la biomasse catalytique pourrait ne pas être modifiée non plus, le taux en polysaccharides restant quasiment constant. 4.1.3.3 Cinétiques de production de métabolites La Figure 36 représente l’évolution des vitesses de production des métabolites accumulés ou produits et du rapport ΦC/ΦP en fonction du temps lors d’une culture de Y. lipolytica wT sur glucose et en limitation phosphore. Lors de la phase I, la culture est en croissance pure : seule la biomasse catalytique est produite et il n’y a pas de production de métabolites. L’accumulation de polysaccharides et de lipides commence dès le début de la phase II, soit dès la mise en place de la limitation en phosphore et se poursuit tout au long de la phase avec 150 des activités spécifiques croissantes concomitamment à la diminution de la teneur intrinsèque I 0.04 II III IV 10000 0.03 8000 0.02 6000 0.01 4000 0.00 2000 -0.01 C/ P (Cmole/mole) Vitesses spécifiques de production d'acide citrique, de polysaccharides et de lipides (Cmole/CmoleX*/h) en phosphore. 0 0 20 40 60 Temps(h) 80 100 q* Citrate (Cmol/CmolX*/h) q*L (Cmol/CmolX*/h) q*PS (Cmol/CmolX*/h) C/ P (Cmol/mol) Figure 36 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides (PS), lipides (L) et acide citrique (Cit) accumulés et du rapport des vitesses de consommation de glucose et de phosphore (ΦC/ΦP) en fonction du temps d’une culture de Y. lipolytica wT en limitation phosphore sur substrat glucose. La partie grisée n’est pas argumentée ici. Lors de la phase III, l’accumulation en réserves carbonées se poursuit. Les variations de vitesses spécifiques de synthèse des lipides et polysaccharides ne sont pas directement corrélées à l’évolution du rapport ΦC/ΦP, mais on remarque que le flux spécifique d’accumulation de carbone total est quasiment constant. À l’accroissement de la vitesse spécifique de production de polysaccharide est associée une diminution de la vitesse de synthèse lipidique et inversement. Durant la seconde tranche de la phase III, pendant laquelle le taux de phosphore intrinsèque est stabilisé à 7 mg.g -1, on note une réduction d’un facteur 2 du potentiel de synthèse lipidique associée au déclin du potentiel de croissance et l’atteinte des valeurs maximales de production de polysaccharides. À ce stade, il semblerait que si le 151 processus d’accumulation de substances de réserve est induit et accéléré par la diminution du taux intracellulaire en phosphore, le potentiel de production de lipides est corrélé au potentiel de croissance. Ce dernier peut être modulé par la disponibilité en carbone préférentiellement orienté vers la synthèse des polysaccharides ou inhibé par leur taux intrinsèque, une croissance étant observée pour des taux lipidiques largement supérieurs à ceux obtenus dans cette étude. La phase intermédiaire entre la phase III et la phase IV (grisée sur la Figure 36), peut apporter quelques éléments d’explication sur l’utilisation dynamique de la source carbonée. La réduction du rapport ΦC/ΦP est favorable à une reprise de la croissance par accroissement du flux phosphore, et donc par une réduction relative de l’apport en carbone, se traduit par une réduction progressive de la synthèse de polysaccharides jusqu’à leur consommation associée à un accroissement du taux de croissance et de la vitesse spécifique de production de lipides. Cette tendance s’inverse dès que le ratio ΦC/ΦP est ramené à la valeur nominale de la phase III. Il est à noter que, pour les différentes phases, la réponse métabolique aux modifications d’environnement est différée dans le temps avec des temps de relaxation de l’ordre de grandeur de l’heure (voire plus). Ceci permet de supposer que les réorientations de flux ne sont pas soumises aux seuls contrôles catalytiques (activités enzymatiques) mais dépendent essentiellement de la mise en place ou la réduction de « pools » enzymatiques. Ainsi la dynamique macroscopique dépendrait des constantes de temps caractéristiques de différents mécanismes, biosynthèse protéique, turn-over protéique, dilution dans la biomasse néoformée. Durant la phase IV, l’accroissement linéaire du ratio d’alimentation ΦC/ΦP a pour objectif d’une part d’induire une limitation par le phosphore et d’autre part de rechercher le potentiel limite d’assimilation de la source carbonée dans ces conditions. La reprise de croissance amorcée durant la phase intermédiaire précédemment discutée provoque comme attendu une dilution de la teneur intracellulaire en phosphore montrant qu’il existe un potentiel de croissance pour un taux en phosphore voisin de 4mg.g X-1 démontrant que l’arrêt de la croissance en fin de phase III n’était pas imputable à cette grandeur (taux intracellulaire voisin de 7mg.gX-1). L’accroissement du flux carboné favorise la production de polysaccharides pour lesquels la vitesse spécifique de production retrouve la valeur maximale de la fin de phase III (0,025 CmolePolyS.CmoleX*-1) pour un flux global d’accumulation du carbone proche de celui précédemment trouvé (0,034 CmoleCacc.CmoleX*-1). À 90 h de culture, le flux de substrat 152 dépasse les capacités catalytiques de la levure et provoque une accumulation de glucose dans le moût de fermentation simultanément à l’excrétion d’acide citrique. Une réduction drastique de 50 % du flux carboné ne permet pas de stopper la production d’acide citrique bien que la diminution de la vitesse spécifique de production de polysaccharides traduise une limitation carbonée du potentiel d’accumulation global du carbone. La variation du rapport ΦC/ΦP dans une gamme inférieure à 8000 Cmole.mole -1, valeur pour laquelle la production de citrate a été antérieurement induite, ne permet pas de restaurer l’accumulation polysaccharidique, le flux excédentaire de glucose étant détourné vers la production de citrate à une vitesse spécifique atteignant 0,025 Cmole.Cmole X*-1.h-1. Ainsi, le fait que la production de citrate n’ait pu être stoppée par une diminution notable de l’apport en glucose peut être dû : - soit à une irréversibilité de la production de citrate : une fois la production de citrate déclenchée, cette voie reste activée - soit à une inhibition de l’accumulation de réserves carbonées. Le taux en réserves carbonées atteint avant le déclenchement de la production de citrate est de 0,5 Cmole.CmoleX*-1, taux limite retrouvé pour les lipides en limitation azote pour cette même souche (Cescut, 2009). Il serait ainsi aussi possible qu’il existe une régulation du flux de glucose conditionné par le taux intracellulaire en réserves carbonés. La production de citrate serait donc déclenchée lorsque le flux de carbone apporté ne peut plus être dirigé vers la production de métabolites de réserve. La modification du rapport ΦC/ΦP ne semble donc que très peu affecter l’accumulation en lipides mais surtout l’accumulation en polysaccharides. Il semble donc que ce rapport semble modifier principalement la redistribution du carbone entre biomasse catalytique et polysaccharides. De plus, un excès d’apport en glucose a permis de montrer qu’il est possible de lancer la production de citrate, mais à une valeur du rapport ΦC/ΦP très élevée (8000 Cmole.mole-1). Ce citrate semble être produit au détriment de l’accumulation en polysaccharides. La redistribution du flux carboné entre polysaccharides et citrate semble donc être dépendante principalement du flux de carbone apporté. Une modélisation de la modulation du couplage partiel entre la croissance et la production de lipides a été développée dans le paragraphe 4.1.1.4. Ainsi il a été montré que l’énergie excédentaire issue de la synthèse des lipides pourrait être redistribuée vers l’énergie requise pour l’anabolisme et la croissance. Cette modulation entre les synthèses lipidiques et de biomasse pourrait être reliée à un contrôle par le niveau énergétique dépendant du taux en 153 phosphore intracellulaire. Cette modulation des flux de carbone et de phosphore dans la cellule lorsque le phosphore est l’élément inducteur de l’accumulation de réserves carbonées est schématisée par la Figure 37. Régulation Modulation C Glucose Activation Induction acc poly Polysaccharides poly X C E X L P Phosphore X conso poly L Biomasse Lipides L X P X E Energie Figure 37 : Schéma explicatif de la modulation des flux de carbone et d’énergie lorsque le phosphore est l’élément inducteur de l’accumulation de réserves carbonées. 154 4.1.4. Analyse comparative des résultats Le chapitre suivant est consacré à une analyse comparative des différentes expérimentations en carence ou limitation phosphore suivant la diminution du taux en phosphore intracellulaire. Les trois configurations décrites sont les suivantes : a) Carence en phosphore : dilution continue du phosphore initial dans la biomasse catalytique. b) Alimentation en phosphore. Les valeurs du rapport des flux de glucose / phosphore sont plus faibles que dans l’expérimentation suivante jusqu’à un P/X voisin de 15 mg.g-1. c) Alimentation en phosphore avec un flux de carbone optimisé pour obtenir une vitesse spécifique de production en lipides maximale. 4.1.4.1 Tableau récapitulatif des résultats Le Tableau 30 récapitule les paramètres et les résultats obtenus lors des expérimentations ainsi que les résultats obtenus par simulation des données. Ces valeurs sont utilisées pour l’analyse dans les paragraphes suivants. 155 Condition P/X* % Lip % PolyS Glc rés (g/L) Citrate (Cmole) q*P q*Glc q*O2 QR q*CO2 q*PolyS q*Lip q*Cit µ* a 26,91 0 0 0 0 2,90E-03 0,231 0,087 1,104 0,0960 0 0 0 0,146 b 26,44 0 0 0 0 2,00E-03 0,151 0,057 1,103 0,0629 0 0 0 0,097 c 27,4 0 0 0 0 5,00E-03 0,401 0,142 1,105 0,1569 0 0 0 0,249 a b 20,62 20,7 0 0 3,48 0 0,35 0 0 0 4,14E-03 0 0,596 0,147 0,28 0,05 1,107 1,103 0,3100 0,0552 0,04 0 0 0 0 0 0,237 0,096 c 20,13 0 0 0 0 0 0,398 0,129 1,102 0,1422 0 0 0 0,241 a b 18,64 18,67 0,4 0 5,47 0,31 0,79 0 0 0 8,41E-03 0 0,51 0,164 0,146 0,051 1,107 1,103 0,1616 0,0563 0,038 0,007 0,008 0 0 0 0,23 0,093 c 18,36 0,26 0,63 0 0 0 0,385 0,153 1,103 0,1688 0,004 0,006 0 0,236 a b 14,67 14,73 2,87 3,45 9,27 1,47 0,31 0 0 0 1,86E-03 0 0,397 0,213 0,123 0,05 1,117 1,114 0,1374 0,0557 0,023 0,012 0,016 0,013 0 0 0,181 0,097 c 14,53 1,41 2,07 0 0 0 0,311 0,107 1,102 0,1179 0,013 0,007 0 0,184 a b 10,69 3,05 10,28 0,02 0 1,74E-03 0,39 0,123 1,116 0,1373 0,023 0,016 0 0,142 10,68 5,85 4,1 0 0 0 0,157 0,043 1,113 0,0479 0,008 0,013 0 0,096 c 10,95 4,01 5,71 0 0 0 0,203 0,065 1,115 0,0725 0,009 0,013 0 0,107 a 9,01 8,2 10,54 0 0 0 0,083 0,039 1,102 0,0430 0,007 0,008 0 0,044 b 8,99 6,66 4,3 0 0 3,72E-05 0,132 0,033 1,109 0,0366 0,004 0,011 0 0,088 8,76 11,12 12,55 0 0 4,38E-05 0,129 0,034 1,112 0,0378 0,023 0,014 0 0,042 c Tableau30a : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*) 156 Condition P/X* % Lip % PolyS Glc rés (g/L) Citrate (Cmole) q*P q*Glc q*O2 QR q*CO2 q*PolyS q*Lip q*Cit µ* a b 6,04 6,09 10,37 8,69 7,72 2,41 0 0 0 0 0 2,83E-05 0,058 0,073 0,033 0,021 1,109 1,103 0,0366 0,0232 -0,003 -0,002 0,006 0,003 0 0 0,038 0,047 c 6,12 21,13 26,23 0 0 2,37E-05 0,081 0,042 1,107 0,0465 0,009 0,008 0 0,043 a b 5,31 5,3 11,06 11,33 11,58 1,68 0 0 0 0 0 2,61E-05 0,049 0,096 0,031 0,023 1,08 1,104 0,0335 0,0254 0,018 -0,004 0,002 0,009 0 0 0,011 0,052 c 5,28 20,79 22,23 0 0 1,99E-05 0,068 0,038 1,102 0,0419 -0,007 0,008 0 0,038 a b 4,21 4,84 10,29 18,74 16,36 2,61 0 0 0 0 0 3,31E-05 0,049 0,098 0,032 0,026 1,077 1,117 0,0345 0,0290 0,015 0,002 0 0,011 0 0 0,003 0,041 c 4,32 20,28 18,61 0 0 1,58E-05 0,085 0,037 1,112 0,0411 0,007 0,009 0 0,031 c 3,99 21,56 21,87 2,7 0 1,40E-05 0,109 0,042 1,117 0,0469 0,023 0,009 0,0007 0,022 c 3,44 21,42 25,93 0,5 12,15 1,10E-05 0,112 0,043 0,969 0,0417 0,005 0,003 0,027 0,03 ` Tableau30b : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*) 157 26,91 26,44 Rsx (Cmole/Cmole) 0,4975 0,5005 YxATP (mole/Cmole) 14,3932 14,6536 Ycc (Cmole/Cmole) 0,5891 0,5926 69479,69 68245,07 % NADH Anabolisme 0,9776 0,9776 rapport Flux pentose / flux glycolyt. total 0,6596 0,6641 c 27,4 0,5044 15,0087 0,5972 66630,46 0,9776 0,6700 0,3798 a 20,62 0,3397 6,9650 0,4022 144676,7 0,9776 0,4656 0,7068 b 20,7 0,5210 16,6375 0,6169 60107,49 0,9776 0,6953 0,3125 c 20,13 0,5156 16,0854 0,6105 62170,4 0,9776 0,6871 0,3353 a b 18,64 18,67 0,4304 0,4889 13,6803 15,8910 0,5096 0,5789 74758,93 63426,15 0,8982 0,9776 0,6731 0,6803 0,4251 0,3407 c 18,36 0,4704 13,4194 0,5570 75050,25 0,9183 0,6661 0,4423 a b 14,67 14,73 0,4155 0,4420 12,9867 18,5019 0,4920 0,5233 79296,98 57076,24 0,7979 0,7285 0,7093 0,8350 0,4500 0,2230 c 14,53 0,4651 14,8354 0,5507 68498,47 0,8914 0,7010 0,3808 a b 10,69 10,68 0,3634 0,4637 9,6537 20,6945 0,4302 0,5490 106513 51106,34 0,7595 0,7266 0,6473 0,8639 0,5846 0,1370 c 10,95 0,4334 15,0605 0,5132 68957,96 0,7464 0,7769 0,3637 a 9,01 0,3612 10,7699 0,4277 96899,26 0,6679 0,7298 0,5318 b 8,99 0,4937 23,9114 0,5845 44183,75 0,7413 0,8890 0,0113 c 8,76 0,2929 12,6757 0,3469 87996,22 0,5283 0,8548 0,4270 Condition P/X* a b ATP net / gX ATP non finalisé 0,4052 0,3945 Tableau30c : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*) 158 6,04 6,09 Rsx (Cmole/Cmole) 0,5274 0,5279 YxATP (mole/Cmole) 9,6904 19,5299 Ycc (Cmole/Cmole) 0,4589 0,6088 105802,3 52258,54 % NADH Anabolisme 0,6970 0,8408 rapport Flux pentose / flux glycolyt. total 0,6993 0,7964 c 6,12 0,3417 9,8331 0,4045 106145,9 0,6630 0,7053 0,5688 a b 5,31 5,3 0,1689 0,4876 4,5673 19,3583 0,2000 0,5528 232713,1 54515,1 0,6679 0,6782 0,4559 0,8846 0,7633 0,1896 c 5,28 0,4461 12,7592 0,4814 81849,02 0,6361 0,8079 0,4527 a 4,21 0,0507 0,8164 0,0601 1257775 0,9776 0,0860 0,9410 b 4,84 0,3977 15,2506 0,4708 70318,76 0,5805 0,8864 0,3449 c 4,32 0,3496 13,6612 0,4140 79478,53 0,5616 0,8632 0,4011 c 3,99 0,1797 4,6025 0,2128 230905,5 0,4783 0,5831 0,7620 c 3,44 0,2367 5,6471 0,2803 179828,9 0,7790 0,3863 0,7549 Condition P/X* a b ATP net / gX ATP non finalisé 0,5848 0,1891 Tableau30d : Récapitulatif des résultats bruts, des paramètres expérimentaux et des résultats obtenus par modélisation pour les trois conditions décrites dans le paragraphe 4.1.4 (a : carence phosphore, b et c : limitation phosphore) en fonction du taux en phosphore intracellulaire (P/X*) 159 4.1.4.2 - Analyse cinétique Taux de croissance : La Figure 38 représente l’évolution du taux de croissance en fonction du taux en phosphore intracellulaire des expérimentations réalisées. Deux séries d’expérimentations sont à différencier : - en rouge est représenté les expérimentations dont le taux de croissance correspond à l’apport en substrat réalisé en tenant compte d’un rendement théorique limite inchangé tout au long de la culture (déterminé à 0,63 CmoleX*.CmoleGlc-1 lors des phases de cultures non limitées) - en bleu est représenté les valeurs tirées des expérimentations en excès de carbone par rapport au potentiel de croissance. Il semble exister une corrélation linéaire entre le taux de croissance et la teneur en phosphore intracellulaire. Le taux critique est d’autant plus élevé que le flux de carbone est relativement important. Durant la phase non limitée, pour un flux correspondant à un taux de croissance de 0,1h-1, cet effet n’est perceptible que pour un taux en phosphore intracellulaire inférieur à 17 mgP.gX*-1 alors que, pour une première phase de croissance à taux de croissance de 0,25 h-1, ce seuil est de l’ordre de 21 mgP.gX*-1. En deçà de 4 mgP.gX*-1, la croissance est impossible. Taux de croissance (h-1) 0.3 0.25 0.2 0.15 0.1 0.05 0 0 5 10 15 20 25 30 P/X (mg/g) Figure 38 : Evolution du taux de croissance de la biomasse catalytique (µ*) en fonction du taux intracellulaire en phosphore (P/X*). 160 - Production de lipides La production de lipides (Figure 39) débute pour les mêmes valeurs seuil de P/X que celles montrées pour le taux de croissance (Figure 38). En condition d’alimentation en phosphore, la vitesse spécifique maximale de production de lipides est de 0,013 Cmole.Cmole-1.h-1 alors qu’elle peut atteindre 0,016 en condition de carence phosphore. Toutefois, il faut noter qu’en condition de carence, le flux de glucose n’étant pas limitant (le glucose résiduel peut atteindre 0,79 g/L), on ne peut conclure sur des potentialités intrinsèques différentes de production en lipides. La vitesse spécifique de production de lipides maximale obtenue en limitation azote (Cescut, 2009) est de 0,044 Cmole.Cmole-1.h-1, ce qui est largement supérieur aux vitesses obtenues en limitation phosphore. Le potentiel de production de lipides est donc plus de deux fois plus faible en limitation phosphore qu’en limitation azote. En condition de carence, on note un fort déclin de la vitesse spécifique en deçà d’un taux en phosphore intracellulaire de 10 mg.g-1. Il en est de même pour les autres conditions, qui présentent des fluctuations en deçà de cette même valeur de P/X. Ces fluctuations peuvent être principalement dues aux modifications des apports en substrat et phosphore pouvant limiter la production de lipides. Dans des conditions d’apport continu de phosphore, qui permet une croissance résiduelle, à même P/X, les vitesses spécifiques de production de lipides peuvent être supérieures à celles obtenus en phase de carence. Ceci peut être lié au fait que le taux de carbone accumulé (lipides et polysaccharides), par la dynamique d’accumulation plus rapide (dilution plus rapide du phosphore intracellulaire), est beaucoup plus élevé et de ce fait inhibe la synthèse des substances de réserve. De même que pour le taux de croissance, la synthèse parait impossible en deçà d’un taux en phosphore intracellulaire seuil voisin de 5 mgP.gX*-1. 161 Vitesse de production de lipides (Cmole/Cmole/h) 0.018 a b c 0.016 0.014 0.012 0.01 0.008 0.006 0.004 0.002 0 0 5 10 15 P/X (mg/g) 20 25 30 Figure 39 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (Cmole.Cmole -1.h-1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c) décrites au paragraphe 4.1.4. - Production de polysaccharides La production de polysaccharides débute dès la mise en place de la limitation phosphore (Figure 40), à l’instar de la limitation azote. Cependant, contrairement à ce qui a pu être montré en limitation azote, la production de polysaccharides peut se poursuivre tout au long de la culture. Il n’existe pas de corrélation directe entre la synthèse de polysaccharides et la synthèse de lipides. Ces réserves peuvent être mobilisées lorsque le flux d’apport de carbone devient trop limitant par rapport aux potentialités de croissance et de production de lipides. Cette production semble bien résulter d’un « overflow » carbone conduisant à une réserve modulable en fonction des besoins. Toutefois le taux maximal d’accumulation ne semble pas devoir dépasser 25% en carbone (polysaccharides/biomasse totale). 162 Vitesse de production de polysaccharides (Cmole/Cmole/h) 0.05 a b 0.04 c 0.03 0.02 0.01 0 0 5 -0.01 10 15 20 25 30 P/X (mg/g) Figure 40 : Evolution des vitesses spécifiques de production de polysaccharides (Cmole.Cmole-1.h-1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c) décrites au paragraphe 4.1.4. - Production d’acide citrique Lors de la condition (a) (en carence phosphore), le glucose résiduel est non nul, ce qui reflète un flux de carbone excédentaire par rapport au potentiel de production de biomasse, de lipides et de polysaccharides. Cependant, on n’observe pas de production de citrate. Cette production n’est visible que lorsque le taux en phosphore intracellulaire est voisin ou inférieur à 4mg.g-1. Ce comportement est contraire à celui observé en limitation azote (discuté dans le paragraphe 4.1.4.4). La teneur en citrate maximale obtenue est de 12,15 Cmole soit 0,415 g.L-1 avec une vitesse de production de citrate maximale de 0,027 Cmole.Cmole -1.h-1, valeur encore très inférieure à celle retrouvée en limitation azote (0,045 Cmole.Cmole -1.h-1) (Cescut, 2009). - Couplage cinétique La Figure 41 représente l’évolution des vitesses spécifiques de production de lipides et polysaccharides en fonction du taux de croissance. En ce qui concerne la production de lipides, il semble exister un couplage entre production de lipides et taux de croissance présentant deux relations : l’une lorsque le taux de croissance est supérieur à 0,05 h-1, et l’autre pour des valeurs de taux de croissance inférieures à 0,05 h-1. Nous posons l’hypothèse que cette relation peut être due à la diminution du taux en phosphore intracellulaire P/X dans la biomasse entrainant d’abord une augmentation de la vitesse spécifique de production de 163 lipides lorsque le taux de croissance est de 0,2 h-1 puis une diminution faible jusqu'à un taux de croissance de 0,05 h-1 et enfin une chute brutale en dessous de cette valeur. En ce qui concerne la production de polysaccharides, au contraire, il ne semble pas exister de couplage entre le taux de croissance de la biomasse catalytique et la vitesse de production de polysaccharides. Cette observation conforte l’hypothèse selon laquelle les polysaccharides ont un rôle de substances de réserves mobilisables et sont produits lorsque qu’il y a « overflow » de carbone. 0.018 0.05 0.016 qPolyS 0.04 0.014 0.012 0.03 0.01 0.02 0.008 0.006 0.01 0.004 0 0.002 0 Vitesse de production de polysaccharides (Cmole/Cmole/h) vitesse de production de lipides (Cmole/Cmole/h) qLip -0.01 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 taux de croissance (h-1) Figure 41 : Evolution des vitesses spécifiques de production de lipides (bleu) et de polysaccharides (rose) en fonction du taux de croissance. 4.1.4.3 Analyse stœchiométrique Les données obtenues lors des expérimentations ont été traitées par simulation via le descripteur métabolique (§ 3.4.4) afin de déterminer les voies les plus probables d’utilisation de l’énergie par la connaissance des rendements ATP par rapport à l’anabolisme ou à la synthèse de substances de réserves. - Croissance La Figure 42 représente l’évolution du rendement en biomasse en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Pour les trois conditions (carence ou limitation phosphore), le 164 rendement en biomasse en phase de croissance est identique et égal à 0,6 CmoleX*.CmoleGlc- 1 quelque soit le taux de croissance. L’évolution du rendement en biomasse est similaire pour les conditions (a) et (c) et diminue de 0,6 à environ 0,4 CmoleX*.CmoleGlc- 1 lorsque le taux en phosphore intracellulaire diminue de 27 mg P.gX*-1 à 6 mgP.gX*-1. En dessous de ce seuil, le rendement en biomasse chute brutalement. Paradoxalement, pour la condition (b), ce rendement n’évolue que très peu malgré la production de lipides et de polysaccharides et ce jusqu'à la valeur seuil de 6 mg P.gX*-1. Y s,x (Cmole/Cmole) 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 b c a 0.1 0 0 10 20 30 P/X (mg/g) Figure 42 : Evolution du rendement théorique de production de biomasse YS,X (CmoleX*.CmoleGlc- 1) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. Bleu : condition (a), rose : (b) et rouge (c). Si l’on s’intéresse à l’évolution du rendement ATP (Figure 43), on note des comportements très différents pour les trois conditions. En dessous d’une valeur de P/X seuil de 6 mg P.gX*-1, ce rendement décroît de façon similaire au rendement carbone. Mais, pour la condition (a), le rendement ATP est réduit de 30% entre la phase de croissance et une dilution du phosphore intracellulaire voisin de 6 mg P.gX*-1. Le rendement ATP est quasiment stable pour la condition (b) alors qu’il présente un accroissement pour la condition (c). Si l’on analyse l’évolution des rendements biomasse (YS,X) et ATP (YATP) en fonction du devenir du carbone de réserve (Figure 44 et Figure 45), on voit : - pour le rendement biomasse (Figure 44) : la production en lipides n’affecte que très peu ce rendement (maximum 15 % du carbone consommé est utilisé pour la synthèse lipidique) alors que la synthèse de polysaccharides, pour la même fraction de carbone 165 utilisée, réduirait ce rendement de plus de 50 % du fait d’une réduction d’un facteur 3 du rendement ATP (flèche bleue). - Pour le rendement ATP (Figure 45) : jusqu’à une valeur de 10 % du carbone utilisée pour la biosynthèse de lipides, on note une amélioration du rendement ATP, justifiant ainsi du peu d’impact de cette production sur le rendement biomasse. Cette valeur de rendement ATP reflète le niveau de dissipation d’énergie, énergie non finalisée dans l’anabolisme ou la biosynthèse de substances de réserves. Comme vu au § 4.1, dans le cas de la synthèse lipidique, il pourrait y avoir une utilisation de l’énergie excédentaire résultant des voies conduisant aux précurseurs de la synthèse lipidique pour la synthèse anabolique. Et ainsi le rendement ATP pourrait être amélioré lors des phases de croissance pure. Il semblerait donc que la synthèse de substances de réserves sous forme de polysaccharides induise une surdissipation d’énergie. Pour les faibles valeurs de P/X (inférieures à 6 mg P.gX*-1), correspondant aux faibles taux de croissance, l’utilisation préférentielle du carbone vers la synthèse de polysaccharides explique les chutes de rendement en biomasse observées avec une très forte dissipation énergétique. 30 c a b 25 Y ATP 20 15 10 5 0 0 10 20 30 P/X (mg/g) Figure 43 : Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du taux en phosphore intracellulaire. 166 Figure 44: Evolution du rendement biomasse (YS,X) en fonction du rapport carbone de production de lipides sur le flux de consommation de glucose (qTAG/qGlc) et du rapport carbone de production de polysaccharides sur le flux de consommation de glucose (qPolyS/qGlc). Figure 45 : Evolution du rendement ATP (YATP) en fonction du rapport carbone de production de lipides sur le flux de consommation de glucose (qTAG/qGlc) et du rapport carbone de production de polysaccharides sur le flux de consommation de glucose (qPolyS/qGlc). 167 La synthèse et la mobilisation de ces réserves carbonées montrent un temps de réponse rapide par rapport aux modifications des flux d’apport et du ratio flux carbone/flux phosphore et seraient peut être soumises à un « turn-over » important, mobilisant ainsi une fraction importante de l’ATP généré. Le calcul énergétique est fait en considérant que le rendement de la phosphorylation oxydative est inchangé. La réduction de P/X rendant compte d’un pool de phosphore réduit pour la cellule, il peut être envisagé une réduction de ce rendement et donc une consommation accrue de carbone pour fournir l’énergie anabolique et de biosynthèse. Dans ce cas, une limitation énergétique intrinsèque serait observée et ce pourquoi la synthèse polysaccharidique pourrait prévaloir en tant que voie de stockage du carbone la moins consommatrice en énergie. Toutefois, rendre la synthèse polysaccharidique dépendante d’une limitation énergétique n’expliquerait pas l’induction de cette voie dès la mise en place de la limitation avec les vitesses spécifiques maximales. 4.1.4.4 Comparaison entre les limitations phosphore et azote Le Tableau 31 permet de comparer les caractéristiques cinétiques et stœchiométriques entre trois cultures de Y. lipolytica sur glucose en limitation azote avec ou sans contrôle par PID (Cescut 2009) et phosphore. En croissance non limitée, le rendement biomasse/glucose est similaire dans les trois cas. Il en est de même pour le taux de croissance. Nous pouvons remarquer que la concentration en biomasse finale obtenue lors des expériences en limitation phosphore (5,45 Cmole.L-1) est supérieure à celles obtenues en limitation azote (3,05 Cmole.L-1) pour des taux d’accumulation en carbone similaires. L’effet de la limitation phosphore sur la croissance cellulaire est donc moins drastique que celui de la limitation azote. En effet, nous avons pu voir que à flux de phosphore nul, la biomasse continue à se diviser, jusqu’à un facteur 3, tout en conservant ses activités métaboliques (§ 4.1.3.3). Ceci montre que le flux de phosphore ne détermine pas le taux de croissance. De même, il n’y a pas de relation entre les vitesses spécifiques d’accumulation de polysaccharides et/ou lipides et le flux de consommation de phosphore : la limitation phosphore ne permet pas de contrôler parfaitement le devenir du carbone dans la cellule. La vitesse maximale d’accumulation en polysaccharides en limitation azote (0,065 Cmole.CmoleX*-1.h-1 avec contrôle PID et 0,050 Cmole.Cmole X*-1.h-1 sans contrôle PID) est 168 notablement supérieure à celle obtenue en limitation phosphore (0,040 Cmole.Cmole X*-1.h-1). Cette vitesse maximale est obtenue lors de la phase de transition entre la limitation en l’élément et le déclenchement de l’accumulation de lipides. Cependant, la teneur en polysaccharides maximale atteinte est similaire pour les deux types de limitations : il est de 24% en limitation azote et 26% (Cmole.Cmole X*-1 ) en limitation phosphore. Nous pouvons en conclure que le taux maximal de polysaccharides accumulable est d’environ 25% quelque soit la nature de la limitation. De même, la vitesse maximale d’accumulation de lipides en limitation azote (0,044 Cmole.CmoleX*-1.h-1) est largement supérieure à celle en limitation phosphore (0,018 Cmole.CmoleX*-1.h-1) (Tableau 31) contrairement à ce qui a été observé chez Rhodotorula glutinis (Granger, 1998). Cependant, la vitesse maximale d’accumulation de polysaccharides lors de la phase d’accumulation de réserves carbonées en limitation phosphore est de 0,025 Cmole.CmoleX*-1.h-1 alors qu’elle est nul en limitation azote, tout excès de carbone étant redirigé vers la production de citrate dans ce cas. Le potentiel d’accumulation en carbone intracellulaire (polysaccharides et lipides) en limitation phosphore peut donc être estimé à 0,043 Cmolecarbone -1 -1 accumulé.Cmole X* .h , ce qui rejoint la vitesse spécifique maximale d’accumulation de lipides chez Y. lipolytica wT en limitation azote sur glucose soit 0,044 CmoleLipides.CmoleX*-1.h-1 (Cescut, 2009). Il en est de même pour la quantité maximale de carbone accumulé. En limitation phosphore, le taux de carbone accumulé maximal atteint représente 0,47 Cmole.Cmole X-1 alors qu’il est de 0,50 Cmole.CmoleX-1 en limitation azote. Cette similitude de capacité d’accumulation en carbone de réserve montre qu’il existe un système de régulation de capacité d’accumulation de carbone de réserve chez Y. lipolytica wT. 169 Limitation azote avec contrôle Limitation azote sans contrôle Limitation phosphore par PID (Cescut 2009) par PID (Cescut 2009) Biomasse totale finale (Cmole.L-1) 3.05 2.50 5.45 RS/X* (croissance) (Cmole.Cmole -1) 0.57 0.58 0.62 µ* max (croissance) (h-1) 0.26 0.26 0.26 Carbone intracellulaire accumulé 0.50 0.31 0.47 (lipides = 100%) (polyS = 28% et lipides = 72%) (polyS = 54% et lipides = 46%) R S/Cacc max (Cmole.Cmole-1) 0.372 0.103 0.26 % Lipides max (Cmole.Cmole-1 X) 0.50 0.24 0.21 q*Lipides max (Cmole.Cmole-1.h-1) 0.044 0.036 0.018 % PolyS max (Cmole.Cmole-1X) 0.24 0.13 0.26 final (Cmole.Cmole -1 X) q* PolyS max (Cmole.Cmole-1.h-1) 0.065 (0 en d’accumulation de lipides) phase 0.050 0,040 0.1 3.8 0.7 q* acide citrique max (Cmole.Cmole-1.h-1) NA 0.045 0.027 0.11 0.11 max en phase d’accumulation de lipides) [acide citrique] (Cmole.L-1) q*Glc (0,025 (accumulation avant la production de -1 citrate) NA -1 (Cmole.Cmole .h ) Tableau 31 : Performances d’accumulation de carbone intracellulaire entre différentes cultures de Y. lipolytica wT sur glucose en limitation azote avec et sans contrôle du carbone consommé par PID (Cescut, 2009) comparé aux performances en limitation phosphore. 170 En limitation azote et en phase d’accumulation de lipides, si le flux de carbone n’est pas parfaitement contrôlé, le carbone excédentaire sera entièrement redirigé vers la production de citrate, et ce quelque soit la teneur en carbone intracellulaire accumulé. En limitation phosphore, le carbone en excès par rapport aux demandes dues à la croissance et à la production de lipides semble être canalisé en premier lieu par l’accumulation de polysaccharides. Cependant, nous avons pu voir que, lorsque le taux en polysaccharides atteint son maximum (26%) et en carbone intracellulaire (47%), le flux de glucose est redirigé vers la production de citrate et du glucose s’accumule dans le milieu. La limitation phosphore permet donc un autre système de régulation et d’orientation du flux de carbone dans la cellule en comparaison à une limitation azote bien que la vitesse spécifique de consommation de glucose à partir de laquelle se déclenche la production de citrate soit la même dans les deux cas. En effet, en limitation azote, il n’y a pas de régulation de l’entrée de glucose dans la cellule lorsque le flux de glucose est excédentaire. 4.1.5. Nature des lipides accumulés Une des hypothèses posée par J. Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009) concernant l’atteinte d’un seuil limite d’accumulation en lipides chez Y. lipolytica est qu’un degré d’insaturation élevé des acides gras accumulés soit délétère à l’accumulation lipidique. En effet, R. glutinis est une levure oléagineuse pouvant accumuler plus de 90% en masse de lipides dont les acides gras ont un degré d’insaturation de 0,9 mole insat.moleAG-1 (Cescut, 2009). Au contraire, en limitation azote, Y. lipolytica accumule beaucoup moins de lipides (40% massique) dont le degré d’insaturation des acides gras accumulés est de 1,2 moleinsat.moleAG-1. Il semble donc nécessaire d’investiguer la composition en lipides mais aussi des acides gras de ces lipides afin de déterminer si le faible taux d’accumulation atteint lors de nos expériences utilisant le phosphore comme élément inducteur de la synthèse lipidique est expliqué par un degré d’insaturation des acides gras accumulés élevé. Les résultats sont représentés en fonction du TRPI (taux relatif de phosphore intracellulaire, variant de 0,13 à 1), qui représente le degré de limitation en phosphore et calculé de la manière suivante : TRPI P/ X * P / X *non lim ité . 171 Le taux des différents acides gras en début de culture représente celui retrouvé lors de cultures de Yarrowia lipolytica wT sur glucose en croissance pure (Cescut, 2009). Nous pouvons remarquer que le taux en différents lipides (acides gras, mono, di et triglycérides) est relativement identique quelque soit le mode de culture jusqu’à un TRPI de 0,55, ce qui représente un taux intracellulaire en phosphore de 15 mg.g -1. Cette valeur limite est identique à celle calculée par la simulation pour la composition élémentaire de la biomasse. Ainsi, nous pouvons supposer qu’il existe une réserve en phosphore intracellulaire permettant le maintien d’un métabolisme inchangé entre 27 et 15 mg.g -1. Pour des valeurs de TRPI inférieures, nous pouvons classer les cultures en deux catégories : En carence phosphore, le taux en acides gras et en diacylglycérols augmente lorsque le TRPI est inférieur à 0,55. En dessous d’un TRPI de 0,18, le taux en diacylglycérols chute pour devenir nul et le taux en acides gras augmente brusquement. Le taux en monoacylglycérols augmente quant à lui jusqu’à un TRPI de 0,37 pour diminuer jusqu’à devenir nul. Le taux en triacylglycérols reste quant à lui proche de la valeur nulle quelque soit le taux en phosphore intracellulaire. En limitation phosphore, l’évolution du taux en monoacylglycérols est semblable à celle retrouvée en carence phosphore. Cependant, nous pouvons remarquer que les acides gras et diacylglycérols sont accumulés lorsque le TRPI se situe entre 0,55 et 0,3 puis, en dessous de cette valeur, leur taux diminue. Cette valeur TRPI correspond à la valeur au-delà de laquelle les triacylglycérols sont produits en grande quantité. 172 0.06 0.14 Carence P Limitation P 0.05 % monoacylglycérols (gMG/gX) % Acides gras libres (gAG/gX) 0.12 0.10 0.08 0.06 0.04 0.02 0.04 0.03 0.02 0.01 0.00 0.00 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 1.2 TRPI 0.25 % Triacylglycérols intracellulaire (gTAG/gX) % Diacylglycérols intracellulaire (gDAG/gX) 0.025 Carence P Limitation P 0.020 0.015 0.010 0.005 0.20 0.15 0.10 0.05 0.00 0.000 0.0 0.2 0.4 0.6 TRPI 173 0.8 1.0 1.2 0.0 0.06 rence P mitation P Carence P Limitation P % monoacylglycérols (gMG/gX) 0.05 0.04 0.03 0.02 0.01 0.00 1.0 0.0 1.2 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 TRPI % Triacylglycérols intracellulaire (gTAG/gX) 0.25 Carence P Limitation P 1.0 1.2 Carence P Limitation P 0.20 0.15 0.10 0.05 0.00 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 TRPI Figure 46 : Evolution du taux en différents lipides (acides gras libres, monoacylglycérols, diacylglycérols et triacylglycérols) intracellulaires en fonction du taux relatif en phosphore intracellulaire pour des cultures de Y. lipolytica en carence ou limitation phosphore. Le taux en lipides structuraux n’est pas représenté. 174 Les taux des différentes formes résultent de la dynamique de synthèse associée aux différentes estérifications (2.2.2.2). Si l’on prend le schéma réactionnel suivant, AG AG MonoAG MonoAG DiAG DiAG TAG TAG Avec l’accroissement du TRPI, le taux d’acides gras augmente ce qui semble indiquer que ce sont les cinétiques suivant la synthèse des acides gras qui soient limitantes. D’autre part, il semblerait qu’il existe un taux intracellulaire en acides gras qui ne puisse être dépassé et voisin de 100 mg.gX-1. Pour les cultures en limitation phosphore, les évolutions pour les monoacylglycérols et diacylglycérols présentent un optimum qui se situe respectivement à des TRPI voisins de 0,37 et 0,3. Ceci est caractéristique de cinétiques consécutives d’ordre voire supérieur avec comme produite final les triacylglycérols. Ainsi pour les TRPI inférieur à 0,18, seul un ralentissement de la synthèse des acides gras va se traduire par une diminution progressive des taux d’intermédiaires réactionnels que sont les monoacylglycérols et diacylglycérols et une accumulation finale en triacylglycérols pour lesquels le taux intracellulaire final (voisin de 200 mg.gX-1) est supérieur au taux maximal en acides gras rencontré. Les teneurs maximales relativement plus faibles en monoacylglycérols et diacylglycérols (respectivement 30 et 12 mg.gX-1) montrent que c’est l’étape de première estérification qui contrôle la synthèse des différents acylglycérols. Pour les cultures en carence de phosphore, les lipides accumulés sont principalement des diacylglycérols, à un taux voisin de celui des triacylglycérols précédemment trouvé. Il semble donc que l’étape transformant les diacylglycérols en triacylglycérols soit l’étape la plus affectée par une carence en phosphore. On remarque qu’en condition de limitation, l’accumulation en triacylglycérols est accrue pour une valeur de TRPI correspondant au maximum de monoacylglycérols, mécanisme qui n’apparait pas en carence de phosphore. De plus dans cette dernière condition, le taux d’acides gras libres reste stable en fin de culture ce qui suppose que la synthèse de ces derniers ne soit ralentie et qu’il s’installe un régime cinétique permanent. Il semblerait qu’il existe un effet de feed-back des teneurs en acylglycérol voisine de 200 mg.gX-1 régulant leur synthèse. La non-conversion des diacylglycérols en triacylglycérols en condition de carence pourrait trouver son origine dans la localisation cellulaire de ces derniers. En situation de carence, la diminution du taux intracellulaire en phosphore est 175 beaucoup plus rapide qu’en condition d’apport continu limitant. Comme vu précédemment il semblerait que les réponses cellulaires soient lentes à répondre à l’effecteur que représente le taux intracellulaire en cet élément. Ainsi à la synthèse des triacylglycérols est associé une localisation spécifique au sein des corps lipidiques (2.2.2.2), le retard pris à la constitution de ces compartiments limiterait la synthèse des triacylglycérols et la rendrait impossible dès lors que le taux intracellulaire en phosphore serait en deçà d’un seuil permissif pour la constitution des composants biochimiques nécessaires à la constitution de ces corps (protéines, phospholipides….) L’évolution de la teneur intracellulaire en différents acides gras en fonction de la teneur en phosphore intracellulaire pour des cultures de Y. lipolytica wT en carence ou limitation phosphore est représentée par la Figure 47. Pour toutes les expériences, le profil en acides gras en croissance sur glucose et sans limitation azote (Figure 48) est similaire à celui retrouvé dans la littérature pour cette souche dans les mêmes conditions de croissance (Cescut, 2009). 176 0.06 0.035 Carence P Limitation P 0.05 0.030 0.025 0.04 C16:1 C16 0.020 0.03 0.02 0.015 0.010 0.01 0.005 0.00 0.000 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 0.0 0.2 0.4 TRPI 0.030 0.020 Carence P Limitation P 0.025 0.018 0.016 0.014 0.012 0.015 C18:1 C18 0.020 0.010 0.010 0.008 0.006 0.005 0.004 0.000 0.002 0.000 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 0.0 0.1 0.2 0.3 TRPI 0.06 0.014 Carence P Limitation P 0.05 0.012 0.010 0.04 C18:3 C18:2 0.008 0.03 0.02 0.006 0.004 0.01 0.002 0.00 0.000 0.0 0.2 0.4 0.6 TRPI 177 0.8 1.0 1.2 0.0 0.2 0.4 0.035 Carence P Limitation P Carence P Limitation P 0.030 0.025 C16:1 0.020 0.015 0.010 0.005 0.000 0.6 0.8 1.0 1.2 0.0 0.2 0.4 0.6 TRPI 0.8 1.0 1.2 TRPI 0.020 Carence P Limitation P Carence P Limitation P 0.018 0.016 0.014 C18:1 0.012 0.010 0.008 0.006 0.004 0.002 0.000 0.6 0.8 1.0 1.2 0.0 0.1 0.2 0.3 TRPI 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 TRPI 0.014 Carence P Limitation P Carence P Limitation P 0.012 0.010 C18:3 0.008 0.006 0.004 0.002 0.000 0.6 TRPI 0.8 1.0 1.2 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 TRPI Figure 47 : Evolution du taux en différents acides gras composant les lipides accumulés (mgAG/gX) en fonction du taux relatif en phosphore intracellulaire (TRPI) pour des cultures de Y. lipolytica en carence ou limitation phosphore. Le taux en lipides structuraux n’est pas représenté. 178 En carence phosphore, la teneur en acides gras à longueur de chaine 16 carbone et en C18 et C18:2 augmente avec la baisse en phosphore intracellulaire, soit avec l’accumulation lipidique. Au contraire, l’oléate est accumulé jusqu’à un TRPI de 0,55 puis son taux intracellulaire diminue au-dessous de cette valeur. Le taux en linolénate (C18:3 est quant à lui constant quelque soit le taux en phosphore intracellulaire. Les constatations sont identiques pour les expériences en limitation phosphore, pour lesquelles les acides gras C16, C16:1, C18 et C18:2 s’accumulent avec la baisse du taux relatif en phosphore intracellulaire. L’acide linolénique présente quant à lui un taux relativement constant. Par contre, l’acide oléique n’est quant à lui presque pas accumulé. Pourquoi cet acide gras est le seul à ne pas être accumulé en limitation phosphore alors qu’il est accumulé puis « reconsommé » en carence phosphore ? % acide gras (gAg/gLipide accumulé) 35 croissance (limN) accumulation (LimN) croissance (LimP) Phase 1 accumulation (LimP) Phase 2 accumulation (LimP) Phase 3 accumulation (LimP) Phase 4 30 25 20 15 10 5 0 C16 C16:1 C18 C18:1 C18:2 C18:3 Acide gras Figure 48 : Comparaison des profils en acides gras entre la croissance et l’accumulation lipidique pour deux types de limitations : azote (Cescut, 2009) et phosphore de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose. La Figure 48 montre les différences entre les profils d’acides gras accumulés obtenus par les deux types de limitations (azote et phosphore). Alors que le profil pour les acides gras C16, C16 :1 et C18 :2 restent identiques en fin d’accumulation pour les deux types de limitations, l’évolution de deux acides gras C18 et C18 :1 est assez particulière. En effet, en début d’accumulation, le taux en stéarate est conforme au taux retrouvé en limitation azote, puis lors de la phase III, son taux diminue pour ensuite augmenter en phase IV au-delà du taux retrouvé en limitations azote. L’évolution du taux en oléate est strictement inverse. Le taux en linolénate est lui très faible en phases III et IV. Il semble donc qu’il y a accumulation de 179 stéarate aux dépends de l’oléate et du linolénate. Est-ce dû à une limitation de la désaturation au niveau de la première insaturation (oléate) puis de la troisième (linolénate) ? La désaturation nécessite du pouvoir réducteur et donc indirectement de l’énergie, donc du phosphore, mais pourquoi une telle préférence pour l’acide linoléique ? La Figure 49 représente l’évolution du degré d’insaturation en fonction du taux en phosphore intracellulaire de culture de Y. lipolytica wT en carence ou limitation phosphore. Le degré d‘insaturation (1,12 en moyenne) retrouvé en phase de croissance des cultures est proche de celui retrouvé en croissance sur glucose dans la littérature (1,10) (Cescut, 2009). Cependant, alors qu’en limitation azote le degré d’insaturation augmente avec l’accumulation en lipides pour atteindre une valeur de 1,2 (Cescut, 2009), le degré d’insaturation diminue en limitation phosphore jusqu’à une valeur de 0,9. Bien que les taux en acides linoléiques soient indentiques pour les deux limitations, le fait que le stéarate soit surreprésenté par rapport à l’oléate et au linolénate entraine une baisse du degré d’insaturation des acides gras accumulés. 30 Limitation P Carence P 25 P/X* (mg/g) 20 15 10 5 0 0.85 0.90 0.95 1.00 1.05 1.10 1.15 1.20 degré d'insaturation Figure 49 : Evolution du taux en phosphore intracellulaire réel en fonction du degré d’insaturation lors de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et en limitation phosphore. 180 4.1.6. Conclusion Nous avons pu démontrer que : - Le taux en phosphore intracellulaire en croissance est de 27 mg P.gX*-1. Cependant, la production de biomasse catalytique uniquement est toujours possible pour des valeurs inférieures (jusqu’à 21 mgP.gX*-1). Le taux des différentes classes de lipides accumulés (acides gras libres, triacylglycérols, …) est relativement identique jusqu’à un taux en phosphore intracellulaire de 15 mgP.gX*-1. Cette adaptation serait très probablement due à la présence de polyphosphates de réserves dans les cellules (Kulaev, 2005). L’utilisation de ces polyphosphates pour palier à une carence ou limitation en phosphore ferait diminuer le taux en phosphore intracellulaire mais permettrait de conserver une activité métabolique de croissance pure. - Le taux en phosphore intracellulaire minimal pour lequel la croissance et les synthèses de substances de réserves sont inhibées est d’environ 4 ou 5 mg P.gX*-1. - Le déclenchement de l’accumulation en polysaccharides est induit par une limitation en phosphore et, à l’instar d’une limitation en azote (Cescut 2009), avant le déclenchement de l’accumulation en lipides, lors de la phase de transition. Cependant, lors d’une limitation en azote, les polysaccharides ne sont produits que pendant cette phase de transition et peuvent être reconsommés si l’apport en carbone est limité (Cescut, 2008 ; Cescut, 2009). Or, lors d’une limitation phosphore, les polysaccharides peuvent être produits et reconsommés tout au long de la culture. De plus, il est possible de limiter l’apport en carbone afin de ne produire presque que des lipides (condition b). Cette production de polysaccharides entrainerait aussi une surdissipation d’énergie. - La répartition du carbone dans la cellule entre la biomasse, les polysaccharides et les lipides n’est pas directement contrôlée par les flux en phosphore et carbone ou par la quantité de phosphore intracellulaire. Cependant, il y a une corrélation entre le taux de croissance de la biomasse catalytique et la production de lipides. Cette corrélation pourrait être due à la diminution du taux en phosphore intracellulaire dans la biomasse, et donc indirectement au flux de phosphore. De même, la production en polysaccharides semble très probablement avoir pour rôle de rediriger le flux de carbone excédentaire. De ce fait, la synthèse en polysaccharides serait donc indirectement couplée au flux de carbone. - Le déclenchement de l’accumulation en citrate apparait lorsque le rapport ΦC/ΦP est supérieur à 8800 Cmole/mole, soit lorsque le rapport est très élevé mais aussi uniquement 181 lorsque le taux en phosphore intracellulaire est très faible et inférieur à 5 mgP.gX*-1, valeur seuil identique à l’arrêt des fonctions anaboliques des cellules. - Une carence en phosphore, bien que n’entrainant pas de production de citrate ne permet pas une accumulation en lipides significative, soit à peine 0,10 Cmole.Cmole X-1. En effet, en limitation phosphore, les activités de synthèse lipidique sont maintenues sur une plus longue période, ce qui permet d’accumuler une plus grande quantité de lipides. Bien que les performances atteintes en matière de taux d’accumulation et de vitesses d’accumulation en lipides soient inférieures à celles retrouvées en limitation azote (Tableau 31), nous avons pu voir que la redirection du carbone en limitation phosphore est beaucoup plus complexe qu’en limitation azote. Ainsi, lorsque le carbone est en excès par rapport aux demandes pour la production de biomasse et de lipides, celui-ci est en premier lieu redirigé vers l’accumulation de polysaccharides avant d’être ensuite redirigé vers la production de citrate, voie préférentielle en limitation azote lorsque le glucose est en excès. De plus, le phosphore semble jouer un rôle sur la régulation de l’entrée du glucose (le glucose en excès est accumulé dans le milieu), contrairement à ce qui est retrouvé en limitation azote. Ce constat nous permet d’imaginer une conduite simplifiée de culture alliant les deux limitations : la limitation azote permettant de meilleurs rendements et vitesses et une autre limitation phosphore agissant comme « garde-fou » afin d’éviter le déclenchement de la production de citrate si le flux de glucose est excédentaire et redirigeant ce flux vers l’accumulation en polysaccharides qui seraient reconsommés plus facilement et non délétères à la croissance et à la synthèse lipidique. En ce qui concerne les lipides accumulés, une limitation en phosphore entraîne l’accumulation d’acides gras libres à un taux maximal d’environ 0,1 g.gX-1. Ce taux semble inhiber l’accumulation lipidique. Afin que le taux intracellulaire en acides gras libres soit inférieur à cette valeur, il faut que ces acides gras libres soient estérifiés en triacylglycérols. Pour cela, un flux de phosphore minimal semble être nécessaire. En effet, l’accumulation en acides gras et monoacylglycérols démontre que l’étape limitante de la synthèse des triacylglycérols n’est pas la synthèse d’acides gras ni la synthèse de monoacylglycérols et diacylglycérols mais la formation de triacylglycérol. Cette dernière étape semble nécessiter un apport en phosphore plus important. Le phosphore influe sur la composition en acides gras totaux, surtout en ce qui concerne le degré d’insaturation. Alors qu’une limitation en phosphore entraîne la synthèse de tous les 182 acides gras, il semble qu’il soit nécessaire à l’insaturation en oléate (le stéarate s’accumule plus rapidement que le linoléate et linolénate). Le doublement de l’apport en phosphore relance la synthèse en oléate. Le taux en oléate suit inversement la vitesse de synthèse de lipides : cet acide gras est-il inhibiteur de la synthèse de lipides ? L’hypothèse posée par Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009) est qu’un degré d’insaturation élevé peut être responsable d’un faible taux d’accumulation en lipides plutôt que le taux intracellulaire en acides gras libres lui-même. Les résultats analysés ci-dessus montrent que le degré d’insaturation des acides gras intracellulaire est faible car l’oléate intracellulaire est remplacé par du stéarate. Le degré d’insaturation n’est donc pas responsable du faible taux d’accumulation en limitation phosphore. Plusieurs hypothèses permettent donc d’expliquer le faible taux d’accumulation en lipides lors d’une limitation phosphore et le fait que le taux d’accumulation en réserves carbonées chez Y. lipolytica ne dépasse pas 0,5 Cmole.Cmole -1 de biomasse : - Une limitation en un élément (azote ou phosphore) joue sur les capacités enzymatiques ou énergétiques de la cellule. L’azote est nécessaire aux protéines composant les corps lipidiques et aux enzymes synthétisant les acides gras et les triglycérides accumulés. Le phosphore est incorporé dans les molécules d’ATP nécessaires aux synthèses des lipides accumulés. Une limitation en un de ces éléments induit donc la synthèse lipidique mais pourrait en même temps limiter la capacité de synthèse et de stockage des lipides accumulés. - Le taux en acides gras libres intracellulaire est élevé en limitation phosphore (0,10 g.gX-1). L’estérification des acides gras en triacylglycérols a été induite lors d’un doublement de l’apport en phosphore. Le taux intracellulaire en acides gras est-il inhibiteur de la synthèse de lipides ? - La capacité d’accumulation maximale de la souche a été atteinte. La cellule ne pourrait accumuler plus de carbone, soit par des régulations physiologiques plus complexes, soit parce que la cellule a une taille et forme maximale limitant la capacité d’accumulation. 183 4.2. Etude de l’accumulation de réserves carbonées sans induction par une limitation nutritionnelle sur co-substrats glucose et oléate Afin de valider ou d’invalider une ou plusieurs des hypothèses précédentes, des expériences d’accumulation de lipides sans limitation nutritionnelle sont étudiées afin de s’affranchir des effets secondaires dû à l’utilisation d’un élément limitant dans la culture. L’objectif est donc d’amener à la cellule un pool en acides gras nécessaires à l’accumulation lipidique sans qu’il y ait de biosynthèse de la part des cellules. Afin d’éviter un effet délétère de l’insaturation sur l’accumulation lipidique, l’acide gras choisi est l’oléate. Son taux d’insaturation (1,0) est identique à celui de la souche en croissance (1,01). Cependant, afin de fournir le carbone nécessaire à la cellule pour former la biomasse et le glycérol composant les triacylglycérols, du glucose est aussi apporté aux cultures. Ces dernières seront donc réalisées sur co-substrats glucose et oléate. L’utilité de l’acide oléique dans l’accumulation de lipides est controversée. Papanikolaou (Papanikolaou 1998) a pu voir que l’acide oléique est plutôt utilisé pour la croissance et le métabolisme énergétique alors que Tan et Gill (Tan and Gill 1984) ont pu voir l’inverse. De plus, l’accumulation de lipides ne requiert pas de limitation nutritionnelle sur substrat lipidique (Aggelis et al. 1995; Aggelis and Sourdis 1997; Papanikolaou 1998). Il serait aussi intéressant de voir si l’acide oléique est uniquement incorporé dans la cellule comme molécule énergétique et de réserve ou s’il est remanié (modification de l’insaturation ou de la longueur de chaîne) avant d’être accumulé (Montet et al. 1985). Le taux de croissance sur substrat lipidique (et plus particulièrement l’acide oléique) est très variable selon les études menées. Il varie entre 0,23 et 0,28 h-1 pour l’acide oléique. Il en est de même pour les rendements substrat/biomasse (qui varient entre 1,40 et 2,63 Cmole de lipides accumulés/Cmole de substrat. Ces différences peuvent s’expliquer par l’utilisation de milieux riches mais aussi par les différences physiologiques entre chaque souche. Le glucose est un substrat qui est métabolisé par Y. lipolytica et qui, en limitation azote et phosphore, permet la synthèse de lipides accumulés. Tout d’abord, il serait intéressant de voir quel substrat (acide oléique ou glucose) est utilisé préférentiellement et si un des substrats 184 induit la répression de l’assimilation de l’autre, ou au contraire, un effet bénéfique. Chez Saccharomyces cerevisiae, l’ajout d’acide oléique en métabolisme oxydatif retarde le passage de la levure en métabolisme fermentaire lors de l’augmentation brusque de la concentration en glucose dans le milieu (Feria-Gervasio et al. 2008). Feria-Gervasio et al. pensent que l’acide oléique pourrait induire l’expression de certains gènes contrôlée par les éléments de réponse à l’oléate. Papanikolaou (Papanikolaou 1998) compare l’accumulation de lipides sur glucose et stéarine et sur glycérol et stéarine et pose l’hypothèse selon laquelle la présence d’acides gras pourrait inhiber la redirection du flux de carbone vers la voie des pentoses phosphates et donc inhiber la consommation de glucose. Enfin, Granger (Granger et al. 1993), observe que les vitesses de synthèse d’acides gras et de glycérol sont corrélées pour la production de triacylglycérols. Si la vitesse de synthèse d’acides gras est trop rapide, ces derniers auraient un potentiel plus élevé d’être insaturé. Hors un degré d’insaturation élevé serait inhibiteur de l’accumulation lipidique. Au contraire, si la vitesse de synthèse du glycérol est plus rapide, il n’y a pas assez d’acides gras nécessaires à la formation de triacylglycérols, et le glycérol est redirigé vers la synthèse d’acide citrique. Il semble donc important de réguler la synthèse du glycérol afin que l’accumulation soit optimale sans pour autant dépasser les limites de production de glycérol de la souche. Ces expériences sont donc conçues pour permettre de répondre aux questions suivantes : - l’assimilation de l’oléate est-elle réprimée par la présence de glucose comme cosubstrat ? - Quels sont les paramètres d’une croissance sur glucose/oléate (taux de croissance, coefficient respiratoire …) ? - L’oléate est-il catabolisé, directement incorporé et/ou accumulé par la cellule ? S’il est accumulé, sous quelle forme ? : est-il estérifié et/ou modifié dans sa longueur de chaine ou son nombre d’insaturations ? - Peut-on remplacer le flux de glucose entièrement par le flux d’oléate ? - Quels sont les paramètres d’une croissance sur oléate seul (taux de croissance, coefficient respiratoire …) ? - Un taux intracellulaire en acides gras libres supérieur ou égal à 0,10 g.g X-1 permet-il la synthèse de triacylglycérols ? 185 4.2.1. Conduite des cultures Les cultures sont réalisées sans limitation nutritionnelle. Il est recherché une conduite en mode oxydatif avec un taux de croissance contrôlé par l’apport en substrat carboné (glucose et/ou oléate). Le carbone est apporté par deux substrats : le glucose, de nature osidique, permettant la formation de biomasse catalytique et la synthèse du glycérol nécessaire à la synthèse des triacylglycérols l’oléate, de nature lipidique, amenant le pool d’acides gras nécessaire à la synthèse des triacylglycérols. L’azote est apporté par la régulation de base, elle est donc ajustée à la demande de la biomasse. La solution saline d’alimentation, contenant les sels nécessaires à la croissance, sont apportés selon un rapport de 10 par rapport au carbone et leur apport est calculé pour être d’un facteur d’excès de 1,2. Leur apport a donc été non limitant tout au long des cultures. Deux expériences sont réalisées : - la première appelée « flux glycolytique limitant » présente un apport en glucose limitant lorsque de l’oléate est apporté pour la première fois à la culture. - La seconde appelée « flux glycolytique maximal » présente un apport en glucose excédentaire par rapport à la demande de la biomasse lorsque l’oléate est ajouté la première fois à la culture. Les cultures sont donc conduites de la manière suivante : - Phase 1 : croissance sur glucose et ajout d’oléate : Flux glycolytique limitant : Le glucose est apporté de manière exponentielle, le flux glycolytique étant limitant jusqu’à 13h et calculé pour permettre un taux de croissance de 0,15h-1. En début de culture, 1,5g d’oléate sont ajoutés par litre de milieu de culture. Flux glycolytique maximal : non réalisé. - Phase 2 : croissance sur glucose à flux maximal : Flux glycolytique limitant : Lorsque l’oléate est totalement consommé, le glucose est ajouté en cycles d’ajouts de manière à obtenir un flux glycolytique maximal. Dans ces conditions, le taux de croissance attendu est de 0,26 h-1. 186 Flux glycolytique maximal : Le glucose est apporté de manière à maximiser le flux glycolytique par le déclenchement de cycles d’ajouts de glucose. Le glucose résiduel est calculé pour être au maximum de 1,5 g.L-1. Le taux de croissance attendu est le taux de croissance maximal sur glucose soit 0,26 h-1. - Phase 3 : ajout d’oléate à flux glycolytique maximal : Flux glycolytique limitant : Lorsque la concentration en glucose n’est pas limitante, 5g d’oléate par litre de milieu de culture sont ajoutés. Puis 5 autres grammes d’oléate par litre de milieu sont ajoutés deux heures après. Flux glycolytique maximal : Alors que le flux glycolytique est maximal et que la concentration en glucose résiduel est non nulle, 5 g d’oléate sont ajoutés par litre de milieu de culture. - Phase 4 : croissance sur glucose et oléate à flux limitants : Enfin, pour les deux cultures, les deux substrats sont apportés à un débit constant pour que le flux diminue en fonction de la croissance de la biomasse. Les débits sont ensuite réajustés pour augmenter progressivement le rapport en oléate à 100 % (Cmole d’oléate/mole de carbone) et celui en glucose à 0 %. 4.2.2. Résultats bruts Pour la culture à flux glycolytique limitant, la biomasse totale atteinte est de 817 g dont 0,10 g.g-1 de lipides totaux intracellulaires (Figure 50a): il n’y a pas d’accumulation de lipides au point final. Environ 1423g de glucose et 132,4g d’oléate ont été consommés. Pour la culture à flux glycolytique maximal (Figure 50b), la biomasse totale formée est de 3874 g dont 0,36 g de lipides.g-1 de biomasse. Un maximum de 0,39 g de lipides accumulés.g1 de biomasse totale ont été obtenus à 37h de culture. En fin de culture, 3360 g de glucose et 2520 g d’oléate ont été consommés. 187 I Biomasse totale et catalytique et lipides accumulés (Cmole) 40 II III IV X cat Lipides acc X totale 30 20 10 0 0 5 10 15 20 25 30 35 Temps (h) II Biomasse totale et catalytique et lipides accumulés (Cmole) 200 III (a) IV X cat Lipides acc X totale 150 100 50 0 0 20 40 Temps (h) 60 80 (b) Figure 50 : Evolution de la composition de la biomasse en fonction du temps pour les cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b). Les mesures sont représentées par les points et les valeurs réconciliées par les lignes. 188 4.2.3. Assimilation de l’oléate La Figure 51 représente l’évolution du coefficient respiratoire et débits d’apport en glucose et oléate en fonction du temps pour les deux expériences. Pour les deux expériences, la concentration en oléate dans le milieu est nulle. Pour l’expérience à flux glycolytique limitant (a), le coefficient respiratoire initial moyen est de 0,8 jusqu’à 10h de culture, ce qui est contraire au coefficient respiratoire retrouvé en croissance moyen de 1 de cultures sur glucose seul (Cescut, 2009). Puis, le coefficient respiratoire remonte à une valeur de 1,0 pour se stabiliser jusqu’à 16h. A l’ajout en oléate à 16 et 18h, le coefficient respiratoire rediminue jusqu’à une valeur de 0,8 puis remonte à 20h de culture. Pour l’expérience (b), le coefficient respiratoire en début de culture (jusqu’à 19h, avant l’ajout en oléate) moyen est lui de 1,0 puis de 1,1 entre 19h et 20h. Pendant l’expérience (b), la croissance est donc bien sur glucose uniquement. A l’ajout en oléate à 20h, le coefficient respiratoire diminue a une valeur de 1,0 puis rediminue en suivant l’augmentation du débit d’oléate avec une valeur minimale proche de 0,6 lorsque l’oléate représente 100% du flux carboné (après 70h de culture). Le suivi du taux en croissance en fonction des vitesses de consommation en substrats carbonés pour les deux expériences confirme les observations précédentes (Figure 52) : pour la culture (a), le taux de croissance initial (0,30 h -1) est plus élevé que le taux de croissance attendu par l’ajout de glucose seul (0,15 h-1). La baisse du coefficient respiratoire et l’augmentation du taux de croissance ainsi que l’absence d’oléate dans le milieu extérieur entre 0 et 5h de la culture (a) alors que le flux glycolique est limitant montre que l’oléate est assimilé par les cellules. Puis, le taux de croissance est stabilisé à 0,15 h -1 entre 5 et 10h de culture, taux de croissance correspondant à l’apport en glucose. Cependant, le coefficient respiratoire est toujours à 0,8 et non à une valeur de croissance sur glucose (Figure 51a). La croissance à ce moment-là n’est donc pas uniquement due au glucose et de l’oléate est toujours utilisé pour la croissance. De 10 à 15h, le taux de croissance réaugmente à une valeur de 0,26 h-1 (Qr = 1) : la croissance est sur glucose uniquement, a flux glycolytique maximal. A l’ajout en oléate à 16 et 18h, le taux de croissance réaugmente jusqu’à une valeur de 0,30 h -1, pour rediminuer lorsque les flux en glucose et oléate sont limitants. Il en est de même pour la culture (b) (Figure 52b), où le taux de croissance en phase de croissance sur glucose seul (de 0 189 à 20h) à flux maximal (glucose résiduel non nul) est de 0,26 h-1. A l’ajout en oléate à 20h, le taux de croissance atteint une valeur de 0,31 h-1 et l’oléate résiduel dosé dans le milieu extérieur est nul. Enfin, lorsque les flux carbonés sont limitants, le taux de croissance diminue. Coefficient respiratoire (Qr) 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 rGlc Qr rOlé 0 0.0 -1 -0.1 -2 -0.2 -3 -0.3 -4 débit d'apport en oléate (Cmole/h) 1 débit d'apport en glucose Glucose (Cmole/h) 1.2 -0.4 0 5 10 15 20 25 30 35 Temps (h) 4 2 1 1.2 0 -1 1.0 -2 0.8 -3 0.6 -4 0.4 -5 0.2 0 -6 0.0 -7 0 20 40 60 Temps (h) 0 -1 -2 -3 -4 débit d'alimentation en oléate (Cmole/h) 6 1.4 débit d'alimentation en glucose (Cmole/h) Glucose résiduel (g/L) 8 Coefficient respiratoire (Qr) 10 (a) -5 80 Qr rGlc rOlé Glc résiduel (b) Figure 51 : Evolution du coefficient respiratoire et de l’apport en substrat carboné d’une culture de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate a flux glycolytique limitant (a) ou maximal (b) en fonction du temps. Nous pouvons en conclure que l’oléate est assimilé par les cellules, que le flux en glucose soit limitant ou non. Il est même entièrement consommé dans le cas de l’expérience (a) (pas d’accumulation en lipides (4.2.2)). Le glucose, bien qu’à une concentration dans le milieu de culture de presque 3 g/L ne réprime pas l’assimilation de l’oléate par les cellules. L’oléate 190 présent ensuite consommé pour la croissance, ce qui entraine un taux de croissance plus élevé 0.0 0.25 -0.1 0.20 -0.2 µ* 0.15 -0.3 q*Glc q*Oléate 0.10 -0.4 0.05 -0.5 0.00 -0.6 0 5 10 15 20 25 30 0.35 0.1 0.30 0.00 0.0 -1 taux de croissance (h ) vitesse spécifique de consommation du glucose (Cmole/Cmole/h) Temps (h) 35 -0.1 -0.2 -0.3 0.25 -0.02 0.20 -0.04 0.15 -0.06 0.10 -0.08 0.05 µ -0.4 -0.10 q*Olé 0.00 q*Glc -0.5 -0.12 0 20 40 Temps (h) 60 80 0 -2 -4 -6 -8 -10 vitesse spécifique de consommation d'oléate (Cmole/Cmole/h) 0.30 (a) vitesse spécifique de consommation d'oléate (Cmole/Cmole/h) -1 taux de croissance (h ) 0.35 vitesse spécifique de consommation de glucose (Cmole/Cmole/h) de 0,3h-1 et une baisse du coefficient respiratoire. (b) Figure 52 : Taux de croissance réel et vitesses spécifiques réelles de consommation d’oléate et de glucose pour des cultures de Y. lipolytica sur glucose et oléate en flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps. 191 4.2.4. Accumulation de lipides La Figure 53 représente le taux en lipides accumulés et le rapport du flux d’oléate sur le flux de carbone total en fonction du temps pour les deux expériences. Pour l’expérience à flux glycolytique limitant (a), le taux en lipides accumulés à 5h est de 10% (Cmole.Cmole x-1). Il diminue ensuite et augmente à 25% après les ajouts d’oléate de 16 et 18h pour diminuer et devenir nul en fin de culture. Le flux de carbone apporté ne permet pas de conserver un taux en lipides accumulés positif. Lors de l’expérience (b), le taux initial en lipides accumulé est nul. Il augmente lorsque le flux en oléate augmente, soit à 20h de culture. Le taux en lipides atteint un maximum de 50% à 40h, lorsque le flux en oléate représente 75% du carbone apporté. Il rediminue avec la diminution du flux en oléate à 60% du carbone apporté et augmente pour se stabiliser vers 45% quelque soit la part de l’oléate en fonction du carbone consommé qui passe de 65 à 100% à 70h. Le flux en carbone, bien que limitant, permet de conserver un taux en lipides accumulés de 45%. L’augmentation du taux en lipides intracellulaires lorsque de l’oléate est apporté aux cultures montre que l’oléate est incorporé dans les cellules pour y être stocké quelle que soit la quantité apportée dans le milieu de culture. Lorsque le flux de carbone n’est pas suffisant pour la croissance, une partie de cet oléate est assimilée comme source de carbone à une vitesse plus faible que son incorporation dans la cellule. Nous avions auparavant démontré qu’il pouvait être assimilé par les cellules pour la croissance (4.2.3), ce qui est visible aussi lors de la culture (a) où les lipides accumulés à 18h de culture sont ensuite reconsommées (taux en lipides accumulés nul). Cependant, les lipides stockés dans les cellules se trouvent sous quelle forme ? L’oléate est-il stocké directement ou transformé sous forme de triglycérides ? 192 120 100 0.25 80 0.20 60 Lipides q*Olé/q*C 0.15 40 0.10 20 0.05 0 qOléate/q*Carbone total (Cmole/Cmole) Lipides accumulés (Cmole/CmoleX) 0.30 0.00 5 10 15 20 25 30 35 % lipides (Cmole/CmoleX) Temps (h) (a) 60 120 50 100 40 80 30 60 20 40 10 20 0 0 % lipides q*Olé/q*C 20 40 60 Temps (h) q*Oléate/q*Carbone consommé (Cmole/Cmole) 0 80 (b) Figure 53 : Evolution du taux en lipides accumulés et du rapport des flux d’oléate consommé par rapport en flux de carbone total pour des cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux carboné limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps. 193 4.2.5. Incorporation et modifications de l’oléate accumulé L’évolution de la composition lipidique et des acides gras accumulés lors des deux expériences est représentée par la Figure 54. Pour l’expérience (a), les ajouts en oléate à 16 et 18h augmentent de manière fulgurante le taux intracellulaire en acides gras libres à une valeur de 0,12 g.gX-1. Le taux en monoacylglycérols et en diacylglycérols n’est pas modifié de manière significative tout au long de la culture alors que le taux en triacylglycérols est lui augmenté (0,04 g.gX-1) après le dernier ajout en oléate à 18h. Ensuite, les taux en acides gras libres et triacylglycérols redescendent en dessous de leur taux initial : ils sont consommés car l’apport en carbone est limitant pour la croissance. En ce qui concerne l’expérience (b), l’ajout d’oléate à 20h entraine une augmentation importante en acides gras libres jusqu’à une valeur maximale de 0,33 g.gX-1 à 40h ainsi qu’une légère augmentation transitoire des monoacylglycérols entre 20 et 30h. À partir de 30h, alors que le taux en acides gras libres est déjà de 0,3 g.gX-1, la synthèse en triglycérides commence. La teneur en triacylglycérols augmente au fur et à mesure que celle en acides gras diminue et atteint une valeur de 0,27 g.gX-1 alors que celle en acides gras en fin de culture est de 0,1 g.g X-1. L’oléate ajouté lors des cultures est donc instantanément stocké puis estérifié sous forme de triacylglycérols, mais avec une vitesse plus lente. Un taux intracellulaire en acides gras élevé n’est pas délétère à la synthèse de triglycérides à partir d’acides gras. De même, nous ne pouvons pas affirmer que le taux en acides gras libres intracellulaire est délétère à l’accumulation de lipides. En effet, bien que le taux en acides gras libres ait atteint une valeur très élevée durant l’expérience (b), l’accumulation en lipides est arrêtée alors que le taux en acides gras intracellulaire atteint son maximum et que le taux en lipides accumulés est lui aussi à son maximum (0,50 Cmole.Cmole X-1). Est-ce dû à la baisse de l’apport en oléate par rapport au carbone total apporté ou à une régulation physiologique de la cellule empêchant une plus grande accumulation ? La synthèse en triacylglycérols commence lorsque le taux en acides gras libres est de 0,2 g.gX-1. La synthèse de triacylglycérols est-elle lancée car l’important taux intracellulaire en acides gras devient délétère à la cellule afin de « neutraliser » ces acides gras ? 194 Taux en différentes classes de lipides (g/gX) 0.14 Monoacylglycérols Acides gras libres Triacylglycérols Diacylglycérols 0.12 0.10 0.08 0.06 0.04 0.02 0.00 5 10 15 20 25 30 35 Temps (h) (a) Taux en différentes classes de lipides (g/gX) 0.4 Monoacylglycérols Acides gras libres Triacylglycérols Diacylglycérols 0.3 0.2 0.1 0.0 10 20 30 40 50 Temps (h) 60 70 80 90 (b) Figure 54 : Evolution de la composition lipidique intracellulaire de cultures de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) en fonction du temps. 195 La Figure 55a compare le profil en acides gras d’une souche de Yarrowia lipolytica wT en croissance, en fin d’accumulation lipidique en limitation azote (Cescut, 2009) et lors de trois phases de la culture (a) (8h, 17, et 30h). Les profils en acides gras en début de culture et après l’ajout d’oléate sont très semblables entre eux et très différents des données issues de cultures sur glucose comme seul substrat et en limitation azote (croissance ou fin d’accumulation) (Cescut, 2009). L’ajout d’oléate dans le milieu modifie donc radicalement le profil en acides gras des cellules et entraine l’augmentation de la quantité de tous les acides gras, et plus particulièrement les quantités en oléate et stéarate. Ces deux derniers acides gras sont les acides gras majoritaires retrouvés tout au long de la culture. En ce qui concerne l’expérience b (Figure 55b), le profil en début de culture est similaire à celui retrouvé dans la littérature en croissance sur glucose comme unique substrat et en limitation azote (Cescut, 2009). Au fur et à mesure que le taux en oléate par rapport au carbone apporté augmente, les taux en acides gras en longueur de chaine à 16 carbones et en C18:2 diminuent. Au contraire, les taux en oléate et stéarates augmentent. Le taux en acide linolénique (C18:3), maximal en croissance, est très faible dès que l’oléate est apporté à la culture et, bien que son taux augmente, il reste faible tout au long de la culture. 196 pourcentage d'acide gras (g/g d'acide gras total) 50 40 croissance accumulation en limitation azote début de culture (8h) après ajout d'oléate (17h) fin de culture (30h) 30 20 10 0 C16 C16:1 C18 C18:1 C18:2 C18 C18:1 C18:2 C18:3 (a) % acides gras (gAG/gAG totaux) 50 40 croissance oléate 50% oléate 70% oléate 100% croissance (JC) accumulation (JC) 30 20 10 0 C16 C16:1 C18:3 (b) Figure 55 : Profil en acides gras des lipides intracellulaires à différentes phases de culture pour l’expérience à flux glycolytique limitant (a) et maximal (b) comparé aux profils en phase de croissance et de fin d’accumulation de triglycérides en limitation azote (Cescut, 2009). 197 L’ajout d’oléate entraîne donc une augmentation en oléate libre dans la cellule, et il ne semble pas être plus désaturé en linoléate. Au contraire, son insaturation semble « perdue ». De même, la longueur de chaine n’est pas modifiée : les acides gras à 16 carbones sont sous représentés. La consommation d’acides gras accumulés lorsque le flux carboné est limitant (expérience a) ne permet pas de rétablir le profil de croissance. Il semble donc que les lipides restant dans la biomasse catalytique et qui semblent ne pas être consommés même sur glucose limitant aient un profil bien particulier avec une majorité d’acide gras à 18 carbones saturés ou monoinsaturés. Ces observations sont confirmées par la Figure 56 : plus le flux d’oléate augmente, plus les taux en oléate et stéarate augmentent et les taux en linoléate et palmitate diminuent. En effet, que le taux d’oléate dans la cellule augmente avec l’augmentation du flux d’oléate est logique puisque ce dernier rentre instantanément dans la cellule. Par contre, il semble qu’il soit modifié en stéarate pour être moins insaturé. La désaturation en linoléate est quant à elle inhibée. Cette inhibition de l’insaturation des acides gras à 18 carbones est-elle due à 2D Graph 8 l’augmentation du degré d’insaturation des acides gras par l’augmentation du pool en oléate ? % acide gras (g/g AG totaux) 0.4 C16 C16:1 C18 C18:1 C18:2 C18:3 0.3 0.2 0.1 0.0 0 20 40 60 80 100 120 q* oléate/q* Carbone consommé (Cmole/Cmole) Figure 56 : Evolution du taux en acides gras en fonction du rapport du flux d’oléate sur le flux de carbone consommé total d’une culture de Y. lipolytica wT sur substrats glucose et oléate. 198 Le taux maximal d’accumulation en lipides atteint est de 50% (Cmole.Cmole X-1) (Figure 53b). Cette valeur correspond au taux maximum obtenu sur glucose seul lorsque la synthèse de lipides est induite par une limitation en azote (Cescut, 2009). Est-ce une limite physique de la cellule ou les conditions testées sont-elles défavorables à une accumulation plus élevée ? Rhodotorula glutinis peut accumuler jusqu’à 70% (grammes de lipides par gramme de biomasse totale) mais le degré d’insaturation des acides gras accumulés est faible (0,75 molinsaturation.molAG-1). Au contraire, Yarrowia lipolytica, en limitation azote, présente un degré d’insaturation des acides gras accumulés élevé (1,2 molinsaturation.molAG-1). L’hypothèse posée est que le taux d’accumulation est inversement proportionnel au degré d’insaturation des acides gras composant les lipides accumulés (Cescut, 2009). En est-il de même pour cette culture sur oléate ? Le suivi de l’évolution du degré d’insaturation des acides gras accumulés en fonction du rapport des flux d’oléate sur le carbone total consommé lors de l’expérience (b) (Figure 57)permet de déterminer l’influence de l’augmentation du taux en oléate de la cellule sur l’insaturation des acides gras. Le degré d’insaturation en croissance sur glucose seul est de 1,1molinsaturation.molAG-1 en moyenne, ce qui est similaire à la valeur retrouvée pour cette souche dans ces mêmes conditions (1,01 molinsaturation.molAG-1) (Cescut, 2009). Cependant, dès que l’oléate est ajouté, le degré d’insaturation diminue fortement entre 0,85 et 0,7 molinsaturation.molAG-1 alors que le degré d’insaturation en fin d’accumulation sur glucose et en limitation azote est de 1,2 molinsaturation.molAG-1 (Cescut, 2009). La baisse du degré d’insaturation ne permet pas d’améliorer l’accumulation en lipides dans les cellules au-delà du pourcentage « limite » obtenu dans toutes les expériences que ce soit en limitation azote ou phosphore. Le degré d’insaturation des acides gras accumulés n’est donc pas le facteur limitant l’accumulation en lipides chez Y. lipolytica dans les conditions testées. 199 Degré d'insaturation (mole d'insaturation/mole d'AG totaux) 1.2 1.1 1.0 0.9 0.8 0.7 0.6 0 20 40 60 80 100 120 q* oléate/q*Carbone conso (Cmole/Cmole) Figure 57 : Evolution du degré d’insaturation en fonction du rapport de flux d’oléate sur celui du carbone total consommé d’une culture de Y. lipolytica wT sur glucose et oléate (expérience b). Cependant, nous pouvons remarquer que plus le pourcentage en oléate par rapport au flux total de carbone est élevé, moins le degré d’insaturation des acides gras intracellulaires est élevé. Le flux d’oléate modifie la composition en acides gras, donc le degré d’insaturation. En augmentant les taux d’oléate et stéarate aux dépends des acides gras plus insaturés (surtout linoléate), le degré d’insaturation diminue. Or, en fin de la culture (a), alors que tous les lipides accumulés sont reconsommés, le profil en acides gras est très différent de celui retrouvé en croissance sur glucose seul (Figure 55a) ; ce qui entraine un degré d’insaturation égal à 0,88 molinsaturation.molAG-1. Ce très faible degré d’insaturation est principalement dû à la faible teneur en acide linoléique des acides gras totaux. Il semble que la présence d’oléate (acide gras monoinsaturé) dans la cellule inhibe l’insaturation des acides gras de la cellule, ce qui montre que l’oléate réprimerait la désaturation des acides gras intracellulaires. Cette observation a pu être démontrée par Montet (Montet et al. 1985) pour qui les acides gras insaturés répriment l’action des désaturases. 200 4.2.6. Conclusion Nous avons pu démontrer que : - L’oléate est assimilé de manière instantanée par la cellule même en excès de glucose. Ce dernier ne réprime donc pas l’assimilation de l’oléate par la cellule soit parce que les promoteurs contrôlant les gènes de l’assimilation de l’oléate ne sont pas réprimés par le glucose, soit parce que la cellule produisant de l’oléate à partir de glucose pour la production de sa biomasse lève la répression de manière constitutive. L’oléate est consommé pour la croissance catalytique entrainant une augmentation du taux de croissance à une valeur de 0,30 h-1 et une baisse du coefficient respiratoire allant jusqu’à une valeur de 0,6. Ce substrat modifie drastiquement le profil en acides gras de la biomasse catalytique avec une surreprésentation des acides stéarique et oléiques. - L’oléate est aussi stocké dans les cellules sous forme soit d’acides gras libres (oléate et stéarate) mais aussi sous forme de triacylglycérols. Ces acides gras stockés peuvent être reconsommés lorsque le flux de carbone est trop limitant pour la croissance. Mais cela n’est pas obligatoire (expérience b, où le flux en oléate et glucose sont limitants en fin de culture et où les lipides accumulés restent élevés). - L’oléate joue un rôle très important sur la nature des lipides accumulés et structuraux et les modifie très nettement par rapport aux acides gras retrouvés en croissance ou accumulation sur glucose et en limitation azote (Cescut, 2009). - L’oléate permet l’accumulation lipidique sans limitation nutritionnelle. La capacité maximale de stockage de lipides sur co-substrat oléate et glucose tend à être de 0,50 Cmole.CmoleX-1. Cette capacité est similaire à celle déterminée en synthèse de lipides par limitation en azote sur glucose et/ou glycérol (Cescut 2009). La capacité de stockage du carbone maximale de la souche pourrait être atteinte dans ces deux conditions. Nous avons pu voir que le taux d’acides gras libres dans les cellules maximal obtenu est de 0,33 g.gX-1. Ils sont ensuite modifiés pour être incorporés dans les triacylglycérols, mais à une vitesse beaucoup plus faible. Nous n’avons pas pu démontrer que l’augmentation du taux en acides gras intracellulaires n’inhibe pas l’accumulation en lipides. La synthèse des triacylglycérols démarrant plusieurs heures après le début de l’ajout en oléate et sa vitesse de synthèse étant faible, il semble que cette étape ralentisse l’accumulation de lipides. 201 L’accumulation de lipides par l’ajout d’oléate dans les cultures entraine une diminution du degré d’insaturation de 1,1 en croissance à 0,7 molinsaturation.molAG-1, valeur retrouvée en accumulation chez R. glutinis (Granger, 1993). Cependant, le taux d’accumulation obtenu chez R. glutinis est largement supérieur (0,9 g.gx-1). La capacité maximale d’accumulation n’est donc pas corrélée au degré d’insaturation des acides gras accumulés. De plus, l’oléate pourrait inhiber l’insaturation des acides gras intracellulaires. Deux hypothèses restent donc à confirmer quant à la capacité maximale de l’accumulation en lipides chez Y. lipolytica wT : - le taux en acides gras libres est délétère à l’accumulation lipidique, avec un taux limite de 0,33g.gx-1, - la capacité maximale d’accumulation est physiologiquement ou physiquement fixée à une valeur spécifique à chaque souche. 202 203 5. CONCLUSION 204 205 À l’instar des plantes, la plupart des microorganismes peuvent accumuler des molécules de réserves carbonées. Cette capacité à transformer le carbone apporté par l’environnement en molécules de réserves est induite par une limitation en un élément nutritionnel. Ces molécules carbonées ont un rôle de réserve de carbone et d’énergie pour les cellules. Il peut s’agir de polymères de nature osidique comme le glycogène chez S. cerevisiae mais aussi, chez les microorganismes oléagineux, de triacylglycérols. Ainsi, les microorganismes sont une autre source de lipides que les plantes pour la production de biocarburants. Les avantages de cette source de matières premières pour la production de biocarburants sont nombreux : la production ne dépend pas des conditions climatiques, utilise moins de surface au sol et peut être géographiquement couplée à la transformation des lipides en biocarburants économisant les coûts du transport. Enfin, la caractéristique la plus avantageuse pour la production de biokérosène est la possibilité de contrôler la composition en acides gras des lipides produits par ces microorganismes : les nombreuses contraintes d’exploitation du kérosène (stabilité, point de fusion très bas …) entrainent que sa composition soit particulière : des alcanes de longueur de chaine qui varie de 6 à 14 carbones. Les avancées sur l’accumulation de lipides chez la levure Y. lipolytica ont permis de déterminer que les lipides produits par cette levure, de par leur degré d’insaturation élevé, ont les caractéristiques nécessaires à la production d’un biocarburant répondant aux exigences des biokérosènes. Cependant, les travaux précédents réalisés par J.Cescut (Cescut, 2009) ont montré que cette levure présente d’autres caractéristiques particulières rendant l’accumulation en lipides plus complexes que pour d’autres levures oléagineuses : - l’apport en carbone doit être contrôlé (Cescut, 2008) afin d’éviter un dépassement des capacités de la levure à rediriger le carbone vers les voies de biosynthèses et entrainant une sécrétion de citrate dans le milieu. - Il existe une valeur seuil d’accumulation en lipides chez cette levure égale à 50% en carbone, alors que d’autres levures peuvent accumuler 90%. Ainsi, dans ces travaux, il a été question de tester une autre stratégie d’accumulation de lipides chez la levure Y. lipolytica dans le but de déterminer certains points clés de la synthèse et/ou du stockage de lipides expliquant la valeur limite d’accumulation faible chez cette levure et la synthèse de citrate lors d’un « overflow » de carbone. La première partie de ces travaux est consacrée à l’accumulation de lipides en limitation nutritionnelle autre que l’azote : le phosphore. Cette étude permet de déterminer les 206 caractéristiques cinétiques et stœchiométriques de l’accumulation de lipides en limitation phosphore mais surtout de déterminer la part des éléments nutritionnels (azote et phosphore) en ce qui concerne les performances d’accumulation en lipides. En effet, l’une des hypothèses proposée par Cescut (Cescut, 2009) concernant l’atteinte d’une valeur limite d’accumulation lipidique intracellulaire est que l’azote constitue les enzymes nécessaires à la synthèse et au stockage de lipides. En choisissant un autre élément limitant, le phosphore, la synthèse et le stockage de lipides ne seraient plus limités du point de vue structural et cinétique mais du point de vue énergétique. L’hypothèse posée est que, bien que ces réactions demandent de l’énergie, la limitation permettrait tout de même de subvenir, du moins en partie, aux besoins de ces réactions et d’une croissance cellulaire résiduelle. Trois séries d’expériences ont été réalisées permettant de couvrir une échelle de limitation en phosphore (C/P) très étendue et différents cas d’apport en phosphore (carence ou limitation) et en carbone (excès et/ou plus ou moins limitant). Les étapes de conduite de culture ont été adaptées de celles développées par Julien Cescut dans ses travaux de thèse (Cescut, 2009). Dans un premier temps, il est réalisé une phase de croissance pure non limitée en carbone et éléments nutritifs permettant l’épuisement en phosphore dans le milieu. Dans un second temps, l’apport en phosphore est soit nul soit très faible afin de permettre une dilution du phosphore intracellulaire d’environ un facteur 3, valeur qui a été déterminée comme optimale pour la production de lipides lors d’études préliminaires. Lors de ces expériences, il a été montré que, la teneur en phosphore intracellulaire en croissance non limitée chez la levure Y. lipolytica wT est de 27 mgP.gX-1 et que la limitation en phosphore n’a aucune incidence sur la composition en macromolécules et le comportement macroscopique de la biomasse jusqu’à une dilution du taux en phosphore intracellulaire d’une valeur de 21 mgP.gX-1. Ces 6 mgP.gX-1 semblent donc non nécessaires au fonctionnement cellulaire et nous en avons déduit que cette masse correspondait vraisemblablement à une réserve en phosphore intracellulaire sous la forme de polyphosphates comme il a été souvent décrit dans la littérature. Au-dessous de cette valeur de 21 mg P.gX-1, de manière identique à ce qui a été déterminé pour d’autres microorganismes, le phosphore est un élément induisant la production de réserves carbonées et limite la croissance cellulaire bien que cette dernière ne soit pas contrôlée uniquement par l’apport en phosphore. En effet, alors qu’en limitation azote la croissance est directement contrôlée par l’apport en azote car la cellule conserve un taux en azote intracellulaire constant, le phosphore est lui un élément très mobilisable par la cellule. Le 207 phosphore se dilue dans la biomasse jusqu’à des valeurs très faibles (3 mgP.gX-1). Ainsi, les cellules continuent à se diviser même en carence phosphore et pour un même flux de phosphore, le taux de croissance est variable suivant l’historique de la cellule et son comportement intrinsèque. Les variables d’apports en substrats ne permettent donc pas, dans ces conditions, de prédire le comportement des cellules du point de vue de leur croissance mais aussi pour leurs vitesses de production en réserves carbonées. En ce qui concerne la synthèse lipidique, celle-ci est deux fois moins élevée lors des expériences en limitation phosphore (0,22 Cmole.Cmole X-1) qu’en limitation azote (0,50 Cmole.CmoleX-1). Il en est de même pour la vitesse de synthèse lipidique maximale qui est de 0,018 Cmole.CmoleX-1.h-1 lors de nos expériences alors qu’elle est de 0,044 Cmole.Cmole X1 .h-1 en limitation azote. La limitation phosphore ne permet donc pas d’améliorer la synthèse lipidique. En effet, la cellule ne semble pas organiser ses besoins en énergie pour la croissance catalytique ni pour la synthèse lipidique. Ceci est visible lorsque les vitesses de croissance et de synthèses lipidiques sont différentes pour des apports en phosphore et carbones identiques. De même que pour une limitation azote, les polysaccharides sont les premières molécules de réserves à être synthétisées et accumulées. Cependant, alors qu’en limitation azote, cette production de polysaccharides est retrouvée uniquement lors de la phase de transition entre la croissance et la production de lipides, en limitation phosphore l’accumulation en polysaccharides est possible tout au long de la culture. Nous avons pu montrer que les polysaccharides peuvent être produits ou reconsommés suivant que l’apport en carbone est limitant pour la production de biomasse et de lipides ou non. Ainsi, nous avons pu voir que, lorsque l’apport en carbone est augmenté, pour un débit de phosphore constant (et donc un rapport C/P en augmentation), la vitesse de production en polysaccharides est tout d’abord augmentée jusqu’à atteindre une teneur intracellulaire de 0,26 Cmole PS.CmoleX-1. Cette valeur maximale correspond à celle retrouvée dans la littérature en phase de transition (Cescut, 2009). Il semble donc que cette valeur soit la valeur maximale d’accumulation de polysaccharides chez Y. lipolytica souche sauvage. Au-delà de ce taux d’accumulation, le rapport C/P augmentant toujours, la synthèse de citrate est déclenchée (pour un rapport C/P de 8800 CmoleClc.moleP-1) et du glucose est accumulé dans le milieu de culture. Nous en déduisons que la synthèse en citrate semble avoir lieu lorsque la teneur en polysaccharides est maximale. Le carbone excédentaire ne peut plus être redirigé vers la synthèse de 208 polysaccharides et prend donc la voie de la synthèse du citrate. A cela s’ajoute une régulation du flux de carbone dans la cellule entrainant une accumulation de glucose dans le milieu. Du point de vue de l’assimilation en carbone, la limitation en phosphore a l’avantage de permettre une plus grande variabilité dans la conduite sans production de citrate. Mais l’inconvénient majeur est ne pas pouvoir prédire la répartition de ce carbone dans la cellule entre les différentes macromolécules (biomasse catalytique, lipides et polysaccharides). Au contraire, une limitation en azote nécessite un suivi et un contrôle très fin de l’apport en carbone pour la synthèse lipidique, conduite difficile à réaliser industriellement. Mais l’apport en azote permet de contrôler le taux de croissance catalytique et ainsi la répartition du carbone intracellulaire mais, dans ces conditions, l’assimilation de carbone n’est pas régulée par la cellule. Il est donc envisageable de réaliser une culture en double limitation azote/phosphore avec le glucose comme substrat afin de contrôler la croissance et donc la répartition du carbone dans la cellule par l’azote mais aussi de réguler plus finement et facilement l’entrée de carbone dans la cellule par une limitation phosphore. Des études ont déjà été réalisées sur une double limitation azote et phosphore chez d’autres levures oléagineuses dans un but d’améliorer l’accumulation lipidique mais sans minimiser voire supprimer la production de citrate. Granger (Granger et al., 1993) a testé l’effet d’une double carence azote/phosphore sur la production de lipides (acide α-linoléique principalement) d’une souche de Rhodotorula glutinis sur glucose et en batch. La carence en phosphore apparaissant en premier, puis lorsque le rapport acides gras/ biomasse dépasse 20%, l’azote est aussi carencé. Cette stratégie a permis d’augmenter les rendements et les vitesses par rapport à une carence azote seule. Au contraire, Ratledge et Hall (Ratledge and Hall 1979) lors d’une culture en chémostat d’une souche de Rhodotorula glutinis n’ont pas observé d’amélioration de l’accumulation de lipides en double limitation azote/phosphore. Gill et al. (Gill et al., 1977) ont comparé l’accumulation de lipides en fonction de la nature de l’élément limitant lors de la culture d’une souche de Candida sp. 107 en chémostat. La combinaison de deux limitations phosphore et azote permet de conserver un taux de lipides accumulés à 0,35g/g (au lieu de 0,37g/g en limitation azote seule) mais le rendement de conversion du glucose en lipides est fortement diminué à 0,07 g/g alors qu’il est de 0,22 g/g en limitation azote. Une double limitation azote et phosphore dans le but de simplifier la conduite d’une culture de Yarrowia lipolytica sur glucose en vue d’accumulation de lipides pourrait donc être une stratégie intéressante. 209 Le taux d’accumulation maximal en réserves carbonées obtenu par limitation phosphore (0,47 Cmole.CmoleX-1) ou par l’utilisation de co-substrats glucose/oléate (0,45 Cmole.Cmole X-1) sont similaires entre eux mais aussi similaires au taux maximal d’accumulation obtenu sur glucose et en limitation azote reporté dans la littérature pour la même souche Y. lipolytica wT. Les trois conditions pour obtenir cette valeur « seuil » d’accumulation sont très différentes : sans limitation nutritionnelle, avec limitation nutritionnelle jouant sur la disponibilité en énergie dans la cellule ou sur ses capacités structurales et catalytique. Cette observation nous pousse à nous interroger sur les capacités d’accumulation de la souche utilisée. En effet, d’autres souches peuvent accumuler jusqu’à 90% de réserves carbonées sur glucose et en limitation azote et sans contrôle de l’apport en carbone. Une des hypothèses posées est que la teneur en acides gras intracellulaires puisse être délétère à l’accumulation de lipides par inhibition rétroactive de ces acides gras sur la synthèse lipidique (Cescut, 2009). Nous avons pu démontrer que la teneur en acides gras peut être très élevée (jusqu’à 0,33 g.gx-1) sans que l’accumulation en lipides ne soit abaissée. De même, la nature des acides gras accumulés ne semble pas influencer la teneur maximale en lipides accumulés. Alors qu’en limitation azote, le degré d’insaturation augmente avec le taux d’accumulation (Cescut, 2009), le degré d’insaturation retrouvé en limitation phosphore ou sur co-substrats glucose/oléate diminue avec l’augmentation du taux en lipides intracellulaires. Cependant nous avons pu voir que l’une des étapes limitantes dans l’accumulation de lipides est l’estérification des acides gras en triglycérides. Il semble que l’accumulation lipidique soit stoppée dès que la teneur en triglycérides atteigne représente presque la totalité des lipides accumulés. Deux hypothèses se posent donc à nous : La teneur maximale en lipides est directement contrôlée par la teneur en triglycérides. L’accumulation en acides gras sur co-substrats glucose/oléate n’étant pas due à une néosynthèse des acides gras par la cellule, la teneur en triglycérides maximale atteinte n’est donc pas due à une rétroaction de ces triglycérides sur l’accumulation lipidique. L’action d’inhibition ne peut donc être due qu’à une capacité maximale d’accumulation lipidique intrinsèque à la structure cellulaire. En effet, ces triglycérides sont stockés dans les corps lipidiques, composés d’une monocouche de phospholipides dans laquelle sont intégrées des protéines. Leur taille et leur nombre semble être contrôlés par de nombreux facteurs comme la composition protéique des corps lipidiques (Athenstaedt et Daum, 2006) mais aussi de la composition du substrat où l’utilisation de certains acides gras activerait l’acyl-CoA oxydase 2 régulant la taille et le nombre des corps lipidiques (Mlikova et al., 2004). Ainsi, limiter des 210 cultures en azote ou en phosphore ou alimenter la culture en oléate auraient le même effet de limiter la taille ou le nombre de corps lipidiques et donc de freiner l’accumulation en lipides. L’estérification des acides gras en triglycérides est une réaction plus lente que la synthèse ou l’assimilation en acides gras. La teneur maximale en lipides pour la souche, quelle que soit leur composition (acides gras, triglycérides…) est proche de 0,50 Cmole.Cmole X-1 et due à une capacité maximale intrinsèque à cette souche. Il semble donc nécessaire de déterminer si les différentes stratégies utilisées pour l’accumulation de lipides chez Y. lipolytica ont toutes les trois eu l’effet de limiter la synthèse de leur organelles de stockage ou non et cette limitation est le point clé permettant d’obtenir des taux d’accumulation lipidiques identiques à ceux obtenus pour d’autres souches. Pour cela, plusieurs voies sont envisageables : - L’utilisation d’un autre élément nutritionnel inducteur de l’accumulation de lipides et n’entrant pas dans la composition des corps lipidiques comme le magnésium, le zinc ou le fer. Ces limitations sont très peu décrites dans la littérature et aucune hypothèse sur le mécanisme de leurs effets sur l’accumulation lipidique n’a été posée. L’effet d’une carence en magnésium ou zinc a été testé chez R. glutinis mais elles semblent moins favorables à l’accumulation lipidique (Granger et al. 1993). Enfin, une limitation en fer montre des résultats identiques à une limitation en azote chez Cryptococcus curvatus (Hassan et al. 1996). - L’utilisation d’un acide gras autre que l’oléate lors de cultures non limitées sur cosubstrat glucose/acide gras. L’inhibition des acylCoA oxydases par différents acides gras est peu décrite dans la littérature. Il a été suggéré que les acylCoA oxydases sont chacune spécifique d’une longueur de chaine (Mlikova, 2004). Expérimentalement, il a été montré que l’acide oléique semble être utilisé par la cellule principalement pour sa croissance et pour la production d’énergie et de métabolites intermédiaires, contrairement aux acides gras saturés utilisés pour la croissance et comme molécule de réserve (Montet, 1985; Papanikolaou, 1998). L’utilisation d’autres acides gras plus saturés que l’oléate (le stéarate) ou à chaines plus courtes ou plus longues semble intéressante pour évaluer le rôle des corps lipidiques dans l’accumulation de lipides chez Y. lipolytica. L’hydrotraitement des huiles végétales pour leur utilisation en tant que biocarburant à hauteur de 50% dans le transport aérien est maintenant certifié par l’American Society for Testing and Materials (ASTM) depuis cette année. À terme, cette certification vise aussi les biocarburants 211 issus d’huiles microbiennes. Au vu de la consommation annuelle en carburant par l’aéronautique, l’enjeu de la production de biokérosène n’est pas de remplacer totalement les carburants issus de la pétrochimie mais de réduire l’impact environnemental. L’utilisation de biocarburants issus d’huiles végétales est, à ce jour, une réalité. Cependant, la production de ces huiles entre en compétition avec l’alimentation et ne permet pas une indépendance géographique et climatique. L’incorporation de biocarburants d’origine microbienne dans le transport aérien permettrait d’ajouter une autre voie d’approvisionnement en biocarburant fiable et répondant aux exigences de l’aéronautique. De plus, l’utilisation de matières renouvelables pour la production d’huiles microbiennes est une valeur ajoutée à la réduction de l’impact humain sur l’environnement et affranchi la production des variations climatiques et de l’occupation des sols pour l’approvisionnement en matières premières. Pour que la filière « microbienne » devienne industrielle, il est nécessaire dans un premier temps d’améliorer les rendements de production. De plus, afin de diminuer le coût énergétique de la production d’alcanes à partir de ces huiles, il est nécessaire de produire des lipides composés d’acides gras insaturés. D’après nos résultats, une culture de Y. lipolytica sur glucose en limitation phosphore ne permet ni d’améliorer la production en lipides ni d’augmenter l’insaturation des acides gras produits. Cependant, ces résultats ouvrent sur des perspectives de recherche intéressantes, notamment en ce qui concerne l’utilisation d’une double limitation phosphore-azote pour l’amélioration du taux d’accumulation en lipides. Le profil lipidique de levure Y. lipolytica en limitation azote, de par son degré d’insaturation élevé, est similaire au profil des huiles de Jatropha curcas utilisées dans les biocarburants de l’aéronautique. La conservation d’un profil lipidique plutôt insaturé semble donc des plus utile. L’étude de la biodiversité des souches permettant le maintien ou l’amélioration de ce profil en acides gras en est une voie intéressante. Le projet Carburants Alternatifs pour l'Aéronautique (CAER) a pour objectif d’explorer cette biodiversité microbienne et l’étude des mécanismes biologiques prenant part à l’accumulation lipidiques chez ces microorganismes. Le doctorat de Maud Babau, entrant dans le cadre de ce projet et co-financé par l’ADEME et Airbus, a ainsi pour objectif l’étude du rôle de la fraction lipidique en acides gras libres sur les mécanismes et les potentialités d'accumulation des triacylglycérols d'intérêt chez les levures oléagineuses Rhodotorula glutinis et Yarrowia lipolytica en conditions de limitations nutritionnelles contrôlées et sur différentes sources carbonées (glucose, pentose, glycérol et lipides) en simple ou co-substrat. 212 213 6. ABREVIATIONS 214 215 rp vitesse de production ou de consommation du composé p qp vitesse spécifique de production ou de consommation du composé p µ vitesse spécifique de production de biomasse totale µ* vitesse spécifique de production de biomasse catalytique (hors métabolites accumulés) Qr coefficient respiratoire O2 dioxygène (oxygène par abus de langage) CO2 dioxyde de carbone pO2 pression partielle en oxygène Sels sels concentrés Vit vitamines H2O eau RtS/P rendement de conversion instantané du substrat S en composé P RS/P rendement de conversion global du substrat S en composé P YS/P rendement théorique limite de conversion du substrat S en composé P Pp productivité volumique du composé p kLa coefficient de transfert de l’oxygène CPG chromatographie en phase gazeuse HPLC chromatographie liquide à haute performance § paragraphe P phosphore X biomasse totale X* biomasse catalytique (hors métabolites accumulés) S substrat carboné Glc glucose Olé oléate Lip ou L lipides PolyS ou PS polysaccharides Cacc carbone accumulé AG acides gras totaux TAG triacylglycérols DAG diglycérides MAG monoglycérides AGi acide gras i 216 cit acide citrique Deginsat degré d’insaturation insat insaturation * hors métabolites accumulés TRPI taux relatif en phosphore intracellulaire 217 7. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 218 219 Abumrad, N., C. Coburn and Ibrahimi A. (1999) Membrane proteins implicated in long-chain fatty acid uptake by mammalian cells: CD36, FATP and FABPm, Biochimica et Biophysica Acta-molecular and cell biology of lipids 1441 (1), 4-13. Abumrad, N. A., Forest C. C., Regen D. M. and Sanders S. (1991) Increase in membrane uptake of long-chain fatty-acids early during preadipocyte differentiation, Proceedings of the national academy of sciences of the United States of America. 88 (14), 60086012. Aggelis, G., M. Komaitis, S. Papanikolaou and G. Papadopoulos (1995) A mathematicalmodel for the study of lipid-accumulation in oleaginous microorganisms .1. lipidaccumulation during growth of Mucor circinelloides Cbs-172-27 on a vegetable oil, Grasas Y Aceites 46 (3), 169-173. Aggelis, G. and J. Sourdis (1997) Prediction of lipid accumulation-degradation in oleaginous micro-organisms growing on vegetable oils, Antonie Van Leeuwenhoek International Journal of general and molecular microbiology 72 (2), 159-165. Albuquerque, C. D. C., A. M. F. Filetti and G. M. Campos-Takaki (2006) Optimizing the medium components in bioemulsifiers production by Candida lipolytica with response surface method, Canadian Journal Of Microbiology 52 (6), 575-583. Alfeel, W., S. J. Wakil and S. S. Chirala (1993) The FAS3 gene coding for acetyl-coA carboxylase is essential in Saccharomyces cerevisiae, Faseb Journal 7 (7), A1229A1229. Alvarez, H. M., Mayer, F., Fabritius, D., Steinbüchel, A., (1996) Formation of intracytoplasmic lipid inclusions by Rhodococcus opacus strain PD630. Arch. Microbiol., 165, 377–386. Anastassiadis, S. and H. J. Rehm (2006) Continuous gluconic acid production by the yeastlike Aureobasidium pullulans in a cascading operation of two bioreactors, Applied Microbiology And Biotechnology 73 (3), 541-548. Antonucci, S., M. Bravi, R. Bubbico, A. Di Michele and N. Verdone (2001) Selectivity in citric acid production by Yarrowia lipolytica, Enzyme And Microbial Technology 28 (2-3), 189-195. Arabolaza A, Rodriguez E, Altabe S, Alvarez H, Gramajo H., (2008) Multiple pathways for triacylglycerol biosynthesis in Streptomyces coelicolor. Appl Environ Microbiol. , 74 (9) , 2573-82 Arnezeder, C. and W. A. Hampel (1990) Influence of growth-rate on the accumulation of ergosterol in yeast-cells, Biotechnology Letters 12 (4), 277-282. Arzumanov, T. E., N. V. Shishkanova and T. V. Finogenova (2000) Biosynthesis of citric acid by Yarrowia lipolytica repeat-batch culture on ethanol, Applied Microbiology And Biotechnology 53 (5), 525-529. Athenstaedt, K. and G. Daum (2006) The life cycle of neutral lipids: synthesis, storage and degradation, Cellular And Molecular Life Sciences 63 (12), 1355-1369. Barth, G., J. M. Beckerich, A. Dominguez, S. Kerscher, D. Ogrydziak, V. Titorenko and C. Gaillardin (2003) Functional genetics of Yarrowia lipolytica, Functional Genetics Of Industrial Yeasts 2 227-271. Barth, G. and C. Gaillardin (1997) Physiology and genetics of the dimorphic fungus Yarrowia lipolytica, Fems Microbiology Reviews 19 (4), 219-237. Barth, G. and W. Kunkel (1979) Alcohol-dehydrogenase (Adh) in yeasts .2. NAD+-dependent and NADP+-dependent alcohol dehydrogenases in Saccharomycopsis lipolytica, Zeitschrift Fur Allgemeine Mikrobiologie 19 (6), 381-390. Barth, G. and T. Scheuber (1993) Cloning of the isocitrate lyase gene (Icl1) from Yarrowia lipolytica and characterization of the deduced protein, Molecular & General Genetics 241 (3-4), 422-430. 220 Barth, G. and H. Weber (1985) Improvement of sporulation in the yeast Yarrowia lipolytica, Antonie Van Leeuwenhoek Journal Of Microbiology 51 (2), 167-177. Barth, G. and C. Gaillardin (1996). Yarrowia lipolytica. Non-conventional yeasts in biotechnology. K. Wolf. Berlin, Heidelberg, New York, Springer-Verlag. 1: 313-388. Bassel, J. B. and R. K. Mortimer (1985) Identification of mutations preventing n-hexadecane uptake among 26 n-alkane non-utilizing mutants of Yarrowia (Saccharomycopsis) lipolytica, Current Genetics 9 (7), 579-586. Bati, N., E. G. Hammond and B. A. Glatz (1984) Biomodification of fats and oils - Trials with Candida lipolytica, Journal Of The American Oil Chemists Society 61 (11), 17431746. Baumgartner, U., B. Hamilton, M. Piskacek, H. Ruis and H. Rottensteiner (1999) Functional analysis of the Zn(2)Cys(6) transcription factors Oaf1p and Pip2p - Different roles in fatty acid induction of beta-oxidation in Saccharomyces cerevisiae, Journal Of Biological Chemistry 274 (32), 22208-22216. Beopoulos A, Cescut J, Haddouche R, Uribelarrea JL, Molina-Jouve C, et al. (2009) Yarrowia lipolytica as a model for bio-oil production. Prog Lipid Res. (48), 375–387 Bigey, F., K. Tuery, D. Bougard, J. M. Nicaud and G. Moulin (2003) Identification of a triacylglycerol lipase gene family in Candida deformans: molecular cloning and functional expression, Yeast 20 (3), 233-248. Blanchin-Roland, S., R. R. Cordero Otero and C. Gaillardin (1994) Two upstream activation sequences control the expression of the XPR2 gene in the yeast Yarrowia lipolytica, Mol. Cell. Biol. 14 (1), 327-338. Blank LM, Lehmbeck F, Sauer U. (2005) Metabolic-flux and network analysis in fourteen hemiascomycetous yeasts. FEMS Yeast Res. 5 (6-7), 545–558 Bocharova, N. N., V. G. Chernysh and N. K. Palagina (1975) Influence of nitrogen and phosphorus of medium on level of reserve carbohydrates in cells of a reproducing culture of bakers-yeast, Microbiology 44 (5), 752-757. Boisrame, A., M. Kabani, J. M. Beckerich, E. Hartmann and C. Gaillardin (1998) Interaction of Kar2p and Sls1p is required for efficient co-translational translocation of secreted proteins in the yeast Yarrowia lipolytica, Journal Of Biological Chemistry 273 (47), 30903-30908. Bon, E., S. Casaregola, G. Blandin, B. Llorente, C. Neuveglise, M. Munsterkotter, U. Guldener, H. W. Mewes, J. Van Helden, B. Dujon and C. Gaillardin (2003) Molecular evolution of eukaryotic genomes: hemiascomycetous yeast spliceosomal introns, Nucleic Acids Research 31 (4), 1121-1135. Boulton, C. A. and C. Ratledge (1981) Correlation of lipid-accumulation in yeasts with possession of ATP-citrate lyase, Journal Of General Microbiology 127 (NOV), 169176. Boulton, C. A. and C. Ratledge (1983) Use of transition studies in continuous cultures of Lipomyces starkeyi, an oleaginous yeast, to investigate the physiology of lipidaccumulation, Journal Of General Microbiology 129 (SEP), 2871-2876. Bruyn, J. (1954) An intermediaite product in the oxidation of hexadecene-1 by Candida lipolytica, Koninkl. Ned Acad. Wetenschap. Proc Ser C (57), 41-44. Carman, G. M. and G. S. Han (2006) Roles of phosphatidate phosphatase enzymes in lipid metabolism, Trends In Biochemical Sciences 31 (12), 694-699. Casaregola, S., C. Neuveglise, P. Wincker, V. Anthouard, J. Weissenbach and C. Gaillardin (2003) The dimorphic yeast Yarrowia lypolytica genome sequencing project, Yeast 20 S277-S277. 221 Cescut, J. (2009). Accumulation d’acylglycérols par des espèces levuriennes à usage carburant aéronautique : physiologie et performances de procédés. Toulouse, Université de Toulouse: 283. Cescut, J., P. Costes, J. L. Uribelarrea and C. Molina Jouve (2008) Nouveau procédé de culture de levures du genre Yarrowia. CNRS/Airbus 08/07252. Chen, A. K. L., M. Breuer, B. Hauer, P. L. Rogers and B. Rosche (2005) pH shift enhancement of Candida utilis pyruvate decarboxylase production, Biotechnology And Bioengineering 92 (2), 183-188. Chernyavskaya, O. G., N. V. Shishkanova, A. P. Il'chenko and T. V. Finogenova (2000) Synthesis of alpha-ketoglutaric acid by Yarrowia lipolytica yeast grown on ethanol, Applied Microbiology And Biotechnology 53 (2), 152-158. Chirala, S. S. (1992) Coordinated regulation and inositol-mediated and fatty acid-mediated repression of fatty-acid synthase genes in Saccharomyces cerevisiae, Proceedings of the National Academy of Sciences of The United States of America 89 (21), 1023210236. Chirala, S. S., W. Alfeel, Q. Zhong and W. Z. Huang (1993) The FAS3 gene coding for acetyl-CoA carboxylase in Saccharomyces cerevisiae is regulated by phospholipid precursors, Faseb Journal 7 (7), A1229-A1229. Chisti, Y., (2007) Biodiesel from microalgae. Biotechnol. Adv., 25, 294–306. Choi, J. Y., J. Stukey, S. Y. Hwang and C. E. Martin (1996) Regulatory elements that control transcription activation and unsaturated fatty acid-mediated repression of the Saccharomyces cerevisiae OLE1 gene, Journal of Biological Chemistry 271 (7), 35813589. Choi, S. Y., D. D. Y. Ryu and J. S. Rhee (1982) Production of microbial lipid - Effects of growth-rate and oxygen on lipid-synthesis and fatty-acid composition of Rhodotorula gracilis, Biotechnology And Bioengineering 24 (5), 1165-1172. Cirigliano, M. C. and G. M. Carman (1984) Isolation of a bioemulsifier from Candida lipolytica, Applied and Environmental Microbiology 48 (4), 747-750. Cirigliano, M. C. and G. M. Carman (1985) Purification and characterization of liposan, a bioemulsifier from Candida lipolytica, Applied And Environmental Microbiology 50 (4), 846-850. Citharel, B., A. Oursel and P. Mazliak (1983) Desaturation of oleoyl and linoleoyl residues linked to phospholipids in growing roots of yellow lupin, Febs Letters 161 (2), 251256. Cohen, G., F. Fessl, A. Traczyk, J. Rytka and H. Ruis (1985) Isolation of the catalase-a gene of Saccharomyces cerevisiae by complementation of the CTA1 mutation, Molecular & General Genetics 200 (1), 74-79. Cohen, G., W. Rapatz and H. Ruis (1988) Sequence of the Saccharomyces cerevisiae CTA1 gene and amino-acid sequence of catalase-a derived from it, European Journal Of Biochemistry 176 (1), 159-163. Czabany, T., K. Athenstaedt and G. Daum (2007) Synthesis, storage and degradation of neutral lipids in yeast, Biochimica Et Biophysica Acta-Molecular And Cell Biology Of Lipids 1771 (3), 299-309. Daum, G., N. D. Lees, M. Bard and R. Dickson (1998) Biochemistry, cell biology and molecular biology of lipids of Saccharomyces cerevisiae, Yeast 14 (16), 1471-1510. Davidow, L. S., M. M. Odonnell, F. S. Kaczmarek, D. A. Pereira, J. R. Dezeeuw and A. E. Franke (1987) Cloning and sequencing of the alkaline extracellular protease gene of Yarrowia lipolytica, Journal Of Bacteriology 169 (10), 4621-4629. 222 Davies, R. J., J. E. Holdsworth and S. L. Reader (1990) The effect of low oxygen-uptake rate on the fatty-acid profile of the oleaginous yeast Apiotrichum curvatum, Applied Microbiology And Biotechnology 33 (5), 569-573. Davies, R. J., Holdworth. J. E. (1992) Synthesis of lipids in yeasts: biochemistry, physiology and production, Adv. Appl. Lipid. Res. 1 (4), 119-159. Dellangelica, E. C., C. A. Stella, M. R. Ermacora, E. H. Ramos and J. A. Santome (1992) Study on fatty-acid binding by proteins in yeast - Dissimilar results in Saccharomyces cerevisiae and Yarrowia lipolytica, Comparative Biochemistry And Physiology BBiochemistry & Molecular Biology 102 (2), 261-265. Dittrich, F., D. Zajonc, K. Huhne, U. Hoja, A. Ekici, E. Greiner, H. Klein, J. Hofmann, J. J. Bessoule, P. Sperling and E. Schweizer (1998) Fatty acid elongation in yeast Biochemical characteristics of the enzyme system and isolation of elongationdefective mutants, European Journal Of Biochemistry 252 (3), 477-485. Dujon, B., D. Sherman, G. Fischer, and al. (2004) Genome evolution in yeasts, Nature 430 (6995), 35-44. Einerhand, A. W. C., W. T. Kos, B. Distel and H. F. Tabak (1993) Characterization of a transcriptional control element involved in proliferation of peroxisomes in yeast in response to oleate, European Journal Of Biochemistry 214 (1), 323-331. Endrizzi, A., Y. Pagot, A. LeClainche, J. M. Nicaud and J. M. Belin (1996) Production of lactones and peroxisomal beta-oxidation in yeasts, Critical Reviews In Biotechnology 16 (4), 301-329. Evans, C. T. and C. Ratledge (1983) A comparison of the oleaginous yeast Candida curvata grown on different carbon-sources in continuous and batch culture, Lipids 18 (9), 623629. Evans, C. T. and C. Ratledge (1984) Influence of nitrogen-metabolism on lipid-accumulation by Rhodosporidium toruloides Cbs-14, Journal Of General Microbiology 130 (JUL), 1705-1710. Evans, C. T. and C. Ratledge (1985a) The physiological significance of citric-acid in the control of metabolism in lipid-accumulating yeasts, Biotechnology & Genetic Engineering Reviews 3 349-375. Evans, C. T. and C. Ratledge (1985b) Possible regulatory roles Of ATP - citrate lyase, malic enzyme, and AMP deaminase in lipid-accumulation by Rhodosporidium toruloides Cbs-14, Canadian Journal Of Microbiology 31 (11), 1000-1005. Evans, C. T. and C. Ratledge (1985c) The role of the mitochondrial NAD+ - isocitrate dehydrogenase in lipid-accumulation by the oleaginous yeast Rhodosporidium toruloides Cbs-14, Canadian Journal Of Microbiology 31 (9), 845-850. Evans, C. T., A. H. Scragg and C. Ratledge (1983) Regulation of citrate efflux from mitochondria of oleaginous and non-oleaginous yeasts by long-chain fatty acyl-CoA esters, European Journal Of Biochemistry 132 (3), 617-622. Fabre, E., J. M. Nicaud, M. C. Lopez and C. Gaillardin (1991) Role of the proregion in the production and secretion of the Yarrowia lipolytica alkaline extracellular protease, Journal Of Biological Chemistry 266 (6), 3782-3790. Faergeman, N. J., P. N. Black, X. D. Zhao, J. Knudsen and C. C. DiRusso (2001) The acylCoA synthetases encoded within FAA1 and FAA4 in Saccharomyces cerevisiae function as components of the fatty acid transport system linking import, activation, and intracellular utilization, Journal Of Biological Chemistry 276 (40), 37051-37059. Faergeman, N. J., C. C. DiRusso, A. Elberger, J. Knudsen and P. N. Black (1997) Disruption of the Saccharomyces cerevisiae homologue to the murine fatty acid transport protein impairs uptake and growth on long-chain fatty acids, Journal Of Biological Chemistry 272 (13), 8531-8538. 223 Faure, L. (2002) Optimisation de la production de lipases recombinantes chez Yarrowia lipolytica, DEA INSA. Toulouse. France. Feria-Gervasio, D., J. R. Mouret, N. Gorret, G. Goma and S. E. Guillouet (2008) Oleic acid delays and modulates the transition from respiratory to fermentative metabolism in Saccharomyces cerevisiae after exposure to glucose excess, Applied Microbiology And Biotechnology 78 319-331. Ferrante, G. and M. Kates (1983) Pathways for desaturation of oleoyl chains in Candida lipolytica, Canadian Journal Of Biochemistry And Cell Biology 61 (11), 1191-1196. Fickers, P., P. H. Benetti, Y. Wache, A. Marty, S. Mauersberger, M. S. Smit and J. M. Nicaud (2005) Hydrophobic substrate utilisation by the yeast Yarrowia lipolytica, and its potential applications, Fems Yeast Research 5 (6-7), 527-543. Fickers, P., M. T. Le Dall, C. Gaillardin, P. Thonart and J. M. Nicaud (2003) New disruption cassettes for rapid gene disruption and marker rescue in the yeast Yarrowia lipolytica, Journal Of Microbiological Methods 55 (3), 727-737. Finogenova, T. V., V. I. Illarionova and A. B. Lozinov (1973) Formation of citric acids by Candida lipolytica yeasts growing on n-alkanes, Mikrobiologiya 42 (5), 790-794. Finogenova, T. V., S. V. Kamzolova, E. G. Dedyukhina, N. V. Shishkanova, A. P. Il'chenko, I. G. Morgunov, O. G. Chernyavskaya and A. P. Sokolov (2002) Biosynthesis of citric and isocitric acids from ethanol by mutant Yarrowia lipolytica N 1 under continuous cultivation, Applied Microbiology And Biotechnology 59 (4-5), 493-500. Fournier, P., L. Guyaneux, M. Chasles and C. Gaillardin (1991) Scarcity of ARS sequences isolated in a morphogenesis mutant of the yeast Yarrowia lipolytica, Yeast 7 (1), 2536. Gaillardin, C. and A. M. Ribet (1987) LEU2 directed expression of beta-galactosidase activity and phleomycin resistance in Yarrowia lipolytica, Current Genetics 11 (5), 369-375. Gaillardin, C., A. M. Ribet and H. Heslot (1985) Integrative transformation of the yeast Yarrowia lipolytica, Current Genetics 10 (1), 49-58. Gill, C. O., M. J. Hall and C. Ratledge (1977) Lipid-accumulation in an oleaginous yeast (Candida 107) growing on glucose in single-stage continuous culture, Applied And Environmental Microbiology 33 (2), 231-239. Glatz, B. A., M. D. Floetenmeyer and E. G. Hammond (1985) Fermentation of bananas and other food wastes to produce microbial lipid, Journal Of Food Protection 48 (7), 574577. Granger, L. M. (1992) Caractérisation cinétique et stœchiométrique de la synthèse d'acides gras chez Rhodotorula glutinis, Toulouse, Université de Toulouse. Granger, L. M., P. Perlot, G. Goma and A. Pareilleux (1993) Effect of various nutrient limitations on fatty-acid production by Rhodotorula glutinis, Applied Microbiology And Biotechnology 38 (6), 784-789. Guevara-Olvera, L., Calvo-Méndez, C. and Ruíz-Herrera, J. (1993). The role of polyamine metabolism in dimorphism of Yarrowia lipolytica. J. Gen. Microbiol. 193: 485-493. Hagihara, T., M. Mishina, A. Tanaka and S. Fukui (1977) Studies on physiology and metabolism of hydrocarbon-utilizing microorganisms. 21. Utilization of pristane by a yeast Candida lipolytica fatty-acid composition of pristane-grown cells, Agricultural And Biological Chemistry 41 (9), 1745-1748. Hamid, S., S. A. Khan, M. Saeed and M. Z. Iqbal (1995) Lipid production by Candida curvata, Fett Wissenschaft Technologie-Fat Science Technology 97 545-548. Hamilton, J. A. (1998) Fatty acid transport: difficult or easy? Journal Of Lipid Research 39 (3), 467-481. 224 Hansson, L. and M. Dostalek (1986) Effect of culture conditions on fatty-acid composition in lipids produced by the yeast Cryptococcus albidus var albidus, Journal Of The American Oil Chemists Society 63 (9), 1179-1184. Hassan, M., P. J. Blanc, L. M. Granger, A. Pareilleux and G. Goma (1996) Influence of nitrogen and iron limitations on lipid production by Cryptococcus curvatus grown in batch and fed-batch culture, Process Biochemistry 31 (4), 355-361. Hassan, M., P. J. Blanc, A. Pareilleux and G. Goma (1994) Production of single-cell oil from prickly-pear juice fermentation by Cryptococcus curvatus grown in batch culture, World Journal Of Microbiology & Biotechnology 10 (5), 534-537. Hathaway, J. A. and D. E. Atkinson (1963) Effect of adenylic acid on yeast nicotinamide adenine dinucleotide isocitrate dehydrogenase, a possible metabolic control mechanism, Journal Of Biological Chemistry 238 (8), 2875-&. Heslot, H., (1990) Genetics and genetic engineering of the industrial yeast Yarrowia lipolytica, Adv. Biochem. Eng. Biotechnol 43, 43-73. Hiltunen, J. K., S. A. Filppula, H. M. Hayrinen, K. T. Koivuranta and E. H. Hakkola (1993) Peroxisomal beta-oxidation of polyunsaturated fatty-acids, Biochimie 75 (3-4), 175182. Holdsworth, J. E. and C. Ratledge (1988) Lipid turnover in oleaginous yeasts, Journal Of General Microbiology 134 339-346. Holloway, P. W. and J. T. Katz (1972) Requirement for cytochrome-B5 in microsomal stearyl coenzyme-A desaturation, Biochemistry 11 (20), 3689-&. Hunkova, Z. and A. Fencl (1978) Toxic effects of fatty acids on yeast cells: Possible mechanisms of action, Biotechnology and Bioengineering 20 (8), 1235-1247. Hunkova, Z. and Z. Fencl (1977) Toxic effects of fatty-acids on yeast-cells - dependence of inhibitory effects on fatty-acid concentration, Biotechnology And Bioengineering 19 (11), 1623-1641. Igual, J. C., C. Gonzalezbosch, L. Franco and J. E. Perezortin (1992) The POT1 gene for yeast peroxisomal thiolase is subject to 3 different mechanisms of regulation, Molecular Microbiology 6 (14), 1867-1875. Iida, T., A. Ohta and M. Takagi (1998) Cloning and characterization of an n-alkane-inducible cytochrome P450 gene essential for n-decane assimilation by Yarrowia lipolytica, Yeast 14 (15), 1387-1397. Il'chenko, A. P., O. G. Chernyavskaya, N. V. Shishkanova and T. V. Finogenova (2002) Metabolism of Yarrowia lipolytica grown on ethanol under conditions promoting the production of alpha-ketoglutaric and citric acids: A comparative study of the central metabolism enzymes, Microbiology 71 (3), 269-274. Jean, P. (1969) Dosage du phosphore dans le lait, Lait 49 (483-484), 175-188. Johnson, D. R., L. J. Knoll, D. E. Levin and J. I. Gordon (1994) Saccharomyces cerevisiae contains 4 fatty-acid activation (FAA) genes - An assessment of their role in regulating protein n-myristoylation and cellular lipid-metabolism, Journal Of Cell Biology 127 (3), 751-762. Johnson, V. W., M. Singh, V. S. Saini, D. K. Adhikari, V. Sista and N. K. Yadav (1995) Utilization of molasses for the production of fat by an oleaginous yeast, Rhodotorula glutinis Iip-30, Journal Of Industrial Microbiology 14 (1), 1-4. Jolivet, P., C. Queiroz-Claret, E. Bergeron and J. C. Meunier (1998) Characterization of an exocellular protein phosphatase with dual substrate specificity from the yeast Yarrowia lipolytica, International Journal Of Biochemistry & Cell Biology 30 (7), 783-796. 225 Juretzek, T., M. T. Le Dall, S. Mauersberger, C. Gaillardin, G. Barth and J. M. Nicaud (2001) Vectors for gene expression and amplification in the yeast Yarrowia lipolytica, Yeast 18 (2), 97-113. Juretzek, T., H.-J. Wang, J.-M. Nicaud, S. Mauersberger and G. Barth (2000) Comparison of promoters suitable for regulated overexpression of β-galactosidase in the alkaneutilizing yeast Yarrowia lipolytica, Biotechnology and Bioprocess Engineering 5 (5), 320. Kalle, G. P., S. V. Gadkari and S. Y. Deshpande (1972) Inducibility of lipase in Candida lipolytica, Indian J Biochem Biophys 9 (2), 171-175. Kampf, J. P. (2007) Is membrane transport of FFA mediated by lipid, protein, or both? An unknown protein mediates free fatty acid transport across the adipocyte plasma membrane, Physiology 22 7-14. Kamzolova, S. V., T. V. Finogenova, Y. N. Lunina, O. A. Perevoznikova, L. N. Minachova and I. G. Morgunov (2007) Characteristics of the growth on rapeseed oil and synthesis of citric and isocitric acids by Yarrowia lipolytica yeasts, Microbiology 76 (1), 20-24. Karpichev, I. V. and G. M. Small (1998) Global regulatory functions of Oaf1p and Pip2p (Oaf2p), transcription factors that regulate genes encoding peroxisomal proteins in Saccharomyces cerevisiae, Molecular And Cellular Biology 18 (11), 6560-6570. Kaur, P. and J. T. Worgan (1982) Lipid production by Aspergillus oryzae from starch substrates, European Journal Of Applied Microbiology And Biotechnology 16 (2-3), 126-130. Klug, M. J. and A. J. Markovetz (1967) Degradation of hydrocarbons by members of the genus Candida: I. Hydrocarbon assimilation, Appl. Environ. Microbiol. 15 (4), 690693. Kohlwein, S. D. and F. Paltauf (1980) Fatty-acid transport in yeast, European Journal Of Cell Biology 22 (1), 509-509. Kosaric, N., J. E. Zajic, G. Aboue, T. Jack and D. Gerson (1979) Lipase synthesis in hydrocarbon fermentation, Biotechnology And Bioengineering 21 (7), 1133-1149. Kurtzman, C. P. (2005) New species and a new combination in the Hyphopichia and Yarrowia yeast clades, Antonie Van Leeuwenhoek International Journal Of General And Molecular Microbiology 88 (2), 121-130. Larsson, C., A. Nilsson, A. Blomberg and L. Gustafsson (1997) Glycolytic flux is conditionally correlated with ATP concentration in Saccharomyces cerevisiae: a chemostat study under carbon- or nitrogen-limiting conditions, Journal Of Bacteriology 179 (23), 7243-7250. Latruffe, N., M. C. Malki, V. Nicolas-Frances, B. Jannin, M. C. Clemencet, F. Hansmannel, P. Passilly-Degrace and J. P. Berlot (2001) Peroxisome-proliferator-activated receptors as physiological sensors of fatty acid metabolism: molecular regulation in peroxisomes, Biochemical Society Transactions 29 305-309. Ledall, M. T., J. M. Nicaud and C. Gaillardin (1994) Multiple-copy integration in the yeast Yarrowia lipolytica, Current Genetics 26 (1), 38-44. Li,Y., Zhao, Z., Bai, F., (2007) High-density cultivation of oleaginous yeast Rhodosporidium toruloides Y4 in fed-batch culture. Enzyme Microb. Technol. 41, 312–317. Luo, Y. S., J. M. Nicaud, P. P. Van Veldhoven and T. Chardot (2002) The acyl-CoA oxidases from the yeast Yarrowia lipolytica: characterization of Aox2p, Archives Of Biochemistry And Biophysics 407 (1), 32-38. Ma, Y., (2006) Microbial oils and its research advance. Chin. J. Bioprocess. Eng. 4, 7–11. Madzak, C., C. Gaillardin and J.-M. Beckerich (2004) Heterologous protein expression and secretion in the non-conventional yeast Yarrowia lipolytica: a review, Journal of Biotechnology 109 (1-2), 63. 226 Madzak, C., B. Treton and S. Blanchin-Roland (2000) Strong hybrid promoters and integrative expression/secretion vectors for quasi-constitutive expression of heterologous proteins in the yeast Yarrowia lipolytica, Journal Of Molecular Microbiology And Biotechnology 2 (2), 207-216. Matoba, S., J. Fukayama, R. A. Wing and D. M. Ogrydziak (1988) Intracellular precursors and secretion of alkaline extracellular protease of Yarrowia lipolytica, Molecular And Cellular Biology 8 (11), 4904-4916. McDonough, V. M., J. E. Stukey and C. E. Martin (1992) Specificity of unsaturated fatty acid-regulated expression of the Saccharomyces cerevisiae OLE1 gene, Journal Of Biological Chemistry 267 (9), 5931-5936. McEwen, R. K. and T. W. Young (1998) Secretion and pH-dependent self-processing of the pro-form of the Yarrowia lipolytica acid extracellular protease, Yeast 14 (12), 11151125. Meesters, P., G. N. M. Huijberts and G. Eggink (1996) High cell density cultivation of the lipid accumulating yeast Cryptococcus curvatus using glycerol as a carbon source, Applied Microbiology And Biotechnology 45 (5), 575-579. Meng, X.,Yang, J., Xu, X., Zhang, L. et al., (2009) Biodiesel production from oleaginous microorganisms. Renew. Energ. 34, 1–5 Metting B, Pyne JW. (1996) Biologically-active compounds from microalgae. Enzyme Microb Technol, 8, 386–94. Meyer, K. H. and E. Schweizer (1976) Control of fatty-acid synthetase levels by exogeneous long-chain fatty-acids in yeasts Candida lipolytica and Saccharomyces cerevisiae, European Journal Of Biochemistry 65 (2), 317-324. Milsom, P. E. (1987) Gamma-linolenic acid production by fermentation, Journal Of The Science Of Food And Agriculture 39 (4), 370-370. Mlickova, K., E. Roux, K. Athenstaedt, S. d'Andrea, G. Daum, T. Chardot and J. M. Nicaud (2004) Lipid accumulation, lipid body formation, and acyl coenzyme A oxidases of the yeast Yarrowia lipolytica, Applied And Environmental Microbiology 70 (7), 39183924. Montet, D., R. Ratomahenina, P. Galzy, M. Pina and J. Graille (1985) A study of the influence of the growth media on the fatty-acid composition in Candida lipolytica Diddens and Lodder, Biotechnology Letters 7 (10), 733-736. Moon, N. J. and E. G. Hammond (1978) Oil production by fermentation of lactose and effect of temperature on fatty-acid composition, Journal Of The American Oil Chemists Society 55 (10), 683-688. Moon, N. J., E. G. Hammond and B. A. Glatz (1978) Conversion of cheese whey and whey permeate to oil and single-cell protein, Journal Of Dairy Science 61 (11), 1537-1547. Moreton, R. S. (1985) Modification of fatty-acid composition of lipid accumulating yeasts with cyclopropene fatty-acid desaturase inhibitors, Applied Microbiology And Biotechnology 22 (1), 41-45. Morgunov, I. G., S. V. Kamzolova, A. P. Sokolov and T. V. Finogenova (2004) The isolation, purification, and some properties of NAD-dependent isocitrate dehydrogenase from the organic acid-producing yeast Yarrowia lipolytica, Microbiology 73 (3), 249-254. Mulder, J. L., M. A. Ghannoum, L. Khamis and K. Abuelteen (1989) Growth and lipidcomposition of some dematiaceous hyphomycete fungi grown at different salinities, Journal Of General Microbiology 135 3393-3404. Müller, S. (1998) Nonconventional yeasts in biotechnology. A handbook., Springer-Verlag Berlin, Heidelberg, New York, London, Paris, Tokyo, Hong Kong. Naumova, E., G. Naumov, P. Fournier, H. V. Nguyen and C. Gaillardin (1993) Chromosomal-polymorphism of the yeast Yarrowia lipolytica and related species - 227 electrophoretic karyotyping and hybridization with cloned genes, Current Genetics 23 (5-6), 450-454. Navarro, B. and J. C. Igual (1994) ADR1 and SNF1 mediate different mechanisms in transcriptional regulation of yeast POT1 gene, Biochemical And Biophysical Research Communications 202 (2), 960-966. Neuveglise, C., H. Feldmann, E. Bon, C. Gaillardin and S. Casaregola (2002) Genomic evolution of the long terminal repeat retrotransposons in hemiascomycetous yeasts, Genome Research 12 (6), 930-943. Nicaud, J. M., E. Fabre, J. M. Beckerich, P. Fournier and C. Gaillardin (1989) Cloning, sequencing and amplification of the alkaline extracellular protease (XPR2) gene of the yeast Yarrowia lipolytica, Journal Of Biotechnology 12 (3-4), 285-298. Nicaud, J. M., A. Le Clainche, M. T. Le Dall, H. J. Wang and C. Gaillardin (1998) Yarrowia lipolytica, a yeast model for the genetic studies of hydroxyl-fatty acids biotransformation into lactones, Journal Of Molecular Catalysis B-Enzymatic 5 (1-4), 175-181. Nicaud, J. M., C. Madzak, P. van den Broek, C. Gysler, P. Duboc, P. Niederberger and C. Gaillardin (2002) Protein expression and secretion in the yeast Yarrowia lipolytica, Fems Yeast Research 2 (3), 371-379. Oelkers, P., D. Cromley, M. Padamsee, J. T. Billheimer and S. L. Sturley (2002) The DGA1 gene determines a second triglyceride synthetic pathway in yeast, Journal Of Biological Chemistry 277 (11), 8877-8881. Olukoshi, E. R., Packter, N. M., (1994) Importance of stored triacylglycerols in Streptomyces: possible carbon source for antibiotics. Microbiology, 140, 931–943. Ogrydziak, D., J. Bassel, R. Contopoulou and R. Mortimer (1978) Development of genetic techniques and genetic map of yeast Saccharomycopsis lipolytica, Molecular & General Genetics 163 (3), 229-239. Ogrydziak, D., J. Bassel and R. Mortimer (1982) Development of the genetic-map of the yeast Saccharomycopsis lipolytica, Molecular & General Genetics 188 (2), 179-183. Ogrydziak, D. M. (1988) Development of genetic maps of non-conventional yeasts, Journal Of Basic Microbiology 28 (3), 185-196. Ota, Y., Y. Morimoto, T. Sugiura and Y. Minoda (1978) Soybean fraction increasing extracellular lipase production by Saccharomycopsis lipolytica (Candida paralipolytica), Agricultural And Biological Chemistry 42 (10), 1937-1938. Ota, Y., S. Oikawa, Y. Morimoto and Y. Minoda (1984) Nutritional factors causing mycelial development of Saccharomycopsis lipolytica, Agricultural And Biological Chemistry 48 (8), 1933-1939. Otero, R. C. and C. Gaillardin (1996) Efficient selection of hygromycin-B-resistant Yarrowia lipolytica transformants, Applied Microbiology and Biotechnology 46 (2), 143. Palmieri, L., H. Rottensteiner, W. Girzalsky, P. Scarcia, F. Palmieri and R. Erdmann (2001) Identification and functional reconstitution of the yeast peroxisomal adenine nucleotide transporter, Embo Journal 20 (18), 5049-5059. Pan, J. G. and J. S. Rhee (1986a) Biomass yields and energetic yields of oleaginous yeasts in batch culture, Biotechnology And Bioengineering 28 (1), 112-114. Pan, J. G. and J. S. Rhee (1986b) Kinetic and energetic analyses of lipid-accumulation in batch culture of Rhodotorula glutinis, Journal Of Fermentation Technology 64 (6), 557-560. Papanikolaou, S. (1998) Etude du comportement physiologique d'une souche de Yarrowia lipolytica à partir de co-produits industriels: production orientée de lipides cellulaires, I.N.P.L.-C.N.R.S., Nancy, France. 228 Papanikolaou, S. and G. Aggelis (2002) Lipid production by Yarrowia lipolytica growing on industrial glycerol in a single-stage continuous culture, Bioresource Technology 82 (1), 43-49. Papanikolaou, S., I. Chevalot, M. Komaitis, I. Marc and G. Aggelis (2002) Single cell oil production by Yarrowia lipolytica growing on an industrial derivative of animal fat in batch cultures, Applied Microbiology And Biotechnology 58 (3), 308-312. Papanikolaou, S., S. Fakas, M. Fick, I. Cheualot, M. Galiotou-Panayotou, M. Komaitis, I. Marc and G. Aggelis (2008) Biotechnological valorisation of raw glycerol discharged after bio-diesel (fatty acid methyl esters) manufacturing process: Production of 1,3propanediol, citric acid and single cell oil, Biomass & Bioenergy 32 (1), 60-71. Papanikolaou, S., L. Muniglia, I. Chevalot, G. Aggelis and I. Marc (2003) Accumulation of a cocoa-butter-like lipid by Yarrowia lipolytica cultivated on agro-industrial residues, Current Microbiology 46 (2), 124-130. Pareilleux, A. (1978) Croissance de microorganismes sur hydrocarbures: contribution à l'étude du mécanisme de transfert, Université Paul Sabatier, Toulouse, France. Pereira-Meirelles, F.V., Rocha-Leão, M.H.M. and Sant'Anna Jr., G.L., (1997) A stable lipase from Candida lipolytica: cultivation conditions and crude enzyme characteristics, Appl. Biochem. Biotechnol., 63-65, 73-85. Peters, I. I. and F. E. Nelson (1948) Factors influencing the production of lipase by Mycotorula lipolytica, J. Bacteriol. 55 (5), 581-591. Peters, I. I. and F. E. Nelson (1951) Vitamin requirements for lipase production by Candida lipolytica, J. Bacteriol. 61 (5), 591-593. Pignede, G., H. J. Wang, F. Fudalej, C. Gaillardin, M. Seman and J. M. Nicaud (2000) Characterization of an extracellular lipase encoded by LIP2 in Yarrowia lipolytica, Journal Of Bacteriology 182 (10), 2802-2810. Poncet, S. and M. Arpin (1965) Les Candida sans pouvoir fermentaire (Cryptococcacées), Antonie van Leeuwenhoek 31 (1), 433. Ratledge, C. (1984a) Biotechnology as applied to the oils and fats industry, Fette Seifen Anstrichmittel 86 (10), 379-389. Ratledge, C. (1984b) Biotechnology for the oils and fats industry, edited by C. Ratledge, P.S.S. Dawson and J.B.M. Rattray, American Oil Chemists' Society, Champaign, IL. Ratledge, C. (1987) Lipid Biotechnology - A wonderland for the microbial physiologist, Journal Of The American Oil Chemists Society 64 (12), 1647-1656. Ratledge, C. (2002) Regulation of lipid accumulation in oleaginous micro-organisms, Biochemical Society Transactions 30 1047-1050. Ratledge, C. (2004) Fatty acid biosynthesis in microorganisms being used for Single Cell Oil production, Biochimie 86 (11), 807-815. Ratledge, C. and M. J. Hall (1979) Accumulation of lipid by Rhodotorula glutinis in continuous culture, Biotechnology Letters 1 (3), 115-120. Ratledge, C. and S. C. Wilkinson (1989) Microbial lipids, Academic Press Limited. Ratledge, C. and J. P. Wynn, (2002) The biochemistry and molecular biology of lipid accumulation in oleaginous microorganisms, Advances In Applied Microbiology 51, 151. Rattray, J. B. M., A. Schibeci and D. K. Kidby (1975) Lipids of yeasts, Bacteriological Reviews 39 (3), 197-231. Rolph, C. E., R. S. Moreton and J. L. Harwood (1989) Acyl lipid-metabolism in the oleaginous yeast Rhodotorula gracilis (Cbs-3043), Lipids 24 (8), 715-720. Rolph, C. E., R. S. Moreton and J. L. Harwood (1990) Control of acyl lipid desaturation in the yeast Rhodotorula gracilis via the use of the cyclopropenoid fatty-acid sterculate, Applied Microbiology And Biotechnology 34 (1), 91-96. 229 Rottensteiner, H., A. J. Kal, M. Filipits, M. Binder, B. Hamilton, H. F. Tabak and H. Ruis (1996) Pip2p: A transcriptional regulator of peroxisome proliferation in the yeast Saccharomyces cerevisiae, Embo Journal 15 (12), 2924-2934. Ruiz-Herrera, J. and R. Sentandreu (2002) Different effectors of dimorphism in Yarrowia lipolytica, Archives Of Microbiology 178 (6), 477-483. Rupcic, J., B. Blagovic and V. Maric (1996) Cell lipids of the Candida lipolytica yeast grown on methanol, Journal Of Chromatography A 755 (1), 75-80. Sarubbo, L. A., M. C. R. Marcal and G. M. Campos-Takaki (1997) Comparative study on bioemulsifiers produced by Candida lipolytica strains, Arquivos De Biologia E Tecnologia 40 (3), 707-720. Saxena, V., C. D. Sharma, S. D. Bhagat, V. S. Saini and D. K. Adhikari (1998) Lipid and fatty acid biosynthesis by Rhodotorula minuta, Journal Of The American Oil Chemists Society 75 (4), 501-505. Schweizer, E., K. Werkmeister and M. K. Jain (1978) Fatty-acid biosynthesis in yeast, Molecular And Cellular Biochemistry 21 (2), 95-107. Shani, N. and D. Valle (1996) A Saccharomyces cerevisiae homolog of the human adrenoleukodystrophy transporter is a heterodimer of two half ATP-binding cassette transporters, Proceedings Of The National Academy Of Sciences Of The United States Of America 93 (21), 11901-11906. Shashi, K., A. K. Bachhawat and R. Joseph (1990) ATP: citrate lyase of Rhodotorula gracilis: purification and properties, Biochimica et Biophysica Acta (BBA) - General Subjects 1033 (1), 23. Shi, S., Valle-Rodriguez, J.O., et al. (2011) Prospects for microbial biodiesel production, Biotechnol. Jour., 6,277-285 Skinner, C. E. and D. W. Fletcher (1960) A review of the genus Candida, Microbiol. Mol. Biol. Rev. 24 (4), 397-416. Smit, M. S., M. M. Mokgoro, E. Setati and J. M. Nicaud (2005) Alpha,omega-Dicarboxylic acid accumulation by acyl-CoA oxidase deficient mutants of Yarrowia lipolytica, Biotechnology Letters 27 (12), 859-864. Somashekar, D.,Venkateshwaran, G., Sambaiah, K., Lokesh, B. R., (2003) Effect of culture conditions on lipid and gammalinolenic acid production by mucoraceous fungi. Proc. Biochem. 38, 1719–1724. Sorger, D. and G. Daum (2002) Synthesis of triacylglycerols by the acyl-coenzyme A: Diacyl-glycerol acyltransferase Dga1p in lipid particles of the yeast Saccharomyces cerevisiae, Journal Of Bacteriology 184 (2), 519-524. Souciet, J. L. (2003) Exploration génomique de levures hémiascomycètes, Les Actes du BRG 4 305-314. Stukey, J. E., V. M. McDonough and C. E. Martin (1989) Isolation and characterization of OLE1, a gene affecting fatty-acid desaturation from Saccharomyces cerevisiae, Journal Of Biological Chemistry 264 (28), 16537-16544. Tan, K. H. and C. O. Gill (1984) Effect of culture conditions on batch growth of Saccharomycopsis lipolytica on olive oil, Applied Microbiology And Biotechnology 20 (3), 201-206. Tan, K. H. and C. O. Gill (1985) Batch growth of Saccharomycopsis lipolytica on animal fats, Applied Microbiology And Biotechnology 21 (5), 292-298. Tehlivets, O., K. Scheuringer and S. D. Kohlwein (2007) Fatty acid synthesis and elongation in yeast, Biochimica Et Biophysica Acta-Molecular And Cell Biology Of Lipids 1771 (3), 255-270. 230 Thevenieau, F. (2006) Ingénierie métabolique de la levure Yarrowia lipolytica pour la production d'acides dicarbolyliques à partir d'huiles végétales, Institut National Agronomique Paris-Grignon. Thorpe, R. F. and C. Ratledge (1972) Fatty-acid distribution in triglycerides of yeasts grown on glucose or alkanes, Journal Of General Microbiology 72 (AUG), 151-&. Titorenko, V. I., J. M. Nicaud, H. J. Wang, H. Chan and R. A. Rachubinski (2002) Acyl-CoA oxidase is imported as a heteropentameric, cofactor-containing complex into peroxisomes of Yarrowia lipolytica, Journal Of Cell Biology 156 (3), 481-494. Toshiya Iida, T. S. A. O. M. T. (2000) The cytochrome P450ALK multigene family of an nalkane-assimilating yeast, Yarrowia lipolytica: cloning and characterization of genes coding for new CYP52 family members, Yeast 16 (12), 1077-1087. Trindade, J. R., M. G. Freire, P. F. F. Amaral, M. A. Z. Coelho, J. A. P. Coutinho and I. M. Marrucho (2008) Aging mechanisms of oil-in-water emulsions based on a bioemulsifier produced by Yarrowia lipolytica, Colloids And Surfaces APhysicochemical And Engineering Aspects 324 (1-3), 149-154. Trotter, P. J., Y. Sun and A. S. Tibbetts (2001) Involvement of the yeast mitochondrial transporters Odc1p and Ocd2p in utilization of oleic acid as sole carbon source, Faseb Journal 15 (4), A191-A191. Van Roermund, C. W. T., E. H. Hettema, M. van den Berg, H. F. Tabak and R. J. A. Wanders (1999) Molecular characterization of carnitine-dependent transport of acetyl-CoA from peroxisomes to mitochondria in Saccharomyces cerevisiae and identification of a plasma membrane carnitine transporter, Agp2p, Embo Journal 18 (21), 5843-5852. Van Roermund, C. W. T., Y. Elgersma, N. Singh, R. J. A. Wanders and H. F. Tabak (1995) The membrane of peroxisomes in Saccharomyces cerevisiae is impermeable to NAD(H) and Acetyl-Coa under in-vivo conditions, Embo Journal 14 (14), 3480-3486. Vance-Harrop, M. H., N. B. de Gusmao and G. M. de Campos-Takaki (2003) New bioemulsifiers produced by Candida lipolytica using D-glucose and babassu oil as carbon sources, Brazilian Journal Of Microbiology 34 (2), 120-123. Vance, D. E. and J. Vance (1991) Biochemistry of Lipids, Lipoproteins and membranes, Elsevier Science Publishers, Amsterdam. Vanhanen, S., M. West, J. T. M. Kroon, N. Lindner, J. Casey, Q. Cheng, K. M. Elborough and A. R. Slabas (2000) A consensus sequence for long-chain fatty-acid alcohol oxidases from Candida identifies a family of genes involved in lipid omega -oxidation in yeast with homologues in plants and bacteria, J. Biol. Chem. 275 (6), 4445-4452. Vasilevatonkova, E. S., D. N. Galabova, M. A. Balasheva and A. V. Sotirova (1993) Purification and partial characterization of acid-phosphatase from Candida lipolytica, Journal Of General Microbiology 139 479-483. Vega, R. and A. Dominguez (1986) Cell-wall compositiono the yeast and mycelial forms of Yarrowia lipolytica, Archives Of Microbiology 144 (2), 124-130. Wache, Y., M. Aguedo, J. M. Nicaud and J. M. Belin (2003) Catabolism of hydroxyacids and biotechnological production of lactones by Yarrowia lipolytica, Applied Microbiology And Biotechnology 61 (5-6), 393-404. Wakil, S. J., J. K. Stoops and V. C. Joshi (1983) Fatty-acid synthesis and its regulation, Annual Review Of Biochemistry 52 537-579. Waltermann, M., Luftmann, H., Baumeister, D., Kalscheuer, R., Steinbuchel, A., (2000) Rhodococcus opacus strain PD630 as a new source of high-value single-cell oil? Isolation and characterization of triacylglycerols and other storage lipids. Microbiology, 146, 1143–1149. Walt, J. P. and J. A. Arx (1980) The yeast genus Yarrowia gen. nov, Antonie van Leeuwenhoek 46 (6), 517. 231 Wang, H. J., A. Le Clainche, M. T. Le Dall, Y. Wache, Y. Pagot, J. M. Belin, C. Gaillardin and J. M. Nicaud (1998) Cloning and characterization of the peroxisomal acyl CoA oxidase ACO3 gene from the alkane-utilizing yeast Yarrowia lipolytica, Yeast 14 (15), 1373-1386. Wang, H. J. J., M. T. Le Dall, Y. Wache, C. Laroche, J. M. Belin, C. Gaillardin and J. M. Nicaud (1999) Evaluation of acyl coenzyme A oxidase (Aox) isozyme function in the n-alkane-assimilating yeast Yarrowia lipolytica, Journal Of Bacteriology 181 (17), 5140-5148. Wang, T. W., Y. Luo and G. M. Small (1994) The POX1 gene encoding peroxisomal acylCoA oxidase in Saccharomyces cerevisiae is under the control of multiple regulatory elements, Journal Of Biological Chemistry 269 (39), 24480-24485. Welch, J. W. and Burlinga. A. L. (1973) Very long-chain fatty-acids in yeast, Journal Of Bacteriology 115 (1), 464-466. Wu, S. G., C. M. Hu, G. J. Jin, X. Zhao and Z. K. Zhao (2010) Phosphate-limitation mediated lipid production by Rhodosporidium toruloides, Bioresource Technology 101 (15), 6124-6129. Yamagami, S., T. Iida, Y. Nagata, A. Ohta and M. Takagi (2001) Isolation and characterization of acetoacetyl-CoA thiolase gene essential for n-decane assimilation in yeast Yarrowia lipolytica, Biochemical and Biophysical Research Communications 282 (3), 832. Yamauchi, H., H. Mori, T. Kobayashi and S. Shimizu (1983) Mass-production of lipids by Lipomyces starkeyi in microcomputer-aided fed-batch culture, Journal Of Fermentation Technology 61 (3), 275-280. Ykema, A., M. M. Kater and H. Smit (1989) Lipid production in wheypermeate by an unsaturated fatty-acid mutant of the oleaginous yeast Apiotrichum curvatum, Biotechnology Letters 11 (7), 477-482. Young, T. W., A. Wadeson, D. J. Glover, R. V. Quincey, M. J. Butlin and E. A. Kamei (1996) The extracellular acid protease gene of Yarrowia lipolytica: Sequence and pHregulated transcription, Microbiology-Uk 142, 2913-2921. Zhang Y, Adams IP, Ratledge C. (2007) Malic enzyme: the controlling activity for lipid production? Overexpression of malic enzyme in Mucor circinelloides leads to a 2.5 fold increase in lipid accumulation. Microbiology 153, 2013–2025. 232