Une cause exceptionnelle de dyspnée: le diverticule géant de l’oreillette droite fissuré dans la plèvre M. Fikri, M. Snaiki, A. Maroudi, S. Bouklata, FZ. Gueddari, F. Imani Service de Radiologie Centrale. Hôpital Avicenne. Rabat. Maroc. INTRODUCTION Le diverticule de l’oreillette droite (OD) est une anomalie extrêmement rare. Il est défini comme une structure sacculaire, ayant pour origine la paroi auriculaire libre, avec une taille variable souvent importante, communiquant avec l’OD par un large collet (1, 2). OBSERVATION Patiente âgée de 28 ans, sans antécédents pathologiques notables L’histoire de la maladie remonte à 2 mois par l’installation d’une dyspnée stade II, d’aggravation progressive. Il s’y associe des épigastralgies avec épisodes de lipothymie. La radiographie thoracique montre : – Une cardiomégalie, avec débord droit. – Un épanchement pleural homolatéral. OBSERVATION Le scanner thoracique réalisé avant et après injection de produit de contraste met en évidence : – Une importante ectasie de l’oreillette droite avec présence d’une formation arrondie adjacente dont le rehaussement est synchrone de celleci. – Des petits thrombi dans l’OD, sous forme de formations hypodense, pariétales non rehaussées après contraste. – Un épanchement pleural de grande abondance, spontanément hyperdense. – Sur les coupes basses : un trouble de perfusion hépatique avec un aspect en motte rappelant celui d’un Budd-Chiari. OBSERVATION L’échocardiographie transthoracique : – Confirme la dilatation de l’OD – Met en évidence une poche liquidienne communiquant avec l’OD à travers un pertuis. – Le doppler couleur montre le remplissage de la poche travers ce pertuis. OBSERVATION Une IRM est réalisée afin d’établir un bilan préopératoire précis. Elle montre : – Une déviation cardiomédiastinale vers la gauche en rapport avec une énorme OD qui présente un aspect anévrysmal avec une thrombose périphérique au niveau de sa partie supérieure. – Une large communication entre l’OD et une poche extrapéricardique, entourée d’une coque d’hémosidérine, mesurant a travers deux pertuis : un supérolatéral droit et un 2ème plus large et plus bas situé. – Un épanchement pleural hémorragique, communicant avec cette poche par un pertuis postéro inférieur de 11 mm. DIAGNOSTIC Le diagnostic évoqué est celui de diverticule de l’OD, fissuré dans la plèvre. Notre patiente a été proposée pour un geste chirurgical vu l’aggravation récente de sa dyspnée et la constatation de la fissuration dans la plèvre. Malheureusement, elle décède en peropératoire dans un état de choc incontrôlable. L’étude anatomopathologique de la pièce opératoire confirme le diagnostic de diverticule auriculaire. DISCUSSION Les malformations auriculaires sont très rares, seuls 105 cas ont été rapportés dans la littérature (1). La différence entre anévrysme et diverticule auriculaires est controversée (3), mais il semble que le diverticule et l’anévrysme soient deux entités distinctes (4). – Un anévrysme est défini par une dilatation de l’OD atteignant toutes les couches de la paroi auriculaire. – Le diverticule correspond à une hernie de la paroi auriculaire à travers des éléments fibromusculaires étirés avec un pertuis faisant communiquer la poche diverticulaire et l’OD (4). Les diverticules auriculaires sont extrêmement rares avec 13 cas recensés dans la littérature (1). Ils sont d’origine inconnue, congénitale ou acquise (3, 5, 6) et peuvent être diagnostiqués à tout moment entre la vie fœtale et adulte (6). Des cas ont été diagnostiqués in utéro et d’autres familiaux ont été rapportés (5). DISCUSSION L’âge des patients varie entre 32 semaines et 75 ans (5). La plupart des patients est asymptomatique (48 %) (1, 4, 5, 7), d’autres présentent une arythmie, des palpitations, douleur thoracique et fatigue (5, 8). Mais, le risque majeur est celui de développement de thrombus au niveau de l’OD, qui prédispose aux accidents thromboemboliques, comme un AVC ou une embolie pulmonaire (5, 9). La taille du diverticule augmente avec l’âge, avec parfois des diverticules géants au moment du diagnostic, ce qui augmente le risque de fibrillation auriculaire ainsi que de formation de thrombus (8). Parfois il peut être responsable de signes compressifs des cavités cardiaques, ayant pour conséquence un dysfonctionnement cardiaque (1, 8). On peut observer des signes d’engorgement jugulaire, œdème des membres inférieurs et une hépatomégalie. Dans notre cas la patiente présentait une dyspnée d’aggravation progressive, probablement en rapport avec la fissuration du diverticule auriculaire dans la plèvre, complication qui n’a jamais été rapportée dans la littérature. DISCUSSION L’association à d’autres anomalies cardiaques congénitales à type de défect du septum inter auriculaire, du septum inter ventriculaire et un diverticule du sinus coronaire n’est pas rare (6). Sur le plan anatomoapthologique, le diverticule présente une paroi amincie siège d’une dégénérescence lipomateuse avec raréfaction des éléments musculaires (1). La radiographie thoracique montre une cardiomégalie avec dilatation de l’OD (7, 8). Cette cardiomégalie n’est pas spécifique et peut traduire un épanchement péricardique, un kyste péricardique, ou bien une masse tumorale (5). Dans notre cas, la cardiomégalie est associée à un épanchement pleural droit. DISCUSSION Actuellement, le diagnostic repose sur les progrès de l’imagerie basée sur l’échocardiographie, l’échographie anténatale, le scanner ainsi que l’IRM cardiaques (1). L’échocardiographie trans-thoracique est un examen de choix, non irradiant et inoffensif (7). Elle montre une masse liquidienne accolée à la paroi auriculaire, couplée au doppler couleur, elle confirme la présence d’un flux sanguin entre l’OD et le diverticule, montre le pertuis et la présence d’éventuels thrombi (10), comme objectivé dans notre cas. L’échocardiographie trans-oesophagienne est plus invasive et comporte un risque de rupture et d’embolie (10). DISCUSSION L’IRM confirme le diagnostic en montrant l’anévrysme, précise sa taille et celle de son collet ainsi que l’existence d’un éventuel thrombus (8). Elle permet d’étudier les rapports lésionnels avec les structures vasculaires adjacentes (10), ainsi que sa dynamique circulatoire grâce au mode ciné. Dans notre observation, l’IRM a été d’un grand apport en montrant les différents pertuis faisant communiquer le diverticule avec l’OD ainsi que la communication avec la plèvre, qui ont été retrouvés en peropératoire. Le scanner a été réalisé dans un contexte d’urgence dans notre cas. Il permet la recherche d’une rupture ou d’une fissuration bien qu’elles n’aient jamais été rapportées auparavant. En plus, il permet le suivi évolutif des patients traités (3). DISCUSSION Le cathétérisme cardiaque devrait être réservé aux cas ayant des anomalies associées, avec une échocardiographie et une IRM non concluantes (10). L’angiographie confirme le diagnostic en mettant en évidence l’opacification du diverticule (10). Mais celle-ci n’est pas dénuée de risques, elle peut entraîner la mobilisation d’un thrombus et être responsable d’une embolie ou être à l’origine d’une tachyarythmie. L’amélioration du pronostic passe par un diagnostic rapide avec prise en charge la plus précoce possible (8). DISCUSSION Quand il est secondaire à une autre pathologie, le traitement de celle-ci devrait être envisagé avant la cure du diverticule. Cependant quand il est congénital, le seul traitement est la résection chirurgicale (8). La résection endoscopique a été proposée afin de minimiser les risques d’une intervention classique (8). Chez les patients asymptomatiques, le traitement est controversé, avec une approche chirurgicale pour certains et non pour d’autres. En raison du risque embolique élevé ainsi que de survenue des arythmie, certains auteurs recommandent l’atrioplastie (5). Dans notre cas, l’indication opératoire a été posée devant la fissuration pleurale ayant révélé son diverticule cardiaque. CONCLUSION Le diverticule de l’oreille droite est une entité extrêmement rare. Son diagnostic est aisé grâce aux techniques d’imagerie moderne devenant de moins en moins invasive. En effet l’échocardiographie transthoracique et l’IRM représentent les méthodes de choix dans l’exploration de cette pathologie congénitale inhabituelle. Un diagnostic précoce doit être établi afin de proposer une attitude thérapeutique adaptée. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. Binder TM, Rosenhek R, Frank H, Gwechenberger M, Maurer G, Baumgartner H. Congenital malformations of the right atrium and the coronary sinus: an analysis based on 103 cases reported in the literature and two additional cases. Chest. 2000 Jun;117(6):1740-8. Gengsakul A, Sett SS, Hosking MC. Congenital right atrial diverticulum, atrial septal defect within the oval fossa, and complex pulmonary valvar obstruction in an infant with chromosome 8(p23.1) deletion. Cardiol Young. 2005 Jun;15(3):306-8. Terada H, Tanaka Y, Kashima K, Sannou K, Arima T. Left atrial diverticulum associated with severe mitral regurgitation. Jpn Circ J. 2000 Jun;64(6):474-6. Kobza R, Oechslin E, Pretre R, Kurz DJ, Jenni R. 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