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CONTRIBUTION A LA REFLEXION DE LA MISSION PRESIDENTIELLE
SUR LA FIN DE VIE A PROPOS DES PATIENTS DITS EN ‘ETAT
VEGETATIF CHRONIQUE’ ET PAUCI-RELATIONNEL
• 10 décembre 2012
PLAN
I – CLINIQUE DE L’EVC-EPR
II – L’ENTOURAGE DES PATIENTS EVC-EPR
III – SOINS ET ARRÊTS DES SOINS
En Ile-de-France (12 millions d’habitants), depuis la diffusion de la circulaire
ministérielle du 3 mai 2002 recommandant les conditions dans lesquelles devaient
être prises en charge les personnes dites en ‘état végétatif chronique’ (EVC) et/ou
en état pauci-relationnel (EPR), dix-huit unités ont été autorisées à ce jour pour
les accueillir dans un projet de soin, ce qui concerne 150 patients.
Près de 50 autres personnes sont actuellement en attente d’un placement dans
ces unités et un nombre similaire de personnes sont présentes soit dans des unités
non adaptées à leur état, soit parfois à leur domicile du fait de l’absence de
solutions ou de choix personnels.
Sur la région Rhône-Alpes (6 millions d’habitants), mieux dotée en nombre de lits,
120 personnes sont aujourd’hui accueillies dans des unités dédiées.
Il convient de noter également que, si l’étiologie chirurgicale (traumatisme crânien
surtout) prédominait il y a 10 ans, les circonstances médicales (anoxie cérébrale)
aujourd’hui sont plus nombreuses.
Il existe très peu de données épidémiologiques sur ces réalités médicales.
-1-
I - CLINIQUE DE L’EVC-EPR
Il existe une distinction fondamentale entre état végétatif chronique (ou
présentant un syndrome d’éveil non-répondant) et état pauci-relationnel
(ou état de conscience minimale).
Ces patients sont sortis du coma, ils ont récupéré leurs fonctions végétatives et ne
dépendent plus d’une ventilation assistée.
Les patients véritablement en état végétatif chronique (EVC) sont très rares. Il
s’agit de patients présentant une alternance veille-sommeil mais sans
manifestation de la conscience. Selon les études réalisées pour déterminer la « limite » entre ‘état végétatif’ et
pauci-relationnel, dès que le patient présente un suivi du regard soutenu
(idéalement testé avec un miroir), il est considéré comme étant en état paucirelationnel et non plus en ‘état végétatif’.
L’état pauci-relationnel (EPR) est donc beaucoup plus habituel, que ce soit
après un traumatisme crânien grave ou après une anoxie cérébrale.
Selon la circulaire DHOS/DGTS/DGAS n° 288 du 3 mai 2002 (relative à la création
d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état
pauci-relationnel) : « Il est rare qu'une personne en état végétatif soit totalement
arelationnelle. La plupart du temps, il existe un degré minimal de réponse
volontaire à quelques stimulations, réponse fluctuante selon les moments de la
journée : cette situation clinique est qualifiée d'“état pauci-relationnel”. » Ces
patients présentent alors des troubles de la participation motrice et cognitive
majeurs. Il en résulte une dépendance motrice totale et des troubles de la
conscience responsables d’un défaut de communication et d’interaction avec le
monde extérieur.
Qu’ils soient en état végétatif ou pauci-relationnel, ces patients sont totalement
dépendants de tierces personnes pour tous les gestes de la vie quotidienne (en
raison d’une double hémiplégie ou hémiparésie). Ils sont généralement alimentés
exclusivement par voie entérale exclusive (en raison des troubles de déglutition et
des troubles de conscience), certains sont porteurs d’une trachéotomie. Ils ont
tous des capacités limitées de communication et d’interaction (de manière variable
d’un patient à un autre). Ils peuvent donc être considérés objectivement
comme présentant une limitation très sévère d’activité et de participation.
On peut noter 3 phases dans l’évolution au cours du temps des patients
en état de conscience altérée :
‐
‐
La première, aiguë, juste après et dans les premiers mois de l’accident
causant les troubles neurologiques, en réanimation ou en neurochirurgie,
puis dans un service de SSR spécialisés en neurologie. La démarche
soignante vise alors à donner au patient un maximum de chances
d’évolution positive, d’où une médicalisation forte de la prise en
charge. Il est difficile d’envisager, même si la chance d’évolution favorable
n’est parfois que de 10 %, que l’on ne donne pas toutes ses chances à un
patient.
Une fois la situation aiguë passée (3 à 12 mois en fonction des pathologies à
l’origine de l’état végétatif ou pauci-relationnel), l’état du patient s’installe
dans une chronicité stabilisée par des soins de support. Lors de cette
phase il ressort des discussions que la question de la fin de vie ne se
pose pas, le patient n’étant pas en danger mais bien vivant bien que
-2-
‐
dyscommuniquant (non communiquant verbalement).
Enfin une troisième phase (qui peut survenir à n’importe quel moment de
l’évolution, y compris après 10 à 15 ans) où va se poser la question de la fin
de vie à l’occasion d’un épisode aigu mettant en jeu le pronostic vital du
patient et entraînant une dégradation brutale de son état clinique sur la base
d’une évolution chronique.
Il est à souligner que l’évolution postérieure à la phase aiguë
représente une transition vers un nouveau lieu de vie (unités EVC-EPR ou
domicile) et non de fin de vie.
En pratique, de ces trois phases différentes découlent trois types de prise
en charges différentes et de questionnements différents :
‐
Lors de la phase précoce après l’accident, si le patient reste en état
végétatif après sa sortie de coma, la question de l’arrêt de soins en
réanimation peut être évoquée. Le questionnement peut être rapproché de
celui de l’arrêt de la réanimation chez le nouveau-né́ : une modification
de la loi du 22 avril 2005 a été́ récemment proposée pour favoriser le temps
d’observation et de réflexion avant l’arrêt de réanimation.
‐
Si le patient reste en état EVC/EPR chronique stable (par définition 3 mois
après une anoxie et 12 mois après un traumatisme crânien), la personne
est dépendante de soins (nursing) et d’une alimentation entérale. Il s’agit
d’entretenir le lien vital mais aussi le lien humain par une
sollicitation relationnelle quasi constante faite par les proches et les
équipes pluri-disciplinaires. Au sein de l’équipe soignante, la personne
est recentrée en tant que sujet (ne serait-ce que par le port de ses propres
vêtements, par l’utilisation de ses objets personnels comme par exemple ses
CD ou DVD, en essayant de préserver les goûts antérieurs à l’accident) et
resocialisée (par les échanges formels ou informels, verbaux ou non, qu’ont
avec lui les soignants). De plus, si le tissu familial et/ou social du patient a
résisté à l’épuisement dû à une situation qui s’étend sur la durée et à la
violence du traumatisme lié à la perte de l’être pré-existant, ce lien social et
affectif avec le patient sera accompagné, favorisé et privilégié dans le cadre
de son projet de vie. Le patient est vivant dans une situation trop rare
et grave pour se la représenter en dehors des situations
particulières. Rien ne saurait être systématisé et anticipé de manière
déterminée. Les soins sont discutés et les proches sont consultés par
rapport aux axes de prise en charge comme le veut la loi du 22avril
2005v relative aux droits des malades et à la fin de vie.
Dans le cadre de la fin de vie de la personne en EVC/EPR, des soins
palliatifs doivent être mis en place toujours dans le cadre de
décisions collégiales et raisonnées avec les proches du patient (celui-ci
ne pouvant exprimer de manière objective ses volontés et l’idée de
directives anticipées étant difficilement envisageable compte-tenu de la
brutalité de l’apparition de l’accident à l’origine de l’état végétatif ou paucirelationnel).
‐
En somme l’état de conscience de ces personnes peut fluctuer sur un temps très
long, souvent sur plusieurs années. Les composantes de situations
-3-
individuelles complexes ne sauraient être analysées exclusivement d’un
point de vue médical. Le regard que la société porte sur ces réalités extrêmes
de la maladie et du handicap en dit long des ambivalences qui accentuent la
difficulté des décisions et incitent parfois aux logiques du renoncement.
Dans ces circonstances, la vie est en partie définie par les moyens mis en œuvre
pour prendre soin de la personne en EVC-EPR. C’est en reconnaissant cette vie
humaine vulnérable nécessitant des attentions spécifiques que l’on permet
l’investissement progressif de la relation avec la personne en EVC-EPR et ses
proches. Un autre préjugé qui discuterait la nature même de l’existence de la
personne entraverait cet investissement et renforcerait le sentiment que les soins
maintiennent artificiellement une vie dénuée de sens.
L’approche statistique basée sur l’imagerie médicale comme outil de prise
de décision soulève de profondes questions ainsi qu’un certain malaise
dans la façon d’aborder le handicap à venir. Un parallèle peut s’envisager
entre la réanimation néonatale où les conséquences du handicap sur le nouveauné et sur la société sont prises en compte dans la décision d’arrêt thérapeutique,
et la réanimation neurologique où l’évaluation porte plus sur la vie passée du
patient sans qu’il existe dans ce domaine de consensus contrairement à la
néonatalogie. La simplification du raisonnement par les statistiques génère
une gêne. Au cours de la phase initiale on peut observer une conception
minimaliste de la prise en charge qui prévaut, conduisant à un arrêt a
priori des soins avec une réelle perte de chance pour les patients.
Les soignants de réanimation et de neurochirurgie peuvent être inquiets s’agissant
de la capacité d’accueil de la société à l’égard de personnes atteintes de ce type de
handicap ainsi que de son soutien aux familles concernées. Si la projection est trop
négative (manque de place d’aval, situation socio-familiale déjà fragile au moment
de l’accident), la logique semblerait commander de ne pas prendre le risque de
produire un handicap chez une personne que la société ne saurait pas accueillir et
soigner. Or, les examens cliniques et para-cliniques précoces ne sont pas en
mesure d’anticiper le pronostic fonctionnel à long terme. Dès lors il faudrait limiter
les soins a priori afin d’éviter les états d’EVC-EPR vécus comme des échecs.
« Dès 1976 aux États Unis, par le biais des cours de justice. Les parents de Karen
Quinlan, en état végétatif, demandent alors l’arrêt de la ventilation artificielle.
C’est à cette occasion que naissent la notion de droit au refus de traitement
prolongeant la vie (« life sustaining treatment ») et de directives anticipées («
advance directives »). Par la suite, en 1990, avec le cas de Nancy Cruzan, le débat
porte sur la nutrition et l’hydratation, en considérant qu’il s’agit d’une
thérapeutique plus que d’un soin, pouvant par conséquent être suspendu. Apparaît
de plus la notion de personne de confiance (« health care proxy »). Récemment, le
conflit entre les parents et le mari de Teresa Schiavo au sujet de l’arrêt de sa
nutrition et de son hydratation a rappelé combien le débat n’était pas clos1. »
La vision autonomiste appliquée à ces personnes qui, dépourvues de capacité
objective de discernement ne sont plus en état d’exprimer un consentement,
conduit à ne plus les percevoir dans l’intégrité de leur humanité. Dans un tel
contexte le concept d’autonomie s’avère en tant que tel peu recevable
même si le respect de la personne dans son autonomie s’impose à tous.
Les troubles cognitifs entravent la faculté d’affirmation d’une volonté ou d’analyse
1
V. Saout, « Conceptions du soin envers les patients en état végétatif chronique et en état
pauci-relationnel chronique, au sein d’unités dédiées: Points de vue de soignants et analyse
critique », Master 2 recherche éthique, Université Paris 5, Année 2007-2008.
-4-
du réel, pour autant la personne peut toujours être reconnue dans ses
attachements et ses préférences.
Il est capital de noter que le patient n’est pas dans une situation de fin de
vie. Mais alors de quoi s’agit-il ? D’une vie ? D’une vie médicalisée,
dépendante du dispositif paramédical ?
II – L’ENTOURAGE DES PATIENTS EVC-EPR
Les professionnels et les familles témoignent bien souvent d’enjeux
forts dans une relation qui peut se maintenir et se développer dans le
temps pour autant que des dispositifs adaptés et des réponses compétentes
favorisent un accompagnement digne. Un certain nombre de familles organisent le
retour au domicile de la personne en EVC/EPR et ce choix peut être vécu très
sereinement (ref:http:// www. f ra n ceinter. f r /em ission-le-zoom-de-la-re
daction-jea n -pier r e - adams-30-ans-dans-le-coma. Témoignage France inter du
27 mars 2012)
Il s’agit avant tout d’une pathologie s’inscrivant dans le long cours.
De véritables liens se tissent entre famille, soignants et patients. Tant et si
bien qu’il arrive que les proches désignent les soignants comme étant la « famille
d’hôpital » du patient.
La personne doit être reconnue dans ses possibilités d’interaction avec
son environnement.
Le soignant, par la stimulation sensorielle informelle (verbale, tactile, visuelle,
auditive) qu’il met en place lors de ses soins au quotidien auprès du patient, va
engager l’interaction et c’est l’observation des réactions et des modifications du
comportement du patient à cette sollicitation qui va permettre d’entrer en lien, en
relation, en communication. La fiabilité de cette interaction s’affinera au cours du
temps par la découverte de la personne, de ce qu’elle était (grâce à l’apport des
témoignages des proches) et de ce qu’elle est désormais avec ses incapacités et son
handicap. Les proches pourront avoir des interactions encore différentes avec la
personne qui seront « boostées » par la connotation émotionnelle du stimulus. De
même, la famille guidera les soignants dans la redécouverte du sujet dans son
humanité, par ce qui est dévoilé dans les réactions si exclusives entre la personne et
ses proches.
La personne en état de conscience altérée n’est donc pas inerte ou aréactive au
contact de son environnement, mais ses difficultés de communication, ses troubles
de conscience et ses déficits moteurs sont parfois tels qu’ils nécessitent toute notre
attention et une connaissance de la personne pour pouvoir détecter l’existence de
ces manifestations d’interaction.
Une fois réaffirmés les droits du patient, son vécu va nous guider dans la
prise de décision et nous fixer de nouvelles limites, de nouvelles lignes
directrices dans le projet de soins et le projet de vie de la personne.
Il est à noter que la personne en état de conscience altérée ne peut se
définir exclusivement
par
son
autonomie
et
sa
capacité
de
-5-
consentement mais plutôt par ses interactions ainsi que sa place au
sein du groupe familial.
Les proches sont déterminants dans les soins qui pourront être produits, et
subiraient
en
première
ligne
les
conséquences
d’une
décision
d’euthanasie. Se pose alors la question du survivant à la demande
d’euthanasie.
En pratique, du fait du lien recréé par les équipes soignantes avec le
patient et sa famille, de la ré-humanisation du patient, il est plutôt rare
qu’une demande d’euthanasie soit formulée par un proche. L’organisation
familiale restante s’est structurée autour de la personne EVC-EPR qui en est
souvent devenue l’élément central. Il existe plus de demande en faveur de
prouesses techniques et médicales qui permettrait de la retrouver telle qu’elle était
avant l’accident. Les familles s’inscrivent plutôt dans une pulsion de vie
(recherche de progrès) que dans une pulsion de mort (demande
d’euthanasie).
Si cette demande est formulée, elle s’intègre souvent dans une souffrance liée au
deuil de la personne préexistante à l’accident. Et, le fait d’accompagner ces
proches dans leur « acceptation » de l’existant et de leur réaffirmer la vigilance de
l’équipe pour mettre en place tous les soins de confort nécessaires y compris
quand viendra le temps de la fin de vie, sans obstination déraisonnable, entraîne
en général la disparition de la demande.
Parfois, lors des entretiens avec les proches avant l’admission du patient en unité
EVC-EPR, le cadre de la loi relatives aux droits des malades en fin de vie et le
concept de non obstination déraisonnable (ou de « non acharnement ») peuvent
être repositionnés afin de redonner les bases de la prise en charge et parfois de
désamorcer une demande d’euthanasie sous-jacente dans le discours.
III – SOINS ET ARRÊTS DES SOINS
Comme nous avons pu le voir précédemment, chez ces patients une grande partie du soin n’est
pas technique mais relationnel. Il est tentant de nier la complexité de la relation
avec le patient qui garde des capacités relationnelles et de se réfugier dans des
protocoles de soins.
Les soins de support ont toute leur place dans les deux premières
phases de l’évolution de ces états. Mais s’agit-il de maintenir la vie ou de
repousser la mort ? La notion d’intention du soin permet de se repérer
entre les soins qui repoussent la mort et ceux qui préservent la vie.
Les personnes en état pauci-relationnel ne s’inscrivent pas dans une
démarche de soins palliatifs mais dans la prise en charge d’un handicap
au long cours avec un projet de vie confortable et de qualité centré sur les
relations sociales et l’interaction avec l’environnement du malade. Il s’agit avant
tout de réussir à mettre en place un projet de vie. Il va varier en fonction de
chaque patient selon ses capacités restantes, l’importance du lien social extérieur
et du lien avec ses proches, de ses goûts (avant l’accident mais parfois depuis
l’accident chez certains patients en EPR). Par exemple, cela peut être d’organiser
des permissions thérapeutiques pour les fêtes, les week-ends ou à terme un retour
-6-
dans un domicile aménagé ou bien encore une sortie culturelle ou sportive qui
s’intégrerait particulièrement dans les goûts du patient.
Les soins palliatifs sont spécifiques chez les patients en EVC/EPR avec une
bascule vers la fin de vie plus difficile à déterminer précisément du fait de
l’absence de points de repères. En effet, les patients peuvent présenter des
modifications symptomatologiques liées aux séquelles cérébrales, où ils peuvent
faire preuve d’une résistance hors du commun aux pathologies intercurrentes.
Ces personnes ont vécu tellement de choses difficiles, survécu à tellement
d’épisodes où le pronostic vital était engagé, qu’il est parfois difficile de définir s’il
s’agit de la dernière fois.
Ces situations posent très fréquemment la question de la limite entre vie
et survie.
Les conditions de maintien de leur vie assistée par des soins de support
interrogent le concept d’obstination déraisonnable tout en justifiant une
réflexion portant sur ce que serait dans de telles circonstances une obstination
raisonnable. De nombreux professionnels considèrent que les soins de nursing,
l’alimentation entérale, les traitements simples comme des antibiotiques per os ou
par voie parentérale sont licites. A contrario des thérapies lourdes telles que
chimiothérapie ou la dialyse sont considérées comme de l’acharnement
thérapeutique. Entre ces deux extrêmes des traitements peuvent être discutés au
cas par cas, comme par exemple une intervention chirurgicale neuro-orthopédique
dont l’objectif est un meilleur confort. La question d’un transfert, ou non, en
réanimation à l’occasion d’une complication vitale initiale est, soit exclue d’emblée,
soit discutée au cas par cas selon les équipes.
L’anticipation s’avère dans ces circonstances bien illusoire et précaire. Une
directive anticipée peut-elle garder sa pertinence alors que la gravité d’un EVC-EPR
est impensable a priori ? Comment anticiper certaines conditions de vie à venir ?
Les équipes soignantes doivent se concerter avec les proches pour déterminer les
limites qu’il leur paraîtrait abusif de dépasser en cas de complication grave. Et
c’est là que la loi du 22 avril 2005 et les décisions collégiales qui en découlent
prennent toute leur place. Les directives anticipées opposables contredisent
l’évolution des avis qui varient avec les fluctuations de l’état des malades.
L’état végétatif n’est pas la cause de la mort du patient, son origine se
trouve dans les complications de son état de santé. Parfois cela peut être un
choc septique d’origine pulmonaire ou urinaire à germe multi-résistant (infection
pulmonaire secondaire à une pneumopathie d’inhalation en rapport avec le
décubitus par exemple et donc en lien direct avec sa dépendance et sa fragilité).
D’autres causes pourront être à l’origine du décès mais auront la plupart du temps
un rapport avec leurs déficiences hormis les cas de patients développant un cancer
(cela peut devenir de plus en plus fréquent avec l’allongement de la durée de vie
de ces patients).
Dans l’hypothèse d’une légalisation de l’euthanasie, celle ci ne serait pas
applicable dans ces cas spécifiques, le patient n’étant pas en mesure de
s’exprimer. La loi relative aux droits des malades et à la fin de vie permet
actuellement de répondre aux situations complexes de patients non
dyscommunicants, rendant possible un arrêt de l’alimentation et de l’hydratation
après décision collégiale avec avis consultatif de l’entourage (personne de
confiance qui n’a que rarement été désignée du fait de la survenue brutale de
l’accident, tuteur).
-7-
L’euthanasie gomme la complexité de la relation de soins.
Si une loi légalise l’euthanasie en amont des structures EVC/EPR, c’est à dire en
phase aiguë, il est possible qu’il n’y ait plus de patient EVC voire EPR, cette
pratique médicale n’ayant plus lieu d’être.
À quoi bon mettre en place tout ceci, s’il est décidé par la loi que l’on peut décider
que « cette vie » en lien avec l’autre (même si ce lien est différent) ne mérite pas
d’être vécu et que cette personne « ne mérite » pas d’exister ? À quel moment
et à partir de quel niveau de handicap va-t-on décider que l’euthanasie est
préférable à la persistance de l’existence ?
Toute la prise en soin est basée sur la reconnaissance du patient en tant que sujet,
en tant que personne, sur la mise en place de soins de support et d’attentions qui
lui permettent de continuer à exprimer une interaction (qui lui est si particulière)
avec les autres et avec ses proches.
Quelle est la part de nos projections sur le vécu du handicap ou le coût de
celui-ci qui nous permette de décider de la fin de vie de ce patient alors
même qu’il n’est pas en mesure de l’exprimer formellement ?
Le regard de soignant ne changerait pas mais les pratiques, notamment médicales,
s’en trouveraient bouleversées et dirigées par une demande extérieure
d’euthanasie faite par les familles ou les équipes. Cette demande serait motivée
par un insupportable, par une absence de sens conféré à la vie et non par une
réalité médicale de complications aiguës, supportées par le patient, et n’ayant pour
but que de repousser la mort.
Quelle confiance auront envers les équipes soignantes les proches de ce
patient, alors même qu’elles pourraient disposer du pouvoir légal
d’abréger sa vie ? Parviendront-ils encore à le réinvestir après l’accident quelles
que soient ses déficiences, et à le maintenir au sein du noyau social et/ou familial
s’il a été décidé par la loi et par la société que sa vie est insupportable, voire
indigne d’être vécue ?
CONTRIBUTEURS
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Béatrice ALBINET-FOURNOT, médecin, clinique Korian - Canal de l’Ourcq
Paris
Anne-Claire DE CROUY, médecin MPR, Service de médecine physique et
rééducation, CMPA-FSEF, Neufmoutiers en Brie
Edgar DURAND, interne de santé publique, Espace éthique /AP-HP
Hélène GODARD, psychologue clinicienne, Unité EVC/EPR, clinique Korian Canal de l’Ourcq, Paris, EMSP Jeanne Garnier, détachée sur le groupe
hospitalier Paris Saint-Joseph
Nicolas GEGOUT, psychologue clinicien, Unité EVC/EPR, clinique Korian Canal de l’Ourcq, Paris, EMSP Jeanne Garnier, détachée sur le groupe
hospitalier Paris Saint-Joseph
Emmanuel HIRSCH, directeur de l’Espace éthique/AP-HP
Catherine KIEFER, Unité EVC/EPR, Hôpital Nord 92, Villeneuve la Garenne
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Marie-Françoise LAPLANTE, médecin, clinique Korian - Canal de l’Ourcq,
EMA et douleur chronique, Centre Hospitalier d’Argenteuil
Jean-Jacques WEISS, médecin, directeur du Centre Ressources Francilien
du Traumatisme Crânien
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