Littérature 701 Corrigé des questions de lecture (17/09/10) 1 – Résumez le propos de la pièce. Dans Fin de partie, Samuel Beckett confronte deux personnages principaux et deux personnages secondaires, dans un espace clos impossible à identifier. Ces deux personnages, Hamm et Clov, attendent la « fin », sa propre mort pour Hamm et celle de l’autre pour Clov. Ce dernier, quant à lui, attend de pouvoir partir. Nagg et Nell, les deux autres personnages, vivent leur propre fin dans des poubelles. Ainsi, dans cet univers hors du temps, l’existence qu’ils mènent (subissent) est répétitive et dénuée de sens, comme un miroir de notre douloureuse condition humaine. Enfin, sous le signe de la souffrance et de la tyrannie, l’action (ou l’anti-action) réside essentiellement dans l’attente ponctuée par une variation de « divertissements », la parole étant vaine, le langage ne parvenant plus à signifier. 2 – Le texte de Fin de partie explique-t-il le titre de la pièce ? Effectivement, de nombreux liens sont possibles entre le texte et le titre : - - La « Fin » : Il s’agit du thème obsessionnel pour les personnages, mais est-il question de la mort ou de la fin de la représentation ? De la mort attendue par Hamm mais également de la fin de la pièce, concernant sa dimension ouvertement métathéâtrale. La « partie » : Est-ce un jeu ou une métaphore de l’existence ? Il s’agit effectivement d’un jeu (Endgame / géométrie des déplacements de Clov dans l’espace / dimension métathéâtrale précédemment évoquée), mais aussi de l’existence : Hamm attend la fin de sa « partie » en quelque sorte. Cette partie, comme jeu, est également illustrée par la confrontation (duel) entre les deux personnages qui jouent une partie… 3 – Que pensez-vous de la composition de la pièce ? Propose-t-elle une structure ? Fin de partie révèle tout d’abord une absence de composition traditionnelle (pas de découpage en actes et scènes). La représentation devient un moment saisi dans l’existence des personnages (effet de réalisme), un déroulement de mots et d’action hors du temps ou hors d’un temps qui serait borné. L’absence de composition est une façon de nier le temps et l’action, ainsi ne reste que l’homme vidé de ses repères, de ses signification, en proie à la souffrance. Néanmoins, à cette absence de composition traditionnelle se substitue un rythme de la pièce constitué d’épisodes déterminés par les désirs des personnages, notamment de Hamm. On peut ainsi parler d’une pièce composée à partir du procédé de la répétition et de la variation, au même titre qu’une « pièce musicale ». 4 – L’action est-liée à une chronologie particulière ? Non, l’action n’apparaît pas comme inscrite dans une chronologie particulière. Tout d’abord, il est difficile, impossible même, de dater l’action de la pièce. Ensuite, même si l’on peut y voir le déroulement d’une journée, rien ne permet de dire vraiment, au début de la pièce, que nous sommes le matin. Par la suite, l’heure étant abolie, « Zéro », comment envisager un découpage chronologique de l’action ? Ainsi, l’action se déroule avant tout dans l’espace, hors du temps. On peut alors se demander s’il s’agit d’un espace mental ? Littérature 701 5 – Quels sont les éléments du décor qui caractérisent le lieu de la pièce ? En quoi sontils symboliques ? Comme pour la question du temps et de l’action, la question du lieu reste difficile à résoudre. Ainsi, les éléments du décor ne permettent pas aux spectateurs d’identifier un lieu réel mais sont là, présents, avec leur valeur de signes, au même titre que les autres éléments de la mise en scène. Les murs : (enfermement/espace mental – intériorité/folie/souffrance/exil…) Les fenêtres : (opposition intériorité et extériorité/évasion au sens propre et au sens figuré/hors-scène pour le spectateur/isolement/lumière/vie…) Les poubelles : (vieillesse/dégradation/pourissement/souffrance/mort/ rabaissement…) Le tableau retourné : (absence d’espoir/la clôture/l’impossiblité de toute représentation…) La porte de la cuisine : (le refuge/hors-scène pour le spectateur/le départ impossible…) 6 – Quelles sont les couleurs ambiantes le plus souvent évoquées dans la pièce ? Le noir, le blanc et le gris sont les couleurs dominantes dans Fin de partie. Là encore, nous pouvons dire que le choix de ces couleurs pour la mise en scène s’oppose à la mimesis aristotélicienne. Beckett ne cherche pas à reproduire les couleurs naturelles du monde mais à créer un univers dont les couleurs seront avant tout liées aux affects, à l’imaginaire. Le gris, situé entre le blanc et le noir est la représentation d’une vie agonisante placée entre la pureté de la naissance (le blanc) et le néant de la mort (le noir). Le gris peut ainsi apparaître comme la traduction de l’univers mental des personnages. Notons également que le gris est la couleur du cerveau. 7 – Quelles relations unissent les personnages de la pièce ? Les quatre personnages ont entre eux des liens de famille mais ces liens s’avèrent avant tout la source de conflits et de relations qui confinent parfois au sadisme moral. HAMM (outré).-je ne t’ai pas trop fait souffrir. (un temps.) N’est-ce pas ? CLOV. – Si. HAMM (soulagé). – Ah ! Quand même ! Toute relation affective étant absence, malgré quelques moments nostalgiques rares, ces liens entre Hamm et Clov (fils adoptif du précédent) se réduisent à un rapport de force et à des agressions permanentes. Hamm, par exemple, agresse ses parents pour des raisons plus symboliques que psychologiques, « Maudit progéniteur ! (21)(…) Maudit fornicateur ! » (22). La communication avec autrui ne peut ainsi guère trouver de place dans le discours familial. 8 – Quelles sont les infirmités ou déficiences dont souffrent les personnages ? Quels objets utilisent-ils pour pallier ces déficiences ? Cette représentation du corps souffrant est caractéristique de l’ensemble de l’œuvre de Beckett (comme Clov, Molloy ne peut pas s’asseoir). Ainsi, tous les personnages ont perdu Littérature 701 leur mobilité et Hamm est aveugle. Cette cécité de Hamm confirme en quelque sorte « l’aveuglement » de son entendement. Celui-ci d’ailleurs, pour pallier à cette infirmité, tente laborieusement de se construire un imaginaire avec son « roman ». Le fauteuil à roulette : (instrument qui devient toutefois impuissant sans l’intervention de Clov) La gaffe : (dimension comique/absurde – symbole de royauté – lien avec Charon le passeur) L’escabeau : (accès aux fenêtres - participe à l’écriture de l’espace : verticalité) La lunette : (évasion vers l’extérieur – instrument d’un théâtre imaginaire) L’objet devenant un dédoublement du corps, il acquiert par là même une importante fonction symbolique (cf. cours : Les objets dans Fin de partie). 9 – Quels aliments les personnages consomment-ils (ou souhaitent-ils consommer) ? Que représentent-ils ? Biscuits, bouillie, dragées, rahat-loukoum, pâte à guimauve… les aliments évoqués dans Fin de partie font défaut et sont des confiseries ou des aliments de la petite enfance. Comme les objet, la question de la nourriture est liée à l’image d’un corps souffrant. En effet, c’est Nagg qui réclame le plus souvent de la nourriture qui lui est refusée par Hamm, évoquant ainsi l’inéluctable régression d’un père et l’inversion des données chronologqiues de l’existence. Beckett montre Hamm bannissant de son esprit toute image de la puissance paternelle. Notons également que ces aliments évoquent la pénurie ou la survie dans cette atmosphère générale de fin du monde. Ce défaut ou ce manque est également suggéré par le hors-scène et cette cuisine où Clov se réfugie sans que jamais la fonction première de ce lieu ne soit évoquée. De même, le « buffet » dont Hamm détient la « combinaison » représente-t-il l’impossibilité pour les personnages d’accéder à la nourriture. 10 – En quoi la pièce de Beckett peut-elle paraître dérangeante ou provocante ? En son temps, la pièce a pu déranger du fait de son ignorance et de son renversement même des règles du théâtre classique et traditionnel. Aujourd’hui, l’évolution de l’art dramatique a habitué les spectateurs à de tels bouleversements. En revanche, les propos virulents contre les liens familiaux, la religion et les valeurs philosophiques traditionnelles peuvent encore apparaître comme de véritables provocations. Parcequ’il incarne le principe honni de la reproduction Nagg inspire à Hamm le rejet absolu : « Salopard, pourquoi m’as-tu fait ? » (67). Beckett montre qu’un père ou une mère son dans tous les sens du terme, des formes d’abjections. D’autre part, la pièce signifie également l’absence de dieu, « Le salaud ! Il n’existe pas ! » (74). Enfin, la pièce prend le contre-pied des valeurs humanistes occidentales. L’Homme de Fin de partie n’est pas un héritier des Lumières, confiant dans la raison et le progrès.